Plaies et cicatrisation : De l importance du rôle infirmier

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Plaies et cicatrisation
Sommaire
• Les soins primaires :
désinfection et antisepsie
• Les plaies chroniques :
– plaies de pression ou escarres ;
– ulcères de jambe ;
– plaies cancéreuses
• Les pansements :
mode d’utilisation
De l’importance
du rôle infirmier
Plaies aiguës ou plaies chroniques, ces lésions sont les manifestations agressives
d’une enveloppe que l’on préfère silencieuse : la peau. La peau recouvre
tout le corps et en reproduit les formes extérieures (anatomie de surface) :
c’est le premier moyen naturel de communication. Cependant, la peau
n’est pas qu’un contenant, c’est une association complexe de plusieurs
structures tissulaires très hétérogènes : épithéliales, conjonctives,
musculaires, vasculaires et nerveuses. D’où l’importance du soin des plaies.
a peau réalise une barrière continue qui
protège les tissus profonds, et ses lésions,
Lqu’elles
soient exogènes ou conséquences
et dans le métabolisme général. Fragile, la peau
est pourtant d’une résistance remarquable, notamment à l’étirement, et aux nombreuses agressions : chaleur, froid, mais aussi microbes. Les
tissus humains sont capables de guérir leurs lésions localisées par des processus de réparation
et de régénération qui leur sont propres. Mais ce
rempart efficace contre les microbes est aussi, du
fait de sa forte vascularisation, une porte d’entrée
microbienne par excellence.
d’une pathologie, ont toujours une incidence sur
la santé du sujet.
La peau joue plusieurs rôles fondamentaux : protection, thermorégulation, défense immunitaire
Structure
L’eau est le constituant principal de la peau. Elle
représente plus de 70 % de son poids total. D’où
l’importance d’une bonne hydratation.
Chez un adulte, la peau s’étend sur 1,5 à 2 m2
pour un poids compris entre 2,5 et 3,5 kg. Son
épaisseur varie de moins de 5/100e de mm à plus
de 1,5 mm, avec une moyenne située autour de
1/10e de mm. La peau est constituée de trois
couches.
Coupe de peau :
poil, épiderme,
derme, hypoderme,
plexus nerveux,
glande sébacée,
glande sudoripare,
muscle horipilateur.
© Joubert/Phanie
• L’épiderme
C’est la couche la plus superficielle, elle-même
constituée de quatre couches cellulaires :
– les kératinocytes, plus spécifiquement physiquement protecteurs ;
– les cellules de Langerhans, qui ont aussi un
rôle défensif à rapprocher de celui des phagocytes mononuclés ;
– les cellules de Merkel, récepteurs sensoriels
du toucher ;
– les mélanocytes, qui synthétisent la mélanine
métabolisée avec le soleil.
●●●
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
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Plaies et cicatrisation
• L’hypoderme
L’hypoderme continue le derme en profondeur.
Il est constitué de tissu conjonctif lâche richement vascularisé avec, et selon les conditions nutritives, plus ou moins de tissu adipeux.
La peau de bébé
La couche superficielle chez l’adulte réalise une
barrière quasi infranchissable. Chez le bébé, cette
couche inexistante rend l’épiderme beaucoup
plus perméable aux agressions externes comme
les rayonnements solaires, par exemple.
Le sébum, depuis la naissance jusqu’à la puberté,
n’est pas produit par les glandes sébacées et donc
la peau se déshydrate plus facilement. Une sueur
plus limitée rend l’enfant plus sensible aux différences thermiques, lui causant une mauvaise
homéostasie. La production de mélanine est peu
développée, d’où une peau vulnérable aux ultraviolets. La peau moins protégée l’est aussi aux
irritations et aux infections.
• Le derme
Le derme est constitué d’un tissu conjonctif
lâche en périphérie et plus dense en profondeur. Il est très riche en vaisseaux sanguins,
lymphatiques, nerfs, terminaisons sanguines
sensitives. Il contient des follicules pileux et des
glandes sudoripares. Il est également très riche
en eau : 70 % de l’ensemble.
Hydrater correctement la peau
– Éviter le dessèchement (effets du soleil ou de
l’abus de détergents cutanés).
– Aider à reconstituer le film hydrocolloïde superficiel à l’aide de préparations antidéshydratantes,
avec actifs filmogènes, si dessèchement.
– Adopter une bonne hygiène de vie (absorption
quotidienne de 1 à 2 litres de boisson, exercice
physique régulier, nourriture riche en graisses de
poissons avec les oméga 3.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
© CMEABG-UCBL/Phanie
●●● Provenant des profondeurs de l’épiderme, les kératinocytes migrent progressivement vers la surface en modifiant leur structure
cellulaire. Ils se chargent en kératine et perdent leur noyau. En gagnant la surface, ils forment une superposition de couches successives
liées entre elles, réalisant ainsi un film protecteur, contre les modifications climatologiques
par exemple. Cette migration cellulaire de la
profondeur vers la superficie aboutit à une desquamation superficielle sous forme de pellicules. L’épiderme ne contient ni vaisseaux sanguins ni vaisseaux lymphatiques, mais en
revanche de nombreuses terminaisons nerveuses sensitives.
L’hydratation
Le réservoir principal de la peau, et du derme
en particulier, est l’eau, à plus de 70 %. Cette eau
est contenue dans les grosses molécules que sont
les mucopolysaccharides. Cette fraction est en
fait constante. Une faible partie est susceptible
de variations, à savoir celle qui se trouve à la
jonction dermo-épidermique et qui, éventuellement, peut migrer vers la surface afin d’hydrater alors l’épiderme.
Une bonne hydratation de l’épiderme est le garant de la bonne santé de la peau. C’est seulement si celle-ci est lisse et bien hydratée qu’elle
peut efficacement jouer son rôle de barrière dé-
fensive. Qu’elle manque d’eau, et son aspect
change en même temps que son efficacité de prévention contre les infections. C’est la porte ouverte aux inflammations : irritations, érosions et
infections. D’où l’importance de l’hygiène, notamment chez la personne fragilisée.
