175 dossier cartographie La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au centre hospitalier régional universitaire de Brest C. Maringue1, C. Le Rouzic-Dartoy2, S. Garcelon3 1-Directrice adjointe chargée de la qualitéet de la gestion des risques, CHRU, Brest 2-Chirurgien pédiatrique et responsable qualité des pôles Femme-mère-enfant et des blocs opératoires, CHRU, Brest 3-Responsable de l’activité conseil, pôle Services, Sham iiSophie Garcelon – Pôle Services – Sham – 75, bd Haussmann – 75008 Paris – E.mail : [email protected] Sham – 18, rue Edouard-Rochet – 69008 Lyon. L a sécurité des soins est plus que jamais au cœur de toutes les préoccupations. Les établissements de santé sont « incités » de plus en plus fortement à identifier et prévenir les risques auxquels ils sont confrontés. Schématiquement, on peut retenir trois grandes catégories d’acteurs qui impulsent la tendance et font pression sur les établissements de santé : ••les autorités de tutelle au sens large : le législateur bien sûr et le ministère de la Santé à travers la loi Hôpital-patient-santé-territoire et ses décrets d’application ; les agences régionales de la santé (ARS) qui Résumé Pour répondre aux démarches de gestion des risques a priori, recommandées par les tutelles et la Haute Autorité de santé, le centre hospitalier régional universitaire de Brest s’est engagé en 2010, avec la méthodologie Cartorisk® et un accompagnement de la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham) dans l’élaboration de sa cartographie des risques. Parmi les quarante processus de l’établissement, l’un des premiers à avoir fait l’objet d’une analyse de risques a priori est celui de la chirurgie et plus précisément de la « prise en charge du patient programmé ». L’implication des professionnels de terrain dans l’identification des risques, de leur cotation par criticité (fréquence et gravité), de l’évaluation des moyens de maîtrise des risques et surtout des actions d’amélioration à mettre en œuvre pour diminuer les risques, est une des conditions essentielles pour que la cartographie des risques élaborée ne reste pas passive. Les auteurs apportent dans cet article l’approche des trois maillons nécessaires pour l’élaboration d’une cartographie des risques active : Sham, avec la méthodologie Cartorisk®, une direction engagée et des acteurs de terrain motivés. Mots-clés : Sécurité des Soins – Cartographie des Risques – Cartorisk® – Prise en Charge médicamenteuse. contrôlent, enquêtent et suspendent parfois certaines activités de soins lorsque la sécurité n’est pas assurée dans un établissement ; les ARS encore qui, à travers leur activité d’inspection, poussent les établissements à structurer leur organisation autour de la sécurité des soins, à analyser les risques auxquels ils sont confrontés et à évaluer ceux-ci pour, à terme, les éviter. Sujet d’actualité s’il en est, la prise en charge médicamenteuse fait l’objet d’incitations fortes et impératives de la part de la Direction générale de l’offre de soins, en application de l’arrêté du 6 avril 2011 [1] et de la cir- Abstract Risk mapping in hospitals: feedback from Brest regional teaching hospital In 2010, Brest regional teaching hospital implemented the Cartorisk® risk mapping methodology with guidance from the hospital mutual insurance company, Sham* to comply with the a priori risk management system measures recommended by French health authorities. Surgery was one of the first of the forty processes in the hospital to be subject of a priori risk analysis, in particular the procedure for providing treatment for scheduled patients. The involvement of operations professionals in identifying risks, assessing their criticality (frequency and gravity), evaluating means of controlling risks and above all proposing actions to be implemented to reduce the risks is essential to ensure that the risk map is applied effectively. In this article, the authors apply the Cartorisk® three stage risk evaluation approach developed by Sham, together with a dedicated management and highly motivated operations personnel. Keywords: Healthcare Safety – Risk Mapping – Cartorisk® – Medication. * SHAM is a mutual insurance company, created in 1927, which specializes in risk insurance for all those in the healthcare and welfare sector. It is the leading medical liability insurer in France and undertakes to cover its members by providing solutions for continuous, optimal risk control. As part of its consultancy operations, SHAM has developed the Cartorisk® risk mapping methodology especially for healthcare and welfare establishments. Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3 176 La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest culaire du 14 février 2012 [2]. Les ARS ont démarré les inspections sur le sujet et vérifient tant l’organisation liée à la qualité de la prise en charge médicamenteuse que les analyses de risques a priori qui devront être achevées le 16 octobre 2012. ••la Haute Autorité de santé (HAS) : les récentes communications de la HAS confirment, s’il le fallait, que la sécurité des soins est au cœur du dispositif de certification et d’accréditation. Dans la décision d’adoption de la procédure V2010 [3], la HAS rappelle que la certification concerne la qualité et la sécurité des soins au sein des établissements de santé. « La procédure consiste en une appréciation globale et indépendante des conditions de prise en charge des patients afin de favoriser une amélioration continue de celles-ci ». Confirmant cette approche, le rapport annuel 2011 paru le 6 juillet 2012 présente les orientations stratégiques futures de la démarche de certification : à partir de 2014, « les méthodes de visite (de certification) seront révisées, avec notamment une personnalisation en fonction des risques spécifiques des établissements, et l’introduction de la méthode du "patient traceur" qui permettra d’évaluer, avec les équipes, la qualité concrète des prises en charge » [4]. Ainsi, les établissements de santé devront être prêts à présenter un état des lieux précis des risques auxquels ils sont confrontés, ainsi qu’un plan d’actions d’amélioration de la maîtrise de ces risques. •les assureurs et notamment la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham) [5] qui, par le biais de ses visites de risques et de ses recommandations, propose à ses sociétaires un niveau de cotisation personnalisé selon le profil de risques de l’établissement. Il s’agit d’une incitation financière aux démarches de prévention des risques. Autant d’acteurs et de méthodes « incitatives » qui font que les établissements de santé n’ont plus d’autre choix que de s’organiser pour identifier de façon objective les risques auxquels ils sont confrontés et prioriser les actions d’amélioration à mettre en œuvre. La démarche nécessite une action sur deux axes : un axe rétrospectif, conduisant à un constat a posteriori des événements qui témoignent de l’existence du risque ; un axe prospectif, permettant d’identifier a priori les risques auxquels l’établissement est confronté, au regard de son activité et du fonctionnement global de celle-ci. Cette démarche d’analyse a priori est plus communément appelée « cartographie des risques ». L’objectif de ce travail est d’aboutir à une représentation visuelle, claire, simple, de l’ensemble des risques auxquels est confrontée une organisation. Il s’agit ensuite de structurer un plan d’actions prioritaires de façon très concrète. Enclencher une démarche de cartographie des risques donne l’opportunité à un établissement de santé de mener une réflexion sur l’ensemble de son activité. C’est l’occasion d’identi- fier et d’évaluer les risques de façon harmonisée et objective, de définir et prioriser les actions à mener pour prévenir ces risques. Plus largement, c’est donner de la cohérence à l’ensemble des actions d’amélioration menées ou prévues, qu’elles résultent d’une procédure de certification, d’un audit qualité, ou de toute autre obligation réglementaire, en travaillant à la prévention des risques. Action de grande envergure, la démarche d’évaluation des risques « a priori » nécessite de la méthode, du temps, et un accompagnement des équipes concernées… La cartographie des risques au centre hospitalier régional universitaire de Brest Un objectif ambitieux Dès 2010, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Brest a souhaité engager un projet de grande ampleur, afin d’anticiper sur les exigences de la réglementation ou de la