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«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
«Les conditions d’efficacité du "knowledge Management" pour
l'entreprise dans un contexte de croissance informationnelle : une
analyse empirique de la gestion des connaissances»
Boualem ALIOUAT
Professeur
Université de Nice, Sophia Antipolis
Abstract
Aujourd’hui nous sommes tous conscients des enjeux de l’information dans
l’entreprise, pour ses compétences stratégiques et ses prises de décision. Les systèmes
d’information, la gestion des ressources humaines et le management stratégique sont
étroitement liés dans la coordination et la valorisation respective du knowledge
management, des compétences individuelles et des compétences organisationnelles.
L’approche de Nonaka et Takeuchi (1997) apporte au demeurant un socle fédérateur à
propos des processus de création de connaissances utiles à la construction des
compétences stratégiques d’entreprise. Cependant, au sein d’une organisation, des
informations, des connaissances, des savoirs et des savoir-faire disparaissent
régulièrement, ou sont détenus par des membres ne les utilisant pas alors qu’ils
pourraient être utiles à d’autres individus au sein de la même entreprise. C’est la raison
pour laquelle le « Knowledge Management », ou la gestion des connaissances, est
aujourd’hui partie intégrante de la stratégie des entreprises. Cette stratégie est fondée
sur la valorisation ou la fertilisation des ressources spécifiques génératrices de rentes.
Le Knowledge Management permet très exactement de capitaliser les connaissances,
les informations et les savoirs présents au sein de l’organisation, et de les mettre à la
disposition de tous les membres de l’entreprise. Les outils récurrents du Knowledge
Management sont généralement liés aux TIC, et plus particulièrement aux intranets,
aux groupwares, aux forums de discussion, …
Le partage des informations, des méthodes, des conseils, des connaissances dans
l’optique d’aider les individus dans l’acheminement de leurs objectifs, apparaît comme
une ressource éminemment stratégique. Mais, le knowledge management ne s’implante
pas du jour au lendemain et la mise en place de tous les outils se fait lentement et
progressivement. L’intérêt de cette analyse est de montrer comment plusieurs facteurs
s’articulent pour rendre le Knowledge Management efficace : l’implication du salarié,
la distinction, faite et communiquée, entre pouvoir et savoir qui permet la collaboration
interindividuelle, l’internationalisation de l’organisation qui permet une meilleure
collaboration du personnel, le choix de certains outils, et enfin le degré de
familiarisation avec les technologies de l’information et de la communication.
L’objet de ce travail reposant sur une analyse empirique est d’illustrer l’intérêt
stratégique du Knowledge Management dans les entreprises d’aujourd’hui et les défis
concurrentiels qui s’imposent à elles.
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Boualem ALIOUAT
INTRODUCTION
Peter F. Drucker affirmait déjà qu’une entreprise performante reposait avant tout sur un
bon système d’information. Ce dernier doit attirer l’attention des décideurs sur certains
points sensibles ou critiques dès qu’une dérive se manifeste. Toutefois, la gestion de
l’information ne se limite pas à réduire l’incertitude et éviter les effets de surprise. Elle
est aussi un instrument de valorisation des ressources et de construction de
compétences stratégiques, notamment sur la base de l’expérience (notamment le
« learning by doing » de K. Arrow), mais aussi des réseaux de compétences. La
caractère stratégique de la gestion des connaissances (de l’entreprise apprenante et
qualifiante) repose à la fois dans la valorisation des informations internes issues de
l’apprentissage et de l’audit permanent du degré d’adaptation de l’entreprise à ses
environnements (Dual monitoring), et des informations externes issues soit des
opérations de veille, soit des opérations d’intelligence stratégique et de benchmarking.
Ce processus s’articule en plusieurs points :

premièrement, l’entreprise anticipe les évolutions de l’environnement
utiles à ses développements stratégiques et organisationnels (Veilles
stratégiques) ;

elle audite ensuite en permanence ses modes de fonctionnement et ses
structures soit pour se conformer à des normes, soit pour
performer (Dual monitoring) ;

elle opère dans un troisième temps des actions d’intelligence stratégique
(Business intelligence) ;

elle benchmarke enfin les meilleures pratiques observées en externe et
les valorise en interne par une gestion des connaissances efficcace
(benchmarking et knowledge management).
Ce processus dynamique de l’entreprise étendue peut être schématisé de la manière
suivante :
Business Intelligence
Dual Monitoring
Veille
Corporate Task Force
Création
De valeur
« Best Practicies »
Benchmarking
Transformer l’information
externe
en modèles internes
Mémorisation
des connaissances
Knowledge Management
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Environnement
externe
Informations
Environnement
interne
«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
La gestion des connaissances, bien qu’elle soit à ses prémisses dans le monde des
entreprises, est aujourd’hui une question incontournable au sein de l’organisation et la
mise en place des Intranets est révélatrice de ce phénomène.
Après s’être longtemps basées sur le modèle dominant du taylorisme centré sur la
productivité et la rentabilité, les organisations ont aujourd’hui un raisonnement plus
fécond reposant sur la valorisation des connaissances, des savoirs et des savoir-faire
qu’elles possèdent ou souhaitent acquérir. Ainsi, ne considère-t-on aujourd’hui que
l’entreprise ne dispose pas uniquement d’un capital technique, financier et humain,
mais aussi d’un capital intellectuel, ressource stratégique de la firme. Cette vision plus
« ingéniérique » de l’entreprise, moins « matérialisante », fait de cette dernière un
véritable processeur d’informations. Les évolutions de l’industrie, le développement
considérable des services et la mondialisation de la concurrence ont certainement
accentué ce phénomène.
Le capital intellectuel d’une organisation ou, pour reprendre les termes de Didier
Pourquery (2001), « l’ensemble de ses connaissances », a tendance à se volatiliser dans
l’espace et dans le temps. Nous pouvons notamment observer cette tendance à travers
le turn-over des experts, les réductions d’effectifs ou les départs en retraite, qui
représentent pour Jean-François Ballay (2001) une perte marquée des compétences
individuelles. Cependant, il est essentiel d’ajouter à celle-ci la perte des compétences
collectives, l’oubli des connaissances, autant de faits qui font que le capital intellectuel
d’une entreprise se disperse rapidement.
Il nous semble par ailleurs important d’approfondir sur ce point l’un des éléments
essentiel des années à venir, à savoir les départs en retraite massifs des individus issus
du Baby Boom (le fameux Papy Boom qui se profile aujourd’hui).
Ainsi, dès 2006, plusieurs milliers de salariés nés après la seconde guerre mondiale
partiront à la retraite au sein des pays industrialisés. On considère qu’en 2010 un tiers
des cadres exerçant leur profession aujourd’hui auront quitté la vie active. D’après une
enquête de la Cegos (2003) menée auprès de 150 directeurs des ressources humaines de
grandes entreprises, ce phénomène serait considéré pour 57% des entreprises
interrogées comme un choc démographique à court terme. 33% de ces sociétés vont
plus loin en ressentant une menace pour leur activité.
Le réel problème posé par ces nombreux départs est une perte des savoirs et savoirfaire présents au sein des organisations, ce qui conduit à leur bouleversement et à une
nécessaire collecte des informations, connaissances, savoirs, compétences et savoirfaire des individus concernés, car ce sont eux qui représentent le capital savoir de
l’entreprise.
En outre, il est important de constater que les savoirs inutilisés possédés par un individu
A peuvent être nécessaires à un individu B et que les individus ne se situent pas
toujours dans le même local ou dans le même pays.
Il parait, par ailleurs, important de noter que plusieurs personnes peuvent se trouver
face à un même problème et chercher une solution qui a déjà été découverte par le
passé : le résoudre à nouveau est une perte de temps et de productivité puisque sa
solution a déjà été identifiée.
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Il semble ainsi aujourd'hui essentiel pour les entreprises de gérer et de capitaliser les
connaissances, savoirs et savoir-faire présents en interne. L’importance de ce capital est
souvent supérieure à ce que l’on peut penser car il contribuerait fortement à apporter ou
consolider, selon Jean-Yves Bück (2003), un avantage concurrentiel à l’organisation.
De plus, certains auteurs tels Jean-Yves Prax (2000) estiment que le savoir est devenu
le moteur du développement de l’entreprise et c’est pour cette raison qu’il est
nécessaire de le capitaliser, de le « cultiver pour le faire germer, le faire fructifier ». Ce
concept est aujourd’hui perçu comme un enjeu essentiel et stratégique pour le futur des
organisations.
Nous pouvons remarquer à travers diverses études que nous ne sommes actuellement
qu’aux prémisses de la mise en place des démarches de gestion des connaissances. En
effet, d’après une étude du cabinet IDC, le marché du knowledge management devrait
atteindre en Europe de l’Ouest 4,2 milliards de dollars en 2006 contre 1,5 milliards en
2001.
En 2002, les compagnies américaines ont quant à elles dépensé selon Katherine Allen
(2004) 4,5 milliards de dollars dans des logiciels permettant de mettre en place ce
knowledge management. D’après une étude de la Harvard Business Review, 60% des
responsables de ces projets ont remarqué que le travail était meilleur après implantation
d’un knowledge management.
Cependant, le knowledge management connaissant aujourd’hui un effet de mode, cette
notion est très souvent abordée de façon incomplète puisque beaucoup oublient sa
dimension principale : la dimension humaine. Ainsi, si le knowledge management se
construit de plus en plus à partir des outils issus des technologies de l’information et de
la communication, Dominique Crié (2003) rappelle que sa composante principale, la
connaissance, réside au sein des individus et non pas dans la collecte des données ou
des informations.
La dimension humaine étant l’une des clés de cette démarche, il est dès lors plus facile
de comprendre que la mise en place d’une démarche de knowledge management ne
peut se faire sans difficultés. Un tel projet peut se heurter à la réticence au changement
ressentie par un certain nombre d’individus mais aussi par la volonté de ces individus
de ne pas partager leurs savoirs, connaissances ou information avec autrui, ce qui pose
une réelle limite à la gestion des connaissances. Cela nous amène donc à nous poser la
question de savoir comment la collaboration des salariés peut-elle être favorisée dans la
mise en place d’une démarche de knowledge management ?
Afin de répondre à cette interrogation, nous abordons les deux questions suivantes :

Que faut-il entendre par la gestion des connaissances et la collaboration,
et quels sont les liens qui unissent ces deux concepts ?

