Rhône-Alpes et l`environnement - ARC 3 - Environnement

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Ouvrage collectif réalisé par
Rhône-Alpes
et l’environnement
100 questions pour la recherche
144
© Photothèque Région Rhône-Alpes/Jean-Luc Rigaux
CHA PITRE
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introduction
Biodiversité, écosystèmes
et paysages
L’année 2010, Année Internationale de la Biodiversité, a mis en exergue l’impact des activités humaines sur la biodiversité. La région Rhône-Alpes abrite une
biodiversité aux multiples facettes, grâce à une grande variété de paysages
(massifs de montagnes, grands cours d’eau, lacs, plateaux d’altitude, étangs).
Ce territoire est cependant soumis à de fortes contraintes naturelles (changements climatiques) et humaines (populations en expansion, changements de
pratiques agricoles, etc.). Dans ce contexte, les scientifiques ont constitué des
réseaux interdisciplinaires afin d’étudier l’impact des activités humaines sur la
biodiversité, le fonctionnement des écosystèmes, et les services qu’ils rendent
à la société. L’objectif est d’aboutir à des outils de gestion, de conservation et
de restauration qui contribuent à optimiser les différentes fonctions des écosystèmes, et à en préserver la valeur patrimoniale.
Androsace helvétique
« Primulaceae », plante en
forme de coussin poussant sur
les rochers de l’étage alpin
(ici à 2 800 m). Cette espèce,
comme les plantes cantonnées
aux très hautes altitudes,
risque d’être affectée par le
réchauffement climatique qui
va faire remonter les zones
de répartition des espèces
de montagne - © CNRS
Photothèque/AUBERT Serge
L’évaluation des réponses des systèmes écologiques à la pression des activités
humaines et aux changements globaux passe nécessairement par une meilleure connaissance de leur structure, de leur fonctionnement et de leur dynamique, ainsi que de leur potentiel d’adaptation. Le défi est alors de développer
les concepts et les outils permettant de comprendre les relations entre diversité
biologique et fonctionnement des écosystèmes. Ces questions sont aujourd’hui
traitées dans le cadre de programmes de recherche internationaux (International Geosphere and Biosphere Program, Diversitas, Millenium Ecosystem Assessment) qui ont défini des enjeux, des outils et des priorités communes.
Facteurs du changement global
et spécificités régionales
Les activités humaines se traduisent par des processus extrêmement variés, tels
que l’eutrophisation des eaux, l’érosion des sols, la régulation des cours d’eau, la
déprise rurale, l’augmentation de la pression touristique ou les prélèvements forestiers et cynégétiques. Dans ce contexte, il convient de se poser la question du
seuil d’altération au delà duquel l’écosystème ne pourrait revenir à son état initial,
et d’établir des bases scientifiques solides pour la restauration des écosystèmes.
Effets sur la biodiversité
et le fonctionnement des écosystèmes
La diversité biologique s’exprime à divers niveaux hiérarchiques des systèmes
écologiques (population, peuplement, écosystème, paysage). À chaque niveau, elle peut être définie en termes de gènes (diversité intra-spécifique),
d’espèces (richesse ou diversité spécifique) ou de traits biologiques (diversité
fonctionnelle, c.-à-d. des caractères des individus tels que la morphologie, la
physiologie ou la démographie).
L’écosystème constitue le niveau hiérarchique adéquat pour une approche
intégrée à l’échelle du paysage, et pour produire des règles de gestion des
146
« Quercus rubra » chêne rouge
d’Amérique, une des espèces
remarquables de l’arboretum
Robert Ruffier-Lanche.
L’arboretum situé au nord
du campus universitaire
de St Martin d’Hères à
Grenoble a été créé il y a une
quarantaine d’années. © CNRS
Photothèque/AUBERT Serge
territoires permettant la conservation de la biodiversité. En effet, la compréhension du rôle des facteurs physiques (climat, hydrologie) et biogéochimiques
(azote, carbone, eau) sur le fonctionnement des écosystèmes et leur biodiversité permet de prévoir les conséquences des changements de l’environnement et d’établir des stratégies de gestion adaptées.
De la biodiversité aux services fournis à la société
Au delà de simples biens matériels, la biodiversité fournit à nos sociétés humaines des bénéfices directs ou indirects que l’on qualifie de « services des
écosystèmes ».
Il peut s’agir de services à court terme, comme l’épuration de l’eau, la conversion de l’énergie solaire en matière organique utilisable par les humains ou leur
cheptel, la préservation des sols et de leur fertilité, la pollinisation des plantes
cultivées ou la protection des activités humaines par les forêts en montagne.
La biodiversité joue également un rôle à long terme, en maintenant un « patrimoine naturel » dont elle est partie intégrante, avec la fourniture d’eau et d’air
propres, le stockage du carbone, la décomposition des déchets, la composition de l’atmosphère et la régulation du climat. Enfin, elle procure du bien-être,
par l’intermédiaire du tourisme et de la valeur intrinsèque du vivant et de sa
diversité perçue par le grand public. Bien que les mécanismes reliant le niveau
de biodiversité et le maintien de ces services face aux changements environnementaux restent à préciser, il semblerait que certaines composantes de la
diversité des organismes jouent un rôle essentiel.
Les fiches présentées dans ce chapitre illustrent toute la diversité des recherches conduites par les chercheurs qui ont œuvré dans le cadre du Cluster Environnement de la région Rhône-Alpes. Les thèmes abordés concernent des
écosystèmes très variés, et les fonctions/services auxquels contribue la biodiversité : les milieux aquatiques (cours d’eau, lacs, zones humides) et les milieux
terrestres de plaine et de montagne (prairies, milieux agricoles, forêts).
Rocaille des plantes originaires du Caucase. Au fond, massif et glaciers de
la Meije (3 987 m). Jardin botanique alpin du Lautaret (2 100 m), conservatoire
unique de la diversité de la flore alpine (2 000 espèces de plantes d’altitude)
telle qu’on l’observe sur l’ensemble des hautes montagnes de la planète.
© CNRS Photothèque/AUBERT Serge
147
54
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Des corridors écologiques
pour nos montagnes
La diminution de la biodiversité est liée à deux phénomènes majeurs : la dégradation des
habitats des espèces, et la fragmentation de ces habitats par des infrastructures. Les espèces
animales à grands domaines vitaux (tels les grands carnivores et les ongulés) et les animaux
devant se déplacer d’un milieu à l’autre pour effectuer leur cycle de vie (tels les batraciens)
sont les plus menacés. C’est pourquoi la mise en réseau des espaces de nature par des corridors
écologiques est reconnue comme prioritaire à diverses échelles.
Le contexte international : réseaux, corridors, trames,
une déclinaison d’actions pour la biodiversité
La mise en réseau des espaces de vie dans
les Alpes est un thème central des objectifs de
protection de la nature au sein de la Convention alpine ; c’est dans ce cadre qu’a été créée
la plateforme « Réseau écologique » qui a pour
objectif la constitution d’un réseau international
alpin regroupant les espaces protégés et les
éléments de liaison correspondants.
Quelques régions pilotes ont déjà entamé l’implémentation de ce réseau transfrontalier, en particulier le département de l’Isère, avec l’implication
du Conseil Général et du Cemagref de Grenoble.
Le projet ECONNECT vient dorénavant soutenir ces
initiatives, aider au partage des savoirs et savoirfaire et faciliter la mise en œuvre des mesures
dans des régions pilotes.
En France, le Grenelle de l’Environnement
de 2007 a initié la Trame Verte et Bleue dont
la déclinaison se fait à
l’échelle régionale par
des « schémas régionaux
de cohérence écologique ». Les démarches
se concrétisent dans les
documents d’urbanisme
et les projets d’aménagement.
Collecteur en « L »
Collecteur en « U »
148
Passage à petite faune,
réserve naturelle Tourbière
du Grand Lemps (38)
© Grégory Maillet / AVENIR
La Région Rhône-Alpes a anticipé ces
démarches en cartographiant ses réseaux
écologiques dès 2007 et en développant
un outil d’appui, les « contrats corridors
écologiques », afin de soutenir les collectivités locales dans leurs travaux de mise en
œuvre.
Passage inférieur sous l’axe de Bièvre (Isère)
© Sylvie Vanpeene-Bruhier/Cemagref
Rhône-Alpes, une région active pour la protection
et la restauration des corridors
La région Rhône-Alpes se situe au carrefour
de plusieurs domaines biogéographiques et
constitue un « maillon territorial essentiel » pour
la connexion des Alpes avec les Pyrénées et à
l’Est entre les Alpes, les Carpates et les Balkans.
Du fait de son important développement
économique, la région Rhône-Alpes est
fortement impactée par des infrastructures qui
fragmentent les espaces naturels des plaines
et vallées. Identifier les corridors écologiques
existants à protéger et ceux à restaurer pour
favoriser le maintien de populations animales
d’espèces menacées constitue donc un enjeu
majeur pour cette région.
En Isère, grâce au Réseau Écologique
Départemental de l’Isère (REDI), plusieurs points
de conflit ont été supprimés par l’aménagement
de passages à petite faune (comme sur le
Grand Lemps avec le Conservatoire AVENIR).
Dans le cadre du projet européen « Couloir
de vie », des actions de plus grande ampleur
sont actuellement en cours dans la Cluse de
Voreppe pour restaurer la connectivité entre
les massifs de la Chartreuse et du Vercors.
Le Cemagref est un acteur incontournable
de cette thématique : il participe au Comité
opérationnel « Trame verte et bleue » issu du
Grenelle de l’environnement en rédigeant les
guides « trame verte et bleue ». Ses chercheurs
modélisent des connexions entre habitats
favorables à certaines espèces (grenouille
commune et tétras lyre) à partir de données
issues de l’Université Joseph Fourier et des
réseaux naturalistes.
À une échelle plus fine, le Cemagref a montré
que les passages à faune aménagés sous une
infrastructure clôturée (tel l’axe de Bièvre en
Isère) sont fréquentés quotidiennement par
de nombreuses espèces : renard, lapin, lièvre,
micromammifères, hérisson, fouine, faisan.
Le Cemagref communique sur ses travaux à
l’occasion d’événements à destination des
chercheurs et des gestionnaires, ainsi qu’auprès
du grand public lors de la Fête de la Science,
ou en intervenant dans les formations telles
que les masters de biologie, de géographie, ou
encore de génie civil.
EN SAVOIR +
www.cemagref.fr/les-contacts/les-pagespersonnelles-professionnelles/vanpeene-sylvie/
La Région Rhône-Alpes a produit en
2009 une cartographie de ses réseaux
http://biodiversite.rhonealpes.fr/spip.php?rubrique19
écologiques qui a donné naissance à
http://avenir.38.free.fr/RN-de-lEtang-du-Gra.html
une gamme d’outils et de documents
dont les principaux sont :
• L’Atlas des réseaux écologiques de Rhône-Alpes : à l’échelle du 1/100 000e, il offre un regard
synthétique sur les enjeux rhônalpins en identifiant les principales connexions à préserver ou restaurer
à l’échelle de la Région.
• Le guide « Pourquoi et comment décliner localement la cartographie régionale ? » : document
destiné à accompagner les acteurs locaux de Rhône-Alpes dans le montage de Contrats de territoire
« corridors biologiques ».
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55
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Les plantes alpines
ont du répondant
Soumise à des influences méditerranéennes, continentales et alpines, la région Rhône-Alpes
présente une grande richesse floristique. Ce patrimoine floristique est aussi le résultat de
l’hétérogénéité des milieux naturels dans le paysage, ce dernier étant fortement conditionné
par les activités humaines. Les variations climatiques sont tout autant susceptibles d’influer sur la
biodiversité actuelle que l’utilisation des terres. Nos travaux ont porté sur l’étude des capacités
de réponse de quelques espèces dominantes des prairies des Alpes à différentes modifications
de leurs conditions environnementales.
