EVALUATION DE LA DOULEUR . Astrid Caillaud et Christine Voisin – IDE Ressource Douleur – Janvier 2009 PLAN. • • • • • • • Pourquoi évaluer la douleur ? Les objectifs. Les outils d’évaluation. La démarche d’évaluation. L’entretien d’évaluation. Quelques principes. Conclusion. I - INTRODUCTION POURQUOI EVALUER LA DOULEUR ? L’évaluation de la douleur est une mesure qui permet d’objectiver une expérience personnelle subjective. Seul le patient peut évaluer l’intensité de sa douleur. La douleur n’est pas un symptôme comme les autres : la douleur est un phénomène multi-dimensionnel, il n’existe pas de relation entre la lésion tissulaire et l’intensité de la douleur. Evaluer la douleur devient aujourd’hui un impératif. II - LES OBJECTIFS Identifier systématiquement les patients douloureux. Croire à la plainte douloureuse Evaluer la cause, le mécanisme, l’intensité et le retentissement de la douleur par des outils adaptés. Adapter un traitement en fonction du type de douleur et de son intensité. Contrôler l’efficacité du traitement mis en œuvre par une réévaluation, prévenir et/ou dépister les effets secondaires. Avoir un outil commun de communication entre le patient et les soignants. III - LES OUTILS D’EVALUATION DE LA DOULEUR A - Les échelles globales ou uni-dimensionnelles B - Les échelles multi-dimensionnelles C - Les échelles d’hétéro-évaluation ou comportementales A - Les échelles globales ou unidimensionnelles. E.V.A. – E.N. – E.V.S. – Echelle des visages Echelles d’auto-évaluation : le patient évalue lui-même sa douleur. Elles permettent de mesurer l’intensité de la douleur à différents moments. Echelles validées, fiables, sensibles, simples d’utilisation et donc reproductibles. Les avantages : - une auto-évaluation - un signal (drapeau rouge) alertant l’équipe médicale - une administration d’un traitement antalgique - une évaluation rapide de l’efficacité du traitement - un suivi de la douleur du patient - une traçabilité sur la feuille de température Les limites : - la compréhension du patient - une seule mesure possible E.V.A : Echelle Visuelle Analogique E.N. : Echelle Numérique • Donnez une note de 0 à 10 pour situer le niveau de votre douleur. – La note 0 pas de douleur – La note 10 douleur extrême E.V.S. : Echelle Verbale Simple Quel est le niveau de votre douleur au moment présent ? – 0 : pas de douleur – 1 : faible – 2 : modéré – 3 : intense – 4 : extrêmement intense Echelle des Visages B - Les échelles multidimensionnelles Q.D.S.A. : Questionnaire De St Antoine Qualificatifs permettant une orientation diagnostique du mécanisme en cause, ainsi qu’une appréciation du retentissement affectif de la douleur. Schéma corporel Le patient est invité à localiser sa ou ses douleurs sur un schéma Topographie de la douleur Le patient dessine les zones douloureuses C - Les échelles d’hétéro-évaluation ou comportementales Ce sont des échelles d’observation comportementale qui mesurent l’aspect qualitatif et quantitatif de la douleur. • • • • • • • EDIN : Echelle Douleur et d’Inconfort Nouveau-Né (0 à 3mois) NFCS : Néonatal Facial Coding System (0 à 18 mois) CHEOPS : Echelle Enfant Post-Opératoire (1 à 5ans) D.E.G.R : Douleur Enfant Gustave Roussy ( 2 à 6 ans) DOLOPLUS, E.C.PA, ALGOPLUS (personne âgée) E.O.C : Echelle Observation Comportementale ou de F.BOUREAU D.E.S.S : Douleur Enfant San Salvadour ( personne polyhandicapée) Les avantages : Une facilité de prise en charge des patients présentant des difficultés de communication. Les limites : Un temps d’évaluation long Les échelles d’hétéro-évaluation Qu’est-ce qu’une échelle d’hétéro-évaluation? Quelques-uns des outils d’évaluation de la douleur en fonction de l’âge. ------------------------------Hétéro- évaluation----------------------------------0 1 mois 2 mois 1 an 18 mois 2 ans 3 ans 4 ans 6 ans EDIN (3mois) NFCS (abrégée) AMIEL-TISON OPS (13ans) CHEOPS (7ans) DEGR Grille de douleur et d’inconfort du nouveau né (EDIN) ITEM Visage Corps Sommeil Relation Réconfort PROPOSITIONS 0 Visage détendu 1 Grimaces passagères : froncement des sourcils/lèvres pincées/plissement du menton/tremblement du menton 2 Grimaces fréquentes, marquées ou prolongées 3 Crispation permanente ou visage prostré, figé ou visage violacé 0 Détendu 1 Agitation transitoire, assez souvent calme 2 Agitation fréquente mais retour au calme possible 3 Agitation permanente : crispation des extrémités et raideur des membres ou motricité très pauvre et limitée, avec corps figé 0 S’endort facilement, sommeil prolongé, calme 1 S’endort difficilement 2 