Paris, le 2 janvier 2006 - Transatlantic Trends

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Séminaire du Centre de Géostratégie
Sous la direction de Sophia Clément-Noguier
Paris, le 1er février 2006
Grands enjeux économiques mondiaux du XXIème siècle,
entre protectionnisme et libéralisation : un besoin de gouvernance mondiale
Par Benoît Chervalier
Transatlantic Fellow – The German Marshall Fund of the United States
Introduction
Confucius : « Apprendre sans réfléchir est vain, réfléchir sans apprendre est périlleux »
La rigueur en économie est indispensable: les faits et les chiffres doivent valider ou invalider
les hypothèses avancées.
En parallèle, la science économique appelle prudence et sagesse. Ainsi, Laura Tyson,
ancienne conseillère économique de Bill Clinton n’estimait-elle pas lors du dernier forum de
Davos que l’humilité était indispensable ? L’approche est donc celle de Socrate « Tout ce que
je sais, c’est que je ne sais rien ».
Le but de cet enseignement est de fournir un cadre d’analyse en donnant des éléments
théoriques fondamentaux, étayés par des quelques éléments chiffrés permettant de situer les
ordres de grandeurs et de soulever les grands enjeux du débat économique contemporains en
matière de commerce et de gouvernance mondiales. Dresser un état des lieux pour être en
mesure d’effectuer un état des enjeux
I.
Libre échange et protectionnisme : mise en perspective historique des ressorts
idéologiques et de l’évolution du commerce international
II. A la fin du XXème siècle, le village planétaire s’est élargi et modifié : la mondialisation
s’est installée en accroissant les richesses et les inégalités
III. Si aujourd’hui, le clivage entre libre échange et protectionnisme en soi semble dépassé, se
pose alors la question des règles du commerce international et plus globalement de la
gouvernance économique mondiale.
1
I . Les ressorts idéologiques : mise en perspective historique
A) Les termes du débat au XIXème siècle : la mise à l’épreuve des modèles économiques
1) La fin du XVIIIème et la première moitié du XIXème siècle vont donner naissance
au corpus idéologique du libre-échange : les justifications doctrinales du libre-échange
Pour différentes qu’elles soient dans leurs conclusions, les théories traditionnelles de la
spécialisation partent d’hypothèses communes.
Tout d’abord, le pays constitue le cadre d’analyse retenu : les auteurs raisonnent au niveau
macroéconomique, en termes d’avantages comparatif ou d’avantage absolu. Ensuite, ces
théories traditionnelles expliquent le commerce international par l’existence de différences
entre pays, différences qui se traduisent dans les prix relatifs des produits.
En dernier lieu, les théories classiques du commerce international montrent que la
spécialisation et l’ouverture à l’échange sont préférables à l’autarcie : les pays ne peuvent
perdre à l’échange même si la répartition du gain à l’échange peut être inégale entre les pays.
-
a) les libres échangistes britanniques
Selon Adam Smith1, l’échange international provient de différences absolues de
productivité.
Smith raisonne dans le cas de deux pays, ne produisant chacun que deux biens.
Il suppose qu’il existe un facteur de production : le facteur travail, pleinement employé,
mobile entre les deux productions mais internationalement immobile.
Les coûts de production unitaire des deux biens sont mesurés en nombre de travailleurs.
Un pays dispose d’un avantage absolu sur son partenaire dans un bien lorsqu’il peut le
produire avec moins de travailleurs que son partenaire.
Fameux exemple du drap portugais et du vin britannique.
Il apparaît que le Portugal dispose d’un avantage absolu sur le Royaume-Uni dans la
production de drap (80% contre 20%) alors que le Royaume-Uni dispose d’un avantage
absolu sur le Portugal dans la production de vin (60% contre 40%). Les deux pays se
différencient donc par des productivités du travail dissemblables dans les deux biens.
Smith montre alors que chaque pays a intérêt à se spécialiser dans le bien pour lequel il
dispose d’un avantage absolu.
Si les deux pays échangent, à quantité de travailleurs donnée, il est donc possible d’obtenir
par la spécialisation internationale une production mondiale de vin et de drap supérieure à
celle obtenue en situation d’autarcie.
Non seulement, chaque pays a donc un intérêt à se spécialiser dans le bien pour lequel il
dispose d’un avantage absolu mais les pays ont un intérêt mutuel à se spécialiser et à
s’ouvrir : l’échange international est un jeu à somme positive et le protectionnisme n’a pas
lieu d’être. Cette vision est tout à fait novatrice pour l’époque. Rappelons en effet que les
auteurs mercantilistes et notamment le courant français appréhendaient le commerce
international comme un jeu à somme nulle : Bodin et de Montchrétien estimaient que le gain
d’un pays se faisait nécessairement au détriment des partenaires.
1
Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations (1776)
2
Le modèle de Smith présente deux limites principales :
- tout d’abord, il ne s’attaque qu’aux conditions de l’offre, Smith n’explicite pas les
déterminants de la répartition du gain entre partenaires : si les deux pays gagnent à
l’échange, cela ne signifie pas pour autant qu’ils en retirent un gain identique.
- Ensuite, la spécialisation n’est possible que si un pays dispose d’un avantage absolu :
dans le cas contraire, il ne peut prendre part au commerce international.
C’est précisément pour lever ces limites que Ricardo a développé un modèle en termes
d’avantages comparatifs.
- Ricardo fonde l’origine de l’échange international sur des différences relatives de
productivité : à la différence du modèle smithien, tout pays peut désormais participer au
commerce international, même s’il dispose d’un désavantage absolu dans les deux biens.
Ricardo dans le chapitre VII des Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817), part
d’hypothèses semblables à celles de Smith : il existe deux pays et deux produits ; le facteur
travail, seul facteur de production, est pleinement employé, mobile entre les deux produits et
immobile internationalement ; les coûts de production unitaire de chaque bien sont mesures
en nombre de travailleurs.
Ricardo montre que le pays a intérêt à se spécialiser dans le bien où il dispose de la
productivité la plus forte.
Il reprend l’exemple du Portugal et du Royaume-Uni, en supposant que les coûts de
production d’une unité de drap et d’une unité de vin sont moins élevés au Portugal qu’au
Royaume-Uni. Il faut en effet 90 travailleurs au P et 100 au RU pour produire un drap et 80
au P et 120 au RU pour produire un vin.
Drap
Vin
Drap/vin
Vin/drap
Portugal
90
80
1,125
0,88
Royaume-Uni
100
120
0,83
1,2
Le Portugal dispose donc d’un avantage absolu sur son partenaire dans les deux biens : dans
une logique smithienne, le RU ne peut participer à l’échange international.
Par rapport à Smith, la nouveauté de Ricardo consiste à calculer pour chaque pays les rapports
drap/vin et vin/drap.
Pour le P, drap/vin = 1,125 (90/80) et vin/drap (80/90)=0,88
Pour le RU, drap/vin = 0,83 (100/120) et vin/drap = 1,2 (90/80)
Il apparaît que le Portugal, s’il dispose d’un avantage comparatif dans les deux biens, est plus
efficient dans la production de vin comparativement à celle du drap, inversement le RU s’il
dispose d’un désavantage absolu dans les deux biens, est plus performant dans le production
de drap, comparativement à celle de vin. (Delta plus faible sur le vin que sur le drap).
Donc, le Portugal a intérêt à se spécialiser dans la production de vin et le RU dans la
production de drap. En effet, en se spécialisant, le Portugal peut obtenir, contre une unité de
vin, 1,2 drap au lieu de 0,88 en autarcie. De même, le RU peut obtenir, contre une unité de
drap, 1,125 vin, au lieu de 0,83 en autarcie.
3
La théorie de Ricardo montre que le commerce international est toujours un jeu à somme
positive : les deux parties réalisent un gain à l’ouverture, par rapport à la situation initiale
d’autarcie.
Le modèle de Ricardo ne fournit cependant aucune indication quant à la répartition du gain né
de la spécialisation : si le Royaume-Uni et le Portugal gagnent à l’échange international, cela
ne signifie pas qu’ils gagnent la même chose.