Il est bon de rappeler que l’hydratation régule aussi
les capacités de rétention d’eau épidermique : que
la peau soit déshydratée et la capacité de rétention d’eau épidermique diminue d’autant. Ce qui
signifie que moins la peau est hydratée, moins son
équilibre hydrique interne est maintenu.
Les moyens de défense
Après l’accident qui a causé la plaie, la première
étape de la cicatrisation est vasculaire. Le sai-
gnement est la conséquence d’une vasodilatation immédiate. En réaction, se produit rapidement une vasoconstriction de tous les vaisseaux
sectionnés. La constriction a comme principale
vertu d’arrêter le saignement. Phénomène auquel s’ajoute, dans un but de renfort d’efficacité,
une coagulation mécanique avec réalisation du
clou plaquettaire et production d’un exsudat.
Celui-ci est constitué de nombreuses protéines :
fibrinogène, fibronectine, thrombospondine,
thrombine, facteur de Willebrand. Il doit éliminer les bactéries, les tissus morts et abîmés,
les particules étrangères pouvant avoir été introduites lors de l’effraction cutanée. L’exsudat
est utile aussi pour stopper l’hémorragie en
formant un caillot de fibrine renforçant le clou
plaquettaire.
Après cette période vasculaire, vient le stade inflammatoire durant lequel à la phase de vasoconstriction succède une nouvelle phase de va-
Quelques repères
© Burger-HIA Percy/Phanie
• Une plaie rose est bien vascularisée, bourgeonne et cicatrisera correctement.
• Une plaie jaune, tapissée de fibrine, voit souvent débuter une infection : un nettoyage soigneux est nécessaire.
• Une plaie noire indique que trop de tissus nécrosés sont présents. Leur élimination chirurgicale
est fondamentale pour que la cicatrisation puisse
se déclencher.
sodilatation, qui permet aux cellules circulantes
d’affluer vers le site de la plaie. Cette dilatation
est alors sous le contrôle essentiel de l’histamine. A ce stade, tous les composants de l’inflammation sont réunis, à savoir : rougeur, douleur et chaleur locales. Pour une durée générale
de quelques jours. Aussitôt cette phase passée,
les tissus vont s’organiser pour apporter in situ
les éléments nécessaires à la reconstruction des
tissus lésés : c’est la granulation. La prolifération
de néocapillaires apporte l’oxygène et les nutriments nécessaires. La libération enzymatique
favorise la pénétration des cellules dans la plaie
mais aussi sa détersion. Cette phase, qui débute
vers le 7e jour, peut durer plusieurs semaines.
Si, entre 48 et 72 heures après la plaie, les ma-
crophages prédominent, vers les 5-7e jours ce
sont les fibroblastes qui sont les plus nombreux.
Ensuite, pendant la maturation, on observe la
formation d’un tissu de granulation. Ce sont les
fibroblastes qui jouent ce rôle primordial. De leur
migration dépend l’apparition du nouveau tissu.
Des bords où ils apparaissent en premier, ils gagnent progressivement le centre. Cette matrice
de départ est riche en facteurs de croissance garants de la récupération cutanée.
Ensuite se produit l’épithélialisation, elle-même
se faisant en plusieurs phases avec migration des
cellules épithéliales et leur multiplication, puis la
différenciation de l’épiderme ainsi formé.
Enfin, se déroule la phase de maturation avec
restauration de l’état cutané initial. La durée de
cette phase comme l’apparition de son déclenchement sont fonction du traitement de la plaie.
Une suture chirurgicale avec affrontement des
berges accélère ce processus contrarié par un
manque de traitement ou lors d’une infection en
cas de plaie profonde. On remarquera qu’en l’absence de rapprochement artificiel, la répartition
de forces à l’intérieur de la plaie a tendance à provoquer un mouvement spontané de contraction
et donc de rapprochement des berges. Pour accélérer la maturation, il est nécessaire d’aider ce
phénomène naturel en éliminant tous les tissus
non vascularisés, nécrosés, par un débridement
soigneux et aseptique.
Jacques Bidart
La peau selon le sexe
Chez l’homme, le système pileux est plus développé que chez la femme. La sécrétion de sébum
est plus importante (peau plus lubrifiée, moins
sèche). La transpiration est plus abondante. La
peau est plus élastique au niveau de l’élastine et
plus ferme au niveau du collagène.
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Plaies et cicatrisation
Les soins primaires
Désinfection et antisepsie
Soigner une plaie commence par la réduction maximale de la quantité de microorganismes présents sur la peau. La désinfection est la troisième phase de ces soins.
Utile pour certaines plaies aiguës, elle est controversée pour certaines plaies chroniques.
n peut dire qu’une plaie, en général, se soigne
en trois étapes. Grâce à un détergent, on soOlubilise
les matières organiques et grasses dans
l’eau. Ainsi sont éliminés les micro-organismes
présents sur la peau. Le détergent le plus classique est le savon. Afin d’éliminer souillures et
restes de détergent, le rinçage-séchage soigneux
est le deuxième temps. Grâce à un film d’eau,
sont ainsi éliminés les squames, germes et résidus de produits utilisés.
Le troisième temps est celui de la désinfection ou
de l’asepsie elle-même. Par son action de contact
propre, le désinfectant utilisé permet de réduire
le nombre de germes présents. Ou, du moins,
ceux qui restent après les deux premiers temps.
Est considéré comme antiseptique un produit
qui, grâce à son application sur une zone lésée,
permet de réduire ou de faire disparaître les micro-organismes pathogènes présents.
Il en existe plusieurs types ayant tous obtenu,
une AMM (Autorisation de mise sur le marché).
Ce sont ceux à base de chlorhexidine, les dérivés
iodés, les produits chlorés, les ammoniums quaternaires, les mercuriels, ceux à base de triclocarban, les produits à base d’hexamidine. Ce sont
aussi les dérivés anioniques, les colorants (bleu
de méthyle, éosine...). En revanche, ne sont pas
considérés comme antiseptiques les permanganates de potassium, le nitrate d’argent ou l’eau
oxygénée. Pas plus que les produits moussants
utilisés en chirurgie.
