ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE G/C/W/668 13 avril 2012 (12-1930) Conseil du commerce des marchandises Original: espagnol DÉCLARATION DE L'ARGENTINE SUR LE POINT 5 DE L'ORDRE DU JOUR DE LA RÉUNION DU CONSEIL DU COMMERCE DES MARCHANDISES TENUE LE 30 MARS 2012: "ARGENTINE – POLITIQUES ET PRATIQUES AYANT DES EFFETS DE RESTRICTION DES IMPORTATIONS" L'intervention ci-après, prononcée par la Secrétaire argentine aux relations économiques internationales, Madame l'Ambassadrice Cecilia Nahón, à la réunion tenue par le Conseil du commerce des marchandises le 30 mars 2012, est distribuée à la demande de la délégation de l'Argentine. _______________ J'ai le plaisir d'être ici pour la première fois en tant que Secrétaire aux relations économiques internationales du Ministère des relations extérieures de la République argentine. Je remercie les délégations pour leurs mots chaleureux de bienvenue. J'ai écouté attentivement la déclaration présentée par certains Membres, dans le même esprit d'ouverture et de dialogue que celui qui préside à la participation de l'Argentine à cette Organisation. Permettez-moi de vous faire part de notre grande surprise et de notre sentiment de malaise. Nous rejetons catégoriquement cette déclaration car nous estimons qu'elle n'est pas étayée par des données objectives mais vise plutôt à créer un fait de nature politique de manière à stigmatiser notre pays et à exercer sur nous des pressions pour que nous révisions les politiques légitimes en vigueur. Nous la considérons comme un fait politique car il ne s'agit pas de questions ponctuelles sur certaines mesures ou politiques sectorielles spécifiques, mais d'une mise en cause globale des politiques et pratiques commerciales de notre pays qui n'a aucun précédent à l'OMC. Nous sommes préoccupés par les graves conséquences systémiques qu'un tel fait peut avoir. En premier lieu, pour les pays en développement dans leur ensemble, qui pourraient se voir menacés et empêchés d'utiliser des instruments de politique commerciale légitimes pour promouvoir le développement de leur économie dans la conjoncture difficile découlant de la crise économique internationale, qui a pour épicentre ces pays. En second lieu, pour la crédibilité du système commercial multilatéral, pris globalement, qui pourrait être perçu comme un mécanisme injuste dans le cadre duquel seuls quelques participants peu nombreux mais puissants peuvent accuser de manière discrétionnaire un de ses membres moins puissant sur le plan économique. De nombreux éléments objectifs, que nous exposons ci-après, font clairement apparaître l'absence de fondement de cette déclaration conjointe. G/C/W/668 Page 2 Premièrement, les auteurs de la déclaration qualifient sans justification les politiques et pratiques commerciales en vigueur en Argentine de politiques et pratiques "ayant des effets de restriction des importations" et entendent, sur la base de ce diagnostic inapproprié et unilatéral, que notre pays rapporte immédiatement ces mesures ou, à défaut, explique "de façon détaillée et par écrit" en quoi ces mesures et pratiques sont compatibles avec les règles de l'OMC, ce qui est inadmissible. L'emploi de cette terminologie préjuge de la prétendue invalidité des mesures commerciales en vigueur en Argentine et de leur incompatibilité avec le système international de règles, et n'étaye pas ces allégations. En revanche, il est fait allusion, en termes généraux et imprécis, à certaines "préoccupations" que certaines entreprises des pays coauteurs auraient exprimées. En tant que Membre fondateur de l'OMC, l'Argentine confirme son attachement constant au système commercial multilatéral au centre duquel se trouve l'OMC. Notre pays continuera de communiquer des renseignements sur sa politique commerciale comme il le fait depuis la création de cette Organisation. Aux réunions du Conseil des marchandises et du Comité des licences, l'Argentine a répondu aux inquiétudes exprimées par les autres délégations à plusieurs reprises, tant oralement que par écrit, depuis 2007. Cela démontre notre ferme attachement aux principes de cette Organisation concernant les notifications et la transparence. L'Argentine réaffirme sa volonté de continuer à répondre aux inquiétudes exprimées par ses partenaires commerciaux, comme le prouve ma présence et celle de mon équipe ici aujourd'hui. Toutefois, la politique commerciale de l'Argentine n'a rien de mystérieux. De même que plus de 100 autres Membres, nous avons un système de licences automatiques et de licences non automatiques qui est compatible avec les règles de l'OMC et les engagements internationaux souscrits. Comme nous l'avons notifié le 8 mars 2011 au Comité des licences, le nombre de positions tarifaires visées par ces licences a été accru en février dernier et représente actuellement 6 pour cent de l'ensemble de ces positions. Je me souviens fort bien que lorsque l'Argentine a communiqué des renseignements sur les nouvelles licences à mettre en application, de vives "préoccupations" ont été exprimées au sujet de leurs incidences éventuelles sur les importations. Cependant, ces préoccupations se sont avérées peu fondées car les importations argentines