Une approche prospective des métiers de la gynécologie : des évolutions contrastées, des stratégies spécifiques. Résumé Dans les établissements de soins, le partage des rôles entre spécialités médicales (médecins, chirurgiens, anesthésistes,…), soignants (infirmières, kinésithérapeutes,...) et managers (de ressources humaines, de communication, de la qualité…) est en perpétuelle évolution. Le contour et le contenu des métiers de la santé sont, sans cesse, redéfinis par les mutations technologiques, médicales, sociales, économiques, démographiques,… Dans cette dynamique de changements, les professionnels de la santé se livrent souvent à des combats de territoires, de pouvoir, de reconnaissance, etc. Dans ces conditions, comment les métiers de la gynécologie évoluent-ils ? Le métier de sage-femme, semble en expansion, alors que celui du gynécologue médical est en déclin, voire en extinction. Le métier de gynécologue obstétricien, quant à lui, se trouve dans une « niche » protégée par une compétence distinctive. Ainsi, alors que ces trois métiers sont proches l’un de l’autre, leurs situations et leurs évolutions semblent contrastées et chaque groupe de professionnels semble mettre en œuvre une stratégie particulière afin de pérenniser son métier. Ce travail s’appuie sur l’approche prospective pour essayer de comprendre la dynamique des évolutions de ces métiers de la gynécologie. Mots-clés : prospective des métiers, santé, sage-femme, gynécologie, glissement des tâches. Introduction La sage-femme vient de rejoindre la profession médicale, suite à l’intégration de sa première année de formation dans le premier cycle des études médicales (PCEM1)(Thuilliez, 2006) suivie de l’obligation de passer le concours commun avec les futurs médecins et futurs chirurgiens dentistes (JORF, 2002). C’est l’aboutissement d’une stratégie proactive ou d’une stratégie d’intention (Hamel & Prahalad, 1989) mise en place par le corps des sages-femmes depuis plusieurs décennies. D’autre part, le diplôme de gynécologue médical a été supprimé en 1986 et il a fallu la mobilisation et les actions de certains groupes de pression pour qu’il soit enfin rétabli en 2003(JORF, 2003). De son côté le métier de gynécologue obstétricien semble profiter de sa compétence spécifique (Penrose, 1959; Wernerfelt, 1984; Arrègle, 2000) de chirurgie gynécologique pour être moins vulnérable que celui du gynécologue médical. Cet article a pour objectif d’explorer et essayer d’expliquer les évolutions contrastées de ces métiers. Dans un premier temps, il expose une approche systémique de la place des métiers de la gynécologie dans les structures de soins et il s’interroge sur les mutations de ces métiers (1). Ensuite, il tente d’expliquer les forces de changement à l'origine de ces mutations (2). Enfin, il présente une esquisse des évolutions futures de ces métiers (3). 1 Une approche systémique de la place des métiers de la gynécologie dans les structures de soins Dans une perspective systémique (Bertalanffy, 1993) l’organisation sanitaire peut être modélisée en niveaux (figure 1) dont chacun définit et contrôle les règles de jeu et donne du sens au niveau inférieur ou niveau contrôlé. Celui-ci justifie, à son tour, l’existence du niveau supérieur ou niveau contrôleur (Mélèse, 1990 ;Genelot, 1992). Même si, dans ces organisations, une partie des acteurs se distingue par son expertise médicale ou paramédicale et pourrait inviter le chercheur à proposer une structure ad-hocratique (Mintzberg, 1982), nous pouvons soutenir que l’entrée en force des méthodes managériales dans le domaine de la santé (Smida, 2006) permet d’intégrer cette ad-hocratie dans le schéma systémique de la figure 1. Niveau 4 : Mutation de l’organisation Niveau 3 : Stratégie de l’organisation : projet d’établissement, etc. Niveau 2 : Recrutement et gestion du personnel soignant Niveau 1: Coordination d’un groupe de soignants Niveau 0 : Exécution de base auprès du patient Figure 1. Les quatre niveaux d’une structure de santé vue sous l’angle systémique Source : Grenier & Smida, 2000 On trouve, au niveau 4, les représentants les plus importants dans la hiérarchie du secteur sanitaire et social, c'est-à-dire les autorités de tutelle telles que les ministères, l’Agence Régionale d’Hospitalisation…. Cette place importante tenue par les autorités de tutelle est due au fait que le secteur de la santé est fortement réglementé et que les décisions d’autorisation d’ouverture ou d’obligation de fermeture des structures se prennent à ce niveau. Au niveau 3, se situe la direction des établissements de santé, au niveau 2 les services et départements de l’institution. Enfin les deux derniers niveaux sont composés du personnel de soins : le niveau 1 pour le personnel médical (comme les gynécologues-obstétriciens…) et le niveau 0 pour les exécutants (généralement les infirmières, les aides-soignants, les auxiliaires) Concernant les infirmières, on peut remarquer que la frontière entre le niveau 1 et 0 est de plus en plus floue, en raison de leur responsabilité au sein des unités de soins qui est de plus en plus croissante (Smida, 2005). 1.1 Le positionnement du métier de sage-femme dans l’institution et dans le système de santé La sage-femme accompagne les femmes enceintes pendant la grossesse et même après l'accouchement. Son rôle est à la fois médical et psychologique. Le rôle médical consiste à prescrire et procéder aux examens cliniques (échographie par exemple,…) indispensables à la surveillance de la grossesse normale, appelée aussi physiologique, c’est-à-dire celles qui sont sans complication. La sage-femme prescrit les examens et thérapeutiques (médicament,...) nécessaires au bon déroulement de la grossesse, de l'accouchement, des suites de couches. En cas de pathologie, elle exerce en collaboration avec le gynécologue obstétricien, l'anesthésiste et le pédiatre. D'autre part, elle est responsable du déroulement de l'accouchement. Après celui-ci, elle s'occupe du nouveau né dont elle vérifie la bonne santé et pour qui elle accomplit éventuellement les gestes de réanimation. Ainsi, les sages-femmes se situent, selon les activités qu’elles exercent, au niveau 0 d’exécution ou au niveau 1 de coordination (Fig. 2a. et 2b.). Depuis 2004, elles disposent d’un pouvoir décisionnel médical important qui les autorise à mener le premier entretien prénatal qui était jusqu’alors mené par le médecin (JORF, 2004). La sage-femme a désormais un statut de profession médicale (JORF, 