Comment définir les limites de la prise en charge des grands

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Dossier
Comment définir les limites
de la prise en charge
des grands prématurés ?
Umberto Simeoni
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017.
Université de la Méditerranée, Marseille ; Service de médecine néonatale, Assistance
publique-hôpitaux de Marseille, Hôpital de la Conception, 147 boulevard Baille,
13385 Marseille
<[email protected]>
Le développement de la réanimation néonatale et de la médecine périnatale s’est
accompagné, dès ses débuts, de la conscience de la nécessité de respecter une
limite raisonnable pour chaque patient, et d’éviter l’excès thérapeutique, en particulier dans le domaine de l’extrême prématurité. À l’approche des limites de
viabilité, un contexte clinique mais aussi symbolique bien particulier explique le
questionnement récurrent quant à un chiffre, âge gestationnel ou poids de naissance, qui permettrait de définir de façon quasi normative un seuil universel à
ne pas dépasser. Les approches statistiques, fondées sur les résultats des études
épidémiologiques récurrentes portant sur le suivi à long terme des enfants prématurés, ne permettent pas, à elles seules, de justifier une limite particulière, mais
éclairent un choix qui doit rester individualisé. L’âge gestationnel seul ne peut plus
être considéré comme un critère pronostique suffisant, à l’intérieur de la zone
grise de questionnement. Un ensemble de critères décisionnels, particulièrement
importants à prendre en compte en période prénatale en raison de la difficulté
majeure de prises de décision, qui peuvent déboucher sur une prématurité médicalement induite, permet de rapprocher au mieux l’intérêt de l’enfant, le projet des
parents, ainsi que les convictions des professionnels. La décision finale reste
d’ordre éthique et, hormis les spécificités de la période périnatale, dans un processus qui ne se distingue pas fondamentalement des autres situations médicales,
à d’autres âges de la vie. Dans le champ de l’éthique médicale, l’extrême prématurité est un cas de figure particulièrement significatif qui, non seulement illustre la
complexité des dilemmes médicaux vis-à-vis de l’abstention ou du retrait thérapeutique, mais également teste la plupart des principes et valeurs sous-tendant
l’éthique médicale dans les différentes cultures.
Mots clés : abstention thérapeutique, éthique, extrême, limites, prématurité, viabilité
doi: 10.1684/mtp.2009.0264
L
mtp
Tirés à part : U. Simeoni
a réanimation néonatale et la
médecine périnatale sont des disciplines relativement jeunes. Leurs
progrès se sont néanmoins accompagnés, dès leurs débuts, de la prise de
conscience, des professionnels de
santé mais aussi du public, de la
nécessité de fixer des limites thérapeutiques. Cette prise de conscience
traduit en particulier, et de façon
mt pédiatrie, vol. 12, n° 6, novembre-décembre 2009
aisément compréhensible, la crainte
que la survie d’un nombre croissant
d’enfants prématurés, de poids de
naissance extrêmement faible, ne
s’accompagne d’une augmentation
équivalente de l’incidence des handicaps à long terme, et ne pose de difficiles problèmes, à l’échelle des
enfants concernés comme de la
société.
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Épidémiologie
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Les solides études épidémiologiques désormais disponibles dans différents pays ont permis de caractériser,
à l’échelle d’une population, l’incidence et le niveau de
sévérité des complications à moyen et long termes de la
prématurité, et de montrer qu’elles sont globalement
corrélées au degré d’immaturité à la naissance. Ces études, bien que n’ayant pas été conçues avec cet objectif,
sont à la base d’un débat concernant le risque lié à la
progression vers des âges gestationnels (AG) toujours
plus faibles observée il y a quelques années ; un débat
au sein des professionnels, parfois de l’opinion publique
et des médias, réactivé à chaque nouveau progrès des
connaissances.
Dans le domaine de l’extrême prématurité, la crainte
d’aboutir à des excès thérapeutiques, désormais définis
dans la loi française comme une obstination déraisonnable, s’est souvent exprimée par la quête de la « limite
de viabilité ». La réponse à cette question proprement dite
est en fait connue. En effet, il apparaît clairement qu’elle
se situe à l’AG de 22 semaines d’aménorrhée (SA),
aucune survie durable n’ayant été documentée en pratique depuis de nombreuses années en dessous de cette
durée de grossesse. Cette limite correspond d’ailleurs à
l’AG retenu par l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) pour sa propre définition de la viabilité. Le souci
provenant autant, si ce n’est davantage, du risque de morbidité à long terme que de la mortalité, c’est en fait la
définition d’une limite, acceptable, à l’intervention médicale curative – nécessairement en amont de la limite
connue de viabilité, et qui cédera la place à des soins
palliatifs – qui est recherchée par les professionnels. Il est
remarquable que, si le souci d’éviter l’excès thérapeutique se retrouve dans de nombreuses spécialités médicales, il a été souvent exprimé sous une forme radicale,
volontiers normative dans le domaine de l’extrême prématurité, ce qui témoigne probablement de l’émotion suscitée par ce domaine emblématique. C’est à propos de
l’extrême prématurité que de nombreux acteurs ont ainsi
exprimé non seulement la demande impérative que des
limites thérapeutiques soient respectées, mais également
qu’elles soient définies sur des patients pris dans leur
ensemble, sur la base simple d’un critère d’AG ou de
poids de naissance.
