Le docteur Jean-Baptiste Vincent Laborde

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Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2015 ; 13 (1) : 73-82
Le docteur Jean-Baptiste Vincent
Laborde (1830-1903), neurologue
et neurophysiologiste oublié
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Jean-Baptiste Vincent Laborde (1830-1903),
forgotten neurologist and neurophysiologist
Jacques Poirier
Paris, France
<[email protected]>
Tirés à part :
J. Poirier
Résumé. Jean-Baptiste Vincent Laborde (1830-1903), originaire de Gascogne, fait ses
études médicales à Paris et est nommé externe (1854) puis interne (1858) des hôpitaux
de Paris. En 1864, il soutient sa thèse de doctorat en médecine sur la paralysie dite essentielle de l’enfance. Il travaille ensuite dans le laboratoire de physiologie du professeur Jules
Auguste Béclard (1818-1887), puis il devient chef des travaux physiologiques à la Faculté de
médecine de Paris. En 1890, la chaire d’anthropologie biologique de l’École d’anthropologie
de Paris lui est confiée. Ses principaux travaux portent sur les tractions rythmées de la
langue dans les cas de mort apparente, la lutte contre l’utilisation de la céruse, contre la
tuberculose et surtout contre l’alcoolisme ; il contribue à la connaissance de l’étiologie des
ramollissements cérébraux qu’il attribue à des occlusions vasculaires par de l’athérome et
participe à la découverte des connexions entre les noyaux des nerfs crâniens oculo-moteurs
commun et externe. Par ailleurs, il mène une carrière de journaliste à la tête de la rédaction de La Tribune médicale. Enfin, Laborde est un républicain convaincu, un libre penseur
déterminé, qui dirige un temps la Société d’autopsie mutuelle et se montre attaché aux
obsèques civiles et à l’incinération.
Mots clés : histoire de la médecine, histoire de la neurologie, neurologie, physiologie,
neurophysiologie
doi:10.1684/pnv.2015.0518
Abstract. Jean-Baptiste Vincent Laborde (1830-1903), native of Buzet, in Gascony, undertook his medical studies in Paris and was nominated “externe” (1854) then “interne” (1858)
of Paris hospitals. His main “patrons” were Alfred Velpeau (1795-1867), Auguste Nélaton
(1807-1873), Jean-Baptiste Bouillaud (1796-1881), Pierre-Olive Rayer (1793-1867), JosephFrançois Malgaigne (1806-1865), Pierre Carl Edouard Potain (1825-1901), Ernest Charles
Lasègue (1816-1883) and Léon Rostan (1790-1866). In 1864 he defended his thesis on the
essential paralysis of childhood. He then worked in the physiology laboratory of Professor
Jules Auguste Beclard (1818-1887), and became “chef des travaux” of physiology at the
Paris faculty of medicine. In 1890, he was nominated to the chair of Biological anthropology
at the Paris school of anthropology. His main works focused on the rhythmic tractions of
the tongue in cases of apparent death, the understanding of the etiology of brain softening he attributed to vascular occlusions by atheroma and the discovery of connections
between the cranial nuclei of common (III) and external (VI) oculomotor nerves and the
struggle against the use of ceruse, against tuberculosis and especially against alcoholism.
In addition, he made a career in journalism: since 1874 he had been the founder, director and
editor-in-chief of the weekly newspaper The Medical Tribune, whose aim was to “combine
to a fair extent, science and progress with the practice of medicine.” Finally, Laborde was
a convinced Republican, a friend of Léon Gambetta’s (1838-1882). For him, democracy was
the “ideal of civilized nations” and he showed deep hatred for the “Commune of Paris”.
Finally, he was a determined free thinker, who ran the Society for mutual autopsy for a while
and who was attached to civil funerals and cremation.
Key words: history of medicine, history of neurology, neurology, physiology, neurophysiology
Pour citer cet article : Poirier J. Le docteur Jean-Baptiste-Vincent Laborde (1830-1903), neurologue et neurophysiologiste oublié. Geriatr Psychol
Neuropsychiatr Vieil 2015 ; 13(1) : 73-82 doi:10.1684/pnv.2015.0518
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J. Poirier
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J
ean-Baptiste Vincent Laborde [1, 2] est né le 5
décembre 1830 à Buzet (Lot-et-Garonne), devenue
Buzet-sur-Baïse en 1921, dans le quartier de Padouin.