2009). En plus, elle est habilitée à prescrire des médicaments et des dispositifs médicaux (JORF, 2005, 2006). Ainsi, la sage-femme a une fonction plus étendue et participe aux décisions de manière plus importante au sein de l’unité de soins et de l’établissement de santé. Les figures 2a et 2b, qui sont des organigrammes simplifiés, mettent en évidence cette ascension de la sage-femme au sein des structures sanitaires (Soutoul et al., pp. 4041). Le rôle psychologique et relationnel de la sage-femme consiste, pendant la grossesse, à expliquer à la future mère le processus d’accouchement et à la rassurer. Après cet accouchement, ce rôle est de conseiller la mère à propos de l'allaitement et de l'hygiène du nouveau-né, et de pratiquer la rééducation uro-gynécologique de la patiente. Elle a également un rôle de conseil auprès des couples pour, en particulier, le suivi des différents modes de contraception (Ordre des sages-femmes, 2009). Conseil d’adminstration Niveau 4 Niveau 3 Directeur général du centre hospitalier ou directeur administratif de clinique Niveau 2 Gynécologue accoucheur, chef de service ou département, responsable de l’organisation générale du service de soins Représentants du chef de service Représentants des autres chefs de service Niveau 1 Adjoint: - Associé - Remplacant Sage-femme Anesthésiste Pédiatre Interne Sage-femme Interne Interne Niveau 0 Figure 2a. Positionnement de la sage-femme et du gynécologue dans une structure sanitaire, cas de la grossesse physiologique (sans complication) Source : schémas adapté de (Soutoul et al., 1996, p. 41) Conseil d’administration Niveau 4 Niveau 3 Directeur général du centre hospitalier ou directeur administratif de clinique Néonatologue, Chef d’unité annexe de la maternité ou de réanimation intensive Autres services intervenants Niveau 2 Adjoints-assistants de néonatologieMaître d’oeuvre adjoint Gynécologue-obstétricien ou sagefemme Anesthésiste réanimateur Niveau 1 Sage-femme de bloc interne d’obstétrique Interne de néonatologie de SAMU ou de réanimation pédiatrique Niveau 0 Puéricultrice Aidepuéricultrice Sage-femmes de suites de couches Infirmières d’hospitalisation, aidesoignante, aide-puéricultrice Interne Figure 2b. Positionnement de la sage-femme et du gynécologue dans une structure sanitaire, cas de la grossesse pathologique Source : schéma adapté de (Soutoul et al., 1996, p. 40) Le positionnement du métier du gynécologue médical et de l’obstétricien dans l’institution et dans le système de santé La gynécologie se divise en deux branches : la gynécologie médicale et la gynécologie obstétrique. La gynécologie médicale, pratiquée surtout en cabinets privés et peu en structures d’hospitalisation, est une spécialité qui prend en charge toutes les questions gynécologiques durant toute la vie de la femme. Elle traite de la contraception, des traitements hormonaux, des dépistages des cancers génitaux et mammaires. L’un des arguments avancés par les défenseurs de la gynécologie médicale est le rôle que celle-ci joue en tant que maillon indispensable à la santé des femmes à la fois dans le suivi curatif et au niveau de la prévention et du dépistage du cancer de l'utérus et du sein. Ainsi par exemple, grâce au suivi des femmes par les gynécologues, le taux du cancer de l’utérus serait divisé par quatre(CDGM1, 2009). La gynécologie obstétrique est une spécialité de la médecine qui s'intéresse à la femme enceinte et à son (futur) enfant. Elle s’exerce surtout dans les hôpitaux publics et les cliniques obstétriques privées. En cas de grossesse pathologique ou d’accouchement à risque, le gynécologue obstétricien est le seul habilité à intervenir (JORF, 2004). Cette compétence spécifique (Penrose, 1959; Wernerfelt, 1984; Arrègle, 2000) lui confère une place forte dans le système hospitalier et protège son métier des menaces de glissement de tâches, des services et produits de substitution dirait Porter (1980), qui viendraient d’autres métiers de la gynécologie ou de la médecine générale ou chirurgicale. Le gynécologue obstétricien est secondé, dans le cas des grossesses et accouchements compliqués, par la sage-femme. Celle-ci peut être considérée comme le spécialiste de la grossesse normale, alors que le gynécologue obstétricien est spécialisé dans la prise en charge de la grossesse pathologique. Dans la modélisation systémique, les gynécologues médicaux et obstétriciens se situent au niveau 1 de coordination des équipes. Certains peuvent avoir des responsabilités au sein des structures de soin qui les placeraient au niveau 2 de la gestion (Figures 2a et 2b). 1.2 1.3 Propositions de recherche Une phase exploratoire a consisté à lire des écrits de la littérature spécialisée du secteur de la santé et à mener des entretiens ouverts (Quivy & Van Campenhoudt, 2006) auprès de spécialistes 1 CDGM : Comité de défense de la gynécologie médicale. (pédagogues de la santé, chercheurs dans l’économie et le management de la santé,…), d’acteurs concernés (gynécologues et sages-femmes) et de témoins privilégiés (professionnels de la santé autres que gynécologues et sages-femmes, cadres des tutelles : ARH2, HAS3,…). Cette phase a révélé que les métiers de la gynécologie ont subi de nombreux changements qui ont eu pour effet des modifications au niveau de leurs fonctions et de leur place au sein de la structure sanitaire. Les mutations ont eu lieu notamment au niveau des glissements de tâches à l’interface des différentes professions de la santé qui prennent en charge les problèmes gynécologiques de la femme (Fig. 3) : celles de sage-femme (SF), de gynécologue médical (GM), de gynécologue obstétricien (GO) et également du médecin généraliste (MG) : - au niveau de l’interface gynécologue médical-médecin généraliste : le MG peut prendre en charge une partie des tâches du GM, celles portant sur les problèmes de la femme hors grossesse et accouchement ; - au niveau de l’interface gynécologue médical-gynécologue obstétricien : lors des grossesses et des accouchements, même si le GO est spécialisé dans les cas pathologiques, il peut également prendre en charge ceux qui ne le sont pas et empiéter ainsi sur le territoire du GM ; - au niveau des interfaces entre la sage-femme et le gynécologue médical d’une part, et le gynécologue obstétricien d’autre part : la SF, ayant acquis un statut médical, s’approprie une partie importante des tâches du GM et devient une collaboratrice proche du GO. GO Grossesses pathologiques Grossesses pathologiques prises en