LA VASCULARISATION DES LIGAMENTS CROISES DU GENOU

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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL
MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE,
d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE
2004-2005
UNIVERSITE DE NANTES
LA VASCULARISATION DES LIGAMENTS CROISES
DU GENOU
Par
DEVOS David
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Pr. J. LE BORGNE
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
• Pr. O. ARMSTRONG
• Dr. O. BARON
• Pr. C. BEAUVILLAIN
• Dr F. CAILLON
• Pr. P. COSTIOU
• Pr. D. CROCHET
• Dr J. DELECRIN
• Dr. H. DESAL
• Pr. B. DUPAS
• Dr E. FRAMPAS
• Dr A. HAMEL
• Pr. Y. HELOURY
• Dr M.D. LECLAIR
• Pr. P.A. LEHUR
• Pr. N. PASSUTI
• Pr. R. ROBERT
• Pr. D. RODAT
• Dr VALETTE
Laboratoire : S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique
SOMMAIRE
Introduction
Rappels anatomiques
1°)Les ligaments croisés
2°)Leur vascularisation
Dissections
1°)Matériel et méthode
2°)Résultats
Implications cliniques
Conclusion
Bibliographie
INTRODUCTION
Les ligaments croisés du genou constituent ce que l’on appelle le pivot central.
En effet ces deux ligaments qui sont croisés dans les trois plans de l’espace sont
indispensables à la stabilité du membre inférieur.
Le ligament croisé antérieur est celui des deux qui sera le plus fréquemment lésés lors des
entorses graves du genou. Une cicatrisation post lésionnelle reste impossible en raison d’une
trop maigre vascularisation.
Le ligament croisé postérieur est lui plus rarement lésé mais possède une meilleure
vascularisation que son homologue, mais elle reste insuffisante pour une cicatrisation après
suture.
Nous allons donc étudier pourquoi ces deux ligaments ont un si maigre apport sanguin.
RAPPELS ANATOMIQUES
1°)Les ligaments croisés
Les ligaments croisés sont deux cordons fibreux très solides constitués de fibres de
collagène. Ils sont intra articulaires et extra synoviaux et s’étendent de l’espace
interglénoïdien du plateau tibial à l’espace inter condylien du fémur.
Le pivot central est donc constitué de deux ligaments croisés dans le plan frontal, sagittal et
transversal.
Le ligament croisé antéro-externe, comme son nom l’indique est orienté de bas en haut,
d’avant en arrière et de l’intérieur vers l’extérieur, en s’insérant sur le plateau tibial sur la
surface pré spinale, c’est à dire entre l’épine tibiale en arrière, le ménisque externe
latéralement et le ménisque interne médialement( auquel il semble très lié) et sur la moitié
postérieure de la face inter condylienne du condyle externe du fémur.
Il mesure 38 mm de long environ et 10mm de large.
Le LCA est composé par 2 faisceaux:
⇒une petite bande anteromédiale tendue en flexion permettant la stabilité
anteropostérieure.
⇒une plus large bande postérolatérale tendue en extension permettant la stabilité rotatoire.
Vue antérieure du genou (d’après Sobotta)
Le ligament croisé postéro-interne, est orienté de bas en haut, d’arrière en avant et de
l’extérieur vers l’intérieur. Il naît de la face rétro spinale, en arrière des insertions des
ménisques (étant assez lié au ménisque externe) pour aller s’insérer sur la partie antérieure
de la face inter condylienne du condyle fémoral médial et dans l’échancrure inter
condylienne.
Sa longueur est assez proche de celle du LCA (environ 38mm) mais il est plus large: 13mm.
Vue postérieure du genou (Clinical Oriented Anatomy, Moore & Dalley)
Le LCP est composé lui aussi de deux faisceaux:
⇒un faisceau antérolatéral (∼95 % du LCP) tendu en flexion.
⇒un faisceau postéromédial (~5% du LCP) tendu en extension.
Il est renforcé en avant par le ligament ménisco fémoral antérieur ( Humphrey) et en arrière
par le ligament ménisco fémoral postérieur (Wrisberg).
Les ligaments croisés auront un rôle capital dans la stabilité du genou:
⇒stabilité antéro-postérieure: le LCP est surtout tendu en flexion retenant la translation
du tibia vers l’arrière et le LCA est tendu en extension empêchant les mouvement du tibia en
avant (stoppe l’hyper extension).
