Wiki Rouge - Semi-colonisation de la Chine

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Wiki Rouge - Semi-colonisation de la Chine
La Chine ne fut pas à proprement parler colonisée par les puissances occidentales, mais elle a été
fortement dominée, militairement, économiquement et politiquement, et une grande partie de son territoire
fut grignoté. On peut parler de semi-colonisation de la Chine.
Sommaire
Epoque moderne : prémisses
XVIème siècle : arrivée des Portuguais
XVIIème - XVIIIème : un commerce freiné et déséquilibré
XIXème siècle : domination accrue
La guerre de l'opium
Les traités inégaux
Démembrement du territoire
Sentiment anti-occidental et discrédit du pouvoir
ème
XX
siècle : nationalisme et communisme
Montée du nationalisme bourgeois et du prolétariat
Développement étatique et ouverture maîtrisée
Notes et sources
Epoque moderne : prémisses
XVIème siècle : arrivée des Portuguais
Dès le décollage de la puissance commerciale européenne à l'époque moderne, la Chine, comme le reste
de l'Asie, voit l'Occident tenter de s'imposer avec arrogance.
C'est d'abord le Portugal qui est au début du XVIème siècle la première puissance à atteinde une envergure
mondiale. La flotte navale portuguaise contrôle la route qui longe les côtes africaines et indiennes, et de
nombreux comptoirs commerciaux sont installés (Goa en Inde, Malacca en Malaisie, Nagasaki au Japon).
Comme en Afrique, les portuguais capturent des chinois sur les côtes, souvent des enfants, et les utilisent
comme esclaves, un traffic qui durera jusqu'au XVIIIème siècle. Parfois ils n'hésitent pas à construire des
forts sur le sol chinois, sans même en avoir obtenu la concession. Ils tentèrent même d'exiger même que le
Portugal ait la priorité dans le commerce sur les pays d'Asie.
Le Portugal n'était toutefois pas en mesure de faire plier l'Empire chinois à toutes ses volontés. Les
autorités répliqueront à plusieurs reprises lorsque les étrangers se comportent en envahisseurs, en les
emprisonnant, les tuant ou les repoussant à la mer. Des compromis furent établis, et les portuguais, après
une première tentative infructueuse à Liambo, parvinrent à s'établir dans le Guangdong en 1555, en
échange d'une taxe annuelle. Le nouveau comptoir, Macao, allait rapidement prospérer, essentiellement
en favorisant les échanges entre le Japon et la Chine. Il allait aussi être un foyer des missionnaires
catholiques vers le reste de la Chine.
XVIIème - XVIIIème : un commerce freiné et déséquilibré
D'autres puissances européennes arrivèrent plus tardivement, l'Espagne, les Pays-Bas, la Grande-
Bretagne... L'Empire chinois reste néanmoins plutôt fermé, commercialement et culturellement. Cet
immense pays est auto-suffisant, et la grande bureaucratie étatique qui le contrôle a beaucoup à craindre
dans les échanges avec l'extérieur. C'est pourquoi l'idéologie tradtionnaliste est invoquée par le pouvoir
pour repousser les "inutiles marchandises occidentales". L'administration est l'interlocuteur unique des
marchands étrangers, et leur interdit d'apprendre le chinois et de communiquer avec les habitants.
En revanche, les classes dominantes européennes, gagnées par l'exotisme, réclament toujours plus de
produits chinois (porcelaines, thé, soie...), ce qui créé un fort déséquilibre commercial. L'Etat chinois, qui
ne veut pas d'échange libre marchandise contre marchandise, demande d'être payé en or ou argent. Cela
peut convenir à l'absolutisme espagnol, qui possède les mines d'Amériques du Sud, mais cela pénalise les
britanniques. D'où une ambassade de Lord MacCartney en 1793, ou encore de Lord Amherst en 1816,
toutes deux vaines.
Mais le fait même que les européens eux s'intéressent aux marchandises chinoises va entraîner des
boulversements du pays. Par exemple, les britanniques achètent massivement du thé, et beaucoup en
Chine vont reconvertir les terres pour se lancer dans ce marché lucratif, en particulier au détriment de
cultures vivrières.
XIXème siècle : domination accrue
Mais c'est surtout au XIXème siècle avec la Révolution industrielle que les européens, bénéficiant d'un
avantage technologique conséquent, vont user de leur puissance.
La guerre de l'opium
A partir du XVIIIème siècle, les anglais vont réussir à commercialiser massivement en Chine l'opium
produit dans leurs colonies en Inde, notamment en corrompant les fonctionnaires locaux chargés du
contrôle. La dépendance et les ravages dans la population augmentent en flèche, et la balance
commerciale s'inverse rapidement, les anglais récupérant au passage les lingots d'argent qu'ils avaient
cédés.
Après une série de prohibitions
inefficaces, l'Etat chinois parvient en 1839
à mettre un coup d'arrêt au traffic.
Presque aussitôt, suite à un lobbying de
centaines de compagnies commerciales, le
Royaume-Uni déclare la guerre à la Chine,
au nom de la liberté de commerce... C'est
la première guerre de l'opium. En 1842, la
Chine cède et signe le traité de Nankin,
premier d'une série de traités inégaux.
Peu après, la Chine fait mine de se
révolter, et se voit infliger une autre
défaire lors de la Seconde guerre de
l'opium (1856-1860). Les occidentaux en profiteront pour "ouvrir" davantage le Nord du pays, où le
commerce était beaucoup moins effectif qu'au Sud. De nouvelles indeminisations seront exigées (alors que
ce sont les dégâts sont surtout en Chine, avec notamment l'incendie du Palais d'Eté par les Français et les
Anglais), Tianjin (port de Beijing) sera "ouvert", et la "liberté de culte" pour les chrétiens sera réaffirmée.
Ce sera aussi le début des coolies chinois exportés vers les colonies françaises ou anglaises.
Les traités inégaux
En plus de se faire rembouser les saisies d'opium qu'avaient réalisés les chinois, les anglais obtiennent
Hong-Kong, l'ouverture de ports, la droit de co-décider des droits de douane de la Chine, le droit de juger
les britanniques par un tribunal anglais en cas de litige en Chine...
Mais un tel privilège et une victoire militaire si facile aiguise l'appétit des impérialismes rivaux. Les
Etats-Unis décrochent en 1844 les mêmes droits avec les traité de Wangxia. Les Français font de même en
1846 avec le traité de Whanpoa, obtenant de plus le droit de construire des églises et des cimetières.
Quelques jours après, ils obtiennent le droit d’évangéliser.
Suite à l'endettement de l'Etat chinois, les impérialistes vont aussi exercer une domination par la dette
publique sur le pays, en lui imposant des emprunts à taux élevés.
Démembrement du territoire
Mais le développement du capitalisme engendre toujours plus de
besoins pour les impérialistes de contrôler directement les
matières premières et les débouchés. Dans l'arrogance militaire
d'alors, cela va se traduire par des annexions du territoire
chinois.
Déjà à partir de 1843, une grande partie de Shanghai devint
concession anglaise, concession états-unienne, ou concession
française. Les Japonais vinrent se joindre à la fête après la
guerre sino-japonaise de 1894-1895.
Puis entre 1856 et 1860, avec la Seconde guerre de l'opium, le
Royaume-Uni grignote Kow-Loon au Nord de Hong-Kong, et la
Russie tsariste profite de la déroute chinoise pour déplacer sa
frontière au delà du fleuve Amour.
En 1885, le pays est contraint par la France de céder le Tonkin.
Le Japon, nouvellement entré dans le cercle des impérialistes
suite à sa Révolution Meiji, lui démembre la Corée en 1895,
officiellement en la "rendant indépendante".
Sentiment anti-occidental et discrédit du pouvoir
S'ensuit un boom des importations (celles d'opium doublent en 25 ans), et des exportations (dominées par
les sociétés européennes. L'argent se raréfie en Chine, et l'inflation est galopante, et les impôts explosent.
Dans les campagnes, les paysans s'endettent de plus en plus vis à vis des propriétaires fonciers. En ville,
de nombreux artisans sont ruinés et poussés au chômage. C'est une véritable saignée du pays, et le pouvoir
central est totalement décrédibilisé aux yeux des masses chinoises. Cela mena à de nombreux
soulèvements, dont la révolte des Taiping en 1850, et la Révolte des Boxers en 1900.
XX ème siècle : nationalisme et communisme
Montée du nationalisme bourgeois et du prolétariat
L'afflux de capitaux étrangers eut aussi pour effet d'industrialiser la Chine. Mais ce développement n'était
pas auto-centré, et une bonne partie de la bourgeoisie, moderniste et anti-impérialiste, avait d'autres
projets politiques. Reprenant en cela l'idéal des révolutions bourgeoises occidentales, elle s'opposait au
régime féodal et à l'Empire déclinant, qu'elle jugeait incapable de défendre les intérêts du pays.
La Révolution de 1911 fut la première tentative de cette
bourgeoisie, organisée autour du Kuomintang de Sun Yat-sen.
La République fut proclamée dans le Sud, mais ne réussit pas à
s'étendre à tout le pays. Le Nord, économiquement et
socialement plus arriéré, resta entre les mains de nobles, que
l'on nommait seigneurs de la guerre. Cet absence d'Etat
bourgeois central laissait les mains libres aux occidentaux, qui
pouvaient jouer sur les divisions internes et la corruption pour
continuer à se partager le pays.
Parallèlement, le mouvement ouvrier s'organisait, et il fut
d'emblée liée au jeune Parti communiste chinois (PCC). Dans
une optique de Front unique anti-impérialiste, les communistes
s'allièrent aux nationalistes bourgeois, contre les féodaux et les
envahisseurs, notamment japonais. Mais la politique suicidaire
du PCC, dictée par les staliniens, conduisit à la tragique défaite
de ce qui aurait pu être une révolution socialiste en Chine.
Développement étatique et ouverture maîtrisée
Par la suite, le PCC changea profondément de nature. Il cessa
d'être un parti prolétarien, et abandonna de fait la révolution
socialiste. En revanche, il surpassa son traître allié du Kuomintang, en réalisant une révolution nationaliste
radicale en 1949. A la fin du XXème siècle, la Chine s'insère à nouveau dans le marché mondial. Si dans
une large mesure cela entraîne immédiatement des formes typiques de l'impérialisme contemporain
(multinationales exploitant la main d'oeuvre corvéable à merci), la bureaucratie étatique parvient
remarquablement à défendre ses intérêts, notamment en imposant des transferts technologiques, et grâce à
ses très forts investissements publics passés et présents.
De nombreux débats subsistent parmi les communistes révolutionnaires à propos du degré d'autonomie
qu'a atteint la Chine face aux principales puissances mondiales. La Chine est devenue le second PIB
mondial, et son importance économique est reconnue par tous. Elle est même une puissance impérialiste
de second ordre, notamment en Afrique. Cependant, son PIB par habitant est encore loin derrière celui
des pays de la Triade (Europe, Etats-Unis, Japon), et son économie encore très dépendante de l'extérieur
(des exportations, ou des capitaux étrangers, comme l'a encore montré la baisse des bourses en 2011 suite
aus rapatriements de nombreux investisseurs).