charge de la sage femme SF Grossesses normales GM Grossesses normales Problèmes gynécologiques de la femme à partir de la puberté et hors grossesses MG Grossesses normales prises en charge de la sage femme Figure 3. Les interfaces des métiers portant sur la santé gynécologique de la femme. Les sages-femmes profitent également d’opportunités offertes par un contexte de crise que vit le métier de gynécologue médical depuis une vingtaine d’années. Ainsi, le statut de sage-femme semble avoir bénéficié de l’arrêt, pendant plus de quinze ans (1987-2003), de la délivrance des diplômes de gynécologue médical. Ceci a fait suite à la décision des pouvoirs publics d’aligner les formations de l’enseignement supérieur français sur le système européen4. Ainsi, les sages-femmes acquièrent de plus en plus de légitimé et sont reconnues comme ayant une spécialité médicale, possédant une compétence bien définie concernant la femme enceinte et le nourrisson. Par ailleurs, en observant l’évolution du métier de sage-femme, on constate que leurs compétences sont de plus en plus variées : suivi de la grossesse, diagnostic, prescription de médicaments, pratique de l’accouchement, pratique de la réanimation néonatale en salle de travail, de la prévention et de ARH : Agence Régionale de l’Hospitalisation. HAS : Haute Autorité de la Santé. 4 Le statut de gynécologue n’existe pas, dans les autres pays européens. 2 3 l’éducation. Ces nouvelles fonctions la placent au même niveau que le gynécologue médical. Les menaces auxquelles celui-ci a du faire face proviennent du fait que les activités qu’il exerce peuvent en grande partie l’être par le médecin généraliste en dehors de la grossesse de la patiente, par la sagefemme pendant la grosse normale. En plus, le gynécologue médical est exclu au profit de l’obstétricien en cas de grossesse pathologique. Dans un contexte de maîtrise de dépenses de santé, les décideurs (hôpitaux, pouvoirs publics) privilégieront la sage-femme et le médecin généraliste au gynécologue médical. Ceci nous permet d’avancer la proposition principale suivante : Proposition principale : Les évolutions d’ordre technologique et médical, sociologique, démographique, économique sont à l’origine des mutations des métiers de la gynécologie. A partir de cette proposition principale, et en tenant compte de la phase exploratoire de ce travail, les propositions suivantes peuvent être énoncées (Fig. 4) : Proposition P1 : Les évolutions technologiques et médicales ont consolidé la position du gynécologue obstétricien. Proposition P’1 : Le recours du gynécologue obstétricien à des technologies de pointe renforce l’implication de la sage-femme auprès du gynécologue obstétricien. Proposition P2 : L’évolution de la politique économique a fait baisser l’activité du gynécologue médical. Proposition P’2 : La baisse de l’activité du gynécologue médical favorise celle du médecin généraliste. Proposition P3 : L’évolution démographique de la population française a fait baisser l’activité du gynécologue médical. Proposition P’3 : La baisse de l’activité du gynécologue médical favorise celle de la sage-femme. Proposition P4 : L’évolution sociologique de la population française a fait baisser l’activité du gynécologue médical. Proposition P’4 : La baisse l’activité du gynécologue médical favorise celle du gynécologue obstétricien. Afin d’argumenter ces propositions, on prendra appui sur les textes législatifs et réglementaires. En effet, le législateur traduit dans les textes l’évolution de la société et l’évolution des métiers, surtout ceux qui sont fortement réglementés comme c’est le cas de la santé. Même parfois avec un certain retard, la législation finit par intégrer la réalité de l’évolution de ces métiers dans les textes, en les autorisant ou en les interdisant ou encore en les rendant obligatoires. Dans une perspective longitudinale, ces textes législatifs et réglementaires nous semblent être une expression écrite et incontestable des faits, pour argumenter des propositions portant sur l’évolution historique des métiers de la santé, en l’occurrence ceux de la gynécologie. Cette approche nous semble plus robuste que celle reposant sur des données fragmentaires de l’administration et des entreprises de soins et sur des enquêtes d’opinions. Évolutions technologiques et médicales Évolutions économiques Évolutions démographiques P1 Recours au gynécologue obstétricien P2 P3 P4 P’4 Recours au gynécologue médical P’1 Recours au sagefemme P’3 P’2 Recours au médecin généraliste Évolutions sociologiques Figure 4 : Le modèle d’analyse 2 Les forces de changement à l’origine des mutations des métiers de la gynécologie 2.1 Effets des évolutions technologiques et médicales (Propositions P1 et P’1) Les évolutions technologiques et médicales correspondent à l’introduction de nouvelles technologies dans le domaine médical et aux améliorations d’outils classiques tels que le forceps. Elle tient compte également des nouvelles techniques de soins utilisées par les professionnels de la santé et des nouveaux médicaments prescrits ou administrés par eux. Les sages-femmes assurent les trois-quarts des accouchements nécessitant des technologies de pointe telles que le monitoring ou l'échographie (JORF, 2004). Cependant, lorsque des complications surviennent, elles doivent faire appel au gynécologue obstétricien ou au chirurgien. Comme les sages-femmes peuvent suivre les futures mères tout au long de leur grossesse, elles ont le devoir de maîtriser toutes les nouvelles technologies liées à l’obstétrique. Le cursus de formation des sages-femmes a su intégrer la maîtrise de l’utilisation de ces technologies. Ceci s’est traduit par le rallongement des études de la sage femme puisque leurs durée est actuellement de cinq années, et en partie commune avec celle des médecins (Tableau 1) (Fig. 5), alors qu’elles n’étaient que de trois années, il y a une vingtaine d’années (Ordre des sages-femmes, 2009). En plus, elles sont dans l’obligation de suivre une formation continue (JORF, 1990; JORF, 2006). Arrêté 11 janvier 1917 Loi du 17 mai 1943 1973 Étude de sage-femme en 2 ans 3 ans d’études avec 1 an en commun avec les infirmières Les études de sage-femme deviennent indépendantes (suppression du tronc commun avec les infirmières) 1982 Concours obligatoire pour entrer à l’école de sages-femmes Ouverture aux hommes : « maïeuticien » ou « accoucheur » 1983 Baccalauréat obligatoire pour passer le concours des écoles de sages-femmes Arrêté du 27 