Réanimation 12 (2003) 37–45 www.elsevier.com/locate/reaurg Mise au point Les fibroses pulmonaires en réanimation Pulmonary fibrosis in the intensive care unit T. Fumeaux, C. Rothmeier, P. Jolliet * Division des soins intensifs de médecine, département de médecine, hôpitaux universitaires de Genève, rue Micheli-du-Crest 24, 1211 Genève 14, Suisse Résumé Introduction – La fibrose pulmonaire idiopathique et les fibroses pulmonaires associées aux maladies systémiques sont les pneumopathies interstitielles diffuses les plus fréquentes. Ces pathologies évoluent généralement lentement mais irrémédiablement vers une insuffisance respiratoire terminale. Elles peuvent également se compliquer d’une insuffisance respiratoire aiguë sévère, avec ou sans cause évidente. L’admission en réanimation pour un soutien respiratoire peut alors se discuter. Actualités et points forts – Peu de données de la littérature décrivent l’approche diagnostique et thérapeutique de l’insuffisance respiratoire aiguë sévère du patient présentant une fibrose pulmonaire. Quelques séries rétrospectives récentes permettent d’apporter un éclairage plus précis sur cette prise en charge, qui se révèle difficile. La ventilation mécanique invasive aboutit le plus souvent au décès du malade, en dépit des traitements immunosuppresseurs ou antibiotiques. Perspectives et projets – L’insuffisance respiratoire aiguë sévère des patients présentant une fibrose pulmonaire est grevée d’une mortalité élevée. Une stratégie ventilatoire peu agressive, comparable à celle proposée dans le syndrome de détresse respiratoire de l’adulte, pourrait permettre de diminuer les lésions induites par la ventilation mécanique susceptibles d’endommager ces poumons fragilisés. L’évaluation d’une telle approche par des études prospectives, même si elle paraît difficile, pourrait permettre de savoir si, lors de fibrose pulmonaire, l’amélioration du pronostic constatée dans le SDRA se confirme. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction – Idiopathic pulmonary fibrosis and pulmonary fibroses associated with systemic diseases are the most frequent diffuse interstitial pulmonary diseases. These conditions usually evolve slowly but irrevocably towards terminal respiratory failure. Their clinical course can also be complicated by episodes of severe acute respiratory failure, whose cause is not always obvious. Admission to the intensive care unit for respiratory support can then be discussed. News and facts – Few data in the literature have described the diagnostic and therapeutic management of acute respiratory failure in patients with pulmonary fibrosis. Recent retrospective series shed some new light on this management, underlining its difficult nature. Mechanical ventilation generally leads to the patient’s death, despite anti-infectious and immunosuppressive treatments. Perspectives and projects – The mortality rate of acute respiratory failure in patients with pulmonary fibrosis is very high. A non aggressive ventilatory strategy, such as proposed in the acute respiratory distress syndrome, could lead to a decrease in the ventilator-induced lesions that possibly occur in these fragile lungs. Only prospective studies, which would be difficult to set up, could evaluate the impact of such a ventilatory approach on mortality. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Fibrose pulmonaire ; Insuffisance respiratoire ; Respiration artificielle ; Soins intensifs ; Mortalité Keywords: Pulmonary fibrosis; Respiratory insufficiency; Artificial respiration; Critical care; Mortality * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Jolliet). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 1 6 2 4 - 0 6 9 3 ( 0 2 ) 0 0 0 0 7 - 5 38 T. Fumeaux et al. / Réanimation 12 (2003) 37–45 Tableau 1 Pneumopathie interstitielle diffuse secondaire à une cause identifiable Pneumoconioses (agents minéraux) Pneumopathies d’hypersensibilité (antigènes organiques) Pneumopathies médicamenteuses (immunosuppresseurs, cytostatiques, anti-infectieux) Infections (bactéries, virus, champignons, parasites) Radiations Néoplasies (lymphangite carcinomateuse) Agents toxiques (paraquat, gaz moutardé soufré) Rejet de greffe sur atteinte organique (hépatopathie, cardiopathie, urémie, maladie intestinale inflammatoire) PID de cause inconnue ou idiopathique Pneumonies interstitielles idiopathiques (anciennes alvéolites fibrosantes) Sarcoïdose Connectivites Autres vascularités et granulomatoses Pneumonie à éosinophiles Histiocytose X Pathologies familiales et héréditaires Thésaurisomoses (maladies de surcharge, amyloïdoses, protéinose alvéolaire) Classification étiologique des pneumopathies interstitielles diffuses (adaptée de Crystal [2]) 1. Les fibroses pulmonaires : généralités 1.1. Les pneumopathies interstitielles diffuses (PID) Les fibroses pulmonaires font partie des pneumopathies interstitielles diffuses (PID), qui regroupent plus de 200 affections (Tableau 1) [1,2]. Les PID résultent d’un processus « inflammatoire » diffus, souvent fibrosant, atteignant de façon prédominante l’interstice pulmonaire. Elles s’accompagnent fréquemment de lésions des voies aériennes, des alvéoles ou de la paroi des vaisseaux. On distingue des modes d’évolution aigu et chronique et des formes primaires ou secondaires. Les PID se traduisent cliniquement par des symptômes non spécifiques, dominés par la dyspnée et la toux et sont caractérisées radiologiquement par un infiltrat interstitiel diffus. Même si les mécanismes pathogéniques précis ne sont toujours pas élucidés pour la plupart des PID et que leur étiologie est souvent méconnue, les facteurs exogènes, surajoutés à la sensibilité individuelle, jouent probablement un rôle fondamental. 