-
- Stuart Mill (1879), Il revient à Stuart Mill d’avoir prolongé la théorie des avantages
comparatifs sur ce point, en introduisant le rôle de la demande mondiale. Si le vin est
faiblement demandé au niveau mondial, le prix du vin va tendre vers celui pratiqué en
autarcie au Portugal ; à l’inverse, s’il est fortement demandé, le prix du vin va tendre
vers le prix d’autarcie au Royaume-Uni. Minimaliste du libre échange, il recommande
un libre-échange bilatéral, étape par étape (redoute effet inflationniste).
Le modèle de Ricardo a fait l’objet de plusieurs critiques :
- la logique ricardienne fonde l’échange international sur l’échange de différences : elle
ne peut donc expliquer l’existence d’une spécialisation internationale dans le cas où
les deux pays sont identiques en termes de productivité
- le modèle de Ricardo revêt un caractère statique : à ce titre, il ne peut prendre en
compte des évolutions dans la spécialisation d’un pays. Pourquoi un pays comme le
Japon est-il passé d’une spécialisation fondée sur le textile à une spécialisation fondée
sur la sidérurgie puis l’automobile et l’électronique
- Rien n’est dit quant à l’origine de l’avantage comparatif d’un pays : pourquoi le RU
dispose-t-il d’un désavantage dans la production de drap et le Portugal dans la
production de vin ?
- L’approche ricardienne repose sur un commerce interbranche et ne peut à ce titre
rendre compte de l’existence du commerce intra-branche et de son essor contemporain
b) les libres échangistes français
-
Jean-Baptiste Say (1767-1832), professeur au Collège de France, La loi des
débouchés. Prône un libre échange intégral qui suppose un Etat neutre.
Frédéric Bastiat (1801-1850), veut faire tomber les rentes de situation
Les saint-simoniens influent surtout sur la Monarchie de juillet. La mobilité des
produits permet de compenser l’immobilité des facteurs de production.
Toutefois, ils ne sont pas d’authentiques libéraux car ils réclament une intervention
étatique pour les travaux publics.
c) Les facteurs de croissance : l’innovation et le progrès technique
L’innovation et la croissance sont la source du développement.
Reprenons un exemple que Daniel Cohen cite dans son ouvrage, La mondialisation et ses
ennemis : la scène se passe sur le haut plateau péruvien (Cajamarca), en 1532, Francisco
Pizarro, à la tête de 168 hommes, fait face à l’Empereur inca Atahualpa à la tête d’une armée
de 80 000 personnes. Pizarro capture Atahualpa, exige et obtient une rançon, puis le tue. Le
combat avec les troupes de l’Empereur inca défunt d’engage, l’Espagne gagne. Pizarro et ses
hommes disposait d’épées et d’armures d’acier, de fusils et des chevaux alors que les autres
disposent simplement de gourdins de pierre, de massues, de haches et de lance-pierres. En
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outre, l’Espagne de Pizzaro disposait de l’écriture contrairement aux Incas. Enfin, Pizarro a
profité des informations qui avaient permis à Cortès de triompher contre les Aztèques.
L’Empire inca, comme aztèque, reposait sur une organisation politique totalement centralisée.
En capturant le chef et en le mettant à mort, Pizarro désintégrait la chaîne de commandement
inca. Cet exemple montre que l’avantage est né des innovations détenues par le conquérant.
Une autre réponse à la question de l’inégalité du développement, autrefois largement admise
serait donnée par le climat. Peut-être que la longueur de l’hiver obligeant les gens à rester
enfermer plus longtemps les rend plus prompts à penser si on en croit Pascal ? Hypothèse
facilement attaquable : les peuples d’Europe du Nord n’ont fait quasiment aucune
contribution fondamentale à la civilisation avant le dernier millénaire.
Les quatre leviers fondamentaux du développement économique sont : l’agriculture, la roue,
l’écriture et la métallurgie (toutes découvertes dans les parties les plus chaudes de l’Eurasie).
Les écarts entre les continents ne doivent rien aux climats. La raison est celle de la présence
d’animaux capables d’être domestiqués et l’existence de plantes qui peuvent être cultivées.
L’histoire du cheval est aux civilisations du passé ce que fut le chemin de fer aux sociétés
industrielles et l’avion aux sociétés modernes. Le cheval est domestiqué dans les steppes au
nord de la mer Noire autour de 4000 avant JC. Lorsque les chevaux ont été attelés à des chars
de combat autour de 1800 av JC, ils ont révolutionné l’art de la guerre au Proche Orient2.
Il n’a pas pu descendre au dessous de l’Afrique de l’Ouest car le trypanosome transmis par la
mouché tsé-tsé l’en a empêché. Les zèbres si proches en apparence du cheval ne se prêtent pas
à la domestication. Ils sont d’un caractère ombrageux, ont tendance à mordre et deviennent
mauvais en vieillissant.
Les progrès et l’innovation vont être décisifs pour le développement des pays occidentaux.
Le télégraphe, le chemin de fer, le téléphone ont, en leur temps, bouleversé les distances de
manière beaucoup plus radicale qu’Internet aujourd’hui.
La première liaison transatlantique régulière est inaugurée en 1838. Une innovation
fondamentale, le réfrigérateur permet d’exporter vers l’Europe, à partir de 1871, du bœuf
congelé en provenance des Etats-Unis ou d’Argentine.
d) la mise en place du libre-échange 1848-1879
Le rôle précurseur de l’Angleterre : le rôle de sensibilisation du groupe Cobden , « l’anti corn
law league », suppression de ceux-ci en 1846 : l’Angleterre proclame donc un désarmement
tarifaire.
La politique du désarmement tarifaire perdure sous Gladstone. En 1862 subsistent des droits
de douane uniquement sur des produits de luxe (soierie, alcool) mais ce sont des droits
fiscaux.
Le libre échangisme britannique est unilatéral et inconditionnel. L’Angleterre ne demande
aucune réciprocité aux pays étrangers.
2
En -1647 av JC, les chevaux ont permis à un peuple totalement étranger, les Hyksos, de conquérir l’Egypte qui
en était alors dépourvue. Pendant 5 siècles, ce peuple a imposé ses dynasties à l’Empire égyptien avant d’être
brutalement détrôné. Plus tard encore, les selles et les éperons permirent aux Huns de terroriser l’Empire romain
et ses successeurs.
5
Le ralliement volontaire des pays européens. Le traité de commerce franco-britannique du 23
janvier 1860, Cobden-Chevalier prévoit trois clauses :
- abaissement des droits de douane même aux produits de luxe
- suppression des prohibitions, valable jusqu’en 1932)
- clause de concurrence bilatérale). Une quinzaine de traités furent signés.
Le ralliement contraint du Japon et de la Chine
Le Japon et le traité de Kanagawa (1854), marche forcée au Japon voulue par les Etats-Unis.
Le Japon va donc rêver d’un protectionnisme éducateur. Il essaie de compenser ses bas tarifs
par le dumping tarifaire (vendre au dessous du prix de revient).
La Chine et les traités inégaux. Elle a été déstabilisée par les guerres de l’opium (1839-1860).
Elle n’était pas très encline à l’origine à s’ouvrir (pour eux, il y a 5 points cardinaux, le 5ème
étant le milieu). En 1842, ils sont forcés par les Anglais à signer (traité de Nankin) et (clause
de la nation la plus favorisée : si la Chine signe un traité avec une puissance, tout privilège
accordé le sera également à l’Angleterre.). Les autres puissances vont donc logiquement
exiger de même (Etats-Unis et France en 1844). L’Angleterre achète Hong Kong en 1842 et
Taiwan devient colonie japonaise en 1875, l’Indochine française en 1885.
Elément sur le colonialisme
Un premier fait contredit la théorie selon laquelle le colonialisme aurait été un facteur
significatif de la richesse occidentale : les puissances coloniales ont toutes connu une
croissance plus lente que les puissances non coloniales. L’Allemagne et les Etats-Unis ont
connu une croissance plus rapide que le Royaume-Uni ou la France, la Suisse et la Suède plus
rapide que le Portugal ou l’Espagne.
L’idée selon laquelle les pays riches se seraient enrichis grâce à l’exploitation des matières
premières importées des pays pauvres est fausse d’après Daniel Cohen pour une raison
simple : les pays riches ont longtemps fabriqué eux-mêmes les dites matières premières.
