Fermez cette fenêtre pour retourner sur IVIS Encyclopédie de la Nutrition Clinique Féline Pascale Pibot DMV, Responsable des Éditions Scientifiques, Communication, Groupe Royal Canin Vincent Biourge Denise Elliott DMV, PhD, Dipl. ACVN, Dipl. ECVCN Directeur Scientifique Nutrition-Santé pour le Centre de Recherche Royal Canin BVSc (Hons) PhD, Dipl. ACVIM, Dipl. ACVN Directrice Scientifique Royal Canin aux États-Unis Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien. Nicholas J CAVE BVSc, MVSc, MACVSc, Dipl. ACVN Nutrition et immunité 1 - Interactions complexes entre nutrition et immunité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 481 2 - Le système immunitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 481 3 - Besoins nutritionnels du système immunitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485 4 - Conséquences de la malnutrition sur l’immunité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 488 5 - Impact des réponses immunitaires sur le statut nutritionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 489 6 - Réponse immunitaire aux antigènes alimentaires (tolérance orale) . . . . . . . . . . . . . . . . . 493 7 - Modulation nutritionnelle de l’immunité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 497 8 - Influence du mode d’alimentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 504 Questions fréquemment posées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 507 ABRÉVIATIONS UTILISÉES DANS CE CHAPITRE DGLA : acide dihomo-g-linolénique EPA : acide eicosapentaénoïque FHV : feline herpes virus FIV: virus de l'immunodéficience féline (feline immunodeficiency virus) HETE : acide hydroxyeicosatétraénoïque HPETE : acide hydropéroxy-eicosatétraénoïque IFN : interféron Ig : immunoglobuline IL : interleukine iNOS : oxyde nitrique synthétase LOX : lipoxygénase LPS : lipopolysaccharide LT : leucotriène NF-kB : facteur de transcription nucléaire NK : cellule tueuse (natural killer) NO : monoxyde d’azote NOS : NO synthétase PAMPS : pathogen associated molecular patterns PG : prostaglandine PPAR : peroxisome proliferator- activated receptor SIRS : syndrome de réaction inflammatoire généralisée (systemic inflammatory response syndrome) TCR : récepteur pour l’antigène des cellules T (T cell receptor) TGF b : transforming growth factor Th1 : lymphocyte Th1 Th2 : lymphocyte Th2 TLR : toll-like receptor TNF-a : tumor necrosis factor TX : thromboxane 479 Immunité aLA : acide alpha linolénique AGPI : acide gras polyunsaturé ARA : acide arachidonique CAM : molécule d'adhésion cellulaire CD80/CD86 : molécules de costimulation CMH : complexe majeur d'histocompatibilité COX : cycloxygénase CPA : cellule présentatrice d’antigène Nutrition et immunité Nicholas J CAVE BVSc, MVSc, MACVSc, Dipl. ACVN Nick Cave est diplômé de l’Université de Massey (Nouvelle-Zélande) depuis 1990. Il travaille en clientèle pendant 7 ans avant d’effectuer un Résidanat en médecine interne et un Master en Sciences Vétérinaires à l’Université de Massey. Il effectue ensuite un Résidanat en nutrition clinique, travaille sur un Doctorat de nutrition et d’immunologie à l’Université de Davis, Californie, et devient Diplomate de l’American College of Veterinary Nutrition en 2004. Il est maintenant Enseignant Senior en Médecine et Nutrition des petits animaux à l’Université de Massey. I l existe peu de maladies, peut-être aucune, où le système immunitaire ne soit pas relié, à un niveau quelconque, à la pathogénie. L’implication du système immunitaire peut être primaire, comme lors de réactions d’hypersensibilité, secondaire en cas de maladie infectieuse mais le lien est parfois plus indirect et surprenant comme ce qui concerne le rapport entre obésité et immunité. La fonction immunitaire comprend aussi bien des mécanismes de défense simples et innés que des réponses complexes et adaptatives, spécifiques d’antigènes et faisant intervenir de nombreuses cellules. Immunité Qu’il s’agisse de réponses basiques ou complexes, le système immunitaire, comme n’importe quel autre système de l’organisme, dépend d’un apport alimentaire adéquat et est très sensible aux déficits et déséquilibres nutritionnels. Cependant, à la différence d’autres systèmes, les besoins nutritionnels du système immunitaire varient très rapidement en fonction de la réplication et des synthèses cellulaires ainsi que d’autres fonctions exigeantes en énergie. Le système immunitaire est donc très réactif à la composition de l’aliment, à la fois à court et à long terme. Étant donné le rôle vital que joue le système immunitaire pour l’individu, pour ou parfois contre son intérêt dans certaines affections, il est important de comprendre comment la nutrition peut affecter l’immunité chez l’animal en bonne santé et chez l’animal malade. Ce chapitre vise à explorer certains des aspects les plus importants des relations entre immunité et nutrition chez le chat. 480 FIGURE 1 - NUTRITION FIGURE 2 - NUTRITION, ET IMMUNITÉ AGENT PATHOGÈNE ET IMMUNITÉ Nutrition La nutrition affecte directement la réponse immunitaire de trois façons : 1. augmentation ou exagération de la réponse 2. suppression ou limitation de la réponse 3. modification de la nature de la réponse (Figures 1 et 2). Immunité Nutrition Les liens entre la nutrition et l’immunité sont complexes et pas complètement élucidés. Un concept de base important est le caractère bi directionnel de cette interaction. Le caractère bénéfique ou non d’un tel changement dépend du stade de la maladie et du patient luimême. Une atténuation de la réaction immunitaire peut s’avérer bénéfique dans les cas d’hypersensibilité (comme la dermatite atopique) ou lors d’une activation exacerbée du système immunitaire (comme lors du syndrome de réponse inflammatoire généralisée ou SIRS). De la même manière, une augmentation de la réponse immunitaire peut être utile lors de la prévention ou de l’élimination d’une infection ou du développement d’une immunité anti-tumorale. Afin de comprendre comment la nutrition module l’immunité, il faut déjà comprendre quelle est la nature de l’immunité. 2 - Le système immunitaire Ce concept de base est fondamental dans l’interprétation des effets de la nutrition sur l’immunité. Si l’on prend en compte l’agent pathogène spécifique ou la cellule tumorale à l’initiative de la réponse immunitaire, l’interaction se révèle encore plus complexe. FIGURE 3 - CARACTÉRISTIQUES ET FONCTIONS DE L’IMMUNITÉ NATURELLE ET DE L’IMMUNITÉ ACQUISE Points clés de la modulation nutritionnelle IFN-g Perforines IL-1 TNF-a IL-6 > Réaction inflammatoire aiguë TLRs 0 heure > Destruction microbienne > Lésion tissulaire chez l’hôte Explosion oxydative [HOCl O2-•] [NO•] Phagocytose 6 heures > Migration 12 heures IMMUNITÉ INNÉE Eicosanoïdes [PGE2] [LTB4] IMMUNITÉ ACQUISE Fonction Le système immunitaire a évolué afin de défendre l’organisme contre les agents infectieux, des virus, bactéries, champignons jusqu’aux gros parasites pluricellulaires. Les réponses immunitaires varient d’une fonction de barrière non spécifique à des réponses phylogénétiquement évoluées, complexes et adaptées qui peuvent inclure la destruction ou l’élimination de l’agent pathogène (Figure 3). La réponse parfaite à une infection est théoriquement de l’éliminer sans dommages pour le soi. Cependant, les réponses immunitaires ne sont jamais parfaites et font toujours des dégâts dont l’intensité varie du caractère indétectable à disproportionné. Au pire ils peuvent être fatals. Immunité IFN-g CD 80/86 Prolifération 3 jours IL-4 IL-10 5 jours Prolifération Site d'action : modifications nutritionnelles Vitamine A, malnutrition protido-calorique Acides gras polyinsaturés (AGPI) Antioxydants, malnutrition protido-calorique Antioxydants, arginine, glutamine, génistéine, caroténoïdes Glutamine, génistéine, fer Lutéine, génistéine Leptine, vitamine E, AGPI Nutriments présentés dans le Tableau 2, lutéine, génistéine (chez le chat ?), cuivre, zinc Lutéine, vitamine A, fer 481 Immunité À l’inverse, la modulation de l’immunité peut être néfaste ou même fatale à l’hôte. L’immunosuppression peut aggraver la morbidité voire induire une septicémie en cas d’atteinte infectieuse. Une augmentation de l’immunité peut amplifier un état d’autodestruction dans les situations où l’activation immunitaire est déjà excessive ou mal régulée (SIRS, hypersensibilité). Il est clair qu’un aliment unique ne peut pas être adapté à tous les cas. Agent pathogène 1 - Interactions complexes entre nutrition et immunité 1 - Interactions complexes entre nutrition et immunité Aspects généraux de la réponse immunitaire TABLEAU 1 - ELÉMENTS CLÉS DE L’IMMUNITÉ INNÉE Composant Exemples Fonctions Sécrétions épithéliales Élimination de l’infection, transport de molécules antimicrobiennes Barrières épithéliales Élimination de l’infection Molécules antimicrobiennes défensines, lysozyme Destruction microbienne Anticorps naturels IgM Opsonisation, fixation du complément Phagocytes neutrophiles, macrophages Phagocytose et destruction des microbes Cellules tueuses cellules “Natural Killer” (NK) Lyse des cellules infectées ou néoplasiques, activation des macrophages Protéines de la coagulation thrombine Confinement physique des microbes Complément Destruction des microbes, opsonisation, chimiotactisme, activation des leucocytes Protéine C-réactive Opsonisation FIGURE 4 - LIGANDS ET EFFETS DES SIGNAUX ÉMIS PAR LES TOLL LIKE RECEPTORS (TLR) Bactéries gram + Acide lipotéichoïque Bactéries gram Lipopolysaccharide TLR1 TLR2 TLR4 TLR3 TLR9 • ADN viral : herpès • Séquences bactériennes CpG ADN NF-kB CYTOPLASME Phosphorylation par la tyrosine kinase Facteur de transcription nucléaire NF-kB NOYAU TNFa COX2 CD80/86 iNOS La voie classique de signalement après l’implication des TLR est l’activation du facteur de transcription nucléaire NF-kB. Le dimère NF-kB activé diffuse ensuite dans le noyau où il permet la transcription d’un nombre varié de gènes pro-inflammatoires. Immunité Les mécanismes anatomiques et physiologiques en place avant la première exposition et qui contribuent à l’immunité sont qualifiés “d’innés”. Beaucoup de ces mécanismes sont primitifs (lysozyme, phagocyte), alors que d’autres plus complexes existent seulement chez les vertébrés et sont encore plus sophistiqués chez les mammifères (ex : cellules natural killer ou NK) (Tableau 1). Chez les mammifères, le rôle initial de l’immunité naturelle est d’éliminer les micro-organismes lorsque cela est possible. Lorsqu’une infection survient, la réponse naturelle conduit à un ou tous les résultats suivants : 1. élimination de l’infection 2. limitation de la progression de l’infection (grâce à des dispositifs “ralentisseurs”) 3. stimulation de l’immunité acquise avec production d’une réponse inflammatoire précoce à l’infection. L’immunité naturelle procure donc les “signaux de danger” qui donnent l’alerte et activent les réponses immunitaires acquises. La reconnaissance des microbes Agent viral à double ARN 482 > L’immunité naturelle Les cellules de l’immunité naturelle possèdent des récepteurs évolués qui reconnaissent des molécules phylogénétiquement conservées. Ces profils moléculaires sont dénommés pathogen associated molecular patterns ou PAMPS. Des exemples de PAMPS sont les lipopolysaccharides (LPS) contenus dans la paroi des bactéries gram négatif, l’acide lipotéichoïque contenu dans la paroi des bactéries gram positif et la double chaîne d’ARN des virus. Les récepteurs des PAMPS incluent les récepteurs scavenger (récepteurs éboueurs), les récepteurs au mannose et la famille des récepteurs toll-like (TLR) (Akira, 2003). À ce jour, 10 TLR sont connus chez les mammifères mais l’expression de ces 10 types de TLR n’est pas encore décrite chez le chat. La plupart des TLR sont des protéines membranaires, bien que le TLR9 se lie à un ligand intracellulaire (ADN bactérien). La fixation d’un TLR à son ligand entraîne l’apparition du facteur de transcription nucléaire NF-kB, qui pénètre dans le noyau et se lie à des sites spécifiques sur l’ADN de la cellule hôte, conduisant à la transcription de gènes pro inflammatoires divers. Dans les macrophages et les neutrophiles, ces gènes codent pour des cytokines (tumor necrosis factor ou TNF-a, IL-1 et IL-12), des molécules d’adhésion (E-sélectine), la cycloxogénase (COX), l’oxyde nitrique synthétase (iNOS), et sur les macrophages les molécules de costimulation, CD80 et CD86, exprimées à la surface des macrophages. La destruction des microbes phagocytés Les microbes phagocytés restent à l’intérieur du phagosome dans le cytoplasme. Une fois internalisés, ces phagosomes fusionnent avec des lysosomes préformés qui contiennent plusieurs protéases (comme l’élastase). De plus, l’activation des phagocytes (par l’intermédiaire de signaux en provenance des TLR) entraîne l’assemblage des sous-unités multiples de la machine de la NADPH-oxydase dans la membrane du phagosome, et dans la membrane plasmatique. Ce complexe enzymatique catalyse la réduction de l’oxygène diatomique (O2) en radical superoxyde (O2• –). Le O2• - est ensuite changé en peroxyde d’hydrogène, un oxydant puissant partiellement responsable de la destruction microbienne. Cependant, la myélopéroxidase dans les phagosomes utilise l’ion peroxyde afin produire un antibactérien encore plus puissant, l’acide hypochlorique (HOCl). Ce processus de production rapide d’oxydants puissants suite à l’activation et à la phagocytose par