ORIENTATION PSYCHOLOGIE SOCIALE Liste de recherches (2014-2015) 1. Rôle de la comparaison sociale dans l’effet ascenseur La présence d’immigrés dans le milieu éducatif pose-t-elle problème à l’apprentissage des étudiants natifs (« tirer nos étudiants vers le bas » ?). Les études montrent que non : la présence ou la mention d’un autre groupe négativement stéréotypé peut améliorer leur performance. C’est ce qu’on appelle l’effet ascenseur dans la littérature de la menace du stéréotype. L’objectif de cette recherche est de comprendre pourquoi un stéréotype négatif sur l’autre groupe améliorerait les performances des étudiants natifs. 2. Quand une menace de mes compétences me conduit à plus de sévérité envers les autres Afin de publier un article scientifique, les auteurs doivent le proposer aux éditeurs de revue qui le soumettent à l’expertise d’autres chercheurs. Dans une même veine, l’évaluation par les pairs, notamment à l’université, suppose pour l’étudiant une évaluation formative de son travail par d’autres étudiants de la même volée. Ce projet soulève l’idée selon laquelle ce processus d’expertise ne serait pas seulement dirigé vers une sélection objective des bons articles ou une évaluation des seules qualités intrinsèques d’un travail, mais serait aussi l’occasion pour les individus d’afficher leur compétence. Les précédentes études, mettent en évidence un lien entre la sévérité de la décision de publication et des indices liés à la compétence propre, ceci lorsque les enjeux de compétence sont élevés et que leur compétence est menacée. Les études en cours s’attachent à démontrer que cet effet n’apparaît que lorsque l’auteur et l’évaluateur sont tous deux de haute compétence et non dans les relations asymétriques. Les études suivantes devront suivre un paradigme permettant d’investiguer le rôle joué par l’éditeur dans ce processus. En effet, on peut supposer que l’effet observé jusqu’à présent n’apparaitrait que lorsque l’expert a conscience d’une possible évaluation de son travail de relecture de la part de l’éditeur et non lorsque celui-ci est absent du processus. 3. La lutte pour la compétence : quand la réussite d’un pair nous incite à l’entraver Être compétent est quelque chose d’important pour tout individu. Par conséquent, se percevoir comme non compétent peut devenir menaçant pour le soi. Le processus de sélection implique que pour réussir (et donc être perçu compétent), nous devons non seulement être excellents, mais surtout être meilleurs que les autres. Par conséquent, le fait qu’autrui soit également compétent peut représenter une menace pour notre propre compétence. Pour se protéger de cette menace, il existe différentes stratégies qui permettent de maintenir une image de soi positive. La recherche proposée se centre sur une stratégie particulière consistant à entraver la réussite des autres. Plus précisément, les études examineront les mécanismes d’explication causale permettant de s’attribuer la réussite à soi alors que l’on est responsable de l’échec d’autrui. 4. La lutte pour la compétence: Les enjeux identitaires dans les hiérarchies sociales La compétence est une dimension de hiérarchisation sociale des personnes qui, en distinguant ceux qui sont compétents de ceux qui ne le sont pas, assigne des valorisations sociales à des personnes. Dans ce cadre, les rapports entre pairs compétents s’avèrent être très conflictuels, les personnes placées en haut de la hiérarchie se focalisant sur la défense de leur compétence face au pair, impliquant qu’ils ne se laissent pas influencer, qu’ils dénigrent le pair, allant jusqu’à l’entraver pour maintenir une estime de soi élevée. La recherche proposée vise à réexaminer ces fonctionnements interpersonnels en les plaçant dans des hiérarchies sociales comportant un groupe de haut statut et un groupe de bas statut. Dans ces contextes, les groupes sont hiérarchisés aussi bien les uns par rapport aux autres qu'en leur sein (en fonction de degrés individuels de compétences). Or des recherches récentes montrent que les groupes dominants sont davantage focalisés sur les comparaisons interpersonnelles dans leurs propres groupes, tandis que les groupes dominés se focalisent davantage sur leurs rapports au hors-groupe dominant. Il s’agira donc d’aller vérifier si les comportements typiques du rapport entre pairs compétents, avéré sur le plan interpersonnel, s’observent uniquement dans les groupes qui sont eux-mêmes dominants. 5. Attitudes ambivalentes. Qui exprime des attitudes ambivalentes et pourquoi ? Si les déterminants d’attitudes fortes par opposition à des attitudes faibles ou mitigées pour un objet donné ont été passablement étudiés, c’est moins le cas pour les attitudes dites ambivalentes. Une attitude ambivalente correspond à l’expression d’attitudes non pas strictement positives versus négatives envers un même objet, mais les deux à la fois en même temps. La recherche proposée visera à investiguer certaines des causes possible de l’apparition de telles attitudes chez les individus. 