A la marge du XVIIIème Congrès du PC Chinois

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A la marge du XVIIIème Congrès du PC Chinois:
« Le rôle international de la Chine », une analyse
critique du PC Grec (KKE)
Par Elisseos Vagenas, membre du Comité central du KKE, responsable de la section
internationale du Comité central du KKE
[article publié initialement en 2010 pour la revue internationale communiste]
Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
L'émergence d'une nouvelle puissance mondiale, la Chine, a éveillé un grand intérêt non
seulement chez les analystes mais aussi chez les travailleurs du monde entier. Cet intérêt est
encore plus fort chez les personnes politisées, qui saisissent l'importance de l'ère des
révolutions sociales entamée avec Octobre 1917 en Russie et qui a conduit à une série de
lutte sociales et politiques importantes et à des révolutions dans le monde entier, parmi
elles la révolution Chinoise. L'intérêt concernant l'émergence de la Chine est contradictoire,
puisque cette émergence se produit sous le drapeau rouge et alors que le Parti communiste
de Chine est au pouvoir.
Néanmoins, une des « leçons » de la contre-révolution en Union soviétique est que les
communistes n'auraient pas du accepté sans esprit critique tout ce que le PCUS a pu dire.
Tout PC, tout en restant fidèle au principe de l'internationalisme prolétarien, devrait étudier
avec ses propres moyens les évolutions de la situation internationale, l'histoire du
mouvement communiste international et tenter de se forger sa propre opinion sur ces
choses, en se servant de la théorie Marxiste-léniniste comme d'un instrument. Le KKE se
réserve le droit de critique au sein du mouvement communiste international avec comme
perspective son renforcement. Le KKE se confronte aux déviations aux principes du
Marxisme-léninisme et aux lois de la construction socialiste, tout en maintenant des
relations bi-latérales avec les partis communistes qui ont différentes approches.
Sur cette base, le KKE, tout en continuant à maintenir des relations bi-latérales avec le PC de
Chine, suit avec attention ses évolutions et forme ses propres analyses qu'il exprime
publiquement ainsi qu'au PCC. Comme nous le savons, le KKE a déjà noté à partir du 17ème
Congrès de 2005 l'expansion des rapports capitalistes en Chine. Dans la période suivante,
cette tendance s'est renforcée et devient même plus évidente.
Les évolutions concernant la position internationale de la Chine dans l'économie
Le poids croissant de la puissance économique chinoise est incontestable. Tout le monde
estime désormais que la Chine a dépassé le Japon et est la seconde économie du monde
après les Etats-unis, tandis qu'en 2010 elle est passée devant l'Allemagne comme premier
exportateur du monde. Entre janvier et octobre 2009, la Chine a exporté pour 957 milliards
de dollars de produits. Les exportations comptent pour 80% des échanges du pays. La Chine
exporte 50 000 produits différents vers 182 pays, tandis que 80 de ces pays ont signé des
accords commerciaux et des protocoles de coopération avec elle. Les premiers partenaires
commerciaux de la Chine sont les principaux pays capitalistes (le Japon, les États-Unis, les
pays européens), qui représentent 55% de son commerce extérieur.
Un fait qui reflète les changements qui se sont produits ces 20 dernières années. Alors que la
Chine exportait en 1993 du pétrole, aujourd'hui elle doit non seulement en importer mais en
2009 les quantités qu'elle importait étaient comparables aux chiffres américains.
En 2010, la Chine a acquis la seconde place mondiale (après les États-Unis) dans la liste des
pays comptant le plus de milliardaires (130), leurs fortunes ayant augmenté de 222% en un
an. On estime que les 1 000 personnes les plus riches en Chine se sont enrichis de 30% en un
an, de 439 milliards de dollars à 571 milliards.
Nous pouvons aussi comparer ces statistiques à d'autres qui démontrent que la misère et
l'exploitation que des centaines de millions de travailleurs vivent dans la Chine moderne,
résultat de la politique de l' « enrichissez-vous » que le PCC suit ouvertement depuis 30 ans.
Nous pouvons mentionner que, selon les chiffre de l'Association patronale chinoise, comme
cela a été rendu publique à la télévision chinoise : 8,5% des 500 plus grandes entreprises du
monde sont chinoises (43 entreprises). En ce moment, les profits des entreprises
américaines est encore le double de ceux des entreprises chinoises mais la tendance va vers
une plus grande profitabilité des monopoles chinois et un taux d'accumulation plus rapide
que ceux américains.
Les statistiques officielles montrent également que dans la période 2004-2010 le nombre
d'entreprises privées en Chine a augmenté de 81%, tandis qu'aujourd'hui on compte 3 596
000 entreprises privées en Chine. Les profits des 500 plus grandes entreprises privées ont
augmenté de 23,27% en 2009.
Dans le même temps, ces entreprises opérant aux côtés des monopoles d’État chinois se
sont inscrits dans une compétition internationale accrue. 117 de ces entreprises ont
participé à 481 plans d'investissement à l'étranger, où elles ont investi 225 millions de
dollars. En tout, les investissements directs chinois se sont élevés en 2009 à 56 milliards de
dollars (5,1% des investissements mondiaux), plaçant la Chine à la 5ème place dans la liste
des investisseurs mondiaux.
L'émergence de la puissance économique chinoise a poussé une série de banques
internationales en juin 2010 (telles que HSBC, la Deutsche Bank, Citigroup) à exiger des
entreprises l'utilisation du Yuan plutôt que du Dollar pour leurs transactions.
Dans le même temps, en septembre 2010, la Chine a acquis de nouveaux bons Américains,
d'une valeur de 3 milliards de dollars, atteignant la somme totale de 86 milliards de dollars,
et a maintenu sa position, devant le Japon, comme premier détenteur international de bons
du trésor Américains. En outre, elle a signé un accord avec le Fonds monétaire international
(FMI) afin d'acheter des bons d'une valeur de 50 milliards de dollars.
Un autre élément intéressant est le désir de la part de la Chine de contrôler autant de
ressources naturelles que possible, des ressources de plus en plus entre les mains
d'entreprises chinoises. L'Afrique est au cœur de cette activité. Dans les années 1990, le
commerce chinois avec l'Afrique dans son ensemble s'élevait à 5-6 milliards de dollars, en
2003, il avait grimpé à 18 milliards de dollars, et en 2008 il a atteint les 100 milliards de
dollars. Aujourd'hui, la Chine a une présence économique importante dans presque tous les
pays africains. C'est dans les pays producteurs de cuivre, comme la Zambie ou la République
démocratique du Congo (RDC) qu'on retrouve les Chinatownen plus forte croissante. Le
Soudan est devenu un des principaux fournisseurs de pétrole du marché chinois : 600 000
barils de pétrole soudanais sont expédiés en Chine chaque jour. Un tiers des importations
chinoises viennent d'Afrique : Angola, Guinée équatoriale et le Soudan sont les principaux
fournisseurs. S'ajoutent le Tchad, le Nigeria, l'Algérie et le Gabon parmi les fournisseurs de
pétrole.