Ses parents sont peu fortunés. Après de brillantes études
à Casteljaloux, puis au lycée de Cahors, il monte à Paris
et s’inscrit en faculté de médecine. Pour subvenir à ses
besoins, il donne des leçons particulières. Il est nommé
externe des hôpitaux de Paris, quarante-septième sur centquatre-vingt-deux au concours de 1854 [3], dans la même
promotion que Sigismond Jaccoud (1830-1913), Benjamin
Ball (1833-1893) et Etienne Lancereaux (1829-1910), futur
président de l’Académie de médecine. En 1858, il est
reçu à l’internat des hôpitaux de Paris, trente-troisième sur
trente-sept nommés, en même temps qu’Adrien Proust
(1834-1903), futur professeur d’hygiène à la faculté de
médecine de Paris, et père de Marcel Proust (1871-1922). À
la fin de sa troisième année d’externat (1857) et de sa quatrième année d’internat (1860), Laborde reçoit la médaille
de bronze de l’Assistance publique accordée aux internes et
aux externes « qui ont toujours rempli leurs fonctions avec
zèle et exactitude [. . ..], comme témoignage de satisfaction
de la part de l’administration » [3].
En 1864, Laborde soutient sa thèse de doctorat en
médecine [4]. Si l’on se réfère aux dédicaces de sa thèse,
ses maîtres sont Alfred Velpeau (1795-1867), professeur de
clinique chirurgicale, Auguste Nélaton (1807-1873), professeur de clinique chirurgicale, Eugène Cazalis (1808-1882),
ex-médecin de la Salpêtrière, médecin de la Maison de
santé, Jean-Baptiste Bouillaud (1796-1881), professeur de
clinique médicale, Pierre-Olive Rayer (1793-1867), médecin
honoraire de la Charité, médecin de l’Empereur, membre de
l’Institut et de l’Académie impériale de médecine, JosephFrançois Malgaigne (1806-1865), professeur de médecine
opératoire, Sauveur Henri Victor Bouvier (1799-1877), médecin de l’hôpital des Enfants, Pierre Carl Edouard Potain
(1825-1901), médecin de l’hospice des Ménages, professeur agrégé à la Faculté de médecine, Ernest Charles
Lasègue (1816-1883), médecin de l’hôpital Necker, professeur agrégé libre à la Faculté de médecine de Paris (figures
1 et 2).
Laborde se présente deux fois sans succès à
l’agrégation et rédige donc deux thèses d’agrégation, la première sur la physiologie pathologique de l’ictère (1868-69)
et la seconde sur la malignité dans les maladies (1872).
Il accumule prix et récompenses [5, 6] : médaille d’or et
prix Corvisart de la Faculté de médecine de Paris (1857), lauréat de la Société médicale des Hôpitaux de Paris (1862-63),
lauréat de la Société anatomique, prix Godard (1864), prix
Monthyon (1865-68), prix Orfila de l’Académie de médecine
(1878-79), prix Bellion et prix de physiologie thérapeutique
de l’Académie des sciences. Il est membre de plusieurs
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sociétés savantes et associations [2] : Société anatomique
de Paris, Société de biologie, Société d’anthropologie de
Paris, Société d’assistance pour les aveugles, Ligue antialcoolique (Président), Société de médecine publique et
d’hygiène professionnelle (membre fondateur). Il est élu à
l’Académie de médecine (section d’anatomie et de physiologie) le 12 juillet 1887 et sera un académicien assidu et
prolixe.
Laborde se marie en 1887. Son épouse meurt huit
ans plus tard. Il se remarie en 1897 avec une veuve de
cinquante-et-un ans [7] qui avait une fille d’un premier
mariage.
Travaillant dans le laboratoire de Jules Auguste Béclard
(1818-1887), professeur de physiologie à la Faculté de
médecine de Paris, il devient chef de travaux de physiologie
et directeur du laboratoire et des travaux physiologiques à
la Faculté de médecine de Paris ; à ce titre, il est chargé
du cours de démonstrations physiologiques. En 1890, la
chaire d’anthropologie biologique de l’École d’anthropologie
de Paris lui est confiée [8]. Il est, par ailleurs, inspecteur des
Maisons de santé privées de la Seine.
Laborde meurt le 5 avril, à son domicile, 1, boulevard
Saint-Germain à Paris. « Les obsèques ont été aussi simples
que possible, comme il convenait, pour un homme d’une
telle envergure morale. » [9]. « Libre-penseur convaincu et
Figure 1. Jean-Baptiste Vincent Laborde (© Bibliothèque de
l’Académie nationale de médecine).
Figure 1. Jean-Baptiste Vincent Laborde (© Library of the national
Academy of medicine).
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015
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Le docteur Laborde, neurologue et neurophysiologiste oublié
ennemi des cérémonies tapageuses, il a exigé des funérailles civiles et sans discours ; hygiéniste, il a été incinéré ;
membre de la Société d’autopsie mutuelle, il a réclamé
l’autopsie de son cadavre ; ses dernières volontés ont
été ponctuellement exécutées. » [10-12]. Ses cendres sont
inhumées au cimetière du Père-Lachaise1 .
L’œuvre scientifique de Laborde est pléthorique et polymorphe, mais, au milieu des multiples travaux réalisés dans
des domaines très divers, quelques grands thèmes se
dégagent : les tractions rythmées de la langue, le ramollissement cérébral, les connexions entre les noyaux du III
et du VI, le combat contre l’alcoolisme.