Il apparaît clairement, au vu des connaissances épidémiologiques et médico-économiques actuellement disponibles, que le questionnement soulevé par l’extrême
prématurité ne se pose pas dans ces termes. Les soins
nécessités par ces enfants sont désormais moins souvent
des soins critiques. Il est par ailleurs démontré que l’âge
gestationnel seul n’est pas un bon facteur pronostique [1].
Le maintien de l’interdit de l’euthanasie et l’évolution des
lois en France, en particulier l’adoption de la loi du
22 avril 2005 sur les droits du malade et la fin de vie,
ont également modifié la façon dont les réponses à la
question ont pu être envisagées. Enfin, il apparaît que la
majorité des problèmes posés par la prématurité à une
société, sans sous-estimer l’impact individuel et familial,
est liée à la prématurité modérée, alors que le nombre de
naissances à un terme extrêmement précoce demeure très
faible, comme cela a été montré en Suède [2], mettant en
exergue l’aspect symbolique de la question.
Il reste cependant essentiel que les questionnements
autour de l’extrême prématurité soient approfondis et
bien compris de tous, pour au moins trois raisons :
– la difficulté majeure des situations où la prise de
décision doit intervenir en période prénatale, en particulier les indications d’une naissance extrêmement prématurée induite pour une raison médicale fœtale telle
qu’une restriction de croissance intra-utérine ;
– l’impératif d’une information de qualité offerte aux
parents ou futurs parents, qui se situent au premier plan de
toutes les étapes du cheminement pré- et postnatal ;
– la nécessité, pour la collectivité, de pouvoir positionner l’allocation des ressources nécessaires au suivi et
à la prise en charge prolongée des enfants à risque, en
particulier en cas de handicap.
L’extrême prématurité est un cas de figure particulièrement significatif qui, non seulement illustre la complexité
des dilemmes médicaux d’abstention ou de retrait thérapeutique, mais teste également la plupart des principes et
valeurs sous-tendant l’éthique médicale dans les différentes cultures.
Contexte particulier
de l’extrême prématurité
L’extrême prématurité présente des caractéristiques
cliniques, mais également symboliques rendant la recherche d’une solution, en cas de dilemme éthique, plus
complexe qu’à d’autres âges de la vie.
Les caractéristiques cliniques
La limitation des thérapeutiques, qu’elle soit liée à la
faible probabilité de survie de l’enfant ou au souhait
d’éviter une survie marquée de complications durables
d’une sévérité inacceptable, s’entend comme une limitation ou un retrait des soins intensifs et de réanimation.
Une première caractéristique des naissances prématurées
est que la pathologie rencontrée, en particulier au moment où le pronostic peut être mieux approché, requiert de
moins en moins souvent de soins de réanimation à la naissance, grâce notamment :
– aux progrès réalisés dans la prise en charge des
grossesses à risque ;
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– à la régionalisation de l’offre de soins périnatals ;
– aux possibilités de prévention par la corticothérapie
anténatale administrée pour accélérer la maturation du
fœtus.
Les complications de la prématurité, qui touchent les
différents appareils (respiratoire, neurologique, circulatoire, digestif notamment) tendent à survenir de façon
progressive, séquentielle. Le franchissement thérapeutique d’un obstacle après l’autre comporte le risque de
mener subrepticement à une escalade thérapeutique,
dont le caractère déraisonnable peut n’apparaître malheureusement qu’a posteriori, à un moment où les choix
d’abstention ou de limitation thérapeutique sont rendus
plus difficiles compte tenu du temps écoulé et de l’autonomie des fonctions vitales du patient.
Les complications neurologiques de la grande prématurité se développent au cours des premières semaines
de vie, le plus souvent de façon asymptomatique, et se
révèlent lors des examens systématiques d’échographie
cérébrale réalisés de principe, alors que l’état clinique
du patient, y compris sur le plan neurologique, est préservé. La prise d’une décision d’interruption thérapeutique est de ce fait bien plus difficile en l’absence de
signes cliniques, et alors que le pronostic ne peut être établi que sur l’imagerie en résonance magnétique nucléaire.