1.2. La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) Le terme de fibrose pulmonaire idiopathique ou alvéolite fibrosante cryptogénique, regroupait jusqu’à récemment toutes les pneumonies interstitielles idiopathiques (à ne pas confondre avec le terme générique de pneumopathies interstitielles diffuses ou PID). Mais, au vu de l’hétérogénéité des atteintes histologiques, correspondant à des évolutions cliniques très diverses, une nouvelle classification a récemment été établie par l’American Thoracic Society et l’European Respiratory Society (Tableau 2) [3]. Cette classification se fonde essentiellement sur des critères histologiques, mais elle souligne les liens entre l’atteinte histologique et les caractéristiques cliniques et radiologiques de l’affection. La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI), terme réservé de nos jours à l’atteinte histologique de type pneumopathie interstitielle commune (usual interstitial pneumonia), est la forme la plus fréquente des pneumopathies interstitielles diffuses idiopathiques [4]. La conception actuelle de la pathogenèse de la FPI est celle de lésions épithéliales répétées, qui induisent une prolifération fibroblastique progressive et des dépôts de collagène [5]. La réaction inflammatoire ne joue qu’un rôle secondaire dans l’apparition des lésions histologiques. La FPI débute le plus souvent entre 60 et 70 ans par une dyspnée d’effort d’apparition progressive, une toux non productive et parfois des signes généraux. Les râles crépitants bilatéraux des bases type « velcro » sont toujours présents et dans la moitié des cas on trouve un hippocratisme digital. La cyanose et les signes d’insuffisance ventriculaire droite s’observent à un stade avancé de la maladie. La radiographie du thorax et le scanner à coupes fines révèlent une atteinte réticulaire prédominant aux bases. La biopsie pulmonaire chirurgicale (par thoracoscopie ou à ciel ouvert) permet d’établir le diagnostic histologique, en mettant en évidence les atteintes caractéristiques de la pneumopathie interstitielle commune, soit la coexistence de lésions d’âges différents, réparties de manière non uniforme et des foyers de prolifération fibroblastique traduisant l’activité de la maladie. Le diagnostic de la FPI repose en définitive sur l’association de la clinique, des tests d’exploration pulmonaire, de l’image radiologique, de l’histologie typique et de l’absence de cause identifiable (Tableau 3) [6]. Le recours à la biopsie chirurgicale n’est pas toujours possible et le diagnostic définitif de FPI peut alors être posé sur la base d’autres critères (Ta- Tableau 2 Description histologique Diagnostic clinique-radiologique-histopathologique Pneumopathie interstitielle commune Pneumopathie interstitielle non spécifique Pneumopathie organisée Dommage alvéolaire diffus Bronchiolite respiratoire Pneumopathie interstitielle desquamative ou pneumopathie à macrophages alvéolaires Pneumopathie interstitielle lymphocytaire Fibrose pulmonaire idiopathique Pneumopathie interstitielle non spécifique Pneumopathie organisée cryptogénique Pneumopathie interstitielle aiguë Bronchiolite avec pneumopathie interstitielle Pneumopathie interstitielle desquamative ou pneumopathie à macrophages alvéolaires Pneumopathie interstitielle lymphocytaire Classification histopathologique et clinique des pneumonies interstitielles diffuses idiopathiques (selon l’ATS et l’ERS [3]) T. Fumeaux et al. / Réanimation 12 (2003) 37–45 Tableau 3 Avec histologie : 4 critères • histologie de pneumonie interstielle commune • exclusion d’une cause primaire : C collagénose, toxiques, médicaments, facteurs environnementaux • fonctions pulmonaires anormales : C syndrome restrictif C troubles des échanges gazeux • anomalies radiologiques : C opacité réticulaires aux deux bases avec peu d’images en ver dépoli Sans histologie : 4 critères majeurs et au moins 3 critères mineurs • critères majeurs : C exclusion d’une cause primaire C fonctions pulmonaires anormales C anomalies radiologiques C pas de diagnostic alternatif au lavage broncho-alvéolaire • critères mineurs : C âge supérieur à 50 ans C dyspnée d’origine indéterminée et de début insidieux C durée de la maladie de plus de 3 mois C râles inspiratoire bi-basaux de type « velcro » Critères diagnostiques de la fibrose pulmonaire idiopathique bleau 3) [6]. Il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement spécifique affectant de manière significative l’évolution de la FPI : en particulier, la réponse aux corticoïdes ou aux immunosuppresseurs est le plus souvent décevante [6]. L’évolution progressive vers une insuffisance respiratoire terminale est la règle et la survie à dix ans n’excède pas 10 %. 