"L`annonciation" de Fra Angelico : lumière et silence font vibrer la

"L'annonciation" de Fra Angelico : lumière et silence font vibrer la Parole *
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"L'annonciation" de Fra
Angelico : lumière et silence
font vibrer la Parole *
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Date de mise en ligne : jeudi 27 mars 2014
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"L'annonciation" de Fra Angelico : lumière et silence font vibrer la Parole *
Fra Angelico (1387-1455), maître parmi les maîtres de la peinture de la Renaissance italienne, maître de la lumière,
est aussi "Frère Ange ", maître de "LAnnonciation " ! Il nous a laissé quinze variations de cette scène, exprimant
toutes, avec bonheur, lesthétique et la spiritualité du moine dominicain. Celle-ci, de lArmoire aux ex-voto dargent,
témoigne dun art particulièrement abouti, tant par la simplicité de sa composition que par la technique de la
perspective et la richesse de la symbolique quelle développe
Une double enfilade de colonnes élégantes marquent un espace bien défini, fermé par les murs de lhabitation. Voilà
lendroit où Fra Angelico fait vivre la scène de " LAnnonciation ". Nous sommes dans un cloître, entre "intérieur" et "
extérieur", ni dedans, ni dehors, un lieu intermédiaire, un lieu charnière, à lorée dune nouvelle ère, un lieu à ciel
ouvert, et surtout, un lieu de prière. Sur toile de fond en camaïeu de blanc et docre, lange Gabriel arrive dun coup
daile, sans bruit. Face à Marie en dévotion, à genoux, lange se fait miroir. Il nous semble alors que, déployant ses
ailes, il fait apparaître larc en ciel de Noé au lendemain du déluge. Mais lange est vêtu dune aube de célébrant
rose, laube de la liturgie de " Gaudete " qui nous fait chanter : " Soyez dans la joie, le Seigneur est proche !".** Le
messager céleste vient annoncer à Marie une future naissance qui inondera le monde de sa lumière. Ouverte
comme pour lenvol, les ailes de Gabriel font vibrer la palette de couleurs que le peintre déclinera pour les
personnages des évangiles quil va faire vivre sur les panneaux suivants, de La vision dEzékiel à LAnnonciation, La
Nativité, La Crucifixion, La Résurrection de Jésus, jusquà La loi dAmour . Le rouge intense du bord des ailes habille
Marie dune robe de force et de vie, et couvrira Jésus dune tunique de sang royal. La tache bleue, sur laile droite,
forme comme une médaille-effigie, cest la couleur travaillée et choisie pour le manteau de la Vierge, ce sera aussi
celle du manteau du Christ ; profondeur, spiritualité sont les liants du pinceau du moine qui prie en peignant.
En un geste large, dun doigt, tout est dit par lenvoyé de Dieu. Face à lui, Marie lève les yeux, tend loreille avec
avidité. LAnnonce est immédiate "Je te salue comblée-de-grâce&" (Lc, 1, 38), prophétique : "Voici que tu vas
concevoir et enfanter un fils, tu lui donneras le nom de Jésus", (Lc 1, 30) eschatologique : " Il sera appelé Fils du
Très-Haut et son règne naura pas de fin. " (Lc 1, 33) Le discours du messager se diffuse alors dans le moindre détail
de lhabitation de la Vierge, révélant une lumière, un espace, une perspective nouvelle et lannonce se lit au présent
par une description à deux niveaux.