Pourquoi au XIXème siècle les pays pauvres n’arrivent-ils pas à concurrencer les pays
riches ? Si les Anglais s’enrichissent en produisant du textile, pourquoi les usines de coton
indiennes (Cotton Mills) n’ont-ils pas pu détrôner leurs rivales anglaises, alors même que les
salaires anglais étaient six fois supérieurs ? Gregory Clark a consacré à cet exemple un article
fondamental paru en 1987 dans le Journal of Economic History qui contredit les idées reçues.
Le manque de capital et les carences d’une main d’œuvre insuffisamment qualifiée sont les
deux raisons auxquelles on pense pour expliquer que le travail ait été moins productif en en
Inde qu’en Angleterre. Or, il n’en est rien.
Si ce n’est ni le travail ni le capital pris isolément, c’est la combinaison des deux qui le fait.
Chaque travailleur anglais actionnait en moyenne quatre métiers à tisser à la fois. Au début du
XXème siècle, l’enjeu des conflits sociaux anglais est de le faire passer à six. Au même
moment, en Inde, les ouvriers ne font fonctionner qu’un métier à la fois et refusent
obstinément de passer à deux sauf à être payés davantage. Les grandes grèves de Bombay
seront déclenchées en 1928 pour empêcher l’encadrement local d’accroître les cadences.
Parce que les managers indiens refusent d’augmenter leurs salaires, les ouvriers indiens
refusent de s’aligner sur les cadences anglaises.
L’échec de l’industrialisation indienne tranche avec la manière dont celle-ci s’est diffusée aux
Etats-Unis et en Australie. C’est le principe qu’Henry Ford mettra en application au début du
6
XXème siècle qui repose sur l’idée qu’on peut faire un plus gros profit en augmentant les
salaires ouvriers et obtenir ainsi leur assentiment et leur coopération.
Le basculement se produit à la fin des années 1870
2) Retour général au protectionnisme de 1879 à 1914
Avant d’analyser cette période, il convient de rappeler les formes et les sources doctrinaires
du protectionnisme.
Le protectionnisme apparaît comme un phénomène multiforme.
Plusieurs instruments, au demeurant non exclusifs les uns des autres, peuvent être mobilisés
par les pouvoirs publics afin de limiter des importations : tarif douanier, quota, subventions ou
plus récemment l’édiction de normes (sanitaires, environnementales, etc..).
Il est utile de les distinguer dans la mesure où ils n’entraînent pas les mêmes effets sur
l’économie nationale, portent sur des variables différentes (prix ou quantités) et n’ont pas
connu la même postérité.
-
-
Le tarif douanier se définit comme un protectionnisme par les prix : il s’agit d’une
taxe qui rend le produit plus cher et permet l’accroissement des recettes de l’Etat.
Défendu dès le XVIème siècle par les mercantilistes français, le tarif douanier a
longtemps constitué la principale modalité du protectionnisme et ce jusqu’à la
Seconde guerre mondiale
A la différence du tarif douanier, le quota représente un protectionnisme par les
quantités : il constitue à limiter, en volume ou en valeur le montant des importations.
De nos jours, le protectionnisme prend de plus en plus la forme d’obstacles de facto et
peu visibles (existence de marchés publics, barrières administratives, subventions,
normes sanitaires et environnementales, dumping fiscal, social, dévaluation).
Les doctrines favorisant la pensée protectionniste foisonne :
- List et le protectionnisme éducateur (1789-1846), origine de Würtemberg. Né lors du
traité franco-anglais et mort lors de l’abolition des « corn laws ». Il reprend les idées
que Fichte avait exposées « L’Etat commercial fermé ». Il représente une période
transitoire au développement économique. Il est promoteur de l’Union douanière, avec
un tarif extérieur commun, « Zollverein » pour se protéger de l’Angleterre en 1834
(instauration d’un libre échange entre régions allemandes et instauration d’un tarif
douanier à l’extérieur de l’Union). Autrement dit, il ne conçoit pas le protectionnisme
comme un état permanent mais comme une condition à long terme de l’ouverture au
libre-échange.
- Carey et le protectionnisme neo-mercantiliste (1879). Il est le maître à penser des
Républicains américains (post guerre de sécession). Les matières premières jouent un
rôle fondamental puisque les pays doivent détenir de l’or. « Laissez-faire mais ne
laissez pas passer ».
- Dupont-White et le protectionnisme régulateur (1878). Il développe l’idée d’un
protectionnisme amortisseur de crise.
Les raisons d’un revirement
7
Le renversement de la conjoncture. A partir de 1873, contraction générale des marchés qui
durera jusqu’en 1896. La protection des Etats est réclamée.
Les partis agrariens se forment :
- la pampa argentine
- le sud-ouest australien
- le mouvement agricole européen
L’essor des nationalismes. En Allemagne avec le pangermanisme, le chauvinisme revanchard
en France, le « Jingoism » anglais, messianisme civilisateur. Au Japon, l’économiste
Shikizawa inculque les mentalités des samouraïs dans les entreprises. Nationalisme en Chine
avec le mouvement des boxers. C’est le début des grands programmes militaires.
Les politiques douanières nationales
En Europe, l’Allemagne de Bismarck met en place une politique de protection douanière
même si son objectif premier n’était pas protecteur mais centralisateur
En France une première loi douanière en 1881, l’instauration du tarif Jules Méline en 1892 et
les lois cadenas de 1897 ; en Russie Mendeleiev, frappe tous les produits manufacturés
Hors d’Europe, les Etats-Unis (Mc Kinley) en 1890 visent à protéger l’industrie Nord-Est. Le
Japon retrouve son autonomie tarifaire après la guerre de 1905. La Chine renégocie avec
l’Angleterre, traité Mac Kay en 1902 (qui ne sera toutefois appliqué qu’en 1922).
L’exception anglaise : le dernier bastion libre-échangiste.
Des tentations protectionnistes existent :
- le Fair Trade Association au lieu de la Free Trade Association ; elle s’appuie que la
diffusion de les ouvrages de Williams, « made in Germany ».
- Avec l’abolition des « corn laws », elle a sacrifié son agriculture ; elle opte donc pour
un protectionnisme limité dans le cadre colonial ; idée de Chamberlain : une sorte de
Zollverein à l’échelle du Commonwealth mais il va se heurter à l’Inde. Il propose
alors un système de préférence impérial, une sorte de protectionnisme dans le cadre
colonial. Lors des élections de 1906, les conservateurs qui proposaient l’idée de
Chamberlain sont battus et ce sont les libéraux qui l’emportent car la crise est
dépassée.
Tous les pays sauf l’Angleterre sont revenus à un protectionnisme modéré avant la guerre.
Ces débats douaniers étaient très liés à la conjoncture, aux débats idéologiques et
économiques. Si l’Angleterre reste libre échangiste, c’est aussi parce qu’elle exporte ses
pauvres (Etats-Unis).
B) Les échanges financiers se sont développés au début du XXème siècle pour déboucher sur
la Grande crise des années 30
De 1830 à 1914, le taux de croissance annuel moyen du commerce international apparaît
supérieur à celui de la production (il passe de 1,9 Mds de dollars en 1820 pour atteindre 38
Mds en 1913). Le taux d’ouverture pour la France (exportation/PIB) passe de 7,5% en 1850 à
15,3% en 1913.
Représentant 62% du commerce total en 1913, l’Europe voit sa part diminuer à 55% en 1938,
au profit des Etats-Unis, des pays colonisés et du Japon.
Le recul de l’Europe s’accompagne d’une forte baisse du commerce intra-européen, qui passe
de 36% du commerce total en 1913 à 29% en 1938. En particulier, à la suite de 1929, les pays
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européens réorientent leur commerce à destination de leurs colonies, de leurs dominions ou de
leur zone d’influence.
La conjoncture économique comme les évènements politiques expliquent largement
l’évolution des changes entre les pays européens. Le taux d’ouverture des pays stagne mais la
croissance économique est assez forte notamment du fait des préparatifs de guerre.
L’internationalisation des capitaux financiers en revanche s’accroît.
Attirés par l’appât du gain facile, les actions peuvent être achetées à crédit (4/5 des
acquisitions en 1929), les spéculateurs se multiplient. Le volume des prêts passe de 2,5 Mds
de dollars en 1926 à 6 Mds de dollars en 1929. L’indice des valeurs boursières montent dans
le même temps de 100 à 216. Or, cette hausse excède à l’évidence l’évolution de la valeur
réelle des entreprises dont ni le capital ni la valeur réelle a doublé en 3 ans.