1.3. Les pneumopathies interstitielles diffuses idiopathiques associées aux granulomatoses et aux collagénoses La sarcoïdose s’accompagne de lésions pulmonaire chez plus de trois-quarts des malades et l’insuffisance respiratoire représente la première cause de décès dans cette affection [7]. Les signes cliniques et radiologiques sont non spécifiques et similaires à ceux de la FPI. L’histologie est caractéristique de la granulomatose, avec une évolution vers la fibrose diffuse. Plus de plus de 5 % des patients présentant une collagénose vont développer une alvéolite évoluant vers la fibrose, ce qui représente une cause importante de mortalité et de morbidité. Les signes cliniques et radiologiques sont également peu spécifiques. Le pronostic des fibroses associées aux 39 maladies systémiques dépend de la réponse au traitement de la maladie de base, mais apparaît globalement comparable à celui de la FPI [8]. La sclérodermie est la maladie du collagène qui s’accompagne le plus souvent d’une fibrose interstitielle diffuse, dont le pronostic semble meilleur que celui de la FPI [9]. Dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), l’atteinte pulmonaire (pleurale ou interstitielle) est l’atteinte extra-articulaire la plus fréquente. Une fibrose pulmonaire est présente chez 1 patient sur 7 [10] et représente la deuxième cause de décès après l’infection. Le pronostic est similaire à celui de la FPI, avec une médiane de survie de 4 ans [11]. L’atteinte pulmonaire est plus rare dans le lupus erythémateux disséminé [12] et le pronostic dépend alors essentiellement de la réponse au traitement stéroïdien. La fibrose pulmonaire a également été décrite chez les patients présentant une connectivite mixte ou une polymyosite-dermatomyosite. 1.4. La pneumopathie interstitielle aiguë ou syndrome de Hamman-Rich Il s’agit d’une forme rare et parfois fulminante de pneumonie interstitielle diffuse idiopathique fibrosante, proche du syndrome de détresse respiratoire de l’adulte (SDRA), mais sans cause identifiable. Elle affecte le plus souvent des sujets jeunes et se caractérise par une toux et une dyspnée évoluant vers une insuffisance respiratoire aiguë en quelques jours ou quelques semaines. On peut noter de la fièvre et une leucocytose chez de nombreux malades [13]. Deux-tiers des malades décèdent dans les deux mois [13]. La pathogenèse repose probablement sur une lésion alvéolaire initiale majeure, ce qui diffère des lésions minimes répétées de la FPI. La lésion alvéolaire induit une prolifération fibroblastique diffuse, qui peut se résorber chez une minorité de patients et permettre ainsi la guérison. 2. Insuffisance respiratoire aiguë et fibrose pulmonaire En dehors de quelques données anciennes, la prise en charge en milieu de réanimation et le rôle de la ventilation mécanique dans le traitement des décompensations respiratoires aiguës des patients présentant une fibrose pulmonaire n’ont été que récemment décrits (Tableaux 4 et 5) [14–18]. Les modifications de la mécanique ventilatoire et des échan- Tableau 4 Série Patients (n) Durée de la maladie (mois) Âge moyen (années) CV CPT DLCO PaO2/FiO2 PaCO2 Nava [17] Stern [14] Blivet [16] Fumeaux [15] Saydain [18] Moyenne 7 23 15 14 32 – ND 53 64 72 68 64 19 41 55 72 58 49 26 48 54 60 63 50 21 30 55 49 35 38 5,8 10,9 15,1 14,9 ND 11,7 8,4 6,4 7,3 5,5 ND 6,9 ND ND 26,5 24,2 24 24 Caractéristiques des patients admis en réanimation pour insuffisance respiratoire aiguë compliquant une fibrose pulmonaire ND : non disponible, CV : capacité vitale (moyenne du collectif) en % de la valeur prédite, CPT : capacité pulmonaire totale (moyenne du collectif) en % de la valeur prédite, DLCO : capacité de diffusion du CO (moyenne du collectif) en % de la valeur prédite, PaO2/FIO2 : valeur moyenne à l’admission en kPa, PaCO2 : valeur moyenne à l’admission en kPa 40 T. Fumeaux et al. / Réanimation 12 (2003) 37–45 Tableau 5 Série Étiologie identifiée Infection Sepsis CST AB VNI VM Mortalité Nava [17] Stern [14] Blivet [16] Fumeaux [15] Saydain [18] Moyenne ND 39 60 15 53 42 ND 21 40 0 31 23 ND 64 40 86 25 54 ND 39 ND 57 ND 48 ND 21 ND 100 ND 60 ND ND 33 79 22 45 100 100 80 00 50 86 86 96 73 100 68 85 Évolution des patients admis en réanimation pour insuffisance respiratoire aiguë compliquant une fibrose pulmonaire (en % de la population totale) ND : non disponible Infection : présence d’une infection documentée ou probable à l’admission Sepsis : présence d’un tableau de sepsis à l’admission CST : traitement de corticoïdes introduit durant le séjour en réanimation AB : traitement antibiotique introduit durant le séjour en réanimation VNI : ventilation non invasive pratiquée lors du séjour en réanimation VM : ventilation mécanique invasive instaurée lors du séjour en réanimation ges gazeux [19,20] varient en fonction de l’étiologie de la fibrose [21]. L’atteinte interstitielle entraîne une diminution précoce de la capacité de transfert du CO (DLCO) [6] et une hypoxémie progressive, entraînant une hyper-ventilation compensatoire. Les fonctions pulmonaires révèlent un syndrome restrictif, avec une diminution de la Capacité pulmonaire totale (CPT) et de la Capacité vitale forcée (CVF). La compliance pulmonaire ne diminue que dans les stades avancés de la maladie [6,20]. L’espace mort est le plus souvent augmenté, sans diminution significative de la ventilation minute, du fait de l’hyper-ventilation compensatoire. Enfin, on peut mettre en évidence une diminution de la variabilité de l’amplitude et de la fréquence de la respiration [22]. 