En échange de l'accès aux ressources naturelles des pays africains, la Chine investit dans les
infrastructures routières et les ports, dans les infrastructures nécessaires à la reproduction
de la force de travail (écoles, hôpitaux, logements) ainsi que dans les infrastructures
industrielles de ces pays. Les entreprises chinoises construisent des routes en Angola et au
Mozambique tout en rénovant ports et chemins de fer. Les entreprises chinoises sont
également impliqués dans de nombreux projets à Addis Adeba, capitale de l’Éthiopie et à
Nairobi, au Kenya.
La quête chinoise de matières premières ne se limite pas à l'Afrique mais s'étend à des
régions moins lointaines. Elle comprend des investissements significatifs dans les mines et
les ressources naturelles de Myanmar (bois, pierres précieuses). Selon le Ministère de la
planification nationale et du développement de Myanmar, les investissements directs
étrangers pour l'année 2008-2009 ont été multipliés par six par rapport à l'année précédente
(de 173 à 985 millions de dollars). 87% de ces investissements étaient chinois. Selon
certaines estimations, près de 90% de l'économie de Myanmar est soutenue par le capital
chinois.
Les entreprises chinoises sont actives au Moyen-Orient, en particulier en Iran, où un seul
investissement dans la construction d'un complexe industriel pour la production
d'aluminium a été estimé à 516 millions de dollars. L'Iran est en concurrence avec l'Arabie
saoudite en tant que fournisseur pétrolier de la Chine.
Un autre fournisseur pétrolier important de la Chine est le Vénézuela. La Chine a investi 2
milliards de dollars pour le développement de l'extraction pétrolière dans ce pays. En 2004,
le Vénézuela a vendu 12 000 barils de pétrole par jour à la Chine, en 2006 il lui vendu 200
000 barils par jour et en 2011 cela devrait être de l'ordre de 500 000 barils. Ce pétrole sera
expédié en Chine après avoir été traité dans une nouvelle usine spécifiquement conçue pour
le pétrole brut Vénézuelien. Il passera par le canal de Panama qui est désormais contrôlé par
les grands groupes chinois et a été redessiné de façon à permettre aux tankers Vénézueliens
de passer. La Chine, afin de « lier » économiquement le Vénézuela, a signé des accords
commerciaux d'une valeur de 9 milliards d'euros pour le développement des infrastructures
vénézueliennes, ainsi que dans les secteurs de l'extraction de ressources minières, de
l'agriculture et des télécommunications.
La Chine a été en mesure de gagner un accès aux ressources naturelles de Sibérie et d'Asie
centrale. En août 2010, fut ouvert le pipe-line qui relie la Chine aux ressources naturelles de
l'Est Sibérien. Dans un premier temps, la Chine importera de Russie 15 millions de tonnes de
pétrole par an, un chiffre qui devrait être multiplié par deux à l'avenir.
Par ailleurs, la Chine a été en capacité de se frayer un accès au gaz naturel de la Mer
Caspienne, en construisant un pipe-line au Turkménistan d'une capacité de 30 milliards de
m3. Dans le même temps, elle est en négociations avec l'entreprise russe « Gazprom » pour
la construction de deux nouveaux gazoducs pour le transport de 63 milliards de m3 par an,
l'équivalent de la quantité de gaz transportée par « South Stream » de Russie vers l'Europe
du sud. On estime que la Chine contrôle, en outre, 23% du pétrole extrait au Kazakhstan.
Accroissement de la force militaire chinoise
Ces dernières années la Chine, comme les autres pays capitalistes, a procédé à un
renforcement significatif de ses forces armées. Aujourd'hui, l'armée chinoise est la première
en nombre d'hommes, avec 2 300 000 de soldats. Néanmoins, ce qui compte aujourd'hui est
moins la taille de l'armée que l'acquisition de systèmes d'armement moderne, de forces
militaires bien armées.
En 2010, la Chine a augmenté ses dépenses militaires de 7,5%, atteignant 77,9 milliards de
dollars, 25% de plus que le budget annuel de la Russie mais dix fois moins que le budget
américain. Il faut noter que les Etats-unis jugent que le montant réel que la Chine dépensera
pour les questions militaires sera le double en 2010 et atteindra les 150 milliards de dollars
tandis qu'ils estiment que, dans une période de quatre ans, depuis 2006, les dépenses
militaires chinoises ont quadruplé.
Aujourd'hui, la Chine possède 434 têtes nucléaires, 1 500 missiles balistiques, la plupart
d'une portée de 2 800 kms, tandis que 20 ont une portée de 4 750 kms et 4 une portée de 12
000 kms. Elle est le troisième pays possédant le plus de sous-marins au monde et est parmi
les cinq pays du monde à posséder des sous-marins nucléaires lanceurs de missiles
balistiques. En 2007, la Chine a détruit par un missile un de ses propres satellites,
démontrant sa capacité à agir dans l'espace et à développer son propre programme spatial.
Elle possède encore 7 580 chars et 144 navires de guerre, 1 700 avions de chasse, 500
d'entre eux de 4ème génération et elle possédera des avions de 5ème génération d'ici 2018.
Elle importe des armes mais produit aussi des dizaines de dispositifs d'armement modernes,
achetant les brevets des systèmes d'armement, mais aussi tout simplement en les copiant.
Elle va bientôt acquérir son premier porte-avions.
Selon le rapport de l'Académie chinoise des sciences sociales, la Chine est le deuxième pays
du monde pour ce qui est des dépenses militaires, la taille de ses forces armées et leur
équipement. En conclusion, même si la Chine ne peut encore se comparer pour le moment à
la puissance militaire américaine, même si elle est à la traîne pour ce qui est de la question
de la riposte théorique à une première frappe nucléaire (une capacité que la Russie possède
par exemple), dans le même temps elle a fait des progrès remarquables dans le domaine
militaire. Cela n'est pas ignoré par les États-Unis.