Le choix de l’antiseptique se fait en fonction de
ses propriétés : de son caractère moussant, par
exemple, mais aussi de sa présentation (solution
alcoolique ou aqueuse), de son pH et de son
spectre d’action par rapport au germe craint ou
à la localisation de la lésion.
L’utilisation est guidée également par la localisation de la plaie, les éventuelles allergies présentées par le patient. On doit éviter d’employer les
mélanges d’antiseptiques, utilisés ensemble ou
successivement sur la même zone. On doit éviter aussi d’associer dérivés iodés et mercuriels.
Un rinçage insuffisant peut rendre l’antiseptique
inefficace.
J.B.
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Antiseptiques et principes de base
• Vérifier les dates de péremption.
• Respecter les modes d’emploi quant aux dilutions et aux temps de contact indiqués.
• Ne toucher ni les bouchons ni les orifices des
flacons avec les outils stériles ou les compresses,
bien reboucher après usage.
• Ne pas transvaser les antiseptiques dans
d’autres flacons mal identifiés.
• N’utiliser que trois ou quatre produits que l’on
sait bien manier.
Le plateau de soins
• Une boîte à instruments stériles avec pince de
type Kocher, ciseaux, pinces à bec.
• Compresses stériles.
• Adhésifs.
• Filet ou bande de type gaze.
• Antiseptiques préférés en petits flacons.
• Sérum physiologique en petites unités.
• Pansements hydrocolloïdes et secs.
• Une paire de gants stériles.
• Haricot pour les déchets de soin.
Désinfecter une peau lésée
Il s’agit de suivre l’ordonnance établie par le médecin qui doit décrire précisément la procédure à
respecter, les différents produits à utiliser.
Devant une plaie propre ou peu souillée, l’application
des soins est préventive, afin d’éviter une infection.
Devant une plaie souillée, une escarre, la pratique
est alors curative.
Dans les deux cas, la phase de désinfection doit faire
suite à celles de détersion puis de rinçage. L’attention doit être portée sur le choix de savons et d’antiseptiques de même gamme. Dans tous ces cas, un
lavage de mains soigneux est indispensable, ainsi
que le port de gants stériles et d’un masque.
Plaies et cicatrisation
Les plaies chroniques
Plaies de pression ou escarres
On retrouve dans la littérature plusieurs synonymes pour décrire les plaies de pression.
La France a consacré la dénomination “escarre de décubitus”. Aux États-Unis, on parle
de “decubitus ulcer bedsore” ou de “pressure sore”.
pression étant considérée comme le facteur
essentiel au développement de
Lce aétiologique
type d’ulcère, l’appellation “plaie de pression” semble plus appropriée. La plaie de pression se définit comme une lésion tissulaire causée par la pression et entraînant un dommage
des structures sous-jacentes. La pression est en
principe une force extérieure appliquée perpendiculairement à la peau au niveau d’une
proéminence osseuse. Des forces variant de
32 mmHg à 480 mmHg sont nécessaires au
développement d’une plaie. La combinaison
d’une pression extérieure et d’une proéminence
osseuse favorise la compression des vaisseaux
sanguins. Il en résulte une hypoxémie localisée et une nécrose tissulaire. La prévention
des récidives fait partie intégrante du traitement
puisque les facteurs de risque de développer
une plaie persistent chez un grand nombre de
malades.
L’utilisation d’échelles de risque, comme celles de
Norton (la plus connue, et comportant cinq domaines de risque) ou de Braden et Bergström (six
rubriques), permet d’évaluer le risque de développer une plaie de pression. Ces instruments
ont pour objectif de prédire le risque d’apparition d’escarres à partir du calcul d’un score seuil
et de déclencher la mise en œuvre des soins de
prévention pour les malades à risque.
Facteurs de risque
L’escarre est donc une lésion cutanée d’origine ischémique liée à une compression des tissus
mous entre un plan dur et les saillies osseuses.
Elle survient généralement au niveau des pro-
éminences osseuses, localisées principalement
dans les zones du sacrum et des talons.
Les facteurs de risque sont nombreux. Ceux-ci
sont dits tantôt “intrinsèques et extrinsèques”,
tantôt “primaires et secondaires”. Ces classifications ne sont pourtant pas totalement validées et
admises. Les principaux facteurs de risque sont
la pression, la friction et le cisaillement dans le
tissu sous-cutané, qui jouent un rôle majeur
dans l’apparition d’escarres. Viennent ensuite
l’immobilisation et la diminution de l’activité, la
dénutrition, l’incontinence urinaire et fécale, la
macération et un état de conscience altéré, les
affections neurologiques et vasculaires.
La compression tissulaire diminue ou interrompt
la microcirculation cutanée. Le type de lit ou les
matériels d’aide à la prévention mal utilisés ou obsolètes peuvent entraîner l’apparition d’escarres.
Le cisaillement est un phénomène de glissement des couches cutanées les unes sur les autres
lorsque le tronc est incliné, et que le poids de
l’individu a tendance à faire glisser son corps
vers le bas.
Ce phénomène survient en position semi-assise
au lit, assise au fauteuil ou en position latérale,
avec la tête du lit surélevée. L’humidité, le port de
vêtements trop ajustés favorisent le cisaillement.
Les frottements entraînent également des plaies,
le plus souvent superficielles, par une abrasion
mécanique de la peau, fréquemment localisées
au niveau des coudes, du sacrum et des talons.
Tout malade immobilisé de façon prolongée et
dans l’incapacité de se mouvoir est susceptible
d’avoir des escarres. Cela concerne les malades
ayant des troubles de la conscience (coma, ●●●
Mécanismes d’apparition d’une plaie de pression
On a estimé qu’une pression de 60 mmHg appliquée pendant 1 à 2 heures est suffisante pour provoquer
une plaie. Cette plaie pourra prendre jusqu’à 5 à 7 jours pour se manifester. En effet, les muscles sont plus
sensibles à l’hypoxie que la peau elle-même. Lors de l’application d’une pression extérieure, le muscle peut
se nécroser et, secondairement, s’infecter. Cette infection localisée peut conduire à la formation d’un abcès.
Dans les jours suivants, celui-ci peut drainer spontanément, créant un ulcère de grand volume dont l’ouverture à la peau est relativement petite (phénomène de la “plaie iceberg”).