Quelles sont les limites opératoires du Knowledge Management ?
I. L’INTERET ET LES ENJEUX DE LA GESTION DES CONNAISSANCES AU
SEIN DES ORGANISATIONS
Les technologies de l’information et de la communication ont fait apparaître une
nouvelle forme de management au sein de l’organisation. En effet, celles-ci ont conduit
à des modifications dans la prise de décision et dans la conduite des activités des
managers. Ainsi, quelles que soient les technologies de l’information et de la
communication présentes au sein de l’entreprise, celles-ci conduisent selon Sandra
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«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
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Bellier, Michel Kalika, Henri Isaac, Emmanuel Josserand, et Isabelle Leroy (2002) à
cinq modifications.
1- Tout d’abord l’information va être dématérialisée facilitant ainsi sa
transmission et sa disponibilité. Les Intranets vont par exemple rendre
l’information disponible au système d’information global de la société,
c’est-à-dire à l’ensemble de son personnel.
2- On va donc constater un accroissement de l’accessibilité puisque le
salarié en quête d’un renseignement aura plus de facilités à y accéder.
3- En outre, cet individu se verra proposer une plus grande diversité
d’informations puisqu’il aura accès aussi bien à des sources internes
qu’externes à l’entreprise.
4- Les technologies mises en place vont par ailleurs permettre une
indexation de l’information dans la mesure où un certain nombre
d’outils permettant de les classer par rubriques ont vu le jour.
5- Enfin, l’utilisateur ne va plus avoir un rôle passif mais un rôle actif afin
de structurer et diffuser l’information. On appelle cela l’information
interactive.
Les technologies de l’information et de la communication entraînent donc une nouvelle
gestion de l’information. Celle-ci se voit facilitée et permet de mettre en place au sein
des organisations des démarches de knowledge management.
I.1. Le concept de gestion des connaissances : le « knowledge »
Il est utile de définir ici ce qu’est le knowledge management et quels sont les différents
outils permettant de mettre en place une telle démarche. Ce concept n’est pas aisé à
définir dans la mesure où il est composé d’un grand nombre d’aspects.
La première difficulté est la traduction du terme anglais « knowledge ». Ce terme
anglais signifie en français à la fois connaissance et savoir, deux notions qui sont, bien
que liées, différentes.
Le problème qui se pose est que le terme « knowledge » utilisé dans l’expression
« knowledge management » signifie à la fois connaissance et savoir, deux notions
différentes en français, pas toujours dissociées, que nous allons nous attacher à
expliquer.
A. La connaissance
Il est essentiel de ne pas confondre données, informations et connaissances. Ce sont là
trois notions différentes qui forment une chaîne que l’on peut schématiser d’après
l’analyse de Thomas Davenport et Laurent Prusak (1998) de la façon suivante :
DONNEE  INFORMATION  CONNAISSANCE
Les données représentent ce que l’on a collecté. Elles sont objectives et de nature
quantitative ou qualitative. Ces données vont être interprétées par l’esprit humain, ce
qui va alors introduire un biais. C’est ce que l’on appelle une information.
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Boualem ALIOUAT
L’individu va par la suite s’approprier l’information, l’enrichir par son écoute,
l’interpréter encore, la transformer et lui donner selon Didier Pourquery (2001) de la
valeur. La donnée première va donc être sensiblement modifiée et devenir une
connaissance.
On peut retenir ici deux points essentiels :
1. L’information et les données sont sources de
connaissance : elles sont donc nécessaires à collecter
lorsque l’on cherche à gérer les connaissances
puisqu’elles permettent de développer celles-ci.
2. L’information se complétant petit à petit, la connaissance
de chaque individu ou de chaque organisation évolue et
s’enrichit constamment.
B. Le savoir
La notion de savoir est une notion proche de la notion de connaissance. Il est devenu
pour Jean-Yves Prax (2000) « le moteur du développement de l’entreprise ».
Le savoir est issu, tout comme la connaissance, des informations reçues et interprétées
par l’individu. Ce qui va le différencier de la connaissance est sa dimension figée. En
effet, contrairement à la notion étudiée précédemment, le savoir représente l’ensemble
des données et informations acquises par l’individu de façon définitive.
Le savoir est donc statique, il n’évolue pas. Il est souvent transmis par la parole (JeanYves Prax, 2000), du maître à l’élève.
Le knowledge anglo-saxon regroupe à la fois les connaissances mouvantes et les
savoirs figés de l’individu ou de l’organisation.
Cependant, le terme knowledge dans l’expression « knowledge management »
représente bien plus. En effet, bien que les connaissances et savoirs individuels soient
collectés lors d’une telle démarche, il semble important d’y incorporer et d’y faire
partager les données, les informations et les savoir-faire possédés par les individus afin
de la rendre optimale.
Il est donc essentiel d’étendre le concept de knowledge et d’étudier plus en détails ce
qu’est le savoir-faire afin de mieux cerner toutes les dimensions de l’expression et donc
de la démarche de knowledge management.
C.
Le savoir-faire
L’expression « savoir-faire » est composée des termes « savoir » et « faire ». Comme
nous l’avons vu précédemment, le savoir représente l’ensemble des acquis figés
détenus par un individu ou une organisation. Le « faire » quant à lui exprime la capacité
à mettre ce savoir ou une connaissance en action afin de réaliser un objectif déterminé.
Robert Reix (1995) précise à ce sujet que « les savoirs et les connaissances pratiques
sont du savoir-faire ». Le savoir-faire, est dès lors la mise en pratique d’une
connaissance ou d’un savoir.
L’expression savoir-faire inclut une dimension d’expérience, ce qui fait de celui-ci une
donnée difficilement transmissible d’un individu à un autre si ce n’est par la pratique.
Jean-Marc Fouet (1997) précise à ce sujet que les savoir-faire sont relatifs à un métier
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«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
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propre. Cependant, les technologies de l’information et de la communication vont
permettre de les collecter par de nouveaux moyens et de les immortaliser. Le savoirfaire peut donc être collecté tout comme les connaissances et les savoirs.
Comme la connaissance, le savoir-faire évolue avec le temps et doit être constamment
remis en cause. Il se modifie notamment avec la modernisation constante des
technologies.
Le savoir-faire, le savoir, la connaissance, l’information et les données peuvent être
utiles à tous au sein de l’organisation et représentent ce que l’on appelle le capital
intellectuel de l’entreprise. Le knowledge management ne se limite donc pas à la
connaissance ou au savoir mais à des éléments plus vastes pouvant être plus ou moins
difficiles à collecter selon leur nature.
La connaissance, comme le savoir et le savoir-faire sont caractérisés par deux
dimensions :