Si celle-ci est suffisamment informative dans un certain
nombre de cas pour emporter la conviction d’un mauvais
pronostic à long terme, elle n’est malheureusement que
d’une valeur limitée dans les formes de sévérité moyenne,
qui sont fréquentes. De plus, la complexité de la prise de
décision est accentuée par la conscience de l’enfant, qui
est souvent préservée, alors que des dommages cérébraux
de gravité comparable entraîneraient un coma profond à
tout autre âge de la vie.
Les particularités du contexte psychologique entourant la naissance ont été soulignées depuis des décennies
par la psychologie et la psychiatrie périnatales. La mère,
les parents de l’enfant, qui sont les interlocuteurs des
équipes soignantes et ses représentants, sont ainsi le plus
souvent dans une situation émotionnelle intense, propre à
la naissance, au projet d’enfant, à la symbolique de la
parentalité. La naissance s’accompagne d’une évolution
relationnelle s’exprimant dans les interactions de la mère
et des parents avec l’enfant, comme avec les soignants.
Les conséquences d’une altération précoce des interactions relationnelles à cette période critique peuvent
être graves et durables. Ces facteurs se trouvent amplifiés
en cas de naissance extrêmement prématurée. La place
symbolique qu’occupe le nouveau-né dans le conscient
et l’inconscient de la famille qui l’accueille, et qui sera
son représentant et l’interlocuteur dans les situations de
dilemme, est variable, mais nécessite toujours une prise
en compte spécifique.
La particularité symbolique
Cette particularité est liée à la place subjective qu’a
toujours occupée l’enfant nouveau-né dans la famille
humaine, en tant que personne. L’autonomie de décision
du nouveau-né est évidemment réduite, comme l’est celle
de tout sujet non en mesure d’exprimer sa propre volonté,
et est considérée comme représentée naturellement par
celle de ses parents [3], dans les limites d’éventuels
conflits d’intérêt. Mais, si l’enfant nouveau-né, même prématuré et de poids de naissance extrêmement faible, est
une personne et dispose donc d’un statut de patient à part
entière, force est de constater à travers le vécu des situations réelles, que la perception de son statut de personne
et de son degré d’autonomie n’est socialement pas comparable à celle que susciterait un enfant plus âgé, ne
serait-ce que de quelques mois, ou un adulte. L’éventualité de la mort d’un nouveau-né, en particulier s’il est né à
proximité de la limite de viabilité, pour inacceptable
qu’elle soit, en particulier pour sa mère, peut néanmoins
être perçue comme d’une portée différente de celle d’un
patient qui serait au-delà de la période néonatale, en particulier dans les situations où des limitations ou interruptions thérapeutiques sont discutées.
Il est possible que la proximité du seuil symbolique de
la naissance, temps initial de la vie au sens commun, atténue inconsciemment le poids d’une décision d’abstention
thérapeutique. L’immaturité de l’enfant nouveau-né
contribue peut-être à ce type de sentiment. Le caractère
immature des traits du visage, l’expression relationnelle
encore réduite font de l’enfant nouveau-né, a fortiori s’il
est né prématurément (il est dénommé nouveau-né ou
prématuré, plus souvent qu’enfant), un sujet en transition
seulement vers la vie. Les limites connues de l’état de
conscience d’un nouveau-né, en termes relationnels,
mais également la mémoire que chacun a de cette
période de sa vie, la fragilité et la vulnérabilité propres à
cet âge sont également susceptibles d’expliquer une telle
perception. Enfin, c’est dans le domaine de la prématurité
que des choix de limitation thérapeutique de portée collective, déterminés sur un seul critère, sont envisagés avec
une légitimité perçue que l’on ne retrouve pas aux autres
âges de la vie.
Une autre particularité est liée à la proximité et à la
continuité apparente avec la période fœtale. Nombre de
situations de dilemme émergent en période prénatale.
Le développement de la médecine fœtale montre que le
fœtus est bien considéré comme un patient. Il ne possède
cependant pas le statut juridique d’une personne, sauf en
cas de naissance, même extrêmement prématurée.
Ce n’est qu’en période néonatale que l’enfant, du moins
lorsqu’il est né vivant et déclaré viable (à partir de
22 semaines d’aménorrhée et d’un poids de naissance
minimum de 500 g, selon les normes de l’OMS) acquiert
un statut juridique de personne, et est inscrit à l’état civil.
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Il est d’ailleurs possible dans certains pays, en France
notamment, de pratiquer une interruption volontaire de
grossesse pour raisons médicales, exceptionnelles,
jusqu’à proximité immédiate du terme, c’est-à-dire à une
date où l’enfant est viable, imposant un fœticide. Une
telle attitude dans les minutes suivant la naissance serait
qualifiée d’homicide. Contrastant avec cette discontinuité, introduite par les codes moraux et par le droit,
et donc par une volonté et une culture collectives, la
continuité entre la condition néonatale et la période
fœtale est évidente tant pour la mère qui a porté l’enfant,
a perçu ses mouvements, l’a observé par l’intermédiaire
d’échographies, que pour les professionnels de santé.
