L’Encéphale (2012) 38, 111—117 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP MÉMOIRE ORIGINAL Qualité de vie des malades atteints de schizophrénie : étude de 100 cas Quality of life in patients with schizophrenia: A study of 100 cases L. Zouari ∗, J. Ben Thabet , Z. Elloumi , M. Elleuch , N. Zouari , M. Maâlej Service de psychiatrie « C », CHU Hédi Chaker, route El Aïn km 1, Sfax 3029, Tunisie Reçu le 28 avril 2010 ; accepté le 22 novembre 2010 Disponible sur Internet le 25 mai 2011 MOTS CLÉS Facteurs de risque ; Psychose ; Qualité de vie ; Schizophrénie ; SF-36 KEYWORDS Psychosis; Quality of life; Risk factors; Schizophrenia; SF-36 ∗ Résumé Objectif. — Évaluer la QDV de malades atteints de schizophrénie, traités à titre externe, et identifier les facteurs corrélés à une QDV altérée chez eux. Sujets et méthodes. — Étude sous forme d’enquête auprès de 100 malades traités à titre externe en psychiatrie. Leur QDV a été évaluée par la SF-36. Résultats. — Le taux des malades ayant une QDV altérée était de 34 %. Les dimensions les plus touchées étaient : la santé psychique, la santé perçue, la vitalité, les limitations dues à la santé physique et les limitations dues à la santé psychique. L’analyse par régression linéaire multiple a montré quatre facteurs fortement corrélés à une QDV altérée : l’inactivité professionnelle, le cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes, la présence d’effets indésirables influençant modérément la vie quotidienne et un score de la psychopathologie générale d’au moins 26. Conclusion. — La connaissance des facteurs d’altération de la QDV permettrait d’optimiser la prise en charge. Les antipsychotiques atypiques apportent une contribution précieuse dans ce sens. © L’Encéphale, Paris, 2011. Summary Objective. — The aim of the present study was to evaluate the quality of life (QOL) in outpatients with schizophrenia, and to identify factors correlated to an impaired QOL among them. Subjects and methods. — A transversal study, in the form of an inquiry, was conducted in 100 outpatients, during seven months, in the psychiatric department of the Hedi Chaker teaching hospital in Sfax — Tunisia. We used the ‘‘36 item Short-Form Health Survey’’ (SF-36) to assess the QOL; this has been considered as impaired when the global medium score was inferior to Auteur correspondant. Adresse e-mail : lobna [email protected] (L. Zouari). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011. doi:10.1016/j.encep.2011.03.005 112 L. Zouari et al. 66.7. For the global assessment of functioning and the global assessment of the interference by existing side effects with the patient’s daily performance, we have used respectively the Global Assessment of Functioning scale (GAF) and the Udvalg of Kliniske Undersogelser (UKU) side effect rating scale. The positive and negative symptoms added to the general psychopathology were assessed using the Positive and Negative syndrome scale (PANSS). Results. — The QOL was impaired in 34% of the cases. The analysis of the scores of the eight dimensions by the scale SF-36 has shown that the most affected dimensions were, in decreasing order: mental health (MH), general health perceptions (GH), vitality (VT), role limitations due to physical health problems (RP) and role limitations due to emotional problems (RE). The standardization revealed that six dimensions were impaired; these were, in decreasing order: mental health (MH), social functioning (SF), role limitations due to emotional problems (RE), role limitations due to physical health problems (RP), general health perceptions (GH) and physical functioning (PF). The standardization has also revealed an impairment of the psychological component, while the physical component has been conserved. After analysis by multiple linear regression, four factors appeared strongly correlated with the impaired QOL: the professional inactivity, the episodic course with interepisode residual symptoms, the presence of side effects moderately influencing the daily performance, and a