Une dimension tacite,

Une dimension explicite.
Selon Robert Reix (1995), la connaissance ou le savoir explicite représente tout ce qui
peut être transmis sans perte d’intégralité dans le discours. On peut citer par exemple
des informations ou des concepts.
Le savoir (ou connaissance) tacite quant à lui n’est pas transmissible par le discours ce
que démontre Drucker (1993), d’après Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1997). Le
savoir tacite peut être par exemple l’expérience, les compétences ou le savoir-faire d’un
individu.
Dominique Foray (2000) remarque que la connaissance et le savoir ont une dimension
tacite prédominante. L’auteur cite à ce sujet Polanyi (1996) qui remarque que « les
individus savent toujours plus que ce qu’ils peuvent dire ». La connaissance tacite est
en effet peu évidente à transmettre dans la mesure où elle se formalise difficilement.
Cependant, les outils informatiques actuels vont permettre d’avancer vers cette
formalisation dans la mesure où la communication électronique peut se rapprocher de
la démonstration (notamment vidéo). Elle permet par ailleurs de retransmettre les
éléments explicites puisque certains outils tels que les forums de discussion ou les
emails se rapprochent de la parole.
Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1997) constatent eux aussi que nous possédons
des connaissances que nous sommes incapables de formaliser par le langage ou par
écrit et que l’homme a tendance à introduire des biais dans ses discours. C’est
cependant ces connaissances tacites qui vont être les plus prisées lors d’un projet de
gestion des connaissances.
Ainsi, les deux auteurs posent l’hypothèse que l’interaction entre connaissances tacites
et explicites va créer de nouveaux savoirs. Celle-ci va notamment permettre de
transformer l’explicite en tacite car les partages de connaissances ne sont pas toujours
aisés de personne à personne.
Voici le schéma de « conversion des connaissances » des auteurs. Il permet de
démontrer que les différentes interactions entre connaissances tacites et explicites vont
tendre vers la création de quatre modes de transformation des connaissances :
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Vers une connaissance
Tacite
D’une connaissance
Boualem ALIOUAT
Vers une connaissance
explicite
Socialisation
Extériorisation
Intériorisation
Combinaison
Tacite
D’une connaissance
Explicite
Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1997) montrent que la socialisation est le fait de
créer à partir de connaissances tacites de nouvelles connaissances tacites. Celles-ci
incluent à la fois des croyances et des « modèles mentaux » qui définissent notre vision
des choses mais aussi des éléments techniques qui eux correspondent aux savoir-faire
déployés dans des contextes spécifiques d’action.
L’intériorisation (de l’explicite vers l’explicite) est perçue ici comme un processus « de
systématisation de concepts en un système de connaissances ». Les individus vont ainsi
combiner des informations à partir des données et informations de leurs collègues, à
partir des médias ou à partir des bases de données internes à l’entreprise. La
combinaison permet d’acquérir de nouvelles connaissances.
L’extériorisation consiste à rendre explicite une connaissance tacite. Il s’agit de
conceptualiser une connaissance, ce qui est souvent effectué par le dialogue ou la
réflexion collective ainsi qu’à travers des métaphores ou des analogies. Diffuser ce type
de connaissances va être l’un des enjeux de la gestion des connaissances.
Enfin l’intériorisation permet d’apprendre en réalisant. Il s’agit donc ici de formuler la
connaissance explicite sous formes de schémas, diagrammes ou manuels afin d’aider
les individus à intérioriser dans le but de réaliser et de développer des compétences et
des savoir-faire.
Ainsi, Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1997) démontrent bien que la
connaissance n’est pas une chose figée mais qui évolue avec le temps en fonction de
ses spécificités.
Comme le précise Dominique Crié (2003), l’information et la connaissance sont
périssables et leur valeur diminue avec le temps. David Gilmour (2003) observe quant à
lui que les organisations oublient souvent de faire évoluer les connaissances alors que
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c’est ce qu’elles doivent faire lors de la mise en place d’une démarche de knowledge
management. La gestion des connaissances est donc une notion souvent perçue de
façon incomplète. C’est pourquoi nous allons définir à présent ce que nous entendons
par l’expression « knowledge management ».
I.2. Le knowledge management
Un certain nombre des auteurs étudiés étant d’origine anglo-saxonne, nous avons choisi
de considérer dans ce mémoire que la connaissance et le savoir sont deux synonymes
malgré la différence que nous avons pu relever au préalable. De plus, Grant (1996)
considérant que le savoir-faire et l’information sont les deux éléments formant la
connaissance, nous avons choisi d’utiliser le mot connaissance dans son sens large.
Cela nous permet par ailleurs de donner toute sa dimension à l’expression knowledge
management et de ne pas la limiter à la simple connaissance. Nous allons ainsi tâcher
de nous rapprocher au maximum de la réalité.
A. Vers une définition du knowledge management
Il n’existe pas une définition universelle de la gestion des connaissances. En effet, le
knoweldge management est une notion apparue dans les années 1990, qui a beaucoup
fait parler d’elle, et qui fait l’objet ainsi d’un grand nombre de définitions. On peut
penser que ce phénomène est dû à sa nature vaste qui fait toute la complexité de ce
concept. Ainsi, il s’apparente pour certains à un système d’informations alors que pour
d’autres la réelle démarche consiste à la transmission orale des connaissances.
Pour Jean-Yves Prax (2000), l’expression knowledge management regroupe comme
nous avons choisi de considérer préalablement un certain nombre « d’items » qui ne
s’arrêtent pas à la connaissance à proprement parler. Cela peut par exemple être des
idées, des pensées, des intuitions ou encore des expériences. L’auteur prend aussi en
compte dans sa définition l’idée que ce qui est capitalisé n’est par figé mais voué à
l’enrichissement. Didier Pourquery (2001) quant à lui va plus loin et précise dans sa
vision que son but est d’améliorer la réutilisation du capital intellectuel de l’entreprise.
Nous pouvons dès lors considérer que le knowledge management, c’est la capitalisation
de divers « items » dans le but de les réutiliser et les enrichir.
Dominique Crié (2003) donne une définition plus approfondie de la gestion des
connaissances qui est un « processus de capture et d’enregistrement de l’expertise
collective d’une entreprise, quel que soit l’endroit où cette dernière réside, […] puis de
sa redistribution là où elle est susceptible de produire les meilleurs profits ». L’auteur
note que la connaissance ne réside pas dans le fait de collecter les données mais dans
les individus. Le but de la gestion des connaissances va alors être de relier les
informations tacites et explicites afin de les retranscrire ou de les modéliser pour
apporter une nouvelle répartition du pouvoir et de la transversalité.
Le knowledge management est une pratique relative à une entreprise redistribuant les
items capitalisés de façon ciblée et mettant l’individu au centre de l’organisation. Ce
fait est par ailleurs observé par Bernard Marr (2003) et Nicolas Rolland (2003) pour qui
la démarche doit s’inscrire dans un contexte culturel et dans une mission déterminée.
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Certains auteurs comme Dominique Foray (2000) insistent dans leur définition du
knowledge management sur l’aspect intangible des items collectés. Ils sont en effet
« difficilement observables, difficilement manipulables, et quelquefois même ignorés
par celui qui les possède ». L’auteur met donc en valeur les difficultés qu’une telle
démarche va apporter à l’entreprise et notamment en ce qui concerne la collecte des
données.
Deux stratégies de collecte peuvent être mises en place :

D’une part la codification qui consiste à retranscrire ce qui est collecté
sur un document ;

Et d’autre part la personnalisation qui a une logique d’expertise.
L’information ou la connaissance se transmet dans le second cas de vive voix et la
gestion des connaissances va apparaître dans la mise à disposition d’une base de
données comportant les coordonnées de chaque individu et ses domaines de savoirs.
Les salariés vont donc devoir entrer en contact avec d’autres membres de l’entreprise
afin de s’enrichir.
Pierre Louart et Christel Beaucourt (2002) ajoutent quant à eux que développer la
connaissance, c’est la construire ensemble à partir de savoirs formels et informels lors
d’un travail collectif basé sur la réflexion critique : le salarié ne doit donc pas avoir un
rôle passif. C’est ainsi qu’on peut capitaliser la connaissance sans s’y noyer: un tri doit
s’opérer de lui-même afin d’éviter qu’un surplus d’informations ne tue l’information.
C’est ce qu’observe par ailleurs Jason Sumner1 (2003) qui précise la dimension et le
partage mondial des éléments capitalisés.
Ainsi, le knowledge management consiste à collecter tant bien que mal du fait de leur
nature, divers items immatériels soit par la codification soit par la personnalisation. Ces
items relatifs à une seule et unique entreprise doivent être triés afin de les redistribuer
de façon ciblée dans le but de les voir réutilisés et enrichis. Cela va, par ailleurs,
permettre à l’organisation d’éviter de reproduire les erreurs du passé. Le knowledge
management va ainsi placer l’individu au centre de l’organisation et aboutir à une
nouvelle répartition du pouvoir.
Le knowledge management va donc permettre à l’entreprise de conserver son capital
intellectuel. Certains auteurs tels que Pablo Martin Holan, Phillips Nelson et Lawrence
(2004) précisent que c’est grâce à lui que l’entreprise va manager sa mémoire et éviter
les oublis involontaires. Par ailleurs elle pourra collecter des informations concernant
ses échecs : ceux-ci devront être capitalisés ce qui permettra de ne plus reproduire les
erreurs du passé.
Si la dimension humaine est, comme nous venons de le voir, la dimension centrale de la
gestion des connaissances, une seconde dimension essentielle la compose, à savoir ses
outils.
B. Le knowledge management et ses outils
“Although corporations were quick to launch intranets, hoping to reap the reward of a connected
workforce, research shows that few have seen benefits. Gartner found in October 2002 that 35 percent of
corporate portals are empty, and Meta Group found that 30 percent of portals fail and the number one
reason is because there isn’t any useful information there”. Jason Sumner, Finding the value in virtual
collaboration, KM Review, novembre à décembre 2003, volume 6 issue 5, page 12.
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Les outils du knowledge management sont toutes les techniques informatiques qui vont
permettre de rapprocher les salariés d’une organisation en leur permettant de partager
des informations, des données ou des connaissances. C’est donc plus précisément les
différentes techniques qui vont tendre vers la collecte des savoirs collectifs dans le but
de les redistribuer ultérieurement. Ils vont permettre, selon Raffi Duymedjian (2001),
de placer l’individu au centre de l’action en le réinvestissant puisqu’il va être, d’une
part, le producteur de l’information dans certaines situations, mais aussi son
consommateur dans d’autres.
Nous avons choisi dans cette étude de distinguer trois types d’outils permettant la
gestion des connaissances tacites comme explicites. Ces outils sont les suivants :

