La cartographie des risques en établissement hospitalier

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dossier cartographie
La cartographie des risques
en établissement hospitalier :
retour d’expérience au centre hospitalier
régional universitaire de Brest
C. Maringue1, C. Le Rouzic-Dartoy2, S. Garcelon3
1-Directrice adjointe chargée de la qualitéet de la gestion des risques, CHRU, Brest
2-Chirurgien pédiatrique et responsable qualité des pôles Femme-mère-enfant et des blocs opératoires, CHRU, Brest
3-Responsable de l’activité conseil, pôle Services, Sham
iiSophie Garcelon – Pôle Services – Sham – 75, bd Haussmann – 75008 Paris – E.mail : [email protected]
Sham – 18, rue Edouard-Rochet – 69008 Lyon.
L
a sécurité des soins est plus que jamais au cœur
de toutes les préoccupations. Les établissements
de santé sont « incités » de plus en plus fortement
à identifier et prévenir les risques auxquels ils sont
confrontés. Schématiquement, on peut retenir trois
grandes catégories d’acteurs qui impulsent la tendance et font pression sur les établissements de santé :
••les autorités de tutelle au sens large : le législateur bien sûr et le ministère de la Santé à travers la loi
Hôpital-patient-santé-territoire et ses décrets d’application ; les agences régionales de la santé (ARS) qui
Résumé
Pour répondre aux démarches de gestion des risques a priori, recommandées par les tutelles et la Haute Autorité de santé, le centre hospitalier régional universitaire de Brest s’est engagé en 2010, avec la
méthodologie Cartorisk® et un accompagnement de la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham) dans l’élaboration de sa cartographie des risques. Parmi les quarante processus de l’établissement,
l’un des premiers à avoir fait l’objet d’une analyse de risques a priori
est celui de la chirurgie et plus précisément de la « prise en charge du
patient programmé ». L’implication des professionnels de terrain dans
l’identification des risques, de leur cotation par criticité (fréquence et
gravité), de l’évaluation des moyens de maîtrise des risques et surtout des actions d’amélioration à mettre en œuvre pour diminuer les
risques, est une des conditions essentielles pour que la cartographie
des risques élaborée ne reste pas passive. Les auteurs apportent dans
cet article l’approche des trois maillons nécessaires pour l’élaboration
d’une cartographie des risques active : Sham, avec la méthodologie
Cartorisk®, une direction engagée et des acteurs de terrain motivés.
Mots-clés : Sécurité des Soins – Cartographie des Risques –
Cartorisk® – Prise en Charge médicamenteuse.
contrôlent, enquêtent et suspendent parfois certaines
activités de soins lorsque la sécurité n’est pas assurée
dans un établissement ; les ARS encore qui, à travers
leur activité d’inspection, poussent les établissements
à structurer leur organisation autour de la sécurité des
soins, à analyser les risques auxquels ils sont confrontés et à évaluer ceux-ci pour, à terme, les éviter. Sujet
d’actualité s’il en est, la prise en charge médicamenteuse fait l’objet d’incitations fortes et impératives de
la part de la Direction générale de l’offre de soins, en
application de l’arrêté du 6 avril 2011 [1] et de la cir-
Abstract
Risk mapping in hospitals: feedback from Brest
regional teaching hospital
In 2010, Brest regional teaching hospital implemented the Cartorisk®
risk mapping methodology with guidance from the hospital mutual
insurance company, Sham* to comply with the a priori risk management system measures recommended by French health authorities.
Surgery was one of the first of the forty processes in the hospital to
be subject of a priori risk analysis, in particular the procedure for providing treatment for scheduled patients. The involvement of operations
professionals in identifying risks, assessing their criticality (frequency
and gravity), evaluating means of controlling risks and above all proposing actions to be implemented to reduce the risks is essential
to ensure that the risk map is applied effectively. In this article, the
authors apply the Cartorisk® three stage risk evaluation approach
developed by Sham, together with a dedicated management and
highly motivated operations personnel.
Keywords: Healthcare Safety – Risk Mapping – Cartorisk® –
Medication.
* SHAM is a mutual insurance company, created in 1927, which specializes in
risk insurance for all those in the healthcare and welfare sector. It is the leading
medical liability insurer in France and undertakes to cover its members by providing solutions for continuous, optimal risk control. As part of its consultancy
operations, SHAM has developed the Cartorisk® risk mapping methodology
especially for healthcare and welfare establishments.
Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3
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La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest
culaire du 14 février 2012 [2]. Les ARS ont démarré les
inspections sur le sujet et vérifient tant l’organisation
liée à la qualité de la prise en charge médicamenteuse
que les analyses de risques a priori qui devront être
achevées le 16 octobre 2012.
••la Haute Autorité de santé (HAS) : les récentes
communications de la HAS confirment, s’il le fallait,
que la sécurité des soins est au cœur du dispositif
de certification et d’accréditation. Dans la décision
d’adoption de la procédure V2010 [3], la HAS rappelle
que la certification concerne la qualité et la sécurité
des soins au sein des établissements de santé. « La
procédure consiste en une appréciation globale et
indépendante des conditions de prise en charge des
patients afin de favoriser une amélioration continue
de celles-ci ». Confirmant cette approche, le rapport
annuel 2011 paru le 6 juillet 2012 présente les orientations stratégiques futures de la démarche de certification : à partir de 2014, « les méthodes de visite
(de certification) seront révisées, avec notamment une
personnalisation en fonction des risques spécifiques
des établissements, et l’introduction de la méthode
du "patient traceur" qui permettra d’évaluer, avec les
équipes, la qualité concrète des prises en charge » [4].
Ainsi, les établissements de santé devront être prêts à
présenter un état des lieux précis des risques auxquels
ils sont confrontés, ainsi qu’un plan d’actions d’amélioration de la maîtrise de ces risques.
•les assureurs et notamment la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham) [5] qui, par le
biais de ses visites de risques et de ses recommandations, propose à ses sociétaires un niveau de cotisation personnalisé selon le profil de risques de l’établissement. Il s’agit d’une incitation financière aux
démarches de prévention des risques.
Autant d’acteurs et de méthodes « incitatives »
qui font que les établissements de santé n’ont plus
d’autre choix que de s’organiser pour identifier de
façon objective les risques auxquels ils sont confrontés et prioriser les actions d’amélioration à mettre en
œuvre. La démarche nécessite une action sur deux
axes : un axe rétrospectif, conduisant à un constat a
posteriori des événements qui témoignent de l’existence du risque ; un axe prospectif, permettant d’identifier a priori les risques auxquels l’établissement est
confronté, au regard de son activité et du fonctionnement global de celle-ci. Cette démarche d’analyse
a priori est plus communément appelée « cartographie des risques ».
L’objectif de ce travail est d’aboutir à une représentation visuelle, claire, simple, de l’ensemble des risques
auxquels est confrontée une organisation. Il s’agit
ensuite de structurer un plan d’actions prioritaires
de façon très concrète. Enclencher une démarche de
cartographie des risques donne l’opportunité à un
établissement de santé de mener une réflexion sur
l’ensemble de son activité. C’est l’occasion d’identi-
fier et d’évaluer les risques de façon harmonisée et
objective, de définir et prioriser les actions à mener
pour prévenir ces risques. Plus largement, c’est donner de la cohérence à l’ensemble des actions d’amélioration menées ou prévues, qu’elles résultent d’une
procédure de certification, d’un audit qualité, ou de
toute autre obligation réglementaire, en travaillant
à la prévention des risques. Action de grande envergure, la démarche d’évaluation des risques « a priori »
nécessite de la méthode, du temps, et un accompagnement des équipes concernées…
La cartographie des risques au centre
hospitalier régional universitaire de Brest
Un objectif ambitieux
Dès 2010, le centre hospitalier régional universitaire
(CHRU) de Brest a souhaité engager un projet de
grande ampleur, afin d’anticiper sur les exigences de
la réglementation ou de la certification, mais aussi afin
de fédérer des équipes pluriprofessionnelles dans le
cadre d’une démarche commune d’analyse de risques
et d’amélioration de la sécurité des soins. La direction qualité de l’établissement est partie du principe
qu’un travail sur la gestion des risques concernait bien
entendu toutes les activités menées au plus près du
patient, mais aussi d’autres secteurs d’activité sans
lesquels les soins ne peuvent être correctement réalisés. Ainsi, si l’on ne se préoccupe pas des risques liés
aux recrutements, à la gestion du linge ou à la maintenance du matériel biomédical, on passe à côté de
risques qui peuvent s’avérer majeurs pour les patients.