certification, mais aussi afin de fédérer des équipes pluriprofessionnelles dans le cadre d’une démarche commune d’analyse de risques et d’amélioration de la sécurité des soins. La direction qualité de l’établissement est partie du principe qu’un travail sur la gestion des risques concernait bien entendu toutes les activités menées au plus près du patient, mais aussi d’autres secteurs d’activité sans lesquels les soins ne peuvent être correctement réalisés. Ainsi, si l’on ne se préoccupe pas des risques liés aux recrutements, à la gestion du linge ou à la maintenance du matériel biomédical, on passe à côté de risques qui peuvent s’avérer majeurs pour les patients. La direction de la qualité a procédé à un appel d’offres tendant à solliciter un prestataire extérieur pour l’aider à réaliser ce projet. Les principes de l’accompagnement souhaité par l’établissement Les attentes du CHRU de Brest tenaient en trois points : ••Une organisation permettant la mise en œuvre d’une cartographie au niveau de l’ensemble de l’établissement : il fallait ainsi commencer par définir le périmètre du projet mais aussi structurer la composition des équipes et la planification des sessions de travail. ••Une méthode et un outil d’analyse de risques a priori : les critères de choix résidaient dans l’adaptation de la méthode aux établissements de santé et, plus précisément à l’ensemble des processus d’un établissement hospitalier (qu’ils soient cliniques, médicotechniques ou administratifs et logistiques) ; par ailleurs, l’établissement souhaitait trouver une méthode à la fois précise et structurante, mais également simple et abordable par l’ensemble des professionnels, qu’ils soient médecins, soignants, cadres ou administratifs. Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3 La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest ••Une aide à la mise en œuvre de la méthode sur l’ensemble des processus et dans son déploiement : il était donc nécessaire d’envisager une organisation sur plusieurs mois, à l’échelle de l’établissement. La démarche retenue C’est Sham qui, à travers sa méthodologie Cartorisk®, a été retenue. Plutôt qu’une approche par « grands risques », qui présente l’avantage de la rapidité de l’analyse mais qui reste très macroscopique, Sham privilégie une approche par « processus », s’appuyant sur une description préalable de l’activité de l’établissement. Le travail d’étude de chaque processus s’effectue en collaboration avec les équipes opérationnelles de l’établissement et permet, par une réflexion logique, l’identification des risques afférents à chaque étape du processus. Une description des moyens de maîtrise existants permet ensuite de valoriser les mesures préventives déjà mises en place et de favoriser l’adhésion des équipes. Une évaluation de l’ensemble, selon des échelles objectives, permet enfin d’obtenir une vision immédiate des axes les plus sensibles. Les équipes de l’établissement, avec l’aide des consultants, soumettent alors des préconisations visant à sécuriser davantage le processus étudié. Des préconisations résultent les plans d’actions. Dans une perspective de dynamique et de résultats, l’ensemble de ces étapes ne doit pas dépasser huit à dix semaines par processus. Plusieurs processus peuvent être analysés en parallèle. La méthodologie proposée a été mise au point avec la participation active des équipes gestion des risques du centre hospitalier universitaire (CHU) de ClermontFerrand, du centre hospitalier (CH) de Chalon-surSaône et de la clinique Pasteur à Toulouse. Elle est déployée aujourd’hui auprès de plus de cinquante établissements de santé et établissements médicosociaux. L’organisation et la mise en œuvre du projet La structuration du projet a été organisée : planning et contenu des réunions, périmètre du projet global, phasage des travaux… autant d’aspects organisationnels qui doivent être prévus en amont. La toute première étape du projet a consisté dans le recense- ment des activités, dans la définition des processus de l’établissement. Quarante processus ont été identifiés et classés selon trois catégories : les processus de management, de réalisation et de support (Figure 1). Il s’agissait également de proposer des actions de communication et d’information