C’est la crise financière qui va créer la crise commerciale.
Entre 1929 et 1933, le commerce international diminue de 25% en volume et de 60% en
valeur.
Les réponses à la crise ont été protectionnistes :
- retour généralisé au protectionnisme tarifaire. Dès 1930, les Etats-Unis par Hewlett Smoot
Tariff élèvent leurs taxes douanières de 40% ad valorem ; le Royaume-Uni suit la même voie
en 1931 avec l’Abnormal Importations Act et en 1932 avec l’Import Duties Act ; de son côté,
la France relève les taux de son tarif douanier à trois reprises (1931, 1932, 1933).
- les quotas ont été très utilisés pendant la Grande guerre, ils ont constitué une modalité
d’accompagnement du protectionnisme tarifaire au cours de la Grande crise.
Les années 30 ont marqué le repli sur soi des économies à l’image des évènements politiques.
C) Les Trente glorieuses marquent l’explosion du commerce international
L’après guerre se devait de repenser les relations financières et commerciales mondiales.
L’architecture économique et financière internationale
La conférence de Bretton Woods, New Hampshire de juillet 1944 a crée la
Banque mondiale essentiellement dans un but de reconstruction (son nom banque
internationale pour la reconstruction et le développement – (le mot développement vient
après).
La mission du FMI est plus délicate car consistant à assurer la stabilité économique mondiale.
La crise de 1929 était due à l’insuffisance de la demande globale qui expliquait
l’effondrement de l’économie.
Le FMI exercerait une pression internationale sur les pays qui, en laissant stagner leur
économie, n’assureraient pas leur juste part de l’effort de maintien de la demande globale.
En cas de nécessité, il fournirait aussi des liquidités, sous forme de prêts, aux pays, qui,
confrontés à des difficultés économiques, n’étaient pas en mesure de stimuler la demande
globale par leurs propres moyens. Le FMI est une institution publique qui fonctionne avec
l’argent que versent les contribuables du monde entier.
.
9
En matière de commerce international, les Américains veulent éviter à tout prix la répétition
de la solution protectionniste qui a prévalu dans les années 30, en instaurant une structure qui
permette de négocier multilatéralement l’élimination progressive des obstacles aux échanges.
A cet effet, deux négociations sont entamées en 1946 : l’une pour créer une Organisation
Internationale du Commerce, l’autre à Genève sur la réduction des barrières douanières. Les
débats au sein des Nations Unies se concluent en mars 1948 par la Charte de la Havane qui
restera lettre morte puisque le Congrès refusant de la ratifier.
De leur côté, les négociations de Genève débouchent en octobre 1947 sur un accord général
de réduction des tarifs douaniers (GATT).
Composé à l’origine de 38 articles, le GATT repose sur trois principes :
-
le principe de non-discrimination : l’article I établit la Charte de la nation la plus
favorisée, qui assure un traitement identique entre tous les partenaires
la réciprocité des concessions tarifaires
la transparence des politiques commerciales (interdiction des pratiques dissimulées de
protectionnisme)
De 23 signataires en 1947, il est passé à 120 en 1994 et l’OMC compte aujourd’hui 149
membres.
Depuis sa création en 1948, le GATT organise des cycles de négociation dont la durée est
variable :
- le Kennedy Round (1964-1967) permet une réduction de 35% en moyenne sur les
produits industriels et 20% sur les produits agricoles. Il met à jour la rivalité naissante
entre la CEE comme formation d’union douanière et les Etats-Unis.
- le Tokyo Round (1973-1979) aboutit à une réduction de 33% en moyenne des tarifs
douaniers avec une harmonisation des niveaux entre les pays. Les produits sensibles
comme le textile ne sont toujours pas intégrés à la négociation.
- l’Uruguay Round (1986-1993) marque un tournant dans l’histoire du GATT. 40% des
marchandises échangées se font en franchise totale ; toutefois, ce démantèlement
tarifaire demeure différencié selon les secteurs et selon les régions : les droits de
douane restent en moyenne plus élevé dans les pays en voie de développement par
rapport aux pays développés ; des secteurs tels que le textile disposent de droits de
douane supérieurs à la moyenne. Les accords de Marrakech crée l’OMC le 1er janvier
1995.
Depuis 1945, le tarif douanier ne constitue plus un outil privilégié de protection : sa trop
grande visibilité conjuguée aux efforts du GATT a conduit à une diminution marquée des
taux : les différences cycles de négociations multilatérales ont permis de faire passer en
moyenne les barrières tarifaires de 40% en 1947 à moins de 4% aujourd’hui.
Au cours de cette période, le taux de croissance annuel moyen du commerce international
apparaît supérieur à celui de la production :
- 6,1% sur la période 1953-1963 (contre 4,1% pour le revenu mondial)
- 8,9% sur la période 1963-1973 (contre 5,1 pour le revenu mondial)
Période exceptionnelle à la fois en termes de taux de croissance et de durée
10
Cinq raisons sont généralement invoquées pour rendre compte de cette croissance marquée du
commerce international :
- la croissance économique soutenue et assez régulière
- le démantèlement progressif des barrières tarifaires sous l’impulsion du GATT
- l’essor des moyens de transport (en particulier aérien)
- l’instauration d’un système de taux de changes fixes limitant la volatilité du taux de
change
- la mise en place de zones d’intégration régionale
Comme le souligne J. Bagwati (Le protectionnisme, 1990), si tous ces facteurs ont sans aucun
doute joué un rôle dans l’essor du commerce international, il reste cependant difficile d’en
quantifier l’impact exact.
D) Depuis 1970, le commerce international connaît de profondes mutations
La crise économique des années 70 se traduit par un ralentissement du taux de croissance des
échanges commerciaux en valeur et en volume, qui reste cependant supérieur au taux de
croissance de la production.
On passe de 8,9% sur la période 1963-1973 à 3% sur la période 1973-1983 (contre 2,5 pour la
production). A la différence de la crise de 1929, on n’assiste donc pas après 1974 à un
effondrement en valeur et en volume du commerce international mais seulement à un
ralentissement dans la progression des échanges.
La période ouverte par la crise des années 70 est marquée par plusieurs mutations
géographiques, qui peuvent se résumer à trois faits stylisés :
-
-
-
la redistribution des rôles entre pays développés (recul des Etats-Unis dès la fin des
années 50, consolidation de l’Allemagne et du Japon, de la France, puis du RoyaumeUni, de l’Italie et de l’Espagne).
l’émergence de nouveaux acteurs dans le commerce international (HK, Taiwan,
Singapour, Corée du Sud). A partir des années 90, une nouvelle génération de pays
apparaît (le Mexique, la Chine et dans une moindre mesure le Brésil et l’Afrique du
Sud)
la consolidation des flux de commerce inter-régionaux. Si l’on divise le monde en 3
régions principales (Amérique du Nord, Europe, Asie), il apparaît que le commerce
interrégional représente dans le cas de l’UE 67,5% des exportations totales de ses pays
membres en 2001, 39,5% pour l’ALENA et 20,9% pour l’Asie.
Par rapport aux approches traditionnelles, les nouvelles théories du commerce international –
initiée par des auteurs américains comme Krugman et Helpman – opèrent plusieurs
ruptures :
-
-
elles tendent à délaisser les caractéristiques des pays (en termes d’avantage
comparatif) pour s’attacher à l’étude des structures de marché : les analyses
microéconomiques fondées sur le monopole, l’oligopole et la concurrence
monopolitistique sont alors mobilisés pour rendre compte des flux internationaux de
marchandises ;
elles estiment que l’existence de différences (de productivité ou de dotations
factorielles) n’est pas une condition nécessaire à l’échange international : des pays
11
-
-
similaires peuvent avoir mutuellement intérêt à commercer, par exemple pour
exploiter les économies d’échelle (ex : avions, porte-avion) ;
elles introduisent généralement une dimension dynamique (comment évolue la
spécialisation au cours du temps ?) alors que les théories traditionnelles s’inscrivent
dans une perspective essentiellement statique ;
elles montrent que le protectionnisme peut, dans certaines circonstances, améliorer le
bien-être du pays qui se protège (ex Chine avant son intégration dans OMC)
Le modèle HOS (Hecksecher-Ohlin-Samuelson) fonde l’échange international sur des
différences dans les dotations relatives de facteurs (France et Argentine, deux facteurs de
production, capital et travail et deux produits, voiture et blé). Un pays a intérêt à exporter le
bien dont la production est intensive dans le facteur relativement abondant (dans ce pays) et
à importer le bien dont la production est intensive dans le facteur relativement rare.
