« Nous conservons une poche importante de liquidités pour saisir

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Jeudi 20 Octobre 2016
Entretien avec Michel Juvet, Associé de la banque Bordier
« Nous conservons une poche importante de liquidités pour saisir les
opportunités qui devraient prochainement apparaître... »
Michel Juvet Associé de la banque Bordier
Publié le 20/10/2016 à 10h00
Boursier.com : Que pensez-vous des mesures prises par les banques centrales ?
M.J. : Depuis plusieurs années, la croissance économique est atone aux Etats-Unis, au Japon
et en Europe. Les politiques mises en place par les grandes banques centrales ont de moins
en moins d'effet sur l'économie réelle. En revanche, ces politiques ont contribué à renchérir
les actions et les obligations. Avec la baisse des taux, l'espérance de rendements futurs est de
plus en plus faible. Une part significative des taux souverains se situe en territoire négatif. On
remarque aussi que la démographie est handicapante. D'ici 2050, la population devrait baisser
au Japon, en Russie, en Allemagne, en Italie... De plus, la structure se dégrade avec moins
d'épargnants et davantage de personnes âgées. Il va être de plus en plus difficile de financer
les retraites...
Boursier.com : Quelles peuvent être les solutions pour relancer la machine ?
M.J. : Jusqu'à présent, les politiques budgétaires ont été restrictives. On évoque maintenant
des relances budgétaires mais le contexte politique ne favorise pas ce type de mesures.
Madame Clinton devrait gagner les élections présidentielles américaines mais son assise
parlementaire ne devrait pas lui permettre d'augmenter les déficits. En Europe, le calendrier
est défavorable avec plusieurs échéances électorales importantes en 2017.
Boursier.com : Le Japon semble concentrer les difficultés...
M.J. : Le Japon est dans la pire des situations avec une démographie très pénalisante. La
banque centrale japonaise achète massivement les obligations souveraines du pays. A l'avenir,
cela pourrait être douloureux car la BOJ pourrait être contrainte de prendre une partie de sa
perte sur la valeur de ces actifs. Pour compenser cette perte, on devrait avoir une importante
création monétaire avec comme effet une baisse du Yen sur le marché des changes et un
appauvrissement des ménages...
Boursier.com : Comment voyez-vous évoluer la croissance américaine ?
M.J. : Si l'on ne retient pas la consommation des ménages, l'économie américaine est
aujourd'hui en récession. Avec l'effet d'aubaine créé par la faiblesse des taux, les entreprises
américaines se sont beaucoup endettées. Leur endettement se situe sur des sommets depuis
2008... Comment investir dans ces conditions ? Dans le même temps, les marges se réduisent
Jeudi 20 Octobre 2016
ce qui devrait conduire à des suppressions de postes puis à une baisse de la consommation.
L'économie américaine est essoufflée. Les éléments sont en place pour une récession
naturelle qui devrait avoir lieu courant 2017. Afin de relancer la machine, la Fed devrait
prendre de nouvelles mesures non conventionnelles comme l'helicopter money, à savoir de
la distribution directe d'argent aux ménages. Cette mesure devrait faire baisser le Dollar sur
le marché des changes ce qui permettra de relancer les exportations américaines...
Boursier.com : L'Europe semble aller mieux...
M.J. : En 2017, la croissance devrait être plus soutenue en Europe qu'aux Etats-Unis. Même si
le niveau absolu est relativement faible, il s'agit d'un élément positif à prendre en compte. On
a un important potentiel de rattrapage du côté de l'investissement. Mais attention à la
distribution de crédit... La baisse des taux réduit les marges des banques et le contexte
réglementaire est de plus en plus strict. En revanche, le plan Junker est susceptible de doper
l'activité. Si son montant est de 500 Milliards d'Euros sur 5 ans, comme évoqués en ce
moment, il devrait permettre d'augmenter de 0,75% par an la croissance européenne.
Boursier.com : La situation dans les pays émergents est-elle à nouveau favorable ?
M.J. : La croissance en Chine semble aujourd'hui stabilisée même si l'endettement se situe sur
des niveaux élevés. La sortie de récession en Russie et au Brésil est favorisée par la remontée
des prix des matières premières. De plus, la plupart des pays émergents ont des marges de
manoeuvre importantes pour baisser les taux.
Boursier.com : Quelles sont vos recommandations ?
M.J. : Globalement, les différentes classes d'actifs sont chères avec un risque important. Aux
Etats-Unis, la valorisation des marchés actions est élevée avec une faible espérance de
rendement. Concernant les taux, nous pensons que la distorsion observée actuellement va
progressivement s'atténuer voire disparaître. Notre portefeuille équilibré comprend
aujourd'hui 30% d'actions ce qui est plutôt faible au regard de la moyenne historique. Nous
attendons une correction de 10-15% sur les actions pour être plus agressifs. Afin de profiter
de la volatilité, nous affectons 15% des capitaux à des hedge-funds. 35% à 40% du portefeuille
est composé d'obligations émergentes souveraines en Dollar et d'obligations à haut
rendement. Nous conservons une poche importante de liquidités pour saisir les opportunités
qui devraient prochainement apparaître...
Propos recueillis par Christophe Voisin — ©2016, Boursier.com
http://www.boursier.com/opcvm/actualites/interviews/michel-juvet-associe-de-la-banque-bordier-4336.html
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