décembre Durée des études : 4 ans 1988 2002 Une année commune (PCEM 1) et cours communs avec les étudiants en médecine + 4 ans d’école de sages-femmes Durée totale des études : 5 ans Tableau 1. Adaptation des études de sages-femmes Source : Inspiré de (Ordre des sages-femmes, 2009) Gynécologue Médicale 2 ans Gynécologue Obstétricien 2 ans Internat (tronc commun) 3 ans École de sages-femmes 4 ans DCEM (1/2/3/4) 4 ans PCEM2 1 an Premier Cycle des Études Médicales 1 – PCEM1 1 an Figure 5. Cursus de la sage-femme et du gynécologue Cette capacité des sages-femmes à maîtriser les nouvelles technologies leur a permis de prendre en charge les activités du gynécologue médical à chaque fois que l’occasion leur a été offerte : pendant la période 1986-2003 d’arrêt de la formation du gynécologue médical ; dans les territoires désertés par les gynécologues médicaux, suite à la chute de la natalité et à la fermeture de maternités dans les hôpitaux publics. Très souvent, dans ces territoires, les seuls professionnels de la gynécologie sont désormais les sages-femmes. Si la maîtrise des techniques est un atout de la sage femme face au gynécologue médical, tel n’est pas le cas face au gynécologue obstétricien. Celui-ci a mis une barrière à l’entrée, infranchissable, pour le moment, par la sage-femme ou tout autre professionnel : c’est sa compétence spécifique de chirurgien spécialiste de la grossesse et des accouchements à risque. Mais là aussi, face à une demande accrue de compétences techniques, le gynécologue obstétricien a besoin d’aide. La sagefemme se trouve la mieux préparée pour le seconder. Son rôle de collaboratrice de l’obstétricien devient indispensable dans les hôpitaux et les cliniques obstétriques. Estimant qu’elles disposent des compétences nécessaires (JORF, 2004, 2005)5, les sages-femmes revendiquent leur place de décideur au sein de l’équipe obstétrique. Dans les maternités, elles sont devenues désormais des acteurs clés. 2.2 Effets des évolutions de politique économique (Propositions P2 et P’2) Comme l’ont fait les infirmières dans d’autres occasions (Smida, 2005), les sages-femmes ont su profité des moments de crises économiques, de pénurie de personnel, mais aussi en réclamant une place plus importante dans le système, elles ont réussi à se frayer un passage au niveau supérieur. Sur le plan de la politique économique, un mouvement d’idées en faveur du retrait de l’État s’est imposé dès le début des années 1990, et l’on assiste à la naissance d’un consensus autour des valeurs de l’économie de marché (Osborne & Gaebler, 1992; Pollitt & Bouckaert, 2004). La conséquence en est moins d’État-Providence et une volonté de la part des décideurs publics à introduire les outils de 5 Arrêté du 23 février 2004 modifié par l’arrêté du 12 octobre 2005. management, et donc la notion d’équilibre budgétaire et de maîtrise des dépenses de santé, dans le secteur de la santé. En effet, pendant longtemps le système de soins s’est abstenu d’appliquer une stratégie managériale. Mais au fil du temps, « l’industrie de la santé » est devenue une industrie comme les autres. Les réalités économiques ont contribué à changer les mentalités des parties prenantes (Freeman, 1984) qui commencent à admettre l’utilisation des outils de gestion dans le secteur de santé. Ainsi, peu à peu, les styles de gestion et de management appliqués dans les établissements de santé se rapprochent de ceux des établissements des autres secteurs. La tarification à l’activité – T2A-(Saison, 2008), un outil de gouvernance (Williamson, 2002) récemment introduit dans le secteur de la santé (Circulaire DHOS/E1 n° 61 du 13 février 2004), est l’une des mesures les plus récentes qui est en train de transformer les structures de soins. Ce mode de tarification pousse les établissements à se restructurer et à chercher des synergies entre les fonctions et les professionnels de la santé, dans le but d’optimiser les dépenses. C’est ainsi que, suite à la mise en place de la T2A, l’obstétrique est associée au service de pédiatrie. Une nouvelle entité est alors née de la fusion de ces deux services : il s’agit du pôle mère-enfant. C’est également pour des raisons de maîtrise des dépenses de santé que deux actions principales, s’appuyant sur le nouveau paradigme économique, ont contribué à renforcer le métier des sagesfemmes et/ou affaibli celui des gynécologues médicaux : - théoriquement, la future mère a le choix entre plusieurs praticiens pour le suivi de sa grossesse. Dans le privé, elle peut consulter un gynécologue médical, une sage-femme libérale ou son médecin traitant qui la suivra les premiers mois. Mais, dans un but de maîtrise des dépenses de santé, les pouvoirs publics exigent de toute patiente, pour qu’elle soit remboursée par la sécurité sociale, qu’elle s’adresse d’abord à un généraliste (médecin référent). Celui-ci l’orientera éventuellement vers un gynécologue (qui est un spécialiste), Or, il se trouve que le médecin généraliste peut, dans la plupart des cas, prodiguer les mêmes conseils que le gynécologue médical. Le parcours de la patiente peut alors s’arrêter à ce niveau ; - au niveau des hôpitaux, la recherche d’économie privilégie le recours à une sage-femme plutôt qu’à un gynécologue médical dont le salaire est plus élevé. Les patientes sont alors dirigée automatiquement vers une sage-femme qui, en cas de complication, fera appel au gynécologue obstétricien (Ponte & Nguyen, 2007). Ainsi, le gynécologue médical se trouve concurrencé en ville par le médecin généraliste et, en partie par la sage-femme. Dans les structures sanitaires, il est concurrencé par la sage-femme. Dans toutes les configurations, il se trouve dans une position fragile par rapports à ses concurrents. Cette concurrence ne touche pas le gynécologue obstétricien qui, même quand il s’agit de comprimer les coûts de soins, ne peut pas être remplacé par un autre professionnel de la gynécologie (Fig. 6). Problèmes gynécologiques de la femme à partir de la puberté et hors périodes de grossesse: Médecin généraliste – MG- (médecin traitant, médecin de famille, médecin référant) + Gynécologue médical - GM + Sage-femme – SF- pour l’éducation, l’écoute,… Grossesse Normal: Gynécologue médical (GM) + Sage-femme (SF) GM SF Grossesse pathologique (à risque) Gynécologue obstétricien (GO) + Sage-femme (rôle secondaire) (SF) GM SF MG GO SF Figure 6. Les professionnels de la santé selon le problème gérontologique de la femme. C’est dans ce cadre de maîtrise des dépenses de santé que seulement 20 postes de gynécologie médicale sont ouverts chaque année au numérus clausus, depuis la réouverture de cette spécialité en 2003, alors qu’il en faudrait 130 pour compenser les départs des gynécologues en poste. Par conséquent, dans les conditions actuelles, il n’est pas possible d'assurer le renouvellement de cette spécialité de médecine qui est passée en dessous de la barre des 2000 praticiens au niveau national (Dutaut, 2008). Le vide laissé par les gynécologues médicaux est rempli par les sages-femmes et les médecins généralistes. 