II. A la fin du XXème siècle, le village planétaire s’est élargi et modifié : la
mondialisation s’est installée en accroissant les richesses et les inégalités
L’austérité, la privatisation et la libéralisation ont été les trois piliers du consensus de
Washington au cours des années 80 et 90.
Ces mesures avaient été conçues pour répondre aux problèmes réels de l’Amérique latine et
contenaient beaucoup de vrai. Dans les années 80, ces pays souffraient de déficits budgétaires
énormes et le laxisme de la politique monétaire avait déchaîné une inflation incontrôlable.
La plupart des pays seraient plus prospères si l’Etat se concentrait sur la mise en œuvre des
services publics essentiels au lieu de diriger des entreprises dont on peut soutenir qu’elles
seraient mieux gérées dans le secteur privé. La privatisation a donc souvent un sens. Mais
beaucoup de ces politiques ont souvent été poussées trop loin, trop vite et sans être
accompagnées de mesures nécessaires note Joseph Stiglitz dans La grande désillusion.
L’impact sur l’emploi a peut-être été l’argument majeur pour ou contre la privatisation : c’est
seulement en privatisant que l’on pourra licencier les travailleurs improductifs, soulignaient
ses partisans ; de l’autre, la privatisation va opérer des suppressions d’emplois sans se
préoccuper de leur coût pour la société, rétorquaient ses adversaires.
Dans les pays en développement, les travailleurs sans emploi ne deviennent généralement pas
une charge financière publique puisqu’il existe rarement des systèmes d’assurance-chômage.
Il est important de restructurer les entreprises publiques et la privatisation est souvent un
moyen efficace d’y parvenir. Mais retirer les gens de postes peu productifs dans les firmes
d’Etat pour les mettre au chômage n’augmente pas les revenus d’un pays et certainement pas
le bien-être des travailleurs.
La privatisation doit s’inscrire dans une stratégie globale qui prévoit des créations d’emplois
en tandem avec les destructions d’emplois que l’on provoque souvent en privatisant.
La libéralisation – Il est facile de détruire des emplois et c’est souvent l’impact immédiat de la
libéralisation du commerce quand des industries inefficaces disparaissent.
Or, ce n’est pas nécessairement ce qui se passe. Pour créer des firmes et des emplois
nouveaux, il faut le capital et l’esprit d’entreprise. Or, dans les pays en développement, le
12
second fait souvent défaut, en raison de manque d’éducation et le premier aussi, en raison du
manque de crédit bancaire.
Les pays qui ont le mieux réussi n’ont levé leurs barrières protectionnistes qu’avec précaution
et méthode : seulement après avoir crée de nouveaux emplois. La Chine commence a peine à
démanteler ses entraves au commerce 20 ans après avoir entamé sa marche vers le marché –
période où son développement a été extrêmement rapide (Mickey Kantor, ministre du
commerce dans la première administration Clinton poussait au contraire à un démantèlement
rapide).
Aux yeux de beaucoup, la mondialisation, c’est le progrès.
La mondialisation et l’introduction d’une économie de marché n’ont pas produit les effets
promis en Russie ni dans la plupart des économies engagées dans la transition du
communisme au marché. En 1990, le PIB de la Chine représentait 60% de la celui de la
Russie, en 2000, c’est l’inverse relève Stiglitz.
Les Etats occidentaux ont poussé les pays pauvres à démanteler leurs barrières douanières
mais ils ont conservé les leurs, empêchant ainsi les pays en développement d’exporter leurs
produits agricoles. Cela coûte des milliards au consommateur qui paie plus cher et aux
contribuables qui paient les subventions.
Dans trop de cas, le prix à payer de la mondialisation a été lourd (environnement détruit,
gangrène de la corruption, changement culturel). Les protestataires de la mondialisation
voient la mondialisation d’un tout autre œil que celui des ministres des finances ou du
commerce des pays industrialisés. Ont-ils les mêmes chiffres, les mêmes informations, les
gouvernants se laissent-ils aveugler par des intérêts privés s’interroge Stiglitz ?
A) Les richesses se sont accrues comme les inégalités
DONNER CHIFFRES AUGMENTATION DU COMMERCE + CHIFFRES G7
Le G20 détient 93% du PIB mondial en 2004.
Le monde compte aujourd’hui 1 milliard de riches, 2,5 milliards de pauvres et 2,5 de très
pauvres. En dollars courants, les pauvres et très pauvres représentent 85% de la population et
20% de la richesse mondiale. Pour les plus pauvres, ils représentent 40% de la population
mondiale pour 3% des richesses.
La CNUCED estime que le CA des entreprises multinationales représente, en 1999, 14 000
Mds USD, soit environ deux fois le montant des exportations mondiales et environ 10% du
PIB mondial. En 1980, ces mêmes entreprises représentaient 3000 Mds USD et 5% du PIB
mondial.
Les inégalités se sont creusées : ainsi, au plan financier, entre 1960 et 1995, la part des 20%
les plus pauvres dans le revenu mondial est tombée de 2,3% à 1.4% et la part des 20% les plus
riches est passée de 70 à 80%. Dorénavant, les 360 individus les plus riches de la planète
détiennent une fortune équivalente au revenu des 45% les plus pauvres de l’humanité.
13
La Banque mondiale n’a pas encore réfléchi aussi sérieusement qu’elle le devrait aux critiques
théoriques et empiriques de la libéralisation du commerce comme celles qu’avancent F.
Rodriguez et D. Rodrik, « Trade policy and economic growth : a skeptic’s guide to the cross
national evidence » in Ben Bernanke et Kenneth S. Rogoff, Macroeconomics Annual 2000
(MIT Press).
Jusqu’en dans les années 90 ; la tentation était d’analyser les relations causales relatives à
l’inégalité en deux temps : les inégalités entre pays sont expliquées par des niveaux de
développement différents. Les inégalités à l’intérieur des pays sont expliquées pour leur part
par des facteurs locaux et des préférences de politiques nationales. La mondialisation rend
caduque cette approche en deux temps. Elle oblige à faire face simultanément à la grande
variété des causes, locales et globales.
Paradoxe, la croissance peut ne pas aboutir à un accroissement de richesse. Pis, cet
accroissement de richesses peut créer ou favoriser des inégalités.
B) Lutter contre la pauvreté et renforcer la solidarité internationale
33 000 enfants meurent chaque jour, 1,2 Md de personnes vivent avec moins de un dollar
jour, 2,8 Md avec moins de deux. 2 Mds n’ont pas accès à l’eau potable, 38 millions de
personnes sont affectées du VIH dont 95% dans les pays sous-développés et 70% en Afrique.
On compte aujourd’hui 20 millions de morts.
Les fondements de l’aide au développement étaient jusqu’à présent de trois ordres :
- la solidarité et la lutte contre la pauvreté
- la géostratégie : chacun des deux camps de la guerre froide cherchait à s’assurer des
clientèles
- l’économie où les questions d’ouverture commerciale, de libéralisation et de gestion
de l’endettement mondial ont joué un rôle essentiel
Cette aide n’a pas été inefficace contrairement à une idée trop souvent répandue : elle a
accompagné et accéléré le développement de l’Asie de l’Est ; elle a permis l’amélioration des
conditions de vie en Afrique sub-saharienne malgré une récession économique qu’elle n’a pu
empêcher. Elément positif : la population vivant avec moins de un dollar par jour (seuil audessous duquel la pauvreté est déclarée) est passée de 40 à 21% entre 1981 et 2000. Le but est
d’atteindre 11% en 2015.