ont connu, comme nous allons le voir, une des plus fortes hausses du monde en 2011. En outre, dans le cadre de notre politique commerciale, nous avons mis en service le Système intégré de commerce extérieur (SISCO) en mars 2011, en informatisant la gestion de l'information, pour rendre la procédure de licences plus transparente, faciliter les activités des importateurs et accélérer les procédures de licences non automatiques. Ainsi, l'importateur intéressé peut engager la procédure en ligne en disposant de manuels, de vidéos explicatives et d'aides sur la page web du Secrétariat au commerce extérieur. Une autre des mesures adoptées pour faciliter et simplifier les opérations commerciales est la déclaration d'importation anticipée sous serment, établie en janvier dernier en tant que régime de "guichet unique électronique", utilisé de manière similaire par plus de 20 pays. Cet outil permet de disposer de renseignements préalables sur toutes les importations, ce qui offre une plus grande G/C/W/668 Page 3 prévisibilité aux opérateurs commerciaux et rend la gestion gouvernementale plus efficiente et plus efficace. Tout cela est conforme au "Cadre de normes visant à sécuriser et à faciliter le commerce mondial" (SAFE en anglais) de l'Organisation mondiale des douanes (OMD). En bref, les mesures de politique commerciale de l'Argentine sont pleinement conformes aux engagements internationaux qu'elle a pris. La politique commerciale argentine ne restreint pas les importations, comme le confirme l'observation des données empiriques. Deuxièmement, contrairement à ce qu'affirment les coauteurs de la déclaration présentée il y a peu, l'Argentine apporte une contribution relative importante au soutien de la croissance économique mondiale car elle est un des pays du monde qui a le plus accru ses importations ces dernières années. Cet accroissement s'inscrit dans le cadre de la croissance extraordinaire de l'économie argentine, dont le taux moyen a été de 7,6 pour cent de 2003 à 2010 et qui a atteint 8,9 pour cent en 2011. Sans nul doute, une expansion économique aussi dynamique et prolongée que celle-ci a donné un élan au commerce international argentin et a notamment accru de manière substantielle la demande d'importations dans notre pays. Nous souhaitons présenter des données précises concernant l'évolution récente des importations. Depuis 2006, l'Argentine bat chaque année, à la seule exception de 2009, son record historique en matière d'importations, qui a été de 74 milliards de dollars EU en 2011. Les importations argentines totales ont progressé de 434 pour cent entre 2003 et 2011. En 2011, notamment, l'Argentine a été l'un des pays du monde qui ont le plus accru leurs importations en glissement annuel (+30,8 pour cent), cet accroissement étant manifeste dans les six grandes catégories dans lesquelles les achats extérieurs de l'Argentine sont classés, conformément à son usage.1 Cet accroissement de nos importations a été extrêmement diffus du point de vue de leur provenance: en 2011, les achats extérieurs de l'Argentine ont augmenté dans le cas de tous les continents et de plus de 150 pays. Il convient de souligner qu'en 2011, l'Argentine – avec l'accroissement susmentionné de 30,8 pour cent – a été le pays du G-20 dont les importations ont le plus augmenté en termes relatifs. Elle est aussi un des pays d'Amérique latine qui ont enregistré une des plus fortes croissances de leurs importations. Il est significatif qu'aucun des coauteurs de la déclaration conjointe n'ait accru en 2011 ses importations au-delà du glissement annuel indiqué par l'Argentine. En 2011, précisément, l'Argentine a accru de 24,6 pour cent ses achats aux 14 Membres ayant signé cette déclaration. Dans la plupart des cas, le taux de cet accroissement était à deux chiffres. Par conséquent, il est difficile de soutenir que les entreprises de ces pays n'ont pas pu exporter leurs produits vers l'Argentine. Le grand dynamisme de la demande argentine d'importations répond, comme nous l'avons indiqué, à la forte expansion de notre activité économique, que reflètent pleinement les chiffres des variations des volumes importés, au-delà de l'évolution 1 Biens d'équipement, biens intermédiaires, combustibles, pièces détachées et accessoires pour biens d'équipement, biens de consommation et véhicules automobiles pour le transport de passagers. G/C/W/668 Page 4 des prix. En effet, les Perspectives de l'économie mondiale du FMI indiquent que les volumes importés par les économies avancées se sont accrus de 4,8 pour cent seulement en glissement annuel en 2011 et les volumes importés par les pays émergents de 7,1 pour cent, alors que les volumes importés par l'Argentine ont augmenté de 24,7 pour cent. En conséquence, l'Argentine a accru de 8 pour cent sa participation aux importations mondiales, qui est passée de 0,37 pour cent en 2010 à 0,40 pour cent en 2011, et cela en conservant un solde commercial positif de plus de 10 milliards de dollars EU. Ces données montrent sans ambiguïté que la contribution relative de l'Argentine à la demande globale au niveau mondial a été plus que proportionnelle à sa taille l'année dernière. Il est donc extrêmement difficile de