⇒stabilité rotatoire en flexion: la rotation interne provoquant un enroulement des
ligaments croisés et donc une tension de ceux-ci et la rotation externe désenroulant ces
ligaments ce qui va donc les détendre.
⇒stabilité frontale: le LCA s’oppose au valgus et le LCP au varus de l’articulation du
genou.
2°)LA VASCULARISATION.
L’apport sanguin des ligaments croisés est issu de l’artère poplitée et ses branches. Cette
artère est issue de l’artère fémorale et chemine à la face postérieure du genou, dans la fosse
poplitée et va abandonner 5 collatérales à destinée articulaire:
-l’artère supéromédiale entre le muscle semi-membraneux et la face postérieure du
fémur.
-l’artère supérolatérale entre le muscle grand adducteur et le fémur.
-l’artère géniculé moyenne qui va plonger dans l’espace articulaire et qui sera l’artère
principale des ligaments croisés.
-l’artère inféromédiale entre le tibia et le ligament collatéral médial.
-l’artère inférolatérale derrière le muscle poplité, entre le ligament collatéral latéral et la
partie latérale du tibia, elle va aussi jouer un rôle important pour les ligaments croisés.
L’artère poplitée va aussi laisser des branches à destiné musculaire, les artères surales et
l’artère petite saphène ou saphène externe.
Elle va ensuite se diviser en artère tibiale antérieure et tronc tibio-fibulaire lui-même se
divisant en artère tibiale postérieure et artère fibulaire.
Les artères de la fosse poplitée du genou( d’après Sobotta)
Toutes ces artères vont former le réseau péri-anastomotique du genou en association avec
l’artère descendante du genou, de branches récurrentes de l’artère tibiale antérieure et des
branches descendantes de l’artère fémorale.
Vascularisation péri-articulaire du genou (d’après Olson).
Les travaux de Tillman et surtout d’Arnoczky ont permis d’établir l’origine précise de la
vascularisation du pivot central.
En fait, l’apport sanguin des ligaments croisés est issu des tissus mous et non du tissu
osseux. C’est grâce à la lame graisseuse infra patellaire ou boule graisseuse de Hoffa et à
l’enveloppe synoviale que peut parvenir cet apport.
Les ligaments croisés sont recouvert par un replis de synoviale qui a une riche
vascularisation issu de la face antérieure du genou (par la lame graisseuse infra patellaire) et
de la face postérieure (par les vaisseaux de l’artère poplitée).
Coupe longitudinale d’un genou de chien après injection.( D’après Arnoczky)
ACL=ligament croisé antérieur ;PCL=ligament croisé postérieur
T=tibia
FP=fat pad=graisse infra patellaire ; PST=posteriori soft tissu= synoviale
Les petites flèches montrent le réseau péri ligamentaire et les grosses flèches montrent les zones vasculaires.
Il se forme donc un réseau de péri ligamentaire puis intra ligamentaire, ce dernier n’étant pas
homogène d’un ligament à l’autre (il est plus dense pour le LCP) et à l’intérieur du
ligament,car il existe des zones de moindre vascularisation: pour le LCA comme pour le
LCP, il s’agit du 1/3 moyen. De plus, comme il n’y a pas d’apport sanguin issu du tibia ou
du fémur, les zones d’attachement des deux ligaments sont très faiblement vascularisées.
Il est donc aisé de dire que cette vascularisation est trop pauvre pour permettre une
cicatrisation spontanée post lésionnelle complète du ligament.
On peut également rajouter que la préservation de la lame graisseuse infra patellaire et de la
membrane synoviale va optimiser la réponse vasculaire et la guérison des ligaments croisés.
LES DISSECTIONS
1°)MATERIEL
⇒Les pièces: -une pièce anatomique fraîche non formolée
-une pièce anatomique injectée puis formolée
-une pièce anatomique injectée puis plongée dans une solution corrosive
(hypochlorite de Na)
-une pièce sur laquelle a été prélevé un échantillon de ligament croisé
antérieur en vue de faire des coupes histologiques.
⇒Le matériel: -portes lame n°4 avec lames n°23
-ciseaux Medline
-pinces à dissection sans griffe
-scie manuelle
-curettes
-champs bleus
2°) METHODE ET RESULTATS DES DISSECTIONS.
A)Pièce fraîche non formolée.
Cette première pièce m’a permis d’aborder l’anatomie de la zone que j’avais a étudier. En
effet par un abord postérieur du genou, j’ai pu faire une approche de l’artère poplitée et des
ligaments croisés.
