Aspects infirmiers du travail d`équipe mobile de soins palliatifs pour

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EXPÉRIENCES PARTAGÉES
Med Pal 2005; 4: 80-84
© Masson, Paris, 2005, Tous droits réservés
Aspects infirmiers du travail d’Équipe Mobile de Soins Palliatifs
Martine Nectoux, Infirmière clinicienne, Juvignac,
Patrick Thominet, Cadre de santé, EMSP Pitié Salpêtrière, Paris.
Summary
The nurse’s role in the Mobile Palliative Care Team
Mobile palliative care teams have been developed in France for
both hospital and home care. Nurses play an important role in
these teams, but in order to cope with this specific situation a
new approach to nursing care had to be developed. For a nurse,
what is the signification of participating in an indirect care system? When working in a team setting, what is the meaning of
supportive care for a nurse? Based on our experience, we attempt to provide practical answers to these questions and
present a common basis for nurses working in mobile palliative
care teams. This model is not unique and must be adapted to
each specific situation and healthcare context.
Résumé
Depuis quelques années les équipes mobiles de soins palliatifs
se développent au sein des établissements hospitaliers et également au domicile des patients. Au sein de ces équipes transversales, les infirmières occupent une place privilégiée. Mais il a
fallu inventer une nouvelle forme d’exercice professionnel
auquel les infirmières françaises n’étaient pas habituées. Que signifie pour un soignant être dans le soin indirect ? Sommesnous préparés à vivre la frustration ? Que signifie travailler en
compagnonnage avec nos collègues ? Autant de questions auxquelles les auteurs, forts de leur expérience en équipe mobile de
soins palliatifs, ont tenté de répondre dans le souci de mettre à
disposition des soignants d’équipe mobile non pas un modèle
infirmier unique, mais une base commune qui reste cependant
à adapter à la spécificité des établissements de santé où ces
équipes sont implantées.
Key-words: palliative care, mobile team, nursing experience
.
Mots clés : soins palliatifs, équipe mobile, exercice professionnel
infirmier.
Nectoux M. et al. Aspects infirmiers du travail d’Équipe Mobile de Soins Pallia-
Adresse pour la correspondance :
tifs. Med Pal 2004; 4: 80-84.
Patrick Thominet, Équipe Mobile de Soins Palliatifs, GH Pitié Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
e-mail : [email protected]
T
oute équipe mobile comprend
en son sein au moins une infirmière
[1]. Que signifie ce constat ? L’infirmière occupe-t-elle un rôle pivot ?
Quel est son champ d’action dans un
contexte où elle ne peut s’autoriser
l’initiative d’un soin direct, alors
qu’elle a été formée au départ pour
être dans l’« agir » ? Voilà sans doute
une des places les plus délicates à occuper au sein d’une Équipe Mobile de
Soins Palliatifs (EMSP) car la ligne de
crête peut sembler étroite et réductrice
vis-à-vis de l’ampleur du champ spécifique infirmier où ce professionnel
pourrait exercer tout son art du
« prendre soin ». Nous tenterons de
montrer dans cet article, comment
l’infirmière peut apporter sa contribution à l’évolution des soins palliatifs,
Médecine palliative
dans l’activité clinique, de formation
et de recherche de toute EMSP. Pour
cela, il lui faudra identifier sans relâche les risques de dérives dans lesquelles elle pourrait s’engouffrer. Du
conseil thérapeutique médical jusqu’au
soutien psychologique spécifique, les
occasions ne manquent pas ! Il faut
bien reconnaître que les frontières entre les différentes fonctions des membres d’une EMSP sont parfois mal
identifiées, voire malmenées par les
services qui nous sollicitent car les
soignants sont souvent démunis face
à un patient en grande souffrance.
Choisir de travailler comme infirmière en EMSP suppose de bien connaître les missions qui incombent à
ces structures. Un tel choix exige
aussi d’accepter les frustrations qui
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découlent des nombreux renoncements à « faire des soins ». C’est à ces
conditions que l’on peut alors s’épanouir et trouver du sens à cette fonction dans le partage réciproque de
compétences, le soutien apporté à nos
collègues, l’enseignement etc.… Chaque graine semée au quotidien contribue à sa façon aux objectifs globaux
énoncés en soins palliatifs au service
des patients et de leur entourage.