Se réveille spontanément en dehors des soins et fréquemment, sommeil agité 3 Pas de sommeil 0 Sourire aux anges, sourire réponse, attentif à l’écoute 1 Appréhension passagère au moment du contact 2 Contact difficile, cri à la moindre stimulation 3 Refuse le contact, aucune relation possible. Hurlement ou gémissement sans la moindre stimulation 0 N’a pas besoin de réconfort 1 se calme rapidement lors des caresses, au son de la voix ou à la succion 2 Se calme difficilement 3 Inconsolable. Succion désespérée. RESULTAT Echelle NFCS: Neonatal Facial Coding System JOUR ACTE DE SOIN HEURE Sourcils froncés Paupières serrées Sillon naso-labial accentué Ouverture des lèvres Bouche étirée verticalement Bouche étirée horizontalement Langue tendue, redressée, creusée Protrusion de la langue Tremblement du menton Lèvres pincées, fait la moue SCORE (Traduction Pédiadol) Chaque item est coté absent(o) ou présent (1) au cours de l’acte douloureux. Score maximum de 10. Score CHEOPS (Children’s Hospital of Eastern Ontario Postoperative Scale) Evaluation de la douleur postopératoire de l’enfant de 1 à 5 ans. CRITERE Cris-pleurs Expression du visage Verbalisation Attitude corporelle Désir de toucher la plaie Membres inférieurs COMPORTEMENTS OBSERVES Absents, cris…sanglots Sourire…faciès figé Sans plainte….plainte repos…debout dans son lit Non…oui Repos…debout…accroupit SCORE De 1 à 3 De 0 à 2 De 0 à 2 De 1 à 2 De 1 à 2 De 1 à 2 Echelle DOLOPLUS Evaluation comportementale de la douleur chez la personne âgée 3 groupes d’items • • • • • • • retentissement somatique (5 sous-groupes) retentissement psychomoteur (2 sous-groupes) retentissement psychosocial (3 sous-groupes) score entre 0 et 30 (si < 5 pas de douleur) coter en équipe pluridisciplinaire (IDE,AS, kiné,..) tous les items ne sont pas nécessairement remplis réévaluation quotidienne ou biquotidienne jusqu’à sédation des douleurs : importance de la variation du score Echelle E.C.P.A Evaluation comportementale de la douleur chez la personne âgée 2 groupes d’items • • • • • • observation avant les soins (4 sous-groupes) observation pendant les soins (4 sous-groupes) score entre 0 et 32 peut-être coter par une seule personne tous les items ne sont pas nécessairement remplis importance de la variation du score Echelle ECPA ALGOPLUS Echelle d’évaluation comportementale de la douleur aiguë chez la personne âgée 5 items : 1. Visage : froncement des sourcils, grimaces, crispation, visage figé 2. Regard : regard inattentif, fixe, lointain ou suppliant, pleurs 3. Plaintes : gémissements, cris, «aie», «ouille» 4. Corps : retrait ou protection d’une zone, refus de mobilisation, attitudes figées 5. Comportements : agitation ou agressivité, agrippement ALGOPLUS • La présence d’un seul comportement dans l’item défini suffit pour coter «oui» l’item considéré. • Chaque item coté «oui» 1 point • Score total sur 5 • Un score ≥ 2 prise en charge antalgique • Réévaluation nécessaire et régulière • Si score < 2 prise en charge satisfaisante Echelle d’Observation Comportementale : E.O.C. Douleur modérée = 3 ≤ EVA ou EN < 6 Douleur sévère = EVA ou EN ≥ 6 0 < EOC < 8 EOC ≥ 8 LA GRILLE D.E.S.S: Douleur Enfant San Salvadour Première grille d’hétéro-évaluation validée chez la personne polyhandicapée Toute approche de la douleur passe par la communication avec le sujet qui souffre. Pour la personne polyhandicapée, le diagnostic est d’autant plus difficile que la communication verbale est souvent restreinte, voire impossible. L’entourage familial, les soignants, l’ensemble des professionnels qui sont à son contact, doivent alors recourir à un outil d’évaluation spécifique, basé sur l’interrogatoire et l’observation du comportement. LA GRILLE D.E.S.S L’utilisation de la grille D.E.S.S comprend 2 volets : • un dossier de base en dehors des situations douloureuses, caractérise la personne polyhandicapée : la diversité des handicaps, leur expressivité, les modalités d’expression et de relation. • une grille d’évaluation de la douleur lors de situations douloureuses ou de modification du comportement habituel, avec ses 10 items, en comparant avec le dossier de base. LE DOSSIER DE BASE Il caractérise le polyhandicapé en dehors de toute situation douloureuse. Il est rempli en équipe pluridisciplinaire (famille, infirmières, auxiliaires, éducateurs, kiné, médecins, …) Il sera le reflet le plus fidèle et le plus précis, dans les situations de la vie quotidienne, des modes de communication, des modes de réaction, des potentialités cognitives, mais aussi motrices du