J’ai donc utilisé la jambe gauche d’un cadavre frais. J’ai commencé par séparer la jambe du
reste de l’économie avec une scie manuelle au 1/3 supérieur de la cuisse, ensuite j’ai effectué
trois incisions horizontales, une au 1/3 inférieur de la cuisse, une à la moitié de la jambe et
une au niveau de l’articulation. J’ai barré ces incisions par une grande incision verticale.
J’ai ainsi pu ouvrir le creux poplité comme un livre.
Je récline le 1er plan cutané et sous cutané puis une épaisse couche de graisse et je peux
apercevoir le fascia poplité qui ferme le creux poplité en arrière. La veine saphène externe
étant extérieure à ce fascia.
L’ouverture du fascia permet d’appréhender les muscles délimitant le creux poplité, c’est à
dire, les muscles semi-tendineux et semi-membraneux en haut et médialement, le muscle
biceps fémoral en haut et latéralement, et les muscles gastrocnémien médial et latéral en bas.
Après avoir retirer le maximum de graisse comblant la fosse poplitée, nous apercevons
d’arrière en avant (photo n°1):
-le nerf tibial (ou sciatique poplité interne) laissant le nerf cutané sural médial, et le
nerf fibulaire commun (sciatique poplité externe) laissant le nerf cutané sural latéral. Ces 2
nerfs étant les branches de division du nerf ischiatique.
-la veine poplitée avec son épaisse paroi (artérioïde), très difficile à individualiser car
elle est dans la même gaine que l’artère.
-L’artère poplitée, oblique vers le bas et latéralement dans son premier 1/3, puis
verticale. Elle passe entre fémur (surface poplitée), puis les coques condyliennes, puis le
ligament poplité oblique, puis le muscle poplité en avant et la veine poplitée et le nerf tibial,
puis les muscles gastro cnémiens (responsables du syndrome de l’artère poplité piégée )et
soléaires en arrière.
Nerf tibial
Veine poplitée
Artère poplitée
Arrière
PHOTO N°1
Haut
Ensuite, mon étude s’est portée spécifiquement sur l’artère poplitée, la photo n°2 montrant
bien cette artère et la proximité avec la veine poplitée. Après avoir réséqué les différents
muscles, nous pouvons observer les branches de l’artère poplitée, c’est à dire:l’artère
supéromédiale, l’artère inféromédiale, l’artère supérolatérale, l’artère inférolatérale et
l’artère moyenne du genou qui va plonger en direction de l’échancrure inter condylienne en
compagnie de son homologue veineux pour perforer les coques condyliennes et atteindre les
ligaments croisés. Nous pouvons aussi noter la présence d’anastomoses artério-veineuses
entre l’artère et la veine poplitée surtout.
Artère poplitée
Artère moyenne
PHOTO N°2
Arrière
Haut
J’ai ensuite excisé les coques condyliennes postérieures ainsi que le ligament poplité oblique
afin de suivre l’artère géniculé moyenne jusqu’à l’intérieur de l’articulation du genou (photo
n°3). J’ai aussi réséqué l’ensemble des muscles de la loge poplité. Nous pouvons voir au
premier plan l’artère et la veine supéro médiaux passant juste au-dessus du condyle fémoral
médial. La résection des coques condyliennes a permis aussi de mettre à jour le ligament
croisé postérieur que l’on distingue difficilement du ligament ménisco-fémoral postérieur de
Wrisberg.
Artère moyenne
PHOTO N°3
Arrière
Haut
B) Pièce injectée puis formolée
Afin d’étudier plus précisément la vascularisation artérielle au niveau du genou, j’ai utilisé la
technique d’injection au latex néoprène 671. Après cathétérisme de l’artère fémorale,
j’injectai tout d’abord la solution de latex rouge puis une solution d’acide acétique pour
catalyser la coagulation du latex.
A l’aide d’une scie à main, je sépara la jambe (qui est une jambe gauche) du reste du corps et
après avoir formolé ma pièce, je débuta ma dissection.
Par le même abord postérieur que précédemment, j’ai pus mettre en évidence les différentes
artères présentes a la face postérieure du genou grâce à l’injection.
Après l’exérèse des muscles de la loge postérieure du genou, ainsi que du paquet vasculonerveux (excepté évidement des vaisseaux artériels) et des coques condyliennes postérieures,
j’ai mis à jour la vascularisation artérielle péri articulaire du genou (photo n°4).