Les prises de décision collégiales dans le domaine de la
médecine périnatale s’adressent en effet au fœtus considéré comme enfant, pour le moins en devenir, et l’anticipation des mesures de réanimation nécessaires, qui est
possible dans 90 % des cas avant la naissance, contribue
à rendre floue la distinction entre fœtus et nouveau-né. En
France, les fœtus avant la période de viabilité peuvent
désormais être inscrits à l’État civil par les arrêts du
6 février 2008 de la Cour de cassation.
Solutions possibles
Les solutions résident en deux approches : une approche statistique et une approche individualisée.
L’approche statistique : intérêt et limites
Épidémiologie
Un premier type de tentative de réponse aux questionnements concernant les attitudes médicales à adopter
autour des limites de viabilité, logique, a porté les professionnels de santé à se tourner vers les résultats des études
épidémiologiques réalisées dans le but de décrire le devenir
des enfants nés prématurément, et vers la stratification en
fonction de l’AG ou du poids de naissance suivant laquelle
les résultats de ces études sont habituellement présentés.
Des informations de qualité ont pu être apportées sur le
devenir des enfants prématurés, avec un recul croissant,
au cours des dernières décennies, tant par des études épidémiologiques larges et robustes, en population [4-6], en
Europe ou outre-Atlantique, que par des études au sein de
centres périnatals spécialisés particuliers [7]. Si ces études
n’ont pas été dessinées pour tester l’hypothèse qu’un AG ou
un poids de naissance-seuil permettent de définir la limite
de l’intervention médicale curative, mais plutôt afin d’améliorer l’information donnée aux parents et aux pouvoirs
publics chargés d’organiser la santé publique, l’attention
s’est portée vers ces chiffres avec l’espoir qu’ils mettent en
évidence la limite de maturité au-dessous de laquelle il
n’est pas possible de réanimer. Le seuil a été d’abord
recherché sur le critère de mortalité, puis sur les indicateurs
de morbidité à long terme, avec un recul croissant. Cette
approche s’est vue légitimée par la qualité croissante des
études épidémiologiques réalisées à grande échelle, quasi
simultanément dans différents pays industrialisés.
Limites
Un exemple des propres limites de l’approche statistique peut être retrouvé dans le débat qui a concerné
l’extrême prématurité en France au cours de la dernière
décennie. Des recommandations de la Fédération nationale des pédiatres néonatologistes (FNPN) ont été publiées
en 2001, après une consultation professionnelle nationale.
Elles établissaient, de façon consensuelle et conformément
aux directives de l’Unicef, le droit de tout enfant, fut-il
né extrêmement prématuré, de disposer d’un statut de
personne et de patient à part entière, et d’accéder a priori
aux soins, voire à une « réanimation d’attente », quitte
à ce qu’ils soient interrompus ou limités dans des cas
précis, lorsque le pronostic s’avère trop sévère pour justifier
une attitude thérapeutique active [8, 9].
La publication, en 2005, de l’étude en population
Epicure, réalisée au Royaume-Uni et en Irlande [4] et
portant sur le devenir à court et moyen termes des enfants
nés autour de la limite de viabilité (cette étude a inclus
toutes les naissances, vivantes ou non, entre 22 et
25 SA), a fait état de résultats particulièrement défavorables, mais dont la signification et l’applicabilité à d’autres
contextes sont diversement appréciés. En particulier,
le devenir des fonctions cognitives des enfants à l’âge
de 5 ans montre des valeurs nettement inférieures
aux témoins (figure 1). Les auteurs n’ont fait état que de
l’intérêt que représentent ces données pour l’information
150
140
130
120
110
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles
n = 7 n = 7 n = 37 n = 36 n = 78 n = 66 n = 71 n = 89
<23
24
25
Groupe
semaines
semaines
semaines
comparatif
Âge gestationnel (semaines complètes)
Figure 1. Évaluation des fonctions cognitives à l’âge de 6 ans des
enfants de la cohorte Epicure et des témoins [4].
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des parents et les besoins d’assistance de ces enfants, sans
évoquer d’implications éthiques. Toutefois, après sa
publication, le principe d’une abstention de prise en
charge des grossesses à risque et des enfants en dessous
de 25 SA révolues (AG qui ne correspond en fait qu’à
la limite supérieure d’inclusion dans l’étude Epicure) a
été adopté dans différents centres et réseaux de périnatalité, y compris en ce qui concerne les transferts
maternels anténataux et les indications de corticothérapie
anténatale à visée maturative. Un rapport de l’Académie
de médecine a adopté une position comparable.
La période de débat qui a suivi, ainsi que l’évolution
juridique en France, ont amené à une nouvelle réflexion
structurée au sein de la communauté des néonatologistes
(devenue entre-temps Société française de néonatologie –
SFN), qui prendra, dans le cadre du Groupe de réflexion
sur les aspects éthiques de la périnatologie [10], une position soulignant le principe de l’individualité de chaque
décision autour de la limite de viabilité, tout en définissant l’existence d’une zone grise entre 24 et 25 SA.