Capacités d’adaptation des plantes
aux changements de l’environnement
Les écosystèmes de montagne sont des zones
particulièrement exposées aux changements
globaux de l’environnement. De grandes différences climatiques peuvent être observées sur
des distances très courtes lorsqu’on s’élève en
altitude. L’activité humaine n’est pas absente
dans ces milieux, en particulier dans les Alpes où
elle a fortement structuré l’utilisation du paysage.
Par exemple, les pratiques agricoles sont à l’ori-
gine du maintien, en un certain nombre d’endroits, de prairies à la place de la forêt.
Ces prairies, qui sont conditionnées par la combinaison de conditions climatiques et/ou des pratiques agricoles, présentent une importante biodiversité, avec des espèces patrimoniales parfois
rares et emblématiques (orchidées, gentiane
jaune, narcisse des poètes…).
Les changements globaux de
l’environnement vont affecter
les conditions dans lesquelles
ces plantes se développent
actuellement. Afin d’estimer
les conséquences de ces
changements sur la biodiversité de ces milieux, il est
nécessaire de mieux évaluer
la capacité des espèces à
répondre aux modifications
de leur environnement.
Ces prairies à la biodiversité très
riche sont le résultat de pratiques
agricoles et de conditions climatiques
favorables. Des changements de
ces conditions peuvent menacer
leur existence - Serge Aubert/SAJF
150
Deux mécanismes sont susceptibles d’intervenir.
D’une part, la variabilité génétique des individus permet à certains d’entre eux de mieux
s’adapter aux nouvelles conditions environnementales ; c’est le principe de la sélection naturelle. D’autre part, la plasticité phénotypique
(capacité d’un individu à modifier son phénotype dans différents environnements) permet de
faire face à de nouvelles conditions environnementales.
Dans la mesure où ces deux mécanismes n’agissent pas sur la même échelle de temps, et où
l’amplitude de la réponse peut être différente, il
est important de connaître leurs rôles respectifs
dans la réponse des espèces à un changement
environnemental.
Premiers résultats
Les expérimentations menées sur des graminées dominantes des prairies de montagne ont
permis de mettre en évidence les mécanismes
de réponse aux modifications de l’environnement :
1) Les espèces étudiées ne sont pas adaptées
à des conditions locales particulières à l’environnement, ce qui indique leur capacité à
vivre dans d’autres conditions que celles où on
les trouve actuellement ;
2) Toutes les espèces observées présentent une
grande variabilité génétique. Il existe ainsi un
potentiel d’évolution des espèces en réponse
à des changements environnementaux ;
3) La source principale de la réponse des
espèces est la plasticité phénotypique. Ce
mécanisme rapide de réponse peut permettre
à celles-ci de s’acclimater à des conditions
environnementales variables.
Ces premiers résultats mettent en évidence
la capacité des espèces à faire face à des
modifications de leur environnement. Cependant, compte tenu de la rapidité et de l’amplitude de ces changements, il est nécessaire
d’approfondir nos connaissances, en parti-
Graminée, végétation
des alpages – Cemagref/J.-P. Jouglet
culier pour des espèces autres que les graminées, notamment pour des espèces plus rares
que celles étudiées. Enfin, compte tenu de la
durée de vie de ces espèces (plusieurs dizaines
d’années), des expériences à plus long terme
devront être menées.
EN SAVOIR +
http://sajf.ujf-grenoble.fr/IMG/pdf/ZAA.pdf
Les résultats obtenus lors de cette étude ont
bénéficié des travaux précédemment réalisés
sur ces milieux en lien avec les pratiques agricoles (projet européen Vista, LECA Grenoble). Pour la
mise en place des expérimentations, sur le terrain comme en conditions contrôlées, nous avons pu
bénéficier des contacts avec les usagers des prairies ainsi que de l’expertise scientifique et des infrastructures de la Station alpine Joseph Fourier (http://sajf.ujf-grenoble.fr/).
Financés par le Cluster Environnement, ces travaux préliminaires, indispensables à la compréhension
du fonctionnement des communautés végétales, seront intégrés dans les expériences mises en place
par la suite. En particulier, la création d’une Zone Atelier Alpes (ZAA) correspondant aux partenariats
entre divers laboratoires et collectivités de la région permettra la mise en place d’expériences à plus
long terme, nécessaires pour mieux comprendre la dynamique de ces écosystèmes.
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56
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
La grenouille et l’oiseau
Une grenouille part à la recherche d’un
monde meilleur, mais voici qu’elle aborde
une rivière aux flots redoutables. Tenter
la traversée, c’est la mort assurée. Un
oiseau se présente et passe l’obstacle de
trois coups d’aile. Pour notre batracien,
gagner l’autre rive est chose impossible.
Le monde de la grenouille est balisé
d’obstacles que ne connaît pas l’oiseau. La
présence des grenouilles et l’organisation
de leurs populations dépendent donc
plus étroitement de la configuration des
paysages que celles de l’oiseau.
La rainette verte (Hyla arborea)
est un amphibien particulièrement
sensible à la fragmentation du paysage
© Pierre Joly/LEHNA-UCBL
La fragmentation des paysages,
facteur de risque pour
la biodiversité
La grenouille partage ces difficultés de dispersion avec tous les petits animaux qui vivent sur le
sol. Aux obstacles naturels viennent aujourd’hui
s’ajouter une multitude d’obstacles artificiels,
construits par les humains toujours en quête d’un
territoire mieux aménagé. L’espace est cloisonné
de murs de clôture, de routes de plus en plus larges,
d’espaces agricoles de plus en plus arides et toxiques, de zones urbaines sans cesse plus vastes.
Aujourd’hui, notre grenouille n’a pas à cheminer
longtemps pour rencontrer l’un ou l’autre de
ces obstacles anthropiques et l’aventure d’un
déménagement devient impossible. Chacun est
contraint de ne plus quitter la mare de sa naissance. Privées de sang neuf, les populations cloîtrées voient leur héritage génétique se dégrader
irrémédiablement. Quelle que soit la qualité de
l’habitat, quelle que soit sa protection, si l’espace
est limité et si aucun échange n’est possible avec
d’autres populations, l’avenir d’une population
est ainsi fortement compromis.
Ce cloisonnement que l’on appelle « fragmentation des paysages » est la première des causes
d’érosion de la biodiversité. Il résulte à la fois d’une
destruction d’habitat et d’un isolement croissant
des fragments non dégradés. Dans ces fragments, les risques d’extinction sont d’autant plus
grands que la superficie du fragment est réduite.
Or, dans nos paysages d’Europe très aménagés,
où la densité humaine ne cesse d’augmenter, il
est très difficile de reconvertir des milieux occupés
par les humains en milieux plus sauvages, permettant la vie et les migrations de la biodiversité.
Science et politique en action :
vers un aménagement écologique du territoire
Alarmées par les constats des scientifiques,
les collectivités territoriales s’intéressent au
problème, cherchant des compromis dans l’entretien de zones de migration ou à créer des
ouvrages qui permettent le passage de la faune.
De telles réflexions sont conduites à l’échelle
152
des départements, des régions, des pays, voire
de l’Union Européenne. La France a élaboré un
projet de « trame » qui se décline en trame verte
pour les milieux forestiers et en trame bleue pour
les milieux aquatiques. La région Rhône-Alpes
dispose d’un programme de « corridors biolo-
giques », tandis que le département de l’Isère,
pionnier en la matière, a élaboré le « Réseau
écologique du département de l’Isère ».
Ces programmes reposent sur une coopération
étroite entre les collectivités territoriales et les
scientifiques. Des outils sont en effet nécessaires
pour cartographier les zones de migration que l’on
appelle « corridors ». Il peut s’agir de « continuités »
c’est-à-dire de structures linéaires et étroites dont
la structure ressemble à celle des habitats qu’elles
relient. Une haie composée d’arbres et qui relie
deux forêts représente bien ce que l’on entend
par ce terme. Il peut toutefois s’agir de milieux
qui ne ressemblent pas à l’habitat, mais dont la
traversée n’est ni trop coûteuse, ni trop risquée. De
nombreux animaux forestiers traversent sans stress
des prairies mais sont stressés (on peut mesurer
les hormones de stress comme la corticostérone)
s’ils doivent traverser des espaces de grandes
cultures. Pour définir ces cheminements « de
moindre coût », des études comportementales et
physiologiques sont nécessaires.
Un triton palmé dans un passage à faune
permettant la traversée sans risque d’une route.
Réalisation du Conseil Général de l’Isère dans
la Réserve Naturelle de l’Étang du Grand Lemps,
Isère © Pierre Joly/LEHNA-UCBL
Dans le cas d’obstacles physiques infranchissables,
comme une autoroute, il est possible de concevoir des passages pour la faune. Pour les mammifères, il suffit souvent d’aménager des passerelles
construites pour le passage d’engins agricoles ou
forestiers en ménageant des « trottoirs » végétalisés. En revanche, les amphibiens nécessitent des
aménagements plus complexes qui les contraignent à utiliser des passages sous les chaussées.
La conception d’un aménagement écologique
du territoire respectant les mouvements de la
faune (ainsi que la dispersion des graines) représente un défi qui soulève la fascinante question
de la perception du paysage par l’animal.
En Rhône-Alpes, la connectivité
du paysage est étudiée à Lyon 1
au sein du Laboratoire d’Écologie des Hydrosystèmes Naturels
et Anthropisés (travaux de Pierre
Joly, doctorats d’Agnès Janin et
de Jérôme Prunier) et du Laboratoire de Biométrie et Biologie
Évolutive (travaux de Sébastien
Devillard).
153
57
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Les insectes s’organisent
Face à l’érosion de la biodiversité qui s’accélère, les scientifiques se
doivent de proposer une approche conceptuelle de l’organisation
de la biodiversité. Des théories très contrastées ont été avancées,
et un enjeu actuel majeur consiste à déterminer si l’organisation
des communautés d’espèces dans les écosystèmes repose
essentiellement sur les différences de caractères entre les espèces
ou, au contraire, sur des processus aléatoires.
L’équipe « Écologie Évolutive et Biologie des Populations d’Insectes »
du Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive a proposé et étudié
un système « pilote » pour tester sur le terrain et à court terme les
théories relatives à la biodiversité.
Les théories de la biodiversité à l’épreuve du terrain
Deux théories opposées tentent d’expliquer l’organisation de la biodiversité. Selon la théorie des
niches, la structure des communautés d’espèces
compétitrices résulterait des différences de
caractères entre les espèces. Au contraire, selon
la théorie neutre de la biodiversité, l’organisation
des communautés reposerait essentiellement sur
des processus aléatoires, c’est-à-dire que des
espèces deviendraient abondantes car leurs
individus se seraient mieux reproduits que ceux
d’autres espèces compétitrices, par le seul fait
du hasard. On observe un manque criant d’investigations empiriques permettant de tester ces
théories. Des chercheurs ont étudié les mécanismes de coexistence d’espèces d’insectes en
compétition pour une ressource pulsée en observant 4 espèces de charançons en compétition
pour l’exploitation des glands de chêne, dont la
production interannuelle est massive et intermittente. L’étude de la dynamique de ces communautés permet de tester les théories à relativement court terme : selon la théorie des niches,
les différentes espèces ne devraient pas toutes
bénéficier de la même manière des fortes glandées et leurs dynamiques devraient être asynchrones. Au contraire, selon la théorie neutre, les
espèces devraient subir de la même manière les
fortes variations de disponibilité en fruits et leurs
dynamiques devraient être synchronisées.