Le renforcement de sa présence dans les organisations internationales
La Chine est un membre de l'ONU depuis sa création, et un membre permanent du Conseil
de sécurité. Elle a augmenté sa contribution économique à l'ONU de 0,995% du budget de
l'ONU en 2000 à 2,053% en 2006, tandis qu'en 1988 elle s'est affichée disposée à contribuer
aux « forces de maintien de la paix » de l'ONU. Depuis, elle a pris part à une dizaine
d'opérations de « maintien de la paix » (Libéria, Afghanistan, Kosovo, Haiti, Soudan, Liban,
etc.) et maintient une « force de maintien de la paix » de 6 000 hommes. Le Ministère de la
Défense de Chine avait noté que la Chine avait participé à 24 missions de maintien de la paix
en 2010, impliquant 10 000 soldats, et qu'elle est le plus actif des membres permanents du
Conseil de sécurité dans les « opérations de maintien de la paix ».
La Chine, avec la Russie et d'autres pays d'Asie centrale, a formé en 2001 l' « Organisation de
la coopération de Shanghai » (OCS), qui tout en menant des exercices militaires annuels
massifs, n'est pas considérée comme un « bloc » militaire et met en avant essentiellement
des questions de coopération économique entre pays de la région et leur sécurisation
politique. Cela démontre tout l'intérêt que la Chine accorde à une région riche en ressources
naturelles, telle que l'Asie centrale qui dans les vingt dernières années est devenue un objet
de discorde dans les rivalités inter-impérialistes. Dans le même temps, la Chine est un
membre de la « Coopération économique Asie-Pacifique » (APEC) depuis 1991, une
organisation fondée en 1989 à l'initiative de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. 21 pays y
participent, des pays qui représentent 40% de la population mondiale, 54% du PIB mondial
et 44% du commerce global.
Enfin, elle a participé aux forums des pays capitalistes les plus développés (au G8 comme
observateur, et au G 20 comme membre à part entière), et dans le même temps, sans
qu'aucune organisation spécifique n'ait été formée, elle coopère avec les pays dits BRIC
(Brésil, Russie, Inde, Chine), qui cherchent à renforcer leurs positions dans le rapport de
force international. Ces pays coordonnent étroitement leurs interventions au G 20, tout en
essayant dans le même temps de coordonner leur action à l'ONU.
Analyses concernant la position et le rôle de la Chine dans le système impérialiste
international
Concernant sa position économique
1 – La Chine, particulièrement à partir des années 1980, a lié son économie au marché
capitaliste international. C'est un fait qui n'est pas nié par les dirigeants chinois, mais qu'ils
mettent même en avant. Elle participe activement à la division capitaliste globale du travail
en se faisant l' « atelier du monde » avec une main d’œuvre bon marché, avec des taux de
profit pour ces capitalistes qui ont la capacité d'y investir.
2 – Conséquence de ce changement de cap, la Chine s'est vue intégrée par d'autres
puissances impérialistes, avant tout les États-Unis, mais aussi le Japon, l'UE, en raison de sa
dépendance envers eux comme première puissance exportatrice mondiale. Elle fait partie
intégrante du système impérialiste international. Cette relation de dépendance et d'interdépendance est bien exprimée par le fait que la Chine possède des bons américains.
3 – Tant que la Chine se renforcera économiquement, ses besoins en matières premières et
en hydrocarbures ne feront que s'accroître. Pour cette raison, les rivalités inter-impérialistes
pour le contrôle des sources énergétiques, en Asie centrale, au Moyen-orient, en Afrique et
en Amérique latine s'aiguiseront au niveau mondial :
Comme l'écrivait Lénine : « Si les capitalistes se partagent le monde, ce n'est pas en raison de
leur scélératesse particulière, mais parce que le degré de concentration déjà atteint les oblige
à s'engager dans cette voie afin de réaliser des bénéfices; et ils le partagent
« proportionnellement aux capitaux », « selon les forces de chacun », car il ne saurait y avoir
d'autre mode de partage en régime de production marchande et de capitalisme. Or, les
forces changent avec le développement économique et politique ».
La compétition pour les parts de marché est particulièrement féroce. Cela est révélé par les
efforts récents des cercles politico-économiques aux Etats-unis pour mettre en œuvre une
législation qui prévoirait de sanctions contre ces pays dont ils considèrent qu'ils
maintiennent leur devise à un taux artificiellement bas, afin de garantir à leurs exportations
des prix compétitifs, s'emparant ainsi de parts de marché et évinçant leurs concurrents.
Les arguments suivants sont souvent avancés pour contredire les éléments soulignés cidessus :
A – L'argument selon lequel l'URSS avait également des rapports économiques. Nous devons
rappeler la chose suivante : plus de la moitié des échanges commerciaux de l'URSS étaient
tournés vers d'autres pays socialistes du Conseil d'assistance économique mutuelle. Près
d'un tiers des échanges de l'URSS impliquaient le pétrole et le gaz naturel, qu'il possédait en
abondance, tandis que le tournant vers l'accroissement des exportations et le
développement de relations avec les pays les plus développés, s'est produit après les années
1960, guidé par les conceptions opportunistes de la « coexistence pacifique » et de la
« compétition pacifique ». Néanmoins, même alors, l'URSS n'a jamais possédé 1/3 des bons
américains ni n'a jamais exporté de capital. Et on n'a jamais vu personne en URSS capable
d'acheter le port du Pirée ! Des faits qui démontrent la différence qualitative entre la Chine
d'aujourd'hui et un pays socialiste comme l'URSS
B – Quelque fois nous entendons dans certains milieux que, contrairement aux autres
puissances impérialistes, la Chine avec ses investissements dans les pays en développement
ne cherche pas à piller leurs ressources naturelles, mais à créer des infrastructures (routes,
bâtiments, installations industrielles, hôpitaux, écoles, etc). L'objectif est, comme le
prétendent les Chinois eux-mêmes, que ces pays « améliorent le développement de leurs
infrastructures et promeuvent la coopération économique ». La Chine met en place des
programmes médicaux spéciaux dans les pays en développement, des programme pour la
formation des cadres de ces pays, pour la réduction des droits de douane sur les
importations des produits de ces pays en Chine, qui absorbe 50% de toutes les importations
provenant des pays moins développés vers les pays développés, et dans le même temps, elle
leur garantir des taux d'intérêt bas. Cela nous est souvent présenté comme une preuve de la
différence entre la Chine « socialiste » et les autres puissances impérialistes.