Cadre réglementaire
et missions d’une EMSP
Le chapitre III-2 de la circulaire du
19 février 2002 relative à la mise en
place des structures de soins palliatifs,
concerne les missions, l’organisation
N° 2 – Avril 2005
Martine Nectoux, Patrick Thominet
et le fonctionnement des équipes mobiles de soins palliatifs. Leur activité
est qualifiée de transversale au sein
des établissements de santé. Leurs
missions s’articulent autour de trois
pôles : le conseil en soin palliatif, la
formation et l’enseignement, la recherche.
L’EMSP est définie comme une
équipe interdisciplinaire et pluriprofessionnelle dont la composition découle des missions qui lui sont assignées. Elle repose en partie sur le
responsable médical et le cadre infirmier dont le texte précise qu’ils doivent être titulaires d’un diplôme universitaire de soins palliatifs ou d’un
diplôme équivalent.
En ce qui concerne les autres
memb r e s d e l’EMSP, la circulaire
indique que les personnels doivent
être volontaires et choisis en fonction
d’un profil de poste qui tient compte
de la spécificité de l’établissement où
elle est implantée. En revanche, elle
ne précise pas le nombre de personnes
nécessaires à la composition de
l’équipe ni la nature des professions
représentées.
Enfin, il est mentionné, pour la
première fois dans un texte officiel,
que les membres de l’EMSP bénéficient d’une supervision des pratiques
(ou d’un groupe de parole) et que
l’EMSP soit dotée de locaux indispensables à son activité.
La notion de transversalité
Si l’on s’en tient à la définition
courante, la transversalité désigne une
activité qui recoupe plusieurs disciplines ou plusieurs secteurs. Qualifier
l’activité d’une EMSP de transversale,
c’est reconnaître que son champ d’intervention concerne l’ensemble des
services cliniques de l’établissement
où elle est implantée. Or aucune
équipe ne peut prétendre à un savoir
absolu sur toutes les problématiques
de santé rencontrées ou revendiquer
un champ de compétences aussi vaste.
La transversalité suppose donc un par-
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tage de compétences qui veut que chacune des parties apprenne de l’autre.
Spécificité de l’activité clinique
infirmière en EMSP
En référence au décret professionnel relatif à l’exercice de la profession
infirmière du 11 février 2002, les
soins palliatifs font bien partie du
champ de compétences des infirmières et ne constituent pas une spécialité en soi [2]. L’expérience acquise
auprès des personnes atteintes de maladies graves ou en fin de vie (unités
de soins palliatifs, gériatrie, cancérologie, maladies infectieuses etc.) permet aux soignants d’acquérir une
compétence plus spécifique dans ce
domaine, compétence qu’ils peuvent
mettre au service des autres soignants
dans le cadre de l’activité d’une
équipe mobile de soins palliatifs. On
préfère donc parler des soins palliatifs
comme d’une spécificité et non pas
d’une spécialité.
Ce qui caractérise l’activité infirmière en EMSP, c’est qu’elle s’inscrit
dans une activité de conseil et de soutien.
L’infirmière ne prend pas l’initiative de la réalisation d’un soin au patient, mais elle répond à toute demande de ses collègues lorsqu’il s’agit
de les aider à réaliser un soin difficile
ou douloureux. Elle n’a pas non plus
vocation à répondre à une demande
lorsqu’il s’agit de suppléer aux insuffisances d’effectifs ou à une augmentation de la charge de travail (contrairement aux équipes de renfort que
certains établissements mettent en
place pour répondre à la variabilité de
la charge de travail dans les services).
Afin d’éviter toute confusion et toute
dérive, il appartient à l’infirmière
d’EMSP d’être claire sur ses missions
et de les expliquer aux équipes soignantes auprès desquelles elle intervient.
Il est courant de dire qu’une équipe
mobile intervient « aux côtés » et non
« à la place » de l’équipe soignante qui
appelle. Afin d’éviter tout risque de dé-
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EXPÉRIENCES PARTAGÉES
rives, cela doit rester la ligne de conduite de toute EMSP. Mais cette ligne
est parfois difficile à tenir, surtout lorsque les soignants du service demandent
implicitement à cette infirmière de se
substituer à eux. Cela est particulièrement vrai pour tout ce qui concerne le
domaine de la
relation et du
On préfère donc
soutien du patient ou de ses
parler des soins
proches. Sans
palliatifs comme
être dogmatique sur ce
d’une spécificité
point, il imet non pas
porte que nous
d’une spécialité.
soyons capables d’identifier ces demandes de substitution et de soutenir les équipes soignantes en tentant de comprendre les
raisons de ce désinvestissement et en
les aidant à réinvestir la relation.