Les outils de collecte des connaissances,

Les outils de capitalisation,

Les outils de diffusion des connaissances.
Les outils de collecte des connaissances sont ceux qui vont permettre de déceler aussi
bien les connaissances explicites de l’individu que ses connaissances tacites. Le
premier type d’extraction va se faire sans grandes difficultés puisque les connaissances
concernées sont connues du salarié alors que le second va être plus compliqué. En effet,
les connaissances tacites du fait de leur nature sont beaucoup moins faciles à collecter,
c’est pourquoi elles sont souvent recherchées à travers l’observation de groupes, et
notamment à travers des communautés de pratiques qui sont des groupes partageant ce
qu’ils savent sur un sujet déterminé.
Les outils dits de capitalisation vont quant à eux permettre de stocker la connaissance
avant de la diffuser dans le but de la trier. On peut ainsi penser, par exemple, aux data
warehouses (ou entrepôts de données). Cependant il est nécessaire d’atténuer cette
vision dans la mesure où ce qui fait la spécificité du knowledge management par
rapport à un système d’information classique est sa capacité à évoluer et à s’enrichir
constamment. Beaucoup d’outils de capitalisation des connaissances ne peuvent donc
être considérés comme des outils de knowledge management puisque les items
collectés lors d’une telle démarche sont, d’après la définition élaborée précédemment,
voués à être réutilisés et enrichis.
Enfin, les outils de diffusion des connaissances vont permettre un réel knowledge
management puisqu’ils ont pour but d’être utilisés dans une optique de partage. Ce sont
par exemple les logiciels de groupware qui sont aujourd’hui utilisés, selon Henri Isaac
(2002), par plus de 50% des entreprises françaises. Ces logiciels de groupware vont être
composés de divers outils tels que des annuaires, des agendas, des messageries, des
workflow ou des applications partagées.
Voici un tableau non exhaustif récapitulant pour chaque type d’outils de knowledge
management certaines des techniques pouvant être utilisées :
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67
Colloque international sur: l'économie de la connaissance
TYPES
D’OUTILS
TECHNIQUES
- Communautés de pratique
COLLECTE
- Retours d’expérience
(positives comme négatives)
Boualem ALIOUAT
COMMENTAIRES
Ont pour but d’extérioriser des
connaissances tacites et
d’identifier les « best
practices ».
- Documents papier
- Fiches documentaires en
fonction de thématiques
- Data Warehouses ou bases
CAPITALISATION de
données
La capitalisation doit être une
étape dans la démarche et
permettre le tri des données. Il
ne faut cependant pas s’arrêter
à la création de ces « bases de
données ».
- Arbre des compétences de
l’organisation
- Portail d’entreprise
- Outils de groupware
(annuaires, agendas, forums,
DIFFUSION
messageries, workflow, chat,
gestion documentaire,
FAQ…)
- Espaces de travail
collaboratif
Outils permettant de diffuser
les connaissances et
informations à grande échelle
avec la possibilité de les
enrichir ou les modifier.
Tous ces outils peuvent faire
partie d’un Intranet.
Les outils propres au knowledge management sont ceux de la diffusion puisque se sont
ceux qui vont permettre à la connaissance de circuler d’un individu à un autre.
Cependant certains auteurs tels que Thomas Davenport et Laurence Prusak (1998)
estiment que la finalité du knowledge management est de permettre à un individu de
localiser les connaissances et de trouver les experts qui les détiennent afin de travailler
avec eux. Ce serait donc par les systèmes d’annuaire que se ferait réellement la gestion
des connaissances. Miguel Membrado (2003) considère quant à lui que des outils du
type messageries électroniques ou espaces de travail collaboratif permettent une fluidité
de la transmission des connaissances et une augmentation de la liberté individuelle : ce
sont par ces outils que passe le knowledge management. Pour Dominique Crié (2003)
les workflow et les groupware permettent le partage des connaissances tacites.
68
Novembre 2005
«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
Globalement, les outils du knowledge management sont les outils permettant de
diffuser la connaissance au sein d’une organisation tout en autorisant ses membres à la
modifier et à la faire évoluer. Ce qui importe réellement dans la démarche, c’est la
pertinence de l’information et son utilité.
Le knowledge management repose donc sur deux éléments clés qui sont, d’une part, les
détenteurs de la connaissance, à savoir les hommes, et d’autre part, les technologies
permettant la diffusion de cette connaissance.
Cependant, la démarche de knowledge management ne s’implante pas facilement dans
les organisations et nous pouvons même observer que beaucoup ont échoué dans la
précipitation à suivre la tendance actuelle sans réflexion de fond. Ainsi, la mise en
place d’un système de gestion des connaissances doit faire partie de la stratégie de
l’entreprise qui alloue un certain nombre de moyens financiers, matériels et humains
afin de le mettre en place. De plus, selon Christian Defélix, Dominique Martin et Didier
Retour (2001), il est nécessaire au préalable de répondre à un certain nombre de
problématiques : quelle dimension stratégique ? Quels dispositifs ? Quelle
rémunération des compétences ?
Un grand nombre de questions en rapport avec le thème de la gestion des connaissances
peuvent être posées, et notamment celles concernant la mesure du capital immatériel et
celui du retour sur investissement, la question de l’extraction des connaissances, du rôle
joué par les communautés de pratiques, ou encore celles concernant la collaboration.
Ce dernier point retient notre attention puisqu’il est noté qu’il n’est pas toujours aisé de
cristalliser des compétences individuelles.
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
69
Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Boualem ALIOUAT
II. LA GESTION DES CONNAISSANCES ET LA COLLABORATION
INTERINDIVIDUELLE AU SEIN DE L’ENTREPRISE : UNE ANALYSE
EMPIRIQUE
Nous tentons dans ce second point d’expliquer ce que nous entendons par le terme de
collaboration. Nous essaierons ensuite de comprendre sur la base d’observations
empiriques comment elle apparaît dans l’organisation et quelles sont ses différentes
formes.
Les bases de l’analyse empirique :
Nous avons interrogé plusieurs dirigeants d’entreprises différentes, et nous nous
sommes ensuite plus particulièrement intéressé à des entreprises comme La Poste et la
SNCF où nous avons réalisé plusieurs entretiens avec différents cadres concernés par la
gestion des connaissances, le développement stratégique et les changements
organisationnels. Nous relatons ici l’essentiel du modèle qui s’en dégage en reliant des
données empiriques et des représentations théoriques. Les entretiens sont une partie
essentielle de ce travail puisque c’est à partir de ceux-ci que nous pouvons répondre au
problème que nous nous sommes posé. Nous avons ainsi tâché de réunir un échantillon
représentatif et avons conduit chacun de nos entretiens de façon similaire afin de ne pas
biaiser nos résultats. Les individus interviewés ont été sélectionnés afin de rendre les
entretiens effectués le plus utile possible à notre étude. Ainsi, afin de choisir les
interviewés, nous nous sommes basée sur un certain nombre de critères préalables. Le
premier élément essentiel pour notre étude a été de nous adresser a des individus
utilisant régulièrement les outils du knowledge management. Les entreprises ayant mis
en place de telles démarches sont généralement de grandes entreprises : nous nous
sommes donc intéressée à des cadres travaillant dans de grandes sociétés nationales. En
outre, afin d’obtenir une diversité nous avons choisi d’interviewer des individus
évoluant dans des secteurs d’activité différents afin d’éviter tout effet de secteur qui
pourrait biaiser les résultats. Le second point à prendre en compte dans notre travail est
l’âge et le statut de la personne au sein de la société. Ainsi, en fonction de ces élément,
son rapport avec les technologies de l’information et de la communication n’est pas le
même. Il a été nécessaire de cibler les interviewés en fonction de leur âge afin d’obtenir
un échantillon représentatif. Nous avons donc interrogé 50% de personnes de moins de
40 ans et 50% de plus de 40 ans. De plus, les individus choisis sont des cadres qui
utilisent de façon journalière les outils de travail collaboratif.
Après avoir effectué nos entretiens, nous avons mis en place une méthode permettant
d’analyser les résultats de chaque interview à partir d’un dictionnaire des thèmes.
Celui-ci nous a permis de synthétiser les réponses à nos questions et d’obtenir un
croisement plus efficace des données collectées. Les items retenus sont nombreux et
permettent de dégager des observations croisées variées : le statut de l’interviewé,
l’activité exercée par l’individu dans l’organisation, le soutien hiérarchique, le soutien
apporté par la hiérarchie à l’utilisation des outils de gestion des connaissances, la
présence de l’individu, la présence de l’individu lors de la mise en place des outils.
