Analyse de la publicité Audi A6

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Présentation de la séquence :
Cette séquence vidéo est une publicité pour la marque automobile allemande
Audi qui fait parti du groupe Volkswagen. Elle raconte la fabrication
miraculeuse du modèle "A6", disponibles à la vente durant l'année 2011, par un
artisan aux mains expertes, à partir d'un simple pavé d'aluminium, grand
comme une brique, qu'il étire et pétrit de ses mains comme de l'argile. À la fin
de l'exercice, comme par magie, après quelques rotation sur son pont
hydraulique, la voiture se pose sur le sol complètement carrossée et achevée,
rutilante.
Analyse de la séquence :
On distingue 6 étapes dans la fabrication magique de cette automobile dans le
cadre d'un atelier parfaitement éclairé et immaculé :
- 1_la présentation des matériaux, disposés sur une table où l'on peut
reconnaître des blocs de métal argenté de différentes dimensions ainsi qu'un
cahier sur lequel semble notés les plans de la voiture à construire, une équerre
et un compas
- 2_le choix du bloc d'aluminium adéquat est représenté en gros plan dans
l'exercice du soupesage dudit bloc par la main de l'artisan. La caméra, qui se
substitue au regard de l'homme montre le geste sûr qui choisit du premier coup
le bon bloc, c'est un regard expert qui précède les manipulations expertes.
- 3_le début du modelage commence avec un gros plan sur le pouce qui
s'enfonce dans le métal, aussi malléable que de la pâte à modeler !
La caméras accumule les gros plans sur les mains qui tirent et modèlent les
éléments du châssis à partir de la matière initiale du bloc.
- 4_l'assemblage : les mains viennent sceller les arcs qui formeront le toit
- 5_les finitions : d'un geste caressant du pouce, le personnage lisse et efface
les traces trop visibles du modelage.
- 6_plan d'ensemble sur le châssis terminé puis à nouveau gros plan sur la
main du personnage qui, d'une pichenette sur le pont hydraulique sur lequel
repose la voiture fait pivoter l'ensemble qui comme par magie se retrouve
habillé carrossé, lustré, bref, d'une finition irréprochable, lorsque la voiture
touche le sol de ses 4 pneus, sur laquelle la caméra vient se focaliser à l'endroit
précis apparaît les 4 anneaux qui forment le logo de la marque Audi. S'ensuit
un dernier plan où la voiture est cadrée en plan d'ensemble, rutilante, dans la
lumière parfaitement distribuée de l'atelier, toujours aussi immaculé qu'au
début. Le message "Nouvelle Audi A6. Imaginée avec plus de légèreté."
apparaît alors sous la calandre avant de la voiture.
La séquence se conclut par le jingle sonore spécifique de la marque Audi avec
comme slogan "Audi - L'avance par la technologie".
Toute la séquence est accompagnée d'une petite musique, douce et
carillonnante, qu'une voix de femme fredonnant vient rendre encore plus
enveloppante ainsi que d'une voix d'homme en off, qui demande au spectateur
d'imaginer ce qu'il serait capable de réaliser, si on pouvait "modeler le métal
selon (nos) désirs" et de conclure, "c'est ce que fait Audi".
Comprendre la séquence :
Nous savons tous aujourd'hui que la fabrication d'une voiture, quelle que soit
sa marque, est majoritairement assurée par des robots, que viennent épauler
une armée d'ouvriers, répartis par sections, sur des chaînes de fabrication, en
Europe voire en Asie pour faire baisser les coûts de revient. Nous imaginons
sans peine le bruit et le tumulte occasionné par les flux de pièces détachées
qui arrivent sur les chaînes pour y être assemblées étape par étape. Selon la
formule d'un économiste et sociologue américain, Richard Sennett, la majorité
des voitures fabriquées dans le monde "partagent 90 % de leur ADN" toutes
marques confondues. En effet, pour des raisons économiques, les
constructeurs automobiles se fournissent chez les mêmes sous-traitant, le plus
souvent en Asie du sud-est et, preuve de cette "génétique commune", un
composant défectueux dans une voiture française par exemple, se retrouvera
également mis en cause chez un autre modèle, américain ou japonais !
Comment donc justifier des écarts de prix aussi considérables, sur des modèles
de même gabarit et aussi bien équipés ? Ainsi le modèle présenté par la
publicité, l'Audi A6, débute-il allègrement à 40 000 €. C'est là précisément
qu'intervient cette publicité.
Elle présente la fabrication de l'Audi par les mains expertes d'un seul et unique
individu, dont on ne voit jamais le visage, simplement vêtu d'un pantalon de
toile beige et d'une chemise bleu clair dont les manches sont retroussées sur
les bras. Il ne ressemble en rien à l'image que nous avons de l'ouvrier
automobile, celle que nous transmet les reportages de la télévision, en bleu de
travail, et pas plus à un artisan, plombier ou autre. Sa tenue est celle du cadre,
le fameux "friday ware", c'est-à-dire, la tenue décontractée mais chic que les
cadres du secteur tertiaire sont autorisés à porter le vendredi, le jour qui
précèdent la coupure du week-end, selon une mode venue des États-Unis.
