Nutrition et métabolisme des microorganismes

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Chapitre n°3 : Nutrition et métabolisme des microorganismes
En dehors de l’eau, les micro-organismes sont constitués principalement de molécules de taille importante
(protéines, acides nucléiques, polysaccharides et lipides) : les polymères représentent plus de 95 % du
poids sec de la cellule. Ces macromolécules résultent de l’assemblage de petites molécules solubles
disponibles dans le cytoplasme (acides aminés, bases azotées, oses…). Les ions minéraux ne
représentent que 1 % du poids sec de la cellule. Pour réaliser ces biosynthèses, un micro-organisme doit
disposer des nutriments nécessaires et d’une source d’énergie utilisable.
1. Besoins nutritionnels
1.1.
Besoins élémentaires
La matière sèche d’une bactérie telle qu’E. coli est composée de quelques macro-éléments : C, O, H, N,
S, P, constituants des molécules organiques ; K, Ca, Na, Mg et Fe, à l’état de cations dans la cellule et
ayant des rôles divers. Certains éléments ne sont retrouvés qu’à l’état de « traces » : Mn, Zn, Co, Ni, Cu,
Mo… Ce sont des oligo-éléments (ou micro-éléments), nécessaires au métabolisme microbien, car ils
interviennent en tant que cofacteur ou activateur de réactions enzymatiques. Les besoins élémentaires
sont différents d’une espèce à une autre, en fonction du milieu de vie notamment.
1.1.1. Source de carbone
Les exigences nutritionnelles en carbone conduisent au classement des micro-organismes en deux grandes
catégories :
-
les autotrophes sont capables de se développer en milieu minéral (inorganique) en utilisant le
dioxyde de carbone (CO2) ou les ions hydrogénocarbonates (HCO3-) comme seule source
de carbone pour synthétiser leurs constituants carbonés ;
-
les hétérotrophes, exigent des molécules organiques (sucres et dérivés, acides organiques,
peptides et acides aminés…), pour leur croissance. Certains micro-organismes sont capables
d’assimiler de nombreuses substances organiques différentes, tandis que d’autres ont des
capacités métaboliques restreintes à quelques substrats (voir un seul).
1.1.2. Source d’énergie
Il existe seulement deux sources d’énergie disponibles pour les êtres-vivants :
-
l’énergie lumineuse, transformée en ATP par les phototrophes, grâce à des pigments
(chlorophylles, bactériochlorophylles, carotènes…) ;
-
l’énergie chimique, provenant de l’oxydation de molécules minérales (chimiolithotrophes)
ou organiques (chimioorganotrophes).
1.1.3. Source d’azote
Les micro-organismes peuvent puiser l’azote dans des molécules organiques (acides aminés, bases
azotées) ou plus généralement dans des composés minéraux :
-
les ions ammoniums, NH4+ ;
-
les ions nitrates, NO3- (grâce à la nitrate réductase B dite assimilatrice) ;
-
l’azote atmosphérique, N2 (grâce à la nitrogènase, présente chez Rhizobium et Azotobacter).
NO3- et N2 sont transformés en ions NH4+, qui sont ensuite incorporés à des acides α-cétoniques, formant
ainsi des acides α-aminés.
1.1.4. Source de soufre et de phosphore
Les acides aminés soufrés (cystéine, méthionine) peuvent fournir le soufre aux micro-organismes. Dans
de nombreux milieux de culture, le soufre est fourni sous forme d’ions sulfates (SO42-), réduits en sulfites
(SO32-) puis en sulfures (H2S). H2S est ensuite incorporé à la sérine pour former la cystéine.
Le phosphore entre généralement dans la cellule sous la forme d’ions phosphates (PO43-).
1.2.
Besoins en facteurs de croissance
E. coli est capable de se développer dans un milieu minéral additionné de glucose : elle peut donc
synthétiser tous ses constituants carbonés à partir d’une seule source de carbone (le glucose par exemple).
Proteus vulgaris n’a pas cette capacité : il ne peut se développer dans un tel milieu que si de l’acide
nicotinique lui est fourni en petite quantité. Proteus vulgaris est auxotrophe pour l’acide nicotinique, qui
représente un facteur de croissance pour cette espèce bactérienne. E. coli est dite prototrophe, car elle
n’exige pas de facteur de croissance.