154
Pour tester les théories relatives à la biodiversité,
les chercheurs ont suivi sur le terrain 2 communautés d’insectes dans la région Rhône-Alpes
pendant 5 ans (2005-2009). Le cycle de développement des insectes a été étudié à la fois
sur les sites naturels et sur la plateforme « ÉcoAquatron » (parc d’Écologie, la Doua, Université
Lyon 1). Les analyses moléculaires ayant permis
l’identification des espèces au stade larvaire ont
été menées au sein de la plateforme du laboratoire et de celle du plateau technique Développement de Techniques et Analyse Moléculaire
de la Biodiversité (DTAMB, la Doua, Université
Lyon 1).
Vers une théorie « unifiée » de la biodiversité
L’équipe a montré que les 4 espèces d’insectes
présentent de fortes différences dans des caractères impliqués dans l’exploitation des fruits et
des dynamiques de population nettement asynchrones. Ces résultats vont dans le sens de la
théorie des niches. Cependant, ils montrent aussi
que 2 des 4 espèces sont indissociables sur ces
2 propriétés, ce qui corrobore la théorie neutre
de la biodiversité. Ces résultats fournissent ainsi les
premiers arguments empiriques en faveur d’une
théorie unifiée de la biodiversité qui explique que
des espèces en compétition peuvent coexister si
elles sont écologiquement soit très similaires, soit
très différentes.
Ces travaux, réalisés grâce au soutien financier de la Région Rhône-Alpes, ont permis de recueillir
de données capitales et ainsi de mettre en lumière la pertinence du système pilote développé pour
étudier les mécanismes qui sous-tendent la biodiversité. Ces résultats encourageants ont permis
d’étendre le programme de recherche, de développer des collaborations locales (Université Lyon 1,
INSA), nationales (Université de Tours) et internationales (Université de Cardiff, Grande-Bretagne), et
d’obtenir un financement de 4 ans par l’Agence Nationale de la Recherche.
Balanin en vol
© Pierre-François Pélisson/Laboratoire de Biométrie
et Biologie Evolutive UMR CNRS 5558
155
58
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
La biodiversité du sol,
un trésor caché
Les forêts en Rhône-Alpes hébergent une grande biodiversité, mais elles sont aussi un réservoir
convoité d’énergie renouvelable. Le passage annoncé vers une sylviculture écologiquement
intensive repose sur une évaluation pertinente de la qualité des écosystèmes forestiers
soumis aux actions de l’homme et au climat. La prise en compte de la biodiversité du sol
offre des perspectives intéressantes pour augmenter la palette d’indicateurs qui renseignent
sur la sensibilité des forêts, aussi bien aux changements de conditions abiotiques qu’aux
changements fonctionnels au sein des systèmes écologiques.
La biodiversité en forêt,
témoin de la qualité de notre environnement
L’évaluation de la biodiversité des sols d’habitats forestiers présente aujourd’hui un intérêt
majeur pour la définition de niveaux de qualité
du sol. L’utilisation de la faune du sol comme
indicateur de qualité connaît un réel essor et des
normalisations voient le jour (Normes AFNOR ISO
23611-1/4).
Dans le contexte actuel de réinvestissement
dans les énergies renouvelables (bois-énergie) et
de mise en place d’une sylviculture écologiquement intensive, de tels bio-indicateurs permettent d’évaluer les effets de l’exploitation ou le
suivi et le maintien d’habitats forestiers d’intérêts
prioritaires.
La Chartreuse, un terrain d’étude pour les scientifiques
Dans ce contexte, la Région Rhône-Alpes, et
plus particulièrement le massif de la Chartreuse,
ont financé la mise en place d’études dans des
sites forestiers gérés et non gérés (îlots de vieillisse-
ments), ainsi que des mises au point d’outils pour le
suivi à plus ou moins long terme de ces forêts afin
d’évaluer l’impact de divers forçages climatiques
et anthropiques sur la qualité des sols forestiers.
La forêt de Chartreuse
© Jean-Jacques Brun/Cemagref
156
Sur les territoires forestiers du massif de la
Chartreuse, les chercheurs ont mis en place un
réseau de placettes d’échantillonnage, avec
notamment l’appui de l’ONF. Des placettes
complémentaires ont également été établies
en périphérie du Parc Naturel Régional de
Chartreuse, ainsi que sur la Réserve des Hauts
de Chartreuse. La qualité biologique des sols
des différents habitats forestiers a été évaluée
à partir d’un indice synthétique : l’IBQS (Indice
Biologique de la Qualité des sols), qui prend
en compte l’ensemble des communautés de
macro-invertébrés comme bio-indicateurs de
l’état physique, chimique et écologique des sols.
Une note de qualité comprise entre 0 et 20 est
alors attribuée en fonction de l’abondance et
de la diversité rencontrées sur chaque placette
d’étude.
Nécessité des démarches de conservation
et de gestion de nos forêts
Cette étude a permis une bonne connaissance
des différentes communautés de la faune du sol
dans les habitats forestiers et a mis en évidence
les conséquences de certaines pratiques, sur ces
milieux.
Elle a également permis de mettre en lumière le
patrimoine de biodiversité présent dans certains sols
forestiers. C’est le cas notamment des « érablaies de
ravins », petites formations forestières très localisées
dont les sols renferment une grande biodiversité.
La biomasse totale des communautés de macroinvertébrés y est très importante, avec une diversité
remarquable de taxons. Ces résultats nous permettent de conforter les démarches de conservation
conduites par les gestionnaires du Parc Naturel
Régional et de la Réserve Naturelle des Hauts de
Chartreuse.
D’autres formations, plus largement répandues
comme la hêtraie-sapinière ou encore les pessières
ont fourni des résultats plus contrastés. Des indices
plus faibles ont été obtenus pour les écosystèmes
soumis à une exploitation forestière régulière ; on
assiste alors à une modification structurale des
communautés faunistiques, en lien avec la pression de gestion.
La valeur tout à fait remarquable de l’indicateur
IBQS observée dans les îlots de vieillissement, riches
en bois mort, témoigne de l’importance patrimoniale de ces forêts où toute sylviculture est exclue.
Indice biologique de le qualité des sols
IBQS
0
5
Hêtraie Sapinière avec ilôts
Erablaie
Pinède à crochet
10
15
20
Hêtraie Sapinière non gérée
Hêtraie Sapinière gérée
La biodiversité du sol,
une « assurance qualité »
Îlot forestier de vieillissement en Chartreuse
© Jean-Jacques Brun/Cemagref
EN SAVOIR +
www.cemagref.fr/les-contacts/les-pagespersonnelles-professionnelles/brun-jean-jacques
La biodiversité du sol est méconnue, pourtant elle représente un quart de la biodiversité
totale du monde vivant. En forêts de montagne, nos travaux indiquent que les îlots de
vieillissement et les érablaies de ravins sont favorables à cette biodiversité. Il est donc
indispensable que ces petits écosystèmes forestiers dont les sols sont riches en organismes vivants soient favorisés par la gestion forestière.
157
59
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Des feuilles mortes
pour nourrir les rivières
Les invertébrés aquatiques ont un rôle écologique essentiel dans le fonctionnement des
milieux aquatiques. Les pressions humaines liées à l’occupation des sols (urbanisation,
agriculture intensive, aménagement des cours d’eau, déboisement) entraînent certes des
pertes d’habitats, mais aussi de ressources nutritives liés aux chutes des feuilles automnales.
Les pollutions générées par ces activités humaines peuvent aussi impacter directement les
invertébrés et modifier leur diversité, leur abondance spécifique et, au-delà, leur capacité à
assurer leurs fonctions écologiques.
Les invertébrés, témoins de la qualité des cours d’eau
Dans les systèmes aquatiques, outre la photosynthèse, qui correspond à une production endogène de matière organique, l’apport de matière
organique particulaire (MOP) par le bassin versant
est essentielle, tout particulièrement pour les petits
cours d’eau en tête de bassin. En effet, les feuilles
d’arbres et débris végétaux arrivés dans le cours
d’eau sont consommés par de nombreux invertébrés (organismes déchiqueteurs) qui fragmentent
et assimilent cette MOP. Cette biodiversité aquatique peut cependant être réduite en cas de
pollution des milieux. De nombreuses études ont
Une expérience grandeur nature
Des équipes du Cemagref (Unité Milieux Aquatiques, Écologie et Pollutions) et du Laboratoire
d’Écologie des Hydrosystèmes Naturels et Anthropisés ont étudié, durant plusieurs saisons, la
dégradation de litière de feuilles d’aulne (arbre
banal en bordure de cours d’eau et servant de
modèle d’étude) sur le site atelier Ardières-Morcille
de la ZABR. La méthode consiste à immerger des
sacs grillagés contenant des feuilles pendant 2 à
6 semaines et, par des prélèvements à intervalles
réguliers, à calculer la masse de feuilles consommées et à caractériser la biodiversité des invertébrés retrouvés dans les sacs ou dans le cours
d’eau. En complément, les équipes ont étudié
les communautés microbiennes qui contribuent
également à cette dégradation.
Un site de référence
© Bernard Montuelle/Cemagref
158
ainsi montré que la diversité des invertébrés aquatiques était un bio-indicateur de la qualité ou du
niveau de dégradation des milieux aquatiques
(indicateur normalisé de type IBGN par exemple).
En Rhône-Alpes, les petits cours d’eau sont particulièrement nombreux et, dans un contexte
environnemental très varié (de la zone montagnarde à la zone périurbaine), parfois soumis à
de nombreuses pressions polluantes. Un indicateur
basé sur le potentiel de dégradation des litières de
feuilles et associé à un indicateur de biodiversité
des invertébrés revêt donc un intérêt particulier.
Plaine maraîchère (69). Les activités humaines peuvent avoir
un impact sur les cours d’eau à proximité et sur les invertébrés qui les
habitent - © Photothèque Région Rhône-Alpes/Jean-Luc Rigaux
Vers un outil d’aide à la décision
pour évaluer l’impact des activités humaines
Les travaux réalisés par les équipes de RhôneAlpes ont montré que la qualité de l’environnement aquatique influence fortement le potentiel
de biodégradation (exprimé en perte de masse
foliaire). En particulier, la présence de toxiques
liés aux zones de viticulture réduit de façon drastique ce potentiel en éliminant certains des organismes déchiqueteurs les plus efficaces, comme
par exemple le macrocrustacé Gammarus. On
a également observé que la part de biodégradation liée à l’action des invertébrés est très
supérieure à celle des microorganismes, autres
décomposeurs de MO.
Il est également possible de relier des niveaux
de biodégradation au type d’occupation des
sols et à la situation du site étudié par rapport
au bassin versant (plus on va vers l’aval, plus la
pollution est importante).
Des travaux en cours, réalisés dans le cadre
de collaborations (Université de Toulouse) et
programmes nationaux (ANR InbioProcess),
testent d’autres systèmes d’étude de terrain. Les
bases scientifiques actuelles permettent d’espérer la mise au point d’un outil d’aide à la décision, utilisable par des gestionnaires pour évaluer
un impact ou suivre les bénéfices environnementaux d’opérations de terrain.
EN SAVOIR +
http://www.cemagref.fr/le-cemagref/lorganisation/les-centres/lyon/ur-maly
http://umr5023.univ-lyon1.fr/index.php?pid=419&lang=fr
http://inbioprocess.fr/
Les interactions entre chercheurs du Cemagref et de l’Université Lyon 1,
encouragées par l’action structurante de Cluster Environnement, ont permis
l’émergence de cette problématique originale, tant du point de vue des
méthodes utilisées (approches combinées macro- et microbiologiques) que
des perturbations considérées (ici, la viticulture).
159
60
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Comment va le Rhône ?
Avant les grands travaux d’aménagement menés au XXe siècle, le Rhône présentait une
biodiversité très riche. L’endiguement du fleuve, la construction de 22 barrages entre le
Léman et la mer, la modification importante des flux liquides et solides, ainsi que les différentes
pressions (pollutions, pompages…) ont entraîné en quelques décennies des modifications
profondes du fonctionnement de l’écosystème fluvial et une altération importante de sa
biodiversité. Depuis les années 1990, des actions de restauration ont été entreprises et un
programme a été consacré à l’apron du Rhône afin de mieux comprendre les raisons de son
déclin et d’étudier les possibilités de réhabilitation de cette espèce. Les premiers résultats sont
encourageants, mais les caractéristiques initiales et originales du fleuve ne seront sans doute
jamais restaurées.