envers les équipes médicales et soignantes nécessaires à la réalisation d’une cartographie des risques et à son appropriation comme outil de gestion globale des risques. Par ailleurs, il convenait d’aboutir à l’adhésion des équipes autour de la conduite de ce projet. Le CHRU de Brest a souhaité lancer plusieurs « vagues » d’analyse successives. Ce fonctionnement a permis d’analyser plusieurs processus en parallèle et de former un nombre conséquent de professionnels. Entre février 2010 et juin 2012, six vagues d’analyse ont été menées ; vingt-cinq processus ont été cartographiés. Les processus dits les plus à risque ont été analysés lors des premières vagues. Ce fonctionnement reposait sur un cadencement précis des rencontres, de manière à finaliser les cartographies des risques d’une même « vague » dans des délais suffisamment longs pour mener une analyse approfondie, et suffisamment courts pour éviter l’enlisement. Les quatre premiers processus analysés, dans le cadre de la première « vague » concernaient : - la prise en charge en chirurgie programmée, - la biologie médicale, - l’hygiène des locaux des services de soins, -l’imagerie. Ont été ensuite analysés des processus tels que : - la prise en charge en obstétrique, - la prise en charge en psychiatrie, - la prise en charge aux urgences, -la prise en charge en unités de soins de longue durée, et en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Mais aussi : - la restauration collective, - la gestion du courrier, - la gestion du linge, - la sécurité des biens et des personnes, - la gestion des déchets, -… Pour chaque « vague » d’analyse, la constitution de groupes pluridisciplinaires par processus est néces- Figure 1 - Identification et classification des 40 processus de management, de réalisation et de support. Processus de management Prise en charge du patient Plateau médicotechnique Processus de réalisation Processus supports Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3 Management de la qualité et communication Politique et stratégie Ressources humaines Système d’information Finances Économat et logistique Travaux et maintenance 177 178 La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest saire. À des fins pédagogiques, la direction de la qualité du CHRU a même intégré à certains groupes des professionnels étrangers à l’activité, des « Candides ». Cette stratégie avait un double objectif : déployer largement la méthodologie d’analyse de risques et bénéficier d’un regard neuf sur une prise en charge ou tout autre processus. Sur chaque processus étudié, quatre étapes-clés sont franchies comme indiqué dans la figure 2. Chacune de ces étapes nécessitait bien sûr un travail au sein du groupe, mais les sessions étaient cadrées par des objectifs de délais, communs à l’ensemble des groupes, objectifs qui ont systématiquement été atteints. À l’issue du travail d’analyse, des séances de restitution communes et partagées étaient organisées. Là encore, l’objectif était double : maintenir la dynamique d’ensemble sans laisser « filer » le temps et permettre l’acquisition d’un langage commun et le partage des points de vue. La séance de restitution permet par ailleurs de formaliser et de partager les plans d’actions concrets, réalisables et planifiés qui sont l’essence même d’une cartographie des risques réussie. En effet, sans plan d’actions, la cartographie des risques n’a pas de sens. Sur tel et tel risque précisément défini et évalué, il faut savoir qui fait quoi, et pour quand. Bien entendu, un suivi du plan d’actions est indispensable. Certaines actions relèvent d’un plan d’actions transversal, d’autres sont à déployer au sein des unités. En 2012, le CHRU de Brest a choisi d’inclure dans les annexes qualité de chaque contrat de pôles, des Figure 2 - Sur chaque processus étudié, les quatre étapes-clés sont franchies. 