Un facteur de croissance est une molécule organique qu’un micro-organisme doit puiser dans son milieu
car il ne peut pas le synthétiser. Les facteurs de croissance sont répartis en trois classes :
-
les acides aminés, nécessaires à la synthèse des protéines ;
-
les bases azotées (purines et pyrimidines), nécessaires à la synthèse des acides nucléiques ;
-
les vitamines, coenzymes (ou leurs précurseurs) indispensables pour de nombreuses réactions.
1.3.
Applications à la conception et à l’utilisation des milieux de culture
Au laboratoire, la culture des micro-organismes requiert des milieux (liquides ou solides) contenant les
nutriments nécessaires à la croissance microbienne. Les exigences des micro-organismes étant
extrêmement variables d’une espèce à une autre, il existe une grande diversité de milieux de culture. Pour
satisfaire ces exigences, un milieu doit répondre aux besoins élémentaires et aux besoins spécifiques
(facteurs de croissance) de la souche étudiée, et présenter des conditions physico-chimiques favorables
(pH, pression osmotique en particulier).
On distingue deux types de milieux :
-
les milieux synthétiques, dont la composition précise est connue ;
-
les milieux empiriques, qui contiennent des extraits (de viande, de levure…) et/ou des
hydrolysats (peptones) dont les compositions sont variables.
Le milieu urée-indole est un des rares milieux synthétiques utilisés en bactériologie alimentaire, pour
l’identification des Enterobacteriaceae. Sa composition est la suivante (pour un litre de milieu) :
urée
2,0 g
L-tryptophane
0,3 g
éthanol à 0,95
1 ml
rouge de phénol
2,5 mg
chlorure de sodium
0,5 g
dihydrogénophosphate de potassium
0,1 g
hydrogénophosphate de potassium
0,1 g
Parmi les milieux empiriques, l’un des plus courants est la gélose TCS (trypto caséine soja), dont la
composition permet la croissance des micro-organismes peu exigeants :
peptone trypsique de caséine
15,0 g
peptone papaïnique de soja
5,0 g
chlorure de sodium
5,0 g
agar
15,0 g
Les peptones sont des protéines ayant subi une digestion partielle par des enzymes (caséine hydrolysée
par la trypsine, substrats provenant du soja par la papaïne). Les peptones contiennent, en proportions
variables, des acides aminés et des polypeptides de masse moléculaire plus ou moins importante.
Pour les bactéries plus exigeantes, on utilise des milieux enrichis, notamment en facteurs de croissance.
Le milieu MRS (Man, Rogosa, Sharpe) permet la culture des bactéries lactiques, tandis que la gélose
chocolat supplémentée est utilisée en bactériologie clinique pour l’isolement des Neisseria et des
Haemophilus. Enfin, la microbiologie fait également usage de milieux sélectifs, contenant des substances
capables d’inhiber la croissance d’un groupe plus ou moins important de germes (BEA, Drigalski…).
Gélose chocolat supplémentée
Gélose MRS
peptone
10,0 g
peptone trypsique de caséine
7,5 g
extrait de viande
8,0 g
peptone pepsique de viande
7,5 g
extrait de levure
4,0 g
amidon de maïs
1,0 g
glucose
20,0 g
hydrogénophosphate de potassium
4,0 g
acétate de sodium trihydraté
5,0 g
dihydrogénophosphate de potassium
1,0 g
citrate d'ammonium
2,0 g
chlorure de sodium
5,0 g
tween 80
1,0 ml
hémoglobine
10,0 g
hydrogénophosphate de potassium
2,0 g
supplément Polyvitex (vitamines)
1,0 mL
sulfate de magnésium heptahydraté
0,2 g
agar
15,0 g
sulfate de manganèse tétrahydraté
0,05 g
Agar
10,0 g
BEA (bile esculine azide)
Drigalski
peptone
17,0 g
peptone
15,0 g
peptone pepsique de viande
3,0 g
extrait de viande
3,0 g
extrait de levure
5,0 g
extrait de levure
3,0 g
esculine
1,0 g
lactose
15,0 g
citrate de sodium
1,0 g
désoxycholate de sodium
1,0 g
citrate de fer ammoniacal
0,5 g
cristal violet
0,005 g
bile de boeuf déshydratée
10,0 g
bleu de bromothymol
0,080 g
azide de sodium
0,25 g
thiosulfate de sodium
1,0 g
chlorure de sodium
5,0 g
agar
11,0 g
agar
13,0 g
Le milieu BEA, permettant l’isolement sélectif des Enterococcus, contient un agent empêchant la culture
de nombreuses bactéries, l’azide de sodium. La gélose Drigalski, par la présence du cristal violet
(inhibiteur des bactéries Gram positives) et du désoxycholate de sodium, permet d’isoler les bacilles
Gram négatifs (Enterobacteriaceae, Pseudomonas…). La nature des agents sélectifs est variable
(antiseptiques, antibiotiques, colorants, NaCl, tellurite…).