On observe ainsi, l’artère poplitée avec son trajet oblique puis vertical laissant ses différentes
branches articulaires: les artères supéromédiale, supérolaterale, moyenne, inféromédiale et
inférolatérale.
On peut aussi observer une curiosité sur cette pièce car l’artère poplitée est accompagnée sur
son bord médial par un dédoublement d’elle-même qui va la suivre jusqu’à l’abouchement
de l’artère géniculée moyenne.
Le bord médial du fémur et du tibia est longé par une artère issue de l’artère fémorale, il
s’agit de l’artère descendante du genou. Cette artère descendante va permettre aussi de
vasculariser l’articulation du genou en laissant une branche s’anastomosant avec l’artère
supéromédiale.
Haut
PHOTO N°4
Médial
Je me suis ensuite intéressé plus particulièrement à la zone de vascularisation pour les
ligaments croisés (photo n°5).
J’ai ainsi remarqué que les artères supérolatérale, supéromédiale et moyenne du genou ne
naissaient pas par un orifice propre à chacune dans l’artère poplitée mais elles sont issues
d’un tronc commun qui naît à la face postérieure de l’artère poplitée et finit en trifurquant
donnant ainsi naissance à ces 3 artères articulaires.
Nous pouvons également remarquer que l’artère moyenne reçoit un apport de la branche de
dédoublement de l’artère poplitée.
Cette artère moyenne va ensuite cheminer à la partie supérieure du ligament croisé postéro
interne, sous l’échancrure inter condylienne du fémur.
Si on s’intéresse de façon encore plus précise à l’artère moyenne, on se rend compte qu’elle
va très vite se diviser après avoir perforer les coques postérieures et recevoir un apport de
l‘artère inférolatérale(photo n°6).
Pour étudier la terminaison de l’artère moyenne, je fus contraint de sectionner l’artère
poplitée afin de mettre en évidence de façon plus claire son arrivée derrière le ligament
croisé postérieur.
Cette photo n°6 nous montre donc clairement que l’artère moyenne va se diviser en 3
branches:
-la première va se diriger entre la face supéromédiale du ligament croisé postérieur et
l’échancrure inter condylienne.
-la seconde va se diriger entre la partie supérieure du LCP et l’échancrure inter
condylienne, à égale distance des 2 condyles fémoraux puis va se diviser en 2 branches ,une
dans le croisement entre le LCP et le LCA et l’autre restant médiane.
-la troisième va recevoir la branche communicante issue de l’artère inférolatérale et va
ensuite se diriger entre la partie supéro interne du ménisque latéral et la face inférieur du
ligament croisé antéro externe. Cette branche va épouser la face postérieure du LCAE et
permettre donc sa vascularisation en pénétrant dans son corps charnu comme on peut le voir
sur la photo n°9 où j’ai désarticulé le genou pour ne conserver que le fémur et les branches
terminales de l’artère moyenne.
PHOTO N°5
Haut
Médial
Artère moyenne
ASM
Tronc commun
Artère inférolatérale
Artère poplitée
PHOTO N°6
Haut
Médial
Ensuite je me suis porté sur la vascularisation antérieure des ligaments croisés pour
comprendre de quelle manière le ligament croisé antérieur est vascularisé.
Pour ce faire, j’ai incisé le tendon patellaire et fait une exérèse de la patella (photo n°7), cela
m’a permis de comparer l’apport artériel du tendon patellaire avec celui du LCA et on peut
aisément constater que la vascularisation du LCA est très pauvre à côté de celle du tendon
patellaire.
La vascularisation de la partie antérieure du LCA est surtout issu de l’artère inférolatérale
qui, après avoir contourné le condyle tibial latéral, va donner des branches pour le tendon
patellaire et pour la graisse infra patellaire de Hoffa puis elle va se terminer au niveau de la
base du LCA (photo n°8). On peut donc remarquer l’importance de l’artère inférolatérale
dans la vascularisation du pivot central, tant par voie postérieure que par voie antérieure.
Cette étude m'a donc permis de constater la manière dont était vascularisé le pivot central: la
majeure partie de l'apport artériel provient de la face postérieure du genou grâce surtout à
l'artère géniculée moyenne mais aussi à l'artère inférolatérale, toutes deux issues de l'artère
poplitée et qui vont former une vascularisation à 3 voies pour la face supérieure des 2
ligaments croisés (dont une branche spécifique du LCA), la face inférieure étant quasiment
nulle de vascularisation.