La direction de la qualité a procédé à un appel d’offres
tendant à solliciter un prestataire extérieur pour l’aider
à réaliser ce projet.
Les principes de l’accompagnement souhaité
par l’établissement
Les attentes du CHRU de Brest tenaient en trois
points :
••Une organisation permettant la mise en œuvre
d’une cartographie au niveau de l’ensemble de l’établissement : il fallait ainsi commencer par définir le
périmètre du projet mais aussi structurer la composition des équipes et la planification des sessions de
travail.
••Une méthode et un outil d’analyse de risques a
priori : les critères de choix résidaient dans l’adaptation de la méthode aux établissements de santé et,
plus précisément à l’ensemble des processus d’un
établissement hospitalier (qu’ils soient cliniques,
médicotechniques ou administratifs et logistiques) ;
par ailleurs, l’établissement souhaitait trouver une
méthode à la fois précise et structurante, mais également simple et abordable par l’ensemble des professionnels, qu’ils soient médecins, soignants, cadres
ou administratifs.
Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3
La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest
••Une aide à la mise en œuvre de la méthode sur
l’ensemble des processus et dans son déploiement : il
était donc nécessaire d’envisager une organisation sur
plusieurs mois, à l’échelle de l’établissement.
La démarche retenue
C’est Sham qui, à travers sa méthodologie Cartorisk®, a été retenue. Plutôt qu’une approche par
« grands risques », qui présente l’avantage de la rapidité de l’analyse mais qui reste très macroscopique,
Sham privilégie une approche par « processus »,
s’appuyant sur une description préalable de l’activité
de l’établissement. Le travail d’étude de chaque processus s’effectue en collaboration avec les équipes
opérationnelles de l’établissement et permet, par une
réflexion logique, l’identification des risques afférents
à chaque étape du processus. Une description des
moyens de maîtrise existants permet ensuite de valoriser les mesures préventives déjà mises en place et
de favoriser l’adhésion des équipes. Une évaluation
de l’ensemble, selon des échelles objectives, permet
enfin d’obtenir une vision immédiate des axes les plus
sensibles. Les équipes de l’établissement, avec l’aide
des consultants, soumettent alors des préconisations
visant à sécuriser davantage le processus étudié. Des
préconisations résultent les plans d’actions. Dans une
perspective de dynamique et de résultats, l’ensemble
de ces étapes ne doit pas dépasser huit à dix semaines
par processus. Plusieurs processus peuvent être analysés en parallèle.
La méthodologie proposée a été mise au point avec
la participation active des équipes gestion des risques
du centre hospitalier universitaire (CHU) de ClermontFerrand, du centre hospitalier (CH) de Chalon-surSaône et de la clinique Pasteur à Toulouse. Elle est
déployée aujourd’hui auprès de plus de cinquante
établissements de santé et établissements médicosociaux.
L’organisation et la mise en œuvre
du projet
La structuration du projet a été organisée : planning
et contenu des réunions, périmètre du projet global,
phasage des travaux… autant d’aspects organisationnels qui doivent être prévus en amont. La toute
première étape du projet a consisté dans le recense-
ment des activités, dans la définition des processus
de l’établissement. Quarante processus ont été identifiés et classés selon trois catégories : les processus de
management, de réalisation et de support (Figure 1).
Il s’agissait également de proposer des actions de
communication et d’information envers les équipes
médicales et soignantes nécessaires à la réalisation
d’une cartographie des risques et à son appropriation
comme outil de gestion globale des risques. Par ailleurs, il convenait d’aboutir à l’adhésion des équipes
autour de la conduite de ce projet.
Le CHRU de Brest a souhaité lancer plusieurs
« vagues » d’analyse successives. Ce fonctionnement
a permis d’analyser plusieurs processus en parallèle et
de former un nombre conséquent de professionnels.
Entre février 2010 et juin 2012, six vagues d’analyse
ont été menées ; vingt-cinq processus ont été cartographiés. Les processus dits les plus à risque ont été
analysés lors des premières vagues. Ce fonctionnement reposait sur un cadencement précis des rencontres, de manière à finaliser les cartographies des
risques d’une même « vague » dans des délais suffisamment longs pour mener une analyse approfondie, et suffisamment courts pour éviter l’enlisement.