les neutrophiles et les macrophages utilise des quantités importantes d’oxygène disponible et est dénommé explosion oxydative (Figure 5) (DeLeo et coll, 1999). Suite à l’activation des phagocytes, la forme inductible de l’oxyde nitrique synthétase (iNOS) est également synthétisée, conduisant à la production des radicaux libres de monoxyde d’azote (•NO), qui réagissent avec le superoxyde pour former le métabolite toxique péroxynitrite (Eiserich et coll, 1998). Ces divers oxydants existent non seulement dans le phagocyte, mais sont aussi libérés dans le milieu extra-cellulaire où ils contribuent à la destruction microbienne de proximité. Inévitablement, ceci entraîne des lésions oxydatives des tissus environnants. FIGURE 5 - EXPLOSION OXYDATIVE ET PRODUCTION D’HOCl TLR4 NADPH ACTIVATION 2 - Le système immunitaire Le résultat des signaux des TLR conduit à la migration des leucocytes vers les tissus enflammés, l’élimination accrue des microbes ou des cellules infectées, et la production de cytokines et de chémokines inflammatoires qui alertent et activent les cellules du système immunitaire acquis (Figure 4). NADP+H+ NADPH NADP+H+ Phagosome Superoxyde dismutase Myelopéroxydase Radical hydroxyl Acide hypochlorique A : la NADPH-oxydase est assemblée sur la membrane du phagosome pour produire l’ion superoxyde (O2 –) intra- et extracellulaire. B : l’ion superoxyde donne ensuite H2O2 qui réagit avec un métal de transition (réaction de Fenton) pour former le radical hydroxyl (OH –) hautement réactif, ou être converti en acide hypochlorique (“javel”). Afin de se protéger eux-mêmes contre l’oxydation, les phagocytes ont besoin de concentrations élevées en antioxydants cytosoliques (aqueux) et membranaires (lipophiles) car ceux-ci sont dégradés et doivent se renouveler rapidement au cours du stress oxydatif. Les antioxydants cellulaires les plus importants sont le glutathion, l’acide ascorbique, le tocophérol et la taurine. Les neutrophiles félins contiennent des concentrations intracellulaires élevées de taurine : elle constitue 76 % du pool d’acides aminés cytosoliques, comparé à 44 % dans les lymphocytes (Fukuda et coll, 1982). L’élimination d’HOCl par la conversion de la taurine en taurine chloramine protège la cellule contre les oxydants auto formés. La taurine chloramine pourrait également agir comme molécule de signal intracellulaire limitant la production de O2• – et •NO. Chez les chats recevant un aliment carencé en taurine, la phagocytose et l’explosion oxydative sont supprimées, ce qui confirme le rôle antioxydant majeur de la taurine. (Schuller-Levis et coll, 1990). Les cellules “natural killer” 483 Immunité Les cellules natural killer (cellules NK) sont des gros lymphocytes granuleux, distincts des lymphocytes T et B. Ces cellules NK sont responsables de la reconnaissance et de la destruction des cellules infectées par des virus et des cellules tumorales, en l’absence de sensibilisation antérieure. Les cellules NK 2 - Le système immunitaire détruisent les cellules cibles en libérant des granules contenant la perforine, une enzyme qui forme des pores dans les membranes cellulaires, et la granzyme, qui s’introduit dans la cellule par ces pores et induit induit l’apoptose (ou mort programmée) de la cellule. Les cellules NK activées secrètent également beaucoup d’interféron (IFN-g) et sont donc d’importants activateurs des macrophages environnants, augmentant leur pouvoir phagocytaire. > L’immunité acquise L’immunité acquise est stimulée par l’infection et par des signaux provenant du système immunitaire naturel. Lors de ré-exposition à l’organisme infectieux, la magnitude, la spécificité et la rapidité de la réponse augmentent, d’où le terme d’immunité acquise. L’immunité acquise est le domaine des lymphocytes T et B, qui génèrent des réponses humorales (anticorps) et cellulaires vis-à-vis de molécules spécifiques dénommées antigènes (Figure 3). > Eicosanoïdes Les eicosanoïdes constituent un groupe de messagers lipidiques synthétisés à partir des acides gras polyinsaturés (AGPI) à 20-carbones, l’acide dihomo-g-linolénique (DGLA; 20:3 n-6), l’acide arachidonique (ARA; 20:4 n-6) et l’acide eicosapentaénoïque (EPA; 20:5 n-3). Les eicosanoïdes incluent les prostaglandines (PGs), les thromboxanes (TXs), les leucotriènes (LTs), les lipoxines, l’acide hydropéroxy-eicosatétraénoïque (HPETE) et l’acide hydroxy-eicosatétraénoïque (HETE). FIGURE 6 - PRODUCTION D’EICOSANOÏDES DEPUIS LES PRÉCURSEURS DES ACIDES GRAS PROVENANT DES PHOSPHOLIPIDES MEMBRANAIRES SOUS L’ACTION DE LA PHOSPHOLIPASE A2 Hormones + Phospholipase A2 La PGE2 possède plusieurs effets pro-inflammatoires : induction de la fièvre, augmentation de la perméabilité vasculaire, vasodilatation, et augmentation de la douleur et de l’œdème induit par des agents comme l’histamine (Harris et coll, 2002). La PGE2 supprime la prolifération lymphocytaire et l’activité des cellules NK. Elle inhibe la production du TNF-a, des interleukines (IL)1, IL-6, IL-2 et de l’IFN-g. La PGE2 a donc également un rôle immunosuppresseur et anti-inflammatoire. La PGE2 ne modifie pas la production des cytokines de type Th2 comme IL-4 et IL-10, mais stimule la production d’immunoglobuline E (IgE) par les lymphocytes B. La PGE2 oriente donc la réponse immunitaire acquise vers une réponse Th2, et inhibe la réponse Th1. Acide arachidonique Synthases L’acide gras précurseur de la synthèse des eicosanoïdes est libéré par les phospholipides de la membrane cellulaire, en général suite à l’activation de la phospholipase A2 en réponse à un stimulus cellulaire nocif (Figure 6). En général, chez les chats recevant un régime industriel, la plupart des membranes cellulaires contiennent 5 à 10 fois plus d’ARA que d’EPA; l’ARA est donc en général le principal précurseur de la synthèse d’eicosanoïdes, donnant naissance aux 2 séries de PGs et TXs, et aux 4 séries de LTs (Plantinga et coll, 2005). Cependant, la proportion exacte des autres AGPI à 20 atomes de carbone dans les membranes cellulaires est déterminée par leur proportion relative dans l’aliment, ainsi que par celle de leur précurseurs à 18 atomes de carbone. Lipoxines Le LTB4 augmente la perméabilité vasculaire, améliore le flux sanguin local, est un agent chimiotactique puissant pour les leucocytes, induit le relargage des enzymes lysosomiales, accroit le stress oxydatif, inhibe la prolifération lymphocytaire et stimule l’activité des cellules NK. Le LTB4 stimule aussi la production de TNF-a, IL-1 et IL-6 par les monocytes et les macrophages, ainsi que la production des cytokines Th1. Immunité COX : cycloxygénase EET : acide époxyeicosatriénoïque HETE : acide hydroxyeicosatétraénoïque HPETE : acide hydropéroxy-eicosatétraénoïque LOX : lipoxygénase LT : leucotriènes PG : prostaglandines TX : thromboxanes 484 Pour rendre les choses encore plus compliquées, la PGE2 inhibe la 5-lipoxogénase, interférant donc avec la production de LTB4, et l’ARA engendre également des lipoxines anti-inflammatoires. Donc, les eicosanoïdes régulent ensemble l’inflammation en ayant une action à la fois pro- et anti-inflammatoire. L’effet global dépend du moment de la production des différents eicosanoïdes, de leur concentration et de la sensibilité des cellules cibles. 3 - Besoins nutritionnels du système immunitaire 3 - Besoins nutritionnels du système immunitaire Pendant la période de développement Le premier effet et peut-être le plus significatif de la nutrition sur l’immunité survient pendant le développement des cellules du système immunitaire (Cunningham-Rundles et coll, 2005). Ce développement a lieu au cours de la vie intra-utérine, mais il est suivi d’une importante période de maturation peu après la naissance, qui continue tout au long de la vie. Zinc, protéines, acides aminés indispensables, vitamine A et cuivre sont quelques exemples de nutriments qui peuvent compromettre le développement du système immunitaire chez l’animal en croissance lors de carence alimentaire. Les déficits en micronutriments perturbent les réponses immunitaires naturelles et acquises (Tableau 2). Une carence maternelle en zinc peut considérablement réduire le nombre de lymphocytes spléniques et thymiques. La sécrétion post-vaccinale d’anticorps chez les jeunes animaux peut être perturbée par des déficits maternels en zinc, fer, cuivre, sélénium et magnésium. Au cours du développement, la malnutrition peut altérer la colonisation microbienne des surfaces des muqueuses ainsi que la réponse aux germes commensaux et pathogènes, augmenter la sensibilité aux infections, et diminuer la capacité à lutter contre l’infection une fois qu’elle est établie. De telles anomalies peuvent se maintenir bien au-delà de la période initiale de malnutrition et détériorer à vie le phénotype immunitaire de l’animal. TABLEAU 2 - EFFETS DE CERTAINS DÉFICITS NUTRITIONNELS SPÉCIFIQUES SUR L’IMMUNITÉ Anomalies immunologiques Manifestations cliniques Zinc Atrophie thymique, lymphopénie, différenciation des lymphocytes T défectueuse, réduction de la production des cytokines Th1, diminution de la production d’anticorps Diarrhée, augmentation de la susceptibilité aux infections par les germes commensaux cutanés Cuivre Lymphopénie, diminution de la prolifération lymphocytaire Neutropénie, anémie Sélénium Diminution, augmentation de la virulence virale ?? Augmentation de la sensibilité aux infections, augmentation des lésions oxydatives organiques Fer Diminution des réponses humorales, diminution de la phagocytose et de l’explosion oxydative, diminution de la prolifération des lymphocytes T Anémie, augmentation de la sensibilité aux infections Vitamine E Augmentation des IgE, augmentation de la production de PGE2 Augmentation de l’atopie et des lésions oxydatives organiques Vitamine A Barrière cutanée défectueuse (métaplasie squameuse), lymphopénie, diminution de la production d’anticorps, diminution des réponses Th2, diminution de la maturation des neutrophiles et des macrophages Augmentation générale de la sensibilité aux infections (surtout respiratoires), diarrhée Protéines Déficit des réponses à médiation cellulaire, diminution de la production de cytokines Augmentation de la sensibilité aux infections Malnutrition protido-calorique Atrophie thymique, diminution de la masse du tissu lymphoïde (nœuds lymphatiques), diminution des lymphocytes B et T circulants, réponses à médiation cellulaire défectueuses, diminution de la production de cytokines, diminution de la migration des neutrophiles Augmentation de la sensibilité aux infections à partir de sources endogènes et exogènes, augmentation de la morbidité et de la mortalité, diarrhée (atrophie des villosités, entérite chronique) 485 Immunité Déficit primaire 3 - Besoins nutritionnels du système immunitaire FIGURE 7 - VOIE DE LA GLYCOLYSE ANAÉROBIE Nutriments indispensables au métabolisme énergétique > Le glucose Glucose Glucose-6 Phosphate Fructose-6 phosphate … … Pyruvate Lactate Le glucose est essentiel aux monocytes, neutrophiles et lymphocytes. Suite à l’activation des macrophages et des neutrophiles ou à la stimulation de la prolifération lymphocytaire, l’oxydation du glucose, bien que partielle, augmente nettement, et produit principalement du lactate (Figure 7). La glutamine est une autre molécule vitale du métabolisme énergétique : au repos, elle peut être responsable de plus de 50 % de la production d’ATP par les cellules. Comme le glucose, la glutamine n’est que partiellement oxydée en glutamate, aspartate et lactate. Une petite partie seulement est complètement oxydée en CO2, H2O, et NH3. Bien que les acides gras et les corps cétoniques puissent être oxydés en vue de produire de l’ATP, leur taux d’utilisation n’est pas augmenté par l’activation cellulaire et la prolifération lymphocytaire (Newsholme et coll, 1987; Newsholme et Newsholme, 1989). L’oxydation incomplète du glucose et de la glutamine survient même en présence du fonctionnement correct du cycle de l’acide citrique dans les mitochondries. Ceci est compatible avec le fait que les cellules immunitaires doivent pouvoir fonctionner dans des milieux pauvres en oxygène comme les tissus ischémiques ou les espaces non vascularisés. Le taux d’utilisation élevé du glucose et de la glutamine sert : - à produire des substrats pour la biosynthèse des nucléotides puriques et pyrimidiques nécessaires à la synthèse d’ADN et d’ARNm par les cellules - au maintien d’un flux métabolique élevé permettant de couvrir des besoins accrus en cas d’activation. > La glutamine La concentration plasmatique de glutamine agit en fonction de la sensibilité des cellules aux différents déclencheurs de l’apoptose : les cellules dépourvues de glutamine sont plus sensibles à l’apoptose (Oehler et Roth, 2003). À l’inverse, la glutamine peut protéger les cellules T activées de l’apoptose. Un effet protecteur similaire contre l’apoptose est démontré pour les neutrophiles, dans lesquels la glutamine semble également réguler positivement l’expression de la NADPH oxydase. Il est montré que l’effet immunosuppresseur de l’asparaginase est dû à sa capacité à hydrolyser la glutamine, plus qu’à la réduction des asparagines (Kitoh et coll, 1992). Une faible concentration plasmatique en glutamine est également associée à une dépression à la fois de l’immunité naturelle et acquise. La glutamine plasmatique provient presque exclusivement du muscle squelettique, puisque la glutamine alimentaire est utilisée par l’intestin ou le foie et que la glutamine plasmatique n’augmente que peu à la suite d’un repas. Pendant la réponse inflammatoire, le catabolisme musculaire augmente en réponse à un taux faible d’insuline plasmatique ou à une insulinorésistance induite par le cortisol et les cytokines cataboliques (Kotler, 2000). Ceci fournit une source de glutamine à la fois pour la néoglucogénèse hépatique et directement pour les lymphocytes. Lors de maladie inflammatoire systémique, nourrir avec une source d’acides aminés sans glutamine devrait donc inhiber la libération de glutamine, abaisser la concentration plasmatique de glutamine et conduire à une immunosuppression relative. À l’inverse, la supplémentation en glutamine stimule la phagocytose par les macrophages, aide au maintien de la population de lymphocytes T circulants, et normalise la fonction lymphocytaire dans des modèles de septicémie sévère. En médecine humaine, la supplémentation en glutamine des solutions parentérales réduit la morbidité chez certains patients septiques (Fuentes-Orozco et coll, 2004). Immunité Lorsque la glutamine est apportée par voie orale, la forme sous laquelle elle est administrée est importante. La glutamine est significativement plus efficace lorsqu’elle est consommée sous forme de polypeptide que sous forme d’acide aminé libre (Boza et coll, 2000). 