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agitation...), des troubles moteurs et/ou
sensitifs d’origine traumatique (fractures du bassin, des membres inférieurs, du rachis...), des
troubles neurologiques d’origine centrale ou périphérique (accident vasculaire cérébral, hémiplégie, blessés médullaires...), d’autant qu’ils ne
perçoivent plus ni douleur ni inconfort.
Tout ceci est aggravé par l’incontinence urinaire
et fécale, qui maintient le malade dans un milieu
humide composé de substances irritantes et propice à la macération
Les malades dénutris, mal nourris, déshydratés,
cachectiques présentent plus de risques de développer des escarres.
De plus, l’état psychique des malades souffrant
de pathologie neurologiques responsables d’une
perte de sensibilité et de résistance cutanée (dégradation du collagène de la peau et des os) ou âgés
(manque d’élasticité de la peau, diminution du renouvellement des cellules) amplifie le phénomène.
Il faut savoir que l’apparition des escarres dépend aussi de phénomènes psychosociologiques
trop souvent ignorés par les soignants. De même,
outre des conditions hémodynamiques, l’état de
la microcirculation dépend également du fonctionnement du système cardiorespiratoire, phénomène constaté notamment en réanimation.
●●●
© Raguet/Phanie
Prévention et recommandations
de l’ANAES
En édictant ses dernières recommandations
(15-16 novembre 2001), l’ANAES a regretté la
pauvreté de la littérature en matière d’escarres.
Cependant, il est admis désormais, et de façon
péremptoire, que le premier soin des escarres
consiste en leur prévention.
Pour l’ANAES, l’utilisation systématique et répétée régulièrement d’un instrument d’évaluation
des facteurs de risque permet de choisir et de planifier des actions de soins appropriées pour réduire l’apparition d’escarres. L’examen de l’état
cutané en général, et plus particulièrement des
zones à risque (proéminences osseuses), devrait
être systématique au moins une fois par jour et
à l’occasion de chaque soin.
La toilette complète quotidienne est recommandée. Elle est indispensable dès que la peau est
souillée par les urines, les selles, une transpiration
abondante, des écoulements et sécrétions. Certaines pratiques sont à éviter : utilisation de savon
modifiant le pH, érosion de la peau par frottement
lors du lavage ou du séchage. Le change de la literie devrait être systématique deux fois par jour en
présence d’une diminution de l’activité et de la mobilité. Selon les besoins du malade, surtout en présence d’une incontinence urinaire et fécale, le
change sera plus fréquent (cf. Rapport “Évaluation
de la prévention des escarres”, ANAES/Service de
l’évaluation dans les établissements de santé,
juin 1998 : à consulter sur le site www.anaes.fr,
rubrique “Publications”, “Soins infirmiers”).
Les frictions ou massages communs ne faisant
pas appel à des techniques de kinésithérapie ne
sont plus d’actualité. Des études ont en effet
prouvé que les zones massées un peu trop vigoureusement présentent plus de tissus endommagés que des zones similaires non massées. Actuellement, sont préconisés des massages peu
appuyés, à type d’effleurage, au niveau des points
d’appui. Cette mesure est fondée sur l’opinion
d’experts. L’intérêt des massages est de permettre
un examen régulier de la peau. Les produits ne
doivent pas contenir d’alcool (desséchant pour la
peau). Certaines huiles facilitent le glissement
des mains sur la peau en préservant son hydratation et sa souplesse.
La prévention s’exerce au niveau de la prise en
charge de l’incontinence urinaire qui permet de
limiter l’exposition de la peau à l’humidité. De
même, les changements de position, le maintien
d’une mobilisation et d’un niveau d’activité sont
essentiels pour éviter l’apparition d’escarres. Les
changements de position au lit, la mobilisation
passive et active (marche), les soulèvements et
balancements au fauteuil sont recommandés. La
fréquence préconisée des changements de position au lit est de toutes les deux heures au moins.
Elle dépend de la tolérance de chaque malade à
la pression.
L’utilisation d’une planification des mobilisations
peut être conseillée en établissement. Celle-ci
précise le type de mobilisation à réaliser, le moment où le soin devrait être accompli et le soignant responsable de son exécution.
L’action de la pression et des forces de cisaillement
sur les tissus peut être limitée par une mobilisation
adéquate des malades lors des changements de
position, des transferts du lit au fauteuil. ●●●
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
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Plaies et cicatrisation
●●● Cette mobilisation répond à des principes
de manutention et des techniques de soulèvement.
En ce qui concerne les malades dans l’incapacité
de changer de position volontairement ou involontairement, on doit les protéger des lésions,
notamment au niveau des coudes et des talons,
à l’aide de films protecteurs (pansements adhésifs transparents), ou de pansements de protection (hydrocolloïdes) réduisant les phénomènes
de friction et de cisaillement.
Enfin, l’utilisation du matériel d’aide à la prévention protège des effets des forces de pression,
de friction et de cisaillement. Mais aucun matériel de prévention ne dispense des soins de prévention prodigués par ailleurs. Il existe une
gamme importante de matelas d’aide à la prévention et de coussins (pour les talons).
Les critères de choix peuvent être la répartition
de la pression sur toute la surface du corps en réduisant au minimum la pression au niveau des
zones d’appui. Les housses et literies en coton,
qui permettent la circulation de l’air, sont d’une
facilité d’utilisation (mise en place, stockage,
poids, maintien d’une température adéquate
pour le matelas d’eau) et d’entretien (nettoyage
et désinfection) telle qu’elles sont à privilégier. Le
confort du malade doit toujours être pris en
compte par rapport au coût.
Établir des protocoles
La prévention des escarres résulte souvent d’une
démarche empirique et les infirmières ont chacune leur méthode, sans fondement scientifique.
Chaque infirmière agit au mieux selon sa formation, son expérience, ses connaissances ou ses
croyances.
Une approche multidisciplinaire des malades à
risque et une coordination de l’équipe soignante
dans son ensemble deviennent donc nécessaires.
