Analyse critique d`article pour le collège C Mariette, S Benoist pour

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Analyse critique d’article pour le collège
C Mariette, S Benoist pour le Journal de Chirurgie
En cas de cancer colorectal, la prise d’aspirine permet-elle d’améliorer la survie ?
Résultat d’une étude norvégienne en population
Bains SJ, Mahic M, Myklebust TÅ, et al. Aspirin as secondary prevention in patients with
colorectal cancer: an unselected population-based study.
J Clin Oncol 2016;34:2501-2508. doi: 10.1200/JCO.2015.65.3519.
Plusieurs études ont montré que la prise quotidienne d’aspirine permettait de diminuer le risque
de survenue d’un cancer colorectal (CCR) et de diminuer ainsi la mortalité liée à ce cancer [13]. En revanche, peu d’études ont évalué l’intérêt de l’aspirine et son impact sur la survie à
long-terme chez les patients ayant un CCR déjà diagnostiqué.
Afin de répondre à cette question, les auteurs ont réalisé une étude de population en Norvège
en croisant les données du registre national du cancer et celles du registre national de
prescription de médicaments. Ces deux registres existant depuis 2004 couvrent 99% du
territoire Norvégien. Ainsi 23 162 patients ayant survécu plus d’un mois après le diagnostic
d’un CCR entre 2004 et 2011 ont été inclus. Parmi eux, 6102 ont reçu de l’aspirine pendant au
moins 6 mois (groupe aspirine) et 17060 n’en ont pas reçu (groupe contrôle). Dans le groupe
aspirine, 28% des patients prenaient de l’aspirine uniquement après le diagnostic de CCR alors
que 72% en prenaient avant et ont continué après le diagnostic de CCR. L Au terme d’un suivi
médian de 3 ans, la mortalité globale était de 33,9% dans le groupe aspirine et de 42,3% dans
le groupe contrôle. La mortalité liée au cancer était de 19% dans le groupe aspirine et de 31,5%
dans le groupe contrôle. En analyse multivariée, la prise d’aspirine diminuait significativement
la survie liée au cancer (HR 0,85 ; p<0,01) et non significativement la survie globale (HR 0,95,
p=0,076). Une analyse de sous-groupe montrait que les patients qui bénéficiaient le plus de
l’aspirine étaient ceux qui en prenaient avant et après le diagnostic de CCR, les tumeurs peu
différentiée, et les stades II.
Les auteurs concluent qu’en cas de CCR déclaré, la prise d’aspirine semble améliorer la survie
liée au cancer et devrait être testée contre placébo dans un essai contrôlé.
Commentaires
1. Les conclusions de cette étude sont à interpréter avec prudence du fait de nombreux
biais méthodologiques. Tout d’abord, les patients des deux groupes n’étaient pas comparables,
en particulier pour des facteurs pronostiques majeurs comme le stade ou la différenciation
tumorale. En effet, les patients du groupe aspirine avaient des tumeurs moins évoluées et mieux
différenciées que les patients du groupe contrôle. De plus, en dehors de la chirurgie, on n’avait
aucune information sur les traitements reçus pour le cancer et en particulier sur la
chimiothérapie administrée. Enfin de nombreux facteurs pronostiques comme le taux d’ACE,
le taux de résection R0, l’administration d’une radiochimiothérapie en cas de cancer du rectum,
la localisation des métastases synchrones si présentes, n’ont pas été testés dans l’analyse
multivariée.
2. D’un point de vue méthodologique, comme les patients des 2 groupes n’étaient
absolument pas comparables, les auteurs auraient dû réaliser un score de propension, réalisé par
régression logistique à partir des variables différentes entre les 2 groupes, et soit inclure ce score
dans le modèle multivariée, soit faire un appariement sur ce score.
3. Il est difficile de dire que l’aspirine administrée après le diagnostic de CCR améliore la
survie liée au cancer, dans la mesure où ce sont surtout les patients qui en prenaient avant et
après chez qui le bénéfice de l’aspirine a été observé. Il est même probable que ce soit surtout
l’aspirine avant qui soit efficace dans la mesure où l’amélioration de survie n’était pas
significative chez le sous-groupe de patients n’en prenant qu’après.
Mots-clés : Côlon – Rectum - Cancer - Aspirine - Survie globale – Récidive.
Références
1. Lancet 2010;376:1741-1750.
2. Lancet 2012;379:1591-1601.
3. Ann Oncol 2014;26:47-57.
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