18 2 S'INSPIRER laBosud oc Biologie de montpellier LA BIOPATHOLOGIE, AVANT-GARDE DU DIAGNOSTIC MOLÉCULAIRE Pour accompagner l’essor du diagnostic moléculaire oncologique, de nouvelles unités d’analyse se sont construites au cours des dix dernières années. Elles associent anatomopathologistes, cytogénéticiens et biologistes moléculaires. Visite d’une unité de biopathologie au laboratoire LaboSud OC Biologie de Montpellier. I CARTE D’IDENTITÉ l 56 laboratoires l 12 pôles d’excellence dont Imagénome l Une plateforme de biologie moléculaire à haut-débit O n peut résumer la biopathologie à l’alliance de l’anatomopathologie et de la biologie médicale, pour répondre aux besoins de diagnostics induits par le développement des premières thérapies ciblées. l’expertise anatomopathologique reste essentielle, elle s’enrichit de la cytogénétique et de la biologie moléculaire pour compléter le diagnostic. une tumeur nécessite aujourd’hui d’être étudiée sur tous les plans, depuis sa morphologie jusqu’à son fonctionnement et son architecture moléculaire. « les premières unités de biopathologie sont apparues en 2006 sous l’impulsion de l’inca afin d’améliorer le diagnostic moléculaire des tumeurs », raconte pierre-Jean lamy, biologiste moléculaire au labosud de montpellier, le premier groupe libéral a avoir créé une telle unité. cette activité y rassemble deux anatomopathologistes, deux cytogénéticiens, un biologiste moléculaire et des techniciens, travaillant ensemble afin de poser le diagnostic et accompagner l’oncologue dans l’interprétation thérapeutique des résultats. gique. en parallèle de celles nécessaires à son analyse, le pathologiste met à disposition de ses collègues des lames colorées où il a entouré les zones riches en cellules tumorales. ces lames aident les biologistes à prélever, sur des lames blanches en miroir, un échantillon de qualité pour réaliser les tests moléculaires. en effet, ces analyses doivent être réalisées sur un échantillon contenant au minimum 50 % de cellules tumorales, leur sensibilité étant parfois faible, proche de 20 % pour le séquençage sanger par exemple. l’adn est ensuite extrait et analysé par différentes techniques comme la pcr allèle spécifique, le séquençage (sanger ou dit de nouvelle génération pour l’étude de l’exome ou du génome entier), la spectrométrie de masse et aussi l’hybridation in situ pour la recherche des anomalies chromosomiques. À partir de ces marqueurs, les biologistes, les anatomopathologistes et les cliniciens disposent d’éléments prédictifs de la réponse thérapeutique et peuvent ainsi personnaliser les traitements. UNE DÉMARCHE DE COOPÉRATION DE PLUS EN PLUS DE TESTS pour atteindre cet objectif, les diagnosticiens collaborent autour de la pièce anatomopathologique. elle y est reçue par l’anatomopathologiste, qui, après avoir identifié la zone tumorale d’intérêt, effectue des prélèvements ciblés sur la tumeur pour une fixation en paraffine. des coupes sur lames issues des blocs fixés sont colorées en hématéine éosine afin de permettre le diagnostic anatomopatholo- depuis la découverte de l’amplification d’her 2 ou de l’anomalie chromosomique Bcr-aBl dans les leucémies myéloïdes chroniques, le nombre d’altérations moléculaires traitables par des thérapies ciblées a considérablement augmenté ces dernières années. il existe aujourd’hui des thérapies visant des altérations des gènes Kras, Braf, alK, meK, ros… L’ESSENTIEL l La biopathologie associe l’anatomopathologie, la biologie moléculaire et la cytogénétique pour répondre aux besoins de diagnostics induits par le développement des thérapies ciblées. l Avec cette triple compétence, les médecins disposent de marqueurs prédictifs de la réponse thérapeutique et peuvent ainsi personnaliser les traitements. l La biopathologie se place en avant-garde pour développer et accélérer la mise sur le marché de nouveaux tests, en collaboration avec l’industrie et les sociétés de diagnostic. juin 2016 • n° 96 