Biodiversité du Rhône et disparition d’espèces :
il est nécessaire de restaurer le f leuve
Le Rhône était autrefois caractérisé par l’existence de flux hydriques et solides importants qui
lui conféraient une dynamique fluviale générant
une grande diversité d’habitats. L’aménagement a provoqué des altérations importantes de
ces processus naturels, fragmentant le système
fluvial et réduisant considérablement la diversité des habitats et leur connectivité. Parmi les
conséquences majeures figurent la disparition ou
la raréfaction de bon nombre d’espèces caractéristiques des habitats très courants, ainsi qu’une
homogénéisation des habitats de la plaine alluUne section courante du vieux Rhône de Chautagne
après augmentation du débit réservé (septembre 2010)
© Jean-Michel Olivier/UCBL
160
viale. Depuis le milieu des années 1990 et la mise
en place du Plan Rhône, les gestionnaires s’attachent à améliorer le fonctionnement écologique
du fleuve par des actions de restauration écologique dans certains tronçons court-circuités
(augmentation des débits réservés, réhabilitation des annexes fluviales). La volonté affichée
de restaurer les milieux alluviaux et d’améliorer
le fonctionnement du fleuve aménagé a nécessité une recherche méthodologique, afin de
proposer des indicateurs permettant d’évaluer
les effets de la restauration.
Les chercheurs étudient les effets des actions de restauration
sur les invertébrés, les poissons et les végétaux
Les connaissances récentes accumulées sur la
structuration des habitats et des espèces dans le
corridor fluvial du Rhône ont montré que :
les forêts alluviales le long du cours du Rhône
ont été fortement altérées par l’anthropisation
et l’abaissement des nappes phréatiques. Seuls
quelques lambeaux subsistent (comme par
exemple la saulaie blanche, la frênaie-ormaie
ou la forêt mixte de la réserve naturelle de la
Platière) ;
les espèces de végétaux amphibies typiques
des grèves favorisées par un régime de hautes
eaux printanières ne sont plus présentes qu’à
l’état relictuel ;
la structuration originale des peuplements
de poissons était caractérisée autrefois par la
présence sur la quasi-totalité du cours de grands
migrateurs et d’espèces évoluant dans les zones
de courant. Elle a été fortement modifiée au
cours du XXe siècle. On distingue aujourd’hui une
zone où subsistent des populations de truites et
d’ombres communs à l’amont de la confluence
avec la Saône, et une zone d’espèces moins
exigeantes sur le plan écologique à l’aval
(gardon, chevaine, ablette, brème). La réponse
des peuplements aquatiques à la restauration
écologique commence à être perceptible (les
chercheurs ont ainsi constaté une bonne réponse
des poissons et des invertébrés à Pierre-Bénite
suite à une action de restauration en 2000) ;
la réponse des communautés dans les annexes
restaurées (rétablissement de connexions entre
les habitats) n’est pas encore perceptible de
façon significative ;
la présence d’espèces venues d’ailleurs (silure,
jussie…) peut interférer avec la réponse des
organismes aux actions de restauration ;
les indicateurs de la restauration des habitats
sont validés, mais la caractérisation précise du
changement de fonctionnement écologique
engendré par la restauration n’est pas encore
effective.
Finalement, l’état du Rhône peut être considéré
comme très dégradé par rapport à son état au
début du XIXe siècle : l’écosystème est aujourd’hui
très contraint et la dynamique fluviale fortement
réduite.
Le programme de restauration hydraulique et écologique du Rhône a permis
depuis une quinzaine d’années de définir de nouvelles problématiques visant
à mesurer les effets des actions de restauration. Elles permettent d’acquérir
un grand nombre de données avec des protocoles standardisés. Plus
récemment, des travaux de recherche sur l’impact des
EN SAVOIR
micropolluants ou l’influence des facteurs thermiques
http://restaurationrhone.univ-lyon1.fr/
et hydrologiques sur les organismes aquatiques ont été
initiés afin de mieux évaluer les conditions nécessaires à
l’amélioration de la biodiversité du Rhône. La mise en œuvre de la Directive
Cadre Européenne sur l’eau et son application pour le Rhône devraient
également stimuler les actions de réhabilitation.
+
161
61
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Les microorganismes
travaillent pour nous
Les biofilms ont un rôle particulièrement important au sein des petits cours d’eau. Ce sont
des assemblages complexes de microorganismes (bactéries, algues, champignons) réunis
dans une substance visqueuse, le mucilage, qui leur confèrent une certaine structure. Ils
représentent une ressource nutritive importante pour le réseau trophique, et jouent un rôle
d’autoépuration en biodégradant certains composés organiques et minéraux et, parfois,
certains toxiques. Ils interagissent rapidement avec les substances dissoutes et ils s’adaptent
vite aux changements environnementaux. À ce titre, ils sont des indicateurs précoces de ces
changements et peuvent se révéler utiles dans des démarches d’évaluation d’impact en
milieu aquatique.
Les biofilms, révélateurs de la « santé » des cours d’eau
Les petits cours d’eau sont une composante
essentielle des écosystèmes aquatiques en
Rhône-Alpes, que ce soit en zones rurales
(montagne en particulier) ou en zones périurbaines. Ils sont soumis à des pressions chimiques
variées (nutriments, pesticides, métaux, etc.),
en particulier dans certains secteurs comme les
zones périurbaines (rejets de station d’épuration)
ou les zones de viticulture et d’arboriculture très
développées en Rhône-Alpes (résidus de produits
phytosanitaires).
L’analyse détaillée de la diversité, de la structure
et des fonctions des biofilms permet d’évaluer la
pollution dans l’espace et dans le temps, grâce
à ses effets physiologiques et structuraux sur les
communautés microbiennes.
Actuellement, on utilise un indicateur basé sur la
diversité des algues présentes dans les biofilms
(les diatomées). Cependant, cet indicateur est
essentiellement adapté aux polluants d’origine
organique et minérale. Les recherches en cours
ont donc pour objectif de proposer d’autres
méthodes permettant non seulement d’évaluer
des effets de substances sur les milieux aquatiques, mais aussi de comprendre la dynamique
des processus de récupération des milieux suite
à des opérations de restauration.
Des recherches basées sur
des expériences en milieu réel
et des travaux en laboratoire
Débutées vers 2003, les recherches sur les biofilms
se sont particulièrement orientées sur l’évaluation
de l’effet de pesticides en zones viticoles. Depuis
cette date, des équipes pluridisciplinaires de la
région (écologie microbienne, chimie, biologie
moléculaire, taxonomie algale) appartenant
essentiellement au Cemagref de Lyon et à l’INRA
de Thonon rassemblent leurs compétences.
162
Biofilm de rivière – © Cemagref/Dutartre A.
Des équipements de terrain, installés sur le site
Atelier Ardières-Morcille de la Zone Atelier du
Bassin du Rhône, et des plateformes reproduisant des milieux artificiels (à l’INRA et à l’ENTPE)
permettent des expérimentations variées.
Réaction des biofilms aux pollutions
Les recherches ont montré que la diversité et les
fonctions environnementales des biofilms réagissent aux contaminations toxiques : on constate un
changement de diversité bactérienne et algale,
le développement de capacités de biodégradation de pesticides après contact avec
ces composés, et l’acquisition d’une tolérance
des communautés microbiennes des biofilms
à la contamination (sélection des espèces les
moins sensibles). Les approches de terrain et en
systèmes expérimentaux ont permis de caractériser l’importance des facteurs environnementaux naturels, comme le niveau d’éclairement
ou le régime hydraulique, sur la dynamique des
biofilms et sur leur réponse aux contaminants.
Des coopérations se sont engagées depuis quelques années avec le Département des Sciences
de l’Environnement de l’Université de Girona
(Espagne).
Ces travaux de recherche ont été appuyés par la mise en place d’un
doctorat co-dirigé par l’INRA et le Cemagref. Ils ont donné lieu à plusieurs
publications scientifiques internationales, ainsi qu’à l’élaboration d’articles
et de fiches techniques afin d’en communiquer les résultats aux gestionnaires
et collectivités.
EN SAVOIR +
www.cemagref.fr/le-cemagref/lorganisation/les-centres/lyon/ur-maly
Cours d’eau de la Morcille où les chercheurs
prélèvent des biofilms – © Cemagref
163
62
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Les karsts ne filtrent pas l’eau
Le passage de la matière organique des sols aux eaux souterraines constitue
l’une des clés de la protection des ressources en eau. En effet, ces matières
organiques sont bien souvent contaminées par des polluants organiques ou
métalliques. Le sol joue non seulement un rôle d’épurateur, mais aussi de source
de carbone et de contaminants. Ces stocks de matière organique polluée
présents dans les sols peuvent, dans certaines conditions, se retrouver rapidement
dans les eaux souterraines, lors d’événements climatiques exceptionnels ou à la
suite d’activités humaines.
Les milieux calcaires, ou karstiques, présentent des spécificités étudiées par les
chercheurs rhônalpins.
Des paysages naturels vulnérables
Le Schéma Directeur d’Aménagement et de
Gestion de l’Eau du bassin Rhône-Méditerranée
fait spécifiquement référence à la vulnérabilité
des eaux souterraines en milieu karstique.
En effet, ces milieux sont caractérisés par des
écoulements rapides liés au creusement de
réseaux souterrains (grottes, avens) qui ne présentent qu’un faible pouvoir épurateur naturel.
En Rhône-Alpes, les eaux souterraines karstiques sont essentiellement situées en moyenne
montagne. Les sols y sont généralement peu
développés
et
ont
été
parfois
contaminés par des activités
anciennes ou marqués
par le pastoralisme qui
a entraîné l’érosion des
sols et la disparition de
la couverture forestière.
À ces stigmates anciens
s’ajoutent les retombées
de polluants gazeux et
particulaires atmosphériques qui font des sols
de moyenne montagne
des puits à contaminants
organiques tels les HAP
(hydrocarbures aromatiques polycycliques).
164
Lors de l’infiltration de l’eau dans les sols, une
partie des matières organiques est transférée
sous forme dissoute ou particulaire vers les eaux
souterraines. Ce flux constitue l’un des points de
vulnérabilité des eaux karstiques.
L’enjeu des recherches menées est de fournir
des clés permettant de mieux gérer les conséquences des pratiques actuelles (sylviculture,
aménagements) sur ce flux de matières organiques.
Coupe d’un sol charbonné dans
le Vercors. On observe la semelle de
labour révélant les pratiques anciennes et
limitant la contamination par les charbons
(et HAP) aux horizons supérieurs
© Yves Perrette/EDYTEM
Outils de recherche : de l’étude
des stalagmites à la surveillance de terrain
La stratégie mise en œuvre dans la région RhôneAlpes pour mieux comprendre les flux de matières
organiques s’est développée selon trois axes :
La caractérisation chimique et physique (taille,
forme, etc.) des matières organiques transférées
dans l’environnement, par des méthodes permettant leur suivi dans les différents compartiments
impliqués : sols, karst, eau, stalagmites, sédiments ;
La surveillance en milieu naturel, réalisée à
l’échelle des entrées d’eau dans le massif karstique (site expérimental des Élaphes, massif des
Bauges - Savoie) et d’un bassin versant complet
(Grottes de Choranche - Isère) ;
L’approche rétrospective de ce flux par l’étude
du piégeage des matières organiques dans les
archives naturelles (stalagmites notamment).