486 L'efficacité de la conversion énergétique, de l’efficacité protéique et la rétention azotée sont plus élevées avec les régimes hydrolysés. Chez l’homme, la concentration en glutamine dans la muqueuse duodénale augmente lors de l’apport par voie orale de protéines riches en glu- Protéine intacte tamine, par rapport à une solution dépourvue de glutamine, malgré une absence de différence dans la concentration plasmatique en glutamine (Preiser et coll, 2003). Les hypothèses expliquant ces résultats incluent une solubilité faible de certains acides aminés dans la lumière intestinale, l’absorption rapide des acides aminés libres conduisant à une augmentation de l’oxydation hépatique, une oxydation intestinale modifiée et un catabolisme des acides aminés libres supérieur par la flore intestinale. Glutamine Acide aminé libre La glutamine peut être apportée soit sous forme libre, soit à l’intérieur d’un polypeptide dans un régime à base de protéines hydrolysées ou soit par le biais de protéines intactes. Pour des raisons de disponibilité, de digestibilité et d’antigénicité réduite, les régimes à base de protéines modérément hydrolysées sont préférées pour l’alimentation entérale dans les états inflammatoires sévères. 3 - Besoins nutritionnels du système immunitaire ABSORPTION DE LA GLUTAMINE L’absorption et l’utilisation des acides aminés diffèrent lorsqu’ils sont administrés sous forme d’acides aminés libres ou de polypeptides. Un mélange de petits peptides a une valeur nutritive plus importante qu’un mélange d’acides aminés libres de composition similaire, à la fois en croissance et lors de traitement contre la malnutrition. Pendant la réalimentation après un jeûne, le gain de poids des rats est plus important lorsqu’ils reçoivent un régime à base d’hydrolysats de protéines qu’avec un régime formulé avec des acides aminés libres. La concentration plasmatique en acides aminés totaux – particulièrement la glutamine– est également significativement plus élevée (Boza et coll, 2000). Polypeptide Division cellulaire Glutamine À côté des acides aminés indispensables et des substrats énergétiques, plusieurs vitamines sont requises pour la fonction leucocytaire et la réplication (Tableau 3). Ceci est particulièrement important pour les lymphocytes pendant la réponse immunitaire. Les déficits en nutriments essentiels – listés dans le Tableau 2 – peuvent limiter la prolifération cellulaire et perturbent ainsi les réponses immunitaires cellulaires et humorales. Une mention spéciale doit encore être faite au sujet de la glutamine, dont la disponibilité est souvent réduite en cas de maladie sévère et dont des concentrations faibles sont associées à de la morbidité chez l’homme et dans des études expérimentales. La glutamine n’est pas uniquement utilisée comme substrat énergétique pour la réplication des lymphocytes. Elle sert également à la synthèse des nucléotides (Figure 8) : une concentration faible en glutamine inhibe (tandis qu’une concentration élevée en glutamine stimule) la prolifération lymphocytaire suite à un stimulus. L’effet de la glutamine sur la réplication des lymphocytes est également stimulé par l’arginine. TABLEAU 3 - NUTRIMENTS CLÉS INTERVENANT DANS LA RÉPLICATION DES LEUCOCYTES FIGURE 8 - LA GLUTAMINE ET LA RÉPLICATION CELLULAIRE Vitamines Autres composants Biotine Choline Acide folique Inositol B12 Acide para-amino benzoïque Pyridoxine Glutamine Riboflavine Thiamine Acide pantothénique Niacine 487 Immunité La glutamine est un des précurseurs de l’ADN cellulaire 4 - Conséquences de la malnutrition sur l’immunité Antioxydants FIGURE 9 - MODE D’ACTION DES ANTIOXYDANTS Les vitamines C et E agissent sur la membrane cellulaire Les polyphénols agissent sur le noyau Ultraviolets Pollution Stress Radicaux libres Mauvaise alimentation La lutéine et le béta carotène agissent sur l’intérieur de la cellule D’une manière générale, les antioxydants alimentaires remplissent deux rôles dans la réponse immunitaire. Ils protègent les leucocytes contre une attaque par les radicaux libres endogènes et ils protègent l’hôte contre les dégâts par les mêmes radicaux libres (Figure 9). La nécessité d’augmenter la capacité antioxydative intracellulaire des neutrophiles et des macrophages a déjà été discutée précédemment. Cette fonction est remplie par la taurine, le glutathion, l’acide ascorbique et le tocophérol. Le glutathion joue un rôle antioxydant majeur, à la fois en interagissant directement avec les radicaux libres, et également en tant que substrat pour la régénération de l’acide ascorbique. La disponibilité de la glutamine peut limiter la production du glutathion tandis que la supplémentation en glutamine peut augmenter la production de superoxydes par les neutrophiles. Plusieurs autres antioxydants, d’origine alimentaire, ont un effet sur l’immunité. Les caroténoïdes sont à noter en priorité (Figure 9). Le b-carotène et la lutéine sont incorporés dans les lymphocytes et les neutrophiles du chat et du chien, tout particulièrement dans les membranes mitochondriales dans lesquelles ils exercent probablement un rôle de protection des membranes lipidiques contre les radicaux libres endogènes (Chew et Park, 2004). Les antioxydants extracellulaires (plasmatiques) sont également importants pour protéger les tissus et l’endothélium vasculaire au cours de la réponse immunitaire. La taurine, l’acide ascorbique, le tocophérol, le glutathion et les caroténoïdes contribuent tous à la défense des organes contre les radicaux libres produits par les phagocytes activés. 4 - Conséquences de la malnutrition sur l’immunité Sous-alimentation Une simple privation de nourriture, conduit à l’atrophie des organes lymphoïdes, à une diminution du nombre et de la fonction des leucocytes circulants et à des altérations physiques et fonctionnelles des barrières épithéliales (Tableau 3). Il en résulte une augmentation de la sensibilité aux infections à partir des germes commensaux endogènes comme ceux de la peau ou de l’intestin, et exogènes comme les organismes nosocomiaux. Immunité Chez le chien, la privation de nourriture se traduit par une diminution du nombre des lymphocytes circulants, une diminution de la prolifération lymphocytaire en réponse à la stimulation et une capacité altérée à produire une réponse lymphocytaire T ou B spécifique d’antigène suite à l’administration d’antigènes exogènes. Le chimiotactisme des neutrophiles et la production hépatique des protéines de la phase aiguë sont réduites (Dionigi et coll, 1977). Des déficits nutritionnels spécifiques peuvent produire diverses anomalies : ainsi la carence en vitamine E réduit la prolifération lymphocytaire chez le chien, mais cet effet est partiellement réversible grâce à la supplémentation en d’autres antioxydants (Langweiler et coll, 1983). Bien que les effets de la malnutrition sur l’immunité ne soient pas évalués de manière spécifique chez le chat, il est probable qu’ils ne soient pas très différents dans cette espèce. La concentration sérique en albumine est fortement corrélée à la condition corporelle des chats présentés dans les cliniques vétérinaires et il est probable qu’il en aille de même pour la fonction immunitaire (Chandler et Gunn-Moore, 2004). 488 5 - Impact des réponses immunitaires sur le statut nutritionnel Leptine Les récepteurs de la leptine sont présents sur beaucoup de leucocytes : lymphocytes, monocytes et neutrophiles. La leptine a beaucoup d’influence sur l’immunité acquise : elle oriente par exemple le système immunitaire vers une réponse de type Th1 en augmentant la sécrétion d’ IFN-g et de TNF-a et en supprimant la réponse Th2 par les lymphocytes. La leptine stimule la production, la maturation et la survie des cellules T du thymus et elle augmente la prolifération des cellules T naïves et leur sécrétion d’IL-2. Donc, lors de privation de nourriture ou au cours d’une période de perte de poids prolongée, l’absence de sécrétion de leptine contribue probablement à induire un état immunosuppresseur, qui peut être corrigé soit par l’administration de leptine, soit par une augmentation de la masse grasse (Meyers et coll, 2005). Obésité Aucune étude n’a jusqu’ici évalué la fonction immunitaire chez le chat obèse. Il est vraisemblable que l’obésité chez le chat entraîne des modifications de l’immunocompétence similaires à celles constatées chez l’homme et dans de nombreuses études sur des rongeurs. Dans les espèces étudiées, l’obésité entraîne une réduction de la réponse lymphocytaire à la stimulation; la normalisation de la réponse est observée suite à une perte de poids. Une réduction de la fonction des cellules NK, une modification du rapport lymphocytaire CD8 : CD4 et une réduction de l’explosion oxydative sont décrites chez l’homme et chez les rongeurs obèses. L’obésité est de plus en plus reconnue comme un état associé à une inflammation chronique. Elle est en effet caractérisée par une augmentation des concentrations en cytokines inflammatoires circulantes et une augmentation de la production des protéines de la phase aiguë (Tilg et Moschen, 2006). Les cytokines inflammatoires sont produites par les macrophages activés dans le tissu adipeux en excès, mais également par les adipocytes eux-mêmes. Le stade d’inflammation subclinique contribue à l’insulinorésistance périphérique chez l’homme et peut-être également chez le chat. 5 - Impact des réponses immunitaires sur le statut nutritionnel Les réponses immunitaires aux infections, tumeurs, ou secondaires à une maladie à médiation immune peuvent perturber le statut nutritionnel du patient (Tableau 4). Anorexie Le fait que l’anorexie infectieuse soit presqu’universelle chez les mammifères suggère qu’elle apporte un bénéfice. En effet, forcer une souris septique anorexique à manger augmente la mortalité (Murray et Murray, 1979). Cet effet délétère de la suralimentation lors de septicémie et d’autres réponses inflammatoires généralisées a été confirmé pour d’autres espèces dont l’homme (voir plus bas). TABLEAU 4 - IMPACT DES RÉPONSES IMMUNITAIRES SUR LE STATUT NUTRITIONNEL Mécanismes Exemples d’effets secondaires Prise alimentaire diminuée IL-1, IL-6, TNF-a : effets sur le système nerveux central et périphérique Perte de poids, perte de masse maigre, fonte de la masse grasse, déficits nutritionnels Malabsorption des nutriments Atrophie des villosités intestinales, entérite Diminution de l’absorption des vitamines liposolubles, déficit en vitamine B12 Augmentation des pertes en nutriments Entérite, augmentation de la perméabilité glomérulaire Hypoprotéinémie, déficit en vitamine A Augmentation des besoins nutritionnels Fièvre, réplication leucocytaire, réparation tissulaire Besoins augmentés en : glutamine, tocophérol, acide folique, vitamine A, besoins énergétiques ? Métabolisme et transport systémique altérés Insulinorésistance et hyperglycémie, hyperlipidémie, diminution de la glutamine sérique 489 Immunité Dans presque toutes les maladies inflammatoires sévères, la prise alimentaire est perturbée : cela va d’une simple diminution de l’appétit jusqu’à l’anorexie complète. Cette perte d’appétit est considérée comme une manifestation de l’inflammation aiguë. Les cytokines inflammatoires, notamment l’IL-1, l’IL-6 et le TNF-a, sont d’importants médiateurs de diminution de la prise alimentaire (Langhans, 2000). Les cytokines agissent sur les noyaux centraux (hypothalamus) ou sur les nerfs périphériques qui produisent ensuite des signaux ascendants à travers des voies sensorielles afférentes jusqu’aux centres de la faim. 5 - Impact des réponses immunitaires sur le statut nutritionnel TABLEAU 5 - COMPOSANT SÉRIQUES MODIFIÉS AU COURS DE LA RÉPONSE INFLAMMATOIRE AIGUË CHEZ LES MAMMIFÈRES (COMPOSANTS DE LA PHASE AIGUË) Production accrue Production diminuée TNF-a, IL-1, IL-6, Retinol binding protein Cortisol Albumine Ces données suggèrent que le risque de suralimentation doit être pris en compte lors de maladie infectieuse sévère ainsi que dans l’élaboration d’un régime alimentaire approprié. Bien qu’il ne soit pas question de préférer le jeûne à la nutrition