general psychopathology score for 26 at least. These four factors affected, in decreasing order of importance, social functioning (SF) (related to two factors), general health perceptions (GH) and role limitations due to emotional problems (RE) (each related to one factor). None of the factors appeared to affect the other dimensions: physical functioning (PF), role limitations due to the physical health problems (RP), bodily pain (BP), mental health (MH) and vitality (VT). The bivariate analysis revealed three other factors correlated, to a lesser degree, to the impairment of the QOL: the disorganized sub-type, a score of (GAF) inferior or equal to 30 and the negative type of schizophrenia. Conclusion. — Management of schizophrenic patients should go beyond the remission of the symptoms; it has also to target the improvement in QOL. This needs an action over the factors that affect the QOL, among which residual symptoms and side effects. The atypical antipsychotics would contribute preciously in this way, due to their efficacy on negative symptoms and their better tolerance than the conventional ones. © L’Encéphale, Paris, 2011. Introduction Sujets et méthodes La schizophrénie, par sa prévalence élevée (0,4 à 1 %) [4,11], son évolution chronique et ses répercussions sociales, constitue un enjeu majeur pour les professionnels de la santé [23]. Elle est classée par l’OMS parmi les dix pathologies les plus préoccupantes pour le xxie siècle. Des progrès conséquents, notamment l’avènement des neuroleptiques atypiques qui ont permis de mieux faire face non seulement aux symptômes positifs mais aussi et surtout aux symptômes négatifs de la maladie, ont amélioré la prise en charge des patients atteints de cette pathologie. Cependant, les critères d’évaluation, dont dispose le thérapeute, ne rendent pas toujours pleinement compte des symptômes et de leur intensité. C’est justement là que réside l’intérêt de l’évaluation de la qualité de vie (QDV). Celle-ci constitue un outil précieux, à côté des critères cliniques, biologiques ou d’imagerie, pour l’appréciation de l’impact de la maladie et l’ajustement des mesures thérapeutiques [23]. L’objectif de notre étude était d’évaluer la QDV d’une population hospitalière ambulatoire de malades atteints de schizophrénie et d’identifier les facteurs corrélés à une QDV altérée chez eux. Type et lieu de l’étude Notre étude était de type transversal, sous forme d’enquête au cours de laquelle une fiche a été remplie par l’examinateur à partir des données recueillies auprès du malade et de l’examen du dossier médical. Elle a été réalisée sur une période de sept mois, du 1er juillet 2007 au 31 janvier 2008. Population étudiée L’étude a concerné 100 malades atteints de schizophrénie, suivis à l’unité des consultations externes de psychiatrie au CHU Hédi Chaker à Sfax en Tunisie. Ces 100 malades ont été choisis au hasard parmi les consultants atteints de schizophrénie répondant aux critères d’inclusion et d’exclusion de l’étude. Critères d’inclusion Accord préalable du patient ; âge compris entre 20 et 65 ans ; diagnostic nosographique établi en référence au Qualité de vie des malades atteints de schizophrénie manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie, IVe édition, Texte Révisé (DSM-IV-TR) [1] ; durée d’évolution de la maladie d’au moins deux ans. Critères d’exclusion Présence d’une affection organique sévère décompensée, d’un retard mental ou de troubles cognitifs majeurs (en se basant sur le dossier et sur une appréciation clinique lors de l’interview), d’un épisode de décompensation sévère (indiquant l’hospitalisation) au moment de l’enquête. Méthodes Tous les patients de l’étude ont été rencontrés par l’examinateur. Pour chaque patient ont été recueillies les données sociodémographiques (âge, sexe, situation familiale, mode de vie, niveau d’études, situation professionnelle, niveau socioéconomique, zone de résidence), et cliniques (âge de début de la maladie, type de la schizophrénie selon le DSM-IV-TR, cours évolutif de la maladie, durée