Au sol, une symétrie parfaite se construit à partir du point focal que le doigt de lange désigne à linstant comme un
temps à venir immédiat : Le Seigneur est proche ! Une porte souvre. Guidé par léloquence du geste du messager,
notre regard franchit la porte et suit un long couloir. Au bout du couloir, il traverse lombre noire de la mort ; au delà,
la fontaine de vie jaillit. Limagerie du Moyen Âge représentait la virginité de la mère de Jésus en sinspirant du
verset du Cantique des Cantiques : " Tu es un jardin clos, ma fiancée, une fontaine close, une source scellée" (Ct 4,
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12). Le Christ, né de Marie, marquera de son pas ce couloir, il triomphera de la mort, il ressuscitera ; ainsi, comme
jaillit leau de cette fontaine, surgira la vie éternelle. Le peintre choisit une profondeur unique pour représenter ce qui
est pour lui une unique réalité : la terre où nous vivons est le seuil de léternité. Sous le pinceau de Fra Angelico, "
LAnnonciation " est annonce de la Pâques du Christ.
La symétrie formée par les colonnes face à face nous montre deux éclairages bien différents. À gauche les colonnes
de lAncien Testament se trouvent au nord, elles ne sont pas éclairées. À droite, orientées au sud, les colonnes du
Nouveau Testament, reçoivent la pleine lumière divine. Le fronton blanc immaculé quelles soutiennent fait rejaillir la
lumière de Dieu, la renvoyant avec générosité sur les deux personnages. Le long couloir qui sera emprunté par le
Christ nous conduit donc vers lEst, à la source de la vraie lumière.
À létage, voici un jardin verdoyant, un jardin qui a poussé au delà du Jardin clos de Marie. Y prenant racine, ce
jardin a creusé la terre du Jardin des Oliviers et sest mis à fleurir dans le ciel, suspendu, donnant une nouvelle
aurore au jardin quAdam et Eve avaient fui. Par lau delà de cette perspective à deux niveaux, Fra Angelico nous fait
découvrir lespace qui ouvre le monde de la terre au monde du ciel, monde de la gloire de Dieu, monde divin auquel
le Christ donne accès aux hommes qui choisissent de le suivre. Et voici une terre nouvelle ornée de deux colonnes
de cyprès, qui, comme deux flèches, conduisent notre perception vers laube nouvelle bleu pâle dans laquelle la
colombe, petite, frêle et fragile, véritable point de fuite du tableau au centre du ciel nouveau, sapproche comme une
reine pour porter sur Marie la lumière dune Pentecôte prête à se manifester.
Les deux silhouettes se font face, sécoutent et se répondent, unies par le souffle divin qui vient de la source du
temps. (Jn, 1, 1) entend-t-on par le doigt de lange cependant que Marie, elle, entend : " LEsprit Saint viendra sur
toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre." (Lc 1, 35) Sur cette composition règne le grand silence
de lattente, nul nouvre les lèvres. Pourtant le peintre y insère une voix, mais cest une voix de silence. Questions et
réponses séchangent dans le dialogue intime de la prière. Dès lors, le murmure dune brise légère (1, Roi 19, 12)
balaie tout lespace et nous transmet la voix de Dieu, une voix qui se tait pour nous dire son Amour en faisant naître
son Verbe. En notre âme résonne alors une harmonie à trois voix, la voix de lange : " Tu vas enfanter un Fils" (Lc 1,
30), la voix de Marie : "Quil me soit fait selon ta parole" (Lc 1, 38), la voix de Dieu, Verbe du "commencement" qui se
fait chair et parle depuis 2000 ans à ceux qui écoutent ce que lEsprit dit aux Églises (Ap 2, 11) afin dengendrer sa
présence. Comme un prophète, Fra Angelico nous donne sa vision de la lumière, il est peintre du silence qui fait
vibrer la Parole.
Marie-Eline Guihaire
Responsable de la Commission Diocésaine dArt Sacré de Laval
* Lors de lexposition Fra Angelico en la cathédrale de Laval du 15 au 28 Avril prochain, ce tableau sera visible ainsi
que trente trois autres sous forme de photographies grand format reproduisant les peintures de lArmoire des ex-voto
dargent, exposées au couvent San Marco. Cette exposition, DE FLORENCE À LAVAL : « Les pas du Christ de
toujours à toujours » est conçue par Ars Latina. cf. « La Croix » 5 juillet 2011. (www.diocese-laval.fr)
**Introït du Gaudete.
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