Les tractions rythmées
de la langue
Lorsque Laborde publie sa méthode des tractions rythmées de la langue pour réveiller le réflexe respiratoire dans
les cas de mort apparente [13], il obtient le meilleur accueil
et son livre paru en 1894 fait l’objet d’une seconde édition trois ans plus tard [14]. Cette découverte, qualifiée
de très importante par la plupart des journaux médicaux,
assure à son auteur une grande renommée et lui vaut
d’être considéré comme un bienfaiteur de l’humanité :
« Combien d’enfants venus avec les apparences de la mort,
de noyés, d’asphyxiés, etc., lui doivent actuellement la vie ?
Cette découverte indiscutée suffirait à elle seule à inscrire
Laborde à la première page du livre d’or des bienfaiteurs
de l’humanité. » [10]. « Ses intéressantes recherches sur
les tractions rythmées de la langue suffisent à donner une
haute idée des services qu’il a rendus à la science et à
l’humanité. » [1].
Le mode opératoire est le suivant : le sujet est étendu
sur le dos, la tête légèrement tournée sur le côté ; avec
les doigts enveloppés d’un linge ou mieux avec la pince
ad-hoc conçue par Laborde on saisit la langue, sur laquelle
on exerce des tractions vers l’extérieur, puis on la laisse
rentrer dans la bouche et l’on recommence la manœuvre
pendant plusieurs heures s’il le faut.
Sa foi en une science pure et dure conduit Laborde à
passer au-dessus des convenances habituelles pour mener
une expérimentation scientifique sur l’homme, ainsi il se
précipite sur la tête fraîchement guillotinée de suppliciés,
comme par exemple celle de Michel Campi (exécuté en
1884), pour voir si grâce aux tractions rythmées de la langue,
la tête isolée du reste du corps peut revivre (ce qui ne fut
pas le cas !) [15].
1
39e division, 3e ligne, M, 34.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015
Figure 2. Buste en marbre de Jean-Baptiste Vincent Laborde, dû au
sculpteur Daniel Bacqué (1874-1947) (© Bibliothèque de l’Académie
nationale de médecine).
Figure 2. Jean-Baptiste Vincent Laborde’s marble bust, by the
sculptor Daniel Bacqué (1874-1947). (© Library of the national Academy of medicine).
Les tractions rythmées de la langue comme technique
de réanimation respiratoire ne survivront évidemment pas
aux procédés plus efficaces qui ont été découverts par la
suite.
Le ramollissement cérébral
Laborde dédie à son maître Léon Rostan (1790-1866),
l’ouvrage qu’il consacre en 1866 au ramollissement cérébral [16] (figure 3). Dans ce travail, il reprend de nombreuses
observations étudiées sur le cerveau à l’état frais et après
durcissement dans une solution d’acide chromique ou de
bichlorate de potasse et mentionne, pour la première fois,
l’usage du microscope. Le microscope est alors utilisé
sur le tissu frais ou fixé, mais sans inclusion ni coloration. Contrairement à la théorie de l’inflammation très en
vogue à l’époque, il décrit le ramollissement spontané
comme un phénomène organique de nature non inflammatoire, en rapport avec des modifications artérielles :
incrustation calcaire des grosses artères et surtout anomalies des capillaires (état moniliforme, dépôts graisseux)
dues à l’âge et au déclin de l’organisme. Pour Laborde, le
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J. Poirier
(1844-1907), Gaston Graux (1848-1925) et Jean-Baptiste
Vincent Laborde.
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L’affaire est d’une telle importance en neurologie, en
neuroanatomie et en neurophysiologie qu’elle mérite d’être
contée.
Figure 3. Ramollissement. Page de titre du livre de Laborde.
Figure 3. Title page of Laborde’s book on brain softening.
ramollissement cérébral correspond donc à une nécrose (ou
nécrobiose) dont les lésions vasculaires primitives sont la
cause. La figure de la planche illustrant son livre montre
un « vaisseau capillaire de la couche optique dans un
foyer couleur hortensia et rouge-carmin. Ce vaisseau, trèsirrégulier dans son calibre et dilaté en ampoule par places,
présente sur ses parois une accumulation considérable
de matière adipo-athéromateuse ; sa lumière paraît être
presque complètement obstruée dans une grande étendue ; les branches secondaires elles-mêmes sont envahies
par le dépôt morbide. » [16] (figure 4).
Ce travail de Laborde représente un bon exemple de ce
que pouvait être la neurologie dans les hôpitaux de Paris
avant que ne s’épanouisse l’école de Jean-Martin Charcot
(1825-1893) [17].