On aura remarqué qu'un apport artériel est aussi réalisé par voie antérieure grâce à l'artère
inférolatérale qui va contourner le condyle tibial latéral pour aller mourir à la base du LCA,
en avant de celui-ci.
On conclue que malgré cet apport, la vascularisation du pivot central reste très pauvre
comparé à d'autres ligaments ou tendon, (comme par exemple le tendon patellaire) ce qui par
conséquent empêchera la réparation spontanée de ces ligaments après rupture de l'un ou de
l'autre.
PHOTO N°7
Artère inférolatérale
PHOTO N°8
Avant
Haut
Artère moyenne
Artère inférolatérale
LCA
LCP
Haut
PHOTO N°9
Médial
C)Injection corrosion.
Après ces deux études, j'ai décidé d'étudier la vascularisation artérielle des ligaments croisés
de façon différente, encore plus fine, la solution était d'injecter ma pièce puis de la plonger
dans un produit corrosif pour les tissus mous mais conservant l'os.
Pour ce faire, j'ai opté pour la technique de l'altufix P10.
Cela consiste, après avoir isolé le genou gauche de ma pièce anatomique, d'injecter par
cathétérisation le méthacrylate de méthyle (altufix) avec un catalyseur dans les proportion de
4%, dans l'artère fémorale. Environ 24heures après, j'ai plongé ma pièce dans une solution
d'hypochlorate de sodium à 100%. Pour que la corrosion soit complète j'ai dû laisser ma
pièce immergée durant 4 mois (du 15 décembre au 15 avril) en changeant la solution environ
toutes les deux à trois semaines.
La photo n°10 montre ma pièce après un mois d'immersion. On peut observer en vue antolatérale, le réseau periarticulaire du genou avec une vascularisation pour la patella venant
surtout par le dessus, par le tendon quadricipital grâce aux artères supéromédiale et latérale.
Sous la patella on observe la bourse graisseuse de Hoffa vascularisée par les artères
inférolatérale, inféromédiale et aussi par une branche ascendante de l'artère tibiale
antérieure. On observe aussi la dense vascularisation pour le condyle fémoral latéral avec
des artères qui pénètrent véritablement dans l'os.
Cette pénétration des artères dans l'os se voit davantage sur la photo n°11 (vue
antéromédiale) prise deux semaines environ après la précédente, où le condyle fémoral
médial est perfusé des branches perforantes issues de l'artère descendante du genou et de
l'artère supéromédiale.
On y voit aussi l'artère descendante, dans son trajet arqué en direction de la patella pour
laisser son réseau d'artérioles supra patellaires après avoir donné une branche communicante
avec l'artère supéromédiale.
La photo n°12 nous montre une vue globale de la vascularisation antérieure du genou. En
effet, on peut voir tout le réseau periarticulaire avec les différentes artères qui y joue un rôle,
c'est à dire: les artères supéromédiale, descendante, supérolatérale, inféromédiale,
inférolatérale , ainsi qu'une branche récurente de l'artère tibiale antérieure.
La face médiale du genou est une dernière fois explorée sur la photo n°13, où on peut
beaucoup mieux observer l'anastomose entre l'artère descendante du genou et l'artère
supéromédiale, et qui permet d'avoir un vue plus générale et plus dégagée de l'apport médial
de l'arcade peripatellaire.
Artère supérolatérale
Artère inférolatérale
PHOTO N°10
Haut
latéral
Artère descendante
Artère supéromédiale
Bourse graisseuse
infra-patellaire
PHOTO N°11
Haut
Avant
Femur
AD
ASL
ASM
AIM
Tibia
PHOTO N°12
Haut
latéral
Artère descendante
Artère
supéromédiale
PHOTO N°13
Haut
Avant
La face postérieure du genou fut plus difficile à étudier. En effet les artères étant plus
profondes, la masse de tissus mous à dissoudre fut beaucoup plus importante. Il fallut donc
plus de temps pour obtenir une visibilité correcte de la fosse postérieure (photo 14). Sur cette
photo, bien qu'il reste encore des muscles, on visualise aisément l'artère poplitée ainsi que
les artères supéromédiale (ASM) et supérolatérale (ASL). On y voit aussi l'artère saphène
externe qui descend latéralement.
On commence aussi à s'apercevoir que cette pièce anatomique possède une caractéristique.
En effet, on distingue à la face postérieure du tibia, une exostose.