Notes et sources
Lettres des prisonniers portuguais à Canton, 1534-1536
La Chine, nouvelle superpuissance économique ou développement du sous-développement ? Brochure du
Cercle Léon Trotsky
Les révolutions chinoises, Brochure de la Tendance Claire du NPA
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Wiki Rouge - Révolte des Boxers
La révolte des Boxeurs (connus aussi sous le nom anglais de Boxers), qui ébranla la Chine de 1898 à
1901, fut lancée par une société secrète appelée les Poings de la justice et de la concorde, qui pratiquait ce
qu'on appelait alors la boxe chinoise et aujourd'hui le kung-fu. Ce mouvement, initialement opposé aux
puissances étrangères qui dépeçaient la Chine et à la cour impériale des Qing qui gouvernaient alors,
conduisit, à partir du 20 juin 1900, au siège des légations étrangères présentes à Pékin. Ce siège dura
55 jours et se termina par la défaite des Boxeurs insurgés et la mise sous tutelle de la Chine par huit
nations impérialistes (Allemagne, Autriche-Hongrie, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni,
Russie).
Les grandes puissances européennes arrivèrent en Chine au début du 19e siècle. Elles entendaient l'ouvrir
à leurs marchandises et se créer des sphères d'influence. Elles finirent par obliger l'Empire chinois à leur
céder des ports et des quartiers de Shanghai, où se trouvaient les concessions française, allemande,
américaine et britannique.
Sommaire
Le rejet de la dynastie en place et des grandes puissances occupantes
L'impératrice chapeaute le mouvement
Les légations étrangères de Pékin assiégées
La Chine sous le joug impérialiste
Source
Le rejet de la dynastie en place et des grandes puissances
occupantes
La colère de la population chinoise contre cette présence étrangère s'exprima d'abord contre les
missionnaires venus convertir la population. Ceux-ci jouaient un rôle d'informateurs des occupants
impérialistes, participaient à des opérations d'expropriation de terres, étaient mêlés à des incidents parfois
sanglants avec la population. À chaque attaque contre les missionnaires, les puissances impérialistes
réclamaient des sanctions et des dédommagements pour les Églises, qui étendaient ainsi leur influence.
En 1895, la défaite de la Chine dans une guerre avec le Japon entraîna la perte de Taïwan, de la région de
Port-Arthur, de sa suzeraineté sur la Corée, et de lourds dommages de guerre à payer au Japon, ce qui
accentua la mainmise des banques étrangères sur la Chine. Entre 1896 et 1898, les puissances
impérialistes accélérèrent le partage du territoire, la prise de contrôle des chemins de fer et des ports,
instruments du pillage des ressources chinoises.
Au sommet de l'État, des intellectuels réformateurs tentèrent d'imposer sans succès une modernisation
bourgeoise de la Chine, avec la bénédiction de l'empereur Guangxu. Mais le clan conservateur de
l'impératrice douairière Tseu-hi s'y opposa. Avec le soutien du chef de l'armée Yuan Shikai, elle mit
l'empereur aux arrêts et fit exécuter les réformateurs.
La société du Yìhequan, Poings de la justice et de la concorde, plus tard appelée Yìhetuan, Milice de la
justice et de la concorde, entraînait ses adhérents aux arts martiaux et à des pratiques mystiques censées
les rendre invulnérables aux balles. Ses membres, les Boxeurs, étaient des ouvriers agricoles auxquels se
joignirent des bateliers, des porteurs et des artisans ruinés. En s'opposant de façon radicale à la dynastie
régnante des Qing et à l'occupation impérialiste, ils donnaient une forme organisée aux aspirations des
masses chinoises.
L'assassinat de deux missionnaires allemands en novembre 1897 dans le Shandong lança le mouvement.
Le Shandong était le berceau du kung-fu, mais aussi la région qui avait subi de plein fouet la guerre
sino-japonaise et les manœuvres impérialistes qui suivirent, conclues par la mainmise de l'Allemagne sur
cette région.
Les Boxeurs combattirent au grand jour à partir de mars 1898. Haranguant la population avec le mot
d'ordre « Renversons les Qing, détruisons les étrangers », ils affrontèrent les armées impérialistes et
l'armée chinoise dans ce qui devenait une insurrection paysanne. Il n'était plus seulement question de s'en
prendre aux missions, les Boxeurs détruisirent les lignes télégraphiques et les voies ferrées. En 1899, la
répression eut pour effet d'élargir leur influence et de leur apporter de nouveaux partisans. Ils allaient
bientôt déferler sur Pékin et Tien-tsin.
L'impératrice chapeaute le mouvement
Devant l'ampleur du mouvement, l'impératrice douairière Tseu-hi voulut l'encadrer, afin de neutraliser son
action contre son propre pouvoir. Pour apparaître comme défendant l'intérêt national, elle refusa quelques
concessions aux puissances impérialistes. En janvier 1900, un édit de l'impératrice reconnut les sociétés
secrètes. En mai, alors que les ambassades impérialistes réclamaient l'interdiction des Boxeurs, la cour les
organisait en milices. Deux princes et un général étaient placés à leur tête.
Le 2 juin, un périmètre de sécurité étant mis en place autour des légations étrangères, 450 soldats
occidentaux arrivèrent à Pékin pour les défendre. Mais à partir du 7 juin les Boxeurs envahirent la
capitale. Les insurgés, désormais soutenus par des éléments de l'armée impériale, changèrent leur mot
d'ordre qui devint « Soutenons les Qing, détruisons les étrangers ». Courant juin, les Boxeurs affrontèrent
avec succès un détachement britannique qui tentait de venir en renfort à Pékin. Le 17 juin, les troupes
impériales chinoises se joignirent aux Boxeurs pour attaquer les légations. Le 20 juin 1900, l'assassinat
d'un baron allemand marquait le début du siège. Le 21, l'impératrice demandait aux ambassadeurs
étrangers de quitter Pékin pour Tien-tsin. Devant leur refus, elle ordonna à ses troupes et aux Boxeurs
d'attaquer les légations.
Les légations étrangères de Pékin assiégées
Il y eut des combats pour le contrôle de la gare de Pékin et les Boxeurs lancèrent des assauts contre les
concessions, dont certains bâtiments furent entièrement détruits. Mais le 14 août, une armée associant les
troupes des huit nations alliées contre la Chine entra à Pékin, après avoir livré plusieurs batailles contre les
forces chinoises. Les légations furent libérées. À la suite de quoi, militaires et colons commirent les pires
atrocités, pillant, violant et tuant par milliers des Chinois accusés, à tort ou à raison, d'être des Boxeurs.
D'octobre 1900 au printemps 1901, il y eut plusieurs dizaines d'expéditions punitives dans l'arrière-pays.
Cette terreur entendait prévenir toute autre révolte de la population chinoise. Enfin, le 1er février 1901,
les Boxeurs étaient dissous et l'impératrice ordonnait à ses troupes de les massacrer : elle avait à nouveau
fait volte-face.
La Chine sous le joug impérialiste
Le 7 septembre 1901, les huit nations impérialistes imposaient à la Chine un protocole humiliant
prévoyant le paiement de 67,5 millions de livres sterling sur trente-neuf ans (en pratique, elle paiera
jusqu'en 1930), l'exécution ou le bannissement de certains responsables chinois, l'interdiction d'importer
des armes, la destruction des forts défendant Pékin, l'expansion des légations et de nouvelles zones
d'occupation militaire. La Chine fut ainsi placée sous la tutelle des nations impérialistes. Des
fonctionnaires français contrôlaient les postes tandis que les Britanniques s'occupaient des douanes.
Malgré la défaite, le souvenir de cette lutte mais aussi celui des zigzags de la cour impériale allaient
alimenter l'opposition aux forces occupantes et les sentiments antidynastiques de la population. Dix ans
plus tard, en 1911, la dynastie tombait et la république était proclamée.
Source
Un article de Jacques FONTENOY dans le journal Lutte Ouvrière du 18 juin 2010
http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2185&id=46
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Wiki Rouge - Révolution chinoise (1911)
La révolution chinoise de 1911, ou révolution Xinhai, fut une révolution bourgeoise avortée. Dirigée par
Sun Yat-sen, elle puisait son inspiration dans les grandes révolutions bourgeoises en France et aux
Etats-Unis.
Sommaire
Contexte
Un pays semi-colonisé
Un Empire faible et impopulaire
Une bourgeoisie moderniste
Le mouvement de Sun Yat-sen
Evénements
Soulèvement
Réaction militaire
Suites
Morcèlement du pays
Essor du mouvement communiste
Lénine et la révolution chinoise
Notes et sources
Contexte
Un pays semi-colonisé
Au XIXème siècle, la Chine est victime de l'impérialisme européen.
Les occidentaux ne colonisent pas directement et entièrement le
pays, mais celui se voit imposer des traités inégaux, des missionnaires
chrétiens, des territoires concédés à la France, l'Angleterre,
l'Allemagne...
En 1885, le pays est contraint par la France de céder le Tonkin. Les
européens et les Etats-Unis lui imposent des emprunts à taux élevés.
Le Japon, nouvellement entré dans le cercle des impérialistes, lui
démembre la Corée en 1895.
Le territoire chinois était largement atteint dans son intégrité. Hong
Kong ou Taïwan étaient aux mains de puissances européennes, qui
jouissaient en outre de "concessions" dans certaines villes (c'està-dire de zones directement administrées par l'Etat étranger).
Un Empire faible et impopulaire
L'Empire chinois est alors un très vieil Etat féodal. Dans l'immense paysannerie du pays, l'accès à la terre
est très inégal : 70% se partagent 15% des terres arables, tandis qu'une minorité de seigneurs ou de
paysans riches en détient 65%. La morale confucianiste prêche bien entendu la soumission à tout ce qui
est plus fort que soi.
Politiquement, cet Empire est faible et impopulaire. Complètement soumis aux appétits des puissances
étrangères, il se charge principalement de faire pour eux un travail de police, en réprimant les mouvements
contestataires et nationalistes, comme la révolte des Boxers en 1900. De plus, cet Etat est au bord de la
banqueroute suite aux décennies de pillages.
Une bourgeoisie moderniste
Mais l'industrie chinoise se développe rapidement, ce qui donne son essor à la bourgeoisie du pays,
principalement dans le Sud littoral, depuis longtemps plus ouvert. Celle-ci est à la fois issue de l'artisanat
ancestral (soie, porcelaine, bois, laque) et d'une nouvelle couche formée à l'étranger. Attirée par la
modernité, mais désireuse de sortir de la tutelle des grandes puissances, cette bourgeoisie va se tourner
vers la politique. L'ennemi principal : la dynastie mandchoue corrompue qui livre le pays aux occidentaux.
L'impératrice Ci-Xi était très conservatrice, mais elle était obligée de concéder des modernisations. D'un
côté elle mit fin aux « cent jours de Kang » (1898), de l'autre elle proclame quarante édits : réformant les
écoles, créant l’Université, instaurant un système judiciaire, un réseau postal, un code du commerce
modernes, remplaçant les examens confucéens traditionnels par des concours ouverts sur la science…
Les avancées concédant des formes démocratiques-bourgeoises permettaient en retour un renforcement
de la bourgeoisie. En 1909, les assemblées provinciales furent élues au suffrage censitaire, puis furent
créées des chambres de commerce...