2.1. Mécanismes de l’hypoxémie La diminution de la DLCO résulte de troubles de la diffusion de l’oxygène et de modifications du rapport ventilation/perfusion (VA/Q) [6,23]. Les troubles de la diffusion proviennent d’une diminution de la taille effective du lit capillaire pulmonaire et d’un épaississement de la barrière alvéolocapillaire [19]. Toute altération de la barrière alvéolocapillaire peut aggraver l’hypoxémie, comme par exemple lors d’œdème pulmonaire inflammatoire, hydrostatique ou lésionnel. Les troubles du rapport VA/Q consistent essentiellement en une augmentation de l’admission veineuse et sont plus importants dans la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) que dans les formes secondaires de fibrose [21]. À l’effort, la majoration de l’admission veineuse est le principal mécanisme de l’aggravation de l’oxygénation, les troubles de la diffusion ne participant que dans une moindre mesure. Dans les formes peu sévères, la réponse vasoconstrictrice hypoxémique permet un contrôle partiel des troubles VA/Q et le maintien de la PaO2 de repos [24]. La perte de cette réponse, par exemple en cas d’infection [25,26], majore l’hypoxémie. L’hypertension de l’artère pulmonaire (HTAP), est fréquente et résulte de la vasoconstriction hypoxique [27], sauf dans les formes secondaires aux collagénoses, où elle en est également la conséquence. L’HTAP peut entraîner une dysfonction du ventricule droit chez un nombre significatif de patients [28]. 2.2. Mécanismes de l’hypercapnie La ventilation minute est maintenue par le renforcement de la performance des muscles inspiratoires, avec une augmentation de la fréquence respiratoire et du volume courant [6,29]. L’hypercapnie est donc rare et ne s’observe que dans les phases terminales de la maladie ou lors d’épisodes de décompensation aiguë : l’augmentation des résistances et/ou de l’élastance peut alors surpasser la capacité d’adaptation des muscles et la respiration devient rapide et superficielle, avec une hypercapnie progressive. La diminution de la performance des muscles, consécutive à la dénutrition, à l’hypoxémie, à l’acidose, à une insuffisance cardiaque, ou à une myopathie surajoutée, aboutit aux même conséquences. Enfin, l’augmentation de l’espace mort, accompagnant la progression de la maladie fibrotique ou résultant d’une pathologie pulmonaire surajoutée [6], peut également réduire la ventilation alvéolaire effective. 2.3. Évolution de l’insuffısance respiratoire L’insuffisance respiratoire évolue le plus souvent lentement et progressivement vers l’insuffisance respiratoire terminale. Si le caractère terminal de l’insuffisance respiratoire est clairement identifié, la demande d’un soutien ventilatoire en milieu de réanimation est rare. C’est donc le plus souvent la progression rapide de l’insuffisance respiratoire, conséquence d’un événement intercurrent, qui conduit le patient en réanimation. Mais il n’est pas toujours facile pour l’entourage familial et médical du patient de se prononcer sur le caractère aigu ou terminal de la situation et certains patients seront admis en soins intensifs sans identification ultérieure d’une pathologie aiguë [14,15]. Même en l’absence de décompensation aiguë, les patients inscrits sur une liste de greffe pour leur fibrose sont parfois admis dans l’attente de l’intervention [14,17]. 3. Causes d’insuffisance respiratoire aiguë lors de fibrose pulmonaire Les principales causes de morbidité et de mortalité de la fibrose pulmonaire idiopathique ont été décrites [30], mais T. Fumeaux et al. / Réanimation 12 (2003) 37–45 leur fréquence ne correspond pas à la situation à laquelle sont confrontés les réanimateurs. Bien qu’elles soient moins décrites, il est probable que les causes de décompensation aiguës sont très similaires dans les formes secondaires. En réanimation, la cause de la décompensation respiratoire aiguë n’est souvent pas clairement identifiée [14–16]. La progression de l’atteinte interstitielle, est la cause de détérioration clinique la plus fréquente dans la FPI (39 %) et s’accompagne de signes et symptômes non spécifiques [30]. Elle peut être brutale dans les phases terminales de la maladie, faisant évoquer une décompensation aiguë [14–16,18,30]. Les infections sont directement responsables du décès de 2 à 4 % des patients avec FPI [30] et d’un nombre significatif de patients présentant une fibrose secondaire. En réanimation, cette proportion est probablement bien plus importante [14–16,18], car l’association de la fibrose et des traitements immunosuppresseurs fréquemment prescrits augmente le risque d’infection bronchopulmonaire. Leur documentation bactériologique est souvent difficile [14–16,18] et nécessite de nombreux prélèvements (hémocultures, coloration de Gram et culture des expectorations, des aspirations trachéales ou mieux d’un prélèvement bronchoscopique), voire des techniques immunologiques (antigène urinaire de Legionnella, sérologies virales