4- Plans d'action. Tableaux de bord 3- Évaluation des moyens de maîtrise Risques nets 1- Analyse du processus 2- Identification et évaluation des risques bruts actions issues de la cartographie des risques des processus, de façon à accroître les capacités collectives de mise en place des plans d’actions, favorisant ainsi l’appropriation de l’outil. Un exemple d’analyse sur un processus : la prise en charge en chirurgie programmée Témoignage du Dr Catherine Le Rouzic Dartoy La cartographie des risques du processus de prise en charge en chirurgie programmée est un des premiers processus étudiés au CHRU de Brest. Après une formation de trois jours à la mi-février 2010, un accompagnement bimensuel du groupe de travail a eu lieu pendant deux mois (jusque fin avril 2010). Des réunions régulières se sont poursuivies afin de mener à bien différentes actions définies lors de l’établissement de la cartographie, après la séance de restitution en mai 2010. À ce jour, de nombreuses actions ont été mises en œuvre, et la cartographie des risques va être réévaluée. Constitution d’un groupe restreint Cinq professionnels de santé ont formé le groupe de travail : un cadre infirmier aide anesthésiste, un cadre infirmier de bloc opératoire diplômé d’État, un médecin spécialisé dans l’hémovigilance (rôle de candide), un directeur de soins chargé du bloc opératoire et un chirurgien. Les différentes catégories professionnelles étaient représentées ce qui a permis d’apporter des éclairages précis et variés. Ces professionnels de terrain connaissent parfaitement les différents rouages et risques. Le nombre restreint de participants permet d’avancer rapidement et efficacement. Malgré cette connaissance pratique, le travail d’exhaustivité, de synthèse puis de réflexion, nécessaire à l’établissement des recommandations et d’actions précises, est chronophage ; il permet cependant d’avoir une vision globale des risques. À la grande différence de l’analyse des événements indésirables, il s’agit d’une gestion de risques a priori et non a posteriori. Analyse du processus, identification et évaluation des risques au regard des moyens de maîtrise en place Le choix s’est porté en premier lieu sur l’analyse dans le macroprocessus chirurgie de « l’intervention du patient chirurgical programmée ». Huit processus élémentaires (PE) ou sous-processus ont été définis de façon chronologique, de l’admission du patient dans le service d’hospitalisation, à sa sortie : ••PE1 : accueil du patient dans le service d’hospitalisation programmée, ••PE2 : transfert du patient du service au bloc opératoire, ••PE3 : ouverture de la salle interventionnelle et accueil du patient au bloc opératoire, Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3 La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest ••PE4 : intervention, ••PE5 : transfert du patient de la salle interventionnelle à la salle de soins post-interventionnelle (SSPI) et remise en condition de la salle, ••PE6 : SSPI, ••PE7 : transfert du patient de la SSPI dans le service d’hospitalisation, ••PE8 : accueil du patient dans le service d’hospitalisation. Pour chaque processus élémentaire, ont été définis : - les grandes étapes du PE, - les acteurs, - les entrées et sorties du PE, - la finalité puis la description du PE, - les facteurs de réussite, - les indicateurs de réussite, - les liens avec les autres processus. Il est essentiel d’être le plus exhaustif possible à chaque étape (d’où la nécessité de la multidisciplinarité du groupe) afin de recenser les nombreux facteurs de réussite, c’est-à-dire les critères nécessaires au bon fonctionnement puis, a contrario, d’établir les risques bruts, au nombre de trente-huit dans l’étude. Ils ont été regroupés en risques chapeaux lorsqu’ils étaient retrouvés dans au moins deux processus élémentaires. Au final, la cartographie a comporté vingtquatre risques chapeau ; les quatorze autres étant des risques spécifiques à un processus élémentaire. Afin de mettre en évidence les risques jugés non acceptables (criticité > 8), ceux-ci ont été côtés par leur gravité (de 1 à 4) et leur occurrence (1 à 4). La criticité étant le produit des deux, elle varie donc de 1 à 16. Cette étape est probablement la plus difficile car il faut faire abstraction des moyens de maîtrise pour obtenir une cotation brute fiable (Tableau I). Puis les moyens de maîtrise mis en place sont recensés et analysés selon quatre paramètres prédéfinis (Pertinence, fiabilité de réalisation, supervision, traçabilité). Chaque paramètre est côté de 0 à 1 (Tableau II) et la somme de la cotation permet d’impacter le risque brut. Une cotation supérieure à 2,5 est nécessaire