Le mouvement de Sun Yat-sen
Le courant moderniste et anti-impérialiste de la bourgeoisie va notamment se regrouper autour de Sun
Yat-sen. Ce dernier, médecin à Canton, est un intellectuel qui a fait ses études au Japon et aux États-Unis.
Son parti (informel jusqu'en 1911-1912) recrute à l'origine principalement dans la petite et moyenne
bourgeoisie (officiers, intellectuels, étudiants, commerçants, entrepreneurs des grandes villes portuaires).
Sun Yat-sen popularisait ses idées de façon synthétique, et quelque peu romancée, sous la dénomination
de "Trois Principes du Peuple" : démocratie, bien-être, nationalisme. Il rêvait d'une république
démocratique, qui assurerait un développement national, nationaliserait les terres et réaliserait une
réforme agraire. En revanche il n’est absolument pas révolutionnaire et s’oppose à la lutte des classes. On
trouve également une composante racialiste dans sa politique : c'est la "race Mandchoue" (l'ethnie des
derniers emprereurs) qui serait responsable de la barbarie contre le "vrai peuple", la "race Han". Ces idées
se répandent rapidement dans la nouvelle bourgeoisie et à l’Université, ainsi que dans l’émigration
chinoise, qui le finance.
Sun commença à rassembler des soutiens politiques dans les années 1890, face à l'incapacité de la
monarchie mandchoue à mettre en place des réformes démocratiques . Mais il ne chercha pas à construire
un mouvement politique de masse : son mouvement se confina essentiellement à des activités
conspirationnelles et terroristes (fondation de la société secrète Tongmenghui en août 1905). En 1905, des
premier soulèvements échouent.
Evénements
Soulèvement
A l'été 1911 éclatent des émeutes populaires dans le Hunan, le Hubei, le Guangdong et le Sichuan. Il
s'agissait d'une lutte contre le gouvernement des Qing qui bradait les droits de la construction des chemins
de fer aux impérialistes, sous prétexte de la nationalisation des chemins de fer. Cette lutte, appelée dans le
Sichuan le mouvement de la défense des chemins de fer, devenait très acharnée, à tel point qu'elle se
transforma au début de septembre en un soulèvement armé populaire.
Le 10 octobre 1911, un soulèvement des partisans de Sun Yat-sen réussit à Wuchang (province de Hubei),
appuyée par une insurrection des soldats contre le gouverneur général de la région. Le mouvement, qui
rassemble soldats, officiers, étudiants, bourgeois et ouvriers, s’étend peu à peu dans les provinces
centrales et méridionales de la Chine. Vers la fin de novembre, parmi les 24 provinces et régions que
comptait la Chine, 14 se déclarèrent indépendantes. Les provinces du Jiangsu et du Zhejiang forment une
armée coalisée révolutionnaire qui prend Nanjing le 2 décembre au bout de rudes combats.
La République de Chine est proclamée à Nanjing et Sun Yat-Sen en devient le président provisoire.
Le gouvernement qui en est issu est très faible, et très lâche dans son organisation. Le mouvement
populaire, inorganisé, le laisse aux mains d'un vieil appareil militaro-bureaucratique, qui refuse de donner
la terre aux paysans, et laisse inchangés les rapports de propriété.
Sun Yat-Sen tente tous les compromis. Il s'allie à la riche bourgeoisie des assemblées provinciales et des
chambres de commerce, devient président de la république le 1er janvier 1912, et cherche à obtenir la
reconnaissance internationale du nouveau régime chinois. Le général Yuan Shikai pousse le jeune
empereur à abdiquer le 12 février.
Réaction militaire
Yuan Shikai est le chef de la principale armée chinoise (l'armée du Beiyang), et cela lui procure un moyen
de pression colossal. Il a de plus le soutien tacite des impérialistes, qui le préfèrent de loin à Sun Yat-sen,
dont le nationalisme met potentiellement en péril le système semi-colonial. La grande bourgeoisie sur
laquelle Sun s'est appuyée n'est pas révolutionnaire, et est prête à s'accomoder d'un statut de bourgeoisie
comprador. Sun est donc évincé par la droite, ayant renoncé à s'appuyer sur un mouvement populaire. En
mars 1912, il cède la présidence à Yuan Shikai.
En mars, une constitution provisoire est déclarée, et en août et septembre, une assemblée de députés
créée. Le 25 août 1912, Sun Yat-sen fonde le Kuomintang (littéralement "parti nationaliste") qui est
d'emblée une force politique majeure du pays, et remporte notamment les élections à l'Assemblée. Mais
l'éxécutif est aux mains de la réaction, qui très vite montre son intention de continuité avec l'ancien
régime. Il projette notamment d'importants emprunts à l'étranger, ce qui provoque la colère du
Kuomintang.
Dès la fin de 1912, une répression sournoise est orchestrée contre les militants du parti nationaliste. En
novembre 1913, Yuan Shikai déchire brutalement le voile démocratique de l'Etat et interdit le Kuomintang
ainsi que tout journal d'opposition. Sun Yat-sen fuit au Japon et appelle à une deuxième révolution. En
1914, Yuan Shikai dissout ce qui reste du parlement, nomme des parlementaires à sa solde, des
gouverneurs militaires à la place des gouverneurs civils, et remplace la constitution de 1912 par un texte
lui accordant plus de pouvoir...
La réaction est à son comble lorsque Yuan Shikai s'autoproclame Empereur en 1915.
Suites
Morcèlement du pays
Face à la restauration impériale de Yuan Shikai, des généraux républicains du Sud de la Chine se
soulevèrent, et Yuan dut démissionner. Mais l'armée était profondément divisée en zones d'influences des
différents potentats. Sun échoua à réunifier le pays, et ne contrôla plus que le Sud, où survit formellement
la République de Chine. L'époque des seigneurs de guerre s'ouvrait, et bloquait la Chine pour longtemps
dans des survivances de féodalisme.
Essor du mouvement communiste
Parallèlement à ces événements, les grandes villes de Chine connurent un fort bouillonnement intellectuel.
La révolution de 1911 libère beaucoup d'esprits, notamment dans les Universités. Les ouvrages et courants
de pensée occidentaux sont découverts avec passion, et les revues se multiplient.
Un certain Chen Du Xiu est alors professeur à l'Université de Shanghai et dirige La Jeunesse, journal
majeur de l’avant-garde de l'époque. Mais ce n'est qu'à partir de 1917, avec le coup de tonnerre de la
Révolution d'Octobre du lointain voisin russe, et avec l'envoi de délégués bolchéviks, que le marxisme se
diffusera en Chine. Chen Du Xiu cofondera le Parti Communiste Chinois en 1921 à Shanghai, et bien qu'à
l'origine seulement composé d'intellectuels, ils trouvera très rapidement une forte base sociale dans les
concentrations ouvrières naissantes. Les bases étaient posées pour les événements révolutionnaires de
1925-1927.
Lénine et la révolution chinoise
Lénine s'intéressait de près à ces événements. Même si à cette époque il n'y avait pas de mouvement
ouvrier autonome dans l'Empire chinois, il soutenait la révolte populaire - même dirigée par des bourgeois
- contre les impérialistes occidentaux et japonais. Il soulignait la portée mondiale de cette lutte, qui
« apportait l'affranchissement à l'Asie, et qui ébranlait la domination de la bourgeoisie européenne ». En
1912-1913, Lénine a écrit plusieurs articles politiques sur la Chine : La démocratie et le populisme en
Chine, La Chine rénovée, Une grande victoire de la République chinoise, L'éveil de l'Asie, L'Europe
arriérée et l'Asie avancée et La lutte des partis en Chine.
Pour sa réflexion personnelle, on peut noter qu'avant l'expérience de la Russie en 1917, il étudiait la
capacité des bourgeois libéraux à mener une révolution démocratique, ou pas. Ainsi il écrivait[1] :
« Les paysans réussiront-ils, sans la direction du parti du prolétariat, à conserver leur position
démocratique contre les libéraux qui n'attendent que le moment opportun pour se jeter à
droite? C'est ce que montrera un proche avenir». La Chine rénovée, Pravda, 7 novembre
1912
Et quelques mois plus tard, après la capitulation devant la réaction de Yuan Shikai :
«Les révolutions de l'Asie ont montré la même absence de caractère, et la même bassesse du
libéralisme, la même importance exclusive d'une indépendance des masses démocratiques, la
même délimitation précise entre le prolétariat et toute la bourgeoisie. » Les destinées
historiques de la doctrine de K. Marx, 1913
Notes et sources
Les révolutions chinoises, Tendance CLAIRE du NPA, été 2011
Le centennaire de la révolution de 1911,
John Chan, "La tragédie de la révolution chinoise de 1925-1927", [1]
1. ↑ Le mouvement social en Chine (III), Bibliothèque internationale de la Gauche communiste
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Wiki Rouge - Révolution chinoise (1925-1927)
Le nom de révolution chinoise a désigné les
événements de 1925-1927. Le formidable élan
révolutionnaire des ouvriers et des paysans de Chine,
qui a connu un échec cuisant en majeure partie à
cause de la politique du Parti Communiste Chinois
inféodé à Staline.
Sommaire
Contexte
Un pays morcelé et dominé
Une lutte de classe qui s'accentue
Dans l'Internationale Communiste
Les faits
L'alliance avec les nationalistes
Radicalisation rapide après 1925
Réaction bourgeoise et suivisme
suicidaire
Massacre de Shanghai et Terreur blanche
Ecrasement final et dictature
Analyses
Un "front unique" suicidaire
Motivation des staliniens de l'IC
La direction du PCC
Confirmation dans la défaite pour
Trotsky
Bibliographie
Livres
Articles
Notes
Contexte
Un pays morcelé et dominé
La Chine, république depuis 1911, n'avait pas de gouvernement stable à Pékin. Particulièrement dans les
campagnes du Nord, les Seigneurs de la guerre menaient depuis 1916 des mouvements de sécession
réactionnaires et semi-féodaux. Basé dans le Sud, à Canton, le parti nationaliste de Sun Yat-sen, le
Kuomintang (KMT) voulait un pays unifié. Les Seigneurs de guerre étaient tous achetés par les puissances
impérialistes et le KMT se présentait comme la solution de développement national, mais ne proposait au
fond qu'une forme plus efficace de co-gestion à la bourgeoisie commerçante, qui jouissait d'un rôle
d'intermédiaire vis-à-vis de l'impérialisme occidental - surtout anglais - et japonais.