“L’utilisation de supports de transmission des informations concernant les malades à risque de
développer des escarres devrait permettre une
continuité des soins entre les différentes équipes
et leurs membres. Une stratégie fondée, d’une
part, sur l’identification des malades susceptibles
de développer des escarres au moyen d’un instrument d’évaluation des facteurs de risque et,
d’autre part, sur le choix d’actions de prévention
permet de diminuer les escarres” (cf. Rapport de
l’ANAES, 1998).
L’élaboration d’un protocole de soins pour prévenir les escarres, véritable fléau dans les établissements, devient indispensable car c’est l’occasion de partager les connaissances et les
compétences des uns et des autres et de développer une conduite cohérente.
A.-L.P.
Ulcères de jambe
Il existe différents types d’ulcères de la peau. Ceux de la jambe sont les plus fréquents.
Pour les soigner efficacement, il s’agit d’abord d’en bien connaître l’étiologie.
ulcères sont des pertes de substances deret épidermique n’ayant aucune tenLdanceesmique
spontanée à la cicatrisation.
Les trois causes principales sont :
– l’insuffisance veineuse profonde et/ou superficielle ;
– l’artériopathie des membres inférieurs ;
– l’angiodermite nécrotique (environ 10 % des
cas). Souvent méconnue des non-spécialistes, il
s’agit d’une plaque de nécrose superficielle très
douloureuse. Cette pathologie atteint préférentiellement les femmes de plus de 60 ans ayant
des antécédents d’hypertension artérielle et/ou
de diabète.
L’ulcère veineux est la conséquence d’une stase
veineuse superficielle induite par l’obstruction
des troncs profonds et/ou par l’insuffisance des
valvules ostiales des crosses des saphènes. C’est
en fait une véritable maladie du tissu conjonc28
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
tif, génétiquement déterminée, procédant à
une destruction de la paroi veineuse, notamment
des valvules empêchant le retour du sang dans
l’axe veineux.
L’ulcère artériel, moins fréquent que l’ulcère veineux, est secondaire à une artériopathie oblitérante des membres inférieurs dont l’étiologie dominante est l’athérosclérose.
Les signes des deux ulcères, veineux et artériel,
sont parfois combinés, induisant des ulcères
mixtes. L’angiodermite nécrosante et l’ulcère
hypertensif de Martorell sont, eux, deux entités
proches de l’ulcère artériel classique.
Les premiers signes sont une phlyctène, une
micro-ulcération, ou une croûte recouvrant
l’ulcère. L’évolution spontanée des ulcères est
chronique et les complications sont multiples.
Conjointement au traitement local, un traitement du terrain vasculaire doit être entrepris.
misation, le nettoyage est facultatif. Tout au
plus peut-on effectuer un rinçage au sérum
physiologique. La peau périlésionnelle est lavée
comme en phase de détersion. Si la plaie est très
faiblement exsudative, il faut choisir : un hydrocolloïde mince à laisser en place jusqu’à saturation, un hydrocellulaire, laissé également
jusqu’à saturation, à condition que ce produit
ait déjà été prescrit au patient à un stade plus
précoce, un film de polyuréthanne pouvant être
laissé en place jusqu’à 7 jours, un tulle neutre
dont l’utilisation ne dépassera pas les 48 heures
afin de limiter les risques d’enclavement des
bourgeons dans le maillage, ou une interface à
changer dans un intervalle de 3 à 5 jours.
Si les exsudats sont modérés, le choix peut se
faire entre un hydrocolloïde et un hydrocellulaire, ce dernier devant être privilégié si une
macération ou une irritation de la peau périlésionnelle apparaît, ou si un hyperbourgeonnement se développe sur la plaie. Ces deux types
de pansements sont à renouveler tous les 3 à
8 jours. Si la plaie est encore très exsudative, un
hydrofibre est placé sous une plaque d’hydrocellulaire ou sous un hydrocolloïde épais, jusqu’à saturation de cette plaque.
Les complications, caractérisées notamment par
une extension rapide en surface et en profondeur, souvent dues au manque d’hygiène, au terrain ou, tout simplement, au défaut de traitement, entraînent infections et surinfections.
En bref, l’ulcère de jambe est une plaie cutanée
d’évolution prolongée récidivante. Mais le traitement de la plaie est presque accessoire du fait
que la cicatrisation est retardée si la cause n’est
pas prise en compte. Il importe donc de rechercher les facteurs associés, comme le diabète,
l’anémie, la dénutrition... Et, bien sûr, le rôle infirmier consiste aussi à éduquer le patient, notamment dans l’apprentissage de la mise en
place des moyens de compression. Les évaluations doivent être renouvelées et les mesures
prises en concertation avec les différents partenaires de soins.
Gestion de la plaie
En phase de détersion (plaie à fond noir et/ou
jaune), l’action est mécanique, après une bonne
prévention locale et générale des douleurs. Le
lavage de la plaie se fait à l’eau et au savon de
Marseille, le rinçage à l’eau par douchette et le séchage par tamponnement de la peau périlésionnelle. Si la plaie est sèche, on peut appliquer un
hydrogel recouvert d’un hydrocolloïde mince ou
d’un film de polyuréthanne à changer à saturation. Si les exsudats sont modérés, des hydrocolloïdes sont laissés en place jusqu’à saturation.
Si les exsudats sont importants, il faut recourir
aux alginates (à changer toutes les 24 à 72 heures)
ou aux hydrofibres (à changer à saturation).
En phase de bourgeonnement et/ou d’épider-
© Phanie
Le pansement secondaire
Lorsqu’il n’est pas adhésif, le pansement primaire doit être maintenu par le pansement secondaire. Deux compresses sèches de gaze sont
recouvertes d’une bande de gaze large, idéalement de 15 cm, et posée sans tension de la racine des orteils jusqu’au pli du genou. Si l’ulcère
est d’origine veineuse, ce pansement s’achève
par la mise en place d’une bande élastique de
compression, large de 10 cm, longue de 3,5 à
4 m, idéalement étalonnée et posée de la racine
des orteils jusqu’au pli du genou.
Il ne faut plus utiliser les topiques potentiellement allergisants et irritants, et éliminer en priorité tous ceux contenant de la néomycine, de la
lanoline et du baume du Pérou, qui sont les trois
molécules les plus souvent responsables d’allergie chez les porteurs d’ulcère.