L’implication : le droit d’intervention, la possibilité d’intervenir sur les données en
ligne (compléter ou modifier).
La réalité : le savoir est perçu comme un pouvoir. Présence de savoirs : la présence de
savoirs peu répandus ou des informations peu connues. Le partage « intelligent ».
Partager les savoirs avec certains individus assure un accroissement de la notoriété, de
l’utilité et du pouvoir individuel.
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Novembre 2005
«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
Le pouvoir : La compétition .La compétition salariale, notamment dans les métiers
commerciaux.
La Hiérarchie : La présence d’une hiérarchie prononcée ou au contraire d’une
hiérarchie horizontale.
Les Pressions : La présence de pressions sur les salariés notamment en termes de
délais, de résultats, …
La nationalité : Le management et la capacité à accepter les nouvelles pratiques vont
être influencées par la nationalité de l’organisation.
L’organisation : L’internationalisation de l’entreprise et sa présence à l’étranger. Sa
simplicité. La simplicité de l’outil va jouer sur son utilisation. Les outils de
codification. Outils permettant de mettre des données à disposition sur un serveur ou un
Intranet. Outils de personnalisation. Outils permettant la mise en relation des individus
entre eux afin de créer des réseaux. La liberté d’accès à l’outil. Certains outils ne sont
utilisables que par certains individus et l’accès à d’autres doit être demandé.
Sécurité et fiabilité Tous les outils ne sont pas sécurisés et fiables.
Les outils : La façon dont l’outil est perçu par l’utilisateur
L’âge : L’âge va avoir un impact sur les relations de l’individu avec les TIC. Durée
d’expérience avec les TIC. Le niveau d’expérience avec les TIC va influencer le degré
de familiarité. Leur degré d’utilisation (Utilisation régulière ou non). Carrière préalable.
Le passé de l’individu et l’utilisation préalable d’outils identiques influent sur le degré
de familiarité. La familiarité : L’ancienneté de l’individu peut jouer un rôle.
Nous nous sommes attaché ensuite à comparer chaque entretien afin d’identifier des
comportements similaires. Nous allons présenter maintenant les résultats de notre
étude.
Nos hypothèses de travail répondent à la question « Comment la collaboration des
salariés peut-elle être favorisée dans la mise en place d’une démarche de knowledge
management ? ». Elles peuvent s’articuler en cinq points d’anticipation :
H1 : L’implication du salarié dans la démarche de knowledge management va
influencer sa collaboration.
H2 : Démontrer au salarié que son savoir ne lui apporte pas un réel pouvoir va
permettre sa collaboration.
H3 : L’internationalisation de l’organisation permet une meilleure collaboration
salariale.
H4 : La collaboration peut être favorisée par le type d’outils utilisés pour la mise en
place de la démarche.
H5 : Le degré de familiarisation avec les technologies de l’information et de la
communication va faciliter la collaboration.
C’est donc sur les notions centrales de ces possibles réponses à notre problème que
nous avons travaillé et ce sont celles-ci que nous allons maintenant présenter au gré de
constructions théoriques en appui.
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
71
Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Boualem ALIOUAT
II.1. Le concept de collaboration
Nous considérerons les termes de collaboration et de coopération comme synonymes
puisqu’ils expriment tous deux la même idée à savoir le partage volontaire ou rendu
obligatoire par l’organisation d’une tâche ou d’informations entre plusieurs individus.
A. Qu’est-ce que la collaboration ?
La collaboration, ou coopération, est le fait qu’un individu travaille avec d’autres sur
une œuvre commune. Stéphanie Dameron Fonquernie (2002) apporte à cette définition
de base que « la coopération est du domaine de l’agir ». En effet, celle-ci peut être
considérée comme de l’action en groupe dans la mesure où elle consiste à partager une
même tâche entre différents individus qui sont conscients de leur collaboration. Elle
pourra donc se faire soit entre deux personnes, soit au sein d’un groupe de travail et
généralement dans le cadre d’un projet.
Ainsi, nous pouvons dire que la collaboration se fait à travers la réalisation d’un
ensemble de tâches et qu’elle s’achève lorsque celles-ci sont réalisées. Elle a donc pour
objectif l’aboutissement d’un projet.
On peut distinguer en se basant sur l’analyse de Chao Chen, Xiao-Ping Chen et James
Meindl (1998) six mécanismes majeurs de coopération qui sont résumés dans le tableau
suivant :
MECANISME
« Superordinate goals »
« Group identity »
« Trust »
« Accountability »
« Communication »
« Reward structure and
incentives »
DESCRIPTION
Les intérêts individuels peuvent se ressentir, devenir
incompatibles et nuire à la coopération. Avoir un « super
objectif » va permettre aux individus de recréer un but
commun et dépasser leurs antagonismes.
Une collectivité va se reconnaître en tant que groupe.
Celui-ci construira sa propre identité.
La confiance entre deux individus ou au sein du groupe
va permettre de favoriser la réussite du travail
collaboratif.
La responsabilité va consister en l’acceptation par
l’individu des mécanismes de contrôle.
L’intensité de la communication entre les individus
renforce la coopération.
Les motivations et encouragements vont contribuer à
une meilleure collaboration individuelle.
Ainsi, ces six facteurs vont permettre d’assurer au sein de l’organisation la
collaboration de ses membres. Il semble dès lors nécessaire de motiver les individus et
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Novembre 2005
«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
les rallier vers un même but. C’est notamment ce que remarque Jason Sumner (2003)
en précisant que les individus doivent avoir une raison de collaborer2.
L’un des points principaux de l’analyse précédente étant la communication, nous
pouvons en déduire qu’il va donc être nécessaire de mettre en place des outils
permettant la coopération.
B. Collaboration et technologies
Les technologies de l’information favorisent la collaboration puisqu’elles permettent
selon Sandra Bellier, Michel Kalika, Henri Isaac, Emmanuel Josserand et Isabelle
Leroy (2002) d’accélérer et d’encourager la circulation des informations au sein de
l’organisation.
Ainsi, la coopération va notamment se faire plus simplement par les outils de
groupware qui vont apporter d’après Joanna DeFranco – Tommarello et Fadi Deek
(2004) des facilités à la collaboration, même lorsque les salariés sont physiquement
éloignés3.
Cependant, si ces technologies permettent de faire circuler plus facilement des
informations, notamment au niveau mondial, elles ne vont pas pour autant permettre la
collaboration. En effet, la coopération concerne avant tout les hommes et leur volonté
de faire partager ou non les connaissances qu’ils détiennent.
Pour Frantz Rowe (2002) la véritable collaboration va se faire par un libre accès à
l’information que détient autrui. Elle accompagne une forte capacité à se remettre en
question et à innover, ce qui n’est pas naturel.
L’idée que la collaboration ne se fait pas naturellement est, par ailleurs, soutenue par
Pierre Louart et Christel Beaucourt (2002) qui montrent que certains acteurs vont
jusqu’à construire des savoirs actualisés qu’ils gardent secret afin de dépasser les
experts. Ces auteurs montrent par ailleurs que la coopération est plus facile lorsque le
pouvoir et la rémunération ne sont pas segmentés.
La collaboration est donc selon ces auteurs quelque chose de difficile au sein de
l’organisation en raison des intérêts individuels qui sont souvent mis en avant au
détriment de l’intérêt collectif. Afin de vérifier ces dires, nous allons étudier à présent
plus en détails comment se fait la collaboration au sein de l’organisation.
II.2. La collaboration dans l’organisation
La collaboration est fortement présente au sein de l’organisation, et certaines
organisations vont même jusqu’à baser leur développement sur celle-ci.
La collaboration organisationnelle peut se faire soit en interne (entre salariés), soit en
externe, ce qui signifie de l’entreprise vers ses clients et ses fournisseurs dans l’optique
de la création d’une « supply chain ».
« Don’t start with technology : employees must have a reason to collaborate ».
« When developers are geographically dispersed, their communication success may depend on utilizing
effective groupware » - Joanna DeFranco – Tommarello et Fadi Deek (2004).
2
3
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73
Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Boualem ALIOUAT
Nous intéressant à la mise en place d’une démarche de knoweldge management, nous
allons nous intéresser uniquement à l’une de ces deux facettes de la collaboration qui
est la collaboration au sein de l’entreprise
On peut s’interroger comme Stéphanie Dameron Fonquernie (2002) sur le
« développement des relations coopératives et de leur génération » au sein de
l’organisation. Ainsi, identifier comment se forme la coopération nous permet de mieux
comprendre comment elle peut être favorisée.
L’auteur distingue deux formes de coopération :