« L’attitude du Kuomintang envers l’impérialisme fut, dès le début, non pas révolutionnaire
mais toute de collaboration; le Kuomintang cherchait à battre les agents de certaines
puissances impérialistes pour entamer des marchandages avec ces mêmes puissances ou avec
d’autres, à des conditions plus avantageuses » [1]
Le représentant du Parti Communiste Chinois au VIIème plenum du comité exécutif de l’Internationale
(fin 1926) disait du Kuomintang:
«Dans le domaine de la politique internationale, il a une attitude passive, au plein sens du
terme (...). Il est enclin à ne lutter que contre l’impérialisme anglais; quant aux impérialistes
japonais, il est prêt dans certaines conditions à admettre un compromis avec eux»
La Première guerre mondiale a aussi accéléré la radicalisation des masses : sous la pression, la Chine a
participé à la guerre et fait officiellement partie du camp de la victoire. Mais lors des négociations de la
Conférence de Versailles de 1919, les concessions coloniales allemandes du Shandong sont données au
Japon. Ce qui provoque une vague de protestations étudiantes et ouvrières à travers tout le pays. Les
illusions populaires sur la « démocratie » anglo-américaine sont réduites à néant. Quel que soit le
vainqueur, l’exploitation impérialiste de la Chine allait se poursuivre. La victoire de la classe ouvrière
russe ouvre, par contre, une nouvelle perspective pour les masses chinoises.
Une lutte de classe qui s'accentue
Le pays est dans une situation économique proche de celle de la Russie pré-révolutionnaire, avec encore
plus d'arriération. Aux marges des immenses campagnes, une jeune classe ouvrière surexploitée se
développe rapidement, principalement à Shanghai, Canton et Hong-Kong. De 1,5 millions d'ouvriers en
1910, la classe passe à 2 millions. Suite aux libertés acquise après la révolution républicaine de 1911, les
travailleurs commencent à s'organiser. On compte une centaine de grèves entre 1895 et 1918. Le PCC est
fondé le 1er juillet 1921 dans la concession française à Shanghai. En 1922, sous l'impulsion du PCC se
tient à Canton le premier congrès national des syndicats chinois, avecc 160 délégués représentant 270 000
travailleurs. Au sein des contradictions du capitalisme mondial, tout tendait à mettre au devant de la scène
une implacable lutte de classe.
Dans l'Internationale Communiste
L'Internationale communiste était toute jeune, fondée en 1919 autour des bolchéviks, et son sort est
étroitement lié à celui de la révolution chinoise. C'est l'exemple russe qui aide la naissance du Parti
Communiste Chinois (PCC) et qui stimule la lutte de classe en Chine, mais c'est aussi la défaite chinoise
(qui suit la défaite allemande) qui va favoriser la dégénérescence de l'IC, qui était déjà aux mains des
proches de Staline. Le Deuxième congrès de l'IC en 1920 avait établi des principes essentiels sur la
question nationale et coloniale : les communistes pouvaient soutenir les mouvements bourgeois de
libération nationale, à condition que ceux-ci n'empêchent pas l'organisation des ouvriers et paysans pour la
révolution, des revendications petite-bourgeoises comme la répartition des terres pouvaient être
défendues, mais sans perdre de vue l'objectif de former des soviets ouvriers et paysans. Ce sont ces
principes que va trahir la direction de l'IC, surtout après 1924 (année de la mort de Lénine).
Les faits
L'alliance avec les nationalistes
Face à la montée de l'influence communiste, les autorités répriment sévèrement, notamment lors de la
grande grève dans les chemins de fer en 1923.
Face aux difficultés, le PCC et l'IC décident en août 1922, suite au Troisième congrès de l'I.C, d'appeler
tous les membres du parti à rejoindre le KMT. L'idée était de s'appuyer sur ce mouvement de libération
nationale, en retirer une certaine couverture pour les militants communistes, et de permettre de gagner
leurs membres les plus progressistes. L'IC s'impliqua à fond dans les conseils organisationnels[2] au KMT,
et dans le soutien militaire[3], à tel point que l'on peut dire que c'est l'URSS qui a donné vie à "l'Armée
nationale révolutionnaire" du KMT. En septembre 1923, communistes et nationalistes s'allient
officiellement contre les seigneurs de guerre.
De son côté, le KMT avait senti le besoin de cette aide. Sun Yat-sen
dut fuir Shanghai en 1922 après une tentative de coup d'Etat local, ce
qui lui fit comprendre son besoin d'une force d'appui. En 1924, il
n'avait que 150 à 200 gardes loyaux — à comparer avec les 200 à
300 000 soldats que contrôlaient chacun des seigneurs de la guerre du
Nord. Le KMT comportait des éléments franchements hostiles aux
communistes. Mais son leader Sun Yat-sen faisait lui-même partie de
l'aile gauche du parti, anti-impérialiste et admiratrice de la puissance
révolutionnaire démontrée en Russie, grâce à laquelle le front unique
avait été rendu possible.
Mais le KMT pose bientôt des conditions plus strictes : les
communistes ne peuvent pas faire de propagande dans les rangs nationalistes. L'IC, dirigée par Zinoviev
(qui est alors allié à Staline contre Trotsky) pousse le PCC à accepter : les accords "Sun-Joffé" sont signés
en janvier 1924. Le PCC perd alors rapidement toute visibilité, prônant un "bloc des 4 classes" (paysans,
ouvriers, petite-bourgeoisie, bourgeoisie nationaliste).
Radicalisation rapide après 1925
A la mort de Sun en 1925, les tensions s'accroissent entre l'aile gauche et l'aile droite, animée
principalement par le commandant en chef de la jeune armée Tchang Kaï-chek[4], et la lutte de classe
s'aiguise dans le pays. La vague révolutionnaire s'annonce en Chine, et se reflète notamment dans la
fulgurante progression du PCC. A sa naissance en 1921 il n'est qu'un tout petit groupe d'intellectuels, il
passe d'un millier de militants en 1925 à 60 000 début 1927, et il avait une influence sur des millions
d'ouvriers et de paysans.
Manifestations, grèves et occupations de terres culminèrent en 1925-1927, avec notamment près de 400
000 ouvriers défilant à Shanghai, Canton et Pékin lors de la grande grève générale du 30 mai 1925. Les
ouvriers et les paysans mettaient de plus en plus leurs espoirs dans une révolution sociale qui, balayant les
classes possédantes, aurait mis fin à leur oppression séculaire. En 1926, les ouvriers de Canton avaient
formé un véritable soviet qui gérait ses propres milices et tribunaux. Le mouvement paysan se heurtait
violemment dans le Guangdong aux propriétaires terriens et à l'armée. Ces masses en mouvement étaient
non seulement acquises aux idées communistes, mais foncièrement hostiles au KMT, qu'elles percevaient
intuitivement et avec raison comme la représentation de la bourgeoisie.
Réaction bourgeoise et suivisme suicidaire
Le renforcement du poids des communistes provoqua dans le KMT un regroupement de droite dirigé par
Tchang Kai-chek. La passivité du PCC lui permit de prendre les devants. Le KMT s'appuya sur la ferveur
révolutionnaire pour prendre le pouvoir dans la province du Guangdong. Déjà le 20 mars 1926, sous un
faux prétexte, Tchang Kai-chek, frappe les ouvriers : les sièges des syndicats sont dévastés, leurs chefs
arrêtés, leurs organisations détruites. Tchang s’excuse pour le "malentendu" et le PCC capitule
complètement, acceptant d’abandonner toute critique envers les positions officielles, de donner la liste de
ses militants inscrits au Kuomintang...
La rupture était inévitable d'une façon ou d'une autre, mais le PCC se soumettait plus que jamais au KMT.
Surtout, le PCC renonçait à ses propres armes de classe : lorsque des paysans confiscaient les terres ou
des ouvriers tenaient des piquets de grève, l'appareil communiste dénonçait les "illusions" des masses
populaires. Ce suivisme total suscitait bien quelques résistances au sein du parti et en juin 1926 le Comité
central du PCC propose "un peu plus d'indépendance" par rapport au KMT, mais il se voit répondre par
Borodine (représentant de l'IC) : « Dans la présente période les communistes doivent faire un travail de
coolies pour le Kuomintang ». Il lui fut même interdit d'organiser des fractions de gauche dans le KMT.
Les funestes conséquences ne tardèrent pas.
Puis le KMT entraîna une bonne partie des militants de base dans l'Expédition du Nord (1926-1928), tout
en demandant l'arrêt des revendications sociales : « Il faut d'abord chasser les impérialistes et unifier le
pays. » En juillet 1926, quelques jours après le départ de Canton des régiments acquis au PCC, des bandes
de nervis et de gangsters recrutés dans toute la région furent lancés contre les organisations ouvrières;
après six jours d’affrontements au cours desquels une cinquantaine d’ouvriers furent tués, les autorités se
manifestèrent pour « rétablir l’ordre », c’est-à-dire désarmer les ouvrier et leur interdire de manifester,
l’arbitrage obligatoire fut instauré pour prévenir les grèves, etc. Les conquêtes des prolétaires au cours des
années précédentes furent brisés et une véritable loi martiale interdisant les grèves est imposée en
décembre. Cela n’empêcha pas l’IC de déclarer, fin 1926, le KMT « parti sympathisant »...
Massacre de Shanghai et Terreur blanche
Alors que l'armée révolutionnaire du KMT progressait vers le Nord, durant l'hiver 1926-1927, elle
soulevait l'enthousiasme des ouvriers et paysans qui n'en avaient pas encore fait l'expérience. A partir de
février 1927, l'armée approchant de Shanghai, le PCC commença à organiser des grèves et soulèvements
ouvrier. En mars, l'armée cesse son avancée le temps qu'un soulèvement soit réprimé (probablement suite
à un accord avec le général Li de Shanghai, qui deviendra commandant sous Tchang Kai-chek...). Mais les
ouvriers l'emportaient néanmoins, et Tchang Kai-chek entra dans la ville le 26 mars, et fit tout pour
montrer à la bourgeoisie locale et impérialiste qu'il était capable de restaurer l'ordre.
L'Opposition de gauche et Trotsky écrivaient le 3 avril : « Continuer la politique d’un parti communiste
dépendant, fournir des ouvriers au Kuomintang, c’est préparer les conditions de l’établissement
triomphant d’une dictature fasciste en Chine ». Ce n'était pas un éclair de génie, c'était l'observation : en
Turquie, le leader bourgeois Kemal Pacha venait de faire égorger les communistes et renforçait son régime
autoritaire.
Il se livra à une répression aveugle, aidé par des bandes recrutées à la va-vite dans le lumpenprolétariat,
mais surtout par la passivité du PCC, qui avait rendu les armes. Malgré toute la complaisance du PCC, la
"guerre civile chinoise" s'ouvrait lamentablement sur le massacre de Shanghai du 12 avril 1927.
Le PCC fit tout pour poursuivre dans la collaboration, reportant ses espoirs sur le "Kuomintang de
gauche", la fraction de Wang Jingwei dans le Wuhan, jusqu'à ce que celui-ci trahisse également en juillet.
Une fois que la vague contre-révolutionnaire avait eu le temps de frapper tout le pays (on parle de 25 000
morts), l'IC dicta au PCC une aventure gauchiste : des soulèvements paysans connus sous le nom de
"moisson d'automne", ainsi que la Commune de Canton.