La mise en évidence de la dégradation de substrats est fréquente sur ce type de milieu :
-
utilisation d’un sucre caractérisée par un virage d’un indicateur coloré de pH (lactose + bleu de
bromothymol pour le milieu Drigalski) ;
-
précipitation d’un produit du métabolisme avec l’un des composants du milieu (esculétine
libérée par l’hydrolyse de l’esculine + fer pour le milieu BEA)…
2. Métabolismes
2.1.
Métabolisme énergétique
2.1.1. Rôle de l’ATP
Les synthèses cellulaires sont coûteuses en énergie. Le métabolisme énergétique d’un micro-organisme
fournit cette énergie sous la forme d’un composé intermédiaire, sorte de « monnaie d’échange », l’ATP
ou adénosine triphosphate. L’ATP permet le couplage (figure 1) entre des réactions libérant de
l’énergie (exergoniques, ∆G0’ < 0) et des réactions consommant de l’énergie (endergoniques, ∆G0’ > 0).
L’hydrolyse de l’ATP en ADP génère une variation d’enthalpie libre standard ∆G0’ d’environ
– 30 kJ.mol-1.
figure 1
Dans une cellule, l’ATP peut être synthétisé :
-
par phosphorylation au niveau du substrat, dans le cytoplasme ;
-
par phosphorylation liée à un gradient électrochimique de protons de part et d’autre d’une
membrane biologique, par un complexe ATP synthétase (figure 2). Ce mode de production
concerne la photophosphorylation et la phosphorylation oxydative.
figure 2
2.1.2. Phototrophes
Les êtres-vivants phototrophes (végétaux et quelques types de bactéries) sont capables d’utiliser la
lumière comme source d’énergie, afin de réduire le dioxyde de carbone (ou les ions HCO3-) en
molécules carbonées. Ce processus, appelé photosynthèse, requiert la présence de pigments
(chlorophylles et bactériochlorophylles), qui après excitation par un rayonnement lumineux (photons),
sont capables de convertir la lumière absorbée en énergie chimique (production d’ATP par
phtophosphorylation).
2.1.3. Chimiolithotrophes
Les bactéries chimiolithotrophes tirent leur énergie, leurs électrons et leurs protons de substances
inorganiques réduites. Leur source de carbone est le CO2 (ce qui en fait des autotrophes). On trouvera
dans cette section des bactéries nitrifiantes, d’autres oxydant le soufre, le dihydrogène ou des métaux.
Les bactéries nitrifiantes aérobies oxydent soit l’ammoniac (Nitrosomonas), soit les nitrites
(Nitrobacter). Ces micro-organismes ont une importance écologique considérable, du fait de leur rôle
dans le cycle de l’azote. En effet, leur présence dans le sol assure la nitrification, c’est à dire la
conversion des ions ammoniums en ions nitrates.
2.1.4. Chimioorganotrophes
Les microorganismes chimioorganotrophes utilisent des substrats carbonés à la fois comme source de
carbone et source d’énergie. Ces substrats, de nature variable (glucides, acides aminés, acides gras…),
sont oxydés (généralement par déshydrogénation) et les électrons libérés sont pris en charge par des
accepteurs organiques ou inorganiques (figure 3).
Figure 3 : schéma général des réactions d’oxydoréduction dans les systèmes biologiques
L’énergie produite au cours de ces réactions n’est pas libérée globalement, mais par petites étapes
successives permettant la production d’ATP. Le devenir des électrons permet de distinguer deux voies
métaboliques majeures :
-
la respiration, lorsque les électrons sont pris en charge par une chaîne de transporteurs
localisés dans une membrane, l’ATP est alors majoritairement synthétisé par phosphorylation
oxydative, grâce à l’énergie provenant du gradient de protons (figure 4) ;
-
la fermentation, si une molécule organique est utilisée comme accepteur d’électrons et de
protons, l’ATP est synthétisé dans ce cas uniquement par phosphorylation au niveau du
substrat (figure 5).