Même si nous acceptions le fait qu'il y ait une différence dans la façon dont la Chine opère
en Afrique, en Asie, etc, par rapport à d'autres puissances impérialistes (ce qui est
discutable, puisqu'elles développement des programmes « humanitaires » et « éducatifs »
similaires dans des pays moins développés. Ex : l'UE, jusqu'en 2008, était le premier
partenaire commercial et le premier partenaire humanitaire de l'Afrique), dans le fond ces
mesures ne changent pas le but ultime des activités chinoises. Leur but est de faciliter les
investissements chinois dans ces pays, la pénétration du capital chinois, qui opère dans ces
pays, c'est-à-dire l'accumulation de capital. Cette activité se trouve facilitée quand il existe
des infrastructures modernes (routes, ports, aéroports, bâtiments) ainsi que les
infrastructures nécessaires à l'éducation de la main d’œuvre, nécessaires à la bonne marche
des affaires. Les taux d'intérêt bas accordés par les banques chinoises pour l'absorption des
exportations de ces pays par la Chine vise à préserver des conditions plus favorables pour la
pénétration du capital chinois dans ces pays ainsi que le renforcement de ses relations avec
eux – avec un œil vers leur cooptation dans une alliance politique dans les diverses
organisations internationales (ONU, OMC etc) où (comme nous le verrons plus tard), la Chine
essaie de monter un bloc de pays, avec d'autres États capitalistes qui cherchent à renforcer
leur position internationale.
La promotion de la Chine comme contre-poids aux impérialistes
L'intérêt croissant pour la Chine dans les rangs du mouvement communiste international est
lié aux interrogations sur les changements dans le rapport de force mondial provoqués par l'
« émergence » de la Chine à l'échelle régionale et mondiale, et si ils pourraient conduire à la
création d'un nouveau contre-poids aux impérialistes, un rôle joué par l'URSS dans le passé.
Précédents historiques
Il est important de rappeler certains événements historiques. Tant que l'URSS existait, la
politique étrangère chinoise était coordonnée avec celle des États-Unis contre l'URSS. Cette
position a d'abord été présentée comme une critique du tournant opportuniste du PCUS au
20ème Congrès. Bien entendu, nous savons désormais qu'au départ le PCC n'a pas
réellement marqué ses distances, ouvertement ou dans le fond, avec les orientations du 20
ème Congrès du PCUS. Son désaccord a été rendu public plus tard, motivé par les disputes
frontalières sino-soviétiques. La position du PCC a eu un certain impact sur quelques PC, en
raison de la dérive opportuniste de l'URSS sur des positions concernant « la compétition et la
paix éternelles » avec les puissances impérialistes dans le cadre de la « coexistence
pacifique ». Néanmoins, après le 20 ème Congrès, le PCC n'a pas limité ses critiques aux
positions opportunistes du PCUS mais a choisi une stratégie qui a conduit concrètement, et
en de multiples occasions, à une prise de position hostile envers le mouvement communiste
international et l'URSS, et ce en coordination avec les États-Unis, à une position contraire
aux intérêts du mouvement révolutionnaire mondial. Le PCC a agi sur la base de son analyse
des « trois mondes » : le « premier monde » était celui des super-puissances (l'URSS était
étiquetée comme une « puissance social-impérialiste »), le « second monde » était constitué
des alliés puissants des super-puissances, et le « tiers-monde » était celui des pays en
développement, dont la Chine.
Un exemple typique, l'attitude de la Chine par rapport au soutien internationaliste apporté
par l'URSS au pouvoir révolutionnaire Afghan.
A cette occasion, la Chine s'est intégrée au « bloc » des forces formé par les Etats-unis, avec
l'Arabie saoudite, le Pakistan et d'autres, finançant les forces sociales et politiques les plus
réactionnaires en Afghanistan, celles qui menaient une lutte armée contre le gouvernement
populaire tout juste formé.
Dans un article du « Washington Post » du 19 juillet 1992 concernant les manœuvres
employées par la CIA en Afghanistan en 1990, il est mentionné que la Chine a vendu des
armes à la CIA et a donné un nombre un peu faible d'armes au Pakistan. Dans le même
temps, l'article souligne « à quel point la Chine a joué un rôle qui constitue un des secrets les
mieux gardés de la guerre ». Dans cet article, on trouve également des références au type
d'armes que la Chine a fourni pour renforcer les contre-révolutionnaires.
Un autre exemple emblématique est l'attitude de la Chine vis-à-vis de la lutte du peuple
Vietnamien, dans sa phase de lutte pour la libération nationale. La Chine a refusé les
propositions de l'URSS pour l'organisation d'actions communes pour soutenir le Vietnam.
« Pékin a rejeté les propositions de l'URSS de fermeture de l'espace aérien Vietnamien aux
envahisseurs Américains. Les dirigeants chinois ont refusé de mettre à disposition leurs
aéroports du sud du pays pour le stationnement d'avions militaires soviétiques, qui auraient
pu défendre le Vietnam. Les autorités chinoises ont bloqué le transport d'équipement
militaire et d'experts d'URSS vers la République démocratique du Vietnam ». Plus tard,
quelques années après la libération du pays des impérialistes, le 17 février 1979, la Chine a
déclenché une offensive militaire contre le Vietnam. Cela fut précédé en février 1979 par la
visite du vice-président chinois, Deng Xiaoping, à Washington, qui a alors parlé de la
nécessité de « donner une sacrée leçon au Vietnam », ce qui a été salué par les politiciens
américains qui ont promis alors la livraison d'armes de la part des pays occidentaux. Après
30 jours de combat, l'armée chinoise composée de 600 000 hommes, qui avait envahi le
Vietnam, et avait perdu 60 000 soldats, 300 chars, et 100 pièces d'artillerie lourde et de
mortiers, a été contrainte de battre en retraite.
Comme nous le savons désormais, durant cette période, il y eut de nombreux contacts à
tous les niveaux entre la Chine et les États-Unis. Le 4 novembre 1979, une « fuite » a permis
la publication d'un document officiel dans le « New York Times » qui mentionnait que l'aide
militaire américaine à l'Armée de libération populaire chinoise était estimée à 50 milliards de
$ afin, disait-on, « de faire obstacle à l'Armée rouge ». En outre, lorsque le Secrétaire à la
défense nationale pour la recherche, William Perry, a visité Pékin en 1980, il a informé les
Chinois que le gouvernement des Etats-unis « avait approuvé l'exportation de 400 licences
liées à des biens à multiples usages et à des équipements militaires. Cela comprenait du
matériel tel que des ordinateurs géophysiques, des véhicules lourds, des avions de transport
C-130 et des hélicoptères Chinook ».