La publication des résultats de l’étude française Epipage,
portant sur des enfants nés avant 33 semaines d’aménorrhée [5], a d’ailleurs provoqué en 2008 une réaction de
désaccord des pédiatres néonatologistes face à une présentation qu’ils ont jugée négative des résultats de cette
étude dans les médias.
Les limites des approches statistiques pour la détermination de seuils d’intervention médicale dans le domaine
de l’extrême prématurité peuvent être appréciées par une
analyse approfondie des résultats évoqués ci-dessus et
représentés sur la figure 1. Celle-ci décrit le devenir cognitif à 5 ans des enfants nés à proximité des limites de viabilité dans la cohorte Epicure [4]. Ces résultats indiquent
que les enfants survivants, nés à un AG de 23, 24 ou
25 SA ont une performance intellectuelle significativement inférieure à celle d’enfants témoins, nés à terme, à
l’âge de 5 ans. Il est ainsi possible que ces données
reflètent que l’AG de 25 SA soit réellement un point de
rupture suffisamment significatif, sur les plans statistique
et clinique, quant au pronostic, justifiant au moins sur
un plan technique une attitude généralisée d’abstention
curative en dessous de ce seuil. Mais une analyse critique
relève une série de réserves pour l’utilisation des informations apportées par cette excellente étude dans une
telle finalité, réserves d’ordre éthique, qui seront évoquées plus loin, mais également d’ordre scientifique :
– la signification clinique et la représentativité du critère de jugement qu’est la performance cognitive des
enfants à 5 ans, critère utilement informatif dans ce travail, mais nécessairement restrictif pour justifier une
prise de position par rapport au bien-être recherché pour
l’enfant, qui couvre un champ bien plus large ;
– la différence entre les résultats obtenus à l’AG de
25 SA et ceux des témoins, aboutit-elle effectivement à
une rupture de pente significative, dans la courbe repré-
sentant le pronostic en fonction de l’AG, permettant
d’attribuer à cet AG précis une valeur seuil ? La réponse
ne peut, en fait, n’être apportée qu’en prolongeant
l’étude, dont les critères d’inclusion limitent l’AG à
25 SA, vers des AG supérieurs. Mais différents travaux
portant sur des AG plus élevés ont montré que la pente
reste homogène au-dessus de cet âge [5] ;
– les différences entre les performances observées
aux âges gestationnels exploitables dans l’étude (23, 24 et
25 SA) ne sont pas statistiquement significatives entre elles,
ce qui tend à montrer, à supposer que la puissance statistique de l’étude soit suffisante, qu’il n’y a pas de différence
permettant de placer une limite à 23, 24 ou 25 SA ;
– les différences entre les performances des garçons et
des filles au même AG inférieur ou égal à 25 SA sont équivalentes à celles globalement observées entre les enfants
extrêmement prématurés et les enfants témoins. L’AG
n’est donc pas un critère suffisamment spécifique ;
– les nuages de points représentant les enfants
extrêmement prématurés et les enfants témoins se superposent largement, rendant difficile l’établissement d’un
pronostic général ;
– malgré l’ampleur et la puissance de l’étude, le nombre d’enfants pour lesquels les décisions les plus difficiles
sont à prendre en période prénatale est très faible et ne
permet pas de mettre en évidence des différences significatives au sein des AG extrêmes. En particulier, le
pronostic des naissances extrêmement prématurées liées
à une décision médicale pour restriction de croissance
intra-utérine ne peut être déterminé sur ces données, qui
ne prennent pas en compte ce critère. Or, il constitue
un élément principal des difficultés décisionnelles prénatales, et du débat autour de l’extrême prématurité médicalement induite.
Études observationnelles
Aux réserves propres à cet exemple s’ajoutent les
réserves générales qui régissent l’interprétation des résultats des études épidémiologiques consacrées au devenir à
long terme des enfants prématurés. Il s’agit d’études
observationnelles, dont le plan n’a pas été préparé en
vue de tester l’hypothèse que la détermination d’un seuil
d’intervention apparaît au vu des données de suivi à long
terme des enfants prématurés. La précision de la détermination de l’AG, par datation à partir des dernières règles
de la mère ou par échographie anténatale est de l’ordre de
4 à 5 jours, rend futiles les comparaisons d’une précision
de l’ordre d’une semaine d’AG. La représentativité des
résultats est liée à l’assiette de l’étude, tant en termes géographiques que temporels (le recul le plus important, dans
le suivi, correspondant en fait au décalage historique le
plus important par rapport aux ressources thérapeutiques
actuelles). Les différences de pratiques influencent
considérablement les profils de mortalité et donc de
morbidité résiduelle, rendant difficile l’élaboration d’une
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information reproductible [11]. Par ailleurs, les résultats
de telles études en population, qui offrent une puissance
statistique importante en raison d’un nombre important de
sujets, sont sensiblement péjoratifs par rapport à ceux
obtenus dans les centres spécialisés particuliers [7].