La responsabilité professionnelle
de l’infirmière d’EMSP
Sans vouloir accentuer le phénomène de judiciarisation des pratiques
qui entrave l’activité soignante, il
nous semble important de clarifier le
niveau de responsabilité professionnelle auquel est engagée l’infirmière
dans cette activité transversale mobile.
Même si l’essentiel de cette activité repose sur le conseil en soins palliatifs, elle ne dégage pas l’infirmière
de sa responsabilité professionnelle.
On peut identifier trois niveaux de
responsabilité :
– une responsabilité directe :
lorsque l’infirmière d’EMSP réalise un
soin au patient (ex : soin lors d’une
consultation externe de soins palliatifs pour les équipes qui en assurent) ;
– une responsabilité indirecte :
lorsqu’il s’agit d’un conseil en soin
qu’elle ne réalise pas elle-même mais
qui, sur sa proposition, est effectué
par un soignant ;
– une co-responsabilité ou responsabilité partagée avec les soignants de l’équipe lorsqu’elle participe à un soin ou à la mise en place
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EXPÉRIENCES PARTAGÉES
d’une procédure technique particulière.
La responsabilité juridique de l’infirmière serait directement engagée si
elle sortait des limites de compétences
fixées par le décret infirmier. Ceci est
d’autant plus important à relever que
la tentation existe en EMSP de sortir
du cadre professionnel.
Il importe donc que toute intervention fasse l’objet d’un résumé écrit
dans le dossier du patient ou sur
Notre présence
une
feuille
à leurs côtés
spécifique à
l’activité de
se doit d’être
l’EMSP. Ces
significative
transmissions doivent
d’ouverture.
tenir compte
de la nouvelle législation sur les droits
des malades qui permet aux patients
et aux familles d’accéder aux informations contenues dans leurs dossiers
[3].
Compétences requises
et profil professionnel
Par-delà le cadre juridique, la
constitution d’une EMSP pluridisciplinaire repose sur un postulat de
base : l’acquisition par chacun de ses
membres de connaissances à la fois
théoriques et pratiques dans le champ
d’exercice des soins palliatifs.
Pour cette raison, il sera donc demandé à toute infirmière postulant en
EMSP d’avoir au minimum suivi un
DU de soins palliatifs (ou diplôme
équivalent) ou de s’engager à le suivre
au titre de la formation continue, et
de posséder une expérience antérieure
dans la pratique clinique des soins infirmiers auprès de patients en fin de
vie.
Ce niveau d’exigence est motivé
par l’expertise que sont en droit d’attendre nos partenaires de soins des
différents services qui sollicitent
l’aide d’une EMSP. Il y va d’ailleurs
de notre crédibilité à leurs yeux car
c’est bien dans des situations comple-
Médecine palliative
Aspects infirmiers du travail d’Équipe Mobile de Soins Palliatifs
xes de soins que nos interventions
trouvent leur pertinence. Même s’il
nous arrive parfois de n’avoir à partager que notre impuissance avec eux,
notre présence à leurs côtés se doit
d’être significative d’ouverture vers
de nouvelles perspectives de soins,
dans une recherche permanente
d’évolution. Si nous apprenons beaucoup de nos collègues, le contrat qui
nous lie à eux doit aussi leur permettre de s’enrichir de notre savoir en
soins palliatifs dans le champ des
soins infirmiers.
À ces compétences requises, il faut
ajouter des critères beaucoup plus ciblés sur le profil personnel professionnel de l’infirmière. En effet, l’épanouissement dans cette fonction
passe par l’acceptation d’un certain
nombre de renoncements sans laquelle toute infirmière d’EMSP peut se
brûler les ailes et s’épuiser rapidement. Une telle prise de conscience est
donc nécessaire avant de s’engager
dans ce type d’équipe.
Par rapport au fonctionnement infirmier hospitalier classique (dans un
service de soins), nous avons à renoncer à cette appartenance à une équipe
de soins, à la sécurité offerte par la
présence de nos collègues. En effet,
même si nous conservons notre identité professionnelle, et même si la notion d’équipe est fortement ancrée en
EMSP, nous avons à vivre une forme
d’isolement lié à une implication indirecte dans les soins.
La gratification obtenue au cœur
du soin, effectué dans le suivi quotidien d’un patient, n’est pas d’actualité
dans l’activité d’une équipe mobile.