Les quatre premiers processus analysés, dans le cadre
de la première « vague » concernaient :
- la prise en charge en chirurgie programmée,
- la biologie médicale,
- l’hygiène des locaux des services de soins,
-l’imagerie.
Ont été ensuite analysés des processus tels que :
- la prise en charge en obstétrique,
- la prise en charge en psychiatrie,
- la prise en charge aux urgences,
-la prise en charge en unités de soins de longue
durée, et en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Mais aussi :
- la restauration collective,
- la gestion du courrier,
- la gestion du linge,
- la sécurité des biens et des personnes,
- la gestion des déchets,
-…
Pour chaque « vague » d’analyse, la constitution de
groupes pluridisciplinaires par processus est néces-
Figure 1 - Identification et classification des 40 processus de management, de réalisation et de support.
Processus de management
Prise en charge du patient
Plateau médicotechnique
Processus de réalisation
Processus supports
Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3
Management de la qualité
et communication
Politique et stratégie
Ressources
humaines
Système
d’information
Finances
Économat et
logistique
Travaux et
maintenance
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La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest
saire. À des fins pédagogiques, la direction de la qualité du CHRU a même intégré à certains groupes des
professionnels étrangers à l’activité, des « Candides ».
Cette stratégie avait un double objectif : déployer largement la méthodologie d’analyse de risques et bénéficier d’un regard neuf sur une prise en charge ou tout
autre processus.
Sur chaque processus étudié, quatre étapes-clés sont
franchies comme indiqué dans la figure 2. Chacune
de ces étapes nécessitait bien sûr un travail au sein
du groupe, mais les sessions étaient cadrées par
des objectifs de délais, communs à l’ensemble des
groupes, objectifs qui ont systématiquement été
atteints. À l’issue du travail d’analyse, des séances
de restitution communes et partagées étaient organisées. Là encore, l’objectif était double : maintenir la
dynamique d’ensemble sans laisser « filer » le temps
et permettre l’acquisition d’un langage commun et le
partage des points de vue.
La séance de restitution permet par ailleurs de formaliser et de partager les plans d’actions concrets,
réalisables et planifiés qui sont l’essence même d’une
cartographie des risques réussie. En effet, sans plan
d’actions, la cartographie des risques n’a pas de sens.
Sur tel et tel risque précisément défini et évalué, il faut
savoir qui fait quoi, et pour quand. Bien entendu, un
suivi du plan d’actions est indispensable. Certaines
actions relèvent d’un plan d’actions transversal,
d’autres sont à déployer au sein des unités.
En 2012, le CHRU de Brest a choisi d’inclure dans
les annexes qualité de chaque contrat de pôles, des
Figure 2 - Sur chaque processus étudié, les quatre étapes-clés
sont franchies.
4- Plans d'action.
Tableaux de bord
3- Évaluation des moyens
de maîtrise Risques nets
1- Analyse
du processus
2- Identification
et évaluation
des risques bruts
actions issues de la cartographie des risques des processus, de façon à accroître les capacités collectives
de mise en place des plans d’actions, favorisant ainsi
l’appropriation de l’outil.
Un exemple d’analyse sur un processus :
la prise en charge en chirurgie
programmée
Témoignage du Dr Catherine Le Rouzic Dartoy
La cartographie des risques du processus de prise en
charge en chirurgie programmée est un des premiers
processus étudiés au CHRU de Brest. Après une formation de trois jours à la mi-février 2010, un accompagnement bimensuel du groupe de travail a eu lieu
pendant deux mois (jusque fin avril 2010). Des réunions régulières se sont poursuivies afin de mener à
bien différentes actions définies lors de l’établissement de la cartographie, après la séance de restitution
en mai 2010. À ce jour, de nombreuses actions ont
été mises en œuvre, et la cartographie des risques va
être réévaluée.
