4 Actualité Prof ession Une infirmière-clinicienne pour les AVC Une solution en Bourgogne La prise en charge des A ccidents Vasc ulaires Cérébrau x (AVC), c onsi dérée c omme une urgenc e médicale, est devenue très technique, car des traitements e fficac es sont apparus ; une prise en charge standardisée et c oordonnée a démontré son e fficacité tant sur le plan de la mor talité que sur c elui du handicap. L a nécessité d’avoir un regard sur l’organisation hospitalière de sa région afin de gommer les disparités induites par les contraintes géographiques, d’une part, et par les problèmes de démographie médicale, d’autre part, l’intérêt d’homogénéiser les pratiques, de répondre aux attentes légitimes de la population et de lui apporter une égalité de chance quel que soit le domicile nécessitent une organisation nouvelle à l’échelle des régions (1). Le constat en Bourgogne Infos ... La circulaire 517 L’organisation de la prise en charge des AVC en Bourgogne s’appuie sur la circulaire ministérielle DHOS/DGAS/DGS n° 517 du 03 11 2003 relative à la prise en charge des AVC. « L’objet de cette circulaire est de formuler des recommandations afin d’améliorer l’organisation de l’ensemble de la filière, de l’alerte à la réinsertion des patients. Elle décrit le parcours du patient dès les premiers signes de l’AVC, de son arrivée aux urgences jusqu’au retour au domicile. » La Bourgogne souffre, dans le domaine des AVC comme dans d’autres domaines, de son étendue (région aussi grande que la Belgique), de sa population importante (1 600 000 habitants) et vieillissante, et d’une faible densité de neurologues (35 neurologues pour 1 600 000 habitants). Enfin, l’accès aux urgences neurologiques est difficile pour la population. Ainsi, sur 11 sites hospitaliers autorisés pour l’accueil des urgences et disposant d’un scanner, 4 seulement ont un service de Neurologie in situ (Dijon, Chalon sur Saône, Mâcon et Sens), d’où la nécessité d’apporter une aide neurologique aux urgentistes des 7 autres sites hospitaliers. Parmi les premières initiatives Fort de ce constat défavorable, les neurologues de Bourgogne se sont organisés avec les urgentistes, les radiologues et les médecins généralistes dans le cadre d’un réseau régional dédié à la prise en charge des AVC. Celui-ci a pu voir le jour Professions S anté Infirmier Infirmière N ° 63 • mai 2005 en mars 2002 grâce à un projet FAQSV et grâce au soutien et au financement de l’Union régionale des caisses d’assurances maladies (URCAM) et de l’Agence régionale d’hospitalisation(ARH). Ce réseau fonctionne à 2 niveaux : • Le réseau inter-hospitalier qui permet, soit de transférer les AVC au CHU de Dijon, soit d’apporter aux collègues des hôpitaux généraux une aide diagnostique et thérapeutique, dans le but d’homogénéiser la prise en charge des AVC en Bourgogne et de prodiguer une égalité d’accès à des avis experts. Ce réseau inter-hospitalier centré sur l’unité neurovasculaire du CHU de Dijon est coordonné par le Dr G.V. Osseby. L’installation en septembre 2004 d’un outil de communication instantané utilisant la télémédecine mettra en lien les 11 hôpitaux avec l’unité neurovasculaire du CHU au sein du réseau de télémédecine ReBoN (Réseau Bourgogne-Neurologie). • Le réseau soins de suite, parallèlement au réseau inter-hospitalier dédié à la phase aiguë, est un réseau de soins de suite des AVC consacré à la phase chronique. Celui-ci s’est donné pour objectifs d’améliorer le suivi à domicile des patients victimes d’un AVC pour diminuer le handicap, adapter l’environnement au handicap, identifier les facteurs de risque de récidive et proposer une prévention optimale. Pour être efficace, le réseau soins de suite a été conçu en intégrant les médecins généralistes, les neurologues et les angiologues, avec une coordination assurée par un neurologue libéral, le