Nos interventions sont toujours modulées par la demande initiale de nos
collègues des services et nous n’avons
pas à nous approprier le changement
de pratiques. Notre travail consiste
davantage à valoriser tous les efforts
des professionnels engagés 24 heures
sur 24 pour progresser dans les méandres de la souffrance engendrée par la
fin de vie.
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Enfin, il nous faut composer en
permanence avec notre idéal du soin
palliatif et la réalité dans laquelle
nous évoluons. Pointer l’existence de
manques, de méconnaissances voire
d’actes contraires à l’éthique du soin
palliatif ne doit pas nous conduire au
jugement de valeur mais nous convaincre que cette collaboration est
une chance de voir progresser un projet de vie menacé. Seule l’acceptation
de ce fonctionnement quelque peu
atypique permet à l’infirmière d’EMSP
de trouver sens à une telle démarche
sans s’épuiser.
Activité clinique infirmière
En réponse aux missions qui sont
assignées aux équipes mobiles, et
dans les limites fixées par le décret de
compétences, l’activité de l’infirmière
d’équipe mobile comprend :
– Une activité clinique au lit du
patient centrée sur l’évaluat i on
des bes o i n s e t u n examen clinique du patient. Intervention en binôme avec le médecin de l’EMSP
(surtout lors de la première visite) et
si possible, en présence d’un membre
de l’équipe soignante. Par la suite il
peut arriver que l’infirmière intervienne seule, elle le fait alors en accord avec le médecin de l’EMSP et
toujours en partenariat avec les soignants du service. Dans le cadre du
rôle propre, elle participe à l’élaboration d’une démarche de soin centrée
sur la qualité de vie du patient. Elle
participe au soutien psychologique du
patient et accompagne l’équipe soignante du service dans cette dimension relationnelle de la prise en
charge globale des patients pour laquelle les soignants se sentent souvent démunis. Elle peut aussi, dans
certains cas, faire appel à la psychologue et si besoin à l’assistante sociale
de l’EMSP ou à celle du service.
– Une participation éventuelle à la
réalisation d’un soin en partenariat
avec les soignants du service : soit
pour évaluer un symptôme (douleur
au cours d’un soin, réfection d’un
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Martine Nectoux, Patrick Thominet
pansement d’escarre, soin de bouche),
soit pour aider à la mise en place
d’une technique spécifique (voie souscutanée, pose de PCA). Dans ce cas il
est important de noter que l’infirmière
ne prend jamais l’initiative de faire un
soin direct au patient, mais qu’elle se
propose de participer à un soin avec
les soignants de l’équipe, car c’est
dans ce compagnonnage que peut se
faire un véritable échange des compétences. Cette dimension pédagogique a
un impact d’autant plus grand dans
la profession infirmière qu’elle entre
dans une dynamique du « faire
ensemble ». Or, nous apprenons dès
la formation initiale à progresser dans
notre pratique à travers la réalisation
des soins. Cet apprentissage sur le terrain est beaucoup plus efficace qu’un
discours théorique sur le déroulement
optimal d’un soin et permet une
meilleure acceptation de l’expertise
offerte.
– Une activité clinique auprès des
soignants à travers le soutien relationnel de l’équipe, une aide à l’accompagnement du patient et des proches, un conseil en soin, une aide à
l’évaluation de la douleur, une aide à
la prise de décision (dans le cas de situations complexes, proposition d’un
groupe de parole ponctuel ou d’un
staff décisionnel).
– Une aide au transfert des malades soit vers une USP (rédaction d’une
fiche de liaison), soit vers le domicile
(contact avec les infirmiers libéraux,
l’HAD ou les réseaux de soins palliatifs à domicile). Tout ceci se fait en
lien avec l’assistante sociale ou bien
avec la coordinatrice de la structure
qui interviendra au domicile du patient. Là encore il faut avoir le souci
de ne pas se substituer aux partenaires
sociaux impliqués dans l’organisation
du transfert ou du retour à domicile.
Compte tenu de la spécificité de
l’activité de conseil et de soutien dans
laquelle l’infirmière d’une EMSP va
devoir inscrire son activité clinique, il
est important de souligner les nombreuses frustrations que cela génère.
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Activité de formation
La formation est inséparable de
l’activité clinique car elle se nourrit de
l’expérience du terrain, tout comme la
clinique vérifie la pertinence des apports théoriques de la formation.
La formation fait donc partie de
l’activité quotidienne de l’infirmière
et chaque intervention dans les services s’inscrit dans une démarche pédagogique.