Ecrasement final et dictature
La Commune de Canton, qui malgré le reflux amorcé réunit
près de 20 000 prolétaires, fut la mise en place d'un soviet
révolutionnaire dans la ville pendant 4 jours, après son
écrasement, sous le regard désabusé de la majorité des
cantonnais. Avec sa défaite et la répression qui s'ensuit, c’est
toute une période révolutionnaire qui se termine pour le
prolétariat chinois. Selon ses propres estimations, le PCC qui au
printemps 1927 était composé à 63,8% d’ouvriers, en comptait
moins de 15% l’année suivante et il n’avait « pas la moindre
cellule saine dans le prolétariat industriel »: les ouvriers l’avaient quitté par milliers, et ils ne devaient plus
jamais regagner ses rangs; se réfugiant dans les campagnes, se fixant l’objectif politique d’être «le vrai
Kuomintang», ce qui restait du parti communiste chinois cessait définitivement d’être une organisation
prolétarienne, comme la révolution de 1949 allait l'illustrer.
Tchang Kai-chek eut la voie libre pour incarner la réaction, mettant en place une dictature, durant ce que
l'on appela la décennie de Nankin (1927-1937).
Analyses
Un "front unique" suicidaire
Ces événements posent la question de l'indépendance de la classe ouvrière et du front unique. Pourtant,
l'Internationale Communiste avait déjà théoriquement résolu ces questions. Comme dit avec insistance par
Lénine lors du II° Congrès :
« L'Internationale Communiste doit entrer en relations temporaires et former aussi des unions
avec les mouvements révolutionnaires dans les colonies et les pays arriérés, sans toutefois
jamais fusionner avec eux, et en conservant toujours le caractère indépendant de mouvement
prolétarien même dans sa forme embryonnaire. »[5]
Plusieurs années plus tard, en novembre 1937, Trotsky écrivit à Harold Isaacs :
« L'entrée en elle-même en 1922 n'était pas un crime, peut-être même pas une erreur, en
particulier dans le Sud, selon la présomption que le Kuo-Min-Tang à cette époque comprenait
un certain nombre d'ouvriers et que le jeune parti communiste était faible et composé presque
entièrement d'intellectuels[...]. La question est de savoir quel était leur intention en entrant et
quel a été la politique qui en a découlé ? »
De fait, ce n'est pas l'alliance de circonstance en soi qui est à condamner, c'est le suivisme absolu, alors
que non seulement des occasions révolutionnaires passent, mais que la plus simple analyse de la situation
indique le danger de s'interdire de riposter.
Motivation des staliniens de l'IC
Il est clair que la politique de l'Internationale, dictée par Moscou, a constitué une véritable éteignoir,
sanglant et démoralisant, pour la révolution chinoise. Les motivations de la direction de l'IC étaient
ambivalentes. Les premiers arguments qui furent avancés, notamment par Maring, responsable de l'IC
pour la Chine, étaient surtout la répression du mouvement ouvrier et la nécessité de se lier aux masses
illusionnées par le nationalisme. Mais il y avait des raisons plus fondamentales.
D'une part une erreur théorique de fond : le schéma étapiste selon lequel il fallait d'abord réaliser une
révolution bourgeoise, donc dirigée par les bourgeois du KMT avec qui il fallait s'allier à tout prix. De fait
c'était contraire aux principes actés par l'IC, et cela revenait à la fausse théorie menchévique. Mais de
1924 à 1927, Staline insista pour dire que la bourgeoisie anticoloniale pourrait être plus révolutionnaire
que la bourgeoisie antitsariste russe, et que les enseignements de la révolution russe ne pouvaient être
appliqués à la Chine. Or, comme en Russie, la bourgeoisie voulait certes accéder au pouvoir, mais pas au
prix d'une mobilisation révolutionnaire des masses. Mais la question chinoise ne soulevait pas grand débat
vers 1924, lorsque fut décidée l'entrée des communistes au KMT. Trotsky y était opposé, mais ne se battit
pas là dessus avant 1927.
Mais la politique de l'IC était aussi due aux motivations propres de la bureaucratie stalinienne en
développement. L'IC fonctionnait de plus en plus comme un appareil diplomatique au service de l'URSS.
Or celle-ci avait conclu des accords militaires, économiques et politiques avec le KMT, ce qui les poussait
à imposer la soumission du PCC. Par ailleurs, une grande partie de la bureaucratie stalinienne avait déjà
saisi à quel point une révolution prolétarienne pouvait la menacer, par la réactivation de la combativité des
masses.
Fin 1924, Staline et Boukharine commencèrent à parler ouvertement de construire le "socialisme dans un
seul pays", ce qui contribuait à justifier une poltique non révolutionnaire, mais "pragmatique"
(conservatrice).
Il y eut des avertissements et des critiques, notamment le 17 mars 1927 une lettre de Nazonov, Forkine et
Albrecht, envoyés en mission en Chine, adressée au Comité exécutif de l'IC. La direction stalinienne
passa totalement sous silence cette lettre.
La direction du PCC
L'appareil du PCC était issu de l'intelligentisia petite-bourgeoise qui s'était radicalisée après le mouvement
nationaliste du 4 mai 1919, mais celle-ci était très peu formée au marxisme, et n'avait aucune expérience
comme celle des bolchéviks. La direction n'admettait pas d'ouvriers, et elle se méfiait avec un certain
mépris des mouvements spontanés des ouvriers et paysans.
C'est aussi cet état d'esprit qui facilita l'acceptation de ligne de l'IC, en plus de la dépendance matérielle à
l'égard de l'Etat russe.
Confirmation dans la défaite pour Trotsky
Ironiquement, ces événements allaient affaiblir l'Opposition de gauche en Union soviétique, tout en
validant sa plate-forme politique. En effet, si les analyses de l'Opposition sur le danger criminel que Staline
faisait courir au mouvement ouvrier chinois se sont avérées justes, le fait même de sa défaite renforça la
bureaucratie thermidorienne.
Comme Trotsky l'expliquera dans la Révolution trahie, la lutte contre la bureaucratie n'est plus une lutte
d'idées pour convaincre des camarades égarés, c'est un rapport de force dans lequel les uns (ici
l'Opposition) ne peuvent s'appuyer que sur les luttes du prolétariat mondial, et les autres sur leur reflux. La
perspective d'une révolution socialiste en Chine était donc au coeur des espoirs des bolchéviks
authentiques. Et avec raison, car en deux années d'intense activité révolutionnaire du prolétariat chinois,
certains travailleurs russes reprennaient espoir dans la lutte politique, ce qui s'exprimait notamment dans
le fait que l'Opposition recevait de nouvelles marques de sympathie, des soutiens nouveaux, dans les
usines, les quartiers ouvriers. En fait, ce sont des directions diamétralement opposées qui apparaissaient
clairement aux plus avancés des communistes, et la tension qui était à son comble.
Zinoviev, qui avait rejoint l'Opposition, mesurait l'importance des luttes de classe en Chine :
« Les événements en Chine ont une aussi grosse importance que les événements d’Allemagne
en octobre 1923. Et si toute l’attention de notre parti se porta alors sur l’Allemagne, il faut
qu’il en soit de même maintenant en ce qui concerne la Chine, d’autant plus que la situation
internationale est devenue pour nous plus compliquée et plus inquiétante. »[6]
Alors assez naturellement, la défaite en Chine constitua un revers décisif, si bien qu'à la fin de 1927,
Trotsky fut exclu du Parti communiste de l’Union Soviétique (PCUS) puis expulsé d’URSS.
En 1930, Trotsky décrira l'importance de la compréhension de ces événéments en ces termes :
« Une étude de la Révolution chinoise est une question très importante et urgente pour tout
communiste et tout ouvrier avancé. Il n'est pas possible de parler sérieusement dans aucun
pays de la lutte du prolétariat pour le pouvoir sans une étude par l'avant-garde prolétarienne
des événements fondamentaux, des forces motrices, des méthodes stratégiques de la
Révolution chinoise. Il n'est pas possible de comprendre ce qu'est le jour sans savoir ce qu'est
la nuit ; il n'est pas possible de comprendre ce qu'est l'été sans avoir expérimenté l'hiver. De la
même façon, il n'est pas possible de comprendre la signification de l'insurrection d'Octobre
sans une étude des méthodes de la catastrophe chinoise. »[7]
Bibliographie
Livres
Lucien Bodard, Les grandes murailles, Grasset, 1987 [le roman évoque la révolution à Canton et
les massacres à Shanghai]
Jean Chesneaux, Le mouvement ouvrier chinois de 1919 à 1927, Ecole des hautes études en
sciences sociales, 1999 [Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Revue française de science
politique]
Harold Robert Isaacs, La tragédie de la révolution chinoise - 1925-1927, Gallimard, 1967
André Malraux, Les Conquérants, Grasset, 1928 [le roman évoque la révolution à Canton - Critique
de Trotsky]
André Malraux, La Condition humaine, Gallimard, 1933 [le roman se déroule durant les massacres
à Shanghai]
Alexander Pantsov, The Bolsheviks and the Chinese Revolution 1919-1927, Curzon Press, 2000
[CEFC]
Victor Serge, La révolution chinoise, Savelli, 1977
Stephen Anthony Smith, A Road is made - Communism in Shanghai 1920-1927, Curzon Press, 2000
[CEFC]
Pierre Souyri, Révolution et contre-révolution en Chine, Christian Bourgeois, 1982 [La Bataille
socialiste]
Trotsky, L'Internationale Communiste après Lénine - Bilan et perspectives de la révolution
chinoise, MIA, 1928
Pierre Broué, La question chinoise dans l'Internationale communiste
Articles
Victor Serge, La lutte des classes dans la révolution chinoise, MIA, fin avril 1927
Shanghai, avril 1927 - Le bain de sang du prolétariat chinois arrose la victoire du stalinisme,
Bibliothèque Internationale de la Gauche Communiste
Débuts du Parti communiste chinois (Shanghai 1849-1946), Chine informations
Chine 1927 : le stalinisme livre le prolétariat à la répression, Courant Communiste International
La Chine du XXe siècle en révolutions – I – 1911-1949, Europe Solidaire Sans Frontières
Il y a 80 ans : Staline livrait les communistes chinois à leurs bourreaux et réprimait l'Opposition
communiste en URSS, Lutte Ouvrière n°2056
La révolution chinoise de 1925-1927, Matière et Révolution
La tragédie de la Révolution chinoise de 1925-1927, WSWS 1/3 - 2/3 - 3/3
Pour une réévaluation de l'héritage de Trotsky et de sa place dans l'histoire du XXe siècle, WSWS
Les révolutions chinoises, Tendance CLAIRE du NPA, été 2011
Notes
1. ↑ L'Internationale Communiste après Lenine, Bilan et perspectives de la révolution chinoise,
Trotsky, 1928
2. ↑ Le Komintern envoya son nouveau représentant Mikhail Borodin en tant que conseiller pour le
KMT, qui fut restructuré du sommet à la base selon des principes organisationnels bolcheviques. Dix
membres dirigeants du PCC furent placés au comité central exécutif du KMT, environ un quart du
total de ses membres. Des cadres communistes prirent souvent en charge différents aspects des
activités du KMT.
3. ↑ L'académie militaire de Whampoa à Guangzhou fut établie avec l'assistance de conseillers
soviétiques. Par ailleurs, l'appui du PCC fut vital pour mobiliser les ouvriers et les paysans dans la
nouvelle armée.
4. ↑ A noter que Tchang Kaï-chek a été formé militairement sur le sol soviétique et a construit son
ascension au sein de l'académie de Huangpu, citée plus haut...