assistée, le fait de considérer que l’anorexie et les perturbations métaboliques associées sont des réponses évolutives à la maladie peut sans doute faire évoluer le traitement diététique chez les chats en état infectieux. La réaction inflammatoire aiguë Protéine C-réactive, amyloïde sérique A, fibrinogène, haptoglobuline, céruloplasmine Cuivre La réaction inflammatoire aiguë est une réaction systémique importante de l’organisme à des perturbations locales ou générales de son homéostasie d’origine infectieuse, traumatique, chirurgicale, tumorale ou due à une affecTransferrine tion à médiation immune. Les cytokines activent les récepteurs de différentes cellules cibles et conduisent à une réaction systémique ayant pour résultat : l’activation de l’axe hypothalamo-pituitaire-surrénalien, la réducFer, Zinc, Calcium tion de la sécrétion de l’hormone de croissance et un certains nombre de changements physiques caractérisés cliniquement par de la fièvre, de l’anorexie, une balance azotée négative et un catabolisme des cellules musculaires (Gruys et coll, 2005). Des effets endocriniens (diminution des High Density Lipoproteins (HDL) et des Low Density Lipoproteins (LDL), augmentation de l’ACTH et des glucocorticoïdes) et nutritionnels (diminution des taux de calcium, zinc, fer, vitamine A et d’a-tocophérol, modification de la concentration plasmatique de plusieurs protéines) sont également constatés (Tableau 5) (Gruys et coll, 2005). La réponse inflammatoire aiguë à une blessure ou une infection est associée à une perturbation du métabolisme de beaucoup d’oligo-éléments, en particulier le fer, le zinc et le cuivre. La chute du fer et du zinc et l’élévation du cuivre sériques sont causées par des modifications de la concentration en protéines de certains tissus spécifiques contrôlées par les cytokines, en particulier l’IL-1, le TNF-a, et l’IL6. Ces effets sont des aspects de la phase de réponse aiguë précoce considérés comme bénéfiques. En plus de la diminution du zinc, du fer et de l’albumine sériques, une diminution de la transferrine, de la cortisol-binding globuline, de la transthyrétine (TTR), et de la retinol-binding protein est décrite. Lors d’infection chronique et d’état inflammatoire, le métabolisme de la vitamine A est perturbé, ce qui aggrave la carence en vitamine A observée chez l’enfant et chez la femme enceinte dans les pays en voie de développement où la malnutrition existe (Stephensen, 2001). Le déficit en vitamine A est connu pour exercer un rétrocontrôle négatif sur l’immunité, produisant l’un des effets immunosuppresseurs les mieux décrits de la malnutrition. Cachexie La privation de nourriture (simple privation d’énergie) s’accompagne d’adaptations métaboliques qui permettent d’assurer la disponibilité des nutriments essentiels aux organes vitaux. Le jeûne conduit à une diminution de la sécrétion d’insuline et à une augmentation modérée du cortisol, entraînant un catabolisme musculaire et une lipolyse. La lipolyse libère des acides gras qui sont captés par le foie, inclus dans les lipoprotéines (Very Low Density Lipoproteins ou VLDL) et rendus à la circulation accompagnés de corps cétoniques, source d’énergie pour la majorité des cellules corporelles. Les acides aminés libérés par le muscle sont utilisés par le foie pour la synthèse de protéines essentielles (comme les protéines de la coagulation), et par le rein et le foie pour la synthèse de glucose pour les tissus qui en dépendent (leucocytes, érythrocytes). Comme les tissus (par exemple le cerveau) sont capables d’utiliser des corps cétoniques à la place du glucose, la libération d’acides aminés depuis le muscle se ralentit et la masse maigre est préservée. Toutes ces adaptations métaboliques sont réversibles par simple apport de nourriture. Immunité Les réponses inflammatoires sévères induisent également une pléiade de modifications métaboliques qui accélèrent la lipolyse et le catabolisme musculaire, produisant des déchets qui ne peuvent s’expliquer par la seule diminution de prise alimentaire (Tableau 6). A la différence d’une simple privation 490 TABLEAU 6 - DIFFÉRENCES MÉTABOLIQUES ENTRE LA SIMPLE PRIVATION ALIMENTAIRE ET LA CACHEXIE Paramètres Privation alimentaire Poids corporel – Inflammation/Cachexie ou pas de changement Masse grasse Les cytokines inflammatoires, en particulier l’ IL-6, le TNF-a, et l’IL-1 sont en grande partie responsables des ces perturbations, par l’intermédiaire d’effets locaux sur le site de l’inflammation, mais également via leurs effets endocriniens (IL-6). Par exemple, lors d’infection sévère le TNF-a circulant participe à l’accélération de la lipolyse : en activant le système ubiquitine-protéosome, ce facteur est largement responsable du catabolisme musculaire exagéré qui accompagne la cachexie (Camps et coll, 2006). Au-delà de la perte générale de masse maigre, le métabolisme particulier des acides aminés peut aussi être perturbé. Chez des chats infectés par le virus FIV, comme chez l’homme touché par le virus HIV, l’IFN-g produit en réponse à l’infection accélère le catabolisme du tryptophane, ce qui aboutit à une chute de sa concentration sérique (Kenny et coll, 2007). Les conséquences exactes de cette réponse métabolique sont encore mal connues, mais pose la question de l’intérêt thérapeutique potentiel d’une supplémentation avec des dérivés du tryptophane, comme la niacine ou la mélatonine, pour les chats FIV. Besoin énergétique au repos ou pas de changement Besoin en énergie métabolique Synthèse protéique ou Dégradation protéique 5 - Impact des réponses immunitaires sur le statut nutritionnel de nourriture, lors de cachexie, l’alimentation assistée ne permet pas de freiner la perte de masse maigre, seule la masse grasse augmente. La cachexie est observée lors de septicémie, de maladies inflammatoires non septiques, de cancer ou d’insuffisance cardiaque. La cachexie est la cause de 30 à 80 % des décès liées au cancer chez l’homme (insuffisance diaphragmatique, œdème, immunosuppression) (Kotler, 2000). Insuline sérique Cortisol sérique Pas de changement Glucose sérique Pas de changement Lipides sériques VLDL, acides gras corps cétoniques VLDL, acides gras corps cétoniques Au cours des maladies inflammatoires, la sécrétion post-prandiale d’insuline augmente excessivement mais la plupart des cellules (surtout les cellules hépatiques) sont résistantes à cet effet. Cette résistance empêche l’utilisation du précieux glucose, qui est ainsi préservé pour les tissus essentiels (cerveau, érythrocytes, leucocytes). L’augmentation massive du cortisol entraîne une importante lipolyse et protéolyse, ce qui augmente l’apport d’acides gras libres et d’acides aminés au foie, mais aggrave considérablement la fonte musculaire et la consommation des protéines tissulaires. Puisque le foie est résistant à l’insuline, l’alimentation assistée ne l’empêche pas de continuer à produire du glucose, d’où un risque d’hyperglycémie (Andersen et coll, 2004). Risques liés à la suralimentation et à l’hyperglycémie > Hyperglycémie : plus qu’un chiffre ? Toute maladie aiguë grave peut provoquer : - une hyperglycémie - une insulinorésistance - une augmentation de la production de glucose hépatique. Cela s’appelle le “diabète de stress”. Cette insulinorésistance et cette hyperglycémie étaient autrefois considérées comme des réponses adaptatives tendant à encourager la captation du glucose par les tissus essentiels plutôt que par les muscles. Une hyperglycémie modérée était donc tolérée par les vétérinaires et les médecins. 491 Immunité En 2001, une étude portant sur 1548 patients humains en soins intensifs est réalisée afin de déterminer si un contrôle sévère du glucose sanguin est bénéfique en cas de maladie sévère (van den Berghe et coll, 2001). Le glucose sanguin est maintenu à moins de 6 mmol/L (110 mg/dL) au moyen d’une insulinothérapie soutenue. Étonnamment, la mortalité des patients chute de 43 %, et de 10,6 % dans le cas de patients longtemps hospitalisés. De plus, d’autres conséquences positives sont constatées : 5 - Impact des réponses immunitaires sur le statut nutritionnel FIGURE 10 - EFFETS MÉTABOLIQUES DE L’INSULINE SUR LA CELLULE Insuline Glut-4 (Glucose) Expression des transporteurs de glucose Prolifération cellulaire Anti-apoptose Signaux de croissance cellulaire Expression inhibée par : IL-1 IL-6 TNF-a Synthèse protéique Synthèse de glycogène Inhibition de la lipolyse Signaux métaboliques - diminution de la durée de l’hospitalisation - moins d’infections nosocomiales - moins de cas d’insuffisance rénale aiguë - moins d’anémie - moins de cas d’insuffisance hépatique - moins de dysfonctionnement multiorganique - moins de faiblesse musculaire. Bien qu’aucune étude similaire n’a été réalisée chez le chat, “une hyperglycémie de stress” est communément observée chez les chats gravement malades. Ce phénomène est également présent chez le chien en situation critique : la présence d’une hyperglycémie à l’admission de l’animal est corrélée avec une durée plus longue d’hospitalisation et les infections sont aussi plus fréquentes chez les chiens hyperglycémiques que chez les individus normoglycémiques (Torre et coll, 2007). La même étude montre que les chiens qui décèdent pendant l’hospitalisation présentent une glycémie moyenne plus élevée que les chiens qui survivent. > Le glucose est-il toxique ? L’hyperglycémie n’est normalement pas toxique sur le court terme. Normalement, les cellules sont relativement protégées de l’hyperglycémie par une régulation Dans les états inflammatoires généralisés, les cytokines diminuent l’expression à la baisse des transporteurs du glucose. Cependant, du substrat au récepteur insulinique-1 (IRS-1), ce qui empêche l’expression du bien que l’insuline sécrétée dans les états inflammatransporteur du glucose (GLUT-4) et produit une insulinorésistance périphérique. Cependant, d’autres voies de signalisation qui stimulent la prolifération cellulaire toires n’entraîne pas de diminution du glucose sanguin, et inhibent l’apoptose existent. L’hyperinsulinémie persistante en réponse à il conduit à d’autres signaux au sein des cellules (Figul’hyperglycémie conduit à des signaux exagérés et à un dysfonctionnement cellulaire. re 10). L’hyperglycémie stimule donc la sécrétion continue d’insuline, qui a pour effet d’encourager de nombreux types de cellules à entreprendre des modifications métaboliques usuelles en période post-prandiale, mais inappropriées en cas de maladie. Ces altérations ont été confirmées lors de septicémie chez le chien. TABLEAU 7 - RECOMMANDATIONS ALIMENTAIRES LORS DE MALADIE INFLAMMATOIRE SÉVÈRE Immunité • Ne pas apporter plus que le besoin énergétique de repos (BER) sauf si une perte de poids est observée > MAIS s’assurer que la quantité d’énergie fournie est ingérée. • Surveiller l’hyperglycémie et l’hyperlipidémie. > Si elles sont identifiées, diminuer les apports nutritionnels mais continuer la nutrition entérale. • Apporter un aliment riche en protéines et en matières grasses > mais prendre en compte la possibilité d’une malabsorption des lipides. • Commencer à 25 % du BER pendant les 24 premières heures > puis passer progressivement à 50 %, 75 % et enfin 100 %. • Pesée quotidienne. 492 De plus, bien qu’une insulinorésistance relative existe, un peu de glucose entre quand même dans quelques cellules, entraînant un excès de glucose dans les cellules neuronales, endothéliales, alvéolaires, ainsi que dans les cellules des muscles lisses vasculaires et des tubules rénaux. Cette association entre des signaux insuliniques exagérés et l’excès de glucose induit de nombreux risques pathologiques : - insuffisance rénale aiguë - hémolyse accrue et anémie - polyneuropathie, œdème cérébral, dépression, convulsions - immunosuppression, diminution de la phagocytose et de la cytotoxicité - septicémie - augmentation de la perméabilité vasculaire, diminution de la capacité de réponse, activation de la coagulation et coagulation intravasculaire disséminée. > Recommandations nutritionnelles en cas de maladie inflammatoire grave Un apport glucidique excessif exacerbe l’hyperglycémie et augmente la morbidité, alors qu’un apport excessif de matières grasses alourdit la charge hépatique et favorise le développement d’une lipidose et d’un dysfonctionnement hépatique. Les recommandations nutritionnelles en cas de maladies inflammatoires graves sont présentées dans le Tableau 7. Bases immunologiques de la tolérance orale Les antigènes alimentaires étrangers interagissent avec le système immunitaire intestinal afin d’empêcher des réactions immunitaires inutiles, voire nuisibles. En conséquence, l’immunité systémique ne réagit pas lors du passage de ce même antigène dans la circulation générale. Cette absence de réactivité vis-à-vis d’antigènes absorbés par voie orale est appelée la tolérance orale. Elle est générée d’une manière active, spécifiquement vis-à-vis d’un antigène donné, et implique l’induction d’une réponse immunitaire atypique. Les plaques de Peyer sont les zones primaires d’induction du système immunitaire intestinal. De manière non spécifique ou par l’intermédiaire de récepteurs, les cellules M présentes dans l’épithélium à la surface des follicules lymphoïdes capturent des antigènes insolubles, particulaires, ainsi que des microorganismes entiers (Brandtzaeg, 2001). Les antigènes et les organismes sont ensuite transportés vers les leucocytes présents dans