Trois besoins mondiaux d’intervention semblent s’imposer :
-
-
la communauté internationale a besoin de répondre aux crises politiques et
humanitaires. Rentrent dans ce cadre les opérations de prévention de conflit, de
reconstruction ou de post conflit
deuxièmement, la communauté internationale a besoin d’accompagner la mise en
place d’accords globaux par des transferts financiers ou de la coopération technique.
On rencontre ici la problématique des « biens publics globaux ».
1er cas : le pays en développement posent des problèmes ou risquent d’en poser
pour la communauté internationale (grippe aviaire)
2ème cas : la communauté internationale cause ou a causé des préjudices aux
pays en développement (compensation sectorielle, problématiques liées à
l’environnement)
14
3ème cas : les pays en développement gèrent des biens communs de l’humanité
(cas de la biodiversité, concentrée dans les zones humides et forestières). La
forêt apparaît comme un outil majeur de la préservation de la couche d’ozone.
La gestion et la préservation de ces zones entraînent des coûts importants. Elle
peut aussi handicaper à court terme le développement immédiat de ces pays :
elles conduisent ces dernières à se restreindre d’exploiter des ressources que les
pays développés ne se sont pas privés d’exploiter. Cette gestion implique
compensation.
4ème cas : la communauté internationale doit financer des institutions
spécialisées qui gèrent l’émission des normes, leur négociation comme la
surveillance de la politique mondiale.
-
Troisièmement, plus globalement, la communauté internationale doit parvenir à créer
une convergence des revenus entre pays
Lors du sommet du millénaire et de la Conférence de Monterrey en 2002, la communauté
internationale s’est fixée comme objectif de réduire sensiblement la pauvreté en adoptant
les Objectifs du Millénaire. Les 8 objectifs simples doivent être atteints d’ici 2015 et
chaque gouvernement est amené à prendre les mesures adéquates pour y parvenir, ce qui
sous-entend notamment l’accroissement de l’APD.
(Réduire la pauvreté par deux, permettre l’accès universelle à l’école primaire à tous,
promouvoir l’égalité des sexes dans l’éducation, réduire au 2/3 la mortalité infantile (<5
ans), réduire au ¾ la mortalité maternelle, renverser la tendance des maladies infectieuses,
malaria et SIDA, doubler l’accès à l’eau potable et assurer un environnement durable,
développer un partenariat global pour le développement).
En volume, l’APD a atteint 78,6 Mds en 2004.
- L’APD des Etats-Unis a représenté 19 Mds en 2004 (soit 0,16%/RNB)
- le Japon à 8,9 Mds soit 0,19%/RNB)
- la France 8,4 Mds de dollars soit 0,42% du RNB,
- l’Union européenne 42,9 Mds (soit 55% des APD du CAD, Comité de
Développement de l’OCDE et 0,36%/RNB).
APD en %
Etats-Unis
France
Japon
RU
Moyenne CAD
1990
0,21
0,60
0,31
0,27
0,33
2000
0,10
0,32
0,28
0,32
0,22
2004
0,16
0,42
0,19
0,36
0,25
Le débat sur le niveau de financement de l’aide publique au développement a été
traditionnellement pauvre. Il manque de fondements techniques qui rendraient le chiffre plus
légitime et plus convaincant. Il est limité au budget des Etats contributeurs ; de ce fait,
l’objectif est très vulnérable aux contraintes budgétaires. Le niveau de financement des
politiques de la globalisation devrait être déterminé par les besoins de financement des
bénéficiaires et non de l’offre financière des Etats contributeurs.
15
C) Un retour au protectionnisme est-il souhaitable ?
« Aujourd’hui, la mondialisation, cela ne marche pas. Ca ne marche pas pour les pauvres du
monde. Ca ne marche pas pour l’environnement. Ca ne marche pas pour la stabilité de
l’économie mondiale » note Joseph Stiglitz.
Pour certains, la solution est simple : abandonnons la mondialisation. Cela n’est ni possible ni
souhaitable.
Dans les arguments favorables, on trouve :
- le protectionnisme a souvent été instauré au nom de l’intérêt national
- le protectionnisme temporaire permet de construire et de déconstruire les avantages
comparatifs (débat voitures japonaises en Europe début années 90) ; Hamilton parle
d’un protectionnisme éducateur.
- Le protectionnisme constitue un outil de relance de l’activité intérieure. Dans une
perspective keynésienne, l’ouverture d’un pays à l’importation est perçue à court
terme comme une fuite de revenu au même titre que l’épargne
- Le protectionnisme génère, dans le cas d’un tarif douanier ou de taxes sur le
commerce extérieur, des recettes fiscales.
- Le protectionnisme s’explique par la nature des relations qu’un pays peut entretenir
avec le reste du monde (Myanmar)
- Le protectionnisme permet, dans le cadre d’un grand pays, d’améliorer les termes de
l’échange
- Le protectionnisme est instauré en guise de représailles à l’encontre d’un partenaire
protégeant son marché national (exemple 1985 où les fabricants américains de semiconducteurs demandèrent des mesures protectionnistes à l’encontre du Japon, section
301 du Trade Act américain)
Par conséquent, certains sont tentés de chercher à dresser les barrières les plus importantes
possibles au mouvement général de libéralisation des échanges. Nombre d’opposants
s’engagent sur cette voie. Une telle réponse serait à la fois insuffisante, économiquement
dangereuse et inopérante
-
-
-
insuffisante car elle ne nous dispenserait pas de nous embarquer dans des coopérations
internationales difficiles et exigeantes comme celles liées au réchauffement de la
planète et donc de négocier et in fine d’accepter de partager notre souveraineté
économiquement négative car elle impliquerait des baisses de niveau de vie de tous et
réduirait à néant la perspective de mettre fin à la pauvreté humaine, dans les pays en
développement comme dans les sociétés industrialisées
inopérante car la mondialisation n’est pas responsable de tous nos maux
Jean-Louis Bianco et Michel Sévérino dans le cadre de leur groupe de travail Globalisation,
gouvernance et développement de la Fondation Jean Jaurès estiment que trois séries de raison
expliquent pourquoi il est important d’entretenir le mouvement général de désarmement
tarifaire et non-tarifaire :
-
la première raison tient à ce qu’une différence majeure est intervenue dans la nature de
notre croissance : celle-ci est tirée fondamentalement par une vague continue
d’innovations technologiques. Elles entretiennent des relations étroites avec la
mondialisation des marchés. La croissance et l’emploi dans les pays industrialisés
16
-
-
comme dans les pays émergents sont donc désormais liés à la perpétuation du
formidable mouvement de progrès technique lancé essentiellement aux Etats-Unis.
La seconde raison tient aux limites physiques atteintes par notre globe. L’optimisation
de sa gestion ne pourra être réalisée que par l’élévation de la productivité hydrique des
cultures (produire plus avec moins d’eau, d’une meilleure qualité, moins chère).
L’IFPRI (International Food Policy Research Institute) estime que pour les 20 ans à
venir, pour accompagner les scénarios moyens d’accroissement démographiques, le
commerce international de la viande devrait tripler, doubler pour le soja et augmenter
des 2/3 pour les céréales.
La troisième tient aux perspectives de la lutte contre la pauvreté à l’échelle mondiale
III. Aujourd’hui, si le clivage entre libre échange et protectionnisme en soi semble
dépassé, se pose alors la question des règles du commerce international et plus
globalement de la gouvernance économique mondiale.
Couramment, il est prétendu que les pays pauvres sont si pauvres et les riches si riches parce
que les seconds exploitent les premiers. Paradoxalement, le risque est plutôt d’être oublié ou
abandonné, de faire partie des exclus.
Nous sommes en Algérie en 1957. Germaine Tillion montre combien une route construite
entre un village et une ville, rompant ainsi son isolement porte la responsabilité dans la
pauvreté d’Aurès.
Engrenage inexorable qui conduit à la contestation des autorités ancestrales et à la montée des
inégalités. Doit-on venir à regretter que l’isolement ne soit pas resté la règle ? Plus complexe
encore : en guérissant le paludisme, les Français en Algérie ont-ils déclenché une explosion
démographique : faut-il laisser mourir les enfants de peur de bouleverser l’équilibre
démographique ? Faut-il s’inscrire dans le schéma de l’Occident ? de la « transition
démographique » dans lequel la réduction de la mortalité infantile entraîne une baisse de la
fécondité, laquelle à son tour s’accompagne de la scolarisation des enfants, de l’émancipation
des femmes et finalement de leur entrée dans la vie « moderne » ?