Dernier exemple, la position que prit la Chine par rapport à la guerre civile en Angola, où elle
a soutenu (économiquement et militairement) les forces locales de la réaction, qui luttaient
dans un front uni avec les armées racistes d'Afrique du sud, et qui avaient envahi la
République populaire d'Angola.
La République populaire d'Angola était soutenue par des armes et des conseillers militaires
venant d'URSS et par des milliers de volontaires cubains qui avaient lutté comme volontaires
et avaient contribué de façon décisive à l'écrasement des forces sud-africaines et à la défaite
des forces réactionnaires locales. Comme cela a été révélé par les documents déclassifiés de
la CIA, durant cette période, il y eut une forme de coordination entre les États-Unis et la
Chine, y compris des opérations militaires menées en Angola.
La situation aujourd'hui
Revenons à la situation présente. Aujourd'hui, avec le développement et la prédominance
des rapports de production capitalistes en Chine, avec sa participation aux organisations
impérialistes telles que l'OMC et son intégration au système impérialiste, sa position n'est
guère différente de celle des puissances impérialistes. Quels que soient les désaccords
qu'elle puisse avoir avec les États-Unis sur le « partage du butin », il existe une entente sur la
question des droits des travailleurs, réduits pour le bien de l'économie de marché, et aussi
contre les États dont les agissements rentrent en contradiction avec les intérêts des grands
monopoles des puissances impérialistes.
Un exemple, l'attitude de la Chine concernant le programme nucléaire de l'Iran. Comme
nous le savons, la Chine a développé une coopération économique étroite avec l'Iran, qui est
un de ses principaux fournisseurs pétroliers. En dépit de cette coopération, en septembre
2010, la Chine, ainsi que la Russie, a fait bloc avec les États-Unis, la France, l'Allemagne et la
Grande-Bretagne (« le groupe des 6 ») sur la question du programme nucléaire iranien,
demandant que l'Iran fasse machine arrière et accepte les conditions du Conseil de sécurité
de l'ONU concernant son programme nucléaire. Plus tôt, en juin 2010, la Chine a accepté au
Conseil de sécurité de l'ONU de nouvelles sanctions contre ce pays.
Second exemple, sa position par rapport au Kosovo. Même si la Chine et d'autres puissances
impérialistes n'ont pas encore reconnu officiellement le Kosovo, il est intéressant de noter,
qu'au Conseil de sécurité de l'ONU, elle n'a pas adopté une position résolue et cohérente
contre l'offensive de l'OTAN dans les Balkans, tandis qu'elle s'est abstenue sur l'opération de
maintien de la paix, dans laquelle l'OTAN joue un rôle capital (la fameuse KFOR) et a
participé par la suite à l'occupation en envoyant des forces de police.
En outre, en 2010, nous avons eu la décision ignominieuse du Tribunal international de la
Haye, qui a statué que la déclaration d'indépendance du Kosovo n'était pas une violation du
droit international. Certains juges ont tenu une position différente concernant cette décision
très importante. Les juges de Russie, de Slovaquie, du Brésil et du Maroc ont statué contre la
légitimisation du Kosovo, soutenue par les juges des États-Unis, du Japon, d'Allemagne, de
France, de Grande-Bretagne, du Mexique, de Nouvelle-Zélande, du Sierra Leone, de Somalie
et de Jordanie. Comme cela est mentionné dans les documents publiés, le juge chinois n'a
pas pris part à cette décision qui vise à modifier les frontières dans les Balkans, ouvrant la
« boîte de Pandore » et allumant de nouvelles querelles potentielles concernant les
minorités nationales, sur des « questions procédurales ». Cela fut suivi par l'appel lancé par
l'Albanie à Pékin pour reconnaître l'indépendance du Kosovo et pour user de son influence
au Conseil de sécurité de l'ONU afin que les autres Etats-membres soutiennent sa
reconnaissance.
Troisième exemple, la visite du premier ministre chinois, Wen Jiabao, en Grèce en octobre
2010. Dans son discours au parlement grec, le premier ministre chinois a affirmé que la
Chine soutenait un Euro stable car « nous avons la conviction qu'une Europe forte et unie
pourra jouer un rôle irremplaçable dans le développement du monde » et il a ajouté qu'il
ressentait de la « joie quand il voyait la Chine s'éloigner de la brume de la dette étrangère, en
réduisant son déficit et en s'ouvrant des perspectives de développement économique ». Dans
ces deux phrases, le premier ministre chinois, membre du bureau politique du comité
central du PC Chinois, a réussi à résumer le soutien des dirigeant de son pays au centre
impérialiste européen qu'est l'UE et au gouvernement social-démocrate du PASOK qui, sous
prétexte de réduction des déficits, mène un programme anti-populaire brutal afin de réduire
le coût de la main d'œuvre en Grèce.
Les dirigeants chinois ont signé une série d'accords avec le gouvernement grec, qui
constitueront une source de profits pour certaines fractions de la ploutocratie grecque. Les
fameux 5 milliards d'investissement chinois ne sont rien d'autre qu'un coup de pouce pour
les armateurs grecs, au service de l'industrie de construction navale chinoise, tout en
poursuivant son but de continuer la pénétration du marché européen par la Grèce. La
construction, l'utilisation et l'exploitation des ports et des lignes de chemin de fer, ainsi que
des infrastructures de construction de navale, par les monopoles chinois et certaines
entreprises grecques renforceront encore le développement inégal aux dépens des besoins
du peuple.
L’expansion et le renforcement de l'activité du capital dans ces infrastructures essentielles,
en lien avec les politiques anti-populaires, ont conduit à appauvrir les travailleurs, en
réduisant leur salaires et leurs droits sociaux. Les exportations d'huile d'olive ne profiteront
qu'aux gros capitalistes qui les contrôlent et non aux petits exploitants, dont la position ne
cesse de se dégrader. Néanmoins, cette visite a été utilisée par le gouvernement « socialdémocrate » du PASOK en vue de faire croire aux couches populaires du pays que grâce aux
investissement chinois (ou ceux du Qatar, d’Israël, etc.), il y aurait développement et que par
conséquent le PIB connaîtrait une croissance et que des miettes tomberaient pour le peuple,
de la table des capitalistes. En réalité, nous parlons naturellement d'une perspective d'issue
capitaliste à la crise qui ne fera pas obstacle au développement en faveur du grand capital, ni
à la pauvreté et au chômage du peuple. Nous parlons d'un développement qui casse les
capacités productives de notre pays et l'engage dans de dangereuses rivalités impérialistes.