Figure 4
Figure 5
2.1.5. Types respiratoires
•
Respiration aérobie
Les bactéries aérobies strictes et la majorité des bactéries aéro-anaérobies possèdent une chaîne
respiratoire dont l’accepteur final des électrons est le dioxygène (O2). Cette chaîne respiratoire est
composée de transporteurs (FAD, protéine Fe/S, ubiquinone, cytochromes…) qui transfèrent les électrons
du NADH (donneur) vers le dioxygène (accepteur). Ces transporteurs sont localisés dans la membrane
interne des mitochondries chez les Eucaryotes, dans la membrane plasmique chez les bactéries. Les
chaînes respiratoires bactériennes sont généralement différentes de celle des mitochondries, notamment
en ce qui concerne la nature des cytochromes (a,b,c..). Chez Escherichia coli, la composition de la chaîne
varie même en fonction du niveau de dioxygène.
NB : le test « oxydase » réalisé au laboratoire ne met en évidence que la présence de la cytochrome c oxydase (oxydation du
N_tétraméthyl paraphénylène diamine).
La différence de potentiel de réduction entre le NADH (E’0 = - 0,320 V) et le O2 (E’0 = 0,815 V) est
importante (∆E’0 = 1,135 V) : une grande quantité d’énergie est libérée lors du transfert des électrons.
∆G0’ = - n . F . ∆E’0
n = 2 (nombre d’électrons transférés)
F = 96 494 J.mol-1.V-1 (constante de Faraday)
∆G0’ = - 219 kJ. mol-1
•
Respirations anaérobies
Chez de nombreuses bactéries aérobies, le dioxygène peut être remplacé en tant qu’accepteur final
des électrons par une autre molécule minérale (NO3-, SO42-…) ou par un composé organique
(fumarate).
Dans le cas de la respiration nitrate, les électrons sont transférés du NADH vers le NO3- par une chaîne
respiratoire dont la dernière enzyme est la nitrate réductase A, qui catalyse la réduction des nitrates en
nitrites :
NO3- + 2 H+ + 2 e- NO2- + H2O
E’0 = 0,421 V
Les nitrites peuvent s’accumuler dans le cytoplasme, ou être à leur tour dégradés sans production
d’énergie supplémentaire jusqu’au stade N2. Dans ce cas la nitrate réductase A est dite dissimilatrice, car
elle intervient dans le processus de dénitrification.
NB : la nitrate réductase B est au contraire dite assimilatrice, car elle catalyse la réduction des nitrates en ions ammoniums,
qui représentent alors une source d’azote (Cf. 1.1.3). Pour différencier expérimentalement les deux enzymes, NRA et NRB, on
ensemence une gélose viande-foie nitratée additionnée de chlorate de potassium, qui sous l’action de la NRA, est transformé
en chlorite toxique pour les bactéries. L’absence de culture est donc constatée dans ce cas.
Dans le cas de la respiration fumarate, bien que l’accepteur final soit un composé organique, il existe
tout de même une chaîne de transport électronique membranaire permettant la synthèse d’ATP. C’est la
fumarate réductase qui permet la réduction du fumarate en succinate (E’0 = 0,031 V) :
figure 6
•
Fermentations (Cf. 2.2.4.)
En absence de chaîne respiratoire (ou en absence d’accepteur final convenable si elle est présente), les
micro-organismes doivent réoxyder le NADH en NAD+ par une autre voie (car en absence de NAD+, la
glycolyse est bloquée). Le pyruvate, ou l’un de ses dérivés, est alors utilisé comme accepteur d’électrons
(et de protons) pour effectuer cette réoxydation. Les bactéries anaérobies strictes (Clostridium) ou
anaérobies préférentielles (Streptocoques) pratiquent exclusivement la fermentation, tandis que les
bactéries aérobies facultatives (Entérobactéries) respirent et/ou fermentent en fonction des conditions
environnementales. Le rendement énergétique des fermentations est inférieur à ceux des respirations
(respiration aérobie > respirations anaérobies > fermentations).
2.2.