On peut encore mieux l'observer sur la photo n°15, qui est une vue postéro-médiale de ma
pièce. Ce que l'on constate facilement, c'est surtout la branche communicante entre l'artère
descendante du genou et l'artère supéromédiale, qui va permettre de vasculariser le condyle
fémoral médial pendant que l'artère descendante vascularise la patella. On observe aussi
l'artère inféromédiale qui contourne le condyle tibial médial.
La face postérieure de l'artère poplitée va également laisser 3 artères, l'artère saphène
externe, et les artères surales médiale et latérale.
Mais ce qui va surtout m'intéresser sur cette photo, c'est la densité des artérioles présentes
dans l'échancrure intercondylienne qui contraste avec la pauvreté de la vascularisation de la
face supérieure du plateau tibial. Il est donc clair, que les ligaments croisés sont vascularisés
par un apport supérieur presque exclusivement. Cet apport étant issu de l'artère moyenne
qu'on distingue difficilement sur cette photo et qui est issu d'un tronc commun à l'artère
supéromédiale et supérolatérale comme l'entendait mon étude précédente.
Sur la photo n°16, on observe en vue postérolatérale, l'artère supérolatérale qui débute par ce
tronc commun avec l'artère moyenne et l'artère supéromédiale et qui va se terminer audessus de la patella en complément de l'artère descendante de l'autre côté. On constate aussi
plus précisément le contournement de cette apophyse postérieure du tibia par l'artère
poplitée.
Ensuite, pour mieux me rendre compte de ce qui se passait au niveau du pivot central, j'ai
désarticulé les différentes pièces osseuses du genou en prenant soin de bien conserver les
fines artérioles présentes dans l'échancrure.
La photo n°17 expose en vue supérieure le plateau tibial. On ne peut que constater la réelle
pauvreté de la vascularisation présente à ce niveau, les attaches tibiales des ligaments croisés
vont donc être pourvues d'un très faible apport artériel. On en conclue aussi que la face
inférieure des ligaments croisés ne reçoit pratiquement pas de vascularisation. On y voit
aussi les artères inféromédiales et inférolatérales qui après avoir contourné les condyles
tibiaux et donné des branches pour la bourse graisseuse infra patellaire (BGIP) de Hoffa vont
se terminer au niveau de la face antérieure de l'insertion tibiale du LCA.
La photo n°18 nous montre l'extrémité inférieure du fémur avec ses artères après avoir
soigneusement dés inséré l'artère poplitée au niveau du tronc commun. On y constate ainsi la
densité artérielle dans l'échancrure pour vasculariser la face supérieure du pivot central. On
peut observer la triade issue du tronc commun, c'est à dire:
- l'artère supéromédiale très fine et qui va recevoir la branche communicante de l'artère
descendante du genou pour finir devant le genou.
-l'artère supérolatérale de beaucoup plus gros calibre car contrairement à son homologue,
elle ne va pas recevoir d'appuis et va à elle seule vasculariser le condyle fémoral latéral.
-l'artère moyenne qui va recevoir des appuis de l'AIL puis donner 3 branches qu'on peut très
bien distinguer: une spécifique au LCA, une qui passera entre les deux ligaments et une plus
médiale donnera de nombreuses branches pour l'insertion fémorale du LCP dans la partie
médiale de l'échancrure.
Cette étude a donc permis de confirmer les suppositions émises dans ma première étude,
c'est à dire que la vascularisation du pivot central était presque absente par en dessous alors
que la face supérieure des ligaments croisés était beaucoup plus vascularisée. L'apport
artériel est bien issu en majeure partie de l'artère moyenne avec l'appui de l'artère
inférolatérale et cette vascularisation va se faire grâce à 3 branches dont la plus importante
donnera la vascularisation de l'insertion fémorale du LCP. L'apport antérieur n'étant par
ailleurs pas négligeable par l'intermédiaire de l'artère inférolatérale en majeure partie.
ASM
ASL
PHOTO N°14
Haut
Médial
Artère descendante
Artère inféromédiale
PHOTO N°15
Haut
Médial
ASM
Artère
supérolatérale
Artère tibiale
antérieure
PHOTO N°16
Haut
Médial
AIM
AIL
Arrière
PHOTO N°17
Latéral
Haut
PHOTO N°18
Médial
D) Coupes histologiques
Pour clore mon étude, j’ai voulu observer les ligaments croisés par l’intérieur, c’est à dire
que je me suis posé la question de savoir comment était répartit les vaisseaux dans les
ligaments croisés.