D’une part la coopération complémentaire, basée sur la complémentarité
des ressources (notamment les hommes),

Et d’autre part la coopération communautaire qui se base sur le
sentiment d’appartenance que peut ressentir l’individu vis-à-vis d’un
groupe.
Nous allons à présent nous intéresser à montrer les spécificités de chacune de ces deux
formes de collaboration.
A. La collaboration complémentaire
La coopération complémentaire est fondée sur le partage des ressources
complémentaires : un individu A va collaborer avec un autre individu B car il possède
des compétences, connaissances, informations ou savoir-faire que l’individu A ne
possède pas.
Cette complémentarité va donc permettre une augmentation de sa productivité dans
l’accomplissement d’une tâche et enrichir son domaine d’expertise.
Ce type de collaboration concerne tous les acteurs de l’organisation et cela aussi bien
dans leurs interactions verticales qu’horizontales. La collaboration complémentaire est
née avec la division du travail qui a obligé les individus à coopérer afin de réaliser une
tâche. Elle va se baser sur une réciprocité des apports puisque chaque individu va
coopérer dans le but de s’enrichir personnellement. A va donc apprendre de B et B de
A créant ainsi un rapport contribution / rétribution que l’on peut représenter selon
l’analyse de Stéphanie Dameron Fonquernie (2002) de la manière suivante :
Contribution
Individu A
Individu B
Rétribution
En se basant sur les analyses de F. Taylor et CH. Barnard, l’auteur précise que ce type
de coopération se déploie souvent dans le cadre de la hiérarchie est qu’elle est dans sa
forme première « une manifestation de la bonne volonté des individus ».
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Novembre 2005
«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
Stéphanie Dameron Fonquernie (2002) précise par ailleurs en se basant sur les
recherches de Crozier et Friedberg que la coopération peut être stratégique. Dans ce
cas, elle sera générée par la volonté des acteurs d’accéder à de nouvelles ressources afin
d’obtenir du pouvoir.
Les intérêts individuels sont donc interdépendants et poussent les individus à
collaborer.
On remarque souvent que les individus se plaisent à collaborer avec les mêmes
personnes afin de créer des relations de confiance.
On se dirige alors vers une seconde optique dans laquelle l’individu ne calcule plus les
profits qu’il va pouvoir tirer de sa coopération. On entre au contraire dans une
dynamique tournée vers le groupe dans « un désir de socialisation ». Une autre forme
de coopération existe donc au sein de l’organisation : la collaboration communautaire.
B. La collaboration communautaire
La collaboration communautaire repose sur la vie d’un groupe ainsi que sur
l’homogénéité des individus le formant. Le groupe possède une identité propre à luimême et se construit dans des actes de socialisation.
La coopération au sein du groupe se développe par le besoin que ressentent les
individus d’appartenir à une entité partageant des normes et des objectifs. Les relations
entre ses différents membres vont être au centre de la coopération communautaire
puisqu’ils vont chercher à s’entraider.
Frantz Rowe (2002) précise quant à lui que le groupe est basé sur la confiance de
chaque membre envers les autres. C’est cette confiance qui va permettre à ces individus
de collaborer. De plus, l’auteur ajoute que les membres du groupe ont des
comportements et idées similaires formant ainsi une identité qui lui est propre.
On remarque ainsi que les groupes permettent le développement d’une identité
commune et donc une collaboration facilitée puisque ayant tissé de réelles relations, les
individus vont avoir tendance à coopérer : cette identification sociale est considérée
comme le fondement de la coopération par Stéphanie Dameron Fonquernie (2002).
W. Ouchi (1980) précise aussi que l’existence d’objectifs partagés et de comportements
similaires va permettre la coopération individuelle, qui sera alors un moyen pour le
membre de montrer son appartenance au groupe.
En outre, il parait intéressant de constater à partir de l’analyse de Joanna DeFranco –
Tommarello et Fadi Deek (2004) que le groupe a tendance à réaliser des tâches plus
complexes que l’individu isolé4. Ainsi, celui-ci bénéficiant de compétences plus larges
et d’une relation de confiance permettant la transmission des savoir-faire, il sera non
seulement plus productif, mais aussi plus à même de réaliser les tâches les plus
complexes.
4
« Groups appear to be able to deal with complex tasks more effectively than individuals simply because
groups have a larger range of skills and abilities. Another benefit could be learning, or at least being
exposed to the skills and abilities of the other group members. ». - Joanna DeFranco – Tommarello et
Fadi Deek (2004).
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Boualem ALIOUAT
Stéphanie Dameron Fonquernie (2002), montre dans son exposé que les membres vont
collaborer pour développer la survie du groupe. On entrera donc à l’intérieur de celui-ci
dans un mécanisme de don et de contre don (au sens de M. Mauss) entre des acteurs qui
sont selon Frantz Rowe (2002) à la fois libres et contraints du fait de cette
appartenance. L’auteur précise par ailleurs que le membre ressent une double
croyance : il pense d’une part que les autres membres ont des intentions positives
envers lui et d’autre part que ceux-ci disposent de compétences qu’il n’a pas et qu’il est
en droit d’attendre d’eux.
Contribuer à l’enrichissement du groupe va par ailleurs permettre à l’individu de se
faire reconnaître par les autres. Il semble donc être judicieux de collaborer afin
d’obtenir un certain prestige vis-à-vis des autres groupes.
La dynamique du groupe va donc favoriser tout comme la socialisation, la coopération.
Cependant, si le groupe est un terrain propice à la collaboration, il est important de
rappeler que des leaders vont automatiquement s’imposer et chercher à faire progresser
leur communauté. Ce changement va souvent se faire difficilement, et notamment avec
des relations de conflit au sein du groupe qui seront souvent basées sur la divergence
d’opinions. Les conflits vont cependant permettre à l’entité d’évoluer et de se
transformer. Au contraire, les relations conflictuelles qu’il peut entretenir avec d’autres
groupes vont permettre de renforcer son identité interne.
La collaboration a donc un caractère dualiste puisqu’elle peut être :

D’une part complémentaire, c'est-à-dire reposant sur l’intérêt personnel
afin d’accéder à de nouvelles ressources. Cela permettra à l’individu de
se construire des réseaux à titre personnel,

Et d’autre part communautaire, c'est-à-dire reposant sur l’identification
de l’individu à un groupe. Il s’en suivra une certaine différenciation des
membres en raison du rôle joué par le conflit.
Ainsi, nous pouvons dire que la collaboration complémentaire a tendance à se
transformer en collaboration communautaire et que cette dernière se transforme au fil
du temps en coopération complémentaire.
C. La collaboration : un concept transversal
Nous avons vu préalablement que deux types de collaboration peuvent être identifiés
dans l’organisation. Voici un tableau permettant de récapituler les points essentiels de
chacune de ces deux formes de coopération :
Collaboration complémentaire
Collaboration communautaire
Intérêts individuels
Objectifs communs
Complémentarité des ressources
Sentiment d’appartenance au groupe
Engagements internes
Interactions avec des groupes externes
Ainsi, la coopération dans l’organisation peut se faire soit pour des intérêts personnels
soit dans le cadre d’objectifs communs qui paraissent faire davantage avancer celle-ci.
En effet, la première forme de coopération semble reposer sur la volonté de l’individu
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Novembre 2005
«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
d’accroître son pouvoir de façon informelle alors que l’autre forme de collaboration
s’inscrit dans le cadre de projets formalisés.
Dans tous les cas, nous remarquons que les individus sont dépendants les uns des autres
et collaborent dans le cadre d’une finalité commune. Cette coopération se fait
réciproquement par la prise d’engagements soit en interne soit vis-à-vis d’autres
groupes.
Il est intéressant de remarquer par ailleurs que dans les deux cas l’individu va
développer de nouveaux savoirs et savoir-faire. Ceci se fera notamment par le
processus de socialisation identifié par Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1997)
dans le cadre de la coopération communautaire. En effet, par l’apprentissage oral,
l’individu A recevra d’un individu B une connaissance non formalisée qui se
transmettra du maître à son élève. La connaissance tacite va donc se diffuser
grandement par la collaboration communautaire puisque le fait de travailler ensemble
va permettre aux individus de s’enrichir, ce que remarque par ailleurs Joanne Roberts
(2000)5.
Pierre Louart et Christel Beaucourt (2002) précisent quant à eux que la collaboration ne
se fait pas naturellement et notamment lorsqu’il s’agit de partage d’informations ou de
connaissances. Après avoir expliqué que la collaboration est la clé du knowledge
management, nous étudierons comment la collaboration peut être favorisée lors de la
mise en place d’une démarche de gestion des connaissances.
II.3. Collaboration et Knowledge management
Maintenant que nous avons une vision plus large de ce qu’est le knowledge
management, et que nous avons expliqué la notion de collaboration et ses différentes
formes, nous allons nous attacher à montrer comment ces deux concepts sont liés.
A. La collaboration, clé du knowledge management
Nous avons vu précédemment que le knowledge management consiste à collecter
divers items immatériels soit par la codification soit par la personnalisation. Ces items
relatifs à une seule et unique entreprise doivent être triés afin de les redistribuer de
façon ciblée dans le but de les voir réutilisés et enrichis. Cela va par ailleurs permettre à
l’organisation d’éviter de reproduire les erreurs du passé.
Le knowledge management va ainsi placer l’individu au centre de l’entreprise et
aboutir à une nouvelle répartition du pouvoir.
La gestion des connaissances se fait plus particulièrement grâce aux outils
informatiques qui vont permettre après extraction des savoirs de les faire partager au
plus grand nombre par le biais d’outils de diffusion du type portails ou groupware.
Le knowledge management passe donc nécessairement par la collaboration puisque
sans collaboration individuelle on ne peut construire un savoir collectif. En effet, celuici se construit d’une part avec les connaissances individuelles présentes au sein de
l’organisation et d’autre part avec la volonté des salariés de les transmettre à tous.
« […] much tacit knowledge is developed interactively and shared with networks » - Joanne Roberts
(2000).
5
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Boualem ALIOUAT
Comme nous venons de le voir, cette transmission passe par la coopération qui peut se
faire soit par intérêt individuel soit pour la réalisation d’objectifs communs au sein d’un
groupe. Dans le cadre de la gestion des connaissances celle-ci se fera le plus souvent de
cette dernière façon puisque ce que nous cherchons ici c’est la formalisation des
connaissances tacites et explicites afin d’éviter à l’organisation la fuite de ses savoirs :
on parle selon Pablo Martin Holan, Philipps Nelson et Lawrence (2004) de
management de la mémoire organisationnelle.
La collaboration est donc l’élément clé d’une démarche de knowledge management
puisqu’elle se trouve comme nous le constatons sur le schéma suivant au centre de la
démarche :
Hommes
Collaboration
Knowledge Management
Technologies
Ainsi nous pouvons dire que sans collaboration, il n’y aura pas de knowledge
management et ce malgré la présence d’un fort potentiel intellectuel et des technologies
de l’information et de la communication.
Cependant, comme nous l’avons démontré dans notre second point, la collaboration ne
se fait pas toujours facilement. En effet, beaucoup d’individus désirent collaborer sous
certaines conditions et d’autres dans certaines circonstances. C’est ainsi que nous en
venons à nous poser la question suivante qui guidera notre réflexion :
Comment la collaboration des salariés peut-elle être favorisée dans la mise en place
d’une démarche de knowledge management ?
B. Favoriser la collaboration
Le salarié peut s’impliquer dans la démarche de gestion des connaissances de deux
manières différentes : lors de la mise en place du projet, et par la suite pour
l’enrichissement et la modification des données, informations et connaissances
collectées.
Influencer les attitudes et les comportements des individus quand il s’agit de
connaissances est quelque chose de compliqué (Albert Angehrn, 2004). En effet, la
notion de connaissance possédant un fort lien avec la psychologie de l’individu et avec
ses relation sociales au sein de l’organisation, la collaboration va se faire souvent
difficilement.
Ainsi, l’auteur considère que mettre en place une démarche de knowledge management
est un challenge et non pas une simple insertion des technologies de l’information et de
la communication.
Rogers parle de deux étapes critiques pour favoriser la collaboration face aux outils
informatiques : la première étape est la création de la confiance et la seconde le fait de
susciter l’intérêt.
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Novembre 2005
«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
Pour susciter l’intérêt du salarié il va falloir nécessairement l’impliquer dans la
démarche. Voyons maintenant ce qu’est l’implication.
 L’implication
Le vrai knowledge management passe par l’implication libre et la réflexion critique de
chaque salarié touché par la mise en place de la démarche (Pierre Louart et Christel
Beaucourt, 2002). Ceux-ci ne sont donc pas des éléments passifs et doivent s’investir
dans le projet. Tout membre de l’organisation doit avoir, d’une part, la possibilité de
mettre à la disposition de tous, ses savoirs et, d’autre part, de profiter des connaissances
des autres salariés. L’entreprise a intérêt à créer des relations latérales entre ses
membres.
La notion d’implication permet au niveau de l’organisation de décrire la relation entre
celle-ci et un individu salarié. Elle représente pour « un état d’esprit, une attitude par
rapport à l’organisation qui recouvre une orientation proactive et positive » (Olivier
Herrbach et Karim Mignonac, 2001).
D’après ces auteurs, l’implication suppose que le salarié accepte les objectifs de la
société à travers laquelle il évolue et qu’il désire agir dans leur sens.
Maurive Thévenet (1992) montre quant à lui que l’implication va être déterminée par
plusieurs facteurs :