ou bactériennes) ou de biologie moléculaire (immunofluorescence, PCR). Les germes communautaires [16], sont probablement responsables des infections les plus fréquentes, avec une proportion importante de germes résistants. Les virus communs, comme les adénovirus, les rhino-virus, les virus de l’influenza et les virus du groupe herpès peuvent également être responsables d’épisodes d’insuffisance respiratoire aiguë [16]. En ce qui concerne les infections à germes opportunistes, les données de la littérature sont rares, même si ces patients appartiennent à un groupe à risque. La réactivation d’une infection à Cytomegalovirus[18,31], ou des infections à Pneumocystis carinii[16] ou à Aspergillus[18,32] ont été décrites. Une réactivation ou une primo-infection tuberculeuse doit être considérée, en particulier lors de traitement stéroïdien ou immunosuppresseur. Du fait de leur mobilité réduite, de leur mauvaise fonction ventriculaire droite et de la présence fréquente d’un cancer bronchopulmonaire [30], l’embolie pulmonaire (EP) aiguë cause le décès de 3 à 7 % des patients avec FPI [30]. Elle doit être évoquée lors de décompensation aiguë [18], mais le diagnostic est difficile car la présentation clinique est peu spécifique et l’interprétation de la scintigraphie pulmonaire est malaisée. Le CT-scan thoracique permet un diagnostic de certitude dans la majorité des situations. L’insuffisance cardiaque est responsable du décès d’un quart des patients avec FPI [30] et peut entraîner des décompensations respiratoires aiguës [14,18]. La cardiopathie, qui est le plus souvent indépendante de l’atteinte pulmonaire, peut être aggravée par l’hypoxémie ou l’hypercapnie. Une atteinte ventriculaire droite sévère peut également être une cause de décompensation cardiaque. 41 Les pneumothorax et pneumomédiastins sont rarement associés au décès des patients avec FPI [30], mais sont reportés lors de décompensation aiguë [14,16,18], plus rarement dans les fibroses secondaires [33]. Le carcinome bronchique, qui se développe fréquemment au cours de l’évolution de la FPI [30] conduit rarement à une insuffisance respiratoire sévère. Enfin, une myopathie aiguë, consécutive à un traitement stéroïdien par exemple ou une pneumopathie interstitielle non infectieuse, par exemple lié au méthotrexate, peuvent provoquer une décompensation respiratoire aiguë chez les patients avec fibrose pulmonaire. La fibrose pulmonaire aiguë idiopathique ou pneumonie interstitielle aiguë (syndrome de Hammann-Rich), doit être évoquée chez tout patient présentant une insuffisance respiratoire aiguë sévère et une image radiologique d’infiltrat alvéolo-interstitiel. 4. Démarche diagnostique lors d’insuffisance respiratoire aiguë sur fibrose pulmonaire 4.1. Anamnèse, examen clinique et examens de base Le but des investigations est de déceler une pathologie aiguë traitable. Les symptômes et signes d’insuffisance respiratoire chronique rendent l’examen clinique difficile. L’anamnèse a une faible valeur d’orientation diagnostique, mais permet de préciser la rapidité d’évolution ; elle oriente parfois le diagnostic vers une infection ou une insuffisance cardiaque. L’examen clinique révèle le plus souvent des signes de détresse respiratoire (tachypnée, tirage, muscles accessoires, battement des ailes du nez, cyanose) et permet de juger cliniquement de la sévérité. L’auscultation pulmonaire est difficile et peu contributive. La radiographie du thorax est toujours anormale [6] et son interprétation est compliquée lors de décompensation aiguë. La comparaison avec des examens antérieurs permet parfois de remarquer une nouvelle image pathologique. Une infection est suggérée par les marqueurs inflammatoires classiques, comme la leucocytose, la déviation gauche, l’élévation de la protéine C-réactive ou de la procalcitonine, mais leur valeur prédictive n’a jamais été évaluée dans ce groupe de patients. La mise en évidence de troubles électrolytiques (hypophosphorémie, hypo/hyperkaliémie) ou de troubles métaboliques (insuffisance rénale ou hépatique) permet un traitement causal de la décompensation respiratoire et l’examen des gaz du sang permet de grader la sévérité. 4.2. Examens complémentaires Dans les séries publiées [14–16,18], l’approche thérapeutique a été guidée sur la base de ces examens, sans amélioration apparente du pronostic. Il faut donc considérer chacun de ces examens pour chaque patient, avec comme finalité la mise en évidence d’une pathologie aiguë traitable et réversible. Le seuil de suspicion clinique d’EP doit être bas et l’absence de diagnostic alternatif définitif impose son exclusion par des examens complémentaires, en suivant le protocole 42 T. Fumeaux et al. / Réanimation 12 (2003) 37–45 diagnostique habituel. Le CT-scan thoracique, avec acquisition veineuse précoce suivie d’images plus tardives, permet d’exclure un épisode thromboembolique aigu, de juger de l’évolution de la fibrose par comparaison avec des examens antérieurs [6] et parfois de poser un diagnostic spécifique expliquant la décompensation aiguë. C’est donc un examen très utile, même si son impact sur le pronostic n’a jamais été évalué. Le lavage broncho-alvéolaire (LBA) n’a qu’une utilité limitée dans la prise en charge