2.3 Effets des évolutions démographiques (proposition P3 et P’3) La chute du nombre de gynécologues médicaux n’est pas uniquement due à un numerus clausus assez bas, motivé par des considérations économiques, mais aussi à une baisse de la natalité. Le vieillissement démographique a plusieurs conséquences sur les professions de la gynécologie. Les pouvoirs publics mènent une politique volontariste en faveur de la natalité (donc de la femme enceinte et du nourrisson). Plusieurs actions ont été entreprises. Ainsi, des centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou encore des centres de planification familiale ont été mis en place. Relevant des Conseils généraux, les sages-femmes de PMI appelées aussi sages-femmes territoriales ont essentiellement un rôle de prévention par le biais d'une fonction à la fois sociale et médicale, notamment lors de la surveillance de grossesse à risque : prise de rendez-vous, visites à domicile, prévention des menaces d’accouchement prématuré, suivis des traitements de toute pathologie liée à la grossesse (HTA6, diabète, etc.), examen obstétrical et gynécologique. Pour contribuer au bon déroulement de la grossesse, les sages-femmes territoriales collaborent avec les médecins de PMI ou participent à l’activité d’un réseau d’obstétrique. Les sages-femmes territoriales organisent, par ailleurs, des séances d’informations et sont présentes auprès des jeunes lors de séances d’informations dans les établissements scolaires, les associations et le centre de planning pour les mineurs. Elles interviennent au niveau des PMI où elles jouent un rôle de prévention et de pédagogie auprès des femmes et des jeunes filles (Molenat, 2001, pp. 8-16). Leurs interventions au domicile des patientes sont également prises en charge par la couverture sociale. La sage-femme pratique à ce niveau de la prévention primaire et de la prévention secondaire lors de la surveillance de grossesse à risque. 6 HTA: Hypertension artérielle. Le vieillissement démographique de la population a également un impact sur l’installation des professionnels de la gynécologie dans certaines zones géographiques. Le gynécologue a quitté les territoires à faible natalité et a été remplacé par la sage-femme. Celle-ci occupe, désormais, différents postes dans différents services de l’hôpital et même en dehors des structures sanitaires pour accomplir des tâches de prévention et de pédagogie (Brunet, 2006, pp. 66-72). Cette possibilité de la sage-femme d’avoir une multi-activité lui a permis de mieux résister dans ces territoires que le gynécologue médical. Avec l’allongement de l’espérance de vie, le nombre de mammographie et de cancers du sein augmentent. Ceci témoigne des nouveaux besoins de soins et aussi de nouvelles techniques. C’est à ce niveau qu’a lieu également la concurrence entre le médecin généraliste qui, par des formations complémentaires (parfois de seulement quelques semaines) investit des domaines habituellement réservés au gynécologue médical. 2.4 Effets des évolutions sociologiques (propositions p4 et P’4) La protection sociale permise par les PMI et par l’ouverture de plannings familiaux répond aux besoins d’information des jeunes, des couples et des mères sur les questions de la sexualité, de l’éducation familiale, de l’alimentation et l’hygiène du nourrisson. Le rôle de prévention et d’accompagnement joué par la sage-femme est accentué par l’évolution du comportement des femmes qui, de plus en plus, conçoivent leur premier enfant de plus en plus tard. L’âge moyen de la première grossesse est actuellement de 29,9 ans (INSEE, 2008), et ce suite à des études plus longues, à un désir de garder sa liberté de femme ou de couple sans enfant le plus longtemps possible, à une volonté de privilégier d’abord la construction de sa carrière professionnelle par rapport à la construction d’une famille, … Or, les grossesses tardives sont souvent accompagnées de risque de malformation ou/ et de complication pour le nouveau-né et de risque d’avoir des enfants prématurés. Dans ce cas, une phase d’information en dehors de la grossesse incombe à la sage-femme, au gynécologue médical ou au médecin généraliste. Mais lors de la grossesse, le recours au gynécologue obstétricien devient indispensable pour éviter toute complication. De plus, l’évolution des mœurs fait que les femmes ont recours à divers moyens de contraception et contrôlent leurs désirs de maternité, d’où le recours aux professionnels de la gynécologie dont la sage-femme, grâce à une plus grande disponibilité, se trouve particulièrement sollicitée. Ainsi, le champ de compétence des sages-femmes s’élargit en dehors des institutions sanitaires. Leurs compétences et leur position au niveau de la prise en charge de la grossesse les place au premier rang de la prévention. En cas de pathologies telles que les grossesses à risques les sagesfemmes sont amenées à travailler en collaboration avec les obstétriciens, les anesthésistes et les pédiatres (JORF, 2004) 3 Tendances et esquisse de scénarios d’évolution des métiers de la gynécologie En France, le nombre de maternités est en constante diminution (815 en 1996, 653 en 2002, 607 en 2005) et inégalement réparti sur le territoire national (DRESS, 2005, p. 51). De son côté, le taux de fécondité (nombre d’enfants par femme en âge de procréer) est de 2,01(INSEE, 2009) et celui du taux de mortalité infantile (décès d’enfants de moins d’un an sur le nombre total de naissances) est estimé à 4 pour 1000 naissances (INSEE, 2008) Depuis le début des années 1990, les effectifs de sages-femmes connaissent une progression annuelle moyenne de 3% : le nombre de sages-femmes est passé de 10900 en 1991 à 15596 en 2002, pour atteindre 17998 en 2008, et on estime qu’ils seraient autour de 17000 en 2010, 19000 en 2020 (DRESS, 1999; INSEE, 2008; Ordre des sages-femmes, 2009). Ainsi, malgré un sentiment de pénurie qui prévaut dans la profession de