Métabolisme glucidique
Pour les microorganismes chimioorganotrophes, les glucides représentent à la fois une source d’énergie
(car ce sont des substrats oxydables) et une source de carbone (car ils peuvent entrer dans certaines voies
de biosynthèse). La majorité des microorganismes est capable d’utiliser le glucose, qu’il provienne
directement du milieu, de la conversion de monosaccharides ou de l’hydrolyse de polysaccharides.
2.2.1. La glycolyse (voie d’Embden – Meyerhoff)
La glycolyse est une suite de réactions permettant la transformation du glucose en deux molécules de
pyruvate, au cours de laquelle sont produites deux molécules de NADH et deux molécules d’ATP (4
ATP formés par phosphorylation au niveau du substrat et 2 ATP consommés). Le bilan de glycolyse
s’écrit ainsi :
glucose + 2 NAD+ + 2 ADP + 2 Pi 2 pyruvate + 2 NADH + 2 H+ + 2 ATP
NB : Chez les bactéries, l’entrée du glucose dans la cellule peut s’effectuer par translocation de groupe : le glucose est
converti en glucose 6-phosphate par le système de la phosphotransfèrase des sucres (figure 7).
figure 7
2.2.2. Alternatives à la glycolyse
•
La voie des pentoses phosphates
Le glucose phosphorylé (glucose 6-phosphate) est oxydé en 6-phosphogluconate, qui est ensuite
décarboxylé en ribulose 5-phosphate. 2 NADPH sont produits lors de ces réactions. Le ribulose
5-phosphate est isomérisé en ribose 5-phosphate (utilisable pour différentes biosynthèses) ou épimérisé
en xylulose 5-phosphate. Ces pentoses subissent une série d’interconversions pouvant être interprétées
de la façon suivante :
3 pentoses phosphate 2 fructose 6-phosphate + 1 glycéraldéhyde 3-phosphate
Le devenir de ces produits dépend des besoins cellulaires (Cf. cours de biochimie).
La voie des pentoses phosphates est à l’origine de la fermentation hétérolactique (voie de Dickens et
Horecker), présente chez Leuconostoc et chez certaines espèces du genre Lactobacillus. Le xylulose 5phosphate est scindé par une phosphocétolase en glycéraldéhyde 3-phosphate (transformé ensuite en
lactate par les enzymes de la glycolyse puis la lactate deshydrogénase) et en acétylphosphate
(transformé ensuite en éthanol ou en acétate). Ces réactions permettent la régénération du NAD+.
•
La voie d’Entner – Doudoroff
Le glucose 6-phosphate est également est oxydé en 6-phosphogluconate, qui est ensuite transformé en
2-céto 3-désoxy 6-phosphogluconate. Sous l’action d’une aldolase, ce dernier est clivé en
glycéraldéhyde 3-phosphate et pyruvate. Sous l’action des enzymes de la glycolyse, le glycéraldéhyde
3-phosphate permet la production de 2 ATP. Le bilan de cette voie est le suivant :
glucose + NADP++ NAD+ + ADP + Pi
2 pyruvate + NADPH + NADH + 2 H+ + ATP + H2O
NB : à partir de cette voie, la réoxydation du NADH en NAD+ est effectuée, chez Zymomonas mobilis, par fermentation
alcoolique. (Cf. 2.2.4.)
2.2.3. La dégradation du pyruvate au cours du cycle de Krebs
Dans un premier temps, le pyruvate en transformé en acétyl coenzyme A (« acétyl CoA ») par le
complexe pyruvate deshydrogènase. Au cours de cette décarboxylation oxydative, 1 CO2 et 1 NADH
sont produits. L’acétyl CoA (C2) entre dans le cycle : il réagit avec l’oxaloacétate (C4) pour former du
citrate (C6). Un tour de cycle permet une double décarboxylation du citrate en oxaloacétate, ainsi que la
production d’une molécule de GTP, 3 NADH et 1 FADH2. Le bilan de l’oxydation complète du pyruvate
peut donc s’écrire :
Pyruvate + 4 NAD+ + FAD + GDP + Pi + 2 H2O
3 CO2 + 4 NADH + 4 H++ FADH2 + GTP
2.2.4. Les fermentations
•
Fermentation homolactique
C’est le cas le plus simple : le pyruvate sert d’accepteur d’électrons et d’hydrogène pour la réoxydation
du NADH :
Pyruvate + NADH + H+ Lactate + NAD+
Il s’agit de la principale fermentation permettant la transformation du lait en yaourt ou en fromage frais.
Elle est présente chez de nombreuses espèces de streptocoques et de Lactobacillus.