Site expérimental de la grotte
des Élaphes (plateau du Revard Savoie). Ce site a été instrumenté par
le soutien de l’Université de Savoie
et a permis de préciser le rôle des sols
de moyenne montagne dans le flux
de matières organiques
© Stéphane Jaillet/EDYTEM
Aux origines
des contaminations
Les activités humaines anciennes ont
marqué le paysage et les stocks de
matières organiques. En effet, des produits
moléculaires issus de la combustion associée au charbonnage (les HAP notamment)
restent présents dans les sols plus de 100 ans
après l’interruption des activités, et constituent
une origine potentielle du flux actuel de contaminants vers les eaux naturelles.
Les chercheurs parviennent maintenant à déterminer la source des matières organiques présentes
dans l’environnement et à identifier leur origine
dans les écoulements étudiés (rivière
souterraine, infiltration...). Ces résultats ont notamment permis d’élaborer les périmètres de protection
lors de la procédure de classement
des grottes de Choranche au titre
de site naturel.
Ces travaux ont donné lieu à une
rencontre scientifique régionale,
ainsi qu’à de nombreuses interventions dans le
cadre des Journées de la science de Choranche.
De plus, ces méthodes de caractérisation des flux
de matières organiques sont actuellement mises
en œuvre afin d’évaluer l’impact des activités
forestières sur la qualité des eaux karstiques dans
le cadre d’un programme européen impliquant
notamment Chambéry Métropole.
Paysage de la forêt des Coulmes (Vercors) – Fabien Hobléa/EDYTEM
Les équipes qui ont participé à ces recherches sont issues des centres
lyonnais, grenoblois et chambériens. Ce travail a été conduit dans une
approche interdisciplinaire, par des laboratoires de chimie (Laboratoire de
Chimie Moléculaire et Environnement), de science de la vie (INRA,
EN SAVOIR
Cemagref de Lyon), de géoscience (Environnements, DYnamiques
http://edytem.univ-savoie.fr
et Territoires de Montagne) et de physique (Laboratoire Structure
et Propriétés d’Architectures Moléculaires du CEA).
+
165
63
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Pourquoi des arbres
au bord de l’eau ?
Les espaces en bordure de cours d’eau abritent des formations boisées que l’on nomme
« ripisylves » ou « corridors rivulaires ». Ils peuvent être définis comme la zone d’interaction entre
la rivière et la végétation qui la borde, et constituent un facteur clé du fonctionnement de
« l’écosystème rivière » du fait de leur participation aux processus physiques, biogéochimiques
et écologiques. Ces corridors rivulaires constituent en particulier des « zones tampons » capables
de piéger les apports provenant du bassin versant. Ce sont également des composantes
fortes et incontournables du paysage, ainsi que des zones de repos et de loisir pour le public.
Les ripisylves, éléments de la nature
Les corridors rivulaires se situent à l’interface
entre le milieu aquatique et le milieu terrestre.
Ce sont des zones de transition que l’on nomme
« écotones ». Caractérisés, à l’état naturel, par
une forte productivité biologique et une importante biodiversité, ils fournissent habitats et
refuges aux espèces inféodées à ces milieux
ainsi qu’à celles des milieux adjacents. La dynamique du cours d’eau y entretient une structure
hétérogène, fréquemment remaniée, qui favo-
rise une grande diversité d’habitats. Le chevelu
racinaire des arbres (saules, aulnes, etc.) stabilise
les berges et constitue des zones d’abri pour les
espèces aquatiques. Lorsque les arbres tombent
dans le cours d’eau, ils participent à la diversification des habitats et peuvent modifier sensiblement la morphologie du lit. Enfin, l’ombre que
procure le couvert végétal limite l’élévation de
la température et la lumière atteignant le cours
d’eau, régulant ainsi la croissance des algues.
Ripisylves et dynamique f luviale
La dynamique fluviale, dont les crues constituent le moteur, implique que toutes les rivières
bougent et débordent un jour ou l’autre. Le
corridor rivulaire s’accommode sans difficultés
des phénomènes de crues : il s’agit non seulement d’un espace de liberté pour la rivière, mais
également d’un espace de sécurité pour les
riverains qui sont alors à bonne distance du cours
d’eau, ce qui limite la vulnérabilité des biens et
des personnes. Ces bénéfices ne concernent
pas uniquement les riverains immédiats. En effet,
le maintien d’une bande rivulaire dans laquelle
les débordements pourront s’exercer sans grand
dommage réduit la contrainte hydrologique qui
s’exerce sur les zones plus vulnérables situées à
l’aval. Une zone rivulaire inondable et boisée
joue le rôle de ralentisseur des crues, diminuant
166
sensiblement le risque d’inondation. Un corridor
rivulaire boisé limite les vitesses de courant dans
les zones inondées, et donc les dégâts occasionnés aux cultures, souvent liés à la vitesse de
l’eau plus qu’à la durée de submersion. Bien sûr,
cet espace ne suffit pas à protéger le lit majeur
contre les grandes inondations, et les protections localisées des zones sensibles restent nécessaires.
Les ripisylves, filtres protecteurs
Les zones boisées en bord de cours d’eau ont
la capacité de piéger sédiments, nutriments
et pesticides apportés en excès par un bassin
versant anthropisé. Ainsi, la mise en place de
zones tampons (bandes enherbées ou ripisylves)
permet de réduire les pollutions diffuses d’origine
agricole, dans la mesure où ces dispositifs ne sont
pas court-circuités par des aménagements de
drainage. Leur efficacité varie selon les polluants
et tient principalement au ralentissement de
l’écoulement, ainsi qu’à une perméabilité favorisée par un couvert végétal permanent.
Vue aérienne de l’Orb (Hérault)
© Jean-René Malavoi/ONEMA
EN SAVOIR +
Conseil scientifique du patrimoine naturel
et de la biodiversité. L’arbre, la rivière et l’homme.
Paris : Ministère de l’Ecologie et du Développement
Durable, 2008, 64 p.
Compte tenu des caractéristiques des
ripisylves et des enjeux qui y sont associés,
les chercheurs ont développé des outils
de caractérisation à large échelle des
espaces riverains à partir de données satellitaires ou aériennes. Ils permettent
de mieux comprendre la composition des espaces, leur agencement le long
des cours d’eau, d’en construire des indicateurs et de les mettre en relation
avec les caractéristiques biologiques des cours d’eau.
La Semine, massif du Jura Sud (Ain)
© Yves Souchon/Cemagref
167
64
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Des poissons emblèmes
de nos grands lacs
Les communautés piscicoles des grands lacs de la région sont pêchées par des professionnels
et des amateurs regroupés en associations qui échangent leurs points de vue avec l’État gestionnaire. Le déclin des communautés observé dans les années 1980 a conduit à la création
d’une équipe de recherche qui étudie l’écologie des poissons, l’efficacité de l’alevinage et
les conséquences du changement global : eutrophisation, réchauffement, gestion et pêche.
Ces changements expliquent la bonne dynamique du corégone dans le Léman et le lac du
Bourget, mais la moindre croissance de la perche au Léman ou du corégone au lac d’Annecy. Les poissons d’eau froide (corégone, omble, truite) ne répondent pas au réchauffement
comme les espèces d’eau chaude (gardon, carpe, tanche). Les perturbations climatiques
récentes posent de nouvelles questions de recherche.
Des espèces emblématiques rescapées de l’eutrophisation
L’omble chevalier et le corégone (lavaret du
Bourget, féra du Léman et d’Annecy) sont des
espèces emblématiques des communautés
L’omble chevalier
est le poisson le plus
emblématique
des grands lacs alpins
© Daniel Gerdeaux /INRA
Ces espèces ont été introduites à la fin du XIXe
siècle dans le lac d’Annecy. La truite lacustre,
la perche, le sandre (au Bourget seulement) et
la lotte comptent également parmi les espèces
recherchées par les pêcheurs professionnels ou
amateurs. L’eutrophisation des lacs a mis en péril
l’omble et le corégone, qui pondent en hiver sur
le fond des lacs. La survie des œufs, dont le développement dure environ 3 mois, est compromise
168
piscicoles des grands lacs rhônalpins. Elles
sont autochtones dans le Léman et le lac du
Bourget.
Le corégone
se reproduit en
hiver et dans peu
d’eau sur les fonds
caillouteux du lac
d’Annecy – Daniel
Gerdeaux/INRA
par la sédimentation accrue qui colmate les
fonds et les désoxygène, suite à la prolifération
des algues. Dans les années 1980, après le pic
d’eutrophisation, la pêche de ces espèces a
fortement décliné. Face à cette situation, la
solution palliative immédiate pour les gestionnaires est le recours au soutien des populations
par alevinage et l’adaptation de la pêche aux
changements de biologie des poissons. Les
recherches entreprises ont ainsi porté sur l’évaluation de l’efficacité de l’alevinage, la biologie
des espèces en relation avec l’eutrophisation,
l’analyse et l’amélioration des statistiques de
pêche. L’eutrophisation suivie d’un retour à un
meilleur niveau trophique ne sera bientôt plus la
préoccupation principale. Les questions liées aux
perturbations climatiques et aux micropolluants
sont aujourd’hui prioritaires, bien que la question
des PCB ait préoccupé les scientifiques dès les
années 1980. C’est le changement récent dans
les normes sanitaires qui relance le questionnement sur les PCB.
Un rapprochement des pêcheurs des 3 lacs soutenu
par la Région, en collaboration avec les chercheurs
Les grands lacs rhônalpins sont pour la majorité
de leur surface des lacs domaniaux dont l’État
est gestionnaire. La pêche est pratiquée par des
pêcheurs professionnels et amateurs regroupés
en associations.
La réglementation est spécifique à chaque lac
et les arrêtés de gestion relèvent de la responsabilité du préfet. L’équipe de chercheurs
impliquée dans la gestion piscicole lacustre a
été créée en 1982 pour répondre aux questions des gestionnaires réunis dans des commis-
sions locales consultatives par les préfets. Les
premières questions posées portaient sur l’efficacité de l’alevinage, la compétition alimentaire
possible entre le gardon qui proliférait et le corégone, les méthodes de suivi de la pêche et des
stocks. Les pêcheurs professionnels et amateurs
en bateau ont accepté la mise en place de
carnets de statistiques journalières. Une fois la
rentabilité écologique et économique de l’alevinage démontrée, les pêcheurs se sont regroupés
dans une association inter-lacs pour soutenir un
projet de modernisation et d’agrandissement de
la pisciculture domaniale de Thonon, soutenu
financièrement par la Région.
Un pêcheur professionnel relevant ses filets
au lever du soleil
© Daniel Gerdeaux /INRA
Un amateur pêche à la sonde, ligne plombée dont
l’hameçon comporte une imitation de nymphe d’insecte
© Daniel Gerdeaux/INRA
169
Le Concordat franco-suisse pour la pêche au
Léman signé en 1980 a été un élément très favorable à cette dynamique de recherche pour une
meilleure gestion piscicole. Il existait alors beaucoup de différences de pratique de pêche et de
gestion entre ces deux pays qui exploitaient un
même stock. Un groupe « recherche piscicole » a
été créé pour recevoir et répondre aux questions
posées. L’harmonisation a nécessité plus de 10
ans. Aujourd’hui, la pêche est bien coordonnée
entre les deux pays.
L’équipe permanente de chercheurs INRA (5
scientifiques) à Thonon a bénéficié de toutes ces
dynamiques. Elle s’appuie sur les statistiques fournies par les pêcheurs, des données complémentaires qu’elle collecte elle-même, la pisciculture
domaniale de Thonon et sa propre pisciculture
expérimentale.
Restauration de la qualité des eaux lacustres,
climat et alevinages : trois clés de la dynamique piscicole
L’analyse sur le long terme des statistiques de
capture montre des tendances variables suivant
les espèces et le lac. La restauration de la qualité
des eaux du Léman et du lac du Bourget, l’effort accru d’alevinage et le réchauffement des
années 1990 entrent en synergie pour expliquer la
forte augmentation des captures de corégone.