initiale de la fibrose pulmonaire [6]. Dans les décompensations respiratoires aiguës, le rôle du LBA n’est pas documenté et il peut être la cause d’une exacerbation de la fibrose pulmonaire [14,34] et d’une péjoration des échanges gazeux, probablement en induisant la circulation de cytokines [35]. De ce fait, la prescription et l’interprétation des données du LBA doivent être prudentes chez les patients avec fibrose pulmonaire. Une prédominance lymphocytaire peut suggérer une pneumonie d’hypersensibilité, une granulomatose pulmonaire, une BOOP ou une autre pneumonie interstitielle, avec une réponse possible aux stéroïdes. Une prédominance de polymorphonucléaires neutrophiles suggère au contraire une poussée de fibrose [6] ou une surinfection [6,16]. La biopsie pulmonaire chirurgicale au lit du malade est praticable chez les patients avec atteinte interstitielle aiguë, même en présence de ventilation mécanique, bien que la mortalité associée ne soit pas négligeable. Ce geste modifie la prise en charge thérapeutique chez la majorité des malades [36]. Dans la fibrose pulmonaire décompensée, il permet de confirmer le diagnostic et de préciser l’histologie, surtout chez les sujets n’ayant pas eu de biopsie préalable [6] et parfois de détecter une pathologie aiguë surajoutée. Dans les séries publiées [14–16,18], l’impact de la biopsie sur le pronostic semble limité. 5. Prise en charge thérapeutique des épisodes de décompensation respiratoire aiguë chez les patients avec fibrose pulmonaire 5.1. Fibroses pulmonaires en réanimation : études récentes Récemment, cinq groupes ont rapporté des données concernant des patients connus pour une fibrose pulmonaire admis en réanimation pour une insuffisance respiratoire aiguë [14–18], une des séries ayant également inclus des patients admis en dehors d’une insuffisance respiratoire aiguë [18]. Au total, les caractéristiques de 91 patients admis pour une insuffisance respiratoire aiguë sont décrites : ces malades présentent essentiellement des formes idiopathiques de fibroses, avec un large échantillon du spectre de sévérité de la maladie (Tableau 4). En effet, certains de ces patients étaient en attente de greffe, alors que d’autres n’avaient jamais décrit de déficit fonctionnel subjectif avant leur admission. Tous présentaient une insuffisance respiratoire hypoxémique aiguë sévère, la cause de cette décompensation n’ayant pu être déterminée avec certitude que chez une minorité des malades (Tableau 5). La majorité des patients a bénéficié d’un soutien ventilatoire mécanique, à l’exception de 6 patients (19 %) dans une série [18]. Chez un nombre significatif de patients, une tentative de Ventilation non invasive (VNI) a été instaurée, mais dans la majorité des cas, cette thérapie s’est révélée être un échec. L’évolution sous ventilation mécanique invasive est caractérisée par une difficulté croissante à maintenir la ventilation alvéolaire, sans amélioration notable des paramètres de l’oxygénation. La mortalité globale approche les 90 %, en dépit des traitements instaurés. La mortalité chez les patients n’ayant reçu aucune thérapie de soutien ventilatoire n’est pas précisée [18]. Ces données, certes fragmentaires et descriptives, mettent cependant en évidence le pronostic extrêmement sombre de ces malades. Elles permettent également de discuter certains points de la prise en charge à proposer dans cette situation. Mais en l’absence de données plus précises et spécifiques, aucune recommandation formelle ne peut être formulée. 5.2. Place du monitorage hémodynamique Il n’existe pas de données spécifiques sur l’utilité du monitorage hémodynamique des patients présentant une insuffisance respiratoire aiguë sur une fibrose pulmonaire. L’évaluation de la volémie et du débit cardiaque, par un cathéter pulmonaire, une échocardiographie transœsophagienne ou par d’autres techniques, peut permettre d’optimiser l’oxygénation, particulièrement en évitant une surcharge pulmonaire ou un petit débit cardiaque et en limitant les interactions délétères entre la ventilation et l’hémodynamique. Mais il faut souligner que la validité des objectifs thérapeutiques déterminés sur la base de ces examens n’a jamais été établie. Une étude multicentrique est actuellement en cours dans le Syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) pour évaluer l’utilité du cathétérisme pulmonaire. Les résultats de cette étude seront intéressants pour la prise en charge des patients avec fibrose pulmonaire chronique. 5.3. Ventilation non invasive (VNI) La VNI est un outil efficace dans les insuffisances respiratoires hypercapniques [37], mais son efficacité en cas d’hypoxémie aiguë n’est bien démontrée que dans l’œdème pulmonaire cardiogénique [38]. Dans trois séries rétrospectives [15,16,18], un nombre significatif de patients avec fibrose pulmonaire admis en réanimation pour une décompensation respiratoire aiguë ont bénéficié de VNI (Tableau 5). Une minorité d’entre eux seulement a pu échapper à l’intubation (4/22) et au décès (3/22). Il est probable que la VNI ne permet d’éviter une intubation que chez certains malades, à savoir ceux qui présentent une décompensation respiratoire modérée, déclenchée par un processus rapidement réversible. La VNI peut donc être proposée, mais la réponse au traitement doit être évidente après quelques heures. Dans le cas contraire, la poursuite de la VNI semble vouée à l’échec. T. Fumeaux et al. / Réanimation 12 (2003) 37–45 5.4. Inhalation de monoxyde d’azote (NO) L’inhalation de NO permet une amélioration significative de l’oxygénation chez des patients avec FPI [39] et a été administrée à quatre patients en ventilation mécanique [14], sans amélioration notable des échanges gazeux ou du pronostic. Si cette modalité thérapeutique parait intéressante dans cette situation, il est trop tôt pour recommander son utilisation systématique. 