5. ↑ Thèses et additions sur les questions nationales et coloniales, II° Congrès de l'I.C., Juillet 1920
6. ↑ Thèses de Zinoviev pour le Bureau Politique du PC de l’URSS le 14 avril 1927
7. ↑ Oeuvre de Léon Trotsky, août 1930
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Wiki Rouge - Décennie de Nankin
La décennie de Nankin est le nom que l'on a donné à la période de
réaction de 1927-1937 en Chine, durant laquelle Tchang-Kaï-Tchek mit
en place une dictature. Elle représente une sanction de la défaite du
mouvement ouvrier en 1925-1927, et détermine en majeure partie la
Révolution de 1949.
Sommaire
Lourde défaite du mouvement ouvrier
Le régime de Tchang-Kaï-Tchek
Bonapartisme de type fasciste
Modernisation... de la semi-colonie
Crise économique mondiale et faiblesses internes
La politique des communistes
Repli vers la paysannerie
Tournant gauchiste de l'Internationale et bases rouges
La « Longue Marche » et l'ascension de Mao
Suites
Notes et sources
Lourde défaite du mouvement ouvrier
La classe ouvrière organisée fut écrasée en 1927, alors qu'elle avait un formidable potentiel
révolutionnaire en 1925-1927. Des dirigeants et militants ouvriers furent assassinés par milliers par les
troupes Tchang-Kaï-Tchek et de son parti nationaliste bourgeois, le Kuomintang (KMT).
Cette défaite sanglante de la seconde révolution chinoise est la conséquence fatale de la soumission
politique et organique du parti communiste chinois (PCC) à ce parti bourgeois, soumission imposée par
l’Internationale communiste dirigée par la clique Staline-Bouhkarine.
Trotsky, qui avec l'Opposition de gauche dénonçait le suivisme suicidaire imposé au PCC, prévenait le 3
avril : « Continuer la politique d’un parti communiste dépendant, fournir des ouvriers au Kuomintang,
c’est préparer les conditions de l’établissement triomphant d’une dictature fasciste en Chine ». Seulement
9 jours après, c'était le massacre de Shanghai et effectivement, un régime réactionnaire anti-ouvrier fut
instauré. Ce n'était pas une prédiction sortie de nulle part, c'était la conclusion d'une compréhension
matérialiste de la situation, appuyée sur d'autres tragiques expériences : Turquie, le leader bourgeois
Kemal Pacha venait de faire égorger les communistes et renforçait son régime autoritaire.
Le régime de Tchang-Kaï-Tchek
Bonapartisme de type fasciste
Après la conquête de la majeure partie de la Chine par les troupes nationalistes, Tchang-Kaï-Tchek
instaura sa dictature, fondée sur le parti unique (KMT), le culte de la personnalité (Tchang-Kaï-Tchek se
fit appeler « le Gemo », le généralissime), l’embrigadement de la jeunesse dans les « Chemises bleues » et
un recours réactionnaire à la tradition confucianiste. Ce bonapartisme de type fasciste permit d’organiser
une lutte systématique et efficace contre les communistes et le mouvement ouvrier (constitution de
« syndicats » officiels, intégrés à l’État et financés
par lui, dont les bureaucrates étaient nécessairement
membres du Kuomintang et auxquels les ouvriers des
grandes entreprises étaient obligés d’adhérer ; il
subsistait quelques syndicats clandestins, sans cesse
pourchassés et réprimés).
Modernisation... de la semi-colonie
En même temps, le régime dit « de Nankin », du nom
de la ville où le gouvernement de Tchang-Kaï-Tchek
était installé, tenta une modernisation économique
du pays, réalisant notamment l’unification
administrative, judiciaire, douanière et monétaire de
la Chine. Il y eut également un développement des transports, qui permit un certain désenclavement de la
Chine. Des progrès sont également faits dans l'éducation et, dans le but d'unifier la société chinoise, un
programme pour promouvoir la langue nationale et limiter ses variations dialectales est lancé.
Mais la modernisation restait relative, le pays demeurant arriéré économiquement et toujours rural dans
une proportion écrasante (la classe ouvrière ne représentait encore qu’1 % de la population totale du
pays). En matière de politique agricole, on n’enregistra que très peu de progrès au cours de cette période,
hormis la réalisation de quelques travaux hydrauliques.
Mais même ces progrès relatifs se firent en faisant appel à des capitaux étrangers : ces investissements
doublèrent entre 1911 et 1936. Ces capitaux servirent notamment à développer le réseau ferré et routier,
et des compagnies aériennes civiles à capitaux mixtes (allemands surtout) émergèrent. Certes, le
gouvernement mène une lutte - diplomatique - contre les formes les plus humiliantes d'impérialisme : il ne
renouvèle pas les traités inégaux qui arrivent à échéance, et la Chine retrouve l’autonomie de ses ports.
Mais si les puissances étrangères restituent les deux tiers des concessions, elles gardent les plus
importantes. Le régime de Tchang-Kaï-Tchek, malgré son nationalisme, ne parvenait pas réellement à
sortir la Chine du statut de semi-colonie des occidentaux.
Crise économique mondiale et faiblesses internes
La crise économique mondiale gagna la Chine dès 1931, crise à laquelle vinrent s’ajouter des catastrophes
naturelles entraînant de graves famines. Un déficit budgétaire chronique, dû aux dépenses improductives
du régime (pour l’armée en particulier), frappait l’économie chinoise. Le gouvernement bureaucratique de
Tchang-Kaï-Tchek était d’ailleurs corrompu jusqu’à l’os.
La politique des communistes
Repli vers la paysannerie
Après la défaite de 1927, le PCC, victime de la répression, se réfugia, dans les campagnes, dans une zone
de collines peu accessible. Il tenta encore d’organiser deux soulèvements militaires (à Nang Chang au Sud
de la Chine en août 1927 et lors de l’insurrection dite « de la Moisson d’Automne » en septembre de la
même année), puis il abandonna toute tentative de reprendre contact avec les villes et les 2 millions
d'ouvriers. Cessant ainsi définitivement d’être un parti ouvrier, il devint un appareil politico-militaire
s’appuyant sur la paysannerie, bureaucratisé à l’extrême, des comités locaux permanents de quelques
personnes détenant l’essentiel du pouvoir.
Tournant gauchiste de l'Internationale et bases rouges
Entre 1927 et 1937, la bureaucratie stalinienne de l'Internationale imposa depuis Moscou un tournant
gauchiste brutal. Dans les circonstances de la Chine, cela se concrétis en implantation de « bases rouges »
et de « soviets » à la campagne.
À partir de 1928, le PCC mit sur pied une « armée rouge », bientôt forte de 10 000 hommes environ,
composée de paysans, d’anciens bandits et de déserteurs de l’armée nationaliste et avec laquelle il réussit
à conquérir quelques zones rurales. Là où il s’implanta, il mena une politique progressiste de réformes :
ouverture d’écoles, lutte contre les traditions paysannes obscurantistes (opium, jeux, pieds bandés,
inégalité des sexes…) et surtout réforme agraire (confiscation des terres des grands propriétaires fonciers
et redistribution aux petits paysans). Des « soviets » locaux, en réalité des organismes larges entièrement
contrôlés par le parti, furent institués.
Le 7 novembre 1931 fut même proclamée la République soviétique chinoise, avec Mao comme président ;
elle contrôlait environ dix millions de personnes dans les provinces centrales du pays, le Hunan et le
Jiangxi ; le parti, quant à lui, compta bientôt jusqu’à 300 000 membres.
La « Longue Marche » et l'ascension de Mao
Mao-Tsé-Toung, ancien bibliothécaire de l’Université de Shanghaï, était le seul dirigeant originaire de la
campagne — il était né dans le Hunan dans une famille de la moyenne paysannerie — et avait été à ce
titre chargé dès 1923-1924 des affaires paysannes. Dans la nouvelle situation, cela lui donnait déjà un
atout pour peser dans la direction du PCC. Mais c'est surtout la « Longue Marche » qui affermit son
autorité.
Les attaques militaires très violentes lancées par le gouvernement central de Tchang-Kaï-Tchek contre les
bases communistes se multipliaient ; ce furent notamment, entre 1931 et l’automne 1934, les « cinq
campagnes d’éradication », menées avec des moyens considérables — notamment des avions de
chasse —, et qui finirent par obliger les communistes à évacuer toutes leurs bases et à fuir ; alors
commença la « Longue Marche ».
110 000 partirent (90 000 soldats et 20 000 civils environ) ; seuls 10 000 arrivèrent à Yanan, au nord-ouest
de la Chine, où ils s’arrêtèrent pour implanter une petite base communiste. Pendant le parcours, une
bonne moitié des soldats avait déserté, une autre partie avait péri. Car la « Longue Marche », une
traversée du pays sur plus de 12 000 kilomètres, avait rencontré de nombreux obstacles : le climat,
l’hostilité d’une partie des populations face à ce qu’elles considéraient comme des envahisseurs, les
attaques nationalistes de l’armée nationale… Le parti perdit non seulement ses bases rurales, récupérées
par le régime de Tchang-Kaï-Tchek, mais encore la plupart de ses militants, réduits à 40 000 à peine en
1936.
Mais la Longue Marche eut deux conséquences importantes : d’une part, l’autorité de Mao-Tsé-Toung en
sortit considérablement affermie, il devint le dirigeant incontesté du parti, le comité central reconnaissait
désormais ses thèses : construire avant tout un parti paysan. D’autre part, la propagande menée tout au
long du chemin contribua à populariser le programme du parti auprès de la paysannerie.
Suites
Lorsque le Japon envahit la Chine en 1937, le régime de Tchang-Kaï-Tchek apparut extrêmement faible,
et une bonne partie de la bourgeoisie prête à capituler. Le PCC, fort de son soutien dans les campagnes,
menait lui une résistance efficace et se révéla bientôt être la meilleure force politique nationaliste. La
défaite du Japon en même temps que la désintégration du KMT lui ouvrit la voie pour prendre le pouvoir
en 1949, même si cette révolution n'avait rien de socialiste.
Notes et sources
Les révolutions chinoises, Tendance CLAIRE du NPA, été 2011
Récupérée de « http://wikirouge.net/D%C3%A9cennie_de_Nankin »
Wiki Rouge - Révolution chinoise (1949)
La révolution chinoise de 1949 fut la
prise du pouvoir par le Parti
Communiste Chinois (PCC), mais
pourrait être caractérisée comme une
révolution nationaliste, avec un fort
appui de la paysannerie, mais en aucun
cas d'une révolution socialiste. Cette
révolution est l'aboutissement de ce
que l'on a appelé la guerre civile
chinoise (1927-1949).
Sommaire
Contexte
La décennie de Nankin
(1927-1937)
L'impérialisme
et
la
« Guerre Froide »
Les événements
1931
L'invasion
japonaise
1936
L'alliance
KMT-PCC
1937- Guerre nationale et
victoire commune
1945 - Guerre civile et
victoire du PCC
Le nouveau régime issu de 1949
Prise de l'appareil d'Etat
et gages bourgeois
Réformes progressistes et
réforme agraire
Relations internationales
Le
régime
et
la
bourgeoisie
La collectivisation des
terres
Controverses sur la nature de
l'Etat
L'impasse de la voie maoïste
Notes et sources
Contexte
La décennie de Nankin (1927-1937)
Suite à la cuisante défaite du mouvement ouvrier en 1927, les militants du PCC sont pourchassés, et ont
trouvé refuge dans les campagnes. Le Kuomintang (KMT) de Tchang-Kaï-chek instaure une dictature et
réussi à rétablir l'ordre bourgeois dans l'essentiel du pays.