Les connexions entre les noyaux
du III et du VI
La découverte du substratum anatomique des paralysies de la latéralité du regard, c’est-à-dire les connexions
entre les noyaux des nerfs crâniens III (moteur oculaire commun) et VI (moteur oculaire externe) est le fait
de la collaboration entre trois médecins : Mathias Duval
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Le point de départ est le travail d’Adolphe Gubler
(1821-1879), médecin de l’hôpital Beaujon, agrégé de la
faculté, qui publie en novembre 1856 un article [18] dans
lequel il décrit l’hémiplégie alterne – « variété singulière
d’hémiplégie dans laquelle la face étant paralysée d’un
côté, les membres le sont du côté opposé » – qu’il considère comme témoignant d’une lésion de la protubérance et
qu’il pense être une preuve de la décussation des racines
des nerfs faciaux2 . À l’appui de cette assertion, Gubler
cite les travaux d’Alfred Vulpian (1826-1887) et Jean-Marie
Philipeaux (1809-1892) publiés en 1853 [19]. Signalons au
passage qu’Auguste Millard (1830-1915), alors interne, futur
médecin des hôpitaux, avait revendiqué la priorité de cette
découverte [20]. Quoi qu’il en soit de la querelle de priorité,
Gubler et Millard (que la postérité a associé en désignant
cette pathologie par le terme de syndrome de MillardGubler) découvrent l’existence d’hémiplégies alternes et les
rapportent à des lésions de la protubérance, mais ni l’un ni
l’autre ne mentionnent de trouble de l’oculo-motricité.
C’est Achille Louis Foville fils (1831-1887), souvent
appelé Achille Louis Defoville pour être distingué de son
père Achille-Louis Foville (1799-1878), qui publie en 1858
la première observation d’un patient ayant une hémiplégie
alterne avec paralysie de la latéralité du regard [21]. Il émet
l’hypothèse d’une lésion protubérantielle et d’une décussation des racines du nerf facial au niveau de la protubérance ;
il interprète – sans preuve anatomique – la paralysie de la
latéralité, en émettant l’hypothèse qu’il existe des connexions entre le noyau du III d’un côté et celui du VI) de l’autre :
« La nature aurait employé, pour diriger en même temps les
deux yeux dans une même direction, un moyen analogue
à celui que l’homme a su trouver lorsque, ayant à conduire
deux chevaux attelés ensemble, il sait réunir dans chacune
de ses mains les rênes qui, par un seul mouvement, les
entraînent tous les deux à la fois vers la droite ou vers la
gauche. C’est de même, que chaque côté de la protubérance annulaire, donnant naissance à des fibres nerveuses
qui les unes vont animer le muscle droit externe (abducteur)
du même côté, et les autres font contracter le muscle droit
interne (adducteur) de l’autre côté, présiderait aux mouvements, antagonistes en apparence, qui assurent la vision à
droite ou à gauche. »
2
Cette expression désigne les fibres du faisceau pyramidal qui innervent
les noyaux du facial.
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Le docteur Laborde, neurologue et neurophysiologiste oublié
Félix Féréol [22] (1825-1891), médecin des hôpitaux, est
le premier à donner en 1873, à partir de son interprétation de la littérature neuro-anatomique, la démonstration
anatomo-clinique des connexions entre les noyaux du III
et du VI, seulement soupçonnées par Defoville [23]. La
démonstration définitive de ces connexions revient aux travaux anatomiques et expérimentaux de son interne Gaston
Graux, de Mathias Duval et de Laborde, effectués chez le
chat puis le singe et publiés de 1877 à 1880 [24], et qui
ont fait l’objet de la thèse de Graux [25, 26]. Ces auteurs
démontrent l’existence physiologique et anatomique des
connexions entre les noyaux du III et du VI (et aussi du
IV, nerf pathétique) qui empruntent le trajet des bandelettes longitudinales postérieures (figure 5). Par la suite, de
nombreuses confirmations cliniques ou anatomo-cliniques
ont été rapportées. On sait aujourd’hui – comme Duval et
Laborde l’avaient déjà montré – que la bandelette longitudinale postérieure (ultérieurement dénommée fasciculus
longitudinalis medialis ou faisceau longitudinal médian) est
un faisceau de fibres d’association ascendantes et descendantes, homo et contro-latérales, unissant les noyaux des
nerfs crâniens entre eux (et donc notamment le noyau du VI
au noyau du III controlatéral) et aux noyaux des autres nerfs
crâniens et s’étendant de la partie supérieure du mésencéphale à la moelle épinière.
Figure 4. Ramollissement. Planche, figure V (JBV Laborde, 1866).
Légende détaillée dans le texte.
Figure 4. Softening of the brain attributed to arterial occlusion due
to atheroma. Figure V (JBV Laborde, 1866).
Le combat contre l’alcoolisme
A la fin du XIXe siècle, l’alcoolisme ravage la France
[27] et le combat contre ce fléau devient une préoccupation lancinante. Laborde est un des plus actifs apôtre de la
lutte anti-alcoolique [28] : « il se lança avec une ardeur toute
juvénile dans la lutte entreprise contre ce fléau national » [1],
« pour l’amour de ses semblables, pour l’amour du bien, il
y mit son âme entière. » [29].
