Éditorial - John Libbey Eurotext

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Éditorial
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2006 ; 4 (1) : 5-6
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Vous savez que j’ai pour principe de ne
pas tenir compte de la théorie et de
laisser de côté tous les préjugés. Si vous
voulez voir clair, il fait prendre les choses
comme elles sont.
Jean-Martin Charcot
Leçons du mardi à la Salpêtrière
L
a revue thématique de cette année est consacrée à la douleur chez le sujet âgé. Bernard
Calvino retrace les bases neurologiques de la
douleur en distinguant clairement l’aspect physiologique de la composante psychologique fondamentale de
la douleur. En dépit de la clarté de cet article, nul doute
qu’il demandera quelques efforts aux lecteurs non
familiarisés avec la physiologie du système nerveux
central. Nous les engageons vivement néanmoins à
faire cet effort, car il montre combien le phénomène
douloureux est complexe, reposant sur nombre de
structures, mais aussi l’importance du contrôle cortical
(psychologique) sur la douleur. L’article de Christine
Moroni et Bernard Laurent met en évidence l’importance des facteurs cognitifs dans la douleur chronique :
un grand progrès a été fait dans la compréhension de
ces phénomènes. La mise en garde contre les tentations néo-localisationnistes et réductionnistes liées à
l’imagerie cérébrale mérite d’être soulignée.
Olivier Walusinski nous introduit dans l’univers de
cet étrange comportement archaïque et contagieux
qu’est le bâillement et à son évolution au cours de la
vie comme des pathologies associées au vieillissement. François Sellal décrit ce syndrome très particulier que représente l’ictus amnésique, au centre des
amnésies transitoires des sujets âgés et aux confins de
la neurologie et de la psychopathologie. Les amnésies
psychogènes transitoires, fréquentes chez l’adulte,
semblent moins évidentes chez le sujet âgé. Peut-être
est-ce lié au fait que les difficultés psychologiques du
sujet âgé se traduisent plus aujourd’hui en termes de
plainte mnésique qu’en celui d’épisodes amnésiques.
La revue très complète que consacrent Pascale
Cowppli-Bony et al. aux facteurs de risque vasculaire
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 1, mars 2006
dans la maladie d’Alzheimer montre les limites des
études épidémiologiques observationnelles du fait du
nombre de variables qui ne peuvent être contrôlées.
Dans ces conditions, on peut douter de l’apport des
méta-analyses qui leur sont consacrées, base de la
médecine fondée sur les preuves. Quelle conclusion
peut tirer le clinicien lorsque dix études semblent montrer un lien entre un facteur de risque et la maladie, lien
réfuté par huit autres études ?
Philippe Thomas introduit une nouvelle méthode de
dépistage des déficits cognitifs chez les sujets âgés
dont la brièveté serait un élément essentiel pour l’utilisation en médecine générale. En réalité, il existe une
quantité d’outils de ce genre. Tous se heurtent à deux
objections : ils ne sont pas utilisés en pratique car le
problème des généralistes est moins une question
d’outils que de formation, de culture. D’autre part, tous
ces tests donnent d’excellents résultats lors des études
de validation, mais ils sont beaucoup moins performants chez le généraliste pour une simple raison. La
valeur prédictive d’un test (la probabilité qu’il existe un
déficit lorsque ce test est positif ou qu’il n’existe pas de
déficit lorsqu’il est négatif) dépend avant tout de la
fréquence de la maladie dans la population étudiée.
Dans l’étude de Thomas et al., la valeur prédictive positive est de 83 % (c’est-à-dire qu’elle détecte un déficit
cognitif dans plus de 8 cas sur 10 lorsqu’il est positif),
mais pour une probabilité a priori de 65 % (c’est-à-dire
que, dans l’échantillon étudié, plus de 6 sujets sur dix
ont une probabilité d’avoir un déficit cognitif avant tout
test). Cette fréquence est très supérieure à celle observée dans les consultations de mémoire. Chez un généraliste, cette probabilité est considérablement inférieure (beaucoup moins de 1 %) : de ce fait la valeur
prédictive du test (donc son utilité diagnostique) chute
dans des proportions drastiques. Les auteurs soulignent l’intérêt de l’utilisation de ce test par un personnel non formé dans les institutions ou les services
gériatriques. Mais est-il raisonnable de confier le soin
de dépister les démences aux aides-soignantes dans
ces établissements ? N’est-ce pas là une carence
importante de la prise en charge (en soin) des institutions gériatriques ?
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C. Derouesné
sion chez les patients. De plus, les études sur l’apraxie
nous ont bien appris que des patients incapables de
montrer l’utilisation des objets lors d’un examen, sont
parfaitement capables de les utiliser dans un contexte
naturel. Ce n’est pas parce qu’un patient a des difficultés de reconnaître une émotion sur un visage dessiné
ou photographié qu’il n’est pas capable de reconnaître
cette émotion en situation, notamment sur un visage
connu.
Christian Derouesné
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Karine Lachenal-Chevallet et al. ont mis en évidence
un défaut de reconnaissance des émotions exprimées
par le visage chez les sujets atteints de maladie de
Parkinson au moyen d’une technique très élégante.
Toutefois, leurs conclusions impliquant ces déficits de
reconnaissance dans les perturbations émotionnelles
de ces sujets sont à prendre avec beaucoup de prudence. Il n’est pas évident que les difficultés de reconnaître la peur ou le dégoût aient un quelconque rapport
avec le développement d’une apathie ou d’une dépres-
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Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° 1, mars 2006
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