En tout cas, on ne peut certainement pas parle de la « contribution internationaliste » de la
Chine à la lutte du peuple grec.
Enfin, le Parti communiste de Chine peut bien pour le moment maintenir son titre de « parti
communiste », néanmoins nous savons qu'il a développé des liens très étroits avec
l'Internationale socialiste. En 2009, le PCC a organisé en Pékin un séminaire commun avec
l'Internationale socialiste, avec comme sujet « un modèle de développement différent :
l'économie verte ». Dans son discours sur place, le président du PASOK et de l'Internationale
socialiste, G.Papandreou a exprimé le « désir de l'Internationale de renforcer encore les
relations entre les deux camps, ce qu'a démontré le séminaire d'aujourd'hui ». La question
d'une « coopération plus large dans le cadre de l'Internationale socialiste » a également été
mise à la discussion lors de la rencontre entre le PASOK et le PCC en juillet 2010.
En 2009, le livre « la Chine n'est pas satisfaite » (42) qui traite de la position de la Chine dans
le monde a été publié en Chine (700 000 copies ont été vendues en trois mois, et des
millions encore après). Parmi les éléments que l'on retrouve dans l'ouvrage :
« Nous sommes les personnes les plus à même de prendre la direction du monde » Puisque,
c'est l'argument, la Chine gère les ressources naturelles mondiales de façon plus efficace que
tout autre pays, il doit prendre la tête du monde. Il y est noté également que l'armée
chinoise doit défendre la souveraineté du pays hors des frontières, directement dans les
pays où la Chine a des « intérêts vitaux » à défendre. (43) Il propose la mobilisation de
l'armée chinoise dans les espaces où le capital chinois est actif. Nous devons nous rappeler
que la Chine joue un rôle actif dans la « guerre contre la piraterie » (dans la « Déclaration
commune » signée entre le gouvernement grec et la Chine lors de la récente visite du
premier ministre chinois en Grèce, le gouvernement grec a remercié la Chine pour la
protection par la Marine chinoise de navires grecs dans les eaux somaliennes), tentant de
contrôler d'important lieux de passages maritimes internationaux.
Dans le livre sus-mentionné, il y a une discussion sur le « besoin d'un espace vital » pour la
Chine, et les regards sont tournés vers les vastes étendues de Sibérie qui « doivent être
cultivées par le grand peuple chinois ».
Cela va sans dire qu'un tel livre n'a pu être publié en Chine aujourd'hui sans l'approbation du
PCC. Pour ceux qui en doutent encore, il suffit de lire l'organe du PCC, le « Quotidien du
peuple », qui écrit : « Apparemment, la Chine est prête à placer le Far East Russe sous son
influence, mais de façon à ne pas alarmer Moscou. La force de cette influence reposera non
pas sur une immigration à grande échelle de colons chinois, mais sur la « sinisation » des
Russes (…) Un beau jour, il y aura une crise sérieuse et, au vu de l'influence politique et
militaire déclinante de Moscou, ces Russes pourront se tourner vers Pékin et non vers leur
propre gouvernement. Dans cette situation potentielle, le Far East Russe pourra devenir une
province de la Chine ».
Dans la même veine, on doit se souvenir qu'en août 2010 le représentant du Ministère de la
Défense du Vietnam, Nguen Fwong Nga, a publié la déclaration suivante : « Le Vietnam exige
que la Chine cesse immédiatement ses violations de la souveraineté du Vietnam » (47) Dans
la mer de Chine méridionale, où il y a des réserves énergétiques, des « zones grises » ont
émergé et des régions où la souveraineté est disputée.
Bien entendu, dans le cadre de cette compétition, émergent également à la fois des « axes »
de coopération et des « anti-axes ». Nous pouvons ainsi voir le premier ministre italien
Berlusconi, qui traite habituellement tout opposant politique de l'accusation gravissime de
« communiste », n'avoir aucun problème à éclairer le Colisée à Rome de la couleur rouge des
« communistes » afin d'honorer le premier ministre chinois qui a visité la « ville éternelle »
avec comme objectif de doubler le commerce entre les deux pays pour atteindre les 100
milliards de dollars d'ici 2015, tout en participant au « développement des ports et d'autres
investissements », en suivant une politique visant à faire de l'Italie une « porte d'entrée » en
Europe (48).
Coopération avec la Russie, le Brésil et l'Inde afin de changer le rapport de force dans les
organisations internationales
Ces dernières années, la Chine a développé des formes de coordination et de coopération
avec des Etats qui cherchent à reconfigurer leur position internationale (Brésil, Russie, Inde),
ceux qu'on nomme les BRIC, ainsi que des alliances-partenariats dans des unions régionales,
comme l'Organisation de la coopération de Shanghai (avec la Russie et les anciennes
républiques soviétiques d'Asie centrale). Ces alliances et ces partenariats peuvent-ils être
considérés comme un coup porté au « monde unipolaire » des Etats-unis ?
Avant tout, nous devons affirmer qu'un « monde unipolaire » n'existe et n'a jamais existé. Il
a toujours existé une différenciation au sein du système impérialiste international, les Etatsunis ayant acquis la première place dans l'après-guerre et menant la lutte contre le
socialisme, dans laquelle l'URSS a joué un rôle essentiel. La lutte entre l'OTAN-OCDE et le
Pacte de Varsovie-Conseil d'assistance économique mutuelle était une lutte de classe. Après
le renversement du pouvoir soviétique et la dissolution de l'URSS, les contradictions interimpérialistes se sont intensifiées, en raison du rôle essentiel joué par les États-Unis dans ces
événements. Dans le même temps, à cause du développement capitaliste inégal, de
nouvelles puissances impérialistes émergentes sont apparues à côté des États-Unis, l'UE et le
Japon, cherchant à acquérir une part des matières premières, des voies
d'approvisionnement et des marchés. On le présente aujourd'hui dans les médias bourgeois
comme un « monde multi-polaire » et la fin du « monde unipolaire ». Les décalages dans le
déclenchement de la crise capitaliste accélèrent les bouleversements du rapport entre
forces capitalistes, mais cela ne fait pas pour autant du monde un espace plus pacifique et
plus sûr. Tant que la contradiction entre capital et travail ne sera pas résolue au niveau
national, régional et mondial, tant que les nouvelles puissances émergentes seront guidées
par la soif du capital pour de nouveaux marchés et de nouvelles matières premières, nous
n'assisterons pas à des changements radicaux. Les États qui gagnent du terrain dans le
système impérialiste international ne peuvent jouer le rôle que l'URSS a joué dans le passé,
car ils agissent dans la recherche d'un profit maximal pour leurs monopoles. C'est vrai pour
la Chine, et on ne peut le nier juste parce qu'elle a gardé le drapeau rouge et parce que son
parti porte le titre de « communiste ».