sages-femmes, et qui est du à une offre de soins en-deçà des besoins, il y a une augmentation soutenue des effectifs. Contrairement à la progression des effectifs de sages femmes, ceux des gynécologues pourraient connaître, selon certains travaux (Cohen et al., 2000), une chute, notamment en ce qui concerne les gynécologues médicaux. Il y avait 1865 gynécologues médicaux en 1990 et 1921 gynécologues médicaux, en 1997 ; mais ils ne pourraient être, selon une hypothèse pessimiste, plus que 1433 en 2010 et 505 en 2020 (Cohen et al., 2000). Certains préconisent la collaboration et le transfert de tâches et des compétences entre gynécologues et sages-femmes (Berland, 2003). De son côté, la gynécologie obstétrique voit aussi ses effectifs diminuer, et cette tendance se confirmerait dans les années à venir : il y avait 5101 en 2002 ils ne seront plus que 4508 en 2020 (Ministère de la Santé et des Sports, 2008; Berland, 2003) 3.1 La sage-femme : vers la conquête de nouveaux espaces Traditionnellement, la sage-femme est la femme ou l’homme qui aide à l’accouchement. Mais suite à l’évolution du contexte (démographique, sociologique, économique, technologique) de la gynécologie et à l’adaptation, voire la proactivité de la formation des sages-femmes, cette définition a changé. Celle-ci ne se limite plus à l’accouchement et s’étend à beaucoup d’activités en amont et en aval de l’accouchement, au sein et en dehors des institutions sanitaires. Il en résulte une augmentation du nombre de sages-femmes (Fig.7) due à la conjonction de plusieurs évolutions du métier de sage-femme. 26000 24000 22000 20000 18000 16000 14000 12000 10000 8000 1991 2002 2007 2008 2020 2030 Figure 7. Evolution des effectifs de sages-femmes 1. Évolution du paramédical vers le médical : Dans le cadre des activités (traditionnellement) paramédicales (et désormais aussi) médicales, la sage-femme occupe une place primordiale au sein des équipes de gynécologie. On attribue à la sage-femme de plus en plus de responsabilités et de caractéristiques révélatrices d’une reconnaissance au niveau du système de soin mais aussi dans son environnement social. Une augmentation ou l’apparition de certains actes ou tâches autrefois réservés au gynécologue médical ou obstétricien font désormais partie des prérogatives de la sage-femme. A titre d’exemples, nous pouvons citer l’aide à la pose de péridurales, la surveillance et la réinjection de péridurales, le premier entretien prénatal pour une admission dans un service public d’hospitalisation prénatale, les préparations à la naissance, les césariennes (JORF, 2004). La sage-femme est alors reconnue comme étant une spécialiste de la grossesse, de l’accouchement et de la petite enfance. Elle est insérée au sein de l’équipe médicale obstétrique et participe à la prise de décision médicale, ce qui marque une réelle reconnaissance par les autres acteurs du système de santé. Cette reconnaissance entraîne une attractivité du métier auprès des étudiants qui s’inscrivent en première année des études médicales afin de pouvoir accéder aux écoles de sages-femmes. Cette attractivité s’exerce aussi bien auprès des candidates que des candidats puisque le métier de sage-femme s’est ouvert aux hommes depuis 1982 (JORF, 1982) Ceux-ci, appelés « maïeuticien » ou « accoucheurs » représentent actuellement environ 1% de l’effectif7 total de cette profession. L’évolution des mentalités donne à penser que de plus en plus d’hommes vont choisir ce métier. D’une façon générale, le métier de sage-femme évolue vers plus de responsabilités médicales et obstétricales ainsi que vers un renforcement des connaissances médicales. 2. Évolution de la subalterne à une concurrente du gynécologue médical et une proche collaboratrice du gynécologue obstétricien : Avec des compétences élargies, la sage-femme peut couvrir toutes les activités du gynécologue médical. En plus, elle dispose, par rapport à « ce concurrent » d’atouts de coûts pour répondre aux attentes du financeur (Etat, Sécurité Sociale, cliniques privées,…) et d’atouts de proximité pour répondre aux attentes des patients (surtout dans les zones géographiques marquées par une pénurie de gynécologues médicaux) et aussi parce qu’il y a la menace toujours présente d’une obligation de passer par un médecin référent avant d’accéder au spécialiste qu’est le gynécologue médical. L’issue de la concurrence entre ces deux métiers ne peut être, dans ces conditions, qu’à l’avantage de la sage-femme. Par ailleurs, avec le développement des technologies, la sage-femme devient celle qui est la mieux placée pour seconder le gynécologue obstétricien et éventuellement le remplacer. Cette situation, couplée avec la baisse de la natalité, aura pour effet de voir reculer le nombre de gynécologues obstétriciens et par conséquent de voir les compétences des sages-femmes augmenter. 3. Évolution de l’exercice libéral vers le salariat : initialement, les sages-femmes exerçaient essentiellement une profession libérale. Aujourd’hui, une grande partie d’entre-elles sont salariées8 dans des institutions de santé, surtout hospitalières. Il y a une trentaine d’années, les sages-femmes avaient connu des difficultés d’adaptation aux nouvelles technologies de l’époque et n’avaient pas les outils théoriques suffisants pour affronter des responsabilités (manque de formation en déontologie, en droits et devoirs, etc.). Aujourd’hui, par contre, elles se sont adaptées au changement, elles se sont formées aux nouvelles technologies et détiennent une pluralité de formations, leur permettant d’être opérationnelles dans différents champs d’action (libéral, clinique et hôpital) ; 4. Évolution vers des compétences pédagogiques, préventives et managériales : Actuellement, le milieu sanitaire ne se contente pas uniquement de soigner mais une conscience de prévention se développe. De fait, la sage-femme, qui se trouve bien préparée pour cette mission, élargit ses activités en dehors de la structure sanitaire. En effet, elle profite de sa proximité avec les populations cibles pour les informer, leur offrir une éducation sexuelle, leur enseigner les comportements à avoir face aux maladies sexuellement transmissibles,…. Cette proximité de la sage-femme en fait un acteur privilégié pour toutes les initiatives qui portent sur la gynécologie et qui touchent ces populations. Ainsi en est-il, par exemple, pour les « maisons de naissances » (DRASS Île-de-France, 2004). L’apparition, en France, de ce phénomène, qui a vu le jour aux Etats-Unis dans les années 1980, peut être considéré comme un fait porteur d’avenir des responsabilités de la sage-femme. Ce sont des petites structures, de quelques lits, dirigées par des sages-femmes et reliées à l’hôpital le plus proche. Leur but est de pallier le manque de maternités de proximité, mais elles ne prennent en charge que les grossesses sans risque. Ces nouvelles structures peuvent faire partie d’un réseau de soin dans lequel la sagefemme pourra être l’acteur principal, ce qui augmente son pouvoir organisationnel dans le milieu de la gynécologie. 