les invaginations de la membrane basale, représentés par les cellules B, les macrophages et les cellules dendritiques. Dans l’intestin normal, les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) sont dépourvues de molécules de costimulation comme le CD80 et le CD86. Les antigènes transformés par ces CPA “non activées” sont ensuite présentés aux cellules B et T naïves du follicule, qui ne prolifèrent ensuite que faiblement. Ces phénomènes surviennent dans un microenvironnement local différent de celui des autres zones de l’organisme ; il en résulte l’induction de cellules hyporéactives T, de type Th2 ou Th3 (Kellermann et McEvoy, 2001). Les cellules activées progressent par le système lymphatique et arrivent dans la circulation générale après passage préalable par les nœuds lymphatiques mésentériques. Elles se fixent ensuite sur les muqueuses à l’aide des molécules d’adhésion cellulaire (CAMs) exprimées spécifiquement par les veinules endothéliales des tissus muqueux. Les lymphocytes B et T activés s’intègrent ainsi dans la lamina propria et attendent ainsi une deuxième rencontre avec leur antigène spécifique (Figure 11). FIGURE 11 - ACTIVATION ET DEVENIR DES LYMPHOCYTES INTESTINAUX 6 - Réponse immunitaire aux antigènes alimentaires 6 - Réponse immunitaire aux antigènes alimentaires (tolérance orale) Micro-organismes + antigènes particulaires CD 4+ tolérante Cellule M IgA sécrétoire Cellule dendritique Plaque de Peyer TGF-b IL-10 MAd-CAM-1 Nœud lymphatique mésentérique Voies lymphatiques efférentes Circulation systémique Apoptose (délétion) Molécule d’adhésion aeb7 Cellule T régulatrice CD 25+ Anergie Les plaques de Peyer sont les sites primaires d’induction des réponses immunitaires vis-à-vis des antigènes luminaux. Les cellules dendritiques des plaques de Peyer ou des nœuds lymphatiques mésentériques n’expriment normalement pas les molécules de costimulation (comme CD80 ou CD86) et induisent chez les cellules T : apoptose, anergie ou fonction suppressive. Les lymphocytes activés dans la muqueuse expriment une molécule d’adhésion unique (aeb7) qui se lie à MadCAM-1 exprimé par les veinules dans les muqueuses. Les lymphocytes activés au sein des muqueuses circulent puis deviennent des cellules effectrices dans ces tissus. 493 Immunité Les cellules activées sont capables de secréter des cytokines, mais la différenciation complète en cellules T effectrices ou en plasmocytes peut ne pas avoir lieu sans une deuxième exposition. Pour que ces deux types de cellules puissent être réexposés à des antigènes, des antigènes intacts doivent atteindre la lamina propria. Les cellules intestinales épithéliales sont responsables de l’absorption des antigènes, de leur libération 6 - Réponse immunitaire aux antigènes alimentaires FIGURE 12 - CONCEPT DE TOLÉRANCE AUX ANTIGÈNES LUMINAUX Tolérance d’un antigène Présentation classique d’un antigène Délétion par apoptose CMH-II CD4 Pas de réponse (anergie) CD28 CD80/86 CD28 IL-2 CMH-II CD4 Prolifération Th1 CD25+ IFN- g IL-4 IL-5 TGF-b IL-10 Th2 > Production d’IgA > Immuno-suppression > Effet anti-inflammatoire > Activation des cellules T A : Dans l’intestin, les cellules dendritiques n’expriment pas franchement les molécules de costimulation comme le CD80 ou le CD86. La présentation antigénique conduit à la tolérance à l’antigène par un phénomène de délétion, d’anergie ou d’induction des effets régulateurs ou suppresseurs du lymphocyte T. B : Lors de la présentation antigénique classique, les molécules de costimulation s’expriment et entraînent l’activation des lymphocytes T en Th1 ou Th2. vers les CPAs professionnelles, et d’une présentation limitée aux cellules CMH de classe II dans la muqueuse. Dans l’intestin normal, ces cellules CPAs secondaires, comme leurs prédécesseurs, sont dépourvues de molécule de costimulation, ce qui contribue à un environnement tolérogène. Les clones de cellules T effecteurs résidant dans l’intestin normal produisent des cytokines Th2 et Th3, en particulier IL-10 et TGF-b, qui orientent les cellules B vers la synthèse de plasmocytes sécrétrices d’IgA, tout en inhibant le développement de lymphocytes Th1 et la production d’IgG. Il est important que le système immunitaire se réserve la possibilité de réagir rapidement à des agents pathogènes. Cette capacité à reconnaître la pathogénicité est basée sur la production de “signaux de danger” par les récepteurs PAMPs, comme les TLRs. L’expression des TLR2 et des TLR4 est faible à non-existante dans les cellules de la muqueuse de l’intestin normal de l’homme mais peuvent être rapidement produites en réponse à des cytokines inflammatoires (Abreu et coll, 2001). L’absence de ces “signaux de danger” entraîne une présentation relativement inefficace des antigènes par les CPAs intestinales, une production fortement réduite voire absente de TNF-a/IL-1/IL-12 et l’absence d’expression de la molécule de costimulation CD80/86. Les cellules T activées par de telles CPAs se divisent moins car plus de clones entrent en apoptose, alors que les cellules mémoire survivantes tendent à sécréter IL-10, TGF-b ou aucune cytokine (Jenkins et coll, 2001). Cette association entre apoptose, anomalies de fonctionnement des clones survivants et cellules T secrétant les cytokines anti-inflammatoires orientant vers la production d’IgA constitue la base de la tolérance aux antigènes luminaux (Figure 12). Immunité La tolérance orale repose donc sur un équilibre délicat entre l’induction d’IgA, la délétion des cellules T, l’anergie et l’immunosuppression et la présence de lymphocytes spécifiques d’antigènes capables de répondre à des agents pathogènes invasifs par un changement d’isotype des anticorps vers la production d’IgM, IgE ou IgG, et la production de cytokines inflammatoires comme l’IFN-g, l’IL-12, et l’IL-6. 494 6 - Réponse immunitaire aux antigènes alimentaires Perte de la tolérance aux antigènes alimentaires La perte de la tolérance envers un antigène alimentaire produit une réponse immunitaire conventionnelle mais génératrice d’effets secondaires indésirables comme une inflammation locale ou à d’autres sites anatomiques. Cette réponse est caractérisée par un ou plusieurs des faits suivants : - inflammation locale à médiation cellulaire : le stimulus chronique qui en résulte peut conduire à des infiltrats lymphocytaires intestinaux caractéristiques des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin; - production locale d’anticorps autre que les IgA : la production d’IgE conduit à l’activation des mastocytes et à l’hypersensibilité intestinale, c’est-à-dire à l’allergie alimentaire avec signes gastrointestinaux (vomissement et/ou diarrhée); - la production systémique d’anticorps : les IgE circulants sont à l’origine de la dégranulation des mastocytes dans des sites extra-intestinaux, à l’origine de réactions d’hypersensibilité dermique, c’est-àdire à une allergie alimentaire accompagnée de prurit. Les événements initiateurs qui conduisent à la perte de la tolérance orale, ou qui l’empêchent de se développer, ne sont pas décrits chez le chat, et restent peu compris quelle que soit l’espèce. Les mécanismes suggérés sont les suivants : - augmentation de la perméabilité muqueuse: par exemple suite à une blessure de la muqueuse ou en situation néo-natale - coadministration d’un adjuvant muqueux: qui active et induit un changement de phénotype des cellules intestinales dendritiques, comme les entérotoxines bactériennes - parasitisme : le parasitisme intestinal du chat conduit à une réponse systémique humorale exagérée qui inclut une production d’IgE augmentée (Gilbert et Halliwell 2005) L’importance des infections qui provoquent une réponse immunitaire par le biais des cytokines Th1 est actuellement discutée dans le cadre de la prévention des réactions d’hypersensibilité de type 1 chez l’homme. “L’hypothèse hygiénique” postule que chez l’enfant, un défaut de maturation du SI freinant le passage d’une réponse de type Th-2 à Th-1 pourrait être due à une pression microbienne insuffisante dans les sociétés occidentales (Romagnani, 2004). Selon cette théorie, les infections bactériennes et virales contractées pendant l’enfance encourageraient le système immunitaire à produire une réponse de type Th-1, ce qui réduirait la possibilité de réactions allergiques par l’intermédiaire des Th-2. La diminution de la charge microbienne dans l’environnement serait donc responsable de la persistance de la réponse néonatale de type Th-2 et favoriserait donc les allergies. Le rôle particulier des parasites dans la modulation des réactions allergiques, alimentaires ou non, est débattu depuis un demi-siècle. Plusieurs études assez anciennes faites chez l’homme suggèrent que, comme chez le chat, les individus parasités seraient plus susceptibles de développer des allergies (Warrell et coll, 1975; Carswell et coll, 1977; Kayhan et coll, 1978). En revanche, l’incidence des allergies est très élevée dans les populations occidentales et elle progresse dans les pays en voie de développement. L’élévation des cytokines anti-inflammatoires, comme l’IL-10, qui se produit lors d’infestation helminthique chronique est inversement corrélée avec les allergies. Il a été suggéré que la réponse de l’hôte à la présence du parasite détermine sa prédisposition à développer des maladies allergiques et que l’induction d’une bonne réponse anti-inflammatoire (ex : IL-10) lors de stimulation constante du système immunitaire permet d’expliquer la relation inversement proportionnelle entre beaucoup d’infections et les allergies (Yazdanbakhsh et coll, 2002). Avant d’appliquer l’hypothèse hygiénique au chat, il convient de remettre en perspective le rôle du parasitisme ainsi que d’autres infections et le développement des réactions d’hypersensibilité alimentaire. Puisque dans la majorité des cas, les IgE ne semblent pas impliquées dans les mécanismes immunologiques des réactions alimentaires indésirables, le problème apparaît d’emblée très complexe. Immunogénicité des aliments 495 Immunité Les allergies alimentaires sont étonnamment fréquentes dans l'espèce féline : elles représentent jusqu’à 29 % des cas de troubles digestifs chroniques chez le chat (Guilford et coll, 2001). 6 - Réponse immunitaire aux antigènes alimentaires De plus, les maladies inflammatoires chroniques intestinales sont la cause la plus fréquente de troubles digestifs chroniques du chat; des régimes à base de protéines nouvelles ou de protéines hydrolysées sont souvent efficaces pour le traitement (Nelson et coll, 1984; Guilford et Matz, 2003). Cependant, bien que des mécanismes immunologiques soit suspectés dans un certain nombre de ces réactions, ils ne sont pas confirmés. La réponse immunologique normale vis-à-vis des antigènes alimentaires ingérés chez le chat n’est décrite partiellement que depuis peu (Cave et Marks, 2004). De manière surprenante, les chats développent une réponse conséquente en IgG et IgA sériques contre des protéines alimentaires lorsqu’ils sont nourris par suspensions aqueuses ou avec des aliments humides. Le tube digestif du chat est relativement court, ce qui n’est pas adapté à la consommation d’aliments peu digestibles (Morris, 2002). Il est bien établi que le procédé industriel d’appertisation diminue la digestibilité des protéines et que cela a des effets biologiques significatifs chez le chat (Kim et coll, 1996). Chez les rongeurs et les lapins, l’absorption intestinale des antigènes insolubles et particulaires se fait préférentiellement au niveau des cellules M situées au-dessus des plaques de Peyer (Frey et coll, 1996). Classiquement, de tels antigènes font appel à l’immunité active adaptée aux microorganismes. Chez ces animaux, les antigènes solubles sont associés à la tolérance orale (Wikingsson et Sjoholm, 2002). Il est également montré que la tolérance orale peut être abrogée lorsque des protéines solubles sont mélangées à des émulsions huile-eau, entraînant une réponse systémique humorale forte (Kaneko et coll, 2000). Cet effet peut concerner la fabrication d’aliments industriels pour animaux de compagnie : les interactions entre protéines et lipides pendant la préparation et la cuisson de l’aliment peuvent en effet facilement provoquer des interactions qui n’existaient pas au départ. La réponse intestinale de la poule contraste énormément avec celle des rongeurs, puisque les antigènes particulaires induisent la tolérance, alors que les antigènes solubles provoquent une immunité active (Klipper et coll, 2001). Si la nature physique des protéines alimentaires influence l’évolution du système immunitaire intestinal, ceci peut avoir des implications importantes pour les espèces qui sont nourries avec des aliments différents de ceux de leurs ancêtres. En tant que carnivores stricts, les félins sont adaptés à des régimes hautement digestibles. L’effet de l’appertisation sur l’immunogénicité des protéines alimentaires a été évalué chez le chat (Cave et Marks 2004). À partir de protéines de soja et de caséine, le traitement thermique fait apparaître de nouveaux antigènes absents du produit non chauffé. De plus, un produit de la caséine chauffée induit une réponse en IgA salivaire qui n’est pas provoquée par le produit cru. Le procédé industriel peut donc altérer qualitativement et quantitativement l’immunogénicité des protéines alimentaires. Bien que ces observations ne soit pas encore significatives, l’utilisation de sources protéiques hautement digestibles, ou peut-être même de protéines hydrolysées, est recommandée lors d’entérite. © Y. Lanceau/Royal Canin Immunité Les aliments industriels pour animaux domestiques subissent tous un traitement thermique pendant leur fabrication. Ce traitement thermique engendre un changement de conformation tridimensionnelle des protéines. Ce procédé peut détruire certains antigènes, mais il peut aussi découvrir des sites antigéniques auparavant cachés, ou en créer de nouveaux. A température élevée, des réactions de Maillard peuvent également se produire entre certains acides aminés et des sucres réducteurs : les composés finaux sont appelés mélanoïdines et sont responsables d’une couleur brune. Les mélanoïdines tendent à être moins digestibles, moins solubles et certaines sont plus « allergisantes » que les protéines originales non cuites (Maleki et coll, 2000; 2003). 