De manière plus formelle, l’équipe
mobile participe à la formation initiale des futurs professionnels et à la
formation continue des agents de
l’établissement. Dans ce dernier cas, il
peut s’agir soit de formations destinées à l’ensemble du personnel soignant, soit d’une formation interne à
un service en réponse à une demande
qui prend en compte la spécialité du
service. L’infirmière de l’EMSP participe à l’élaboration du programme
d’enseignement et intervient dans ces
formations, au même titre que les
autres membres de l’équipe.
L’infirmière de l’EMSP prend également part aux différents enseignements dispensés aux professionnels
qui suivent le cursus des diplômes
universitaires (Douleur, Soins Palliatifs, Éthique de la fin de vie…). Elle
peut également intervenir en faculté
de médecine auprès des futurs médecins dans le cadre du module transversal « douleur - soins palliatifs et
deuils » prévu par la réforme de l’enseignement du deuxième cycle des
études de médecine. Sa participation
contribue à enrichir l’enseignement
par son expérience clinique en permettant à ces professionnels de la
santé de mieux connaître la spécificité
infirmière mais également à témoigner de la pertinence du travail en
équipe pluridisciplinaire.
Dans le cadre de la formation initiale, l’infirmière est sollicitée par les
différents instituts de formation professionnelle, particulièrement les instituts de formation en soins infirmiers
(IFSI). Il existe deux types d’interventions possibles : soit durant tout le cur-
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EXPÉRIENCES PARTAGÉES
sus des études en fonction des différents modules enseignés (cancérologie,
gériatrie, maladies infectieuses, neurologie), soit lors des modules optionnels
de soins palliatifs. On constate cependant une grande diversité dans l’organisation de la formation dans les IFSI
en fonction des priorités que les enseignants souhaitent donner à cette approche. Trop souvent, le module optionnel de soins palliatifs (laissé au
libre choix des étudiants) arrive en fin
d’année
à
proximité des
La formation
examens ou du
est inséparable
diplôme d’état.
Inutile de préde l’activité
ciser que le niclinique.
veau d’attention s’en ressent. Il appartient donc
aux infirmières d’EMSP qui participent
à ces enseignements, de bien évaluer
le contexte dans lequel on leur demande d’intervenir et de ne pas hésiter
à négocier le moment opportun pour
le faire. Pour cela, on peut proposer,
dans le cadre d’une EMSP implantée
dans un établissement possédant un
IFSI, de participer à l’élaboration de
l’enseignement sur les soins palliatifs
de manière à mieux répondre aux exigences fixées par le décret de compétence des infirmiers, attitude pédagogique qui peut parfaitement s’adapter
à d’autres instituts de formation des
professionnels de la santé et des travailleurs sociaux.
Cette part de l’activité doit bien
sûr figurer sur la fiche de poste de
l’infirmière d’EMSP et suppose que le
temps consacré à la formation a bien
été pris en compte au niveau de l’organisation du travail d’équipe et au
niveau de l’effectif soignant.
Activité de recherche
Comparativement à leurs collègues anglo-saxonnes, les infirmières
françaises produisent peu de travaux
de recherche, à la fois par manque de
formation et aussi par manque de
temps et de moyens mis à leur disposition pour le faire.
www.e2med.com/mp
EXPÉRIENCES PARTAGÉES
En soins palliatifs, la recherche clinique concerne essentiellement la participation à des essais thérapeutiques
pour lesquels l’infirmière n’est pas directement sollicitée. Au niveau de la
recherche en soins infirmiers, l’infirmière de l’EMSP favorise la réflexion
issue des situations cliniques qui peut
déboucher sur un projet de recherche.
Ce projet est alors conduit soit à l’initiative des soignants de l’EMSP, soit à
celle de l’équipe soignante d’un service. Dans ce cas, l’infirmière de
l’EMSP peut se proposer de participer
à l’élaboration de la méthodologie et
mettre à la disposition de ses collègues
tous les moyens logistiques dont dispose l’EMSP (salle de réunion, secrétariat, matériel informatique). Les résultats de cette recherche débouchent sur
leur publication et/ou leur communication lors de congrès, ce qui renforce
la collaboration entre les deux équipes.
Il existe donc un bénéfice direct de la
recherche sur la collaboration entre
l’EMSP et les différents services de
l’établissement.