Dr M. Menassa, dont la consultation spécialisée pour les AVC est consacrée aux patients de Bourgogne désireux d’avoir une prévention optimisée. Malgré ce maillage du terrain, il a été nécessaire de trouver un moyen permettant un suivi de proximité et continu sur le long terme. Une infirmière spécialisée Dans cet objectif, une infirmière, Mme Février, a été formé pour préparer la sortie du patient du service de neurologie et pour assurer un suivi téléphonique à domicile. Cette infirmière diplômée d’État a été spécifiquement formée pendant six mois aux mécanismes des AVC, à leurs différents sous-types, aux différentes causes, aux différents facteurs de risque vasculaires, aux signes cliniques, aux différentes explorations paracliniques à destinée diagnostique, étiologique et pronostique, et aux différentes modalités thérapeutiques en phase aiguë et en prévention secondaire. Il s’agit d’une infirmière-clinicienne, comparable aux stroke-nurses du Canada. Ainsi, cette infirmière spécialisée intervient auprès des malades en deux temps : • À l’hôpital, avant la sortie du malade, par son éducation et celle de sa famille, par l’apprentissage des facteurs de risque vasculaires, sur la nécessité d’un régime alimentaire plus riche en acides gras poly-insaturés, peu salé, d’une activité physique modérée mais continue, assortie du respect de l’ordonnance permettant de corriger les facteurs de risque. L’ordonnance est analysée et expliquée au patient et à sa famille, avant la sortie. • À domicile, par le suivi téléphonique trimestriel. On a constaté que cette intervention était incontournable car les effets bénéfiques de l’éducation du patient et de sa famille juste avant la sortie de l’hô- Actualité Prof ession pital, s’étiolaient rapidement s’il n’y avait pas un rappel continu. Tous les trimestres, l’infimière-AVC rappelle le patient pour évaluer son état général, l’absence d’aggravation du handicap mesuré par les scores de Barthel et de Rankin, l’absence de dépression nerveuse mesurée par le test de HARD. Elle s’assure aussi que le patient est compliant vis-à-vis de l’ordonnance et qu’il n’y a pas de changements, involontaires ou non, dans la posologie et le nombre de médicaments majeurs que sont les médicaments de l’HTA, de l’hypercholestérolémie, du diabète, les traitements à visée cardiaque, les anti-agrégants, les anticoagulants, sans oublier l’arrêt du tabac. Ce suivi téléphonique trimestriel est pour les médecins très instructif car sur un an il a été constaté qu’à 3 mois, 25 % des patients avaient modifié leur traitement, après avis de leur médecin traitant dans 60 % des cas, ou sans son avis dans 40 % des cas. Les 3 changements intempestifs les plus fréquents ont été l’arrêt ou la diminution du traitement antihypertenseur, l’arrêt des anti-vitamines K remplacées par le clopidogrel malgré la persistance de l’arythmie cardiaque, l’arrêt d’une statine chez des patients ayant plusieurs facteurs de risque vasculaires ou plusieurs localisations athéromateuses. Les constatations effectuées par Mme Février sont transmises au médecin coordonnateur du réseau, le Dr M. Menassa, qui par un courrier personnalisé signale le problème que pose une prévention inadaptée au médecin traitant et envisage avec lui les solutions les plus appropriées. Transfert de compétences L’expérience faite en Bourgogne est une véritable mutation (2) mise en place d’un commun accord entre les professionnels médicaux et paramédicaux, ces derniers ayant acquis par leur exercice des compétences certaines facilitant l’apprentissage et la polyvalence. Cette expérience, rendue nécessaire par la baisse de la démographie médicale, soutenue par l’URCAM et l’ARH de Bourgogne, a le mérite de démontrer la faisabilité de ce transfert de compétences sous certaines conditions, dont la principale reste l’encadrement médical. Le