Éditorial Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2006 ; 4 (1) : 5-6 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 24/05/2017. Vous savez que j’ai pour principe de ne pas tenir compte de la théorie et de laisser de côté tous les préjugés. Si vous voulez voir clair, il fait prendre les choses comme elles sont. Jean-Martin Charcot Leçons du mardi à la Salpêtrière L a revue thématique de cette année est consacrée à la douleur chez le sujet âgé. Bernard Calvino retrace les bases neurologiques de la douleur en distinguant clairement l’aspect physiologique de la composante psychologique fondamentale de la douleur. En dépit de la clarté de cet article, nul doute qu’il demandera quelques efforts aux lecteurs non familiarisés avec la physiologie du système nerveux central. Nous les engageons vivement néanmoins à faire cet effort, car il montre combien le phénomène douloureux est complexe, reposant sur nombre de structures, mais aussi l’importance du contrôle cortical (psychologique) sur la douleur. L’article de Christine Moroni et Bernard Laurent met en évidence l’importance des facteurs cognitifs dans la douleur chronique : un grand progrès a été fait dans la compréhension de ces phénomènes. La mise en garde contre les tentations néo-localisationnistes et réductionnistes liées à l’imagerie cérébrale mérite d’être soulignée. Olivier Walusinski nous introduit dans l’univers de cet étrange comportement archaïque et contagieux qu’est le bâillement et à son évolution au cours de la vie comme des pathologies associées au vieillissement. François Sellal décrit ce syndrome très particulier que représente l’ictus amnésique, au centre des amnésies transitoires des sujets âgés et aux confins de la neurologie et de la psychopathologie. Les amnésies psychogènes transitoires, fréquentes chez l’adulte, semblent moins évidentes chez le sujet âgé. Peut-être est-ce lié au fait que les difficultés psychologiques du sujet âgé se traduisent plus aujourd’hui en termes de plainte mnésique qu’en celui d’épisodes amnésiques. La revue très complète que consacrent Pascale Cowppli-Bony et al. aux facteurs de risque vasculaire Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 1, mars 2006 dans la maladie d’Alzheimer montre les limites des études épidémiologiques observationnelles du fait du nombre de variables qui ne peuvent être contrôlées. Dans ces conditions, on peut douter de l’apport des méta-analyses qui leur sont consacrées, base de la médecine fondée sur les preuves. Quelle conclusion peut tirer le clinicien lorsque dix études semblent montrer un lien entre un facteur de risque et la maladie, lien réfuté par huit autres études ? Philippe Thomas introduit une nouvelle méthode de dépistage des déficits cognitifs chez les sujets âgés dont la brièveté serait un élément essentiel pour l’utilisation en médecine générale. En réalité, il existe une quantité d’outils de ce genre. Tous se heurtent à deux objections : ils ne sont pas utilisés en pratique car le problème des généralistes est moins une question d’outils que de formation, de culture. D’autre part, tous ces tests donnent d’excellents résultats lors des études de validation, mais ils sont beaucoup moins performants chez le généraliste pour une simple raison. La valeur prédictive d’un test (la probabilité qu’il existe un déficit lorsque ce test est positif ou qu’il n’existe pas de déficit lorsqu’il est négatif) dépend avant tout de la fréquence de la maladie dans la population étudiée. Dans l’étude de Thomas et al., la valeur prédictive positive est de 83 % (c’est-à-dire qu’elle détecte un déficit cognitif dans plus de 8 cas sur 10 lorsqu’il est positif), mais pour une probabilité a priori de 65 % (c’est-à-dire que, dans l’échantillon étudié, plus de 6 sujets sur dix ont une probabilité d’avoir un déficit cognitif avant tout test). Cette fréquence est très supérieure à celle observée dans les consultations de mémoire. Chez un généraliste, cette probabilité est considérablement inférieure (beaucoup moins de 1 %) : de ce fait la valeur prédictive du test (donc son utilité diagnostique) chute dans des proportions drastiques. Les auteurs soulignent l’intérêt de l’utilisation de ce test par un personnel non formé dans les institutions ou les services gériatriques. Mais est-il raisonnable de confier le soin de dépister les démences aux aides-soignantes dans ces établissements ? N’est-ce pas là une carence importante de la prise en charge (en soin) des institutions gériatriques ? 5 C. Derouesné sion chez les patients. De plus, les études sur l’apraxie nous ont bien appris que des patients incapables de montrer l’utilisation des objets lors d’un examen, sont parfaitement capables de les utiliser dans un contexte naturel. Ce n’est pas parce qu’un patient a des difficultés de reconnaître une émotion sur un visage dessiné ou photographié qu’il n’est pas capable de reconnaître cette émotion en situation, notamment sur un visage connu. Christian Derouesné Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 24/05/2017. Karine Lachenal-Chevallet et al. ont mis en évidence un défaut de reconnaissance des émotions exprimées par le visage chez les sujets atteints de maladie de Parkinson au moyen d’une technique très élégante. Toutefois, leurs conclusions impliquant ces déficits de reconnaissance dans les perturbations émotionnelles de ces sujets sont à prendre avec beaucoup de prudence. Il n’est pas évident que les difficultés de reconnaître la peur ou le dégoût aient un quelconque rapport avec le développement d’une apathie ou d’une dépres- 6 Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 1, mars 2006