gestions hospitalières n° 495 - avril 2010 MOTS CLÉS [dossier] sement hospitalier (Mainh) (2) ont élaboré des outils méthodologiques (3) et de calcul à destination des établissements afin de les aider à optimiser leurs dépenses dites « d’investissement », notamment dans le cadre des politiques d’investissements hospitaliers, d’Hôpital 2007 puis d’Hôpital 2012. Le guide publié par le GMSIH est devenu un référentiel en la matière. Il permet aux établissements de réaliser une évaluation de la rentabilité des projets de système d’information (SI) en s’appuyant sur cinq segments de gains : efficience, financiers, qualité de service, conditions de travail et compétences. Ces méthodes s’inscrivent désormais dans la démarche des bonnes pratiques Hôpital Technologie de l’information et de la communication Achat public Retour sur investissement Descriptif Processus Méthodologie TIC ET HÔPITAL Le retour sur investissement, au service de l’équilibre budgétaire Les bonnes pratiques d’achat informatiques et de télécoms hospitaliers concernent désormais le cycle complet du projet : de sa définition au paiement du solde. Les aspects économiques et financiers du projet entrent désormais dans la définition des besoins et le contrôle de son exécution. Désormais, tout achat d’investissement doit faire l’objet d’une analyse économique et financière portant sur le coût global du projet, la qualité du service rendu auprès des utilisateurs, l’optimisation de la qualité des soins, la réduction des coûts de fonctionnement…, qui deviennent aussi des critères de choix tout aussi importants que le prix. Cette démarche intègre le processus de retour sur investissement mis en place progressivement sous l’impulsion des pouvoirs publics dans le cadre du dispositif de la réforme hospitalière, dont la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) du 21 juillet 2009. e retour sur investissement (ou Return on Investment, ROI) dans le domaine des techniques de l’information et de la communication (1) concerne services utilisateurs, informatiques, financiers, marchés… au sein des établissements en tant que méthodes intégrées dans le processus d’achat. Ces méthodes économiques et financières complètent l’analyse des projets en coûts globaux et servent à rechercher le délai de retour à l’équilibre économique du projet, puis les éventuels gains quantitatifs et qualitatifs d’économies au-delà de l’investissement. Le Groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier (GMSIH) et la Mission nationale d’appui à l’investis- L Didier ADDA Conseil en propriété industrielle (juriste), cabinet TPC Ancien acheteur public de technologies information et télécommunications Ancien chargé d’enseignement, universités Paris-I et Orléans Chargé d’enseignement à l’Ensea/Iseea d’achat. Le ROI trouve sa place au cœur du processus de décision, du processus de choix de fournisseurs, mais aussi de la gestion du projet dans le cadre des relations hôpitaux/fournisseurs. Le ROI, composant du processus décisionnel Les bonnes pratiques d’achat nécessitent, aujourd’hui, de mettre en place une équipe acheteuse pour les grands projets ou les projets stratégiques comme la gestion de production de soins/dossier du patient, la facturation des prestations de soins, la gestion des ressources humaines, la gestion économique et financière, la téléphonie sur IP, le décisionnel… Pour les projets moins stratégiques, la démarche peut être plus restreinte. Ainsi, l’acheteur public prend la forme d’une équipe pluridisciplinaire regroupant les différents acteurs intervenant dans le processus en prenant en compte la veille technologique et le retour d’expérience. La pratique a démontré l’importance de ce regroupement de compétences : professionnels de santé ou 261 262 [dossier] NOTES (1) Terminologie utilisée par le nouveau cahier des clauses administratives générales, arrêté du 16 septembre 2009, JORF n°0240 du 16 octobre 2009, p. 16972. (2) La Mainh, la Mission nationale d’expertises et d’audits hospitaliers (Meah) et le GMSIH seront regroupés au sein d’une nouvelle entité, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux », en principe d’ici le 1er janvier 2010 (loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 art. 18 II, art. L. 6113-10 CSP). (3) Guide à l’usage des établissements de santé, Évaluation du retour sur investissement des systèmes d’information et guide d’aide à l’investissement SIH 2 de la Mainh, janvier 2008. (4) Méthode de calcul du ROI spécifiquement adaptée au ROI des systèmes d’informations hospitaliers. (5) Art. 17, al. 2 : « Des clauses incitatives peuvent être insérées dans les marchés aux fins d’améliorer les délais d’exécution, de rechercher une meilleure qualité des prestations et de réduire les coûts de production. » (6) Circulaire du 29 décembre 2009 relative au guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics 17.6. Le versement de primes de réalisation anticipée : « Il est recommandé aux acheteurs publics de mettre en place de telles primes, souvent plus efficaces que des pénalités de retard. » n° 495 - avril 2010 gestions hospitalières