Constitution d’un groupe restreint
Cinq professionnels de santé ont formé le groupe de
travail : un cadre infirmier aide anesthésiste, un cadre
infirmier de bloc opératoire diplômé d’État, un médecin spécialisé dans l’hémovigilance (rôle de candide),
un directeur de soins chargé du bloc opératoire et un
chirurgien. Les différentes catégories professionnelles
étaient représentées ce qui a permis d’apporter des
éclairages précis et variés. Ces professionnels de terrain connaissent parfaitement les différents rouages
et risques. Le nombre restreint de participants permet d’avancer rapidement et efficacement. Malgré
cette connaissance pratique, le travail d’exhaustivité,
de synthèse puis de réflexion, nécessaire à l’établissement des recommandations et d’actions précises,
est chronophage ; il permet cependant d’avoir une
vision globale des risques. À la grande différence de
l’analyse des événements indésirables, il s’agit d’une
gestion de risques a priori et non a posteriori.
Analyse du processus, identification
et évaluation des risques au regard
des moyens de maîtrise en place
Le choix s’est porté en premier lieu sur l’analyse dans
le macroprocessus chirurgie de « l’intervention du
patient chirurgical programmée ». Huit processus élémentaires (PE) ou sous-processus ont été définis de
façon chronologique, de l’admission du patient dans
le service d’hospitalisation, à sa sortie :
••PE1 : accueil du patient dans le service d’hospitalisation programmée,
••PE2 : transfert du patient du service au bloc opératoire,
••PE3 : ouverture de la salle interventionnelle et
accueil du patient au bloc opératoire,
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La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest
••PE4 : intervention,
••PE5 : transfert du patient de la salle interventionnelle à la salle de soins post-interventionnelle (SSPI)
et remise en condition de la salle,
••PE6 : SSPI,
••PE7 : transfert du patient de la SSPI dans le service
d’hospitalisation,
••PE8 : accueil du patient dans le service d’hospitalisation.
Pour chaque processus élémentaire, ont été définis :
- les grandes étapes du PE,
- les acteurs,
- les entrées et sorties du PE,
- la finalité puis la description du PE,
- les facteurs de réussite,
- les indicateurs de réussite,
- les liens avec les autres processus.
Il est essentiel d’être le plus exhaustif possible à
chaque étape (d’où la nécessité de la multidisciplinarité du groupe) afin de recenser les nombreux facteurs de réussite, c’est-à-dire les critères nécessaires
au bon fonctionnement puis, a contrario, d’établir les
risques bruts, au nombre de trente-huit dans l’étude.
Ils ont été regroupés en risques chapeaux lorsqu’ils
étaient retrouvés dans au moins deux processus élémentaires. Au final, la cartographie a comporté vingtquatre risques chapeau ; les quatorze autres étant des
risques spécifiques à un processus élémentaire.
Afin de mettre en évidence les risques jugés non
acceptables (criticité > 8), ceux-ci ont été côtés par
leur gravité (de 1 à 4) et leur occurrence (1 à 4). La
criticité étant le produit des deux, elle varie donc de 1
à 16. Cette étape est probablement la plus difficile car
il faut faire abstraction des moyens de maîtrise pour
obtenir une cotation brute fiable (Tableau I).
Puis les moyens de maîtrise mis en place sont recensés
et analysés selon quatre paramètres prédéfinis (Pertinence, fiabilité de réalisation, supervision, traçabilité).
Chaque paramètre est côté de 0 à 1 (Tableau II) et la
somme de la cotation permet d’impacter le risque
brut. Une cotation supérieure à 2,5 est nécessaire
pour avoir un risque net résiduel minoré.
Ainsi, sur les vingt-quatre risques à criticité forte ou
majeure (63 %), seuls douze sont restés après analyse des dispositifs de maîtrise (32 %) (Figure 3). Bon
nombre des moyens de maîtrise mis en place sont
donc efficaces. Nous avons travaillé sur ces risques restants et en particulier sur les trois à criticité majeure :
« non-mise à disposition des numéros d’urgence »,
Tableau I - Diagramme de Farmer.
Gravité
Majeure1
Importante2
Modérée3
Mineure4
4
3
2
1
1
Très
improbable
8
6
4
2
12
9
6
3
16
12
8
4
2
Improbable
3
Probable
4
Très
probable
Probabilité
Figures 3 - Risques bruts et risques nets.
Forte
13
Modérée
14
34 %
37 %
Majeure
11
29 %
Faible
0
Répartition des risques bruts
par niveau de criticité
Modérée
18
Forte
9
47 %
Faible
21 %
8
24 %
8%
Majeure
3
Répartition des risques nets
par niveau de criticité
« non-déclaration des événements indésirables » et
« non-remplissage, diffusion ou récupération de la
feuille de programmation ». Une autre représentation possible est celle du radar de maîtrise des risques
(Figure 4).