J’ai donc fait appel à M. Pradal du laboratoire d’histologie afin de réaliser des coupes
histologiques.
Je me suis intéressé uniquement au LCA parce que c’est bien évidemment le ligament le
plus fréquemment lésé et aussi pour comprendre pourquoi sa cicatrisation n’est pas possible
spontanément même après une suture lorsqu’il a été coupé dans son corps.
J’ai alors prélevé le ligament et j’ai confié ma pièce à M. Pradal qui s’est chargé de le fixer
(formol), de le laver (alcool), de l’inclure dans un bloc de paraffine, de réaliser les coupes à
l’aide d’un microtone puis de les colorer. Je les ai ensuite récupérées et étudiées.
On peut ainsi constater que le ligament est constitué de fibres de collagène parallèles avec de
nombreux fibrocytes entre les rangées de fibres. Les fibres de collagène forment des
faisceaux tendineux entourés par du tissu collagène lâche.
La photo n°19 est une coupe transversale de LCA, la plus proximale, c’est à dire au 1er tiers.
On peut voir que le ligament est formé de fibres de collagènes bien organisées, on remarque
la présence d’adipocytes et une vascularisation assez présente avec une grosse artériole et
quelques petits capillaires. On peut donc dire que le 1/3 fémoral du LCA est assez bien
vascularisé.
La photo n°20 est une coupe du 1/3 moyen du ligament. Il s’agit de la zone la plus exposée
aux ruptures car c’est ici que 80% des LCA sont lésés. A la différence de la coupe
précédente, les capillaires y sont très faiblement représentés, on en dissocie avec difficulté,
et on n’observe aucune grosse artériole ou veinule. Cette partie du ligament est un désert
vasculaire. Cette zone est bien le point faible du ligament car même si on augment le
grossissement du microscope, comme sur la photo n°21, la présence de capillaire est
difficilement mise en évidence. On comprend donc mieux pourquoi un ligament ne peut pas
cicatriser lorsqu’il est lésé à cet endroit.
La photo n°22 est une coupe au 1/3 tibial du LCA. On observe que bien qu’il y ait moins de
capillaires que sur la coupe du 1/3 fémoral, la vascularisation est quand même bien plus
présente qu’en zone médiane.
Cette étude microscopique m’a donc permit de comprendre pourquoi une rupture totale de
ligament croisé antérieur ne peut pas cicatriser après une rupture totale. En effet pour
cicatriser, il faut un bon apport sanguin et nous venons de voir que bien que les zones
externes du LCA (surtout supérieure) soient assez bien vascularisées, la partie médiane de
celui-ci, là où les ruptures sont légions, est pratiquement avasculaire.
Cependant, on peut constater que dans le cas précis d’une rupture partielle, les zones
périphériques peuvent aider à la cicatrisation et à la réparation spontanée sans l’aide de la
main du chirurgien.
ARTERIOLE
PETITS
CAPILLAIRES
PHOTO N°19
RARES CAPILLAIRES
PHOTO N°20
PHOTO N°21
ARTERIOLES ET
CAPILLAIRES
PHOTO N°22
IMPLICATIONS CLINIQUES
1°) Le ligament croisé antéroexterne.
A) Mécanisme traumatique du LCA
La lésion du LCA est un traumatisme assez fréquent dans le sport, notamment les sports de
pivot (football, basketball, ski…).
Elle résulte d’un mouvement forcé provoquant une entorse grave du genou.
Plus de la moitié des ruptures sont le résultat d’un mouvement associant un valgus, une
flexion et une rotation externe (fig1).
Ce mouvement provoquant aussi des lésions associées du ménisque interne et du LLI,
association que l’on appelle triade.
FIGURE 1
Environ un tiers de ruptures du LCA sont dues à un mouvement d’hyper extension que l’on
retrouve notamment dans le football (shoot dans le vide). Dans ce mouvement, le LCA va
aller se déchirer dans l’encoche de Grant (au fond de l’échancrure inter condylienne).
Ensuite, le mouvement de rotation interne forcé pourra également léser le LCA , d’autant
plus qu’il sera associé à un varus et une flexion forcée .
On pourra noter que 80% des lésions du LCA sont intra ligamentaire, et presque toujours
dans le tiers moyen de celui-ci. On peut donc imaginer qu’il puisse exister un conflit précoce
entre le fémur et cette zone du LCA qui est la partie la moins vascularisée du ligament, d’où
le problème de cicatrisation.