496 Acide eicosapentaénoïque (EPA) Chimiotactisme réduit des neutrophiles EPA DHA LPS TLR 4 Récepteur des cellules T EPA Vasodilatation et perméabilité réduites LTB5 PGE3 Membrane lipidique 5-LTs PLA2 3-PGs Cox-1 Signal réduit EPA Cox-2 EPA Inhibition de la transcription génétique Facteur de transcription nucléaire NF-kB Facteur de transcription nucléaire PPARs CYTOPLASME NOYAU Les acides gras polyinsaturés peuvent moduler la réponse immunitaire par des mécanismes variés. 7 - Modulation nutritionnelle de l’immunité FIGURE 13 - MÉCANISMES DE MODULATION IMMUNITAIRE PAR LES ACIDES GRAS POLYINSATURÉS 1. Les AGPI n-3 EPA et DHA peuvent directement inhiber les signaux induits par le TLR4/LPS. 2. Les AGPI à 20 carbones, EPA et acide arachidonique, donnent naissance à des eicosanoïdes à actions biologiques différentes. 3. Des anomalies des propriétés physiques des lipides de la membrane cellulaire conduisent à des signaux diminués des récepteurs des cellules T. 4. L’EPA se fixe à la protéine cytosolique PPAR-g, qui diffuse ensuite vers le noyau où elle se lie à des séquences spécifiques et peut inhiber la transcription génique induite par l’activation NF-kB. 7 - Modulation nutritionnelle de l’immunité Acides gras polyinsaturés Les AGPI peuvent moduler les réponses immunitaires par plusieurs mécanismes (Figure 13). > Production d’eicosanoïdes La composition de l’aliment en acides gras polyinsaturés détermine les proportions d’acide arachidonique (ARA), acide gras oméga-6 à 20 carbones, d’acide dihomo-g-linolénique (DGLA), et d’acide eicosapentaénoïque (EPA n-3) dans les membranes cellulaires phospholipidiques des leucocytes et d’autres cellules. Lorsque l’ARA est utilisé comme substrat, les prostaglandines (PGE2), le thromboxane (TXA2) et les leukotriènes de la série 4 (LTB4) sont produits. Les prostaglandines et le thromboxane de la série 3 (PGE3 et TXA3) et les leucotriènes de la série 5 (TLB5 ; Figure 6) sont dérivés de l’EPA. L’EPA et l’ARA sont de substrats concurrents pour la cycloxygénase (COX) et la lipoxygénase (LOX). L’EPA est un substrat moins efficace de la COX, ce qui induit une moindre production de prostaglandines. À l’inverse, l’EPA est le substrat préféré de la LOX, et lorsqu’EPA et ARA sont tous deux disponibles, la production de leucotriènes de la série 5 prédomine. 497 Immunité Utiliser des aliments enrichis en EPA peut diminuer jusqu’à 75 % la production d’eicosanoïdes dérivés de l’ARA. La conversion de l’acide alpha-linolénique à 18 carbones (a-LA) en EPA n’est pas significative chez le chat. Enrichir un aliment en a-LA n’aura donc que peu d’effets sur l’immunité des chats. 7 - Modulation nutritionnelle de l’immunité Le thromboxane TXA3 issu de l’EPA est un aggrégant plaquettaire et un vasoconstricteur beaucoup moins puissant que le TXA2. À l’inverse, l’efficacité des prostacyclines PGI2 et PGI3 au niveau de la vasodilatation et de l’inhibition de l’aggrégation plaquettaire sont similaires. Les régimes enrichis en AGPI oméga-3 sont donc favorables à la réduction des thromboses et à l’amélioration de la microcirculation sur les sites d’activation endothéliale. Le leucotriène LTB5 dérivé de l’EPA est un vasoconstricteur et un chimio-attractant pour les neutrophiles beaucoup moins puissant que le LTB4 issu de l’ARA. De la même manière, la PGE3 est biologiquement moins active que la PGE2 ; elle stimule moins la fièvre, l’augmentation de la perméabilité vasculaire et la vasodilatation. Cependant, les PGE2 et PGE3 ont une efficacité semblable en ce qui concerne la diminution de la production de cytokines Th1 et le passage d’une réponse Th1 à une réponse Th2 pour les lymphocytes humains (Dooper et coll, 2002). Un aliment enrichi en EPA entraîne donc la production d’eicosanoïdes qui sont aussi bien antagonistes qu’équivalents à ceux dérivés de l’ARA. L’effet global des AGPI sur l’immunité n’est pas simplement lié à une efficacité réduite des eicosanoïdes dérivés de l’EPA. Les effets et les mécanismes de la modulation des eicosanoïdes par les lipides alimentaires sont complexes, et encore très peu décrits chez le chat, bien que l’on accorde une certaine valeur à la théorie selon laquelle les régimes enrichis en AGPI oméga-3 ont un effet anti-inflammatoire comparés aux régimes enrichis en AGPI oméga-6. Il faut aussi déterminer si les altérations de la production d’eicosanoïdes sont significatives dans la modulation de l’immunité par les AGPI oméga-3; il se peut que d’autres mécanismes soient autant, voire plus importants. > Transcription génique Les AGPI peuvent perturber directement la transcription génique en interagissant avec les récepteurs nucléaires. Les peroxisome proliferator activated receptors (PPARs) constituent une famille de protéines cytosoliques qui, une fois liée au bon ligand, diffusent dans le noyau et renforcent ou inhibent la transcription génique. Les PPARs sont présents sur les macrophages, les cellules T et B, les cellules dendritiques, les cellules endothéliales et d’autres types cellulaires (Glass et Ogawa, 2006). L’EPA et le DHA sont tous les deux des ligands pour le PPAR-a, le PPAR-g et le PPAR-d (Kliewer et coll, 1997). Les agonistes du PPAR-a inhibent la production de TNF-a, IL-6 et IL-1, ainsi que la production d’iNOS, de la matrix métalloprotéase-9 et de l’expression du récepteur scavenger par les macrophages activés (Kostadinova et coll, 2005). Dans les lymphocytes T, les agonistes du PPAR-a inhibent la production d’IL-2 et indirectement, diminuent donc la prolifération lymphocytaire (Glass et Ogawa, 2006). FIGURE 14 - STRUCTURE MEMBRANAIRE Les AGPI oméga-3 à chaîne longue diminuent l’expression de la COX-2, la LOX-5 et la protéine activant la LOX-5 dans les chondrocytes. Donc, les AGPI perturbent la synthèse d’eicosanoïdes au niveau de l’expression génique, et également en apportant les substrats par lesquels ils sont produits. > Structure membranaire (Figure 14) L’incorporation de l’EPA à la place de l’ARA dans les membranes phospholipidiques perturbe les propriétés physiques et structurales des membranes cellulaires des lymphocytes. En particulier, l’assemblage des lipides, au sein desquels la plupart des récepteurs cellulaires sont situés, est perturbé. In vitro, les signaux de transduction des récepteurs des cellules T sont diminués, ce qui freine donc l’activation des lymphocytes T (Geyeregger et coll, 2005). > Inhibition du signal LPS Immunité La structure de base des membranes biologiques est toujours la même : il s’agit d’une bi-couche lipidique composée de deux feuillets accolés. L’épaisseur totale est de 6 à 10 nm. 498 Les animaux qui reçoivent une alimentation enrichie en EPA et/ou DHA produisent des quantités réduites de cytokines inflammatoires. Leur morbidité et mortalité est diminuée lors des tests de provocation avec des germes gram négatif ou des lipopolysaccharides. De plus, les émulsions lipidiques administrées aux patients humains atteints de septicémie entraînent des réponses inflammatoires systémiques diminuées suite à la diminution de la production de TNF-a, IL-1, IL-6, et IL-8 par les macrophages stimulés par le LPS (Mayer et coll, 2003). 7 - Modulation nutritionnelle de l’immunité Le DHA et l’EPA inhibent la régulation à la hausse des molécules de costimulation agonistes du TLR4 et induites par le LPS, le CMH de classe II, l’induction de la COX-2 et la production de cytokines par une suppression de l’activation de NF-kB. À l’inverse, l’expression de la COX-2 par les agonistes du TLR2 et du TLR4 est augmentée par les acides gras saturés et l’acide laurique (Lee et coll, 2004; Weatherill et coll, 2005). > Teneur alimentaire en AGPI, supplémentation A la complexité de la production des eicosanoïdes et de leurs effets s’ajoute la complexité des interactions entre les acides gras d’origine alimentaire et le métabolisme. La prédiction des effets d’un régime donné doit prendre en compte l’ensemble des éléments suivants : - le contenu total en matières grasses du régime - les proportions relatives des acides gras à 18 carbones oméga-3 et oméga-6 (ALA, GLA et LA) - les proportions relatives des acides gras à 20 carbones oméga-3 et oméga-6 (ARA, DGLA et EPA) - les quantités absolues de tous les acides gras oméga-3 et oméga-6 individuellement - l’historique alimentaire de l’animal - la durée de l’exposition à l’aliment en question. Réduire la description du contenu en matières grasses d’un régime à son seul ratio oméga-3/oméga-6 ne fournit que des informations limitées et potentiellement erronnées. De plus, la supplémentation d’un aliment avec une source d’acides gras oméga-3 (comme l’huile de poisson) aura des effets très variés dépendant de la nature du régime de base et de l’animal. La plupart des aliments industriels ont des concentrations élevées en acide linoléique et l’addition d’une petite quantité d’acides gras oméga-3 n’aura que peu d’influence. > Recommandations Il n’existe pas assez de données permettant de faire des recommandations précises sur l’utilisation des AGPI alimentaires dans la gestion des maladies chez le chat. En utilisant un contenu en matières grasses de 70 g/kg de MS environ, Saker et coll. montrent qu’un ratio oméga-6 : oméga-3 de 1,3:1 (en utilisant de l’huile de maïs, de la graisse animale et de l’huile de hareng) diminue l’aggrégation plaquettaire (Saker et coll, 1998). Une telle valeur donne une estimation très approximative des proportions requises pour moduler la production d’eicosanoïdes car les concentrations d’EPA et d’ARA n’ont pas été mesurées. De plus, les concentrations alimentaires requises pour obtenir les autres effets des AGPI oméga3 ne sont pas connues. Génistéine La génistéine est un composé isoflavonique présent principalement dans les plantes de la famille des légumineuses comme le soja, le trèfle et la luzerne (Dixon et Ferreira, 2002). La génistéine a une structure semblable à celle du 17 b-estradiol, comme décrit dans la Figure 15. FIGURE 15 - STRUCTURE DE LA GÉNISTÉINE ET DU 17 b-ŒSTRADIOL Génistéine : In vivo, la génistéine a un rôle phytoestrogénique : elle augmente le poids utérin et le développement de la glande mammaire, elle stimule la sécrétion de prolactine chez les rattes ovariectomisées et elle fonctionne comme une hormone estrogénique dans certaines lignées cellulaires estrogène-dépendantes (Santell et coll, 1997; Morito et coll, 2001). Cependant, à cause de la complexité de la signalétique des estrogènes selon les tissus, les cellules et peut-être même selon le moment, la génistéine peut être active, inactive ou avoir une activité anti-estrogénique (Diel et coll, 2001). > Inhibition de la tyrosine kinase et de la topoisomérase II Œstradiol : 499 Immunité En plus de son activité estrogénique, la génistéine inhibe les tyrosine kinases en se fixant de manière compétitive à leur site ATP de fixation et forme des complexes enzyme-substrat non productifs (Akiyama et coll, 1987). L’inhibition des tyrosine kinases inhibe à son tour de nombreuses cascades de signaux leucocytaires impliqués dans l’activation et la prolifération lymphocytaires, l’activation des neutrophiles et la production de superoxydes, la phagocytose bactérienne par les macrophages, les réponses anticorps, et les réponses d’hypersensibilité retardée (Trevillyan et coll, 1990; Atluru et coll, 1991; Atlu- 7 - Modulation nutritionnelle de l’immunité ru et Atluru, 1991; Atluru and Gudapaty, 1993; Yellayi et coll, 2002; 2003). La génistéine inhibe également la topoisomérase II, entraînant une rupture dans la double chaîne d’ADN; elle a aussi été retenue comme agent de chimiothérapie lors de cancer et comme un inhibiteur de la prolifération lymphocytaire (Markovits et coll, 1989; Salti et coll, 2000). > La génistéine dans l’alimentation du chat Les produits à base de soja sont fréquents dans les aliments industriels pour chats; le soja fournit une source de protéines, de fibres et d’huiles polyinsaturées. Plusieurs aliments industriels contiennent donc des concentrations de génistéine suffisantes pour perturber les réponses immunitaires du chat. Le contenu en isoflavones de plusieurs aliments pour chats a été calculé et les concentrations obtenues indiquent qu’un chat pourrait en ingérer jusqu’à 8,13 mg/kg (Court et Freeman, 2002; Bell et coll, 2006). Il a été montré qu’une dose orale de génistéine diminue les cellules CD8 + circulantes, augmente l’explosion oxydative des neutrophiliques et diminue les réponses d’hypersensibilité retardée. Les effets inattendus de la génistéine suggèrent que les effets de la génistéine sur l’immunité