Ainsi dignement vêtu, sans peine, sans sueur et sans salissures, l'homme aux
mains expertes devient le démiurge de la mythologie grecque, celui qui modèle
la matière. La publicité invite le consommateurs potentiel à basculer de la
réalité vers le mythe. Elle lui demande en voix-off d'imaginer ce qu'il serait
possible de réaliser si le métal était modulable à souhait, comme de l'argile, et
la puissance de calcul des stations de travail informatique, lui propose les
images hallucinantes de cette réalisation miraculeuse. Le rêve prend forme et
réalité grâce à Audi.
La marque allemande nous ramène à l'Antiquité grecque, à ce moment du
Vème siècle av-JC, où des penseurs ont réfléchis à la nature des arts
plastiques. Les grecs de l'Antiquité avaient imaginés l'origine des arts de la
fabrication dans ce geste de modelage d'une matière docile, l'argile, à partir
d'une idée préalablement conçu dans l'esprit. Cette idée, c'est le carnet présent
parmi les blocs de matériaux du début de la séquence qui la matérialise.
Comme si cela ne suffisait pas, un compas et une équerre encadrent le carnet,
ces attributs des constructeurs du Moyen-Âge que l'on voit dans toutes les
représentations des métiers de construction. Le personnage de la publicité est
donc bien la version contemporaine de l'artisan grec antique, plus précisément
du potier comme le prouve la fin de la séquence, où, d'une simple pichenette
sur le pont hydraulique qui supporte la voiture en construction, il fait pivoter le
châssis achevé qui, comme par magie, après quelques tours, sera paré d'une
carrosserie rutilante et de tous ses accessoires !
Bien sûr, le consommateur, n'est pas naïf et il sait que cette publicité est un
mensonge, mais elle le fait rêver, mieux, elle le flatte. En outre la douce
musique et la voix-off, chaude et grave, contribuent à créer une ambiance
hypnotique, qui facilite la sollicitation à passer dans l'imaginaire.
Traditionnellement, en Europe, on pose dans les études marketing, pour cibler
les clients, que les personnes à haut revenu financier sont aussi des personnes
à haut niveaux scolaire, par conséquent des gens ayant de la culture, donc
capables de reconnaître ces références issues du merveilleux monde des
mythes antiques. Car même si tout cela est faux, après tout, au vu de la qualité
de sa conception et de sa finition, on croirait volontiers que cette automobile est
le fruit du modelage d'un artisan de la mythologie plutôt que trivialement
assemblée dans des usines robotisées d'un quelconque pays d'Asie du SudEst.
Conclusion & ouverture :
Malgré le brio de la réalisation et l'intelligence du scénario, du glissement
mythique qu'il produit dans la séquence, ce petit film n'est pas une oeuvre d'art
mais une publicité, c'est-à-dire un film destinés à faire vendre des objets. Une
réalisation à visée commerciale, utilitaire, bien loin des idées désintéressées
que l'on prête à l'art, au grand art. Mais accepter cette conclusion reviendrait à
méconnaître et travestir la réalité des arts plastiques. Car la majeure partie des
oeuvres conservées ou déclarées telles dans les musées sont des objets
fabriqués sur commande, en vue de célébrer la gloire, l'histoire, voire
l'apparence d'un monarque ou d'une divinité. Ces oeuvres ont été
commandées puis payées, elles ont souvent fait l'objet d'un contrat plus ou
moins détaillé, parfois même ont-elles été la source de conflits, commerciaux
ou juridiques ! Et, quand bien même les artistes se sont émancipés de leur
commanditaires depuis le XVIIème siècle, ils doivent assurer une vie
économique. Pour résumer, le désintéressement de l'art et des artistes est une
vue de l'esprit que les archives de l'histoire de l'art réfutent. Mais cette
séquence nous aura permis de revenir au fondamentaux, à la source mythique
des APL et nous sura enfin permis de comprendre que, contrairement à ce que
pense le grand-public, la qualité artistique d'une oeuvre ne réside pas dans sa
qualité de réalisation ni dans sa méthode ou le temps de sa production, mais
dans le rôle que lui attribue et lui reconnaît une société donnée, dans un
moment historique donné. L'art est "une fonction" de l'objet, et non une de ses
qualités. C'est pourquoi certains objets rituels religieux, occidentaux ou
lointains, se sont retrouvés dans des vitrines de musées alors qu'ils ont été pour
tout autre chose que d'être proposé à l'admiration du public. Alors qui sait, peutêtre qu'un jour cette publicité, avec toutes ses références, sera reconnue
comme oeuvre d'art dans le futur …
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