d’évolution de la maladie, nombre d’hospitalisations, durée cumulée des hospitalisations, durée et nature du traitement médicamenteux). Outils d’évaluation utilisés : • l’échelle « Positive and Negative Symptom Scale » (PANSS) pour l’évaluation de la sévérité de la pathologie et des symptômes positifs et négatifs [10] ; • l’échelle « 36-item Short-Form Health Survey » (SF-36) pour l’évaluation de la QDV [27]. Le questionnaire a été traduit, de sa forme originale en langue anglaise, à l’arabe littéraire. Cette échelle comporte 36 questions réparties en huit dimensions : • • • • • • • • D1 : D2 : D3 : D4 : D5 : D6 : D7 : D8 : activité physique ; limitations dues à l’état physique ; douleur physique ; santé psychique ; limitations dues à l’état psychique ; vie et relations avec les autres ; vitalité ; santé perçue. Les huit dimensions sont regroupées en une composante physique (D1, D2, D3, D8) et une composante psychique (D4, D5, D6, D7). Les réponses aux questions sont cotées de 0 à 100. Un score moyen est calculé pour chaque dimension. Le score moyen global (SMG) est obtenu par le calcul de la moyenne des réponses aux 36 questions. Selon Léan et al. [18], la QDV est considérée comme altérée si le SMG est inférieur à 66,7 : • l’échelle d’évaluation globale du fonctionnement (EGF) [1] ; • l’échelle UKU des effets secondaires pour l’évaluation globale de l’interférence des effets indésirables avec la vie quotidienne du patient [20]. 113 Analyse statistique Les données ont été codées et saisies grâce au logiciel « SPSS » dans sa version 15. L’étude statistique a comporté une étape descriptive et une étape analytique dans laquelle les scores moyens des huit dimensions de la SF-36 ont fait l’objet d’une analyse bivariée, par croisement avec les variables sociodémographiques et cliniques ainsi qu’avec les scores obtenus à la PANSS et l’EGF, en utilisant chaque fois, pour les comparaisons statistiques, le test Chi2 (2 ). Le seuil de signification retenu était de 5 %. Ensuite, nous avons effectué une analyse multivariée, de type régression linéaire multiple, afin de préciser les corrélations entre les scores moyens des dimensions de la SF-36 et les différentes variables étudiées. Les coefficients de régression multiple ß et R2 , ainsi que les significations statistiques, visaient à déterminer les facteurs les plus incriminés dans l’altération de la QDV des malades de notre étude. Résultats Profil général de la série Les patients de notre étude avaient une moyenne d’âge de 41 ans six mois, un sex-ratio de 3,54 et un niveau d’instruction bas dans 66 % des cas ; ils étaient mariés dans 34 % des cas, inactifs ou irréguliers sur le plan professionnel dans 68 % des cas ; leur niveau socioéconomique était bas dans 93 % des cas et ils résidaient en zone urbaine dans 54 % des cas. L’âge moyen de début de la maladie était de 25 ans trois mois, et l’ancienneté moyenne de la maladie était de 16,4 ans. Il s’agissait de schizophrénie de type paranoïde dans 75 % des cas, et le cours évolutif était de type épisodique sans symptômes résiduels entre les épisodes dans 53 % des cas. Le nombre moyen des hospitalisations était de 3,65 avec une durée cumulée des hospitalisations de 82,5 jours ; 90 % recevaient une association de psychotropes et 52 % ont signalé des effets indésirables. Le niveau de sévérité des symptômes était faible pour 90 % (score de psychopathologie générale à la PANSS inférieur à 25) et le score de l’EGF était d’au maximum 70 pour 85 %. Évaluation de la QDV Les scores moyens globaux (SMG) de la SF-36 de l’ensemble des patients variaient entre 27,54 et 92,87, avec une moyenne de 68,77 et un écart-type de 15,71. Trente-quatre pour cent avaient une QDV altérée (SMG inférieur à 66,7). L’analyse des scores des huit dimensions de l’échelle SF-36 a montré que les dimensions les plus touchées étaient, par ordre décroissant : la santé psychique (D4), la santé perçue (D8), la vitalité (D7), les limitations dues à la santé physique (D2) et les limitations dues à la santé psychique (D5) (Tableau 