Plan d’actions
En ce qui concerne le premier risque (non-mise à disposition des numéros urgents), nous avons établi des
listes actualisées des numéros urgents essentiels pour
chacun des sites de l’établissement. Ces listes ont été
imprimées, plastifiées et affichées à côté de chacun
Tableau II - Cotation des moyens de maîtrise.
Pertinence
Fiabilité de réalisation
Supervision
Tracabilité
Oui (1)
Partiellement (0,5)
Non (0)
Oui (1)
Partiellement (0,5)
Non (0)
Oui (1)
Partiellement (0,5)
Non (0)
Oui (1)
Partiellement (0,5)
Non (0)
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La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest
Figure 4 - Radar de risques.
des téléphones des blocs opératoires. Par ailleurs,
la direction des affaires médicales a mis en ligne en
janvier 2011, une liste de gardes médicales (junior et
senior) actualisée toutes les trente minutes.
Pour le risque de « non-déclaration des événements
indésirables (EI) », la cartographie des risques a permis d’initier la culture de gestion des risques par la
création d’un groupe qualité au sein du pôle bloc
(chirurgien et infirmière de bloc opératoire) et du
pôle d’anesthésie (médecin anesthésiste réanimateur
et infirmière anesthésiste). De plus, cette démarche
qualité, gestion des risques et sécurité a été clairement spécifiée dans la charte de bloc. Cette volonté
commune d’avancer, ensemble, pour l’amélioration
de la prise en charge des patients a permis la mise en
place d’une analyse conjointe des EI déclarés au bloc
Légendes
R1 Risque d'indisponibilité des ressources humaines
R2 Risque d'indisponibilité des moyens ou mauvaise utilisation
R3 Risque de non-qualification ou compétence des personnels
R4 Risque de mauvaise communication entre les différents acteurs
Risque de non-respect de la réglementation ou des recommandations de bonne pratique inclus procédures ou protocoles institutionnels ou
R5
de l'unité
R6 Risque infectieux
R7 Risque de non-signalement des événements indésirables
R8 Risque d'erreur d'identité
Risque de traçabilité insuffisante ou inexistante (prescriptions, feuilles anesthésie, consignes postopératoires, feuille de surveillance, médicaR9
ments administrés…)
R10 Risque de dossier incomplet, absent (cohérence patient/dossier)
R11 Risque de non-prise en charge de la douleur (évaluation et PEC)
R12 Risque de méconnaissance ou mauvais usage des données informatiques PMSI, GHM…
R13 Risque de médicaments indisponibles
R14 Risque de non-détection d'une situation d'urgence ou retard de prise en charge
R15 Risque de non-mise à disposition des numéros d'appel d'urgence
R16 Risque de mauvaise gestion des stocks de consommable
R17 Risque d'erreur d'administration (dilution ou voie d'administration)
R18 Risque lié à la formation des étudiants
R19 Risque de non-prise en compte de la santé physique et psychique des équipes
R20 Risque de mauvaise communication entre patient et soignants
R21 Risque lié à la mobilisation du patient (mobilisation inappropriée, chute, installation….)
R22 Risque de non-prise en charge de l'équilibre thermique
R23 Risque professionnel (accident de travail, accident de trajet, traumatisme, AES…)
R24 Risque d'incidents techniques (incendie, chute de matériel, eau, électricité, gaz médicaux, thermiques…)
R25 Risque de non-mise à jour des mouvements
R26 Risque d'erreur dans la planification journalière (durée intervention, allergie…)
R27 Risque de non-respect de la procédure d'appel
R28 Risque de non-application de la procédure de brancardage
R29 Risque de non-remplissage, diffusion ou récupération de la feuille de programmation
R30 Risque de fiche intervention non faite ou non mise à jour
R31 Risque de non-vérification de présence et conformité du matériel demandé (stérile et état de fonctionnement)
R32 Risque de non-disponibilité de matériel ou équipement supplémentaire
R33 Risque de non-récupération des résultats des prélèvements bactériologiques et suivi
R34 Risque de non-disponibilité de matériel ou équipement supplémentaire
R35 Risque physique (rayons X et laser)
R36 Risque de non-connaissance des modalités de conservation, d'acheminement et de récupération des prélèvements
R37 Risque de poste indisponible
R38 Risque d'erreur de retranscription
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La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest
(anesthésie et chirurgie), d’actions à mettre en œuvre
et de politique de retour aux équipes. Parallèlement
à cela, le CHRU a paramétré un logiciel de déclaration des EI couplé à intranet, avec envoi des fiches
automatiquement aux personnes ressources suivant
le type de déclarations, tout en travaillant sur une
analyse institutionnelle des événements transversaux.