patient. Il suivra toujours le patient, en particulier s’il doit être admis dans un établissement ou un service hospitalier dans lequel il est inconnu. LA GRILLE D’EVALUATION • Reflet des phénomènes douloureux. • Validée, reproductible et très sensible. • Remplie dès lors que l’on suspecte un phénomène douloureux, ou s’il existe une simple modification du comportement habituel, en se basant sur l’observation des 8 dernières heures. LA GRILLE D’EVALUATION 3 grands groupes d’items : - les signes d’appels de la douleur (les plus faciles à reconnaître) item 1: pleurs item 3 : mimiques item 5 : gémissements et pleurs silencieux - les signes moteurs item 2 : réaction de défense item 4 : protection des zones douloureuses item 7 : accentuation des troubles du tonus item 9 : accentuation des mouvements spontanés - les signes de régression psychique item 6 : intérêt pour l’environnement item 8 : capacités d’interagir item 10 : attitude antalgique MODE D’UTILISATION DES ITEMS Cotation de chaque item sur 5 niveaux : • • • • • 0 : manifestations habituelles 1 : modification douteuse 2 : modification présente 3 : modification importante 4 : modification extrême Total de la cotation sur 40. • à partir de 2 sur 40 : il y a un doute • à partir de 6 sur 40 : la douleur est certaine Remplie par les soignants en se référant au dossier de base qui indique le comportement habituel. Réévaluation régulière, toutes les 8 heures, afin de pouvoir adapter les traitements antalgiques, ainsi que les actions associés (installations, balnéothérapie, massages,…) IV - LA DEMARCHE D’EVALUATION A – Une démarche d’équipe démarche multi-disciplinaire implication de toute l'équipe (famille, paramédicaux et médecins) relation de confiance recours à tous les savoirs et observations de chacun B- Trois points essentiels "Notion de temps" – disponibilité – écoute – croire à la plainte Privilégier l'auto-évaluation, si celle-ci est difficile, utiliser l’hétéro- évaluation. L'évaluation s'inscrit dans une démarche de soins (comme d'autres soins) IV - LA DEMARCHE D’EVALUATION C – Les Transmissions : Alerter le médecin ou l’infirmière si patient douloureux (EVA ≥ 3) Noter les données recueillies – sur la feuille de température ou le diagramme : l’intensité de la douleur en utilisant l’EVA ou l’EN – dans le dossier de soins : D.A.R Cible : Douleur Données : • • • • intensité localisation caractéristiques mode d’apparition Actions : • • • • administration du traitement surveillance des effets secondaires anticipation des gestes douloureux (toilette, mobilisation, réfection de lit,…) manutention antalgique Résultat : • évaluation du soulagement du patient par une réévaluation de l’intensité de sa douleur (EVA ou EN) et de son comportement (visage détendu, …) EVALUATION Les quatre critères à noter impérativement dans les données du D.A.R sont : L’intensité La localisation Les caractéristiques Le mode d’apparition V - ENTRETIEN D’EVALUATION Recueil de données auprès du patient depuis combien de temps avez-vous mal ? comment la douleur est-elle apparue ? où avez-vous mal ? comment avez- vous mal ? (schéma corporel possible) comment est votre douleur ? (proposer des qualificatifs :QDSA) la douleur est-elle permanente ? (le jour, la nuit) avez-vous des moments plus douloureux que d’autres ? pouvez-vous quantifier votre douleur à l’aide de la « réglette »? (E.V.A) la douleur a-t-elle des répercussions sur les activités de la vie quotidienne ( sommeil, appétit, mobilisation, distractions,…) Recueil de données auprès de l’entourage VI - QUELQUES PRINCIPES Choisir une échelle en fonction de la compréhension du patient Utiliser la même échelle pour l'évaluation initiale et le suivi de la douleur Avoir tous le même message lors des premières explications de l'utilisation des échelles Evaluer initialement : – au moment présent – dans les pires et les meilleurs moments Evaluer quotidiennement en fonction de l'intensité de la douleur et des besoins du patient (sans le harceler pour autant) Réévaluer L'évaluation d'une douleur ne se limite pas à une mesure de l'intensité mais tient compte d'autres paramètres. VIII - CONCLUSION L’évaluation de la douleur est une étape indispensable pour la qualité de la prise en charge du patient. Elle ne se résume pas à en mesurer l’intensité. Nous devons tenir compte des dimensions psychoémotionnelles, familiales et sociales qui sont des facteurs potentiels de « chronicisation » de la douleur. On peut penser que, grâce à une évaluation systématique et régulière, la douleur sera mieux gérée.