6. Quid de l'apprentissage coopératif dans un monde compétitif L’apprentissage coopératif permet aux élèves de réfléchir en groupes, et favorise l’acquisition de connaissances en faisant d’eux les acteurs de cet apprentissage. Bien que ses bénéfices pour les compétences scolaires et sociales soient avérés, peu d’enseignants proposent un apprentissage coopératif dans leur classe. Partant de ce constat, le but de cette recherche est de comprendre pourquoi cet outil pédagogique reste si marginal dans les salles de classes. Nous postulons que les difficultés rencontrées lors de la mise en place de l’apprentissage coopératif sont liées aux valeurs occidentales orientées vers la compétition et la sélection. Pour ce faire, le projet de recherche proposé vise à examiner les liens existant entre les valeurs auxquelles adhèrent les enseignants, leurs attitudes envers la coopération et la compétition ainsi que leurs pratiques pédagogiques. 7. Prise de risque : une manière de se distinguer ? La théorie de l’unicité suggère que les personnes ont un besoin de se sentir différentes et uniques. De nombreuses recherches ont montré que la perception d’une similarité excessive motive les individus à rétablir, à travers leurs choix, des niveaux modérés de distinction. En effet, menacer le sentiment d’unicité des individus diminuerait les comportements de conformisme et inciterait des actions distinctives. Entreprendre des actions risquées peut-il dans certaines circonstances fournir une voie à la distinction ? Le risque associé à un comportement pourrait-il avoir un effet sélectif, et par conséquent donner une visibilité à la personne en lui procurant un sentiment d’unicité ? Séparément, les concepts d’unicité et de prise de risque ont été l’objet d’une quantité considérable de recherches, néanmoins la littérature s’est rarement focalisée sur le lien potentiel entre ces deux concepts. Les étudiants qui travailleront sur ce projet examineront si la prise de risque peut avoir un objectif identitaire, et plus précisément si le risque peut satisfaire un besoin urgent d’unicité. La méthodologie employée sera de type expérimental, avec induction d’un sentiment d’unicité vs. de similarité, et mesure de la prise de risque en VD. 8. L’effet blouse blanche: son rôle dans les facteurs non-cognitifs du déclin mnésique L’effet blouse blanche désigne le fait d’observer des différences de performances à une même tâche réalisée dans différents contextes d‘évaluation. Par exemple, les personnes âgées ont de meilleures performances de mémoire à des tests lorsque ceux-ne sont pas présentés comme évaluant la mémoire. Dans le domaine du vieillissement, cet effet blouse blanche suggère que le déclin, admis comme intrinsèque et inéluctable dans la littérature et dans les représentations du vieillissement, serait amplifié voire totalement expliqué par des facteurs motivationnels réversibles (effet d’attente, engagement dans la tâche, effort, persistance, anxiété d’évaluation, etc.). Les étudiants qui travailleront sur ce thème aborderont la question générale de la relation entre motivation et performance, et réaliseront une recherche expérimentale visant à identifier les processus motivationnels médiateurs de l’effet blouse blanche dans les performances mnésiques des personnes âgées. 9. L'effet du niveau des buts environnementaux sur la tolérance au froid La sortie programmée du nucléaire en Suisse nécessite des économies d'énergie. Les stratégies proposées contiennent un volet comportemental dont, entre autre, une diminution de la température dans les habitations. Cette mesure devra cependant être promue auprès de la population via des messages de persuasion. Dans cette étude il s'agit de recréer en laboratoire une situation d'exposition à une température de 17° afin de disposer d'une mesure comportementale de la motivation à tolérer le froid. Sera notamment testé l'hypothèse du niveau des buts (Moussaoui et Desrichard, soumis) qui stipule que justifier un comportement par un niveau de but élevé (e.g. protéger la planète) produit un effet contre-productif de désengagement comportemental. La méthodologie sera de type expérimental avec comme VI principale le niveau du but et comme VD des indicateurs comportementaux (ex : durée de la tolérance, performance à des tâches pendant l'exposition au froid) et évaluatifs (ex : impact perçu du comportement, confort ressenti). Les résultats de l’étude fourniront des indications sur la manière la plus efficace d’encourager les gens à diminuer la température chez eux. 10. Etude psychosociale de l’efficacité des excuses officielles Lorsqu’un membre d’une organisation (une entreprise, un pays, une collectivité, etc.) commet une faute, son groupe d’appartenance dispose de plusieurs moyens pour faire face à l’opinion publique et à de potentielles poursuites. Parmi ceux-ci, le recours à la formulation d’excuses officielles est de plus en plus répandu (on peut citer en exemple les excuses du Pape pour le scandale de la pédophilie dans l’Eglise Catholique ; ou encore les récentes excuses de TEPCO, l’entreprise en charge de la gestion du site nucléaire de Fukushima). Cette recherche étudiera les mécanismes sous-jacents à l’effet des excuses officielles sur le désir de sanctionner un groupe pour les torts qui ont été commis. 