De plus, lorsque nous nous concentrons sur la coopération des pays dit BRIC ou sur ceux de l'
« Organisation de la coopération de Shanghai » ou la coopération atteinte par les ministres
des affaires étrangères de Chine, d'Inde et de Russie, nous ne devons pas oublier que ce
n'est qu'un aspect des rivalités impérialistes. Il existe en arrière-plan de dures rivalités et
contradictions entre ces puissances. Ex : entre la Russie et la Chine sur les ressources
énergétiques en Asie centrale, ou sur les ambitions chinoises dans le Grand est sibérien etc.
On peut dire la même chose pour les relations entre la Chine et l'Inde, où au-delà de la
question frontalière non-résolue (ex : en août 2010, l'Inde a envoyé deux divisions dans l'Etat
de l'Arunachal Pradesh afin de renforcer sa frontière avec la Chine), il existe également une
compétition féroce pour l'hégémonie dans la région de l'Asie orientale. Typique le fait que le
Ministre de la Défense indien ait tenu en 2009 et 2010 plusieurs conférences sur la
modernisation des forces armées chinoises, fixant des objectifs comparables pour les forces
armées indiennes.
La tendance à la modification des relations avec les États-Unis se développe également au
sein des États d'Amérique latine, le Brésil se trouvant en première ligne. Ces États cherchent
ainsi à renforcer leurs relations avec la Chine, la Russie, l'Inde et l'UE. La compétition et la
coopération co-existent dans le monde impérialiste, où l'interdépendance et les alliances
forgées vont de pair avec les rivalités et les contre-alliances.
Dans le même temps, tous ceux qui considèrent que la Chine est une « brèche » dans l'
« unipolarité » américaine, ignore le fait que la Chine en 2001 a soutenu publiquement la
« guerre contre le terrorisme » et la résolution du Conseil de sécurité 1373/2001, qui a lancé
l'agression impérialiste sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Bien entendu, le
mouvement communiste international a choisi la direction opposée, lorsqu'à la Rencontre
internationale des partis communistes et ouvriers en 2002 (avec 62 PC), il fut souligné que
« les événements du 11 septembre ont constitué également un alibi pour lancer une offensive
sans précédent contre les libertés et les droits des peuples sous prétexte d'une déclaration de
guerre contre le terrorisme. Les impérialistes étiquettent comme terroriste tout mouvement
de résistance qui lutte contre la mondialisation capitaliste et les décisions prises, contre les
intérêts des peuples, par les organisations internationales (FMI, Banque mondiale, OMC, UE,
etc.), les mouvements anti-impérialistes qui luttent contre les interventions impérialistes et
les guerres, et contre l'OTAN, ainsi que tout mouvement social ou de libération nationale, et
les luttes contre les dictatures et les régimes fascistes ».
L'alliance de la Chine avec les pays « en développement »
Le 10 juillet 1986, la Chine a officiellement exprimé son souhait de rejoindre le GATT, et le 11
décembre 2001 elle est devenue le 143ème membre de l'OMC (Organisation mondiale du
commerce), qui a pris la suite du GATT.
Au sein de l'OMC, la Chine a insisté sur les contradictions secondaires qui existent dans le
système impérialiste mondial. Dans son rapport au 16ème Congrès du PC Chinois, Jiang
Zemin, a évoqué la « différence de développement entre Nord et Sud », ainsi que le « poids
la domination économique, scientifique et technologique des pays développés ». Selon
certaines sources, la Chine cherche constamment à se présenter comme un représentant et
un leader des pays en développement.
Depuis que la Chine a renforcé économiquement sa position internationale, les dirigeants
chinois insistent pour se présenter comme un « pays en voie de développement ». Cette
affirmation repose sur trois arguments : (a) en 2008, le PIB par tête de la Chine n'était que
de 3 300 dollars, le 104ème au monde ; (b) sur 1,3 milliards d’habitants, plus de 700 millions
sont des paysans ; ( c ) l'industrie, l'agriculture et le secteur des services constituent
respectivement 49, 11 et 40% du PIB, tandis que dans les pays au niveau de développement
capitaliste plus avancé, l'industrie et l'agriculture ont une part moins importante dans
l'économie. En 2009, le PIB avait augmenté de 9,5% dans l'industrie, de 8,4% dans les
services et seulement de 4,2% dans l'agriculture.
Les classements de l'ONU et de l'OCDE sont problématiques et ne reflètent pas la réalité de
la Chine ; c'en est de même pour l’étiquette de pays en « voie de développement » que lui
donnent ses dirigeants. Ces phénomènes d'économie capitaliste « en développement »
tiennent au développement profondément inégal entre la partie occidentale et la partie
orientale du pays. Un tableau plus juste peut être donné à partir des données concernant la
partie orientale du pays. Et bien sûr, ce qui est vrai pour le capitalisme en général s'applique
aussi pour la partie orientale développée : la concentration des moyens de production entre
une poignée de mains et des inégalités sociales grandissantes.
De ce point de vue, l'alliance de la Chine avec d'autres puissances (ex : l'Inde) avec un
développement capitaliste aussi inégal ne les place pas dans la même position que certaines
sociétés asiatiques ou africaines, en retard de développement. Néanmoins au nom de cette
rhétorique du « retard de développement », des « aspirations patriotiques » sont agitées qui
sont utilisées pour tenter de piéger le mouvement ouvrier, les Partis communistes, les forces
radicales, invitées à oublier dans l'immédiat la lutte de classe et la nécessité de construire
une autre société, pour mieux se consacrer au « renforcement de la position internationale
de leurs pays ». La poursuite d'un « développement national » est souvent articulée avec un
« anti-impérialisme » sélectif, qui concentre ses tirs uniquement sur les Etats-unis,
caractérisés comme un « empire », et éventuellement sur certains Etats d'Europe
occidentale. La théorie du « milliard doré » (les 30 pays les plus développés qui
appartiennent à l'OCDE) rentre dans cette logique, en posant comme critère de base la
consommation par tête de chacun des pays.
Dans le même temps, ceux qui se concentrent trop sur la distinction entre pays développés
et en développement, oublient que même dans les pays capitalistes les plus riches, comme
les Etats-unis, il existe des phénomènes de misère de masse et de pauvreté chez les couches
populaires. Il existe également des phénomènes d'enrichissement massif dans les pays les
plus pauvres, de façon encore plus patente, peut-être, que dans les pays dit développés.