voir dans quelle mesure la contribution attendue de l'Argentine aux courants d'échanges et à la croissance mondiale devrait dépasser le niveau actuel. Troisièmement, il est surprenant que cette déclaration soit destinée à un pays émergent tel que l'Argentine alors que ce sont les pays développés qui appliquent les plus fortes restrictions au commerce mondial et qui non seulement refusent de réviser leurs pratiques protectionnistes anciennes, telles que les subventions ayant des effets de distorsion des échanges, les contingents, la progressivité des droits et les crêtes tarifaires, mais mettent aussi en œuvre de nouvelles restrictions paratarifaires qui nuisent tant au commerce international et dont les effets se font principalement sentir dans les pays en développement tels que le nôtre. Il est particulièrement préoccupant pour notre pays de constater qu'aucun progrès n'a été réalisé dans le cadre du Cycle de Doha dans le domaine de l'agriculture, ce qui aurait pu contribuer à équilibrer le niveau de la libéralisation atteint dans le secteur industriel et régler ainsi une dette historique à l'égard du monde en développement. En revanche, les progrès accomplis dans le cadre du Cycle d'Uruguay sont de plus en plus compromis par la prolifération d'obstacles sanitaires, phytosanitaires et techniques et par les nouveaux obstacles prétendument justifiés par la protection de l'environnement, le bien-être animal, les normes privées et les droits du consommateur, entre autres. Nos producteurs et nos économies régionales sont vivement préoccupés par ces graves restrictions, auxquelles s'ajoute le démantèlement annoncé du Système généralisé de préférences. Il y a pléthore d'exemples de restrictions à l'accès, telles que les restrictions susmentionnées, auxquelles les producteurs et exportateurs argentins doivent faire face sur les marchés d'un grand nombre de Membres signataires de cette déclaration. Les produits touchés sont, pour n'en citer que quelques-uns: les viandes (de bovins et de volaille), les produits laitiers, les agrumes, les fruits frais et les petits fruits, les produits pharmacologiques, le biodiesel, les produits génétiquement modifiés, les abeilles reines et l'orge. Si seulement les pays coauteurs achetaient ces produits à l'Argentine de la même manière que nous importons d'eux! Une évaluation honnête du système commercial multilatéral montre que ce ne sont pas les licences appliquées par l'Argentine, et par tant d'autres pays, mais les mesures traditionnelles ayant des effets de distorsion des échanges, en vigueur surtout dans les pays développés, qui sont à l'origine des problèmes réels du commerce international. Ce sont les véritables obstacles à la construction d'un système multilatéral plus G/C/W/668 Page 5 équilibré. Aux montants considérables consacrés au soutien interne en faveur des producteurs agricoles se sont ajoutés, ces dernières années, les millions versés au titre des dispositifs de relance budgétaire et monétaire, destinés à remédier à la crise internationale, dont les véritables effets de distorsion au niveau mondial n'ont pas encore pu être mesurés. Conclusion. Le monde traverse actuellement une crise sans précédent, née dans les pays développés. Les pays émergents apportent actuellement une contribution importante à la demande globale au niveau mondial qui est aussi sans précédent. L'Argentine a fait beaucoup d'efforts en accroissant ses importations en 2011. Est-ce qu'un pays émergent qui a accru de près de 31 pour cent ses importations peut être taxé de pays restreignant les échanges? Pourquoi est-il demandé à notre pays de faire, en matière d'importations, davantage d'efforts que les pays signataires de cette déclaration? L'Argentine a une économie saine et un modèle de croissance qui a prouvé son succès ces neuf dernières années, ce dont témoigne une croissance continue de ses importations et de ses exportations. De notre point de vue, cette déclaration représente une mise en cause infondée des politiques publiques légitimes que l'Argentine applique conformément aux règles de l'OMC. Nous rejetons ce type de pressions injustifiées ainsi que les évaluations du respect des obligations internationales de l'Argentine dans des instances distinctes de celle-ci. De plus, cette déclaration conjointe pourrait être interprétée comme une ligne d'action visant à réduire la marge de la politique économique légitime des pays émergents dans le but ultime d'écouler sur leurs marchés intérieurs dynamiques les excédents exportables des pays développés actuellement en crise, dont les politiques budgétaires restrictives limitent la demande globale au niveau mondial. Par conséquent, nous n'acceptons pas de servir d'exemple pour décourager l'utilisation des politiques publiques auxquelles les pays en développement ont droit. À notre avis, nous devons garantir, dans un contexte tel que le contexte actuel, la marge d'action politique de tous les pays, développés ou en développement, dans le cadre des engagements internationaux pris, et nous efforcer d'éliminer les véritables distorsions du système commercial international, ce qui rendra sans aucun doute le monde plus juste et plus inclusif. __________