pour avoir un risque net résiduel minoré. Ainsi, sur les vingt-quatre risques à criticité forte ou majeure (63 %), seuls douze sont restés après analyse des dispositifs de maîtrise (32 %) (Figure 3). Bon nombre des moyens de maîtrise mis en place sont donc efficaces. Nous avons travaillé sur ces risques restants et en particulier sur les trois à criticité majeure : « non-mise à disposition des numéros d’urgence », Tableau I - Diagramme de Farmer. Gravité Majeure1 Importante2 Modérée3 Mineure4 4 3 2 1 1 Très improbable 8 6 4 2 12 9 6 3 16 12 8 4 2 Improbable 3 Probable 4 Très probable Probabilité Figures 3 - Risques bruts et risques nets. Forte 13 Modérée 14 34 % 37 % Majeure 11 29 % Faible 0 Répartition des risques bruts par niveau de criticité Modérée 18 Forte 9 47 % Faible 21 % 8 24 % 8% Majeure 3 Répartition des risques nets par niveau de criticité « non-déclaration des événements indésirables » et « non-remplissage, diffusion ou récupération de la feuille de programmation ». Une autre représentation possible est celle du radar de maîtrise des risques (Figure 4). Plan d’actions En ce qui concerne le premier risque (non-mise à disposition des numéros urgents), nous avons établi des listes actualisées des numéros urgents essentiels pour chacun des sites de l’établissement. Ces listes ont été imprimées, plastifiées et affichées à côté de chacun Tableau II - Cotation des moyens de maîtrise. Pertinence Fiabilité de réalisation Supervision Tracabilité Oui (1) Partiellement (0,5) Non (0) Oui (1) Partiellement (0,5) Non (0) Oui (1) Partiellement (0,5) Non (0) Oui (1) Partiellement (0,5) Non (0) Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3 179 180 La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest Figure 4 - Radar de risques. des téléphones des blocs opératoires. Par ailleurs, la direction des affaires médicales a mis en ligne en janvier 2011, une liste de gardes médicales (junior et senior) actualisée toutes les trente minutes. Pour le risque de « non-déclaration des événements indésirables (EI) », la cartographie des risques a permis d’initier la culture de gestion des risques par la création d’un groupe qualité au sein du pôle bloc (chirurgien et infirmière de bloc opératoire) et du pôle d’anesthésie (médecin anesthésiste réanimateur et infirmière anesthésiste). De plus, cette démarche qualité, gestion des risques et sécurité a été clairement spécifiée dans la charte de bloc. Cette volonté commune d’avancer, ensemble, pour l’amélioration de la prise en charge des patients a permis la mise en place d’une analyse conjointe des EI déclarés au bloc Légendes R1 Risque d'indisponibilité des ressources humaines R2 Risque d'indisponibilité des moyens ou mauvaise utilisation R3 Risque de non-qualification ou compétence des personnels R4 Risque de mauvaise communication entre les différents acteurs Risque de non-respect de la réglementation ou des recommandations de bonne pratique inclus procédures ou protocoles institutionnels ou R5 de l'unité R6 Risque infectieux R7 Risque de non-signalement des événements indésirables R8 Risque d'erreur d'identité Risque de traçabilité insuffisante ou inexistante (prescriptions, feuilles anesthésie, consignes postopératoires, feuille de surveillance, médicaR9 ments administrés…) R10 Risque de dossier incomplet, absent (cohérence patient/dossier) R11 Risque de non-prise en charge de la douleur (évaluation et PEC) R12 Risque de méconnaissance ou mauvais usage des données informatiques PMSI, GHM… R13 Risque de médicaments indisponibles R14 Risque de non-détection d'une situation d'urgence ou retard de prise en charge R15 Risque de non-mise à disposition des numéros d'appel d'urgence R16 Risque de mauvaise gestion des stocks de consommable R17 Risque d'erreur d'administration (dilution ou voie d'administration) R18 Risque lié à la formation des étudiants R19 Risque de non-prise en compte de la santé physique et psychique des équipes R20 Risque de mauvaise communication entre patient et soignants R21 Risque lié à la mobilisation du patient (mobilisation inappropriée, chute, installation….) R22 Risque de non-prise en charge de l'équilibre thermique R23 Risque professionnel (accident de travail, accident de trajet, traumatisme, AES…) R24 Risque