Les captures de féra dans le Léman dépassent
300 tonnes aujourd’hui. L’effort d’alevinage
explique pour partie ces changements, mais la
courbe d’alevinage doit être décalée de 7 ans
(deux générations) pour se confondre avec la
courbe des captures, car ce sont davantage
les descendants des alevins que les alevins euxmêmes qui contribuent à augmenter la pêche,
dans la mesure où le lac est plus propre et le
climat plus favorable. L’étude comparée des
captures dans 11 lacs français et suisses confirme
cette tendance : un lac eutrophe est favorable à
la perche alors que le corégone devient prépondérant quand la qualité de l’eau est restaurée.
400
1000
900
350
800
300
700
250
600
200
400
150
300
100
200
50
100
0
0
1975
1980
1985
1990
1995
2000
Le corégone au Léman : captures et effort d’alevinage 7 ans avant les captures – © Daniel Gerdeaux/INRA
alevinage en milliers d’alevins
captures en tonnes 7 ans après l’alevinage
170
capture en tonnes
alevinage en milliers
500
Quand l’eutrophisation décroît, les ressources
alimentaires accessibles aux poissons diminuent : la perche grandit moins vite au Léman,
tout comme le corégone au lac d’Annecy. Il est
nécessaire de prendre en compte ces changements et d’ajuster la gestion piscicole.
Le réchauffement est un fait enregistré dans les
suivis des grands lacs de la région. La température annuelle moyenne du Léman a ainsi
augmenté de plus de 1°C en 20 ans. Cette
augmentation entraîne des modifications dans
l’écologie des différentes espèces : les poissons
d’eau froide, comme l’omble et le corégone,
retardent leur reproduction car l’eau est plus
chaude en automne. Le gardon, poisson d’eau
plus chaude, avance sa reproduction de deux
semaines alors que le comportement reproducteur de la perche reste inchangé. Auparavant, la reproduction de la perche précédait
d’environ un mois celle du gardon. Les jeunes
perches avaient à leur disposition des proies de
bonne taille alors qu’aujourd’hui, la croissance
avancée des alevins de gardon réduit la disponibilité de cette source de nourriture pour les
jeunes perches. Les changements dans les stocks
piscicoles dépendent de nombreux facteurs
difficiles à prendre en compte simultanément à
tous les niveaux de l’écosystème. Le suivi à long
terme apportera quelques réponses et confortera certaines pistes de recherche.
EN SAVOIR +
www.thonon.inra.fr
Les forces scientifiques en Rhône-Alpes : formée au
début des années 1980, l’équipe de recherche de
l’INRA à Thonon se compose aujourd’hui de 5 scientifiques et de 3 techniciens ; les
recherches halieutiques sont conduites en collaboration avec les services de l’État
et les associations de pêcheurs. Une cellule technique régionale de l’ONEMA basée
à Thonon (1 ingénieur et 4 agents) est spécialisée dans les lacs et l’échantillonnage
piscicole pour répondre à la Directive Cadre sur l’Eau.
Le Lac du Bourget (73)
© Photothèque Région Rhône-Alpes/
Jean-Luc Rigaux
171
65
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Des grands lacs alpins
sous inf luence
Depuis des siècles, les grands lacs alpins sont soumis à des
pressions anthropiques directes ou indirectes qui modifient
l’état et le fonctionnement des écosystèmes les constituant. La tendance récente au réchauffement et à la
contamination des eaux par des micropolluants engendre
de nouvelles contraintes qui pèsent sur la qualité écologique de ces lacs à peine « remis » d’une phase d’eutrophisation (pollution par excès de phosphore). Sur le terrain,
chercheurs et gestionnaires collaborent pour poursuivre la
restauration de la qualité des lacs et analyser les effets des
évolutions environnementales en cours.
Les grands lacs péri-alpins sont
des lacs profonds tempérés
soumis de longue date à
des processus d’anthropisation.
L’état de ces lacs est
un indicateur synthétique de
la qualité de l’environnement
et du développement régional.
Ici le lac du Bourget
© Photothèque Région RhôneAlpes/Jean-Luc Rigaux
Des contraintes environnementales qui évoluent
Historiquement, l’anthropisation des grands lacs
alpins débute par l’artificialisation des berges et
par l’introduction de nouvelles espèces de poissons. Dans les années 1960, ces lacs, comme la
plupart de ceux situés dans des pays à fort développement, sont menacés par l’eutrophisation.
Entre 1970 et 1990, la maîtrise des eaux usées
domestiques permet des réductions spectaculaires des concentrations en phosphore. Toutefois
pour le Léman et le Bourget, ce succès ne s’accompagne pas d’une restauration complète de
la qualité et de la transparence des eaux, ce
qui soulève un débat sur la possibilité réelle de
restaurer la « bonne qualité écologique » originelle. A ces interrogations s’ajoutent des perspectives inquiétantes : la remise en cause de
la qualité de la pêche du fait de teneurs trop
élevées (localement) en certains micropolluants
organiques persistants, la puissance du développement urbain autour des lacs (accroissement
des pollutions diffuses) et enfin le changement
climatique attendu. Ces nouvelles contraintes
exercées sur des écosystèmes « convalescents »
ne pourraient-elles pas, à terme, remettre en
cause les acquis obtenus par la lutte contre l’eutrophisation?
Malgré ces inquiétudes, les progrès réalisés en
matière de qualité des eaux de nos grands lacs
restent exemplaires. En effet, presque partout
ailleurs dans le monde, l’eutrophisation stagne
ou progresse (particulièrement dans les pays
émergents) ; elle tend même à devenir une
composante majeure du changement global
qui affecte les milieux aquatiques continentaux.
Ce constat incite les chercheurs à s’organiser
pour donner une portée générale, scientifique
et opérationnelle, à l’expérience régionale de
restauration des lacs. L’ambition est de contribuer à l’émergence de modèles de gestion
économisant les ressources en eau et en phosphore.
Un observatoire pour structurer les recherches sur les grands lacs
Pour identifier et évaluer les modifications écologiques ayant affecté les systèmes lacustres, les
chercheurs dépouillent les « archives » naturelles
contenues dans les sédiments anciens du fond
172
des lacs. Les suivis de terrain, portant sur la qualité
des eaux, la biodiversité planctonique, les peuplements de poissons, les apports des affluents, etc.,
constituent une source précieuse et complé-
mentaire d’information. Cette surveillance est
réalisée en partenariat avec les gestionnaires
des lacs (CIPEL pour le Léman, CISALB pour le
Bourget et SILA à Annecy) dans le cadre de
contrats de recherche. Les résultats alimentent
une base de donnée « lacs » gérée par l’INRA et
ouverte aux demandes extérieures.
Les chercheurs se sont organisés en un observatoire des grands lacs péri-alpins qui rassemble
une dizaine de laboratoires de recherche (dont
4 de la région) s’intéressant à l’évolution à long
terme des systèmes lacustres et des relations
entre les lacs et les bassins versants, aux mécanismes et impacts de la pollution et aux processus
écologiques. L’observatoire est associé à la Zone
Atelier du Bassin du Rhône et labellisé SOERE
(« Système d’Observation d’Expérimentation et
de Recherche en Environnement ») depuis 2010.
Des travaux de référence pour la restauration des milieux lacustres
L’eutrophisation se traduit par une accumulation de biomasse végétale (notamment de
plancton) ; ses conséquences sont équivalentes
à celle d’une pollution organique. Le retour à
une eau de qualité (restauration) n’est pas un
phénomène linéaire et simplement dépendant
de la baisse des teneurs en phosphore des eaux:
c’est le produit d’une lente évolution physicochimique et biologique dont la durée (décennie)
s’explique en partie par des temps de renouvellement des eaux longs et par le développement
d’autres pressions environnementales. Ainsi, les
études faites sur le Léman et le Bourget suggèrent
que le réchauffement des lacs, en modifiant un
ensemble de facteurs clés de leurs dynamiques
écologiques et hydriques, contribue au maintien
de biomasses phytoplanctoniques anormalement élevées, malgré le niveau de phosphore
redevenu très bas. Au delà d’une connaissance
toujours plus fine des phénomènes, l’enjeu est de
modéliser globalement les trajectoires des changements d’état, pour fournir des références en
matière d’écologie de la restauration et pour
mieux prévoir les réponses des systèmes lacustres
aux nouvelles contraintes.
Les laboratoires impliqués dans l’Observatoire des Lacs péri-alpins
CARRTEL - INRA -Université de Savoie
Centre Alpin Recherche sur les Réseaux
Trophiques et les Écosystèmes Limniques Chambéry –
Thonon
LSE - École Nationale des Travaux
Publics de l’Etat-(ENTPE) Laboratoire des Sciences
de l’Environnement
Lyon
LCME - Université de Savoie (UdS)
Laboratoire de Chimie
Moléculaire et Environnementale
Chambéry
EDYTEM - Université de Savoie
Environnements Dynamiques et Territoires
de la Montagne) UMR 5204 - CNRS
Chambéry
LGE - UMR CNRS 7154 - IPGP
& Université Paris 7 Diderot
Laboratoire de Géochimie des Eaux
Paris
UMR 7619 Sisyphe - Université de Paris 6
Laboratoire de Géologie Appliquée
Paris
LMGE - UMR CNRS 6023 Université Clermont II Laboratoire « Micro-organismes :
Génome et Environnement »
ClermontFerrand
LEESU (ex-CEREVE) École des Ponts
ParisTech et Université Paris-Est
Laboratoire Eau Environnement
et Systèmes Urbains
Paris
EN SAVOIR +
www.dijon.inra.fr/thonon/l_observatoire
www.cisalb.com • www.cipel.org/ • www.sila.fr/
173
66
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Les étangs de la Dombes,
une exploitation raisonnée
Les étangs de la Dombes ont été créés par l’homme et sont utilisés depuis le Moyen-Âge
pour la pisciculture. Ce sont des habitats essentiels pour de nombreuses espèces animales et
végétales. Comment les modalités de gestion des paysages agricoles et des étangs structurentelles la biodiversité et le fonctionnement écologique des étangs ? Une équipe pluridisciplinaire
composée d’écologues, d’hydrologues, de sociologues et d’économistes, en liaison étroite
avec les acteurs du territoire, s’est fixé comme objectifs :
• l’identification d’indicateurs pertinents permettant de caractériser l’état écologique de ces
écosystèmes,
• la proposition de modalités de gestion compatibles avec la conservation de la biodiversité
et des services associés, et
• la possibilité de valoriser la biodiversité des étangs à l’échelle de la filière piscicole ou du
territoire.
Les étangs, un patrimoine écologique à préserver
Les étangs rendent de multiples services, que
ce soit pour la production piscicole, les usages
récréatifs ou encore la production d’eau
potable. La Dombes est une région caractérisée
par un nombre très important d’étangs. Situés
dans des bassins versants parfois très complexes,
ces étangs s’inscrivent dans des paysages dont
l’occupation du sol peut être très variable. Cette
diversité de situations engendre une grande
diversité écologique et biologique et une valeur
patrimoniale incontestable pour cette région.
Étang dombiste recouvert de faux nénuphars
© Dominique Vallod/ISARA-Lyon
174
Malgré l’enjeu écologique et humain que représente la gestion durable de ce patrimoine écologique, la connaissance des mécanismes impliqués
dans le fonctionnement écologique et la biodiversité de ces étangs, en relation avec le mode de
gestion des plans d’eau et de leurs bassins versants,
est encore très partielle. Or, il est indispensable de
répondre aux objectifs de bon état écologique
des eaux exigés par la Directive Cadre sur l’Eau.
Une bonne connaissance des pressions agricoles
et humaines ainsi que des pratiques de gestion des
étangs est nécessaire pour élaborer des propositions combinant le respect des pratiques agropiscicoles et la préservation de la biodiversité.
