vie professionnelle Application de la circulaire ministérielle 517 sur la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux. Le suivi des patients par une infirmière-clinicienne, une solution en Bourgogne O G.V. Osseby1, 2, M. Menassa2, M. Février3, B. Vernet4, D. Jaffre5, P. Routhier6, M. Giroud1, 2 La prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC), considérée comme une urgence médicale, est devenue très technique, car des traitements efficaces sont apparus et une prise en charge standardisée et coordonnée a démontré son efficacité, tant sur le plan de la mortalité que sur celui du handicap. La nécessité d’avoir un regard sur l’organisation hospitalière de sa région, afin de gommer les disparités induites par les contraintes géographiques et les problèmes de démographie médicale, d’une part, et pour homogénéiser les pratiques, répondre aux attentes légitimes de la population et lui apporter une égalité des chances quel que soit le domicile, d’autre part, a rendu nécessaire la mise en place des réseaux régionaux de prise en charge des AVC. LE RÉSEAU BOURGOGNE-AVC : RÉSEAU INTERHOSPITALIER 1 Unité neurovasculaire, CHU de Dijon. 2 Réseau Bourgogne-AVC, service de neurologie, CHU de Dijon. 3 Infirmière-clinicienne dans le réseau Bourgogne-AVC. 4 Médecin généraliste, président de l’association réseau Bourgogne-AVC. 5 Secrétaire général, Agence régionale d’hospitalisation de Bourgogne, Dijon. 6 Directeur, Union régionale des Caisses d’assurance maladie, Dijon. Les neurologues de Bourgogne, au nombre de 35 pour 1 600 000 habitants – densité largement insuffisante –, se sont organisés avec les urgentistes et les radiologues dans le cadre d’un réseau interhospitalier permettant soit de transférer les AVC au CHU de Dijon, soit d’apporter aux collègues des hôpitaux généraux une aide diagnostique et thérapeutique, dans le but d’homogénéiser la prise en charge des AVC en Bourgogne et d’apporter une égalité d’accès à des avis experts. Ce réseau interhospitalier est centré sur l’unité neurovasculaire du CHU de Dijon, coordonnée par le Dr Osseby. Ce réseau s’est imposé d’autant plus facilement que le déficit en neurologues hospitaliers en Bourgogne est lourd. Sur 11 hôpitaux bourguignons accrédités à recevoir les urgences, 4 seulement ont un service de neurologie in situ (Dijon, Chalon-sur-Saône, Mâcon et Sens) ; d’où la nécessité d’apporter une aide neurologique aux urgentistes des 7 autres hôpitaux. LE RÉSEAU BOURGOGNE-AVC : RÉSEAU SOINS DE SUITE Parallèlement à ce réseau interhospitalier dédié à la phase aiguë, il existe un réseau de soins de suite des AVC, dédié à la phase chronique. Il a pour objectif d’améliorer le suivi à domicile des patients victimes d’un AVC, pour diminuer le handicap, adapter l’environnement au handicap, identifier les facteurs de risque de récidive et proposer une prévention optimale. Pour être efficace, le réseau de soins de suite a été conçu en y intégrant les médecins généralistes, les neurologues et les angiologues, avec Correspondances en neurologie vasculaire - Vol. IV - n° 2 - octobre-décembre 2004/Vol. V - n° 1 - janvier-mars 2005 45 vie professionnelle une coordination assurée par un neurologue libéral, le Dr Menassa, dont la consultation spécialisée pour les AVC est dédiée aux patients de Bourgogne désireux d’avoir une prévention optimisée. Malgré ce maillage du terrain, il a été nécessaire de trouver un moyen permettant un suivi de proximité et continu sur le long terme. LE SUIVI TÉLÉPHONIQUE À DOMICILE PAR UNE INFIRMIÈRE-CLINICIENNE : UN TRANSFERT DE COMPÉTENCES C’est dans cet objectif que nous avons formé une infirmière, Mme Février, pour préparer la sortie du patient du service de neurologie et assurer un suivi téléphonique à domicile. Cette infirmière diplômée d’État a été spécifiquement formée, sur 6 mois, aux mécanismes des AVC, à leurs différents sous-types, aux différentes causes, aux différents facteurs de risque vasculaire, aux signes cliniques, aux différentes explorations paracliniques à visée diagnostique, étiologique et pronostique, et aux différentes modalités thérapeutiques en phase aiguë et en prévention secondaire. Il s’agit d’une infirmièreclinicienne, véritable “infirmière-AVC”, comparable aux stroke-nurses du Canada. Ainsi, cette infirmière spécialisée intervient auprès des malades en deux temps : – À l’hôpital, par l’éducation du malade et de sa famille, concernant les facteurs de risque vasculaire, la nécessité d’un régime alimentaire plus riche en acides gras poly-insaturés et peu salé, d’une activité physique modérée mais continue, assortie du respect de l’ordonnance permettant de corriger les facteurs de risque. L’ordonnance est analysée et expliquée au patient et à sa famille, avant la sortie. – À domicile, par le suivi téléphonique mensuel. On a constaté que cette intervention était incontournable, car les effets bénéfiques de l’éducation du patient et de sa famille juste avant la sortie de l’hôpital s’étiolaient rapidement s’il n’y avait pas un rappel continu. Tous les mois, l’infimière-AVC rappelle le patient pour évaluer son état général, l’absence 