1). Pour une meilleure interprétation de nos résultats, nous avons procédé à la standardisation des scores moyens initiaux des huit dimensions de la SF-36 à une moyenne de 50, et un écart type de 10, conformément à l’étude en population générale « USA 98 » [26]. La standardisation a 114 Tableau 1 L. Zouari et al. Répartition de la série selon les scores moyens initiaux et standardisés de la SF-36. Dimension Score moyen initial Score standardisé Santé physique (D1) Limitations dues à la santé physique (D2) Douleur physique (D3) Santé psychique (D4) Limitations dues à la santé psychique (D5) Vie et relations avec les autres (D6) Vitalité (D7) Santé perçue (D8) Composante physique Composante mentale 82,50 64,75 80,50 60,09 68,66 70,80 64,20 63,52 72,98 65,76 49,79 46,26 54,38 41,51 45,33 44,42 53,43 46,92 50,96 44,54 montré que seulement deux dimensions de la SF-36 étaient non altérées : la vitalité (D7) et la douleur physique (D3) ; les altérations touchaient, par ordre décroissant : la santé psychique (D4), la vie et relations avec les autres (D6), les limitations dues à la santé psychique (D5), les limitations dues à la santé physique (D2), la santé perçue (D8) et la santé physique (D1). La standardisation a aussi montré une altération de la composante psychique, alors que la composante physique était conservée. Facteurs associés à l’altération de la QDV L’analyse bivariée a montré que l’altération de la QDV, chez nos malades, était corrélée à sept facteurs : l’inactivité professionnelle (p = 0,02), le sous-type désorganisé (p = 0,04), le cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes (p = 0,003), la présence d’effets indésirables influençant modérément la vie quotidienne (p = 0,001), un score de l’EGF inférieur ou égal à 30 (p = 0,03), le soustype négatif de la symptomatologie psychotique (p = 0,00) et un score de la psychopathologie générale d’au moins 26 (p = 0,00). Après analyse par régression linéaire multiple, quatre facteurs étaient apparus fortement corrélés à une QDV altérée : l’inactivité professionnelle, le cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes, la présence d’effets indésirables influençant modérément la vie quotidienne et un score de la psychopathologie générale d’au moins 26. Ces quatre facteurs touchaient, par ordre d’importance décroissante, les dimensions suivantes : la vie et relations avec les autres (D6) (qui étaient liées à deux facteurs), la santé perçue (D8) et les limitations dues à la santé psychique (D5) (qui étaient liées chacune à un facteur). Aucun facteur ne touchait la santé physique (D1), les limitations dues à la santé physique (D2), la douleur physique (D3), la santé psychique (D4) et la vitalité (D7) (Tableau 2). Discussion Les limites de l’étude Notre étude était de type transversal. Ce type d’étude, relativement facile à réaliser, ne permet toutefois pas d’assurer une vision longitudinale de l’impact de la schizophrénie sur la QDV, sachant qu’une telle vision est essentielle pour la recherche étiologique et des facteurs de risque qui peuvent être mis en cause dans l’altération de la QDV. Pour la mesure de la QDV, nous avons utilisé un instrument générique multidimensionnel, en l’occurrence, la SF-36, en considérant ses avantages et sa pertinence. C’était initialement un autoquestionnaire devant être rempli par le sujet lui-même, après lecture des consignes dans des conditions aussi standardisées que possible, permettant une utilisation simple, répétée si besoin, sans distorsion des réponses dues au jugement d’un tiers comme les échelles d’hétéroévaluation ; elle est devenue une entrevue semidirigée, en raison de sa traduction de sa langue d’origine à l’arabe littéraire. Ce point soulève le problème important de l’adaptation de cet instrument à notre contexte socioculturel : à notre connaissance, cette échelle n’a pas été validée dans une population maghrébine, du moins jusqu’à la date de notre étude ; ce qui constitue l’une des limites de l’étude. Concernant la spécificité de cette échelle pour l’évaluation de la