Pour Laborde, partisan – comme la plupart des médecins de l’époque – du rôle majeur de l’hérédité, l’alcoolique
« porte en lui-même, en son organisation morale, une disposition qui l’excite, et l’entraîne irrésistiblement à boire ;
cette disposition morbide est antérieure à celle que crée,
à son tour, l’habitude alcoolique ; de telle sorte que l’une
succède en réalité à l’autre, et que leurs effets s’ajoutent
ensuite et se compliquent. » [30].
L’article 13 de la loi du 29 décembre 1900 [31] stipule
que « le Gouvernement interdira par décret la fabrication,
Ia circulation et Ia vente de toute essence reconnue dangereuse et déclarée telle par l’Académie de médecine. » En
conséquence, Pierrre Waldeck-Rousseau (1846-1904), président du Conseil, ministre de l’Intérieur et des cultes, écrit
au Secrétaire perpétuel de l’Académie pour demander un
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Figure 5. Coupe transversale de la protubérance du singe papion.
a : quatrième ventricule, PC : pédoncule cérébelleux supérieur, BP :
bandelette longitudinale postérieure, x : entrecroisement des fibres
de la BP. « On voit, du bord interne de chaque bandelette longitudinale, se détacher de minces fascicules nerveux, qui se dirigent
en dedans et un peu en haut (en x), s’entre-croisent sur la ligne
médiane, et viennent constituer, du côté réciproquement opposé
à leur point de départ, un ou deux petits cordons à coupe ronde ou
ovale. » (Duval et Laborde. J Anat Physiol 1880, Planche I, Fig. 2).
Figure 5. Transversal section of the pons of monkey papio. a :
fourth ventricle, PC : pedunculus cerebellaris superior, BP : medial
longitudinal bundle, x : interlacing of the BP fibers. « Coming off
from the inner edge of each longitudinal bundle, thin nerve fascicles, directed inwards and slightly up (x) cross each other in the
midline are shown, and go up to the controlateral side, forming one
or two small round or oval cords. » (Duval et Laborde, J Anat Physiol
1880, Planche I, Fig. 2).
rapport à l’Académie. Laborde, rapporteur de la Commission chargée du travail préparatoire, soumet le rapport [32] à
l’Académie de médecine dans la séance du 27 janvier 1903.
Les discussions s’étalent sur plusieurs séances jusqu’au 10
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J. Poirier
mars, séance à l’issue de laquelle les conclusions du rapport
sont adoptées à l’unanimité : l’Académie déclare que toutes
les boissons contenant des essences naturelles ou artificielles sont dangereuses et nuisibles, tant par ces essences
que par l’alcool, et qu’elles mériteraient d’être proscrites,
ou tout au moins surtaxées « de telle manière que la surtaxe devienne en quelque sorte prohibitive. » Enfin, pour
terminer cette discussion, la Commission de l’alcoolisme
propose à l’Académie d’émettre le vœu « qu’il soit pris des
mesures efficaces pour diminuer le nombre des débits de
boissons. » Ces conclusions et ce vœu sont adoptées à
l’unanimité. » [33]. C’est à la suite de ces travaux intensifs que Laborde meurt : « Il meurt usé par le travail, ayant
épuisé ses forces jusqu’au dernier instant dans les luttes
qu’il soutenait pour les justes causes, causes de préservation et de défense sociales, dont il s’était fait le courageux,
l’infatigable défenseur. » [34].
Les nombreux autres travaux
Laborde s’intéresse à de nombreuses questions, en particulier de physiologie et de neurophysiologie (notamment
sur le bulbe, la protubérance, l’écorce cérébrale, le cervelet) [1], de pharmacologie, de toxicologie, d’hygiène, de
santé publique et de pathologie expérimentale. À l’exemple
de Claude Bernard, il considère la méthode expérimentale
« comme le moyen le plus efficace et le plus sûr, comme
le vrai instrument du progrès à réaliser dans ces sciences »
[1]. Ses contributions scientifiques sont si nombreuses et
variées qu’il n’est malheureusement pas question de les
analyser en détail ni même de toutes les citer dans le
cadre limité de cet article. En voici, pêle-mêle, quelques
exemples.
La pathologie expérimentale
« Nous sera-t-il permis de dire que nous avons été l’un
des premiers, sinon le premier, à frayer cette voie, dans
laquelle est entrée et marche résolument aujourd’hui, pour
le plus grand bien de la science et de la pratique médicales,
la pathologie expérimentale ? » [35]. Laborde a en permanence le souci que ses expériences soient dirigées « dans le
but d’en tirer des déductions pratiques pour la pathologie. »
[35] et souligne le fait que ces études « doivent avoir pour
résultat de soustraire le médecin aux incertitudes aveugles
et aux dangers de l’empirisme. » [35].