L'analyse de Marx est plus que jamais pertinente : « Plus un pays est productif par rapport à
un autre sur le marché mondial, plus ses salaires seront élevés. En Angleterre, ce n'est pas
seulement les salaires nominaux mais aussi réels qui sont plus élevés que sur le continent. Le
travailleur mange plus, il satisfait mieux ses besoins. Cela, cependant, ne s'applique qu'à
l'ouvrier d'industrie et non au travailleur agricole. Mais, ramenés à la productivité des
travailleurs anglais, leurs salaires ne sont pas plus élevés (que ceux versés dans d'autres
pays) » (56).
Si les forces communistes abandonnent le mot d'ordre de la solidarité internationaliste
prolétarienne et soutiennent l'idée de partage du monde entre « Nord » et « Sud » ou l'idée
du « milliard doré », elles tomberont facilement dans le piège de l' « unité » avec le « capital
domestique », c'est-à-dire avec la classe bourgeoise de leurs pays (ou une fraction d'entre
elles), qui cherche à améliorer sa position au sein du système capitaliste mondial. Dans ce
cas, en tant que communistes, ils auront révisé, consciemment ou inconsciemment, la thèse
Léniniste centrale sur « l'impérialisme, stade suprême du capitalisme », qui parle d'une ère
totalement réactionnaire du capitalisme, et par conséquent de toute société capitaliste,
quelle que soit sa place dans le marché mondial.
C'est une raison de plus qui explique que la position de la Chine, qui cherche à se présenter
comme le leader des « pays en voie de développement », contribue à sa désorientation et à
la création d'une confusion au sein du mouvement communiste international, puisque celui
qui est à la tête de ce projet est un grand pays gouverné par un parti qui porte le nom de
« communiste ».
L' « ouverture » prétendument inévitable au marché mondial
Le PCC et d'autres ont défendu l'idée d'un renforcement graduel des rapports capitalistes de
production comme une manière de participer à la mondialisation : « aujourd'hui, dans un
monde de plus en plus globalisé, la Chine ne peut se développer en s'isolant du reste du
monde, tout comme le monde ne peut pas ignorer la Chine dans sa quête de prospérité ».
Mais le « marché mondial » n'est pas quelque chose de neutre, un marché où il y a échange
mutuel de produits entre production capitaliste et socialiste. Le phénomène de
« mondialisation », au nom duquel le niveau de salaires dans les pays capitalistes avancés est
remis en cause aujourd'hui, n'est pas quelque chose de nouveau. En fait, dans le « Manifeste
du Parti communiste », il y a des références au « marché mondial » : « Par l'exploitation du
marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la
consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à
l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont
encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries, dont l'adoption
devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui
n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des
régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays
même, mais dans toutes les parties du globe. A la place des anciens besoins, satisfaits par les
produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les
produits des contrées et des climats les plus lointains. A la place de l'ancien isolement des
provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles,
une interdépendance universelle des nations. Et ce qui est vrai de la production matérielle ne
l'est pas moins des productions de l'esprit Les oeuvres intellectuelles d'une nation deviennent
la propriété commune de toutes. L'étroitesse et l'exclusivisme nationaux deviennent de jour
en jour plus impossibles et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une
littérature universelle » (58).
La « participation de la Chine » au sein du marché international peut-elle être considérée
comme un échange forcé de biens entre différentes économies, rendu nécessaire par le
rapport de forces international ? Non, car nous parlons d'exportation de capital, accumulé
en Chine par des rapports de production capitalistes.
On sait que la construction socialiste en URSS a reposé avant tout sur la socialisations des
grands moyens de production, sur la planification centralisée et sur des mesures
économiques en adéquation sur le plan de ses relations économiques internationales,
comme le monopole d’État sur le commerce extérieur, établi en avril 1918.
Même dans les conditions de la NEP (que certains invoquent quand ils parlent de la Chine
actuelle, le monopole d’État devient encore plus important, un rempart contre les tendances
capitalistes croissantes. Lénine, dans sa controverse avec Boukharine, a défendu
l'importance d'avoir un monopole sur le commerce extérieur. Et Staline, plus tard, a noté la
nécessité pour « l'économie d'être planifiée afin de préserver l'indépendance de l'économie
populaire, afin que notre économie ne soit pas transformée en appendice de l'économie
capitaliste. Il ne dépend que de nous-mêmes de ne pas devenir cet appendice de l'économie
capitaliste ».
Staline, dans son discours de clôture de la 7ème session plénière du comité exécutif de
l'Internationale communiste, le 13 décembre 1926, a démoli le mythe selon lequel l'URSS
était « dépendant » du marché capitaliste mondial car il avait des relations économiques
avec des pays capitalistes. Il a souligné l'interdépendance de ces relations et que ce type
d'interdépendance était différente de l'intégration de l'économie du pays dans le cadre de
l'économie capitaliste mondiale (60). La non-intégration nécessite précisément une
planification centralisée, un monopole d’État sur le commerce extérieur, dans le système
bancaire et la socialisation de l'industrie. La réalité en Chine est très différente de celle de
l'URSS sous la NEP. En Chine :
A – Il n'y a pas de monopole du commerce extérieur. Des milliers d'entreprises étrangères
qui opèrent en Chine l'essentiel des exportations chinoises, qui sont bien sûr dépendantes
de leurs plans, basés sur la profitabilité et non sur une économie planifiée ;
B – 440 banques privées étrangères opèrent en Chine, et ont acquis près de 10% des parts
des banques publiques chinoises et ont développé depuis 2005 un secteur bancaire privé
national ;
C – Une part importante de l'industrie est privée ou privatisée (sous la forme de sociétés
anonymes), tandis qu'on estime que le secteur privé représente 70% du PIB ;
D – La législation chinoise, en particulier dans les secteurs économique et commercial, est
tout à fait harmonisée, grâce au soutien de l'OMC, avec les normes de l'économie capitaliste
mondiale ;
Épilogue
En conclusion, la prédominance des rapports capitalistes en Chine, qui est une réalité
désormais, lentement ou plus rapidement, conduira à une intégration du système politique,
de l'idéologie dominante et de tous les éléments de la superstructure dont le caractère
capitaliste sera reflété dans ses symboles. Les contradictions de classe vont s'intensifier, avec
elles se développera la nécessité d'un mouvement ouvrier révolutionnaire qui sera
représenté par son propre parti contre le pouvoir capitaliste.
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