transfert de compétences apporte une légitime reconnaissance aux professions paramédicales et des possibilités d’évolution de carrière qu’elles n’avaient pas jusqu’alors (3). Cette question du partage des tâches, voire des compétences s’applique à la Bourgogne, où la crise démographique, la dispersion des malades, la disparité des moyens et de l’accès aux soins, la surconsommation médicale entraînent une activité accrue des médecins, moins disponibles pour la prévention, qui nécessite dialogue et disponibilité. Si à l’étranger, les expériences de transfert de compétences sont nombreuses et parfois anciennes, elles sont plus rares en France. A notre avis, une infirmière formée, spécialisée, peut prendre la responsabilité du suivi, de l’éducation, des conseils diététiques et de la compliance envers l’ordonnance. Vaincre les difficultés Malgré l’intérêt indiscutable des transferts de compétences, cette pratique peut poser cependant quelques problèmes : • Responsabilité de l’acte délégué. • Diminution de la qualité et de la sécurité des soins. • Nécessité d’une formation spécifique, de l’utilisation de protocoles validés optimisant la sécurité de l’acte. • Nécessité de l’évaluation des compétences et des acquis. • Collaboration nécessaire avec un encadrement médical, et utilité d’un rétrocontrôle dans l’esprit de tolérance, d’écoute et de respect mutuel. Encouragée par ces résultats satisfaisants, l’expérience bourguignonne se poursuit et elle devrait aboutir à une réflexion plus générale sur le métier d’infirmière- 5 clinicienne, qui est déjà fort utile dans d’autres domaines comme la diabétologie, l’hémodialyse, la cancérologie, la gérontologie et l’ophtalmologie. Deux points essentiels • Il faut légitimer le transfert par une formation adaptée. La création de nouveaux enseignements et de nouvelles formations sera nécessaire, par exemple dans le domaine des infirmières spécialisées en endoscopie ou en échocardiographie. À ce sujet, rappelons que la neurologie a joué un rôle précurseur avec le diplôme d’infirmière-technicienne en électrophysiologie (EEG, EMG), qui existe depuis plus de 40 ans et ouvre le droit à la réalisation de l’examen lui-même. • Il faut que le transfert de tâches et de compétences s’accompagne d’une collaboration entre professions médicales et professions paramédicales, sous la responsabilité du médecin, et de l’accompagnement des tutelles. Ainsi, l’expérience bourguignonne est une réponse aux problèmes géosanitaires et de démographie médicale et paramédicale que connaît cette région, et elle peut être appliquée à d’autres régions. Guy-Victor Osseby, Michaël Menassa, Michelle Février, Bernard Vernet, Didier Jaffre, Pierre Routhier, Maurice Giroud. CHU 21000 Dijon Références 1. Giroud M, Osseby GV. La prise en charge des AVC en France, un nouvel enjeu dans l’organisation des soins hospitaliers. La Presse Médicale 2004;33:293-4. 2. Ducloux M. À quelles conditions transférer nos competences ? Le Bulletin de l’Ordre des médecins 2004;2:3-10. 3. Berland Y. Coopérations des professions de santé : le transfert des tâches et des compétences. Rapport d’étape. 2003. www.sante.gouv.fr. Infos ... Pour le réseau Bourgogne-AVC 1 : Unité neurovasculaire – CHU – 3 rue du Faubourg Raines – 21000 Dijon 2 : Réseau Bourgogne-AVC – Service de neurologie – CHU – 3 rue du Faubourg Raines – 21000 Dijon 3 : Infirmièreclinicienne dans le réseau BourgogneAVC 4 : Médecin généraliste à Avallon – Président de l’Association du réseau BourgogneAVC 5 : Secrétaire général – Agence régionale d’hospitalisation de Bourgogne – 1 rue Monge – 21000 Dijon 6 : Directeur – Union régionale des caisses d’assurances maladies – 14 rue Jean Giono – 21000 Dijon Pr M. Giroud, Service de neurologie CHU – 3 rue du Faubourg Raines 21000 DIJON Professions S anté Infirmier Infirmière N ° 63 • mai 2005