Les performances de ces centres de niveau 3 sont souvent
meilleures que celles rapportées dans les études en population, en raison d’une sélection des patients (qui sont
ceux ayant eu accès, sans aucune restriction liée à la
localisation géographique et à l’urgence, à ces ressources), alors que les résultats deviennent particulièrement
représentatifs lorsque l’information donnée s’adresse aux
patients admis dans de tels centres.
Différents travaux récemment publiés font également
évoluer les éléments de réponse aux dilemmes suscités
par l’extrême prématurité.
En premier lieu, il est établi que l’AG n’est pas un critère
pronostique suffisant à lui seul. Un premier travail, réalisé
au sein des réseaux épidémiologiques néonatals nordaméricains, a montré que, à côté de l’AG, le sexe de
l’enfant, le caractère unique ou multiple de la grossesse,
l’exposition ou non à une corticothérapie anténatale
à visée maturative influencent considérablement le
pronostic [1]. Il est probable qu’à l’avenir, d’autres études
plus puissantes permettent d’affiner le rôle d’autres facteurs
importants dans les prises de décision prénatales, tels qu’un
contexte inflammatoire, ou qu’une restriction de croissance
intra-utérine puisse être mieux appréciée. Il est en effet vraisemblable, d’après les connaissances acquises sur les facteurs de risque de pathologie neurologique et pulmonaire
du prématuré, que leurs différentes combinaisons jouent un
rôle bien supérieur à celui de l’AG considéré isolément.
Certaines études ont montré que les conditions socioéducatives et affectives dans lesquelles était amené à
grandir un enfant avaient une influence au moins équivalente à celle de son AG et des conditions pathologiques
de sa naissance [12].
L’évaluation de la qualité de vie des personnes nées
prématurément à l’âge adulte jeune a été réalisée [13,
14]. Elle indique que la qualité de vie, appréciée par les
patients eux-mêmes, est supérieure à celle qui leur est attribuée par les professionnels de santé. De plus, différents travaux suggèrent que, si la grande prématurité est source de
difficultés du développement, les enfants font preuve d’une
résilience qui amène à un meilleur tableau à l’âge adulte
qu’à des périodes plus précoces.
Coût socio-économique
L’examen de l’impact de la grande prématurité dans
la perspective générale de l’ensemble des naissances
à l’échelle d’un pays a été réalisé en Suède. L’évaluation
à l’âge adulte jeune d’une cohorte portant sur l’ensemble
des naissances, à terme et prématurées, indique que
l’extrême prématurité porte une part faible de la charge
créée par la prématurité dans son ensemble. La prématu-
412
rité modérée est en effet la principale cause des difficultés
adaptatives et sociales de la population, et des coûts, en
raison de son incidence supérieure à celle de la grande
et, a fortiori, de l’extrême prématurité, bien que les
troubles qu’elle entraîne soient de moindre sévérité.
Les conséquences défavorables des naissances à un AG
inférieur à 28 SA représentent une part relativement faible
de l’impact de la prématurité dans son ensemble. Il est
remarquable, dans ce travail, que les adultes nés prématurément dans leur ensemble ont couvert les coûts liés à
leur condition et leur maladie par leurs contributions
sociales et fiscales [2].
L’approche individualisée
Sur un plan éthique, la pratique médicale est fondée
sur le principe de la prise en compte singulière de chaque
cas et de chaque patient, qui est à la base de la confiance
qu’un patient peut avoir envers le médecin à qui il fait
appel. Ce principe découle en fait de la reconnaissance
des droits de l’homme, et correspond à la constitution de
la plupart des pays. Les droits fondamentaux de l’enfant, y
compris né prématurément, ont été réaffirmés solennellement lors de la Conférence internationale sur les droits de
l’enfant de l’ONU en 1989.