Thèse selon laquelle c’est parce qu’elle n’advient pas et non parce qu’elle est déjà accomplie
que la mondialisation aiguise les frustrations constitue la thèse de Daniel Cohen.
Elle crée un monde étrange, qui nourrit le sentiment d’une exploitation, alors qu’elle ne
l’exerce pas ou peu ; elle donne une image de proximité nouvelle entre les Nations qui n’est
que virtuelle.
La difficulté vient à la fois d’un manque : l’absence d’intégration des plus pauvres au
capitalisme mondial et un trop-plein, la présence des pays du Nord comme horizon obsédant
du développement économique.
A) Les défis de la croissance : approche smithienne et approche schumpéterienne
Reprenant une distinction fait par Joel Mokyr, on peut opposer deux types de croissance : la
croissance « smithienne », c’est-à-dire celle qui favorise une division du travail entre les
personnes, on dirait plutôt aujourd’hui entre les régions (cette division est source de
17
prospérité ; ce fut le cas pour les Empires) et la croissance schumpéterienne, c’est-à-dire celle
dont la croissance dépend de la capacité d’innovation d’une économie.
C’est la société européenne qui a véritablement ouvert le cycle schumpéterien, à partir du
Moyen Age. L’Europe semble aujourd’hui se porter davantage sur une logique smithienne
dans la mesure où le grand marché européen favorise les regroupements, rationnalise les
tâches à l’échelle du continent. La croissance schumpéterienne, qui est portée exclusivement
par un renouvellement constant des techniques correspond au modèle américain.
Pour Samuel Huntigton3, « une civilisation décline dès qu’elle ne cesse d’innover ». Le
pourcentage d’Américains faisant des thèses d’engineering est en baisse régulière mais la
force de l’Amérique est d’avoir la faculté d’attirer sans difficultés des chercheurs indiens ou
européens, payés au prix fort, pour les remplacer.
B) Emergence de nouveaux acteurs : la société civile
En parallèle, le fait majeur de la dernière décennie est la constitution d’éléments d’une société
civile planétaire. Elle exige un rôle d’opérateur ou de gestionnaire des biens publics. Elle a
désormais acquis une force considérable : elle peut miner une réunion internationale (Seattle).
Elle peut faire reculer des projets cruciaux de la Banque mondiale.
Les institutions internationales sont souvent critiquées pour l’insuffisance de leurs fondements
démocratiques et les rapports de domination qu’elles sont supposées entretenir ou représenter.
Les « souverainistes » de tous les pays les dénoncent comme minant la souveraineté des Etats
(Aux Etats-Unis, la défiance à l’égard des organisations multilatérales est répandue/ en
France, un sentiment analogue peut se retrouver pour fustiger la Commission européenne).
C) Repenser le modèle et la gouvernance
Notre système, « c’est une gestion mondiale sans gouvernement mondial », Stiglitz.
Les ébauches de gouvernance mondiale ne rassurent pas. Censitaire dans les organisations de
Bretton Woods, étatique aux Nations Unies, ces systèmes ne sont jamais satisfaisants : soit ils
briment les plus pauvres, soit ils nient excessivement la réalité démographique, soit encore ils
reflétent des rapports de force issus de la seconde guerre mondiale dont la légitimité s’est
érodée.
La Sécurité sociale a été créée par Bismarck pour que le peuple apprenne que le souverain se
soucie mieux de son bien que les révolutionnaires. Une chose est pourtant claire : il ne l’aurait
pas fait sans la menace révolutionnaire elle-même.
Il faudrait construire un contrat social global. Ainsi que l’écrit Pascal Lamy, « le capitalisme
de marché confirme à travers la globalisation ses trois traits fondamentaux et indissociables :
son efficience, son instabilité et sa nature inégalitaire ».
1) les organes informels : légitimité et avenir du G7-G20
Le Secrétaire américain au Trésor Georg Schultz convia les Français, les Allemands et les
Britanniques à Washington en 1973 pour une discussion informelle suite désordre monétaire
international créé par la décision américaine d'abandonner l'étalon-or ; les discussions se
3
Samuel Huntigton, Le choc des civilisations
18
poursuivirent avec les Japonais. VGE qui avait été Ministre des finances a voulu aussi
continuer l’exercice sur la base d’une rencontre au niveau des Chefs d’Etat et de
gouvernement (crise pétrole). Il s’est transformé en G5+1 en 1975 lors du sommet de
Rambouillet en invitant l’Italie puis le Canada pour devenir le G7. Deux formations existent :
le G7 Chef d’Etat et le G7 Finances regroupant les Ministres des Finances.
Les questions entourant la légitimité du G7 sont anciennes (influence réelle ; dépasse les
questions uniquement financières, etc.) mais deux évènements récents fournissent un
éclairage important: l’arrivée de la Russie dans le G8 politique (sommet Burmingham en
1998) et sa mise à l’écart du G7 finances et la crédibilité de l’intégration éventuelle d’une
Russie au G7 Finances alors que la Chine est aujourd’hui beaucoup plus riche qu’elle. Le G7G8 se transformerait alors d’un club de riches en un club de puissances occidentales malgré la
présence du Japon.
Par ailleurs, les Etats européens semblent surreprésentés (4/7) par rapport à leur poids
politiques et économiques effectifs.
Le G20 est une initiative américaine (1999) pour répondre à la crise asiatique. Ce format
représente-t-il un complément ou une alternative au G7? pour quels résultats ?
Le souci est d’afficher une plus grande représentativité des puissances économiques de la
planète; pour l’instant, les résultats obtenus sont modestes. Les questions fondamentales
partiellement éludées jusqu’à présent doivent être posées: au regard de leur hétérogénéité, les
pays présents ont-ils une convergence d’intérêts et ont-ils un capital de confiance suffisant à
partager l’information (ce qui est au moins partiellement le cas du G7) ? ont-ils envie et
besoin de se plier aux contraintes du dialogue multilatéral ?
Dans ce contexte, le fort ou les plus forts peuvent avoir une préférence, ou tout du moins une
tentation pour une approche bilatérale des enjeux.
2) la gouvernance des institutions économiques et financières internationales
- Accroître la transparence et l’accès à l’information
Activité publique sans être élue. Dans les démocraties, la transparence et l’ouverture sont
deux éléments essentiels. Ils les considèrent comme des droits et non des faveurs octroyés par
l’Etat. Le Freedom of Information Act – loi sur la libérté d’information – est devenu un
élément important de la démocratie américaine.
Les organisations internationales doivent mieux prendre en compte la société civile.
Dans la communauté financière, le secret est considéré comme normal, contrairement à ce qui
se passe dans la communauté académique. Le 11 septembre a permis de comprendre, qu’en
dehors de l’évasion fiscale ou du blanchiment, le financement du terrorisme pouvait s’abriter
derrière le secret.
Les documents préparatoires devraient être systématiquement publics (idem pour Banque
Centrale Européenne). Tous les processus opérationnels devraient donner lieu à publicité au
stade de la préparation des projets et programmes.
- Lier commerce et développement durable : préservation de l’environnement
L’OMC qui est en charge du commerce mondial, ne se préoccupe pourtant pas d’aspects aussi
essentiels que ceux de la santé ou de l’environnement. De la même manière, le FMI en qualité
de gardien autant faire ce peu de la stabilité financière internationale, ne cherche guère à
corriger les effets brutaux des crises de change sur le chômage ou la pauvreté des pays
concernés.
19
Il paraît indispensable de créer une Organisation mondiale de l’environnement
- Veiller au respect des normes juridiques
La première des réactions est de réintégrer l’OMC dans l’ordre juridique mondial. Il apparaît
ainsi symboliquement utile d’en faire explicitement une des institutions spécialisées des
Nations Unies et donc de le soumettre au respect de sa Charte.
Ensuite, les moyens de sanction en cas de non respect des conventions internationales signées
et ratifiées devraient être renforcés. Quand des sanctions commerciales seraient prises
légalement dans le cadre d’organisations spécialisées (par exemple OMS, OIT..), elles
s’imposeraient à l’OMC.
- Changer de doctrine ?