L'Internationale communiste stalinisée impose à cette époque un tournant gauchiste, et le PCC implante
des "bases rouges" dans les campagnes, et proclame même une éphémère république dite « soviétique »,
même s'il s'agit principalement d'une réforme agraire, sans démocratie. Le PCC change profondément de
nature : il perd tout lien avec les deux millions d'ouvriers et devient un appareil politico-militaire qui se
créé une certaine popularité dans la paysannerie.
Parallèlement, les combats avec l'armée du KMT sont très durs, infligeant de dures épreuves au PCC :
c'est la "guerre civile chinoise". C'est notamment avec la Longue Marche que Mao Zedong va s'imposer à
la direction du parti, auquel il va faire accepter son révisionnisme consistant à s'appuyer sur une armée
paysanne. Les pérégrinations du PCC dans les campagnes chinoises vont d'ailleurs lui permettre de
populariser son programme parmi l'immense paysannerie pauvre de Chine.
L'impérialisme et la « Guerre Froide »
En cette moitié de XXème siècle, la Chine est un immense pays peuplé d'un demi-milliard d'habitants, avec
une civilisation extrêmement ancienne et qui fut longtemps en tête de l'humanité. Mais depuis le XIXème
siècle, l'impérialisme occidental et japonais l'avait dominée et bridée, à tel point que l'on pouvait
véritablement parler de semi-colonisation. Une partie de la bourgeoisie avait tenté de défendre le projet de
plus d'autonomie, notamment avec le KMT de Sun-Yat-Sen et la révolution de 1911, mais ce fut un
semi-échec. Car cela impliquait soulever des masses paysannes et ouvrières que le KMT craignait,
d'autant qu'elles étaient influencées par les communistes. La politique capitularde imposée par les
staliniens permirent au KMT de s'imposer pour encore plus d'une décennie, mais la fragilité face aux
puissances impérialistes était toujours là.
De plus, la profonde stagnation économique des années 1930 avivait les tensions entre impérialistes, au
point de provoquer la Seconde boucherie mondiale.
A cela venait s'ajouter depuis la fin de la Seconde guerre mondiale la « Guerre Froide » qui opposait les
puissances occidentales à l'URSS et ses alliés. Pourtant, l'Union soviétique ne fit rien pour aider le PCC à
prendre le pouvoir. La clique stalinienne n'avait d'ailleurs que du mépris pour les militants du PCC qu'elle
appellait les « communistes de margarine ».
Quant aux Etats-Unis, ils avaient jusqu'au bout soutenu et armé les vaincus, Tchang Kaï-chek et son parti,
le Kuomintang. La prise du pouvoir par Mao s'appuyait sur une telle mobilisation populaire que
l'impérialisme ne tenta pas d'intervenir directement.
Les événements
1931 - L'invasion japonaise
En 1931, le Japon envahit la Mandchourie, au Nord-Est de la Chine. Malgré le calme relatif qui s'ensuit,
les velléités expansionnistes de l'impérialisme japonais ne font aucun doute.
Mais face à cela, le Kuomintang fut très peu réactif, et au contraire se coula dans la collaboration. C'est
que sa base sociale était une bourgeoisie conservatrice (grands banquiers et grands propriétaires) qui
montrait peu d'empressement à se battre. Se contentant depuis déjà longtemps d'un rôle de compradore,
elle préférait partager les fruits de l'exploitation des ouvriers et des paysans.
C'est pourquoi non seulement, le KMT ne fit quasiment rien contre l'avancée japonaise, mais en plus se
concentrait sur la répression de l'ennemi intérieur, le PCC.
1936 - L'alliance KMT-PCC
En décembre 1936, Tchang Kaï-chek, qui se reposait dans une résidence proche
de la ville de Xian, fut enlevé par un de ses généraux, qui entendait lui imposer
ainsi de constituer un front uni avec le PCC contre les Japonais. Finalement une
délégation de ce parti, conduite par Chou En-lai, vint négocier et libérer le
dictateur. Au delà de l'anecdote, cela correspondait aussi à la nouvelle politique
décidée à Moscou de favoriser les "Fronts populaires" avec les bourgeois dans
tous les pays. Les armées paysannes du PCC furent intégrées à l'armée de
Tchang Kaï-chek. L'accord satisfaisait également les puissances impérialistes
rivales du Japon, qui voulaient freiner son expansion dans la région.
Jusque-là, le PCC avait dénoncé le régime dictatorial du KMT, désormais il présentait ceux qui hier
encore le réprimait comme un bon allié. Comme dans les années 1920, le PCC ressortit sa justification
étapiste, et le "bloc des 4 classes" (paysans, ouvriers, petite-bourgeoisie, bourgeoisie nationaliste), parlant
de réaliser d'abord une phase « démocratique-bourgeoise » de la révolution. Devenu l'allié du parti des
grands propriétaires fonciers, le PCC se mit à limiter les ardeurs de sa base paysanne. Il n'était plus
question que de s'en prendre aux propriétaires fonciers collaborant avec l'envahisseur japonais. Le PCC
ne prônait plus que le développement d’un « capitalisme à caractère progressiste » pour « contribuer à
l’amélioration des conditions de vie du peuple ».
Encore Mao n’alla-t-il pas jusqu’à fusionner purement et simplement ses forces armées avec celles du
KMT, comme le voulait Staline. De ce point de vue, il parvint à maintenir une certaine autonomie par
rapport à Moscou.
Le PCC se plaçait désormais sur le même terrain que son concurrent Kuomintang, celui du nationalisme,
avec à peine une nuance réformiste. La différence, par rapport aux milieux corrompus qui entouraient
Tchang Kaï-chek, était que les militants du PCC allaient apparaître comme des nationalistes sincères, dont
l'engagement contre les troupes japonaises était bien réel, attirant à eux tous ceux qui voulaient se battre
contre l'occupant.
1937- Guerre nationale et victoire commune
En juillet 1937, le Japon déclenche la guerre pour la conquête totale du pays. Plus généralement les
tensions inter-impérialistes sont très fortes et deux ans plus tard, c'est la Deuxième guerre mondiale. Etant
donné le différentiel militaire et matériel, à l'étranger peu de monde comptait sur une victoire chinoise.
Mais l'énergie des masses paysannes acquises au PCC furent combinée à un soutien matériel de
puissances étrangères. En effet, dans le conflit mondial, les Etats-Unis avaient des intérêts opposés au
Japon, et soutinrent officieusement le Kuomintang. L'URSS craignait de son côté surtout des avancées
japonaises, ce qui l'aurait contraint à une guerre sur deux fronts.
L'avancée des troupes japonaises fut d'abord rapide, sur les côtes et même dans quelques régions de la
Chine centrale. A l'Est du pays, la bourgeoisie collaborationniste mit en place le régime de Wang-Jin-Wei
à la botte des envahisseurs.
Au cours de cette période, le nombre d’adhérents du PCC progressa jusqu’à 1,2 millions en 1945, recrutés
presque exclusivement dans la paysannerie, qui était soucieuse de défendre sa terre contre l’envahisseur
japonais et qui haïssait par ailleurs le régime de Tchang-Kaï-Tchek, car celui-ci l’avait opprimée et pillée
pendant des années pour entretenir son propre parasitisme despote, et lui avait refusé la réforme agraire
que le PCC lui promettait au contraire... pour l’après-guerre.
1945 - Guerre civile et victoire du PCC
En 1945, au terme de huit ans de guerre, le Japon était vaincu, se rendait aux Etats-Unis, et se retirait de
Chine. Le KMT se retourna alors contre les communistes, comme à la fin des années 1920. Mais la
situation était différente. L'Etat régulier ne contrôlait plus que le Sud du pays et les grandes villes, et le
PCC, qui avait gardé son autonomie, dirigeait de fait le Nord. Mais plus profondément, le KMT s'était mis
à dos la plupart de la population. Le PCC avait gagné la confiance des paysans, qui ne voulaient pas voir
le retour des grands propriétaires, mais aussi de larges couches de la population urbaine qui le voyaient
comme un parti apte à libérer le pays.
Par ailleurs, le régime de Tchang Kaï-chek s'était révélé inefficace et incroyablement corrompu, pire que
les gangs et les mafias traditionnels. L’inflation galopante achevait de ruiner l’économie déjà ravagée par
la guerre, et même les soldats désertaient en masse, souvent pour rejoindre les armées du PCC.
Pourtant, au début, les dirigeants du PCC espéraient, comme en Europe, trouver leur place dans un
gouvernement d'union nationale. Les accords de Yalta, signés par les dirigeants des USA, de GrandeBretagne et de l'URSS pour repartager le monde, reconnaissaient la prééminence de Tchang Kaï-chek.
L'URSS passa même avec celui-ci un traité d'alliance valable 25 ans, négligeant ostensiblement Mao
Zedong.
La guerre civile éclata dès les débuts de la Guerre Froide, Tchang Kaï-chek lançant fin 1945 une grande
offensive, fort en particulier de l'aviation fournie par les Etats-Unis et de ses saisies de guerre. Ce fut pour
lui le début de la déroute. La PCC sut se défendre en ouvrant les vannes de la colère paysanne. Dès 1947,
le PCC réalisa, dans les régions qu’ils contrôlait, un début de réforme agraire. Des assemblées de village
décidèrent du sort des seigneurs locaux, mettant ainsi un terme au féodalisme séculaire. Les armées
paysannes refoulèrent et souvent absorbèrent les troupes et jusqu'aux généraux du KMT, tandis que les
intellectuels et nombre de bourgeois des villes se ralliaient à lui, comme seule force capable d'instaurer
l'ordre et de garantir le fonctionnement de l'économie. Les villes furent encerclées et finalement occupées,
mais un fait est à relever : le PCC ne s'adressa jamais à la classe ouvrière.
Fin 1948-début 1949, l’Armée de libération populaire (PCC) vainquit à la bataille de Huai-Huai, puis la
conquête des grandes villes s'étala sur toute l'année 1949. En janvier il entre dans Pékin, en avril à Nankin
et enfin le 15 octobre à Canton, le KMT se repliant dans la grande île de Formose (Taiwan).
Le nouveau régime issu de 1949
Prise de l'appareil d'Etat et gages bourgeois
Staline multipliait les injonctions pour que le PCC poursuive le Front populaire avec le KMT et constitue
un gouvernement avec eux. La bureaucratie d'URSS, pour assurer sa domination sur sa zone, tenait à
rassurer les puissances impérialistes en freinant le développement de la révolution en Chine. La direction
du PCC hésita elle-même fortement. Mais l'Etat de Tchang Kaï-chek se désintégrait littéralement, et la
paysannerie pressait le PCC de répondre à l'enthousiasme qu'il avait semé. Le pouvoir tomba littéralement
dans les mains des "communistes", alors que ceux-ci n'avaient eu aucune stratégie révolutionnaire, et
encore moins de rôle organisateur dans le prolétariat urbain. Tout au contraire, dans les villes où se
constituèrent spontanément des comités ouvriers enthousiasmés, les chefs du PCC les supprimèrent
rapidement et de manière systématique.