Concernant le risque de « non-remplissage, diffusion ou récupération de la feuille de programmation », l’établissement a informatisé la programmation opératoire après avoir effectué au préalable des
tests pilotes en urologie et en chirurgie infantile. Les
feuilles de programmation actualisées quotidiennement par les cadres des secteurs chirurgicaux sont
disponibles dans un dossier partage et accessibles
par tous.
D’autres actions ont été déployées, comme l’élaboration d’une « check-list dossier chirurgical ». Cette
feuille sert de lien continu entre le secteur d’hospitalisation et le bloc (recto), la check-list sécurité du
patient au bloc opératoire de l’HAS (propre au bloc),
puis entre le bloc et le secteur d’hospitalisation (verso).
Le but est d’avoir le bon patient et le bon dossier,
au bon endroit, au bon moment et dans de bonnes
conditions pour mener l’opération. Au-delà de ce qui
est, ou devrait être une évidence, cette check-list doit
limiter les problèmes d’identitovigilance, d’infection
du site opératoire, de traçabilité insuffisante, de communication entre les acteurs et cela tout en suivant
les recommandations de bonnes pratiques. Elle a été
testée durant l’été 2010 dans les dix secteurs chirurgicaux puis étendue à l’ensemble des services chirurgicaux. Cela devrait permettre une standardisation
des pratiques et de la tenue du dossier chirurgical,
qui correspond là encore à une des pratiques exigibles
prioritaires de la certification V2010 (critère 14.a) [6] :
un dossier patient avec un compte rendu de consultation précisant l’indication opératoire et le côté au
besoin, l’information donnée au patient et les documents éventuellement remis (fiche patient des sociétés savantes, par exemple), un dossier d’anesthésie
avec une visite pré-anesthésique, des autorisations
d’anesthésie et d’intervention, les coordonnées des
personnes ressources…
La cartographie des risques nous a fait pointer des
réticences :
••des équipes médicales à la participation de la checklist sécurité du patient au bloc opératoire de la HAS
(critère 26.a),
••des équipes médicales et paramédicales à la mise
en œuvre de RMM (revue de mortalité-morbidité)
pourtant obligatoires dans les secteurs de spécialités
à risques comme la chirurgie (critère 28.a).
Une enquête a été lancée auprès des chirurgiens et
anesthésistes (seniors et juniors) selon le principe de
l’enquête HAS réalisée auprès des médecins engagés
dans la démarche d’accréditation [7] afin de les inciter
Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3
à participer activement et donc de s’approprier l’outil.
Aujourd’hui les RMM sont quasiment implantées dans
tous les secteurs où elles sont obligatoires ainsi que
dans de nombreux autres services.
Conclusion
Chaque établissement est amené à choisir, en fonction de sa propre situation, le « point de départ »
de sa cartographie des risques. Indéniablement, cette
décision créera une dynamique au sein des équipes
opérationnelles ainsi que des attentes.
La cartographie des risques peut être un travail fastidieux et chronophage si elle se veut être la plus
exhaustive possible. Elle paraît cependant indispensable pour mettre en exergue les points positifs et
les points critiques sur lesquels il est important de
travailler. Il faut donc la limiter et la cadencer dans le
temps. En dégageant les actions prioritaires à mener,
elle révèle que certaines peuvent être simples. Il est
alors satisfaisant de voir un retour sur investissement rapide pour les équipes qui ont porté le projet.
D’autres actions sont de longue haleine, tendant à
modifier les cultures des équipes par exemple. Oser
l’analyse de l’événement indésirable ou du risque permet d’avancer dans la gestion des risques et la sécurité des patients pris en charge.