administratifs concernés par le projet en tant que client interne (maîtrise d’ouvrage), chefs de projet fonctionnel, technique et organisationnel de la DSI, bureau des marchés, acheteurs, juristes… Ce groupe a vocation à étudier divers paramètres de logique d’achat en les conjuguant afin d’élaborer un cahier des charges opérationnel, économique, financier, juridique…, viable et fiable. Cette équipe doit disposer des compétences pour établir une simulation du ROI du futur projet, voire pour établir une projection par scénario d’achat. Les calculs du ROI reposent notamment sur les dépenses entrant dans le coût global du projet (investissement, exploitation/maintenance, évolution, réversibilité/ recyclage…), les recettes hospitalières éventuelles liées au projet (comme pour l’imagerie), les gains quantitatifs et qualitatifs entrant dans le cadre du retour à l’équilibre financier mais aussi les complémentaires au-delà de l’équilibre. Des calculateurs ont été élaborés comme celui de la Mainh ou celui d’Impact Study, de Leader Health (4). Ainsi, le ROI va pouvoir déterminer une probabilité de gains parfois conséquents. Un des domaines d’investissement les plus significatifs est l’informatisation du dossier patient dans son intégralité (art. R 1112-2 CSP) comprenant au moins les informations formalisées recueillies (lors des consultations externes dispensées dans l’établissement, lors de l’accueil au service des urgences ou au moment de l’admission, au cours du séjour en établissement de santé) et les informations formalisées établies à la fin du séjour. La gestion informatisée du dossier patient dans sa complétude a des incidences de gains valorisables notamment sur : l’optimisation des bonnes pratiques médicales ; la sécurité de l’accès au dossier et à la traçabilité de l’origine des informations, les saisies et les consultations de documents… ; la réduction des éditions papier et du transfert des documents papier au sein de l’établissement entraînant la diminution : » » » - des équipements d’impression en nombre et en taille, - du volume de destruction du papier faisant doublon dans les dossiers papier, - de la manipulation des consommables, - du traitement des consommables ; la non-constitution d’archives papier sauf pour les documents sur support papier venant de l’extérieur ; la minimisation du nombre de dossiers cartonnés et de cartons d’archives… » » Le ROI, critère de choix Les investissements relatifs aux gros projets doivent désormais générer des gains valorisables et significatifs. Si la ou les simulations, effectuées lors de l’élaboration du projet, ont fait apparaître des estimations conséquentes, l’établissement peut demander que l’offre de chaque candidat contienne des objectifs de ROI documentés. Dans le cadre des procédures de dialogue compétitif, le ROI peut tout à fait faire l’objet d’un des sujets du dialogue, afin que chaque candidat effectue des propositions en la matière pour accompagner la solution exposée au cours des réunions. L’élaboration du ROI par le fournisseur est un argumentaire supplémentaire de choix de cette procédure pour des projets complexes. En revanche, dans le cadre de l’appel d’offres, l’obtention d’objectifs de ROI documentés s’avère plus complexe car l’offre, en la matière, dépend des spécifications du cahier des charges et des questions du cadre de réponses rédigé par l’établissement. Le cadre de réponses et/ou le règlement de consultation devront être très explicites en la matière pour obtenir une réponse concrète. Vu les enjeux, le ROI peut devenir un sous-critère de choix du critère prix/coûts lié aux questions/réponses du cadre de réponses. Ce sous-critère fera l’objet d’une mention dans l’avis d’appel public à la concurrence et dans le règlement de consultation. Le ROI, outil de gestion de projet Le ROI peut s’appliquer globalement au niveau du processus décisionnel de l’établissement pour aider à optimiser la gestion budgétaire. En revanche, au niveau de chaque grand projet ou projet stratégique, le ROI n’est pas que du seul ressort de l’établissement, mais bien une approche collective établissement/fournisseur. La mise en œuvre d’un ROI contractuel amène le fournisseur à recenser les informations et à effectuer les calculs à charge pour l’établissement de fournir les informations relatives aux gains, de contrôler la conformité des calculs, de payer la prime de partage de gains au titulaire. Le code des marchés publics (5) et le guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics (6) prévoient la possibilité de moduler le prix grâce à l’utilisation de clauses incitatives dans les marchés et, par extension, dans les accords-cadres. La clause d’incitation du code peut s’appliquer contractuellement selon un mécanisme, appelé « bonus/malus », qui consiste à utiliser un mode de notation positive et négative lié au niveau gestions hospitalières n° 495 - avril 2010 du respect des engagements. Le bonus/malus peut aussi intégrer des méthodes et les processus de calcul des ROI et leurs impacts financiers dans les marchés et les accords-cadres. Une telle clause s’insère dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP), pour les aspects administratif et financier, et se complète par des spécifications figurant au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) sans dérogation au cahier des clauses administratives générales (CCAG) du fait que le CCAG applicable aux techniques de l’information et de la communication (TIC), ne pouvant prendre en compte que les cas les plus utilisés au niveau des primes, à savoir les « primes pour réalisation anticipée des prestations » (7), n’a pas développé cette autre approche. Le mode bonus/malus offre aux établissements la possibilité de maîtriser le partage des gains obtenus. Ce mode s’établit avec un certain nombre de règles : les gains ne sont que des gains directs mesurables qu’il faut lister ; les gains ne sont pas des gains qui auraient dû être faits même s’il n’y avait pas eu de projet ; à ce titre, un seuil de non-gain est identifié dans les documents contractuels : entre 10 et 30 % de gains initiaux non partagés avec le titulaire ; l’inventaire de la valorisation s’effectue avant le commencement du projet (ex ante) et après sa réalisation (ex post) ; la part pouvant être attribuée au titulaire est fonction du projet entre 10 à 30 % ; ainsi, en système de gestion de laboratoire, les gains étant plus près de 30 % et en dossier patient complet plus proche des 10 % vu l’ampleur des gains possibles ; le partage de gain est limité à un pourcentage du montant commandé au fournisseur de l’investissement entre 5 et 20 % selon les projets ; la mesure du ROI s’effectue de préférence à la fin du projet ; le paiement de la prime de partage de gain s’effectue au moment du solde du marché ou, en cas d’accord-cadre, du solde du dernier marché ; le partage des gains se compense avec les pénalités et les indemnités : pénalités de retard, de non-respect du seuil de qualité, d’indisponibilité… ; les gains non réalisés du fait de l’établissement doivent être considérés à la fin du contrat comme un gain pour ne pas défavoriser le titulaire s’il mérite une prime ; les méthodes, mode de calculs et outils de calcul doivent être simples à utiliser. Le niveau d’insertion contractuelle des spécifications et des modalités d’application du ROI est formalisé, par l’équipe acheteuse, dans les documents constitutifs du marché ou de l’accord-cadre fonction du processus d’achat : spécifications détaillées du ROI dans le cahier des charges : le ROI est défini au niveau du cahier des charges (méthodologie, indicateurs, mode de calcul, référence à l’outil de calcul à utiliser, règles du bonus/malus), avec des questions au cadre de réponses afin que chaque candidat fasse des propositions de gains et de délais de réalisation par rapport au planning prévisionnel de déploiement de sa solution, accompagnées d’un argumentaire et de préconisations ; spécifications générales du ROI dans le cahier des charges : » » » » » » » » » » » » [dossier] 263 « Le ROI est une composante incontournable des bonnes pratiques de l’achat hospitalier de techniques de l’information et de la communication. le cahier des charges définit les règles et le périmètre de façon générale (y compris les modalités juridiques de paiement des bonus et de recouvrement des malus dans le CCAP) et propose à chaque candidat de fournir dans le cadre de réponses les indicateurs mesurables avec un taux de risques associés, les prérequis d’information à fournir par l’établissement, l’outil proposé avec les informations saisies et les résultats de gains proposés avec leur planification, leurs argumentaires et les préconisations basés sur le retour d’expérience opérationnelle du candidat… ; prestation commandable de ROI intégré au marché : le cahier des charges ne définit pas le ROI mais spécifie les prestations de suivi de projet ou de maîtrise d’œuvre intégrant la conception, la mise en œuvre et la mise à jour du ROI. Le ROI, outil contractuel, s’utilise en liaison avec le processus de gestion des risques du cahier des charges. En effet, si, en fonction du planning prévisionnel, le ROI n’était pas aux rendez-vous, le processus de gestion des risques doit s’activer afin que le fournisseur puisse faire des préconisations opérationnelles sans supplément de budget pour rétablir le bon déroulement. » Ainsi, le candidat devenu titulaire se verrait fortement sanctionné si les gains mentionnés dans son offre n’étaient pas atteints, surtout si les critères de choix intégraient le ROI comme sous-critère prix. Le ROI devient une composante incontournable des bonnes pratiques de l’achat hospitalier de techniques de l’information et de la communication. ● NOTE (7) Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l’information et de la communication (CCAG-TIC), art. 15 - Primes pour réalisation anticipée des prestations. Didier Adda est l’auteur de nombreux articles dans la presse en matière d’achats hospitaliers, de marchés publics et accords-cadres et de contrats et marchés de maintenance, de propriété intellectuelle… Il est coauteur, avec Mike Sissung, de Contrats et marchés de maintenance d’immeubles, paru aux éditions du Moniteur en octobre 2007.