7 On compte actuellement 17.998 sages-femmes (INSEE, Effectifs des professions de santé, 2008) dont 240 hommes (DRESS, Direction de la recherche, des études,, 2008). 8 83,4% des sages-femmes sont salariées des secteurs public et privés (DRESS, Direction de la recherche, des études,, 2008), avec une large majorité dans les hôpitaux, 12% sont libérales (cabinets individuels ou de groupe) payées à l’acte, 3% sont des sages-femmes territoriales (PMI), le reste des sages-femmes exerce d’autres activités telles que la formation, l’encadrement,… (Ordre des sages-femmes, 2003) 3.2 Le gynécologue médical : le poids des menaces Le métier de gynécologue médical montre aujourd’hui des faiblesses et un manque de renouvellement des effectifs. Cette spécialité médicale se trouve exposée, depuis plusieurs années, à de nombreuses menaces qui sont à l’origine de son déclin : 1. Les menaces réglementaires : Alors que la formation avait été mise en place pour la première fois en 1960, la gynécologie médicale s'est déjà trouvée en difficulté : elle fut supprimée en 1986 pour cause d’harmonisation avec la législation européenne. Ainsi à partir de 1987, seulement 20 postes d'internes en gynécologie médicale ont été créés alors qu'il en aurait fallu 130 pour le simple renouvellement des gynécologues en activité. La spécialité ne sera rétablie qu'en 2003, suite à la pression de groupes de soutien constitués de femmes et à l’action du Comité de défense de la gynécologie médicale ou CDMG (Tableau 2). Cependant aujourd'hui, les gynécologues qui partent en retraite ne sont toujours pas remplacés. Les cabinets ferment et ceux qui subsistent sont surchargés. 2. Les menaces en ville : Considéré comme un spécialiste de la médecine de ville, le gynécologue médical se trouve concurrencé par le médecin généraliste. En effet, dans une optique de maîtrise des dépenses de santé, les pouvoirs publics veulent que la patiente confrontée à des problèmes gynécologiques consulte d'abord un médecin généraliste et c'est alors à ce dernier que revient la décision de juger de la nécessité de l'orienter vers un obstétricien ou un gynécologue médical. Or, les médecins généralistes qui bénéficieront d’une formation en gynécologie et obstétrique seront tentés de répondre eux-mêmes aux problèmes de santé de cette patiente, ce qui contribuerait au tarissement de la clientèle des gynécologues médicaux. La diminution de l’effectif des gynécologues médicaux dans le secteur privé est également liée à des problèmes de rentabilité, d’assurance et de responsabilité. En effet, la judiciarisation croissante de l’activité des gynécologues les dissuade de s’installer en secteur libéral compte tenu des coûts et des procès auxquels peuvent être confrontés les spécialistes au cours de leur exercice. Ces menaces sont d’autant plus graves pour cette discipline que l’exercice libéral était son principal débouché. Année 1987 1997 25 mars 2000 13 octobre 2001 Juin 2002 1er février 2003 19 juin 2004 2004 2005 Evénement Suppression du Certificat d’Etudes Spécialisés de Gynécologie Médicale. Des gynécologues et des femmes créent le Comité de Défense de la Gynécologie Médicale pour la santé des femmes (CDGM). Lancement d’une pétition pour rétablir la spécialité de gynécologie médicale et pour un accès libre au gynécologue de son choix, sans passer par un médecin généraliste et sans pénalisation de remboursement par la Sécurité Sociale. Première manifestation nationale, 1 million de signatures sur la pétition. Deuxième manifestation nationale, 2 millions de signatures. Suite à la mobilisation de 95 comités de soutien sur l’ensemble du territoire national, appuyés par des femmes, le ministre de la Santé, M. Jean-François Mattei, s’engage auprès du CDGM à créer un Diplôme de Gynécologie Médicale. Parution du décret créant le Diplôme de Gynécologie Médicale (JORF, 2003). Troisième manifestation, avec plus de 3 millions de signatures. Le ministre de la Santé, M. Philippe Douste-Blazy, s’engage à garantir l’accès direct des femmes à leur gynécologue médical, sans pénalisation de remboursement. La loi sur l’assurance maladie (JORF, 2004) rend obligatoire le passage par un généraliste pour accéder à un spécialiste de la gynécologie médicale, sous peine de pénalisation de remboursement par la Sécurité Sociale Décret garantissant l’accès direct au gynécologue médicale sans pénalisation (CDGM, Comité de défense de la gynécologie médicale, 2009). Tableau 2. Actions en faveur du rétablissement de la spécialité de gynécologie médicale Source : Inspiré de (CDGM, Comité de défense de la gynécologie médicale, 2009) 3. Les menaces dans les structures de soins : À l’hôpital, les gynécologues médicaux sont fortement concurrencés par les sages-femmes et les gynécologues obstétriciens. Avec la réorganisation du système de santé en réseaux, des regroupements de petits établissements ont lieu autour de grands pôles de santé composé de structures performantes. Il en résulte la fermeture des petites maternités dont le personnel n’est pas toujours repris par les grandes structures. Les places se font plus rares, plus concentrées dans les grands pôles de santé ce qui rend l’exercice gynécologique difficile et inégalement réparti sur le territoire national. Cette réorganisation en réseaux ne contribue pas au maintien de cette spécialité et encore moins à son développement. Ainsi, que ce soit au niveau du cabinet libéral ou de celui des structures de santé publiques ou privées, le métier de gynécologue se trouve menacé par l’amont démographique (baisse de la natalité, vieillissement de la population) et par les autres acteurs de la gynécologie ou de la médecine (sages-femmes, médecins généralistes). Le résultat de ces différentes menaces pourrait mener à la disparition de la gynécologie médicale ou du moins à un déclin, comme le montre une étude de l’INED (Fig. 8). Figure 8. Évolution des effectifs de gynécologues