d'incidents techniques (incendie, chute de matériel, eau, électricité, gaz médicaux, thermiques…) R25 Risque de non-mise à jour des mouvements R26 Risque d'erreur dans la planification journalière (durée intervention, allergie…) R27 Risque de non-respect de la procédure d'appel R28 Risque de non-application de la procédure de brancardage R29 Risque de non-remplissage, diffusion ou récupération de la feuille de programmation R30 Risque de fiche intervention non faite ou non mise à jour R31 Risque de non-vérification de présence et conformité du matériel demandé (stérile et état de fonctionnement) R32 Risque de non-disponibilité de matériel ou équipement supplémentaire R33 Risque de non-récupération des résultats des prélèvements bactériologiques et suivi R34 Risque de non-disponibilité de matériel ou équipement supplémentaire R35 Risque physique (rayons X et laser) R36 Risque de non-connaissance des modalités de conservation, d'acheminement et de récupération des prélèvements R37 Risque de poste indisponible R38 Risque d'erreur de retranscription Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3 La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest (anesthésie et chirurgie), d’actions à mettre en œuvre et de politique de retour aux équipes. Parallèlement à cela, le CHRU a paramétré un logiciel de déclaration des EI couplé à intranet, avec envoi des fiches automatiquement aux personnes ressources suivant le type de déclarations, tout en travaillant sur une analyse institutionnelle des événements transversaux. Concernant le risque de « non-remplissage, diffusion ou récupération de la feuille de programmation », l’établissement a informatisé la programmation opératoire après avoir effectué au préalable des tests pilotes en urologie et en chirurgie infantile. Les feuilles de programmation actualisées quotidiennement par les cadres des secteurs chirurgicaux sont disponibles dans un dossier partage et accessibles par tous. D’autres actions ont été déployées, comme l’élaboration d’une « check-list dossier chirurgical ». Cette feuille sert de lien continu entre le secteur d’hospitalisation et le bloc (recto), la check-list sécurité du patient au bloc opératoire de l’HAS (propre au bloc), puis entre le bloc et le secteur d’hospitalisation (verso). Le but est d’avoir le bon patient et le bon dossier, au bon endroit, au bon moment et dans de bonnes conditions pour mener l’opération. Au-delà de ce qui est, ou devrait être une évidence, cette check-list doit limiter les problèmes d’identitovigilance, d’infection du site opératoire, de traçabilité insuffisante, de communication entre les acteurs et cela tout en suivant les recommandations de bonnes pratiques. Elle a été testée durant l’été 2010 dans les dix secteurs chirurgicaux puis étendue à l’ensemble des services chirurgicaux. Cela devrait permettre une standardisation des pratiques et de la tenue du dossier chirurgical, qui correspond là encore à une des pratiques exigibles prioritaires de la certification V2010 (critère 14.a) [6] : un dossier patient avec un compte rendu de consultation précisant l’indication opératoire et le côté au besoin, l’information donnée au patient et les documents éventuellement remis (fiche patient des sociétés savantes, par exemple), un dossier d’anesthésie avec une visite pré-anesthésique, des autorisations d’anesthésie et d’intervention, les coordonnées des personnes ressources… La cartographie des risques nous a fait pointer des réticences : ••des équipes médicales à la participation de la checklist sécurité du patient au bloc opératoire de la HAS (critère 26.a), ••des équipes médicales et paramédicales à la mise en œuvre de RMM (revue de mortalité-morbidité) pourtant obligatoires dans les secteurs de spécialités à risques comme la chirurgie (critère 28.a). Une enquête a été lancée auprès des chirurgiens et anesthésistes (seniors et juniors) selon le principe de l’enquête HAS réalisée auprès des médecins engagés dans la démarche d’accréditation [7] afin de les inciter Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3 à participer activement et donc de s’approprier l’outil. Aujourd’hui les RMM sont quasiment implantées dans tous les secteurs où elles sont obligatoires ainsi que dans de nombreux autres