QDV chez les malades atteints de schizophrénie, Reine et al. [22] ont montré que l’utilisation d’un instrument générique tel que la SF-36 était appropriée pour de tels patients. Il n’en demeure pas moins que la SF-36, comme toutes les échelles génériques, pose le problème du manque de spécificité pour de tels malades ; par exemple, elle manque d’items relatifs aux fonctions cognitives, à la sexualité et aux ressources financières, dont l’évaluation est importante chez les malades atteints de schizophrénie. Il existe des instruments plus spécifiques telle la Schizophrenia Quality of Life (S-QoL). Discussion des résultats Mesure de la QDV Dans notre étude, 34 % des malades avaient une QDV altérée. L’analyse des scores des huit dimensions de l’échelle SF-36 a montré que les dimensions les plus touchées étaient, par ordre décroissant : la santé psychique (D4), la santé perçue (D8), la vitalité (D7), les limitations dues à la santé physique (D2) et les limitations dues à la santé psychique (D5). Nous avons confronté nos résultats à ceux de cinq études ayant utilisé la SF-36 pour l’évaluation de la QDV des patients atteints de schizophrénie (Tableau 3). L’analyse des résultats de ces différentes études montre que la santé physique (D1) était la dimension la plus pré- 11,4 0 R2 9,4 ß −0,304 p 0,042 0 9,4 R2 39,56 ß −0,47 p 0,000 50,16 R 10,6 ß 0,337 p 0,008 2 D4 0 D3 0 D2 Total R2 Cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes Présence d’effets indésirables influençant modérément la vie quotidienne Psychopathologie générale (Score ≥ 26) Inactivité professionnelle 0 D1 Variable corrélée à une QDV altérée Tableau 2 Corrélation entre les variables étudiées et les scores moyens des dimensions de la SF-36. D5 D6 D7 D8 R2 11,4 ß 0,243 p 0,029 Qualité de vie des malades atteints de schizophrénie 115 servée dans la plupart des études, y compris la nôtre. La dimension la plus touchée dans notre étude était la santé psychique (D4) ; alors qu’il s’agissait des limitations dues à la santé psychique (D5) dans les autres, à l’exception de celles de Pukrop et al. [21] et de Fleischhacker et al. [9], où c’était la vitalité (D7). Ces deux dernières dimensions figuraient parmi les cinq dimensions les plus altérées dans notre étude. La standardisation des scores moyens initiaux des huit dimensions de la SF-36, de notre étude, à une moyenne de 50, et la répartition de ces dimensions en deux composantes : physique et mentale, a montré que la composante psychique était altérée (46,32), alors que la composante physique était conservée (50,14). Dans les études de Kaneda et Ohmori [13,14,15], la composante psychique ainsi que la composante physique étaient altérées. Facteurs corrélés à l’altération de la QDV L’analyse par régression linéaire multiple, dans notre étude, a montré quatre facteurs (fortement) corrélés à une QDV altérée : l’inactivité professionnelle, un cours évolutif épisodique avec symptômes résiduels entre les épisodes, la présence d’effets secondaires influençant modérément la vie quotidienne et un score de la psychopathologie générale d’au moins 26. Dickerson [7] et Browne et al. [3] ont trouvé aussi une corrélation entre l’inactivité professionnelle et une QDV altérée chez des malades atteints de schizophrénie. Kapfer et Singer [16], dans une étude sur des schizophrènes travaillant aux centres d’aide par le travail, ont observé une amélioration nette des troubles chez la majorité, avec une diminution considérable du nombre de rechutes et de réhospitalisations et, par conséquence, un changement dans la QDV de ces malades. Concernant les effets indésirables, des études ont rapporté que leur intensité était corrélée aux doses cumulées du traitement. Dans ce sens, Verdoux et Bourgeois [25] ont fait remarquer que la plurithérapie psychotrope, souvent nécessaire, entraînait un risque accru d’effets indésirables, ce qui majorait l’altération de la QDV des patients. Certains auteurs [8,22] ont rapporté une corrélation négative entre les effets indésirables neurologiques et la QDV dans