Perception
Gestionnaires
Acteurs filière
Pratiques
Agriculteur
Biodiversité
Quelle valorisation économique,
qualité, territoire ?
Les questions posées
© Dominique Vallod, ISARA-Lyon
Des recherches au service
d’une exploitation raisonnée
des étangs
Les recherches ont montré que certains paramètres intégrateurs constituent des indicateurs
pertinents du fonctionnement écologique des
étangs. C’est ainsi que la mesure de la chlorophylle-a (pigment vert présent dans la majorité
des algues) intègre bien la richesse de l’eau en
nutriments (azote, phosphore).
Les chercheurs ont également confirmé la
grande variabilité de la biodiversité végétale des
étangs de la Dombes, qui peut être expliquée
en partie par des pratiques de gestion différentes d’un étang à l’autre. Ces recherches ont
également permis de caractériser les étangs en
matière de biodiversité animale, et démontré la
forte diversité en odonates (libellules) et amphibiens (essentiellement grenouilles et tritons).
D’une manière globale, ce programme a permis
de définir la notion de fonctionnement équilibré
et relativement stabilisé d’un étang, certains sites
pris comme modèles hébergeant une grande
biodiversité tout en garantissant au gestionnaire
une bonne production piscicole.
Les travaux sont valorisés sous la forme de fiches
techniques à destination des propriétaires exploitants chez lesquels les suivis ont été conduits et,
bien sûr, de publications scientifiques et communications orales lors de colloques.
EN SAVOIR +
Trois années d’études
et de mesures pour décrypter
le fonctionnement des étangs
Le suivi de près de 100 étangs s’inscrivant dans
un réseau d’exploitations a permis de collecter
des informations sur la qualité de l’eau et des
sédiments, les algues, les plantes aquatiques, les
invertébrés, les amphibiens, les libellules, l’occupation du sol à l’échelle du bassin versant et les
transferts hydrologiques.
Certains sites ont été équipés d’enregistreurs de
hauteurs d’eau, de capteurs de température et
de pluviomètres afin de collecter des informations sur plusieurs années et de constituer une
base de données.
Prélèvement d’eau pour analyses sur un étang de la Dombes
© Dominique Vallod/ISARA-Lyon
RÉGLEMENTATION
LOISIRS
CHASSE
CONFLITS
D'USAGE
URBANISATION
VALORISATION
DES PRODUITS
PRATIQUES
AGRICOLES
ET PISCICOLES
Un système complexe –
Équipe-projet OPTIPOND/
ISARA-Lyon
ÉTANG
RESSOURCES
AGRICOLES
ET PISCICOLES
INVASIONS
BIOLOGIQUES
BIODIVERSITÉ
ÉPURATION
www.isara.fr/rubrique.php3?id_rubrique=81
Le projet a rassemblé des scientifiques (équipe
Écosystèmes et Ressources Aquatiques de l’ISARALyon, équipe Écologie Végétale et Zones Humides de l’Université Lyon 1, l’équipe Biodiversité des milieux
aquatiques de l’école d’ingénieurs HES de Lullier-Genève), des partenaires de la filière régionale piscicole
réunis au sein du Pôle d’Expérimentation et de Progrès en Aquaculture, des producteurs, propriétaires/
exploitants d’étangs piscicoles, ainsi qu’un bureau d’études spécialisé sur certains indicateurs biologiques.
175
67
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Les pesticides ont la bougeotte
Les zones de viticulture sont de grosses consommatrices de produits phytosanitaires dont on
retrouve de nombreux résidus dans les milieux aquatiques. L’effet lié à ces résidus est parfois
très marqué sur la qualité chimique et biologique des petits cours d’eau et de nombreuses
inconnues limitent la maîtrise de ce problème : voies de transfert et de dégradation, variations
des concentrations et présence de mélanges de substances qui caractérisent l’exposition des
organismes vivants aux toxiques.
Les équipes du Cemagref ont abordé cette question en travaillant sur la diversité et les
concentrations des composés retrouvés dans le cours d’eau en fonction des évènements
hydrologiques.
Les traitements phytosanitaires,
un danger pour la qualité des cours d’eau
Les cultures intensives liées notamment à l’arboriculture et à la viticulture mettent en œuvre des
traitements phytosanitaires fréquents et variés
contre les mauvaises herbes, les maladies et les
insectes ravageurs. En l’absence de méthodes
permettant de réduire la contamination (par
exemple en installant des bandes enherbées entre la source de pollution et le milieu à
protéger), les résidus de ces traitements rejoignent les cours d’eau par dérive de pulvérisation
ou par ruissellement et infiltration lors des pluies.
Une fois dans le cours d’eau, ces résidus ont un
impact sur les organismes, dont l’intensité est liée
aux caractéristiques de l’exposition : nature des
composés, concentration, durée, fréquence.
Les événements hydrologiques (étiage, crues)
conditionnent cette exposition.
Bassin versant de la Morcille
© Cemagref/Pollutions diffuses
176
La région Rhône Alpes, qui dispose d’un
grand patrimoine viticole, est particulièrement
concernée par ce problème. Les vignobles,
fréquemment installés sur des zones très pentues
aux sols superficiels, présentent un risque élevé
d’érosion et de transfert de résidus de traitements phytosanitaires. Les orages fréquents
entraînent des à-coups hydrologiques avec des
pics de contamination de courte durée mais aux
concentrations de pesticides élevées, dont les
effets sont encore mal connus.
Les impacts de ces substances sur les cours d’eau
sont avérés et touchent les différents composants des réseaux trophiques (algues, invertébrés, poissons …), entraînant un affaiblissement
des populations, des réductions de densité, des
pertes de biodiversité et donc une réduction de
la qualité écologique des milieux aquatiques. Les
pesticides menacent également les ressources
en eau en aval.
Moyens de recherche mobilisés :
utilisation d’un site expérimental et collaborations
Les principaux travaux réalisés en région dans ce
domaine ont été effectués sur un site du Beaujolais, le bassin versant expérimental de la rivière
Ardières et de son affluent la Morcille (un des sites
ateliers de la Zone Atelier du Bassin du Rhône).
Dans un cadre pluridisciplinaire, les travaux spécifiquement orientés sur les questions de transferts
de phytosanitaires ont rassemblé plusieurs organismes régionaux (Cemagref, Université Lyon 1,
CNRS...) avec leurs moyens analytiques (chimie,
hydrologie…).
Un réseau d’une dizaine de chercheurs et
techniciens s’est constitué en s’appuyant
sur des programmes nationaux et régionaux.
Ces équipes travaillent en lien étroit avec les
gestionnaires du milieu, partenaires indispensables (Chambre d’Agriculture, Agence de l’Eau,
DREAL, collectivités locales…).
Scénarios de contamination et pièges à polluants
L’expérimentation sur le terrain a permis de
travailler sur différents aspects :
Tests sur le terrain du potentiel de transfert des
pesticides sur une bande enherbée. Test en
colonnes de laboratoire du potentiel de lixiviation de sols de parcelles nus ou enherbés. Si les
chemins, chenaux et fossés drainant les parcelles
accélèrent le transfert direct des toxiques, les
bandes enherbées présentant une forte capacité d’infiltration, plus de 50 % des flux de pesticides restant piégés dans la zone racinaire ;
Étude des flux de pesticides et de leur dynamique durant les périodes d’étiage ou d’événements pluvieux : on montre ainsi que les crues
génèrent des pics de concentration pouvant
représenter plus de 70 % des flux totaux sur la
saison de transfert. Les chroniques de mesures
réalisées ont servi à l’élaboration de scénarios dit
« d’exposition » réalistes dont l’impact a pu être
testé en microcosmes.
Seuil et cabane abritant des systèmes d’échantillonnage
© Cemagref/Pollutions diffuses
Les travaux réalisés ont donné lieu à de nombreuses avancées dans la connaissance des mécanismes
de transfert des pesticides dans les milieux aquatiques, tout en identifiant et testant des pistes pour
réduire la contamination. Les chercheurs ont structuré leurs résultats dans les différentes disciplines
(chimie, hydrologie, géographie), en élaborant un Système d’Information Géographique et une base
de données.
EN SAVOIR +
www.cemagref.fr/le-cemagref/lorganisation/les-centres/lyon/ur-maly
Vignoble dans le Bugey (01)
© Région Rhône-Alpes/Marc Chatelain
177
68
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Les armes chimiques
des renouées invasives
Les invasions biologiques sont une composante du changement
global et constituent un facteur de perte de biodiversité.
La région Rhône-Alpes est soumise à une invasion végétale de
grande ampleur de renouées asiatiques (complexe d’espèces
Fallopia). La recherche des mécanismes qui sous-tendent le
pouvoir invasif de ces espèces et l’étude des conséquences
de l’invasion sur les écosystèmes sont des thématiques
importantes pour comprendre le phénomène d’invasion et les
risques associés pour les écosystèmes.
Fallopia, dans la serre de l’Université Lyon 1
© Eric Le Roux/Communication/UCBL
Fallopia, une invasive armée
L’allélopathie désigne les interactions négatives
entre plantes par l’intermédiaire de composés
chimiques. La toxicité de ces derniers entraîne
l’élimination de certains végétaux par d’autres.
L’allélopathie peut jouer un rôle important dans
l’invasion. En effet, certaines espèces invasives
produisent des composés chimiques toxiques
pour les plantes, qui leur conférent des avantages dans le nouvel environnement colonisé.
Ces composés chimiques peuvent ainsi fortement
altérer la biodiversité, car la végétation native n’a
pas développé de résistance ou de tolérance.
Une fois l’espèce invasive arrachée ou fauchée,
la restauration des communautés végétales altérées est indispensable, mais elle peut être rendue
difficile si l’invasion est récidivante ou si elle a
conduit à l’altération de l’habitat (nutriments,
communautés microbiennes du sol). De surcroît,
les composés chimiques peuvent persister au
niveau des systèmes racinaires ou des rhizomes (si
l’invasive est fauchée) ou dans le sol (si la plante
est arrachée). Il est donc particulièrement important de rechercher des espèces susceptibles
de se développer dans l’écosystème altéré et
résistantes aux composés chimiques exotiques.
Ces espèces résistantes peuvent en outre être
capables de détoxifier les sols, permettant ainsi
la restauration des communautés végétales.
La région Rhône-Alpes subit actuellement
une invasion végétale de grande ampleur
de renouées asiatiques (complexe d’espèces
Fallopia). Actuellement, les seuls moyens de lutte
sont la fauche et l’arrachage. Les substances
toxiques émises par Fallopia altèrent différentes
fonctions de l’écosystème et rendent sa restauration difficile. Si les composés toxiques sont identifiés et des mécanismes naturels de tolérance
élucidés, alors la recherche d’espèces compétitrices résistantes et capables de détoxifier les
écosystèmes altérés sera facilitée.
Dans ce contexte, les objectifs sont :
d’étudier les mécanismes chimiques impliqués
dans le pouvoir invasif de Fallopia et d’évaluer
leurs impacts sur la biodiversité endémique ;
de rechercher des espèces compétitrices résistantes aux composés allélopathiques.
178
Invasion par Fallopia d’un petit cours d’eau
(Département de la Loire) – © Florence Piola/UCBL
Peut-on lutter à armes égales avec Fallopia ?
L’étude, débutée en 2008, implique deux
équipes de recherche de la région Rhône-Alpes
qui travaillent en collaboration avec une équipe
de l’Université de Perpignan. Cette étude repose
sur deux grandes disciplines que sont l’écologie
végétale et la chimie végétale. Les travaux
s’appuient sur la plateforme « Serre et chambres climatisées » de l’Université Lyon 1 et sur la
plateforme de phytochimie (Centre d’étude des
Substances Naturelles, Lyon 1).