ne sont pas forcément extrapolables d’une espèce à l’autre. Caroténoïdes FIGURE Les chats sont capables d’absorber des caroténoïdes alimentaires comme le b-carotène et la lutéine (Figure 16). Des quantités significatives de ces deux composés sont incorporées dans les membranes des organites cellulaires, particulièrement celles des mitochondries, ou des lymphocytes (Chew et coll, 2000; Chew et Park, 2004). Leur efficacité à absorber et stabiliser les radicaux libres (Figure 17), ainsi que leur capacité à se localiser dans les mitochondries, en font des antioxydants cellulaires de choix contre les oxydants endogènes. Leur localisation dans les membranes des organites les rend particu16 - STRUCTURE DE LA LUTÉINE lièrement aptes à protéger les protéines mitochondriales, les lipides membranaires et l’ADN. De plus, puisque le NF-kB peut être activé dans les leucocytes en réponse à un stress oxydatif, les antioxydants qui se concentrent dans les leucocytes pourraient réduire l’activation du NF-kB. Il faut alors se demander si de tels effets pourraient être d’ordre anti-inflammatoire, voire même immunosuppresb-carotène seur, ou si la simple protection antioxydante de la cellule renforce l’immunité. FIGURE 17 - SITES D’ACTION DE LA LUTÉINE Noyau Membrane cellulaire La lutéine stabilise la membrane cellulaire Immunité Radicaux libres 500 Dans la plupart des études réalisées jusqu’ici, la supplémentation d’un aliment avec des caroténoïdes avec ou sans activité vitaminique A (b-carotène versus lutéine) produit des réponses immunitaires augmentées dans plusieurs tests différents (Chew et Park 2004). L’incorporation de lutéine dans l’alimentation des chats affecte significativement les réponses immunitaires (Kim et coll, 2000). L’hypersensibilité retardée à un vaccin administré par voie intradermique est augmentée, tout comme la prolifération lymphocytaire in vitro qui suit l’activation. Enfin, la production d’IgG totales après vaccination est augmentée suite à un traitement par la lutéine (Kim et coll, 2000). Globalement, les caroténoïdes semblent renforcer l’immunité indépendamment de leur activité vitaminique A, sans que l’on sache si cet effet est isolé, ou partiellement lié à leur pouvoir antioxydant. L’arginine est un acide aminé indispensable pour les chats car ils sont incapables d’en synthétiser des quantités suffisantes. Cependant, audelà de son rôle essentiel dans le cycle de l’ornithine, l’arginine est connue depuis longtemps pour renforcer certains aspects de l’immunité. La L-arginine est oxydée en L-citrulline +•NO (monoxyde d’azote) par la NO synthétase (NOS) (Figure 18). La forme inductible dans les leucocytes (iNOS) produit des quantités beaucoup plus importantes de •NO que les formes constitutives endothéliales (eNOS) et nerveuses (nNOS). La production de •NO après induction de iNOS dans un phagocyte activé est surtout limitée par la disponibilité en arginine libre. Toute augmentation de l’arginine disponible augmente donc le •NO produit par n’importe quel stimulus inflammatoire (Eiserich et coll, 1998). Le monoxyde d’azote est un radical libre. Cependant, comparé à d’autres, la molécule est relativement stable dans les conditions physiologiques, ne réagissant qu’avec l’oxygène et ses dérivés, les métaux de transition, et d’autres radicaux libres. Cette faible réactivité, combinée à sa lipophilie, permet à la molécule de diffuser hors de son lieu de synthèse et d’agir en tant que signal intracellulaire, intercellulaire et peut-être même systémique. FIGURE 18 - ORIGINE DU MONOXYDE D’AZOTE (NO) N0 synthétase (NOS) arginine + O2 NO + citrulline Oxygène Azote Carbone Hydrogène 7 - Modulation nutritionnelle de l’immunité Arginine La réaction est catalysée par une enzyme, la NO synthétase (NOS). Il existe trois formes de NOS : • la NOS endothéliale (eNOS) : nécessaire pour le maintien d’un tonus vasculaire normal et en tant que médiateur physiologique • la NOS neuronale (nNOS). L’eNOS et la nNOS sont des formes constitutives toujours présentes mais en faibles quantités. • la NOS inductible (iNOS) dont l’activité dépend des stimulations par divers médiateurs inflammatoires, notamment les cytokines, le Tumor Necrosis Factor (TNF) et l’interleukine 1 (IL-1), et aussi par les radicaux libres. Le monoxyde d’azote est nécessaire à la maturation de l’épithélium intestinal. Il est peut être le principal neurotransmetteur inhibant la motilité intestinale et il est essentiel au maintien d’un flux sanguin muqueux normal. De plus, •NO inhibe l’expression des molécules d’adhésion cellulaire, limitant l’entrée inutile des leucocytes dans les tissus muqueux principalement. Le monoxyde d’azote inhibe la prolifération des cellules T, diminue l’activation du NF-kB et induit une réponse locale tournée vers le type Th2. Cependant, contrastant avec le fait que le •NO inhibe le NF-kB, facteur clé de la transcription pro-inflammatoire, quelques études suggèrent que l’inhibition par le iNOS peut augmenter la production de cytokines pro-inflammatoires. Comme précédemment mentionné, le •NO réagit relativement peu avec d’autres molécules. Cependant, il peut interagir avec l’ion superoxyde (O2•–) pour former le péroxynitrite (ONOO–) mais dont la diffusion est limitée. Oxydant puissant, le péroxynitrite n’est pas un radical libre; il est responsable d’une large gamme d’effets toxiques allant de la péroxydation lipidique, jusqu’à l’inactivation des enzymes et des canaux ioniques, en passant par l’oxydation et la méthylation des protéines, la lésion de l’ADN et l’inhibition de l’oxydation mitochondriale (Virag et coll, 2003). L’effet oxydant de ONOO – sur les cellules dépend de sa concentration : l’effet toxique d’une faible concentration est masqué par le renouvellement des protéines et des lipides et la réparation de l’ADN, alors qu’une forte concentration en ONOO– conduit à l’apoptose, voire à la nécrose cellulaire. Puisque le •NO et l’O2•– sont tous deux produits aux sites d’inflammation, il est raisonnable de penser que ONOO– est impliqué dans de nombreux mécanismes pathogènes. Les effets conjugués de O2•– et de NO devrait conduire à des effets pathogènes lorsque les deux molécules coexistent dans la même cellule. Dans ce contexte, le fait que iNOS soit capable de générer O2•– lorsque l’arginine n’est pas disponible est à considérer. Ceci est observé dans les macrophages : quand l’arginine est peu disponible, des quantités significatives de O2•– et de NO sont produites simultanément, suivie immédiatement de la formation intracellulaire de ONOO – (Xia et Zweier, 1997). 501 Immunité Le nombre important d’études contradictoires évaluant le rôle de •NO dans les maladies inflammatoires a entraîné une bipolarisation des opinions entre ceux qui soutiennent que le •NO est un protecteur et ceux qui lui confèrent un rôle pathogène. Les deux approches sont pourtant probablement 7 - Modulation nutritionnelle de l’immunité FIGURE 19 - INTÉRÊT D’UNE SUPPLÉMENTATION EN L-LYSINE LORS D’INFECTION PAR LE VIRUS HERPÈS FÉLIN correctes. Le devenir d’une molécule de •NO est déterminé par de multiples variables qui orientent son rôle ultérieur : - le site de production - le moment où la molécule est produite au cours de la maladie - la quantité de •NO produite - le statut oxydo-réducteur de l’environnement - la chronicité de la maladie. Globalement, il apparaît qu’une supplémentation en arginine, par voie parentérale ou orale, renforce la réponse immunitaire des individus ayant subi des traumatismes, une intervention chirurgicale, la malnutrition ou une infection. Cette action serait liée à sa capacité d’augmenter la production de •NO par iNOS dans les neutrophiles et les macrophages. Figure 19A - Réplication normale du virus herpès félin en présence d’arginine Arginine L-Lysine Herpès virus Figure 19B - Inhibition de la réplication virale lorsque la L-lysine entre en compétition avec l’arginine pour son entrée dans les cellules Cependant, dans les cas de septicémie sévère (comme une infection accompagnée d’une réponse inflammatoire générale) l’augmentation de la production de •NO peut être nuisible à cause de son effet ino- et chronotrope négatif, sa capacité à inhiber la coagulation et sa puissante action vasodilatatrice sur les veines et les artères (Suchner et coll, 2002). La plupart des préparations entérales félines contiennent 1,5 à 2 fois la quantité d’arginine nécessaire à la Au-delà d’un seuil critique, croissance. Cependant, lors de soins intensifs, la supl’addition de L-lysine tend à inhiber plémentation des régimes en arginine est fréquemla réplication du virus herpès félin ment recommandée et très pratiquée en médecine in vivo et in vitro. humaine pour renforcer le système immunitaire. Bien que des améliorations cliniques soient rapportées dans certaines études, il arrive que l’état de certains patients en stade critique souffrant d’inflammation systémique, de septicémie ou d’insuffisance organique se détériore lors de supplémentation en arginine (Stechmiller et coll, 2004). L’enrichissement des protéines alimentaires en arginine peut donc s’avérer soit bénéfique, soit néfaste. Lysine Comme indiqué dans la Figure 2, l’aliment ingéré par l’hôte peut directement perturber l’agent pathogène. L’interaction entre la lysine et le virus herpès en est un exemple, même s’il ne s’agit pas d’une lien direct entre le régime et l’immunité (Figure 19). Immunité Le génome du virus herpès félin (FHV-1) est semblable aux génomes d’autres virus herpès-alpha et plusieurs protéines virales différentes sont décrites (Mijnes et coll, 1996). Les 20 principaux acides aminés sont utilisés, dont la L-lysine (Pellett et coll, 1985). Cependant, lorsque le virus herpès est cultivé in vitro, il n’est pas nécessaire d’ajouter de la lysine dans le milieu de culture car le pool d’acides aminés libres intracellulaires fournit le peu de lysine nécessaire à la réplication virale (Maggs et coll, 2000). En revanche, l’absence d’arginine ou d’histidine dans le milieu inhibe profondément la réplication virale, plus que dans le cas d’autres acides aminés (Tankersley, 1964). L’addition de lysine au milieu de culture inhibe en fait la réplication virale, mais le seuil critique auquel la réplication est inhibée n’est pas clairement déterminé. Tankersley (1964) montre que la réplication normale survient à 70 µg/mL, mais une profonde inhibition survient à 180 kg/mL. Il est important de noter que, lorsque les chats reçoivent un aliment contenant la quantité de lysine considérée comme adéquate par le National Research Council (NRC) 2006 pour une chatte gestante (soit 1,1 % dans un aliment sec à 4000 kcal/kg), alors la concentration plasmatique de lysine est de 14 ± 2,2 µg/mL (Fascetti et coll, 2004). 502 8 - Influence du mode d’alimentation Il a été suggéré qu’in vitro, la lysine entre en compétition avec l’arginine pour entrer dans les cellules (Figure 19); in vivo cette compétition est renforcée par l’induction de la synthèse de l’arginase rénale et hépatique. Cependant, Fascetti et coll. montrent que même une importante concentration alimentaire de lysine n’affecte pas la concentration plasmatique en arginine des chats jusqu’à une période de 2 semaines (Fascetti et coll, 2004). - Lorsque 500 mg de monochloride de L-lysine sont administrés deux fois par jour à des chats, 6 heures avant l’inoculation avec le FHV-1, la concentration plasmatique moyenne est de 97 µg/mL. Les signes cliniques associés à une infection aiguë par le FHV-1 sont réduits, mais sans diminution de la charge virale (Stiles et coll, 2002). - Une dose quotidienne de 400 mg administré à des chats en infection latente produit un pic moyen de concentration plasmatique de 65 µg/mL et une diminution de la charge virale, mais n’a pas d’effet significatif sur les signes cliniques (Maggs et coll, 2003). - Enfin, un régime contenant 5,1 % de lysine (dans un aliment apportant environ 4000 kcal/kg) est associé à une concentration plasmatique de 44 µg/mL chez les chats qui le consomment. Administré à des groupes de chats infectés de manière latente et spontanée et ayant récemment souffert d’une maladie des voies respiratoires supérieures, aucun effet n’est observé sur les signes cliniques ou la charge virale (Maggs et coll, 2007). Un groupe (celui des chats mâles) recevant le régime supplémenté en lysine a même présenté des signes cliniques plus graves que les autres, supplémentés ou non, et une augmentation de la charge virale. Cette observation est probablement plus liée au stress ou à un autre agent pathogène (Mycoplasma felis, Bordetella bronchiseptica) qu’à un effet du régime, mais influence les résultats de cette étude. L’efficacité du traitement de l’infection par la L-lysine du virus herpétique félin doit être approfondi chez des chats souffrant d’une affection des voies respiratoires supérieures. Jusqu’ici, la supplémentation par la lysine n’a pas montré d’effet toxique. Expérimentalement, un aliment contenant 13 % de lysine (dans un aliment apportant environ 4000 kcal/kg) entraîne une consommation alimentaire plus faible par les chats, mais ce taux dépasse largement le niveau habituellement rencontré dans les aliments industriels (Fascetti et coll, 2004). 