les groupes recevant des neuroleptiques classiques. D’autres auteurs [29] ont constaté une amélioration de la QDV sous neuroleptiques atypiques. L’évaluation de la symptomatologie psychotique, dans notre étude, a montré qu’un score de la psychopathologie générale d’au moins 26 était corrélé à une altération de la QDV. Des résultats comparables ont été rapportés dans plusieurs autres études utilisant la même échelle [2,3,12]. L’analyse bivariée, dans notre étude, a montré que l’altération de la QDV, chez nos malades, était corrélée, mais de façon moins forte que les quatre facteurs susmentionnés, au sous-type désorganisé, à un score de l’EGF ≤ 30 et au sous-type négatif de la symptomatologie psychotique. Quant à l’EGF, les données de la littérature [12,28] indiquent l’existence d’une corrélation très significative entre son score et la QDV ; ce qui paraît évident compte tenu 116 Tableau 3 L. Zouari et al. Comparaison des résultats des études ayant évalué la QDV par la SF-36, chez des malades atteints de schizophrénie. Auteurs Nombre des malades D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 Diaz et al. (1999) [5] Pukrop et al. (1999) [21] Kaneda et al. (2002) [13,14,15] Fleischhacker et al. (2005) [9] Kebede et al. (2005) [17] Notre étude (2008) 183 40 55 615 208 100 68,6 66,9 76,8 76,5 69,1 82,5 48,2 52,6 55,6 61 51,7 64,75 63,5 48,2 52,3 77,9 59,8 80,5 46,3 44,9 41,2 63,2 52,1 60,09 44,4 38,1 38,4 56,8 14,3 68,66 64,2 41,4 62,1 66 36,2 70,8 47,6 36,7 39,2 51,5 43 64,2 55,7 58,8 52,8 58,5 31,5 63,5 du fait que l’EGF évalue le fonctionnement psychologique, social et professionnel. D’autres facteurs corrélés à l’altération de la QDV ont été rapportés dans la littérature [3,6,7,19,24] : l’âge avancé, le statut matrimonial de veuf ou de divorcé, le niveau d’instruction bas, le nombre d’enfants ≥ 6, le niveau socioéconomique bas, une longue durée d’évolution de la maladie, la longue durée cumulée des hospitalisations, l’association de psychotropes et la mauvaise observance du traitement. Conclusion La prise en charge des malades souffrant de schizophrénie devrait aller au-delà de la rémission symptomatique, et cibler aussi l’amélioration de leur QDV, souvent altérée ; notre étude a montré qu’elle était altérée chez le tiers. Mais, il faudrait, au préalable, penser à évaluer de façon codifiée la QDV chez de tels malades. Il faudrait pour cela sensibiliser les médecins généralistes aussi bien que les psychiatres au concept de QDV et à la pertinence de l’utilisation des échelles de mesure codifiées, devenues désormais des instruments cliniques à part entière. L’optimisation de la prise en charge passe par une action sur les facteurs qui affectent la QDV, dont les symptômes résiduels et les effets indésirables. Les antipsychotiques atypiques, de par leur meilleure tolérance et leur action sur les symptômes négatifs, apportent une contribution précieuse dans ce sens. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM-IV) Washington DC, 1994. In: Guelfi JD, et al., editors. Paris: Masson; 1996. p. 147—52. [2] Ben Hamida L, Sellami W, Lachtaar F, et al. Schizophrénie et qualité de vie : étude clinique auprès d’une population de malades ambulatoires. Actes de la XIe journée tunisienne de psychiatrie. Ann Tun Psychiatrie 1993;3:79—81. [3] Browne S, Roe M, Lane A, et al. Quality of life in schizophrenia: relationship to sociodemographic factors, symptomatology and tardive dyskinesia. Acta Psychiatr Scand 1996;94:118—24. [4] Daléry J. Schizophrénie et autres troubles psychotiques. In: Guelfi JD, Rouillon F, editors. Manuel de psychiatrie. Paris: Elsevier Masson; 2007. p. 221—54. [5] Diaz P, Mercier C, Hakey R, et al. An evaluation of psychometric proprieties of the client’s. Questionnaire of the Wisconsin Quality of Life. Index-Canadian version (CaW-QLI). Qual Life Res 1999;8(6):504—14. [6] Dickerson FB, Boronow JJ, Ringel N, et al. Neurocognitive deficits and social functioning in outpatients with schizophrenia. Schizophr Res 1996;21:75—83. [7] Dickerson FB. Subjective quality of