Des facteurs personnels (l’âge, l’ancienneté dans l’entreprise, le niveau
d’instruction, le sexe),

Des facteurs liés au rôle occupé et aux caractéristiques du poste,

Des facteurs liés à l’environnement de travail,

Et enfin des facteurs liés à l’expérience de l’individu.
L’implication est donc une relation complexe entre l’homme et l’organisation
puisqu’elle est en corrélation étroite avec la psychologie de l’individu. Olivier
Herrbach et Karim Mignonac (2001) précisent à ce sujet que l’implication est un état
psychologique qui peut être décomposé en trois éléments :

Une composante « calculée » : l’individu mesure les conséquences de
ses actes en cas de non collaboration,

Une composante « affective » : l’individu a pour volonté d’adhérer au
projet,

Une composante « normative » : il s’agit ici du devoir moral de
l’individu.
Les auteurs remarquent que l’implication affective est celle qui est la plus souvent
privilégiée.
Nous pouvons dire que s’impliquer, c’est participer de façon active à la vie de
l’organisation ou à la réalisation d’un projet. Comme nous l’avons déjà vu
préalablement, la collaboration va généralement se faire volontairement et par volonté
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d’adhésion au projet. C’est donc en s’impliquant que l’individu va s’intéresser
davantage à ce qu’il fait et collaborer.
L’implication peut cependant ne pas être en accord avec la volonté de certains
individus. En effet au sein de l’organisation des salariés ne recherchent pas la pérennité
de la structure mais davantage la domination. Nous allons donc étudier à présent la
relation existant entre le pouvoir et la collaboration.
 Pouvoir et collaboration
Certains individus cherchent à construire des savoirs actualisés afin de rendre les
experts obsolètes et prendre ainsi du pouvoir (Pierre Louart et Christel Beaucourt,
2002). Les connaissances peuvent donc apparaître au sein de l’organisation comme un
moyen pour les salariés d’accroître leur pouvoir : ils se sentent nécessaires à la survie
de l’entreprise car ce sont les seuls à disposer de certaines informations et
connaissances.
Crozier et Friedberg (1977) précisent quant à eux que le pouvoir est un élément
indissociable de l’organisation car il est l’un des fondements du comportement humain,
notamment dans des sociétés individualistes. C’est ce pouvoir qui va donner un sens au
vécu des individus.
Le pouvoir « implique toujours la possibilité d’agir sur d’autres individus ou groupes ».
Il se développe à travers l’échange entre individus, formant ainsi une relation
réciproque avec un déséquilibre : l’un des deux individus domine le second.
On peut trouver selon les deux auteurs quatre formes de pouvoir au sein de
l’organisation :

La relation entre l’organisation et son environnement,

La maîtrise de la communication et des informations,

L’existence de règles organisationnelles,

La maîtrise d’une compétence particulière (un savoir-faire par exemple).
C’est plus particulièrement ce dernier point qui va nous intéresser puisqu’il représente
la forme de pouvoir qui va freiner la collaboration. En effet, certains individus
disposant de compétences inexistantes ailleurs au sein de l’organisation, ils vont tâcher
de les protéger afin de s’assurer de leur nécessité lors de la réalisation de certaines
tâches. Cette essentialité va donc leur apporter le pouvoir sur certains individus.
Cependant, il est intéressant de remarquer que dans d’autres situations, c’est l’acteur
ayant fait de la rétention de connaissances qui sera en position d’infériorité puisqu’il
aura besoin à son tour des savoirs d’autres individus : comme l’écrivent Crozier et
Friedberg (1977), « chaque acteur dispose d’un pouvoir sur les autres acteurs ».
Ainsi, faire de la réticence sur des informations ou des connaissances est inutile
puisqu’en réalité le savoir n’apporte pas le pouvoir car chaque individu sera amené à
avoir besoin de ses collègues.
Tout membre de l’organisation est donc amené à collaborer dans la réalisation de
certaines tâches.
Cependant, cet élément ne peut être appliqué à toutes les organisations dans la mesure
où celles-ci sont, comme les comportements humains, toutes différentes les unes des
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«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
autres. La collaboration pourra ainsi être plus ou moins favorisée selon le type de
structure dans laquelle le projet de gestion des connaissances est mis en place.
 L’organisation et la collaboration
L’organisation est la structure à travers laquelle le salarié évolue. Elle développe un
certain nombre de projets qui lui permettent de se développer et de s’adapter au
marché.
Ainsi, ce sont ces projets qui vont la faire évoluer et demander la collaboration des
salariés non seulement en ce qui concerne les groupes de projet, mais aussi à leur
niveau individuel.
Jason Sumner (2003) explique que chaque organisation va mettre en place son propre
système collaboratif. Ainsi, chaque société a son système de knoweldge management
qui doit lui être propre. Les points communs que nous pouvons relever pour toutes les
organisations est l’essentiel intérêt qui doit être porté aux employés et l’obligation de
les accompagner à travers le changement
L’organisation peut se décomposer en plusieurs points qui vont être sa hiérarchie, son
degré d’internationalisation, la présence de tensions ou encore la liberté des individus y
exerçant leur profession.
Il est important de noter que ces organisations sont caractérisées aujourd’hui dans un
certain nombre de pays, et notamment la France, par un manque de volonté individuelle
de partage des connaissances (Dominique Crié, 2003).
Ainsi, comme le montre Eric Delon (2002), un grand nombre d’individus ne désirent
pas céder leur expertise personnelle. Cela peut être notamment dû à la peur d’une perte
de pouvoir individuel.
Les salariés semblent avoir besoin de motivation afin de faire évoluer l’organisation et
de collaborer. Cependant, il est intéressant de constater que certains types
d’organisation vont favoriser la volonté individuelle de partager des informations ou
des connaissances.
Ainsi, l’organisation internationale va permettre de favoriser la collaboration des
salariés dans la mesure où ceux-ci ne résident pas toujours dans le même pays et ont un
fort besoin de communiquer.
Lorsque des individus résidant dans des pays différents vont devoir réaliser un projet
commun, ils vont nécessairement collaborer et tisser des relations par le biais des
technologies de l’information et de la communication. Joanne Roberts (2000) note à ce
propos que leur utilisation va permettre d’augmenter la communication à distance des
employés6.C’est donc grâce à celles-ci que les individus vont communiquer au niveau
international et collaborer sur les projets qu’ils vont mener.
Les salariés d’une organisation étendue étant ainsi habitués à collaborer avec les filiales
étrangères de celle-ci, ils vont donc être ancrés dans des habitudes de travail orientées
vers le partage et avoir tendance à collaborer plus facilement sur des projets au niveau
national. Nous pouvons donc supposer que l’internationalisation de l’organisation
« The widespread utilization of ICT’s […] is likely to increase the probability of communication
between employees working at a distance from one another » - Joanne Roberts (2000).
6
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permet une meilleure collaboration salariale. Ainsi, la collaboration semble s’effectuer
plus facilement lorsque l’entreprise est dans un contexte international. Cependant,
certains auteurs ne partagent pas cette idée et pensent que celle-ci sera facilitée par les
outils collaboratifs qui vont être mis en place.
 Des outils facilitant la collaboration
Les outils qui vont être mis en place dans la démarche de knowledge management
peuvent influencer la volonté de coopérer des individus salariés de l’organisation.
Jamie Barrette (2004) explique qu’il est nécessaire de s’orienter vers ce que désire le
salarié lorsque l’on créé des outils permettant le partage des connaissances. L’auteur
précise que cela est le meilleur moyen de favoriser la collaboration.
Il semble donc nécessaire dans la mise en place d’une démarche de knowledge
management d’être à l’écoute des salariés et de mettre en place les outils qu’ils
désirent. On doit donc s’interroger (Dominique Foray, 2000) sur le choix entre outils
reposant sur le modèle dit de personnalisation ou de codification.
La codification va consister à placer les connaissances dans des outils du type
documents. L’individu recherchant une information va donc avoir face à lui un fichier
informatique.
La personnalisation va au contraire tâcher de mettre les individus en contact afin qu’ils
obtiennent ce qu’ils désirent en face à face. Ce type de méthode va pour Joanne Roberts
(2000) contribuer à une meilleure compréhension qui ne sera pas biaisée par des
éléments externes7. Cela consiste à mettre en place des annuaires montrant les
compétences de chaque salarié.
Selon Dominique Foray (2000) les principales différences entre les deux modèles vont
porter sur les points suivants :