•
Fermentation éthanolique (ou « alcoolique »)
Le pyruvate est décarboxylé en éthanal (1), qui est ensuite réduit en éthanol (2) :
Pyruvate Ethanal + CO2
(1)
Ethanal + NADH + H+ Ethanol + NAD+
(2)
Cette fermentation, pratiquée par de nombreuses levures (dont Saccharomyces cerevisiae), permet la
fabrication du pain et de boissons alcoolisées telles que le vin ou la bière.
•
Fermentation « acides mixtes »
Elle se caractérise par la diversité des produits de fermentation (éthanol, acide acétique, acide lactique,
acide succinique, CO2, H2). Elle est pratiquée par les entérobactéries dites « VP – ».
•
Fermentation butanediolique
Chez les bactéries dites « VP + » (Klebsiella, Enterobacter, Serratia chez les entérobactéries), une grande
partie du pyruvate est transformée en acétoïne (mise en évidence lors de la réaction de Voges Proskauer),
qui sert d’accepteur d’électrons et d’hydrogène. Le produit final de cette voie est le (2,3-)butanediol.
•
Fermentations des bactéries anaérobies
Chez les Clostridium, les voies de fermentation sont multiples : elles conduisent à la formation d’acides
organiques, d’alcools, de cétones… La chromatographie en phase gazeuse est parfois utilisée pour leur
identification. Les composés les plus fréquemment produits sont l’acide butyrique (butanoïque), le
butanol et l’acétone. Chez Propionibacterium, la fermentation conduit à la formation d’acide
propanoïque.
3. Croissance des microorganismes
La croissance est définie comme une augmentation des constituants cellulaires. Si, chez les organismes
pluricellulaires, elle correspond à une augmentation de taille et/ou de masse, elle se traduit plutôt par une
augmentation du nombre d’individus pour les microorganismes unicellulaires. Une population
microbienne augmente donc au rythme des divisions cellulaires.
NB : Chez les bactéries, la division se fait par scissiparité : il se forme un septum transversal (figure 8) qui sépare
progressivement les deux futures cellules filles, chacune d’entre-elles recevant une copie du chromosome de la cellule mère.
La séparation des cellules n’est pas toujours totale, ce qui aboutit, selon le plan de division, à des chaînettes, des « grappes »…
figure 8
3.1.
Méthodes d’étude de la croissance
Pour « mesurer » la croissance, il faut déterminer le paramètre choisi à différents temps ou suivre ce
paramètre en continu. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées : la détermination du nombre de cellules,
la mesure de la biomasse, le suivi de la concentration d’un constituant (azote, ATP…) ou de l’activité
cellulaire.
3.1.1. Dénombrements
•
Dénombrement direct (cytométrie)
Les cellules microbiennes peuvent être comptées au microscope photonique grâce à des lames adaptées
(hématimètres de Malassez ou de Thoma par exemple) : l’échantillon est placé dans une « chambre »
(figure 9) dont le volume est connu. Un quadrillage présent sur ces lames permet de déterminer des
volumes unitaires (un rectangle d’une cellule de Malassez correspond à un volume d’échantillon de 0,01
mm3). Il s’agit d’une méthode adaptée pour la numération des levures (l’observation à l’objectif 40 rend
difficile le comptage des bactéries). Pour distinguer les cellules mortes des cellules vivantes, un colorant
tel que le bleu de Funk peut être utilisé (seules les cellules mortes sont colorées en bleu).
La technique de Breed consiste à étaler un volume connu d’une suspension (0,01mL) sur une surface de
la lame égale à 1 cm2. Après séchage, le frottis est fixé puis coloré (bleu de méthylène, Gram), ce qui
permet l’observation à l’objectif 100. Le comptage est effectué sur un nombre convenable de champs
microscopiques afin d’en déduire la concentration bactérienne de l’échantillon (il faut donc connaître la
surface d’un champ microscopique).
figure 9
Les méthodes microscopiques nécessitent des populations microbiennes suffisamment denses et bien
homogénéisées. Pour la recherche de germes dans les prélèvements faiblement contaminés, des
techniques de cytométrie sur filtre ont été développées : les bactéries sont retenues à la surface d’un
filtre en polycarbonate, puis subissent une coloration par un fluorochrome tel que l’acridine orange. Un
microscope à épifluorescence permet l’excitation du fluorochrome (490 nm) et le comptage des
microorganismes. L’œil humain est remplacé par un photodétecteur dans les méthodes automatisées
(cytométrie de flux). Il existe d’autres dispositifs de comptage électronique (figure 10 :Coulter®).