Le pouvoir de Fallopia décrypté
Nous avons montré de manière expérimentale
que Fallopia possède un pouvoir allélopathique
qui empêche la germination ou limite la croissance de plusieurs espèces de plantes.
Les substances chimiques ont été identifiées
et démontrent que les différentes espèces et
leurs hybrides sont différents, à la fois en ce qui
concerne les substances produites et l’abondance de ces substances.
Cinq grandes familles de composés chimiques
ont été distinguées dans les rhizomes, dont deux
déjà identifiées (stilbènes et anthraquinones) et
connues pour leur action allélopathique.
L’étude s’inscrit dans un plus vaste programme
mené par l’équipe Écologie des communautés
végétales visant à comprendre l’écologie de
l’invasion par les renouées asiatiques.
EN SAVOIR +
http://umr5023.univ-lyon1.fr
La région Rhône-Alpes est impliquée dans
le programme de recherche du Laboratoire d’Écologie des Hydrosystèmes
Fluviaux, qui vise à comprendre les mécanismes qui sous-tendent le pouvoir invasif
des renouées asiatiques afin de proposer
des moyens de lutte innovants. Ce
programme a permis de tisser un réseau
de collaborations, en particulier au sein de
la région, mais également avec d’autres
universités françaises (Toulouse, Perpignan) et internationales (Belgique, Suisse).
Le projet concernant les armes chimiques
des espèces de Fallopia s’inscrit dans ce
vaste programme et illustre une collaboration régionale autour d’une thématique de
recherche innovante et pluridisciplinaire.
Fallopia, dans la serre de l’Université Lyon 1
© Eric Le Roux/Communication/UCBL
179
69
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
Roselières en péril
La roselière, c’est une végétation de roseaux – et par extension de plantes dépassant de
l’eau, qu’elles soient aquatiques ou semi-aquatiques. Dans ses parties « sèches », la roselière
est dynamique mais pauvre en espèces ; dans sa partie aquatique, elle est « réservoir de
biodiversité », mais régresse souvent… Un équilibre difficile à trouver dans un milieu de plus en
plus contraint par les activités humaines.
Le diagnostic
Tous les grands lacs alpins ont connu une régression de leurs roselières littorales, souvent de plus
de 50 %. Parmi les facteurs évoqués figurent les
conséquences des déchets flottants (abrasion
des tiges et impacts sanitaires induits, asphyxie,
etc.), la qualité de l’eau et des sédiments, la
rectification et la « verticalisation » de berges,
la sénescence et l’appauvrissement génétique,
la baisse des apports alluvionnaires, le pâturage
par la faune, etc. Tous ces facteurs agissent
en synergie, à des degrés divers selon les lacs,
et sont aggravés par la régulation des niveaux
d’eau, à la fois plus bas et plus stables.
Au lac du Bourget, la qualité de l’eau et des sédiments n’est plus un frein au retour de la roselière ;
restent donc les aspects physiques : les niveaux
d’eau, la houle particulièrement active étant
donné la configuration de « fjord » de ce lac,
orienté nord-sud comme la bise, le vent dominant, etc.
Le traitement par « génie écologique » :
premiers retours d’expérience
Le Conservatoire du patrimoine naturel de la
Savoie a réalisé entre 2000 et 2010 une série
d’expérimentations sur cinq roselières :
Apports de matériaux :
l’« engraissement », en dessous du niveau d’eau
et avec des matériaux adaptés, compense
le manque à gagner alluvionnaire et l’érosion
aggravée par la stabilisation et le rabaissement
des niveaux.
Stabilisation de ces matériaux :
stabilisation par protection contre la houle :
dans le lac du Bourget, les ouvrages visibles sont
exclus. En revanche, au sud du lac, où la houle
est la plus forte, des îlots d’enrochement ont dû
être érigés, avec en parallèle une forte plusvalue ornithologique, et donc pédagogique.
stabilisation par « résistance passive » :
- réfection de berge avec un rapport adapté
entre granulométrie/pente/houle : pente de 15 %
et mélange gravier (diamètre 1,5 cm)
terreux ; cette stabilisation exige de bien
connaître la houle.
- calfeutrage par un tapis de végétation
déjà suffisamment dense et continue :
c’est la méthode la plus douce, mais
sans doute la plus vulnérable.
Le Blongios nain, petit héron migrateur,
profite des plantations de roseaux
dès les premières années – © M. Reverdiau
180
Végétalisation de ces matériaux :
on peut retenir les observations suivantes des
divers chantiers :
Difficultés des reprises au-delà de 50 cm de
profondeur d’eau, ainsi que sur des secteurs aux
sédiments trop fluides ; faible succès du scirpe
lacustre (ou « jonc des tonneliers ») et du nénuphar (approvisionnement par souches locales
difficile pour ce dernier) : le phragmite demeure
l’espèce la plus favorable (les massettes ou
« Typha » peuvent s’inviter car elles germent sous
l’eau, y compris en substrats très organiques) ;
L’utilisation d’une souche locale de roseau
cultivée in situ, testée en 2010, paraît la plus satisfaisante en termes d’éthique et de chances de
succès, à défaut d’être la plus économique.
Après l’opération, les bassins creusés à cet effet
seront à leur tour colonisés par la roselière aquatique (voir photo).
Ce « génie écologique » fait encore l’objet d’efforts de maintenance et de suivi ; on peut d’ores
et déjà constater l’atténuation de la houle par les
ouvrages et un succès au moins partiel des plantations. L’utilisation par la faune est manifeste : rousserolle turdoïde et blongios nain sont les nicheurs
les plus remarquables, auxquels s’ajoutent les
libellules et une abondante « nurserie » d’alevins.
Un seul « traitement de fond » :
la renaturation des niveaux d’eau
Comme la plupart des lacs, le Bourget a subi trois
impacts, aux effets cumulatifs :
Perte des niveaux hauts : 40 cm en saison de
végétation avec pour effet immédiat la disparition d’environ 20 ha de roselière aquatique, bien
plus que tout ce que le génie écologique tente
de restaurer à grands frais ! Ce retour des niveaux
hauts n’est pas à l’ordre du jour, pour des raisons
socio-psychologiques plus que de véritable péril
hydraulique (habituation des usagers vis-à-vis
d’un plan d’eau stable et prévisible) ;
Perte des niveaux bas : le lac n’est plus descendu
au-dessous de sa « cote basse » depuis 1982, de
telle sorte que la matière organique des sédiments n’a pu être minéralisée correctement,
que les graines de roseaux n’ont pu germer (ce
qui exige un sédiment exondé), pas plus que
ses rhizomes n’ont pu progresser (ce qui exige
une oxygénation du sédiment). Aujourd’hui, on
travaille à la restauration d’un étiage retardé
à octobre-novembre pour ménager la saison
touristique ;
Stabilisation des niveaux : en concentrant l’érosion, sans possibilité de cicatrisation de la végétation, et en accentuant l’accumulation des
déchets (autrefois largement dispersés).
Restauration de roselières au lac du Bourget : vue des bassins
de culture et de la zone à décaper – © Benjamin Bardon/
Conservatoire du Patrimoine Naturel de Savoie
181
70
BIODIVERSITÉ, ÉCOSYSTÈMES ET PAYSAGES
On peut aussi
restaurer les rivières
Les rivières et leurs vallées ont subi des dégradations sans précédent durant le dernier siècle en
raison de l’augmentation des activités humaines (pollutions, drainage et irrigation agricoles,
aménagements des cours d’eau). Ces altérations provoquent la diminution des services
associés aux vallées alluviales, comme le maintien de la biodiversité, l‘exploitation des ressources
vivantes aquatiques, le stockage et l’épuration des eaux. La restauration écologique des cours
d’eau a pour objectif de ramener les écosystèmes dans un état proche de celui dans lequel
ils étaient avant dégradation, ou de rétablir les fonctions écologiques qu’ils assuraient. Ces
opérations doivent être réalisées en utilisant si possible des processus naturels, afin d’éviter ou
de limiter la nécessité de nouvelles interventions pour maintenir l’état restauré.
Quels enjeux en Rhône-Alpes ?
Dans la région Rhône-Alpes, la restauration
écologique revêt une grande importance du
fait de la densité, de la diversité et des utilisations multiples des cours d’eau. Ces opérations de restauration abordent le problème de
manière globale, à l’échelle de grands tronçons
de cours d’eau, en prenant en compte les diffé-
rents compartiments de l’espace fluvial. Le plan
décennal de restauration écologique du Rhône
se fixe ainsi pour objectif de restaurer des zones
humides et d’augmenter les débits réservés du
fleuve en procédant de manière progressive, de
l’amont vers l’aval.
Programmes de restauration :
une perception globale pour mieux restaurer localement
La restauration écologique de la rivière d’Ain
et de sa vallée a donné lieu à une démarche
intégrée et concertée, impliquant une équipe
interdisciplinaire de scientifiques (géomorphologues, écologues, sociologues, etc.) et des
gestionnaires (conservatoires, Agence de l’eau,
chasseurs, pêcheurs, communes, etc.). Cette
mixité permet de combiner les connaissances et
les contraintes des acteurs avec les savoirs scientifiques et profanes, afin d’aboutir à un plan de
restauration scientifiquement robuste et socialement acceptable. Ce programme a d’abord
été financé par un programme européen LIFE,
puis s’est poursuivi par un contrat de rivière. Un
programme de restauration du Rhône a été
élaboré selon les mêmes principes.
La zone humide avait
disparu du fait de
l’enfoncement progressif
de la rivière d’Ain et de sa
nappe d’accompagnement.
La restauration a consisté à
surcreuser le lit tout en limitant
son drainage, afin de rétablir
un milieu aquatique.
© Gudrun Bornette/CNRS
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Les
opérations
sont
menées dans le cadre de
la Zone Atelier du Bassin
du Rhône, qui regroupe
plus de 150 scientifiques.
Dans le cadre de ce
programme, les travaux
ont permis par exemple
d’alimenter la rivière en
sédiments en réutilisant des
graviers issus de la restauration de zones humides. De
même, la restauration de
pelouses alluviales a contribué
à la renaissance d’anciennes
pratiques de pâturage extensif,
sur de grands linéaires de cours
d’eau.
Mise en place d’outils :
l’apport de la recherche
en Rhône-Alpes
Pelle araignée en action :
l’outil permet de circuler sur la tourbe sans la tasser, ce qui nuirait à
l’alimentation phréatique future de la zone humide. Il est guidé de la
berge par les scientifiques, qui donnent les consignes de travail.
À gauche figurent les dépôts de tourbe qui ont été retirés du chenal
et seront étalés sur les berges, sans abîmer les arbres
© Gudrun Bornette/CNRS
Ces opérations constituent des expérimentations
en vraie grandeur, dont le bénéfice est écologique (restauration des fonctions dégradées)
et scientifique (possibilité d’étudier le fonctionnement des écosystèmes). Les recherches se
poursuivent car ces opérations s’inscrivent dans
la durée, compte tenu du temps nécessaire
pour que les réponses écologiques se mettent
en place.
EN SAVOIR +
www.cren-rhonealpes.fr/part2/ed_tech.htm
www.bassevalleedelain.com/
www.rhone-alpes.ecologie.gouv.fr/
Ces recherches ont permis d’identifier
les possibilités de restauration des cours
d’eau et les bénéfices qui peuvent être
tirés de ces opérations, ainsi que les
méthodes à mettre en œuvre.
Les partenaires scientifiques impliqués sont
le CNRS, l’Université Lyon 1 (laboratoires
« Ecologie des Hydrosystèmes Naturels
et Anthropisés » et « environnement-villesociété »), le Cemagref, l’ENTPE et l’ISARA.
Outre le réseau dense de collaborations
à l’échelon régional, ces opérations
permettent de tisser des collaborations
internationales et font de la région RhôneAlpes un site pilote sur le sujet.
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