Les soins d’ulcères doivent être effectués selon
un protocole médical strict par un personnel
infirmier pour éviter les complications infectieuses pouvant gagner les articulations voisines,
l’ensemble du membre, ou encore servir de
porte d’entrée microbienne à une septicémie.
De même, une vérification des vaccins s’impose
toujours en cas d’ulcère de jambe, qui peut
conduire à une contamination tétanique.
A.-L.P
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
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Plaies et cicatrisation
Plaies cancéreuses
Soigner une plaie chez le malade atteint de cancer déborde largement du cadre du
soin local. Les ulcérations malignes méritent d’être évaluées individuellement
lorsque la cicatrisation est possible, ce qui n’est pas toujours le cas. Le confort est
l’objectif principal.
une ulcération maligne, il faut toujours
s’interroger sur le saignement de l’ulcération,
Dsonevant
aspect, l’ampleur de l’écoulement, mais aussi
thérapeutiques sont souvent nécrotiques, fibrineuses, nauséabondes, exsudatives et parfois hémorragiques car les nodules de perméation sont
très vascularisés.
© Alix/Phanie
la douleur... sans oublier la détresse ressentie
par le patient.
Outre l’aspect thérapeutique, les pansements des
patients atteints d’ulcérations malignes doivent
être le plus souvent camouflés pour améliorer
l’esthétique (pansement de mousse de silastic
pour remplir les cavités, prothèses), ce qui aide
à accepter l’image corporelle dévalorisée. Quand
un écoulement provient de l’ulcération, il faut réduire l’inflammation (corticoïdes), absorber
l’écoulement par des pansements hyperabsorbants et protéger la peau en périphérie par une
pommade protectrice, à l’oxyde de zinc par
exemple.
En cancérologie, on retrouve aussi les plaies
dues aux traitements, les plaies de postradiothérapie, des réactions cutanées à type de brûlure, extrêmement douloureuses, inflammatoires et parfois exsudatives. Elles s’observent
quelquefois à distance de la fin d’un traitement.
Il s’agit de brûlures du premier ou du second
degré superficiel. Sur le sein, elles sont parfois
très étendues ; sur la cuisse, ces brûlures sont
davantage creusées et fibrineuses. Les plaies de
postradiothérapie sont quelquefois aggravées
lorsque le traitement anticancéreux conjugue radiothérapie et chimiothérapie.
Les plaies dues à un cancer du sein évolué
n’ayant jamais été traité ou rétif aux ressources
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
Gestion de la plaie
La gestion de la douleur doit être pensée avant le
soin et requiert une prémédication. La plaie doit
être nettoyée à l’eau stérile ou à l’eau du robinet.
Il faut éviter l’utilisation de sérum physiologique
et de tout antiseptique risquant de provoquer
des sensations de picotement. Il est recommandé
de couvrir la plaie d’un alginate (afin de limiter
si possible les exsudats) laissé en place pendant
48 heures, recouvert de compresses ou de pansements américains, changés, eux, quotidiennement. Les alginates peuvent être utilisés pendant
plusieurs semaines.
Alternativement, il est possible de recourir aux
pansements à base de charbon, pour leur pouvoir antiseptique et, surtout, d’absorption des
odeurs. Ceux-ci sont également laissés en place
48 heures, et recouverts par des compresses
ou des pansements américains quotidiennement changés. Lors de la réfection du pansement au charbon, il importe de préalablement
le mouiller, afin de ne pas arracher de nodules
de perméation. Les hydrocolloïdes sont peu
employés du fait de l’odeur qu’ils dégagent, jugée désagréable. La peau étant particulièrement
fragile, les pansements adhésifs sont contre-indiqués. Le pansement tertiaire est donc réalisé
au moyen d’un filet tubulaire, rendant d’autant
plus facile le changement journalier du pansement américain. Lorsqu’une patiente atteinte
d’un cancer du sein déclare ne plus rien supporter, on doit recourir à de simples pansements gras, ou à des compresses vaselinées.
Pour une meilleure prise en compte psychologique des difficultés de ces patientes et du regard qu’elles portent sur les plaies de leurs
seins, il est préférable que les pansements soient
occlusifs.
Les brûlures de postradiothérapie nécessitent
un nettoyage à l’eau. Un hydrocolloïde peut être
posé, bien que des réactions avec apparition de
phlyctènes au pourtour du pansement soient régulièrement observées.
La brûlure est donc préférentiellement recouverte par de la sulfadiazine argentique, ellemême recouverte d’un tulle gras. L’ensemble est
maintenu, mais non collé, par un pansement
américain, puis un filet tubulaire. La réfection du
pansement est fonction de l’état du patient, il
peut néanmoins être maintenu 2 à 3 jours.
Il est à retenir que les pansements réalisés ne soignent en rien la maladie, qu’ils permettent seulement une amélioration locale de son confort.
En effet, il est impossible de voir cicatriser une
plaie cancéreuse s’il n’y a pas de traitement anticancéreux efficace.
En cas de nodules de perméation ou de nécrose,
il ne faut surtout pas chercher à découper les
croûtes, au risque de faire flamber la tumeur. Les
soins doivent donc être pratiqués en douceur,
par tamponnements. La prise en charge de la
douleur mérite une prescription médicale et l’attention de l’équipe soignante. Si elle survient au
moment des pansements, il faut changer de technique (par exemple, décoller les pansements
avec du sérum salé à 9 %), utiliser des pansements hydrocolloïdes, de la lidocaïne en spray
avant de nettoyer. Une analgésie supplémentaire
peut être nécessaire. Si la douleur persiste en dehors du renouvellement des pansements, il faut
revoir l’analgésie par voie générale et envisager
un AINS systématique.
A.-L.P.
D’après Quels traitements pour quel type de plaies ?
CDTM Éditions, Puteaux, avril 2000.
Les pansements
Mode d’utilisation
Les pansements modernes sont de plus en plus spécifiques et adaptés à certaines
plaies. Ils aident à la cicatrisation en diminuant les effets délétères et en permettant
d’espacer les renouvellements, contraignants pour le patient et le soignant. On distingue
plusieurs classes de pansements.