Laborde souhaite compléter la création de maladies
expérimentales par l’« étude des moyens capables de remédier, autant que possible, à la maladie qu’il a provoquée, qu’il
a créée. » [35].
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Aucun des antiseptiques testés (quinine, acides phénique, chromique, sulfurique, salicylique, bichromate de
potasse, permanganate de potasse) dans la septicémie
expérimentale n’a eu d’effet préventif ou curatif.
Le traitement de l’épilepsie par le bromure
de potassium
Laborde est l’instigateur d’un des premiers traitements
de l’épilepsie par le bromure de potassium, chez une jeune
fille hospitalisée aux Enfants-Malades dans le service du
docteur Blache, et dont la guérison s’est maintenue depuis
quinze ans [36].
Les accidents du chloroforme et l’insufflation
pulmonaire
Chez l’homme, à tous les moments de la chloroformisation per-opératoire, pour « ranimer les phénomènes
mécaniques de la fonction respiratoire, éteinte ou près
de s’éteindre, cette extinction constituant le mécanisme
essentiel de l’action toxique propre du chloroforme »,
Laborde préconise la respiration artificielle, par le procédé
de l’insufflation pulmonaire sans trachéotomie, à l’aide d’un
dispositif « composé d’un masque avec ses accessoires, et
d’un soufflet. » [37].
La lutte contre le blanc de céruse
On savait depuis le début du XVIIIe siècle que la céruse,
très largement utilisée, notamment par les peintres en
bâtiments, était extrêmement nocive pour la santé du fait
du plomb qu’elle contient et donc du saturnisme qu’elle
entraîne. Et pourtant, son usage n’était pas prohibé et
ce n’est que dans les dernières années du XIXe siècle et
les premières du XXe que, sous la pression des syndicats
ouvriers et grâce au combat mené par un certain nombre
d’hygiénistes et de médecins, notamment Laborde qui fut
à la pointe de ce combat [38], le blanc de céruse fut remis
en question et finalement interdit en 1921[39].
La fonction rythmique du tissu musculaire
cardiaque
Ce travail de physiologie embryologique, mené en 1878
en collaboration avec Mathias Duval, a pu être réalisé
« grâce à un procédé qui permet de saisir et de suivre,
sous l’instrument grossissant, durant plusieurs heures, tous
les détails du fonctionnement du cœur naissant et en formation ». Ainsi, les auteurs ont montré que « seul parmi
les organes en formation, le cœur fonctionne en même
temps qu’il se développe » : très tôt en effet, alors même
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Le docteur Laborde, neurologue et neurophysiologiste oublié
qu’il n’est encore qu’un simple tube renflé, on voit apparaître « la pulsation rythmique du tube cardiaque ». La
« propriété contractile » des éléments constitutifs du cœur
possède donc une « autonomie fonctionnelle ». Par ailleurs,
la démonstration est apportée que les contractions commencent du côté veineux du cœur (c’est-à-dire du côté de ce
qui sera plus tard l’oreillette) pour finir du côté ventriculaire
et artériel [5].
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L’acide du suc gastrique
Malgré sa rigueur scientifique, Laborde n’a pas toujours
raison. En utilisant les modifications de couleur différentes
que l’acide lactique et l’acide chlorhydrique produisent sur
le bleu d’aniline et le violet de Paris, Laborde croit avoir
démontré que l’acide du suc gastrique normal est l’acide
lactique et non l’acide chlorhydrique, comme William Prout
(1785-1850) l’avait montré [40].
Cette conviction (erronée) entraîne la violente algarade
qui l’oppose, lors d’une séance de la Société de biologie,
à Charles Richet dont les travaux démontraient le contraire
[41].
Pharmacologie et toxicologie
Ses travaux de pharmacologie portent sur les bromures,
l’aconitine, la cocaïne, la spartéine, la narcéine, le quinquina,
la colchicine – avec A. Houdé (1854-1919), pharmacienchimiste, il met au point un procédé d’extraction de la
colchicine cristallisée permettant l’obtention d’un « produit
unique, toujours identique à lui-même, et d’une activité
éprouvée » qui « constitue un médicament curatif, et surtout
préventif de l’accès goutteux proprement dit. » [42] –. Par
ailleurs, Laborde « s’est fait remarquer par des recherches
expérimentales des plus intéressantes sur le poison des
flèches des négritos (Sakayes), de la presqu’île malaise, le
poison des Wakamba (Zanguebar). » [1].
Des préfaces et des éloges funèbres
Laborde a écrit des préfaces [43] et rédigé des éloges
funèbres, notamment celui des deux Béclard, le père et le
fils [44].
Des instruments et appareils
Les instruments et appareils inventés par Laborde sont
nombreux : on peut citer notamment une aiguille à ponction lombaire, une pince pour traction rythmée de la langue,
une pince dilatatrice à trois branches pour trachéotomie, un
masque pour insufflation d’air au cours des chloroformisations ou encore une canule à fistule gastrique.