life in out-patients with schizophrenia. Clinical and utilisation correlates. Acta Psychiatr Scand 1998;98:124—7. [8] Divanon F, Delamillieure P, Lehaguez A, et al. Comparative evaluation of quality of life in patients with schizophrenia treated with conventional versus atypical neuroleptics: results of a transversal study. Encéphale 2006;32: 459—65. [9] Fleischhacker WW, Rabinowitz J, Kemmler G, et al. Perceived functioning, well-being and psychiatric symptoms in patients with stable schizophrenia treated with long-acting risperidone for 1 year. Br J Psychiatry 2005;187:131—6. [10] Guelfi JD. Évaluation clinique standardisée en psychiatrie. Boulogne: Édition médicale Pierre Fabre; 1997. Tome II, p. 585—91. [11] Hautecouverture S, Limosin F, Rouillon F. Épidémiologie des troubles schizophréniques. Presse Med 2006;35(3):CAH2:461—468. [12] Ho BC, Nopoulos P, Flaum M, et al. Two years outcome in first episode schizophrenia: predictive value of symptoms for quality of life. Am J Psychiatry 1998;43:262—5. [13] Kaneda Y. The impact of prolactin elevation with antipsychotic medications of subjective quality of life in patients with schizophrenia. Clin Neuropharmacol 2003;26(4):182—4. [14] Kaneda Y, Ohmori T. Impact of risperidone medication on quality of life and gonadol axis homones in schizophrenia male patients with acute exacerbation. Int J Neuropsychophamacol 2003;6(3):247—52. [15] Kaneda Y, Ohmori T. Quetiapine impact on quality of life in patients with schizophrenia. Ann Pharmacother 2003;37(6):917—8. [16] Kappfer TH, Singer L. Sociothérapie et schizophrénie, une expérience strasbourgeoise. Ann Psychiatr 1994;9(1):15—8. [17] Kebede D, Alem A, Shibre T, et al. Short-term symptomatic and functional outcome of schizophrenia in Butajira, rural Ethiopia. Schizophr Res 2005;78:171—85. [18] Lean MD, Michael EJ, Thung S, et al. Impairment of health and quality of life using new US federal guidelines for identification of obesity. Arch Inter Med 1999;159:837—43. [19] Perry W, Moore D, Braff D. Gender differences on thought disturbance measures among schizophrenic patients. Am J Psychiatry 1995;152(9):1298—301. [20] Pichot P.L’évaluation globale de l’interférence des effets indésirables avec la vie quotidienne du patient. In: In: Guelfi JD, editor. Évaluation clinique staandardisée en psychiatrie., Tome II. Boulogne: Édition médicale Pierre Fabre; 1997. p. 667. [21] Pukrop R, Schlaak V, Möller-Leimkühler AM, et al. Reliability and validity of quality of life assessed by the short-form 36 and the modular system for quality of life in patients with Qualité de vie des malades atteints de schizophrénie [22] [23] [24] [25] schizophrenia and patients with depression. Psychiatry Res 2003;119:63—79. Reine G, Simeoni MC, Auquier P, et al. Assessing health-related quality of life in patients suffering from schizophrenia: a comparison of instruments. Eur Psychiatry 2005;20:510—9. Simeoni MC, Auquier P, Lançon C, et al. Revue critique des instruments de mesure de la qualité de vie dans la schizophrénie. Encéphale 2000;26:35—41. Stephens JH. Long-term prognosis and follow-up in schizophrenia. Schizophr Bull 1988;4:25—7. Verdoux H, Bourgeois L. Évolution et pronostic des troubles bipolaires. In: Bourgeois L, Verdoux H, editors. Les troubles bipolaires de l’humeur. Paris: Masson; 1995. p. 297—307. 117 [26] Ware JE, Kosinski M. SF-36 physical and mental health summary scales: a manual for users of version 1. 2nd ed. Lincoln, Rhode Island: QualityMetric, Incorporated; 2001. [27] Ware JE, Gandek B. The SF-36 health survey: development and use in mental health research and the IQOLA Project. Int J Mental Health 1994;23(2):49—73. [28] Yung AR, Phillips LJ, Yuen HP, et al. Risk factors for psychosis in an ultra high-risk group: psychopathology and clinical features. Schizophr Res 2004;67:131—42. [29] Zhang P, Santos J, Newcomer J, et al. Impact of atypical antipsychotics on quality of life, self-report of symptom severity and demand of services in chronically psychotic patients. Schizophr Res 2004;71:137—44.