L’application directe d’une approche purement statistique peut sembler, à première vue, apporter la réponse
aux questionnements liés à des prises de décision particulièrement délicates comme l’indication d’une césarienne pour motif fœtal ou de soins de support vitaux à
l’enfant d’AG extrêmement faible. Cela, bien que la
plupart des positions des professionnels prises sur ce
modèle ménagent, dans la lettre, une possibilité d’exception à la règle, voire rappellent que les cas sont traités
individuellement. Le risque de l’ambivalence est néanmoins réel, dans un domaine de soins comme celui des
grossesses et naissances à risque où de nombreux professionnels de santé de disciplines et souvent d’établissements différents interviennent successivement auprès
d’une patiente et d’un enfant. La recherche d’un discours
commun et d’un suivi de procédures partagées dans les
réseaux inter-hospitaliers périnatals peut favoriser l’omission du principe d’une prise en compte individuelle de
chaque situation, pour peu que l’AG (ou le poids de
naissance) soit compris comme un facteur pronostique
suffisamment performant pour résumer à lui seul l’argumentation, et donc l’information qui sera partagée entre
les équipes et donnée aux parents ou futurs parents, ainsi
que les critères de la prise de décision. De plus, des différences existent dans le degré de la connaissance, par les
professionnels de santé intervenant auprès des patients,
des données disponibles sur le pronostic de mortalité et
de morbidité des naissances prématurées, et les interprétations sont divergentes selon la catégorie professionnelle
considérée.
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L’approche statistique, si elle fournit des données
indispensables à la prise de décision, comporte ainsi
d’importantes limites d’ordre méthodologique, ou liées à
la complexité des facteurs en présence. Elle laisse par
nature le décideur face à un choix de valeurs [15].
La conduite à envisager ne peut se réduire à l’adoption
d’un AG ou d’un poids de naissance limite, au mieux
d’une zone grise où la décision est laissée aux parents,
fondée sur l’interprétation variable de statistiques
épidémiologiques sur le devenir à long terme. La complexité des situations rencontrées en médecine périnatale et
leur spécificité imposent que le statut de patient et les
droits, tant de l’enfant nouveau-né que de la mère, soient
définis et respectés [16].
Un choix, et donc une réponse fondée sur les valeurs
éthiques, restent nécessaires quels que soient les résultats
des études épidémiologiques de suivi disponibles [17].
Une approche fondée tant sur le plan éthique que clinique a pu être proposée, de façon pluridisciplinaire, sur
la base des principes de l’éthique biomédicale de
Beauchamp et Childress, complétés des données épidémiologiques disponibles [18]. Mais la question éthique
centrale est en fait de maintenir l’extrême prématurité, malgré ses spécificités médicales, ontologiques et symboliques,
dans le champ d’application des valeurs de la société, qui
comporte l’individualisation de la réponse médicale, sur la
base d’un principe d’autonomie, et d’humanité.
La nécessité d’une distribution équitable des ressources médico-économiques au sein d’une communauté,
dont une partie, bien que faible, est certainement
consommée par les soins aux grands prématurés, est à
prendre en compte au titre du respect du principe de justice, à l’échelle de la nation, ou de l’organisation de l’offre
de soins d’une région par les autorités de tutelle. Dans
certaines situations locales que l’on souhaiterait exceptionnelles, les places pour accueillir une mère ou un
enfant en réanimation sont limitées, et un dilemme médical et éthique peut se poser. C’est le cas notamment face à
une grossesse à risque d’extrême prématurité, qui donne
lieu à une occupation prolongée d’une place de surveillance maternelle, ou de réanimation néonatale, susceptible de gêner l’admission, ou d’imposer un transfert à
distance de patients dont le pronostic est pourtant
meilleur. Le conflit de valeurs se situe là, entre une approche éthique déontologique, fondée sur l’impératif du
devoir d’assistance, et une approche orientée vers une
forme d’utilitarisme. Dans cette réflexion, il peut néanmoins être pris en compte que, quelles que soient les
valeurs qui peuvent être privilégiées, la question de l’utilité collective ne peut raisonnablement être traitée
par la juxtaposition de prises de décisions médicales
individuelles, nécessairement arbitraires à l’égard des
considérations collectives, en l’absence d’indicateurs
médico-économiques consensuels, disponibles en temps
réel. Elle suppose également que l’ensemble des situations
médicales, y compris en médecine de l’adulte, fasse l’objet
de cette réflexion et que le même souci de respecter l’équité
économique ne s’applique pas dans le domaine de
l’extrême prématurité, voire à l’autre extrême de la vie,
dans un cadre qui se révèlerait discriminatoire.
Les propositions
Une solution idéale, à l’intérieur de la zone grise de la
viabilité, et justifiée tant sur le plan des connaissances
médicales et épidémiologiques, que par l’argumentation
éthique, peut résider dans l’approche suivante.
– Plutôt que d’appliquer une règle collective, une prise
en considération individualisée de chaque cas est nécessaire, en fonction de l’ensemble des indicateurs pronostiques (et non seulement de l’AG) susceptibles d’améliorer
l’évaluation du risque. Ce principe peut s’appliquer à
chaque étape où un questionnement émerge, en période
prénatale ou postnatale. La prise de décision peut être assurée plus facilement dans les centres de type 3, vers lesquels
les transferts anténataux devraient être rendus possibles, y
compris lorsque l’éventualité d’une prise en charge curative n’est pas encore décidée. Cette approche est effective
au sein d’un établissement particulier comme d’un réseau
de périnatalité, sous réserve d’une communication soutenue entre les acteurs, et avec les parents ou futurs parents.