5.5. Ventilation mécanique invasive (VM) La VM est rarement instaurée chez les patients présentant une insuffisance respiratoire aiguë sévère sur une fibrose pulmonaire et elle est associée à une mortalité majeure (Tableau 5) [14–18]. L’instauration de la VM s’accompagne d’une augmentation de la mortalité, sans que l’on puisse dire si ce phénomène lui est directement attribuable [18]. L’évolution sous VM est marquée par l’aggravation progressive de la PaCO2 , sans amélioration significative de l’oxygénation [14,15]. Ceci résulte de l’augmentation progressive de l’élastance et des résistances pulmonaires [17], de manière plus marquée que chez les patients présentant un SDRA sévère. La baisse du volume pulmonaire entraîne une diminution de la compliance statique [17]. L’augmentation de la rigidité pulmonaire et dans une faible mesure de la paroi thoracique [17] et la déplétion en surfactant [40] peuvent également participer à la baisse de la compliance. Comment expliquer cette détérioration progressive de la mécanique pulmonaire lors de VM invasive ? Un processus infectieux peut entraîner une diminution de la ventilation alvéolaire effective par comblement alvéolaire. Cette complication ne survient pas chez tous les patients (Tableau 5) [14–16,18] et n’influence pas l’évolution des valeurs de la PaCO2 par rapport aux autres patients, sous réserve de la petite taille des populations étudiées. Il est donc permis de se demander si la VM par elle-même est délétère chez ces patients. La VM peut induire des lésions par la pression et le volume, mais également par le stress mécanique [41] qu’elle génère. Ce dernier phénomène, appelé biotrauma, résulte directement de l’étirement cellulaire cyclique qui induit la sécrétion de cytokines inflammatoires [42] et le recrutement de neutrophiles, précipitant la constitution de nouvelles lésions. Ces dernières aggravent la mécanique ventilatoire et les échanges gazeux et conduisent à l’insuffisance respiratoire terminale. Si cette hypothèse séduisante n’est pas prouvée chez les patients avec fibrose pulmonaire, dans le SDRA, qui constitue une forme aiguë de fibrose pulmonaire, la ventilation mécanique protective permet une amélioration significative de la mortalité [43], résultant probablement de la diminution des lésions induites par la VM [44]. La mortalité du SDRA est corrélée à l’hypercapnie, elle-même liée à une augmentation significative de l’espace mort induit par les lésions alvéolaires [45]. Il est permis de penser que les effets délétères de la ventilation mécanique sont comparables dans le SDRA et la fibrose pulmonaire. Aussi, bien qu’aucune donnée publiée ne le démontre, il apparaît raison- 43 nable de proposer une ventilation mécanique protective lors d’insuffisance respiratoire aiguë survenant sur un terrain de fibrose pulmonaire. Lors de l’instauration de la ventilation mécanique, il apparaît donc important de limiter la pression moyenne des voies aériennes (en dessous de 35 cm H 2 O ), de réduire le volume courant (en dessous de 8 ml/kg de poids corporel) et de fixer la Pression expiratoire positive (PEP) en fonction de l’oxygénation. Le monitoring de la mécanique ventilatoire (par mesure des courbes pression–volume) peut parfois se révéler intéressant, comme dans le SDRA. 5.6. Autres modalités thérapeutiques Dans les tableaux de sepsis ou de pneumonie, l’instauration d’une antibiothérapie correctement ciblée permet une amélioration de la survie. Dès lors, dans la fibrose pulmonaire, l’antibiothérapie paraît également justifiée lors d’infection documentée ou hautement probable [14–16]. Cependant, il est probable que l’impact d’un tel traitement, même bien conduit, soit faible : en effet, l’évolution clinique et la mortalité des patients recevant une antibiothérapie ne diffère pas de celle des autres malades. Du fait de leur relative inefficacité dans le contrôle de l’évolution de la fibrose pulmonaire idiopathique stable [6], les traitements immunosuppresseurs n’ont tout au plus qu’un rôle modeste dans les décompensations respiratoires aiguës. L’introduction d’une immunosuppression augmente également le risque d’acquisition d’une infection nosocomiale. Les fibroses pulmonaires secondaires représentent des situations particulières, pour lesquelles le recours à un traitement immunosuppresseur est dicté par la maladie de base. Dans les séries rétrospectives [14–16], la majorité des patients ont reçu un traitement stéroïdien, sans que l’évolution des échanges gazeux, de la mécanique ventilatoire et de la mortalité, ne paraisse modifiée. Si le recours à la transplantation pulmonaire