figure 10
•
Dénombrement après culture (figure 11)
Les microorganismes revivifiables sont fréquemment dénombrés par cette technique. L’échantillon est
préalablement dilué (série de dilutions décimales dans 9 mL de diluant). Un volume fixe de suspension
(échantillon brut ou dilution) est ensuite étalé à la surface d’un milieu gélosé (V = 0,1 mL) ou incorporé
dans le milieu avant sa solidification (V = 1 mL). Après incubation, le nombre de colonies apparues
correspond théoriquement au nombre de cellules présentes dans le volume analysé : les résultats sont
exprimés en unités formant colonies par millilitre (UFC.mL-1) ou par gramme (UFC.g-1) de produit. Le
nombre de colonies doit être ni trop important, ni trop faible. On choisit généralement les boîtes de Pétri
contenant entre 15 et 300 colonies, et on applique la formule suivante :
N = n x 1/d x 1/V
N = nombre d’UFC par mL de suspension mère
n = nombre moyen de colonies par boîte obtenues pour la dilution choisie
d = dilution choisie
V = volume de l’inoculum
figure 11
Le choix du milieu de culture est établi en fonction des microorganismes recherchés : flore « totale » sur
milieu PCA (« Plate Count Agar) ; coliformes sur milieu VRBL (« Violet Red Bile Lactose ») ; flore
fongique sur milieu OGA (Oxytetracyclin Glucose Agar)… De nombreuses méthodes plus rapides ont été
développées : culture en gouttelettes d’agar, technique de dépôt des microgouttes, système Pétrifilm®
(3M), ensemenceur Spiral® (Interscience), lames immergées…
En cas de concentration microbienne faible dans un prélèvement, la filtration sur membrane permet de
concentrer les microorganismes sur un filtre de cellulose, qui est placé ensuite sur un milieu de culture
sélectif ou non. (figure 12)
figure 12
3.1.2. Mesure de la biomasse
•
Méthode gravimétrique
Les microorganismes sont récoltés par centrifugation (ou filtration sur membrane). Après lavage dans une
solution tampon, le culot (ou le filtre) subit une dessiccation à environ 110 °C, puis est pesé après
refroidissement. Le poids sec est généralement exprimé en gramme de matière sèche par litre. Toute la
masse cellulaire, vivante ou morte est alors prise en compte. L’opération de lavage entraîne des pertes
importantes. Il s’agit donc d’une méthode délicate à mettre en œuvre.
•
Turbidimétrie (figure 13)
Les cellules bactériennes dispersent la lumière incidente : la quantité de lumière difractée est
proportionnelle à la biomasse. La turbidité d’une suspension microbienne peut être évaluée au
spectrophotomètre par la mesure de l’absorbance. La relation entre absorbance et biomasse n’est
linéaire que pour de faibles valeurs d’absorbance. Au-delà de la limite de linéarité, une dilution de
l’échantillon est nécessaire.
figure 13
3.1.3. Autres méthodes
Le dosage de l’ATP, « marqueur » disparaissant rapidement des cellules après leur mort, peut être réalisé
grâce à une réaction de bioluminescence catalysée par la luciférase. Des mesures d’activité enzymatique
et des marquages radioactifs sont également effectués. L’étude des variations physico-chimiques du
milieu (pH, potentiel d’oxydoréduction, production de chaleur) permet de suivre l’évolution de la
croissance d’une population microbienne.
3.2.
Courbe de croissance en milieu non renouvelé
La croissance des bactéries dans un tube de bouillon nutritif est limitée : elle s’arrête généralement quand
les nutriments contenus dans le milieu sont épuisés. On dit que la croissance est discontinue, et qu’elle a
lieu dans un système « fermé ». La courbe de croissance est obtenue en traçant l’évolution du logarithme
de la biomasse (ou de la concentration cellulaire) en fonction du temps.
La courbe de croissance obtenue pour
une bactérie telle qu’Escherichia coli
(figure 14) peut
être
séparée en
plusieurs phases :
1) La phase de latence
2) La phase d’accélération
3) La phase exponentielle
4) La phase de ralentissement
5) La phase stationnaire
6) La phase de déclin
Figure 14
3.3.