médicaux selon plusieurs hypothèses d'entrée au concours de l'internat : 0 à 100 internes par an. (Source : Cohen et al., 2000) 3.3 9 Le gynécologue obstétricien : se replier pour mieux défendre son pré-carré 1. Résister malgré la judiciarisation : Charte du patient hospitalier9, règles de déontologie, circulaires, règlements et lois10, sont autant de textes qui protègent le patient. Pour illustration, un arrêt de la chambre criminelle rendu en 2002 a condamné « le médecin de faute car il n’avait pas intensifié la surveillance de la patiente décédée à l’entrée en clinique en vue de son accouchement » (Daury-Fauveau, 2003). Ainsi, le patient mécontent peut mettre en cause la responsabilité pénale du médecin. En découle une augmentation du nombre de procès répressifs d’ordre pénal ou civil. Ces textes et ce constat donnent une idée sur la situation dans laquelle se trouvent les gynécologues, surtout les obstétriciens, plus exposés à cause de leurs interventions dans les cas de grossesses pathologiques. S’ensuit donc non seulement « une exposition au recours en responsabilité pour tout incident survenu à l’occasion de la naissance », mais encore, le gynécologue peut être poursuivi également pour manquement à ses obligations en « matière de consentement et des contraintes spécifiques s’agissant de l’équipe médicale et la compétence des sages-femmes » (Devers, 2000, pp. 180190). 2. Résister en faisant de la sage-femme une collaboratrice importante : Le métier de sagefemme gagne en responsabilité d'une part dans le domaine médical et d'autre part dans le article L.1112.2 du Code de la Santé Publique (JORF, 2004). dont la loi du 4 mars 2002 (JORF, 2002). 10 domaine obstétrical. Dans les petites unités de soin obstétrique, la responsabilité de la sagefemme est accrue car elle y travaille seule (il n’y a pas d’obstétricien permanent) : elle endosse alors le rôle du supérieur hiérarchique au sein de l’unité. Mais elle a l’obligation de faire appel à un médecin en cas de complication. Dans les services où il y a un gynécologue obstétricien, celui-ci peut déléguer à la sage-femme son pouvoir décisionnel pour les grossesses sans risque. Elle le tient informé de ses initiatives et peut également solliciter l’avis du médecin anesthésiste, du néonatologue et du représentant de l’administration. 3. Défendre la pérennité de la profession, même avec des effectifs réduits : Si on considère que 200 internes seront formés chaque année à la gynécologie obstétrique, le nombre de gynécologues obstétriciens serait environ de 4550 en 2020 (Fig. 9). Si le nombre annuel d'internes formés n'était que de 84, le nombre de gynécologues obstétriciens serait environ de 2800 en 2020 (Cohen, Madelenat, & Levy, 2000). Dans tous les cas, l'effectif des gynécologues obstétriciens sera inférieur à celui d'aujourd'hui. La pérennité de la situation actuelle conduirait à une réduction de l'effectif des gynécologues obstétriciens et à un repli de ceux-ci sur leurs compétences distinctives. Figure 9. Évolution des effectifs de gynécologues obstétriciens selon différentes hypothèses d'entrée au concours de l'internat: 84 à 200 internes par an. (Source : Cohen et al., 2000) 4 Conclusion La profession de sage-femme a connu, depuis le premier diplôme délivré dans ce domaine en 1917 et surtout depuis une vingtaine d’années, de nombreuses mutations tant au niveau du statut qu’à celui des fonctions ou des champs de compétences. Le statut de sage-femme se rapproche de celui du médecin et lui permet d’occuper des fonctions de responsabilité au niveau du service obstétrique et manager des équipes d’infirmières, d’aides-soignants, etc. Par ailleurs, ses activités dépassent désormais l’accouchement normal ou physiologique pour les accouchements pathologiques (en collaboration avec le gynécologue obstétricien) et elle est habilitée à prendre des décisions médicales élargies : effectuer le premier entretien prénatal réservé jusqu’alors aux médecins et à prescrire également les médicaments liés à la grossesse, etc. Mais cette ascension et cet élargissement des compétences ont contribué au déclin de la profession de gynécologue médical (Cohen et al., 2000) : la sage-femme prend désormais en charge une grande partie des activités du gynécologue médical, et cette tendance a de fortes chances de se poursuivre dans le futur. En revanche, lors de l'accouchement, aux moindres problèmes, le gynécologue obstétricien intervient puisque son rôle est de prendre en charge les accouchements dits pathologiques. Contrairement au gynécologue médical, l’obstétricien reste incontournable, même si le taux de natalité baisse et qu’une partie de ses activités peuvent être déléguées aux sages-femmes. La sage-femme a également réussi à investir d’autres domaines d’activités. Elle n’est plus limitée à la période de grossesse de ses patientes, mais elle a élargi sa clientèle à l’ensemble des femmes quel que soit leur état de santé, et peut même intervenir auprès des couples pour des missions d’information et de prévention. La profession de gynécologue médical se trouve en danger de disparition, malgré de nombreuses pétitions mises en place pour soutenir cette spécialité médicale. Cependant, de plus en plus d’actes effectués par le gynécologue médical peuvent être réalisés soit par le médecin généraliste, soit par le gynécologue obstétricien. Actuellement, en France, 60% des accouchements sont effectués par des sages-femmes et 40% par des gynécologues obstétriciens. Et lorsque qu'il s'agit de grossesses à bas risques, les accouchements sont en grande majorité pris en charges par des sages-femmes. Suite à ces évolutions, l’un des scénarios du futur qui semble probable serait : - La sage-femme occupera une place plus affirmée dans l’équipe médicale et ses activités seront diversifiées en dehors des structures de soins (prévention, éducation sanitaire,…) ; - Le gynécologue obstétricien gardera sa compétence distinctive. Son métier subsistera, même si l’effectif de gynécologues obstétriciens diminuera légèrement ; - Le métier gynécologue médical est fortement menacé par celui des sages-femmes et par celui des gynécologues obstétriciens. L’effectif de gynécologues médicaux déclinera avec, à terme, un risque d’extinction. Les trois métiers semblent caractérisés par des dynamiques différentes : une dynamique de déclin pour les gynécologues médicaux, une autre de consolidation pour les gynécologues obstétriciens et une troisième d’ascension pour les sages-femmes.