Les hydrocolloïdes
La couche interne d’un pansement hydrocolloïde
est absorbante. Elle est composée de carboxyméthylcellulose sodique noyée dans une masse
élastique et adhésive. Un film et/ou une mousse
de polyuréthanne ou une compresse non tissée
constituent la couche externe.
La plaque d’hydrocolloïde s’applique sur la
zone où siège la plaie après nettoyage au sérum
physiologique ou à l’eau, en dépassant de 2 à
3 cm sur la peau périphérique à laquelle elle
adhère. Pour certaines localisations et lorsque
la plaie est très exsudative, notamment en phase
de détersion, la plaque est recouverte d’un pansement secondaire pouvant absorber l’excès
d’exsudat et permettant le maintien de la plaque
en cas de plaie sur une zone de frottement. Le
rythme de changement du pansement primaire
se situe entre 48 heures et une dizaine de jours,
dès lors que l’hydrocolloïde est dit “saturé”
et/ou que la plaque se décolle déjà partiellement. Le pansement secondaire peut, lui, être
changé tous les 2 ou 3 jours.
Ces pansements hydrocolloïdes maintiennent
un milieu chaud et humide favorable à la cica-
trisation. Ils peuvent être utilisés à tous les
stades de la cicatrisation. Au contact des exsudats, la carboxyméthylcellulose se transforme
en un gel ressemblant à du pus. Les soignants
doivent donc penser à informer le patient et sa
famille du caractère normal de cet aspect, d’autant que ce liquide est en général très nauséabond. Une macération au pourtour de la plaie
peut être observée lorsqu’elle est très exsudative. Le relais doit alors être pris par des pansements plus absorbants.
Les films de polyuréthanne
Ces films sont constitués d’une membrane
transparente en polyuréthanne enduite d’adhésif hypoallergénique sur un côté. Ce pansement
s’applique soit directement sur la plaie, en faisant dépasser le film sur la peau périphérique
préalablement séchée, soit sur un autre pansement (alginate, hydrogel ou hydrocolloïde),
pour ne constituer alors qu’un pansement secondaire assurant l’occlusion et l’isolement de
la plaie.
Les films de polyuréthanne possèdent des qualités de membranes semi-perméables :
●●●
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
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Plaies et cicatrisation
perméables à l’oxygène et à la vapeur d’eau, ils
évitent la macération ; imperméables à l’eau et
aux bactéries, ils maintiennent l’humidité tout
en empêchant les contaminations bactériennes
extérieures. Ils adhèrent à la peau saine mais pas
sur la plaie. Les films de polyuréthanne entretiennent au niveau de la plaie ouverte un milieu
humide favorable à la cicatrisation et évitent la
formation d’une croûte. Transparents, ils permettent un contrôle visuel de la plaie et de son
évolution. De nombreux patients font valoir un
effet antalgique immédiat.
Les alginates
Les alginates sont des polymères essentiellement,
et parfois exclusivement, composés d’acides alginiques (alginate de calcium). Ils ont un important pouvoir absorbant et se gélifient plus ou
moins au contact des exsudats, ce qui leur permet de ne pas adhérer à la plaie.
Avant d’être utilisée, la compresse d’alginate
doit être découpée approximativement aux dimensions de la plaie. Elle peut néanmoins déborder sans danger sur la peau périphérique, ce
qui pourra aider à son changement. La plaie se
nettoie au sérum physiologique puis la compresse d’alginate sèche est posée sur celle-ci. Il
faut recouvrir d’un pansement secondaire et
maintenir le tout par un bandage élastique, un
film ou un adhésif. Le pansement sera renouvelé en fonction de l’abondance des exsudats :
tous les jours en phase de détersion, tous les
2 à 3 jours en phase de granulation. Un pansement alginate peut être utilisé sur une plaie hémorragique, mais il doit faire l’objet d’une humidification avant d’être retiré.
Le très grand pouvoir absorbant des alginates représente leur qualité majeure. Indiqués en phase
de détersion et de granulation, ils n’adhèrent pas
à la plaie et entretiennent un milieu humide favorable à la cicatrisation. Il est possible de les utiliser sur des plaies infectées, à condition de ne
pas les recouvrir d’un pansement occlusif, mais
de compresses de gaze simples.
Les hydrofibres
Cette classe de pansement est constituée de fibres
non tissées d’hydrocolloïde pur (carboxyméthylcellulose de sodium).
Après avoir nettoyé la peau avec du sérum physiologique, il faut appliquer la compresse d’hydrofibre en la laissant ou non déborder sur la peau
périlésionnelle. Pour les plaies creuses, les
mèches d’hydrofibre sont préférables. Dans tous
les cas, il faut recouvrir par un pansement secondaire (plaque d’hydrocolloïde, film ou compresse
32
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
simple si la plaie est infectée par exemple). Le délai de changement entre chaque pansement varie
suivant l’abondance des exsudats et la nature du
pansement secondaire. Il ne doit pas dépasser
7 jours. Sous une plaque d’hydrocolloïde, par
exemple, il peut être maintenu entre 3 et 5 jours.
A la surface de la plaie, l’hydrofibre interagit immédiatement avec les exsudats et forme un gel
cohésif, créant un milieu humide favorable à la
cicatrisation. Ce produit, comme les alginates,
est très absorbant et indiqué dans les phases de
détersion et de bourgeonnement des plaies exsudatives. C’est un pansement qui n’adhère pas
à la plaie et se change de façon indolore.
Les hydrocellulaires et mousses
Ces pansements se composent d’une couche hydrophile, le plus souvent en polyuréthanne, associée à un film ou à une couche externe imperméable aux liquides, voire, dans certains cas, à
une masse adhésive hypoallergénique.