Facteurs influençant la croissance
La vitesse de croissance varie selon les espèces bactériennes (figure 15). Elle dépend également de
facteurs appelés paramètres d’action : température, pH, disponibilité de l’eau, relations avec le
dioxygène, nature et concentration du (des) substrat(s).
Figure 15
3.3.1. La température
La vitesse de croissance d'un micro-organisme dépend de la température : chaque espèce présente une
température optimale de croissance. Elle est de 37°C pour de nombreuses bactéries (les bactéries
vivant dans l'intestin par exemple). Cette valeur varie considérablement selon les micro-organismes
(figures 16 et 17).
Groupe
Température minimale
Température optimale
Température maximale
de croissance
de croissance
de croissance
- 15 °C
15 °C
25 °C
Psychrotrophes
0 °C
30 °C
40 °C
Mésophiles
15 °C
37 °C
45 °C
Thermophiles
30 °C
50 °C
> 65 °C
Psychrophiles
Figure 16 : micro-organismes et températures de croissance
Figure 17
3.3.2. Le pH
Le pH influence la croissance microbienne. Il est possible, comme pour la température, de déterminer le
pH optimal de croissance d'une espèce bactérienne (figure 18). Par exemple, certaines bactéries
lactiques sont dites acidophiles, car leur croissance est favorisée par un milieu acide.
Figure 18
Les bactéries modifient fréquemment le pH de leur propre habitat en produisant des déchets métaboliques
acides ou basiques (en fonction de la nature du substrat). Cette propriété est très largement utilisée au
laboratoire dans les milieux de culture ou les galeries d’identification. Dans les systèmes de culture en
masse par contre, des solutions tampons sont utilisées pour éviter des variations importantes du pH.
3.3.3. La disponibilité de l'eau (ou "activity of water" : Aw)
L’eau est nécessaire pour les micro-organismes en tant que solvant des nutriments et comme agent
chimique des réactions d’hydrolyse. La disponibilité de l'eau dans un milieu est variable : elle dépend
notamment de la pression osmotique et de la teneur en eau. Plusieurs méthodes de conservation des
aliments reposent sur la diminution de l’Aw : dessiccation, lyophilisation, salaison, fumage…
De façon générale, les bactéries sont très sensibles à une diminution de la disponibilité de l'eau. Par
contre, les levures et les moisissures tolèrent des Aw faibles et peuvent se développer dans les produits à
faible teneur en eau.
NB : l'Aw est une valeur comprise entre 0 et 1. Dans l'eau pure, l'eau est totalement disponible : l'Aw est égal à 1. Dans les
aliments séchés ou salés, la disponibilité de l'eau est plus faible (Aw < 0,8).
3.3.4. Relations des micro-organismes avec le dioxygène : types respiratoires (figure 19)
Certains micro-organismes ont besoin de dioxygène (O2) pour se développer : ils sont dits aérobies
stricts. D'autres micro-organismes peuvent se développer aussi bien en présence qu'en absence
d'oxygène, ils sont dits aéro-anaérobies. De nombreuses bactéries ne tolèrent pas l'oxygène, et ne se
développent qu'à l'abri de celui-ci. Ces bactéries sont dites anaérobies strictes.
TYPE RESPIRATOIRE
AEROBIE STRICTE
AERO-ANAEROBIE
ANAEROBIE STRICTE
BESOIN EN O2
O2 nécessaire
Indifférence vis à vis de O2
O2 toxique
Figure 19 : types respiratoires
3.3.5. La nature et la concentration du (ou des) substrat(s)
Un substrat est une molécule présente dans le milieu, disponible pour les micro-organismes. Il peut être
de nature glucidique, protéique ou lipidique. Un micro-organisme donné ne peut pas utiliser tous les
substrats possibles… Les substances présentes dans le milieu, et leur quantité, vont donc influencer la
croissance microbienne. Par exemple, toutes les bactéries ne sont pas capables de se développer dans le
lait, car elles doivent pour cela être capable d'assimiler le lactose.
Lorsqu’un milieu synthétique contient un mélange de deux substrats carbonés, la courbe de croissance
obtenue est diphasique : ce phénomène est appelé diauxie (figure 20).
Figure 20 : courbe de croissance d’E. coli en présence de glucose et de
lactose comme uniques sources de carbone dans un milieu non renouvelé.
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