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Laborde, journaliste médical
Depuis 1874, Laborde est le fondateur, directeur et
rédacteur en chef du journal hebdomadaire La Tribune Médicale, dont l’objectif était d’« allier, dans une juste mesure,
la science et ses progrès à la pratique de la médecine. »
[45]. Les questions relatives à la pédagogie et aux réformes
de l’enseignement de la médecine y tiennent une place
importante. De nombreux articles sont également consacrés aux questions d’hygiène et de salubrité (les eaux, les
vidanges, les viandes, etc.) [46]. Lors du Congrès international des sciences médicales tenu à Rome en 1894,
les journalistes présents avaient formé l’intention de fonder une Association Internationale de la Presse médicale
dont le but principal était de « favoriser le rôle des journalistes médicaux pendant les grands Congrès ». Pour ce faire,
ils avaient institué un Comité international provisoire dont
Laborde avait été nommé Président. Les travaux préparatoires de ce comité ne purent – pour des raisons diverses
– aboutir avant plusieurs années. Et c’est le 26 juillet 1900,
à l’occasion de l’Exposition universelle, que le 1er Congrès
International de la Presse médicale se réunit à Paris, sous la
présidence de Victor Cornil et la vice-présidence de Laborde
[47].
Laborde, républicain
et libre penseur
Laborde, républicain, libre penseur, est membre de
l’École anthropologique de Paris et de la Société d’autopsie
mutuelle. Pour lui, le régime démocratique est l’« idéal des
peuples civilisés. » [48]. Il a pour la Commune, le « groupe
communeux » [49], une profonde haine ; dans son récit de
l’épopée de la rue Perronnet, il associe dans une même
réprobation les Fédérés et les ravages de l’alcoolisme :
« les contre-allées étaient littéralement jonchées de Fédérés étendus à terre et roulés dans la poussière, dont ils
étaient imprégnés et salis de la tête aux pieds ; on eût
dit des êtres privés de vie, si un ronchus particulier et
presque général n’eût annoncé qu’ils n’avaient que la mort
de l’ivresse complète. » [49]. Il qualifie Adolphe Thiers (17971877) d’« illustre libérateur du territoire » [48] et conclut :
« Donnons-nous entièrement à l’œuvre de régénération
physique et morale qui, seule, peut nous relever de nos
désastres et nous sauver de la décadence. » [49].
Dans le livre qu’il consacre à Léon Gambetta (18381882) [48], le « Sauveur de l’honneur national », le « grand
citoyen, nouvellement éclos à la vie politique, mais qui
y avait pris d’emblée, grâce à ses qualités puissantes et
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J. Poirier
à son patriotisme enflammé, une place prépondérante »,
Laborde rapporte les résultats de l’examen post mortem de
son cerveau. Gambetta est autopsié au sein de la Société
d’autopsie mutuelle dont il est membre. Son cerveau est
pesé (1 160 g) par Laborde et Paul Bert (1833-1886). Le
pied de la troisième circonvolution frontale est beaucoup
plus volumineux à gauche qu’à droite et ce « développement, exceptionnel » ne se voit dans aucun autre cerveau.
Ainsi se vérifie le « principe biologique de haute et première
importance, savoir : qu’entre la fonction et l’organe dans
lequel elle réside il existe un rapport d’étroite et nécessaire
solidarité ». Gambetta était en effet « un des plus grands
orateurs, le plus grand peut-être ».
La Société d’autopsie mutuelle [50]3 est fondée, à Paris
le 19 octobre 1876 (et autorisée le 29 décembre 1880)
par des anthropologues républicains, athées, anticléricaux
et libre penseurs, sur l’initiative du docteur Auguste Coudereau (1832-1882), au cours d’une réunion de la Société
d’anthropologie de Paris, fondée par Paul Broca (18241880). De nombreuses personnalités, plusieurs de gauche
et d’extrême gauche, adhèrent à la Société, comme par
exemple Léon Gambetta (1838-1882), le général Léon Faidherbe (1818-1889), Stéphen Pichon (1857-1933), Georges
Laguerre (1856-1912), le docteur Paul Robin (1837-1912),
Jacques Bertillon (1851-1922), Clémence Royer (18301902), le professeur Mathias Duval (1844-1907) et bien
d’autres. Les autopsies sont pratiquées dans le laboratoire
d’anthropologie, qui, plusieurs décennies après Broca, est
théoriquement sous le contrôle de Laborde ; mais comme
ce dernier est généralement absent, le laboratoire est en
réalité dirigé par le docteur Léonce Manouvrier (1850-1927),
disciple de Broca, titulaire de la chaire d’anthropologie
physiologique de l’École d’anthropologie (1887), directeuradjoint (1900) du laboratoire d’anthropologie de l’École des
hautes études dont il devient le directeur en titre à la mort de
Laborde (1903). Hecht [50] pointe le fait que Laborde était
« an anthropologist from outside the immediate ranks of the
freethinkers » et que, pendant sa présidence (de 1892 à sa
mort en 1903), la ferveur politique de la Société d’autopsie
mutuelle chuta. Lorsque, après sa mort, le docteur Henri
Thulié (1832-1916) en devient président, les fondements
radicalement libre-penseurs, athées et républicains de la
société sont rétablis.