L’orientation keynésienne du FMI, qui soulignait les insuffisances du marché et le rôle de
l’Etat dans la création d’emplois, a cédé la place à l’hymne au libre marché des années 90,
dans le cadre du nouveau « consensus de Washington » privatisation – libéralisation –
déréglementation.
Joseph Steglitz a estimé qu’en 2001, l’action de la Banque Centrale Européenne a ralenti la
croissance. Elle a refusé de baisser ses taux ; le problème essentiel tenant à son mandat lui
demandant de se concentrer sur l’inflation. En pleine asiatique, la banque centrale de Corée
s’est vu demander de se focaliser exclusivement sur l’inflation alors qu’elle n’avait jamais eu
aucun problème d’inflation. Quand il était au CAE, Clinton avait repoussé une initiative du
sénateur de Floride Connie Mack pour modifier la charte de la Federal Reserve afin qu’elle se
focalise exclusivement sur l’inflation. Clinton la repoussa. La difficulté est que les Etats-Unis
ont repoussé une recommandation pour eux-mêmes mais que le FMI a formulé à l’égard de la
Corée.
Certains économistes pensent que trop réduire l’inflation a des effets négatifs4.
Joseph Stiglitz cite l’exemple d’une réunion à Prague en septembre 2000, où les anciens
dirigeants d’Europe de l’Est ont réexaminé leurs expériences. Le gouvernement de Vaclav
Klaus avait eu droit aux bonnes notes du FMI notamment en raison de sa politique de
privatisation rapide. Résultat : PIB plus faible à la fin des années 90 qu’à celui de 1989
La Pologne et la Chine avaient mis en œuvre des stratégies nettement distinctes de celles que
préconisait le consensus de Washington. La Pologne a commencé par une « thérapie de choix
pour ramener l’hyperinflation à des niveaux raisonnables. Ensuite, contrairement à la
République Tchèque, elle a privatisé les banques puis les entreprises. Vérifier chiffres
croissance PIB + chômage et inflation. Le FMI avait dit que les pays qui procédaient à une
« thérapie de choc », même s’ils souffraient davantage à court terme, réussiraient mieux à
long terme. La Hongrie, la Slovénie et la Pologne ont montré que les politiques gradualistes
apportent moins de souffrances à court terme, plus de stabilité sociale et politique et plus de
croissance à long terme.
Keynes a rétorqué que les marchés ne se corrigeaient pas tout seuls, en tout cas pas dans des
délais pertinents (d’où sa formule célèbre, « à long terme, nous serons tous morts5 »).
4
Des études de la Banque mondiale ont contribué à fournir des preuves empiriques de ce point de vue. L’une
d’entre elle a pour co-auteur Michael Bruno, prédécesseur de Stiglitz au poste de Chef économiste et ancien
dirigeant de la Banque centrale d’Israël. M. Bruno et W. Easterly, « Inflation crises and long-run growth »,
Journal of Monetary economics de février 1998.
5
J.M. Keynes, A Tract on Monetary Reform, London, Mc Millan, 1924
20
- Améliorer la représentativité des pays du Sud (sujet voice and representation of the
poors)
Les organisations internationales doivent faire une plus grande place aux pays en
développement. On pourrait imaginer, à l’OMC comme dans les autres grandes organisations
techniques, une évolution vers un système de circonscriptions régionales, qui donnerait plus
de voix aux petits pays en développement. Il est difficilement envisageable de passer
rapidement à un système de représentation qui serait fondé sur les poids démographiques.
Si les pays développés avaient sérieusement l’intention de leur laisser davantage la parole, ils
pourraient contribuer à financer un groupe de réflexion – indépendant des organisations
économiques internationales – qui les aiderait à formuler une stratégie et une position.
- Améliorer la coordination entre les différentes institutions
A l’entrée de la Banque mondiale, « notre rêve, un monde sans pauvreté ».
Des réformes apparemment simplistes de l’ensemble de Bretton Woods ont pu être proposées.
Les lignes directrices du rapport Meztler ne semblent pas applicables.
BM= pays pauvres, FMI= pays émergents
L’implication du FMI en Afrique demeure essentielle pour définir le cadre macroéconomique
à la fois de pays en situation précaire et d’une aide internationale qui en dépend.
L’intervention de la Banque mondiale dans les pays à revenus intermédiaires et émergents est
importante pour consolider ces pays stratégiques et contribuer à la gestion des biens publics
globaux.
La coordination entre les banques régionales de développement et la Banque mondiale doit
être considérablement renforcée. Il est irréaliste de vouloir mettre fin à leur coexistence, ce
qui serait pourtant la solution la plus rationnelle.
La collaboration entre la BM et le PNUD mérite une nouvelle réflexion. Le PNUD n’est plus
le coordinateur de l’aide qu’il devrait être ni le véritable conseiller des gouvernements. En
même temps, il reste une précieuse source de pensée alternative et peut intervenir dans des
situations où la Banque mondiale est paralysée. Deux institutions partiellement redondantes et
en compétition mais dont la fusion aboutirait à conforter une prééminence peut-être déjà
excessive de la Banque mondiale.
Une bonne pratique de la conditionnalité est un des éléments les plus importants pour
l’efficacité de l’aide. La voie la plus prometteuse semble être de négocier avec les pays
bénéficiaires de l’aide des « contrats de résultat ».
« Le changement le plus fondamental qui s’impose pour que la mondialisation fonctionne
comme elle le devrait, c’est celui de son mode de gouvernement » reconnaît Stiglitz.
Rappelons toutefois qu’il est très difficile de modifier les statuts des institutions de Bretton
Woods car cette modification oblige une ratification des Parlements nationaux et donc
également du Congrès américain. Or, ce dernier a pu s’opposer par le passé à des mises en
œuvre de gouvernance mondiale (cf Charte de la Haye de 1948).
D) La deuxième mondialisation est en marche
La première mondialisation repose sur la mobilité des facteurs de production (capital,
travail), la transversalité des entreprises qui se sont transformées en multinationales (la vrai
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question est qui est-ce qui contrôle in fine une entreprise ?), l’émergence d’une société civile
ont plutôt signifié un affaiblissement des Etats-Nations.
Or, comme le retour du primat des Etats est peut-être en marche
- comme le souligne M. Sévérino et JL Bianco, les défis transversaux environnements,
sanitaires vont appeler des coordinations au niveau des Etats
- la mondialisation jusqu’à présent était l’objet d’un club de pays riches et occidentaux
qui commerçaient entre eux et qui maîtrisaient le développement des autres. Les pays
du Sud veulent affirmer leur identité et leurs revendications (on peut le comparer au
sentiment d’affirmation polonais lors de l’entrée de la Pologne dans l’ Union
européenne)
- du rattrapage à la revanche, voire à la vengeance : deux phénomènes fondamentaux
émergent : l’accélération exponentielle de la Chine suivi par un développement
soutenu de l’Inde. Ces pays ont une histoire, en générale douloureuse avec les pays
occidentaux, et sont d’une taille tant géographique qu’humaine sans comparaison avec
les 4 dragons qui ont émergé dans les années 70. La question est donc de savoir
comment ces pays vont concevoir leur puissance économique de demain ? et de quelle
manière ils se montreront ouverts à la négociation globale ? Plus que jamais la
multipolarité risque de prendre le dessus de la multilatéralisation.
- L’intégration régionale, si elle s’accélère, tant sur le continent asiatique, qu’européen
ou américain, appelle davantage à une affirmation des identités nationales dans le
cadre de ce bloc qu’un effacement en son sein.
Conclusion
- La constitution d’un gouvernement planétaire ne paraît ni possible ni peut-être souhaitable.
C’est dans la coopération internationale qu’il faut rechercher les solutions à nos défis
communs. Cela impose de renégocier chaque avancée, parfois de manière difficile, longue et
contournée. Si elle est réussie et même si elle implique des abandons de souveraineté
maîtrisée à des instances régionales et mondiales.
- Mieux cerner l’impact de l’ouverture des marchés sur les pays pauvres et mettre en place des
mesures de protections transitoires pour accompagner leur développement.
- L’innovation et le progrès demeurent les conditions du développement et de sa pérennité
(pour les pays de puissance moyenne, notamment européens, la convergence est la régle/le
décrochage le risque)
- L’intégration européenne est une nécessité face à l’émergence des grands blocs.
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