Selon les prédisposition anatomiques,(échancrure étroite, condyle interne proéminent…) un
même mouvement forcé pourra donner soit une lésion isolé du LCA soit une lésion
multiplicativement.
Les lésions du LCA ne sont pas toutes complètes, car il existe des ruptures partielles
(atteignant souvent le faisceau antéro-interne) diagnosticable uniquement par arthroscopie.
B) Diagnostic de lésion du LCA
Il est fondé sur:
L’interrogatoire +++
L’examen clinique: -choc rotulien
-gonalgie
-manœuvre de Lachman positive
-tiroir antérieur
-laxité interne (si triade)
-ressaut (pathognomonique)
Les examens complémentaires:
-radiographie standard ou dynamique (Lachman actif)
-arthrographie (fig2) montrant une disparition de la tente du LCA.
-IRM en coupe sagittale médiane ou frontale (fig3)
-arthroscopie (fig4) pour diagnostiquer une rupture partielle
-artériographie si l’entorse comprime l’artère poplitée .
FIGURE 2
FIGURE 3
FIGURE 4
C) Traitement des lésions du LCAE
Thérapeutiques non chirurgicales : uniquement pour les lésions partielles du LCA car le
ligament après 6 semaines de plâtre va cicatriser de lui-même. Pour les ruptures complètes,
un traitement uniquement basé sur l’immobilisation est possible mais il peut engendrer des
instabilités chroniques (arthrose, atteinte ligamentocapsulaire).
Thérapeutiques chirurgicales : -sutures : mauvais résultats, donc abandonné.
-réinsertions transosseuses : pour les désinsertions au
plafond.
-ligamentoplasties : la seule thérapeutique permettant
une récupération de la stabilité du genou.
2°)Le ligament croisé postérointerne.
A)Mécanismes lésionnels.
Le LCP est, comparativement au LCA, beaucoup moins impliqué en clinique (il représente
10% des lésions). En effet, il est moins exposé aux lésions et son absence aura beaucoup
moins d’incidence sur la stabilité du genou grâce à la compensation par les autres structures.
Il est surtout lésé lors des accidents de la voie publique par un choc appuyé en flexion ou en
hyperextension, surtout lorsque genou fléchi, le tibia est percuté d’avant en arrière
(syndrome du tableau de bord), d’où l’existence fréquente d’arrachement osseux rétrospinal.
B)Diagnostic.
Il passera aussi par l’interrogatoire et le type de mouvement en cause.
L’examen clinique retrouvera le signe pathognomonique de la rupture du LCP qui est le
tiroir postérieur.
Les examens complémentaires sont identiques, c’est à dire la radiographie standard
(existence d’une subluxation postérieure du tibia associée ou non à un arrachement osseux
rétrospinal) ou dynamique, et bien sûre l’IRM.
C)Traitement des ruptures de LCP.
Lors d’une rupture de LCP, le traitement chirurgical n’est pas forcément indiqué en raison
d’une bonne tolérance de son absence, un traitement orthopédique est donc suffisant.
Cependant, en cas d’instabilité importante, et s’il s’agit d’un sportif compétiteur, une
reconstruction chirurgicale est envisageable par une greffe de tendon (patellaire,
quadricipital…) associée à une suture du LCP.
CONCLUSION
Cette étude m’a permis d’explorer en profondeur la vascularisation du pivot central.
En effet, j’ai ainsi pu constater comment l’artère moyenne, appuyée de l’artère
inférolatérale, permet un apport vasculaire postérieur pour les ligaments croisés grâce à ses
trois branches de division qui vont se focaliser sur le 1/3 supérieur du pivot central, d’où le
désert vasculaire retrouvé sur mes coupes microscopiques au 1/3 moyen du LCA, le 1/3
inférieur étant moins désertique en raison d’un apport par voie antérieure grâce surtout à
l’artère inférolatérale qui après avoir cheminé autour du condyle tibial latéral va se terminer
au pied du LCA.
Cela confirme les suppositions cliniques et chirurgicales qui mentionnent l’impossibilité
anatomique de la réparation spontanée d’une rupture complète de ligament croisé quel qu’il
soit en raison de leur pauvreté d’apport artériel.
Mes remerciements vont tout d’abord aux différents professeurs d’anatomie notamment le
professeur Rogez pour son aide. Je remercie aussi Stéphane Lagier et Yvan Blin pour leur
appui indispensable et M. Pradal sans qui le travail histologique n’aurait pas été possible.
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