11. Evolution du focus motivationnel lors des processus d’influence majoritaire et minoritaire Les changements sociaux sont une question de temps. Généralement, les idées novatrices sont amenées par une minorité sociale mais, avec le temps, elles s’imposent et se retrouvent supportées par la majorité (c’est le cas du féminisme, de l’écologie, etc.). Or on sait que les personnes réagissent différemment s’ils se trouvent en position (ou face à une source) majoritaire ou minoritaire (en nombre ou en pouvoir). L’objectif de cette recherche est d’étudier l’impact des motivations sous-jacentes au support social majoritaire ou minoritaire sur les attitudes et comportements pro-écologiques. 12. L’impact de l’hétérogénéité de l’identité nationale sur les relations intergroupes Les flux migratoires et la globalisation croissante changent la manière dont on se représente l’identité nationale. A l’instar des sociétés occidentales actuelles qui sont marquées par la diversité sociale, les identités nationales peuvent aussi être hétérogènes, ou le devenir de plus en plus. Par exemple, l’identité nationale de la Suisse est marquée par une certaine hétérogénéité de par l’existence d’un système fédéral très fort avec différents cantons, langues, religions et traditions. Quelles seraient les mécanismes à travers lesquels l’hétérogénéité d’un intragroupe aurait un impact (positif ou négatif) sur les relations intergroupes ? Cette recherche étudiera l’influence que l’hétérogénéité de l’identité nationale Suisse aurait sur l’attitude envers les immigrants. 13. L’effet de l’identité de genre sur les préjugés sexuels La recherche a montré des effets du genre sur les préjugés sexuels. Par exemple, les hommes hétérosexuels ont en général davantage de préjugés à l’égard des hommes gays (et en particulier envers les gays éfeminés) que les femmes hétérosexuelles envers les femmes lesbiennes. Cette recherche étudiera le rôle des normes et des stéréotypes de genre sur les préjugés sexuels. Une attention particulière sera prêtée aux processus défensives d’affirmation de l’identité de genre. 14. Enjeux identitaires dans les campagnes anti-tabac Au-delà des enjeux de santé et de dépendance associés à la consommation de tabac, certaines études ont montré que l’initiation et l’arrêt du comportement tabagique sont déterminés par des enjeux identitaires. La présente recherche étudiera le rôle de processus identitaires liés à l’estime de soi en fonction de facteurs liés à l’identité de fumeur et à la stigmatisation sociale du fumeur et de la consommation de tabac. Cette recherche peut aussi étudier les processus identitaires qui sont associés à l’efficacité des campagnes de prévention de la santé (anti-tabac). 15. Gestion de l’image de soi chez des personnes souffrant de stigmatisation sociale : le rôle de l’adhésion aux normes du groupe d’appartenance La recherche proposée s’intéresse aux dynamiques psychosociales dans la compréhension et l’usage de stimuli supposés consensuellement partagés, comme par exemple les échelles de réponses dans les questionnaires. Les premiers résultats d’un programme de recherche suggèrent que l’adhésion aux normes d'un groupe d’appartenance joue un rôle sur la compréhension et l’usage des échelles de réponses. Ces résultats montrent que lorsque les participants sont amenés à croire que l’échelle de réponse qui leur est proposée est ajustée aux opinions de leur propre groupe, ils vont davantage adhérer aux propriétés de cette échelle que lorsqu’ils sont amenés à croire que l’échelle est ajustée aux opinions d’un hors-groupe. La principale originalité de la présente recherche consiste à faire l’hypothèse supplémentaire qu’une telle dynamique devrait être plus prononcée chez les membres d’un groupe stigmatisé que chez les membres de la majorité, car la stigmatisation sociale amène un surcroît d’identification au groupe d’appartenance. 