L’infirmière d’EMSP peut également participer à une recherche multicentrique (impliquant la participation de plusieurs EMSP) soit dans le
cadre d’un programme de santé publique, soit dans le cadre d’une recherche en soins infirmiers menée par un
collège de professionnels à l’exemple
de ceux réalisés par le collège infirmier de la SFAP [4].
Là encore il s’agit de prendre en
compte cette activité dans les effectifs
et les moyens mis à disposition des
EMSP afin qu’elles puissent répondre
à cette mission. Il existe une grande
diversité des équipes mobiles selon
l’importance des établissements où elles sont implantées. Il est probable
que l’on attende davantage d’une
équipe rattachée à un CHU en matière
de formation et de recherche. Néanmoins, toutes les équipes mobiles sont
appelées à produire des travaux de recherche, il en va de leur crédibilité et
de la motivation des soignants qui la
composent.
Médecine palliative
Aspects infirmiers du travail d’Équipe Mobile de Soins Palliatifs
S’épanouir sans s’épuiser
La diversité des champs d’actions
(clinique, formation, recherche) d’une
infirmière en EMSP peut contribuer
largement à son épanouissement professionnel. En effet, la richesse des
initiatives semble infinie puisque chaque situation est unique, l’apprentissage du travail d’équipe permanent et
l’enseignement que l’on reçoit du patient toujours singulier.
Y a-t-il alors un risque d’épuisement professionnel et quels peuvent en
être les facteurs favorisants ? L’ouvrage
« l’infirmier(e) et les soins palliatifs » a
le mérite de nous éclairer largement sur
ce sujet mais certains éléments sont
sans doute plus significatifs en EMSP.
Ils sont en lien avec d’une part la dynamique de l’équipe, dans sa cohérence
et la connaissance réelle des rôles de
chacun et d’autre part, les frustrations
à vivre, liées à la définition même des
missions d’une EMSP.
Il apparaît clairement que le respect des critères de recrutement que
nous avons évoqués ci-dessus contribue à limiter les risques d’épuisement.
Mais ils ne suffisent pas. La supervision est indispensable au travail d’une
EMSP, il appartient donc aux responsables d’y veiller. Par ailleurs, il est
important que les soignants d’EMSP
continuent à participer à des formations tant sur le plan de l’actualisation
des compétences que sur le plan personnel. Enfin, il faut savoir que certains groupes Balint composés d’infirmières en soins palliatifs existent et
contribuent également au soutien de
ces professionnels. L’épuisement professionnel n’est donc pas une fatalité
en regard des nombreuses sources
d’épanouissement professionnel.
Conclusion
La spécificité du rôle de l’infirmière d’équipe s’inscrit dans la prudence qui nous oblige parfois à faire
preuve de diplomatie dans nos rap-
84
ports avec les équipes soignantes et à
renoncer parfois à une prise en charge
de qualité optimale pour le patient.
Autant de causes de frustration qui
doivent être prises en compte au niveau du recrutement afin de prévenir
la démotivation et l’épuisement professionnel des soignants.
Il existe une grande hétérogénéité
dans la manière de travailler des équipes mobiles. Ces structures innovantes
ont eu à inventer leur fonctionnement
en même temps qu’elles assuraient leur
pérennisation. Aujourd’hui les EMSP
ont largement convaincu les responsables hospitaliers des raisons de leur
existence. Il en est de même pour l’activité infirmière. Le modèle que nous
présentons pourrait être qualifié d’archétype de ce que serait une activité infirmière idéale si tant est que cela puisse
se concevoir. À partir de ce modèle, il
appartient à chaque infirmière de définir son activité en tenant compte à la
fois de la composition de l’EMSP et des
priorités définies par l’ensemble de ses
membres, et en partenariat avec la direction des soins infirmiers.
Références
1. Lire toujours « infirmier » ou « infirmière ».
2. Le paragraphe 5 de l’article 2 du décret de compétence précise que l’infirmière « participe à la prévention, à
l’évaluation et au soulagement de la
douleur et de la détresse physique et
psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins
palliatifs, et d’accompagner, en tant
que de besoin, leur entourage ».
3. Loi N° 2002-203 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé.
4. Société Française d’Accompagnement
et de soins Palliatifs : rédaction d’un
ouvrage sur l’infirmière et les sons
palliatifs (Ouvrage collectif, « l’infirmier(e) et les soins palliatifs », Collège
soins infirmiers de la SFAP, Editions
Masson (Paris, 1999 et 2001 pour la
seconde édition) et recherche sur les
soins de bouche (2002).
N° 2 – Avril 2005
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