L’autopsie de Laborde, pratiquée dans le cadre de la
société, montre que son cerveau avait les mêmes caractéristiques que celui de Gambetta, or, comme Gambetta, « le
3
Cet ouvrage donne, dans son chapitre 1 (The Society of Mutual Autopsy
and the Liturgy of Death, p.6-40), un excellent historique, très documenté,
de la Société d’autopsie mutuelle, notamment à partir des archives de la
Société.
80
Points clés
• En 1866, en opposition aux idées dominantes à
l’époque, Jean-Baptiste Vincent Laborde attribue les
ramollissements cérébraux à des occlusions vasculaires
par des dépôts d’athérome.
• Il démontre les connexions entre les noyaux du III et
du VI.
• Physiologiste réputé, il est aussi un républicain, libre
penseur, professeur à l’École d’anthropologie de Paris
et membre de la Société d’autopsie mutuelle.
• Journaliste, il fonde et dirige la rédaction de La Tribune
médicale.
Dr Laborde était un disert. [. . .] En résumé, le pied de la frontale inférieure est beaucoup plus gros à gauche qu’à droite,
et il semble avoir absorbé le cap dont il n’est plus séparé
que par une profonde incisure. Son volume est d’autant plus
remarquable que le cerveau est petit (1 234 gr.) et que les circonvolutions sont peu compliquées dans leur ensemble. »
[51].
« Il était d’ailleurs le défenseur ardent de toutes les idées
généreuses et de tous les progrès sociaux et nous ne saurions oublier ici l’appui sincère qu’il donna à maintes reprises
dans son journal à notre rédacteur en chef, M. Bourneville,
dans son œuvre de laïcisation. » [10].
Conclusion
Au-delà de son œuvre scientifique considérable de
physiologiste, de neurophysiologiste et d’hygiéniste, JeanBaptiste Vincent Laborde est un homme remarquable.
Certes sa foi en une science pure et dure et sa conviction
que l’hérédité joue en pathologie un rôle bien plus important que le milieu et les circonstances extérieures [49] ne
traduisent que l’idéologie médicale dominante du moment,
mais sa personnalité propre apparaît à l’évidence dans son
amour du combat pour faire triompher la vérité et pour venir
en aide à l’humanité souffrante : lutte pour la République,
la démocratie, la libre-pensée, la laïcisation, l’autopsie, la
crémation, lutte contre les fléaux de l’humanité que sont la
céruse, la tuberculose et avant tout contre l’alcoolisme.
Dans ses notices nécrologiques parues dans de nombreux journaux [1, 10, 11, 53-56] reviennent sans cesse
les expressions de « ses qualités chevaleresques », « un
apôtre », « un paladin de la science » (selon l’expression
de son élève et ami le docteur Armand Malbec [10]), « une
honnêteté proverbiale », « sa droiture », « sa fierté irréductible », « sa modestie », « sa grande bonté », « envergure
morale », « un travailleur infatigable et consciencieux »,
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Le docteur Laborde, neurologue et neurophysiologiste oublié
« orateur d’une fougue extraordinaire et d’une éloquence
entraînante », « l’abondance de la parole », « sa haute valeur
scientifique », « une opiniâtreté rare », « son amour de la
lutte », « l’excellent confrère et ami qui emporte avec lui
d’universelles sympathies ». « Indépendant, il entendait le
rester ; [. . .] Seul, ou presque seul de tous les Académiciens, Laborde n’était pas décoré. » [9, 12]. « D’une fierté
irréductible à l’égard des puissances, Laborde ne voulut pas
même être chevalier de la Légion d’honneur [. . .]. » [9, 52].
Ainsi, comme Désiré Bourneville (1840-1909) [57], à
l’instar du docteur Pascal [58], Jean-Baptiste Laborde,
au-delà du savant, a l’étoffe d’un grand médecin républicain, athée, libre penseur, de la deuxième moitié du XIXe
siècle.
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Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015
Remerciements. Je remercie ma fille Patricia Poirier pour les informations généalogiques concernant Jean-Baptiste Vincent Laborde,
ainsi qu’Aline Poirier pour la révision de l’anglais. J’adresse également mes remerciements à la Bibliothèque de l’Académie
nationale de médecine et à la Bibliothèque inter-universitaire de
santé pour les documents iconographiques.
Liens d’intérêts : L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en
rapport avec cet article.
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