permet de prolonger la survie des patients présentant une fibrose pulmonaire [6], une telle décision est prise dans la majorité des cas en dehors d’une phase de décompensation aiguë. Pour les patients admis en réanimation, la situation est radicalement différente. La décision doit être prise en urgence, en l’absence de critères bien définis. Si le patient est déjà inclus sur une liste d’attente [14] et ne présente pas de contre-indication à la greffe, une intervention urgente devient indiquée. Dans les autres cas, la décision dépend du pronostic de la fibrose et de la décompensation aiguë. Chez les patients dépendants de la ventilation mécanique, la greffe uni- ou bipulmonaire urgente est de moins bon pronostic que dans une situation élective [46]. Enfin, le délai de disponibilité d’un greffon et l’âge avancé des patients ne permettent pas souvent le recours à la greffe. 44 T. Fumeaux et al. / Réanimation 12 (2003) 37–45 6. Évaluation du pronostic de la ventilation mécanique chez les patients avec fibrose pulmonaire L’ âge et les co-morbidités sont des facteurs déterminants, de même que le caractère idiopathique ou secondaire de la fibrose. Dans cette dernière situation, l’évolution de la maladie primaire et les atteintes d’organes sont des éléments importants. L’histologie de la fibrose pulmonaire conditionne son pronostic, la pneumonie interstitielle usuelle présentant l’évolution la plus défavorable [47]. Le stade d’évolution de la fibrose, apprécié par l’évolution histologique, radiologique et fonctionnelle pour les fibroses idiopathiques [48] et par l’atteinte fonctionnelle, évaluable par le test de marche de 6 min, pour les fibroses secondaires [9], doit être pris en compte. À long terme, moins de la moitié des patients présentant une fibrose pulmonaire survivent au-delà de 5 ans et les patients en attente de greffe ont une mortalité supérieure à 25 % après un an [49]. Enfin, la pathologie aiguë responsable de l’insuffisance respiratoire aiguë est un élément pronostic important. Mais dans tous les cas, le recours à la ventilation mécanique est grevé d’une mortalité aux soins intensifs majeure (Tableau 4 et 5) [14–16,18], les rares survivants décédant pour la plupart dans les semaines suivant leur sortie des soins intensifs [18]. Les patients présentant une syndrome de Hamman et Rich constituent une exception relative, avec une mortalité associée à la ventilation mécanique légèrement inférieure [13]. 7. Problèmes éthiques liés à l’admission en réanimation des patients présentant une fibrose pulmonaire 8. Conclusions Les fibroses pulmonaires, qu’elles soient idiopathiques ou secondaires à des maladies systémiques, sont des entités peu fréquentes dans la population générale. La survenue d’une insuffisance respiratoire aiguë sévère nécessitant l’admission en milieu de réanimation et l’institution d’un soutien ventilatoire sont également des événements rares. Cependant, la mortalité associée au recours à la ventilation mécanique invasive dans de telles situations est majeure, en dépit d’une prise en charge optimale. De ce fait, le réanimateur se trouve confronté à des décisions difficiles, tant du point de vue éthique, que du point de vue diagnostique et thérapeutique. En l’absence de données précises de la littérature, il paraît important de fixer des objectifs thérapeutiques raisonnables, en tenant compte du mauvais pronostic global des fibroses pulmonaires et de la ventilation mécanique chez ces patients. Références [1] [2] [3] [4] [5] L’admission en milieu de réanimation conditionne toute la prise en charge ultérieure. C’est pourquoi, en plus des critères habituels, le praticien doit prendre en compte l’évaluation du pronostic à court et moyen terme de l’insuffisance respiratoire et des pathologies surajoutées. La demande du malade et de son entourage est également primordiale dans cette décision, qui doit être continuellement reconsidérée en fonction de l’évolution de la situation. Des objectifs thérapeutiques précis doivent être déterminés et discutés préalablement avec le malade. Dans la plupart des cas, l’intubation, qui représente une étape très symbolique, doit faire partie des interventions fixées par ce cadre thérapeutique. Toute décision d’abstention ou de retrait thérapeutique doit être motivée par une évolution hors de ce cadre thérapeutique. L’aggravation des échanges gazeux ou de la mécanique ventilatoire, comme la survenue de complications infectieuses ou de défaillance d’organes, imposent la considération de telles décisions. Comme pour toute pathologie pouvant menacer la survie de manière brutale, le médecin traitant du patient doit organiser, le plus souvent possible, une discussion avec le malade et son entourage. Cette entrevue permet de les confronter à l’admission potentielle en réanimation et à son pronostic et doit permettre de discuter « à froid » les objectifs et des limites de la prise en charge éventuelle. [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] Valeyre D, Brauner M, Cadranel J. Approche diagnostique des pneumopathies infiltrantes diffuses. Rev Prat 2000;50(17):1879–87. Crystal RG, Gadek JE, Ferrans VJ, Fulmer JD, Line BR, Hunninghake GW. 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