46 d’aggravation du handicap, mesuré par les scores de Barthel et de Rankin, et l’absence de dépression nerveuse, mesurée par le test de HARD. Elle s’assure aussi que le patient se conforme à l’ordonnance et qu’il n’y a pas de changements, involontaires ou non, dans la posologie et le nombre de médicaments majeurs que sont les médicaments de l’HTA, de l’hypercholestérolémie, du diabète, les traitements à visée cardiaque, les antiagrégants, les anticoagulants, sans oublier l’arrêt du tabac. Ce suivi téléphonique mensuel est pour nous très instructif, car, sur un an, nous avons constaté que, à trois mois, 25 % des patients avaient modifié leur traitement, après avis de leur médecin traitant dans 60 % des cas, ou sans son avis dans 40 % des cas. Les trois changements intempestifs les plus fréquents ont été l’arrêt ou la diminution du traitement antihypertenseur, l’arrêt des antivitamines K, remplacés par du clopidogrel, malgré la persistance de l’arythmie cardiaque, et l’arrêt d’une statine chez des patients ayant plusieurs facteurs de risque vasculaire ou plusieurs localisations athéromateuses. Les diagnostics effectués par Mme Février sont alors transmis au médecin coordonnateur du réseau, le Dr Menassa, qui, par un courrier personnalisé, signale le problème de prévention inadaptée au médecin traitant et envisage avec lui les solutions les plus appropriées. LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES Notre expérience qui est celle d’une véritable mutation (1), a été mise en place d’un commun accord par les professionnels médicaux et paramédicaux, ces derniers ayant acquis, par leur exercice, des compétences certaines facilitant l’apprentissage et la polyvalence. Cette expérience, rendue nécessaire par la diminution de la population médicale, a le mérite de démontrer la faisabilité de ce transfert de compétences, sous certaines conditions, dont la principale reste l’encadrement médical. Le Correspondances en neurologie vasculaire - Vol. IV - n° 2 - octobre-décembre 2004/Vol. V - n° 1 - janvier-mars 2005 transfert de compétences apporte une légitime reconnaissance aux professions paramédicales, et des possibilités d’évolution de carrière qu’elles n’avaient pas jusqu’alors (2). Cette question du partage des tâches, voire des compétences, s’applique à la Bourgogne en raison de la crise démographique, de la dispersion des malades, de la disparité des moyens et de l’accès aux soins, de la surconsommation médicale, entraînant une activité accrue des médecins, dès lors moins disponibles pour la prévention – laquelle nécessite dialogue et disponibilité. Si, à l’étranger, les expériences de transfert de compétences sont nombreuses et parfois anciennes, elles sont plus rares en France. À notre avis, une infirmière formée, spécialisée, peut prendre la responsabilité du suivi et de l’éducation du patient, des conseils diététiques et de la compliance à l’ordonnance. Devant son utilité, son service rendu au bénéfice des patients, et pour consolider cette activité maintenant incontournable, le réseau Bourgogne-AVC est validé, labellisé et financé par l’URCAM et l’Agence régionale d’hospitalisation de Bourgogne. Malgré l’intérêt indiscutable des transferts de compétences, cette pratique peut poser quelques problèmes : – responsabilité de l’acte délégué ; – diminution de la qualité et de la sécurité des soins ; – nécessité d’une formation spécifique, de l’utilisation de protocoles validés optimisant la sécurité de l’acte ; – nécessité de l’évaluation des compétences et des acquis ; – collaboration nécessaire avec un encadrement médical, et utilité d’un rétrocontrôle, dans un esprit de tolérance, d’écoute et de respect mutuel. Encouragée par ces résultats satisfaisants, l’expérience bourguignonne se poursuit, et elle devrait aboutir à une réflexion plus générale sur le métier d’infirmière-clinicienne, qui est déjà fort utile dans d’autres domaines comme la diabétologie, l’hémodialyse, la cancérologie, la gérontologie et l’ophtalmologie. Deux points sont essentiels : – Il faut légitimer le transfert par une formation adaptée. La création de nouveaux enseignements et de nouvelles formations sera nécessaire, par exemple pour les infirmières spécialisées en endoscopie ou en échocardiographie. À ce sujet, rappelons que la neurologie a fait office de précurseur avec le diplôme d’infirmière-technicienne en électrophysiologie (EEG, EMG), qui existe depuis plus de 40 ans et ouvre droit à la réalisation de l’examen lui-même. – Il faut que le transfert de tâches et de compétences s’accompagne d’une collaboration entre professions médicales et professions paramédicales, sous la responsabilité du médecin. RÉFÉRENCES 1. Ducloux M. À quelles conditions transférer nos compétences ? Bulletin de l’Ordre des Médecins 2004;2:3-10. 2. Berland Y. Coopérations des professions de santé : le transfert des tâches et des compétences. Rapport d’étape 2003. www.sante.gouv.fr Les articles publiés dans Correspondances en neurologie vasculaire le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. 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