Dans la forme non adhésive, ces pansements
peuvent être utilisés même si la peau périlésionnelle présente un eczéma, une irritation ou une
macération. Ils sont recouverts par un pansement secondaire (film ou compresse et bande
élastique). Quand elles peuvent être supportées,
les formes adhésives ont l’avantage de fournir à
la fois le pansement primaire et le pansement secondaire. Après nettoyage préalable de la plaie au
sérum physiologique ou à l’eau, le pansement est
découpé de manière à dépasser la lésion de
quelques centimètres en périphérie. Le rythme
de changement d’un pansement hydrocellulaire
varie de 3 à 8 jours environ. Il est fonction de
l’importance des exsudats, c’est-à-dire dès lors
qu’il y a imprégnation de la mousse sur sa périphérie. Le changement du pansement est indolore car celui-ci n’adhère jamais à la plaie, même
si celle-ci est peu exsudative.
Tout comme les alginates, ces pansements sont
très absorbants et maintiennent l’humidité au niveau de la plaie, respectant l’écosystème de cette
dernière et empêchant les contaminations par
des germes extérieurs. Indiqués lorsque la plaie
est déjà partiellement détergée, ils le sont surtout
au stade du bourgeonnement et jusqu’à l’épidermisation complète. Confortables, les pansements
hydrocellulaires et mousses évitent la macération et les odeurs que l’on peut observer avec les
hydrocolloïdes.
Les hydrogels
Les hydrogels sont des polymères insolubles
avec des sites hydrophiles, contenant plus de
80 % d’eau. Actuellement, le polymère est ●●●
Plaies et cicatrisation
●●● essentiellement la carboxyméthyl-cellulose.
Le gel à base de carboxyméthyl-cellulose est appliqué en couches épaisses sur la plaie préalablement nettoyée. L’adjonction d’un pansement
secondaire est nécessaire. Il s’agira d’un hydrocolloïde ou d’un film de polyuréthanne. Les
compresses de gaze classiques ne sont pas indiquées car l’eau contenue dans l’hydrogel serait
alors absorbée dans le pansement secondaire et
non dans la plaie. Le changement de pansement
peut être espacé de 3 à 4 jours.
Les hydrogels sont destinés aux plaies plutôt
sèches et utilisés pour la détersion et la cicatrisation des plaies peu ou pas exsudatives. Ils
comptent parmi les produits les plus efficaces
pour ramollir une plaque de nécrose et ils remplacent avantageusement les compresses imbibées de sérum physiologique que l’on changeait
trois fois par jour. Les hydrogels apportent de
l’eau au niveau des plaies qui ne sont pas spontanément exsudatives, permettant une cicatrisation en milieu humide.
Les pansements au charbon
Il s’agit de pansements contenant une couche
de charbon et de métaux (cuivre, argent) qui favorisent le drainage des bactéries. Le charbon
peut être enveloppé dans une feuille non tissée,
non adhérente aux plaies, ou associé à un pansement hydrofibre. Les pansements au charbon
s’appliquent secs, ou parfois humidifiés avec
du sérum physiologique, directement sur la
plaie. Ils doivent être recouverts d’un pansement secondaire.
Ces pansements peuvent être indiqués comme
pansement primaire ou secondaire pour les plaies
en détersion, les plaies infectées ou malodorantes.
Ils ont en effet la particularité d’absorber les
odeurs. Lorsqu’ils contiennent un hydrofibre, les
pansements au charbon peuvent réduire des exsudats modérés ou plus importants.
Les tulles et interfaces
Il existe deux catégories de tulles et interfaces :
– Ceux enrichis en antibiotiques, antiseptiques
ou “facteurs de cicatrisation”. Leur emploi n’est
pas sans danger. Ils risquent de créer des sensibilisations aux antibiotiques, de détruire les
germes colonisant naturellement une plaie en
cours de cicatrisation, ou de sélectionner des
germes résistants beaucoup plus nocifs. Ceux
contenant de l’iode sont à utiliser de manière
brève car ils peuvent provoquer des intolérances
et une perturbation de la glande thyroïde.
– Ceux considérés comme “non médicaux”
sont des tulles et interfaces imprégnés de ma34
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
tières grasses neutres hypoallergéniques comme
la vaseline ou la paraffine. De conception récente, des interfaces en fibres synthétiques ont
des mailles de petite taille et n’adhèrent pas à la
plaie. Elle sont parfois composées de silicone.
Ces pansements sont appliqués directement sur
la plaie et recouverts d’un pansement secondaire
absorbant (compresses de gaze, pansement américain...). Il est nécessaire de les changer tous les
jours ou tous les deux jours, quel que soit le stade
de la plaie.
Leur faible pouvoir absorbant les fait réserver
aux plaies peu exsudatives, en phase de bourgeonnement et d’épidermisation, en particulier
sur des zones privées d’épiderme ou à la phase
ultime de la cicatrisation. En revanche, les
mailles de ces tulles étant souvent assez larges, et
le bourgeonnement se faisant au travers de cellesci, il existe un risque d’arrachage des bourgeons
charnus avec hémorragie à la réfection du pansement. Le changement du pansement se révèle
alors souvent douloureux en raison de l’adhérence des bourgeons aux mailles du tulle.
Les pansements osmotiques
Il s’agit de produits devant être appliqués directement sur la plaie. Il est impératif de protéger la
peau périphérique avec une pâte à l’eau en
couche épaisse afin d’éviter une éventuelle irritation par ces produits. Le renouvellement de
leur application est quotidien. Les pansements
osmotiques sont indiqués dans la phase de détersion des plaies nécrotiques.
Les enzymes
En France, la plus employée est l’enzyme protéolytique, incorporée dans un excipient gras.
Il est souhaitable de renouveler l’application de
ce pansement deux fois par jour si l’on tient
compte de la demi-vie de l’enzyme. A l’identique
des pansements osmotiques, la peau périlésionnelle doit être protégée avec une pâte à l’eau. Un
pansement secondaire à base de compresses de
gaze suffit en général.
Les enzymes sont indiquées dans la détersion des
plaies nécrotiques et fibrineuses. L’excipient gras
dans lequel l’enzyme protéolytique est incorporée permet le maintien d’une atmosphère humide durant 24 heures au niveau de la plaie.
Quelques irritations ont été observées en périphérie de la plaie.
D’après l’intervention du
Dr Sylvie Meaume
gériatre, pour le guide
Quels traitements pour quel type de plaies ?
CDTM Éditions, Puteaux, avril 2000.
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