explore 19 imagénome, investir dans l’avenir © FLAMOTTE C LaboSud a créé, en 2015, l’Institut médical d’analyse génomique ou Imagénome, à Montpellier. Cette plateforme de biologie moléculaire à haut-débit dispose des dernières générations d’outils pour l’extraction, l’amplification et l’analyse des acides nucléiques, telle que la spectrométrie de masse ou le séquençage nouvelle génération. De quoi accompagner le développement de la biopathologie, mais aussi de la génétique prénatale avec notamment le DPNI. Coupes de blocs de tissus en paraffine : une des premières étapes de toute analyse de pathologie moléculaire. SIMPLIFIER LA TRAÇABILITÉ DE L’ÉCHANTILLON cette étroite collaboration entre pathologistes assure également la concentration, dans un lieu unique, des pièces anatomopathologiques et des échantillons qui y sont prélevés. « le dialogue entre anatomopathologiste et biolo explore n° 96 • juin 2016 giste moléculaire est permanent. les techniques de pathologie moléculaire morphologique sont indissociables de la génétique proprement dite. réunir la triple compétence ‒ anatomopathologie, cytogénétique et biologie moléculaire ‒ sur une même plateforme est un atout indéniable pour assurer un diagnostic rapide et de qualité », remarque pierre-Jean lamy. toutes les pièces anatomopathologiques sont précieuses. certaines, comme les biopsies de cancers de poumon, sont, en plus, de petite taille et nécessitent des analyses très rationalisées. là encore, l’approche concertée de la biopathologie peut constituer une solution. la biopathologie n’a pas vocation à remplacer les pratiques libérales de la biologie et de l’anatomopathologie. elle s’inscrit en avant-garde, réunissant les expertises pour assurer l’accès des patients aux tests diagnostics les plus récents, leur transition vers la standardisation et leur disl ponibilité sur l’ensemble du territoire. b © FLAMOTTE « or, selon qu’elle se développe dans tel ou tel tissu, une même anomalie peut entraîner un comportement cellulaire complètement différent », explique pierre-Jean lamy. « par exemple, on obtient en clinique de bons résultats en ciblant Braf dans le mélanome. en revanche, le bénéfice du même traitement est presque nul pour les cancers colorectaux portant la mutation. » ainsi, l’oncologie moléculaire n’a pas détruit la classification anatomopathologique qui pose le diagnostic. « petit à petit, on détaille la classification des cancers en sous-populations, certaines ne concernant qu’1 % des malades, de véritables pathologies orphelines. » en réponse à cet affinement des sous-types tumoraux, quelques nouveaux tests de diagnostic moléculaire sont développés chaque année. les médecins des unités de biopathologie doivent donc réaliser un travail de bibliographie continu et poussé pour maintenir leur expertise. « non seulement, nous réalisons le test et l’interprétons, mais nous apportons un conseil thérapeutique afin de trouver de façon pluridisciplinaire la meilleure option thérapeutique pour le patient. » en plein développement exponentiel du diagnostic moléculaire, de nombreux tests sont conçus par les unités de biopathologie elles-mêmes, avant que des tests commerciaux ne soient mis sur le marché. « nous collaborons beaucoup entre labos, à travers le groupe francophone de cytogénomique oncologique notamment. nous travaillons également avec l’industrie et les sociétés de diagnostics pour accélérer l’industrialisation des tests. de plus en plus de cancers ont besoin de diagnostic moléculaire. on espère que cette discipline entrera progressivement dans la routine. c’est aussi le rôle des grands groupes de biologie spécialisée de faciliter l’accès au testing », analyse pierre-Jean lamy. PIERRE-JEAN LAMY, biologiste moléculaire au LaboSud de Montpellier « Non seulement, nous réalisons le test et l’interprétons, mais nous apportons un conseil thérapeutique afin de trouver de façon pluridisciplinaire la meilleure option thérapeutique pour le patient »