16. La quête de distinctivité personnelle selon le statut social On observe couramment, dans nombre de situations quotidiennes, une tendance des personnes à souligner leur unicité, leur distinctivité. Ce penchant qui place l’identité personnelle plutôt que collective sur le devant de la scène est en outre exalté par les médias, notamment les publicitaires et les professionnels de la vente, qui par ce biais entendent rendre leurs produits plus attractifs. La littérature psychosociale montre effectivement que les publicités qui soulignent l’unicité du consommateur sont davantage persuasives que les publicités qui s’attardent sur le collectivisme. Toutefois, cette tendance apparemment générale est modulée par le statut du groupe d’appartenance de l’individu : la quête de l’unicité est moins pressante chez les membres des groupes de bas statut. La présente recherche s’attachera à comprendre les mécanismes soustendant cet effet. En effet, pourquoi l’appartenance à un groupe de haut statut engendre-telle un penchant pour la distinctivité personnelle ? Les études projetées seront susceptibles d’amener un éclairage nouveau aux théories actuelles de l’identité sociale. 17. Quand les identités multiples nuisent au changement social Les individus font partie de plusieurs catégories sociales héritées (p.ex., sexe, ethnie) et acquises (p.ex., profession, éducation). Il y a souvent une relative concordance entre les statuts et prestiges de ces identités. Par exemple, les femmes occupent plus que les hommes des postes de faible statut dans leur profession, et les immigrés possèdent dans leur majorité moins de ressources économiques et symboliques que les autochtones. Mais c’est sans compter sur le constat que les sociétés contemporaines sont caractérisées par une fluidité et une mobilité sociale croissantes. Dans ce contexte émergeant, les membres de groupes hérités minoritaires ou de faible statut social ont parfois des opportunités d’acquérir une meilleure position dans la société (comme un rôle professionnel de haut prestige), ce qui confère de la valeur à leur identité sociale. Paradoxalement, des recherches récentes montrent que ces personnes en mobilité sociale ascendante développent des attitudes et comportements hostiles envers leur groupe d’appartenance d’origine. Cette hostilité n’est pas sans conséquences. D’un point de vue collectif tout d’abord, la personne manifeste une tendance à se désengager de tout projet d’action collective, ce qui a pour effet d’entretenir les inégalités sociales intergroupes. D’un point de vue plus psychologique ensuite, la personne risque également de se replier sur elle-même. L’objectif du présent projet est donc de comprendre les mécanismes qui gouvernent l’expression de cette hostilité. Il s’intéressera en particulier aux enjeux identitaires que connaissent les femmes durant leur ascension professionnelle, ainsi que ceux des immigrés dans leur effort de s’intégrer dans la société d’accueil. 18. Le glass cliff (Falaise de verre) Les femmes, de même que d’autres groupes minoritaires, font face à des barrières discriminatoires qui freinent leur ascension dans les sphères politiques et organisationnelles. Malgré cette difficulté, on observe une relative augmentation de la représentation des membres de ces minorités dans des postes, tâches et fonctions à responsabilité. Les recherches sur le phénomène du « glass cliff » (expression consacrée pour la « falaise de verre ») montrent que les femmes sont davantage susceptibles d’être engagées dans des postes managériaux lorsque l’organisation qui les emploie connaît des difficultés liées à des pratiques managériales douteuses. Plusieurs études ont recensé ce phénomène dans des contextes divers, tels que les partis politiques et les organisations. De plus, d’autres groupes minoritaires (p.ex. minorités ethniques), semblent également concernés. Mais malgré le fait que l’existence du phénomène soit attestée, ses causes sont encore peu claires. La présente recherche vise donc à identifier les facteurs responsables de l’émergence du phénomène du « glass cliff ». 19. Sexisme bienveillant Aujourd’hui, le sexisme, comme toute autre forme de préjugé, est plus subtil, moins direct et explicite, qu’autrefois. Des remarques ouvertement hostiles sont en effet souvent accompagnées de remarques bienveillantes qui, elles aussi, se basent sur des stéréotypes, mais des stéréotypes qui ont des connotations positives. Cependant, malgré sa tonalité positive, ce sexisme, dénommé « bienveillant », a des effets délétères pour les femmes. Il renforce la hiérarchie entre les genres en donnant l’illusion que les femmes sont privilégiées, créant ainsi une perception de légitimité de la hiérarchie des sexes. D’un point de vue empirique, il existe une littérature émergente qui montre que le sexisme bienveillant a des effets délétères sur la performance des femmes et, de plus, qu’il sape la motivation des femmes à s’engager dans la lutte contre les inégalités de genre. La présente étude vise donc à investiguer le rôle du sexisme bienveillant dans un contexte particulier (à définir avec le/a participant/e à la recherche). Plusieurs projets sont actuellement en cours : l’usage de la dénomination francophone « Mlle » comme marqueur de sexisme bienveillant ; l’impact du sexisme bienveillant sur le leadership en escalade de montagne ; etc....