services. Conclusion Chaque établissement est amené à choisir, en fonction de sa propre situation, le « point de départ » de sa cartographie des risques. Indéniablement, cette décision créera une dynamique au sein des équipes opérationnelles ainsi que des attentes. La cartographie des risques peut être un travail fastidieux et chronophage si elle se veut être la plus exhaustive possible. Elle paraît cependant indispensable pour mettre en exergue les points positifs et les points critiques sur lesquels il est important de travailler. Il faut donc la limiter et la cadencer dans le temps. En dégageant les actions prioritaires à mener, elle révèle que certaines peuvent être simples. Il est alors satisfaisant de voir un retour sur investissement rapide pour les équipes qui ont porté le projet. D’autres actions sont de longue haleine, tendant à modifier les cultures des équipes par exemple. Oser l’analyse de l’événement indésirable ou du risque permet d’avancer dans la gestion des risques et la sécurité des patients pris en charge. C’est au vu du bilan des actions menées que sera jugée la pertinence du projet. Il est donc important de ne pas se perdre dans l’outil de cartographie pour en faire un véritable outil de travail. La cartographie doit rester simple et efficace. Les imperfections et les éventuels oublis peuvent toujours être repris lors des réactualisations. Par ailleurs les organisations évoluent très rapidement, dans le cadre par exemple des coopérations au sein des territoires de santé, les cartographies des risques devront suivre ces évolutions. Ces cartographies n’ont donc pas fini de nous questionner sur nos risques… [8] Références 1- Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé ; JORF n° 0090 du 16 avril 2011, page 6687. 2- Circulaire n° DGOS/PF2/2012/72 du 14 février 2012 relative au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse dans les établissements de santé. 3- Décision n° 2012.0030/DC/SCES du 22 mars 2012 portant adoption de la procédure de certification des établissements de santé (V2010). 4- http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1267546/rapport-annuel-d-activite-2011 ; p. 33. 5- Créée en 1927, Sham est une société d’assurance mutuelle, spécialisée dans l’assurance des risques de l’ensemble des acteurs de la santé, du social, du médico-social. Premier assureur de responsabilité médicale en France, Sham s’engage à sécuriser l’activité de ses clients sociétaires en leur proposant les solutions nécessaires au pilotage pérenne et optimal de leurs risques. Dans le cadre de son activité « Conseil », Sham a développé une méthodologie de cartographie des risques spécialement adaptée aux 181 182 La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest établissements de santé et établissements médico-sociaux : Cartorisk®. 6- Haute Autorité de santé (HAS). Manuel de certification V2010. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_714928/ manuel-v2010-de-certification-des-etablissements-desante-version-juin-2009 7- Haute Autorité de santé (HAS). Journal de l’accréditation. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-12/jam15_2010_11.pdf Pour en savoir plus Pour en savoir plus • Pronost AM. Cartographie des risques de l’HAD. Le portail de la prévention, décembre 2009. http://prevention.sham.fr/sham/Prevention/Accueil/Risquesmedicaux/Vu-dans-les-etablissements/Cartographie-desrisques-de-l-HAD (Consulté le 12/09/2012). • Garcelon S. La cartographie des risques : par quoi commencer ? Le portail de la prévention, juillet 2010. http://prevention.sham.fr/sham/Risques-medicaux/ Actualite/Analyse-des-risques-a-priori-dans-les-etablissements-par-quoi-commencer (Consulté le 12/09/2012). • Le Rouzic-Dartois C. Cartographie des risques en chirurgie programmée au CHRU de Brest. Le portail de la prévention, juillet 2010. http://prevention.sham.fr/Prevention/ Accueil/Risques-medicaux/La-parole-a/Cartographie-des- risques-en-Chirurgie-programmee-au-CHRU-de-BREST (Consulté le 12/09/2012). • Clavairoly G. Quand un assureur accompagne un CHU dans la cartographie et la prévention de ses risques. Hospimedia, février 2011. • Aulagne MC. Établissement médico-social et sécurité médicamenteuse. 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