8 - Influence du mode d’alimentation En plus de la composition et de la quantité de l’aliment, sa voie d’administration (entérale ou parentérale) influence l’immunité innée et acquise (Kudsk, 2002). Un défaut de stimulation entérale conduit à une diminution de la production d’IgA intestinales et respiratoires ainsi que de l’immunité antivirale et antibactérienne médiée par les IgA (Renegar et coll, 2001a). La nutrition parentérale est associée à une perméabilité intestinale augmentée et à la migration des bactéries luminales vers les nœuds lymphatiques mésentériques, le foie, et la rate (Kudsk, 2003a). Chez le chat sain, la nutrition parentérale (NP) administrée pendant 2 semaines entraîne l’atrophie et la fusion des villosités de l’intestin grêle et augmente le nombre de cellules inflammatoires (Lippert et coll, 1989). Ces modifications sont réversibles à la reprise de l’alimentation entérale. Un manque de nutriments dans la lumière intestinale entraîne une augmentation de l’expression des molécules d’adhésion cellulaire (CAM), surtout la CAM-1. Un défaut d’alimentation entérale conduit à une infiltration lymphocytaire persistante dans la lamina propria; ce phénomène est réversible dès la reprise de l’alimentation (Ikeda et coll, 2003). De plus, une période de jeûne favorise l’accumulation et l’activation des neutrophiles dans les vaisseaux intestinaux (Kudsk, 2002; 2003b). 503 Immunité En cas d’activation, le nombre accru de neutrophiles adhérents aux microvaisseaux tout le long du tractus intestinal favorise les lésions oxydatives et enzymatiques. Le jeûne ou la nutrition parentérale augmente de manière significative l’expression des CAM-1 dans l’intestin et le foie 3 heures après la reperfusion. Ces mêmes conditions entraînent une diminution d’IL-4 et d’IL-10 corrélées avec la diminution en IgA et l’augmentation en CAM-1. Un défaut d’alimentation entérale perturbe la coordination entre la sensibilisation, la distribution et l’interaction entre les cellules T et B qui sont importantes dans la production des IgA, le maintien des cytokines normales de l’intestin, et la régulation de l’inflammation endothéliale. L’absence de nutriments dans la lumière intestinale est donc assimilée à un Conclusion “premier choc” qui augmente la réponse inflammatoire suite à une provocation secondaire dans le tube digestif, mais également dans les poumons, le foie et potentiellement d’autres organes. C’est lors de lésions graves de la muqueuse intestinale que l’intérêt de l’alimentation par voie entérale sur l’intégrité intestinale est le plus évident. En cas de parvovirose canine, l’alimentation entérale précoce diminue le temps nécessaire pour normaliser le comportement alimentaire et voir disparaître les vomissements et la diarrhée (Mohr et coll, 2003). De même, lors d’entérite induite par le méthotrexate chez le chat, nourrir avec un aliment complexe est préférable au jeûne ou à l’administration d’un aliment purifié pour résoudre les signes cliniques, maintenir l’intégrité de la muqueuse intestinale et minimiser le risque de migration bactérienne (Marks et coll, 1997; 1999). L’immunité intestinale peut avoir une influence négative ou positive sur le développement d’une réaction inflammatoire généralisée suite à un traumatisme sévère, une chirurgie ou une infection. Chez les patients humains traumatisés, la nutrition entérale diminue l’incidence des pneumonies comparée à la nutrition parentérale ou le jeûne. La nutrition entérale augmente la production d’IgA sécrétrices sur tous les sites muqueux. En revanche, le manque de stimulation entérale perturbe de manière significative l’immunité médiée par les IgA, dont celle qui permet d’éliminer des virus des voies respiratoires supérieures (Renegar et coll, 2001b ; Johnson et coll, 2003). Ceci revêt une importance en médecine féline : l’absence de nutrition entérale adéquate peut retarder la résolution d’une infection des voies respiratoires supérieures par le calicivirus ou l’herpès virus. L’absence de nutriments entéraux compromet l’intégrité intestinale: elle s’accompagne d’une augmentation de la migration bactérienne et d’un risque accru de septicémie. Ces changements sont observés lors de jeûne complet ou lors de nutrition parentérale. Le jeûne encourage l’animal à produire une réponse inflammatoire exagérée, quelle que soit la stimulation, et augmente le risque d’infection bactérienne de l’organisme à partir des bactéries intestinales. La nutrition entérale permet de réduire les réponses inflammatoires et d’éviter le risque septicémique. Comparée à la nutrition parentérale, la nutrition entérale est bénéfique chez les patients en phase critique. Chez l’homme, la nutrition entérale diminue le nombre d’épisodes de septicémie sévère ou de choc septique chez les patients n’ayant pas subi de choc septique auparavant. De plus, la durée d’hospitalisation est plus courte comparée à ceux ayant été alimentés par voie parentérale (Radrizzani et coll, 2006). Cet effet est tellement significatif qu’il a conduit certains auteurs à recommander l’abandon de la nutrition parentérale lors de soins intensifs lorsqu’une nutrition entérale peut être administrée, même avec un contenu calorique initial faible. Conclusion La nutrition peut moduler l’immunité en renforçant, supprimant, ou modifiant la nature de la réponse immunitaire. Les nutriments qui influencent le plus l’immunité sont la glutamine, l’arginine, les AGPI, les caroténoïdes et la génistéine. Ces nutriments peuvent intervenir dans le métabolisme énergétique, être des précurseurs de médiateurs, des antioxydants, des modificateurs de la transcription génique ou inhiber certaines fonctions cellulaires. Le caractère bénéfique ou préjudiciable des paramètres nutritionnels dépend du stade de la maladie et de l’individu. Des réponses immunitaires sévères et durables entraînent une cachexie qui ne se résout pas uniquement par l’alimentation. Insulinorésistance et hyperglycémie peuvent être induites par les changements métaboliques associés à une réaction inflammatoire généralisée tandis que l’alimentation forcée peut augmenter la morbidité et la mortalité. Le contrôle strict de la glycémie paraît plus important que de couvrir exactement le besoin énergétique au repos chez les patients en soins intensifs. Pour optimiser l’immunité mucosale et systémique, la nutrition entérale est préférable à la nutrition parentérale. Immunité Un effet immunosuppresseur peut être bénéfique lors de maladie inflammatoire chronique intestinale, d’arthrite et dans les affections auto-immunes. Les cas où un renforcement de l’immunité serait utile sont moins bien connus. En attendant de disposer de plus d’information, le soutien nutritionnel ne doit pas viser l’immunomodulation mais se concentrer d’abord sur la prévention des déficits nutritionnels et éviter la suralimentation. 504 Q R Qu’est-ce-que “l’immunonutrition” ? L’immunonutrition traite de tout aspect de la nutrition qui module l’activité du système immunitaire de quelque manière que ce soit. Cependant, ce terme a été plus fréquemment utilisé pour décrire les interventions nutritionnelles qui tentent d’améliorer l’état clinique des patients en soins intensifs à travers une modulation de leur statut immunitaire. Il existe un régime optimal pour chaque animal et chaque maladie, mais la composition peut varier beaucoup d’un animal à l’autre ou être identique pour des maladies très différentes. L’ambiguïté de ce terme a contribué à simplifier excessivement le rôle de l’alimentation dans les maladies inflammatoires sévères et à proposer une approche réductrice débouchant sur un même régime unique (solutions parentérales supplémentées en glutamine, arginine, et AGPI oméga-3 lors de sepsis par exemple). Que signifie “renforcer l’immunité” ? Toute réponse immunitaire est qualifiée de renforcée lorsqu’elle est amplifiée, exagérée, ou rendue plus efficace. Cependant, renforcer l’immunité ne bénéficie pas toujours à l’animal. Lorsqu’un animal passe d’un état de malnutrition à une alimentation adéquate, sa réponse immunitaire cellulaire se normalise, son système immunitaire redevient normal. En revanche, lors de septicémie sévère où les macrophages et les neutrophiles activés contribuent de manière significative aux lésions des organes vitaux et des vaisseaux, l’augmentation de l’activité de ces cellules peut aggraver la morbidité et la mortalité. La supplémentation en arginine chez les patients humains en soins intensifs constitue le meilleur exemple. A l’extrême, la suppression de l’immunité peut être bénéfique chez un animal qui présente une maladie à médiation immunitaire. L’objectif le plus fréquent de l’enrichissement d’un régime en AGPI oméga-3 est de réduire l’inflammation. Enfin, il se peut que le fait de renforcer l’immunité ne soit ni bénéfique ni nocif. Est-ce que l’alimentation peut avoir une influence défavorable sur l’immunité ? Des régimes incomplets ou déséquilibrés peuvent engendrer un dysfonctionnement immunitaire. De plus, suralimenter un animal par rapport à son besoin énergétique de repos lors d’inflammation systémique peut conduire à une hyperglycémie et à un dysfonctionnement immunitaire. Quelle est l’alimentation idéale en cas de septicémie sévère ? La réponse à cette question n’est pas connue et certaines interventions nutritionnelles peuvent s’avérer hasardeuses. Pour les animaux hospitalisés, il faut surtout chercher à couvrir les besoins et à éviter la suralimentation et la déshydratation. En cas de septicémie sévère, l’objectif raisonnable est de couvrir le besoin énergétique de repos au moyen d’un aliment équilibré par voie entérale. L’équilibre nutritionnel idéal n’est pas encore défini pour les états infectieux mais il est reconnu qu’un apport excessif aussi bien en glucides, en protéines ou en matières grasses peut être néfaste dans ce type de situation. Chez le chat, ce sont les glucides en excès qui sont les plus mal tolérés lors d’infection sévère. Un régime modéré en amidon (< 20 % des calories) mais riche en matières grasses, administré de manière à ne pas dépasser le besoin énergétique de repos est donc recommandé. 505 Immunité Questions fréquemment posées Questions fréquemment posées à propos de l’alimentation et de l’immunité Questions fréquemment posées Q R En quoi l’anorexie peut-elle être bénéfique en cas de septicémie ? L’anorexie conduit au catabolisme musculaire et à la libération d’acides aminés indispensables et de glutamine qui permettent une fonction leucocytaire optimale. De plus, le catabolisme tissulaire accru augmente l’immunosurveillance à travers une augmentation de la présentation des auto-peptides aux molécules CMH-I. Donc, apporter un aliment déséquilibré peut altérer les réponses leucocytaires et diminuer l’efficacité de l’élimination de l’agent pathogène. Cependant, lorsque l’agent infectieux est directement ciblé et que des soins intensifs sont prodigués, l’intervention nutritionnelle remplace tout le bénéfice de l’anorexie. L’état du patient sera amélioré s’il reçoit un régime hautement digestible, à teneur glucidique faible à modérée, contenant de la glutamine et de l’arginine en quantités adéquates, enrichi en antioxydants par rapport aux quantités requises à l’entretien (particulièrement l’acide ascorbique et le tocophérol) et si la suralimentation est évitée. Comme il est indiqué plus haut, il n’existe pas suffisamment d’études pour permettre de faire des recommandations. De plus, la quantité requise dépend du type et de la sévérité de la maladie ainsi que du contenu en matières grasses de l’aliment. Cependant, il est probable qu’il faille apporter des des quantités suffisantes d’AGPI oméga-3 pour au moins atteindre un rapport de 1,3 : 1 (oméga-6 : oméga-3). Considérons cet exemple : Un aliment sec d’entretien pour chat adulte contient les principaux ingrédients suivants : poulet et sous-produits de poulet, maïs, graisse de volaille, poudre d’oeuf, poisson, pulpe de betterave. Le contenu total en oméga-6 de l’aliment est 2,6 %, alors que le contenu total en oméga-3 est 0,23 %. À quel niveau de supplémentation l’huile de poisson peut-elle induire une immunosuppression chez un chat ? L’aliment a une densité énergétique de 4 kcal/g (16,8 kJ/g). Un chat de 4 kg, qui ingère quotidiennement 200 kcal (842 kJ) consomme 50 g d’aliment contenant 1,3 g d’AGPI oméga-6 et 0,115 g d’AGPI oméga-3. Le rapport est donc de 11,3 (oméga-6 : oméga-3). Un ajout de 0.9 g d’AGPI oméga-3 est alors nécessaire pour abaisser ce rapport à 1,3. L’huile de saumon contient approximativement 34 % d’AGPI oméga-3, le reste étant composé d’AG saturés ou monoinsaturés et d’une faible quantité d’AGPI oméga-6. Donc, 2,6 g d’huile de saumon doivent être ajoutés à l’aliment pour réduire le ratio à 1,3. Ce supplément apporte 22 kcal (92 kJ) additionnelles, ou 11 % de plus que ce qui est requis. Immunité Comme indiqué plus haut, la variable la plus importante pour la modulation de l’immunité n’est pas déterminée, alors que le ratio le plus important pour le chat est probablement le ratio ARA : EPA. Le calcul ci-dessus sert de point de départ théorique et un apport moindre n’aura sans doute que peu d’effet. 506 Références Références Akira S. Mammalian Toll-like receptors. Curr Opin Immunol 2003 ; 15: 5-11. Akiyama T, Ishida J, Nakagawa S, et al. Genistein, a specific inhibitor of tyrosine-specific protein kinases. J Biol Chem 1987 ; 262 : 5592-5595. Andersen SK, Gjedsted J, Christiansen C, et al. The roles of insulin and hyperglycemia in sepsis pathogenesis. J Leukoc Biol 2004 ; 75 : 413-21. Atluru D, Jackson TM, Atluru S. 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