Le 1er octobre, sur la place Tien An Men de Pékin, Mao proclama la République Populaire de Chine, avec
Chou En-lai comme Premier ministre, et la nouvelle Constitution adoptée en 1954 allait proclamer « un
État démocratique populaire conduit par la classe ouvrière et fondé sur l'alliance des ouvriers et des
paysans ». Mais de fait, la prise du pouvoir de 1949 par l’appareil du parti appuyé sur la paysannerie ne
déboucha nullement sur la mise en place d’un État ouvrier. Le PCC n'impulsa aucune prise de pouvoir par
les ouvriers, et au contraire réprima leurs tentatives d'organisation propres. De l'autre côté, il collabora
avec la bourgeoisie, en commençant par fonder le nouveau pouvoir sur une Assemblée constituante de
type bourgeois. Dans le premier gouvernement siégeaient des non-communistes et le PCC reçut le
parrainage de la veuve du vieux leader nationaliste de la révolution bourgeoise avortée de 1911, Sun
Yat-sen. Des responsables encore associés au KMT peu auparavant continuèrent de siéger dans les
instances de l'armée, de la police, de la magistrature...
Pour obtenir le soutien de la bourgeoisie, le PCC étouffa systématiquement les revendications ouvrières,
au besoin par des campagnes d’épuration dans le parti et les syndicats. Il était bien question d'un
« contrôle ouvrier », mais les ouvriers étaient seulement invités à faire des suggestions pour améliorer la
production, le dernier mot restant aux chefs d'entreprise. Le PCC ne manqua pas non plus, au cours de
cette période, de pourchasser, de persécuter et d’éliminer physiquement les trotskystes chinois, qui
faisaient de la propagande pour la dictature du prolétariat appuyé par la paysannerie pauvre. La
liquidation des opposants commença : en 1951, 10 millions de personnes furent envoyées en « rééducation
par le travail », après avoir subi l’épreuve de la « réforme de la pensée ».
Réformes progressistes et réforme agraire
Le nouveau régime, bien plus que celui de Tchang-Kai-chek, s'avéra capable d'unifier le pays et de
défendre son développement capitaliste autonome. Il se consacra d'abord à la remise en ordre agraire,
financière et administrative du pays, de manière radicale certes, mais toujours autoritaire.
Le PCC prit une série de mesures pour mettre fin aux traditions réactionnaires, notamment patriarcales.
Avec la loi sur le mariage (1950), le mariage forcé des enfants, la prostitution des filles furent désormais
interdits, ainsi que l’infanticide. Le droit de vote des femmes, le droit au divorce et le droit au remariage
furent reconnus. La coutume des pieds bandés fut combattue.
Le PCC mit fin aux rapports féodaux dans les campagnes, qui persistaient après tant d'années de
soi-disant régime nationaliste bourgeois. Il mit en place, à partir de juin 1950, une réforme agraire qui
transféra en deux ans, sans indemnité, la moitié de l’espace cultivé des anciens propriétaires (non
exploitants) aux paysans petits et moyens. C’est avant tout en raison de son caractère bureaucratique que
cette réforme, menée par en haut, fit environ dix millions de victimes ; de plus, si elle améliora
indéniablement les conditions de vie des paysans pauvres, ces derniers ne disposaient que de tout petits
lopins, de moins d’un hectare en moyenne. Il demeurait en revanche des paysans suffisamment riches
(notamment parmi les cadre du parti) pour voir leur lopin s’accroître, de sorte que se creusèrent à nouveau
de profondes inégalités dans le monde paysan.
Relations internationales
Malgré la volonté initiale de Staline, le contexte international de la Guerre froide obligeait le nouveau
régime à se positionner par rapport aux blocs de l'Est et de l'Ouest. Le camp des impérialistes occidentaux
avait été hostile dès le début aux "communistes", pour des raisons évidentes de lutte de classe (malgré
tous les gages des bureaucrates, la progression du communisme était redoutée), mais aussi parce que le
PCC était un parti bien plus anti-impérialiste que le KMT.
Les Etats-Unis, suivis par l'ensemble des pays impérialistes, refusèrent de reconnaître le nouveau pouvoir.
Tchang Kaï-chek continua à représenter la Chine et siègea au Conseil de Sécurité de l'ONU. La Chine fut
soumise à un blocus économique. Chinois et Américains s'affrontèrent même lors de la guerre de Corée,
sous les bannières de la Corée du Nord et des Nations unies. La Chine de Mao conclut donc un traité en
1950 avec l'URSS. Cette alliance, toujours dominée par des soupçons réciproques qui traduisaient aussi
bien les origines différentes des deux régimes que leurs rivalités nationalistes, prit fin en 1960. Et pendant
une dizaine d'années la Chine ne cessa de dénoncer la coexistence pacifique et le « social-impérialisme »
de l'URSS. Ce qui ne l'empêcha pas de soutenir nombre de régimes réactionnaires dans le monde et,
finalement, de se réconcilier avec l'impérialisme américain au début des années 1970, avec les visites à
Pékin de Kissinger puis de Nixon en 1972.
Le régime et la bourgeoisie
Dans la Chine semi-colonisée, la grande bourgeoisie tendait plutôt à accepter un statut d'intermédiaire
collaborateur avec les capitalistes étrangers. Aussi en 1949, la majeure partie de la bourgeoisie
commerçante compradore quitta le pays, emportant ses avoirs dans l'émigration, tandis qu'initialement la
"bourgeoisie nationale" reconnu la légitimité du nouveau régime pour ne pas être inquiétée et garder le
contrôle de ses entreprises.
Il faut rappeler que le gouvernement KMT avait déjà nationalisé une bonne partie de l'économie en 1945
(comme le font souvent les Etats bourgeois en temps de guerre), notamment en reprenant les biens
japonais et allemands, portant à 70% de l’industrie le secteur étatique. Lorsque le PCC prit le pouvoir, il
marqua d'abord une pause dans ce mouvement, se contentant de nationaliser les entreprises dirigées par
des officiels du KMT, qu'il appelait les "capitalistes bureaucratiques". 37% du PIB était alors encore
produits par le privé.
L'alliance avec les grands capitalistes prit fin en 1953 sous la pression des circonstances. Le blocus imposé
par les États-Unis mettait le pays en grande difficulté, et le KMT - avec là encore le soutien des Etats-Unis
- encourageait la bourgeoisie à la réaction en la soutenant financièrement. Le PCC, pour poursuivre le
développement de la Chine et se maintenir au pouvoir, dut réagir en opérant un brusque "tournant à
gauche". L’État prit des participations de 50% dans les entreprises privées et plaça à côté du propriétaire
ou du gérant un directeur nommé par le parti. Pendant l’hiver 1955, les entreprises privées restantes furent
expropriées ; mais leurs propriétaires reçurent en compensation des indemnités assez importantes et,
souvent, le parti préféra continuer à employer ces entrepreneurs, en général à des postes de responsabilité,
afin d’utiliser leurs compétences et de s’assurer leur collaboration au régime. Le lancement du premier
Plan quinquennal (1953-1957) assura ainsi en douceur la continuité avec l’économie de marché libre.
Cette étatisation fit naître une bourgeoisie imbriquée à la bureaucratie du parti-Etat, comme dans la
plupart des pays dominés qui tentèrent de s'extraire de l'impérialisme mondial.
La collectivisation des terres
Dans de cadre de consolidation du nouveau pouvoir, un mouvement de collectivisation des terres fut
officiellement lancé le 16 décembre 1953, avec la création de coopératives agricoles « de type inférieur ».
Chacune englobait 10 à 15 foyers. Les paysans restaient propriétaires de leurs terres, mais cultivaient déjà
de façon collective l’ensemble des terres de la coopérative.
À partir de 1955 furent mises sur pied des « coopératives de type supérieur » : jardins et maisons
devenaient la seule propriété privée laissée aux paysans. 96% des paysans chinois furent regroupés dans
des coopératives sans que pour autant eut été développée la base technique permettant le développement
de la production par la mécanisation. La production agricole dépassa toutefois légèrement à cette époque
l’accroissement démographique, niveau probablement jamais atteint jusqu’alors.
Controverses sur la nature de l'Etat
Si les trotskistes n'ont pas apporté de soutien politique à la direction maoïste, ils ont porté des avis
divergents sur la nature de l'Etat créé par la révolution de 1949.
Pour certains, il s'agit (au moins au début) d'un Etat ouvrier dégénéré (ou Etat ouvrier bureaucratiquement
déformé), comme l'était l'URSS stalinisée selon Trotsky, notamment le Secrétariat-Unifié. [1][2]
Pour d'autres, notamment pour Lutte ouvrière, il s'agit d'un Etat bourgeois[3], parce que construit dès le
départ en dehors du prolétariat. LO avance qu'il ne peut exister de critère formel pour définir la nature
d’un État, et qu'il n'y a aucun sens à dire que l'origine stalinienne des dirigeants du PCC (argument
idéologique) implique que l'Etat chinois est né "Etat ouvrier dégénéré".
Pour d'autres enfin, il s'agissait d'un capitalisme d'Etat.
L'impasse de la voie maoïste
Pendant toute une période, la révolution chinoise de 1949 fut considérée comme un exemple pour tous les
nationalistes des pays du Tiers Monde, marquant le premier acte de la vague de luttes anticolonialistes qui
allait secouer le monde pendant plus d'une décennie.
Pendant une vingtaine d'années, Mao avait tenté d'industrialiser le pays à marche forcée, en s'appuyant
sur l'étatisation, et en dépit du manque de moyens technologiques, financiers et culturels, en pressurant la
population laborieuse des villes et des campagnes mais sans jamais tenter de mobiliser politiquement la
classe ouvrière.
Depuis 1978, l'Etat chinois s'est lancé dans une politique dite de réformes économiques, sortant
officiellement de son isolement. On vante désormais le "socialisme de marché", maintenant opposée à
l'étatisme. Mais la seule évolution tangible est l'accroissement des inégalités.
Ces oscillations du régime maoïste témoignent de l'impasse où s'est trouvée la révolution chinoise, comme
nombre de mouvements analogues dans des pays du Tiers Monde, impasse qui elle-même n'a fait que
traduire le retard de la révolution prolétarienne à l'échelle mondiale.
Notes et sources
Les révolutions chinoises, Tendance CLAIRE du NPA, été 2011
Lutte Ouvrière n°2148 du 2 octobre 2009
Lutte Ouvrière n°1629 du 1er octobre 1999
Chinaworker.info
1. ↑ Pouvoir ouvrier, La restauration du capitalisme en Chine, 2001
2. ↑ LIT-QI, Le modèle chinois mis a mal par la crise et la montée ouvrière, 2012
3. ↑ Lutte ouvrière, La Chine à l’heure de la Révolution culturelle, 1967
Récupérée de « http://wikirouge.net/R%C3%A9volution_chinoise_(1949) »
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