L’évaluation et les réévaluations successives du pronostic
s’appuient sur l’AG, mais également sur les autres facteurs
pronostiques connus : existence d’une restriction de croissance intra-utérine associée, d’un contexte inflammatoire
marqué, d’une altération aiguë du bien-être fœtal, caractère
unique ou multiple de la grossesse, en situation prénatale,
existence d’une corticothérapie anténatale, état de l’enfant
à la naissance, son évolution et ses besoins de soins intensifs, aux différents temps de la prise en charge postnatale, la
pondération de l’AG étant logiquement croissante lorsqu’il
est plus faible. L’induction d’une extrême prématurité par
décision médicale d’indication fœtale doit relever autant
que possible de choix exceptionnels.
– À chaque étape décisionnelle, une information correspondant à cette approche, loyale, claire, adaptée, doit
être donnée tant aux parents qu’aux équipes impliquées.
– Cette information permet, de façon graduelle, une
ou des décisions médicales successives adaptées à la
situation évolutive de la grossesse et de l’enfant.
– Des prises de décision collégiales et pluridisciplinaires sont nécessaires, suivant les procédures des recommandations professionnelles [8] et, en France, établies par
la loi du 22 avril 2005, associant en cas de dilemme un
consultant tiers par rapport à l’équipe soignante. La décision est maternelle en période prénatale, et prise en
partenariat avec les parents en période postnatale.
Une réflexion large a été menée récemment sur la
question de l’extrême prématurité au sein de la Commission d’éthique de la Société française de néonatologie et
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Comment définir les limites de la prise en charge des grands prématurés ?
du Groupe de réflexion éthique en périnatologie (GRAEP,
représentant la Commission d’éthique de la Société
française de néonatologie, la Société française de médecine périnatale, le Collège national des gynécologuesobstétriciens de France) [10].
Le document préparé par ce groupe, actuellement
considéré comme représentatif en France, après plus de
deux années de recherche d’un consensus, reflète ces difficultés. Il a abouti à la définition d’une zone grise, couvrant en France la période des 24 et 25 SA révolues,
séparant les naissances intervenant au-dessus de cette
zone, pour lesquelles une prise en charge complète et
intensive est en général offerte, de celles intervenant
au-dessous, pour lesquelles une prise en charge palliative
est en général indiquée. À l’intérieur de cette zone, est
réaffirmée la nécessité d’une prise en compte personnalisée et du respect de l’individualité de chaque situation.
Est également soulignée l’importance majeure de l’information des parents quant aux positions adoptées par la
structure de soins, et leur implication aussi loin que possible, dans le cadre d’un véritable partenariat, dans le
choix effectué. Mais le choix n’est pas simplement confié
aux parents, comme dans d’autres recommandations professionnelles élaborées à ce propos. La diversité des
conceptions concernant les facteurs de risque, et l’importance plus ou moins grande donnée à l’AG par rapport
aux autres facteurs pronostiques est également traduite.
Ainsi, certaines attitudes se rapprochent de l’adoption
d’une limite exprimée surtout en termes d’AG, d’autres
adoptent une approche personnalisée, réévaluée en permanence au long des périodes anténatale et postnatale.
Ce texte offre également :
– une revue complète des différentes opinions et
pratiques aux limites de la viabilité existantes dans différents pays ;
– de l’information et de l’argumentation qui peuvent
être tirées des études épidémiologiques actuellement
disponibles ;
– des principes éthiques mis en tension ;
– une synthèse sous forme de recommandations.
Conflit d’intérêts : aucun.
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Conclusion
L’extrême prématurité est une situation marquée
d’une forte spécificité sur les plans médical, psychologique, sociétal et éthique. Les réponses aux dilemmes
qui peuvent se poser lorsque l’on envisage les nécessaires
limitations thérapeutiques, tant en période prénatale que
postnatale, peuvent effectivement être éclairées par une
approche statistique, mais relèvent d’un choix de valeurs
éthiques qui ne se distinguent pas fondamentalement de
celles sur lesquelles s’appuie l’ensemble des décisions
médicales, à d’autres âges de la vie. Si la tentation d’une
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conduite systématisée peut être grande dans ce domaine,
en raison de la possibilité de considérer ces enfants par
catégorie d’âge gestationnel ou de poids de naissance,
seule une approche fondée sur l’individualisation des
décisions, sur la base des meilleurs critères pronostiques
disponibles, permet de respecter les impératifs de
l’éthique médicale, le choix de la mère en période prénatale, et les droits fondamentaux des enfants. Les études
épidémiologiques sont indispensables pour connaître la
morbidité à long terme, optimiser l’information aux familles, définir les ressources et l’organisation nécessaires à la
prise en charge à long terme des enfants, et identifier les
moyens de prévenir l’extrême prématurité.
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