C’est au vu du bilan des actions menées que sera
jugée la pertinence du projet. Il est donc important
de ne pas se perdre dans l’outil de cartographie pour
en faire un véritable outil de travail. La cartographie
doit rester simple et efficace. Les imperfections et les
éventuels oublis peuvent toujours être repris lors des
réactualisations. Par ailleurs les organisations évoluent
très rapidement, dans le cadre par exemple des coopérations au sein des territoires de santé, les cartographies des risques devront suivre ces évolutions. Ces
cartographies n’ont donc pas fini de nous questionner
sur nos risques… [8]

Références
1- Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la
qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé ; JORF n° 0090
du 16 avril 2011, page 6687.
2- Circulaire n° DGOS/PF2/2012/72 du 14 février 2012
relative au management de la qualité de la prise en charge
médicamenteuse dans les établissements de santé.
3- Décision n° 2012.0030/DC/SCES du 22 mars 2012 portant adoption de la procédure de certification des établissements de santé (V2010).
4- http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1267546/rapport-annuel-d-activite-2011 ; p. 33.
5- Créée en 1927, Sham est une société d’assurance
mutuelle, spécialisée dans l’assurance des risques de l’ensemble des acteurs de la santé, du social, du médico-social.
Premier assureur de responsabilité médicale en France,
Sham s’engage à sécuriser l’activité de ses clients sociétaires en leur proposant les solutions nécessaires au pilotage pérenne et optimal de leurs risques. Dans le cadre de
son activité « Conseil », Sham a développé une méthodologie de cartographie des risques spécialement adaptée aux
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La cartographie des risques en établissement hospitalier : retour d’expérience au CHRU de Brest
établissements de santé et établissements médico-sociaux :
Cartorisk®.
6- Haute Autorité de santé (HAS). Manuel de certification
V2010. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_714928/
manuel-v2010-de-certification-des-etablissements-desante-version-juin-2009
7- Haute Autorité de santé (HAS). Journal de l’accréditation. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-12/jam15_2010_11.pdf
Pour en savoir plus
Pour en savoir plus
• Pronost AM. Cartographie des risques de l’HAD. Le portail de la prévention, décembre 2009.
http://prevention.sham.fr/sham/Prevention/Accueil/Risquesmedicaux/Vu-dans-les-etablissements/Cartographie-desrisques-de-l-HAD (Consulté le 12/09/2012).
• Garcelon S. La cartographie des risques : par quoi
commencer ? Le portail de la prévention, juillet 2010.
http://prevention.sham.fr/sham/Risques-medicaux/
Actualite/Analyse-des-risques-a-priori-dans-les-etablissements-par-quoi-commencer (Consulté le 12/09/2012).
• Le Rouzic-Dartois C. Cartographie des risques en chirurgie programmée au CHRU de Brest. Le portail de la prévention, juillet 2010. http://prevention.sham.fr/Prevention/
Accueil/Risques-medicaux/La-parole-a/Cartographie-des-
risques-en-Chirurgie-programmee-au-CHRU-de-BREST
(Consulté le 12/09/2012).
• Clavairoly G. Quand un assureur accompagne un CHU
dans la cartographie et la prévention de ses risques. Hospimedia, février 2011.
• Aulagne MC. Établissement médico-social et sécurité
médicamenteuse. Le Portail de la prévention, mars 2011.
http://prevention.sham.fr/Prevention/Accueil/Risques-medicaux/La-parole-a/Etablissement-Medico-Social-et-securitemedicamenteuse (Consulté le 12/09/2012).
• Le Rouzic-Dartois C. La cartographie des risques en
chirurgie. Interbloc, Avril-Juin 2011.
• Dogue Michel LJ, Hardy C, Picard C, Huret N. Cartographie des risques : la prise en charge médicamenteuse –
Retour d’expérience. Journal de l’Association des directeurs
d’hôpital ; n° 38, avril 2012.
• Le Roux P. Cartographie des risques : le réseau CRIQUE
Santé - Retours sur une démarche menée en parallèle
auprès de 14 établissements de santé. Le Portail de la
prévention, août 2012. http://prevention.sham.fr/sham/
Prevention/Accueil/Risques-medicaux/La-parole-a/Cartographie-des-risques-le-reseau-CRIQUE-Sante (Consulté le
12/09/2012).
Conflit potentiel d’intérêts : aucun
Risques & Qualité • 2012 - Volume IX - N° 3
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