Le rôle des technologies : dans le modèle de la codification, elles sont au
cœur du projet alors que le second se base sur la communication entre
les individus.

Les incitations : dans le premier modèle, il va être nécessaire de motiver
les individus à expliciter leurs savoirs. La personnalisation va permettre
un échange entre individus : A apprend un savoir de B et lui en redonne
un lorsque B en a besoin : on est dans une optique de création de réseau.

Le recrutement : la codification demande des modèles standard alors que
la personnalisation va permettre des réponses davantage adaptées au
problème qui se pose.

Le stockage et la capitalisation : les connaissances vont être facilement
stockées dans le modèle de codification alors qu’elles reposent sur la
mémoire individuelle dans le second modèle.
Chacun des deux modèles présente un certain nombre de forces et de faiblesses.
David Gilmour (2003) montre, quant à lui, que les individus sélectionnent les
connaissances qu’ils veulent partager. Le knowledge management est donc optimal par
la personnalisation, et permettre aux salariés de partager leurs savoirs à partir des
7
« Furthermore the richness of face-to-face contact can help counterbalance the communications
difficulties arising from differences, culture and language » - Joanne Roberts (2000).
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«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
différents outils de personnalisation peut être le bon moyen de procéder et d’éviter la
rétention d’informations.
En outre, l’auteur montre que la collaboration se fait plus facilement lorsque l’individu
sait à qui il transmet son savoir. Thomas Davenport et Laurence Prusak (1998)
montrent ainsi que le knowledge management peut se faire par un simple annuaire
collaboratif. Sandra Bellier, Michel Kalika, Henri Isaac, Emmanuel Josserand, et
Isabelle Leroy (2002) parlent quant à eux d’un besoin de réciprocité qui concerne 70%
des individus et qui semble être favorisé par la personnalisation. Nous pouvons en
déduire que la collaboration peut être favorisée par le type d’outils utilisés pour la mise
en place de la démarche.
Cependant, bien qu’il semble être judicieux de choisir les technologies que l’on va
mettre en place, il est important de constater que certains individus ont des réticences
vis-à-vis des outils informatiques et cela va nécessairement influencer de façon
négative leur coopération.
 Des technologies
familières
plus
ou
moins
Les technologies de l’information et de la communication ont apporté un réel
changement au sein de l’organisation. Ainsi, Sandra Bellier, Michel Kalika, Henri
Isaac, Emmanuel Josserand, et Isabelle Leroy (2002) remarquent qu’elles ont permis de
faciliter l’accès à l’information, des transmissions plus rapides (qui ont permis de
diminuer les pressions), ainsi que des facilités d’échanges.
Ainsi les technologies de l’information et de la communication ont été accepté par les
organisations et intégrées. Cependant, certains individus ont des réticences ou des
difficultés quant à leur utilisation.
Afin d’accompagner le changement, un grand nombre d’organisations va ainsi mettre
en place des formations afin d’encourager les individus à utiliser les nouveaux outils.
Jason Sumner (2003) va plus loin en considérant que le changement doit
s’accompagner d’un management en conséquences, de formations sur les logiciels ou
outils, et enfin de la possibilité de personnaliser son environnement de travail. Ces
différents points vont permettre non seulement de motiver l’individu quant à
l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, mais aussi de les
utiliser puisqu’il aura appris à les maîtriser.
Ce point de vue est partagé par Frantz Rowe (2002) qui précise que la formation va
permettre à l’individu « d’atteindre un niveau de confiance » envers son matériel
informatique. Elle permet à l’utilisateur de se familiariser avec les nouveaux outils lors
de la transition entre les systèmes.
L’organisation a donc intérêt à tout mettre en œuvre pour favoriser la familiarité des
individus envers les technologies de l’information et de la communication. Le degré de
familiarisation avec les technologies de l’information et de la communication va
faciliter la collaboration.
Ainsi, nous avons retenu cinq éléments qui sont à notre sens prédominants afin de
favoriser la collaboration lors de la mise en place d’une démarche de knowledge
management au sein d’une entreprise.
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Boualem ALIOUAT
Ces éléments peuvent être résumés de la façon suivante :
L’organisation
internationale
L’implication
du
salarié
Les outils
utilisés
Favorise(nt)
la
collaboration
Absence de
relation savoir
/ pouvoir
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La familiarité
avec
les TIC
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«LES CONDITIONS D’EFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
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Conclusion
Nous avons pu observer, à travers une analyse empirique de plusieurs entreprises en
phase de réorganisation, que le knowledge management ne se réduit pas à la dimension
technologique qui est souvent la seule prise en compte dans la littérature managériale.
Ainsi, la gestion des connaissances doit avant tout se baser sur l’homme, car c’est lui
qui détient les savoirs à capitaliser. Les technologies ont ainsi un rôle secondaire
puisqu’il est nécessaire d’extraire les connaissances avant de les diffuser. Elles restent
toutefois nécessaires à la démarche et interviennent dans son processus puisqu’elles
permettent la capitalisation et la diffusion des savoirs.
Nous avons aussi montré qu’un élément essentiel à la mise en place d’une démarche de
knowledge management est la collaboration salariale car sans cette coopération les
connaissances ne pourront pas être partagées. Nous avons distingué deux formes de
collaboration reposant d’une part sur le groupe et d’autre part sur l’intérêt individuel.
Chaque forme peut être présente dans la mise en place de la gestion des connaissances
au sein d’une organisation bien que l’une d’entre elle repose d’abord et avant tout sur
des intérêts individuels.
Enfin, nous avons cherché dans un troisième point à expliquer comment favoriser la
collaboration salariale puisque c’est cette collaboration qui va être déterminante dans le
projet, outre l’intérêt de l’automatisation des raisonnements à base de cas. Nous avons
ainsi relevé cinq éléments à partir des différentes théories qui nous ont permis de
formuler les points que l’implication du salarié dans la démarche de knowledge
management va influencer sa collaboration, que démontrer au salarié que son savoir ne
lui apporte pas un réel pouvoir va permettre sa collaboration, que l’internationalisation
de l’organisation permet une meilleure collaboration salariale, que la collaboration peut
être favorisée par le type d’outils utilisés pour la mise en place de la démarche, et enfin
que le degré de familiarisation avec les technologies de l’information et de la
communication va faciliter la collaboration.
Celles-ci peuvent être représentées de la manière suivante :
L’implication
L’absence d’idée
de pouvoir
L’organisation
Favorisent
Et permettent donc le
internationale
la collaboration
Knowledge Management
Les outils
La familiarité
avec les TIC
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
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Favoriser la collaboration et donc le knowledge management, c’est aussi valoriser
l’information stratégique depuis les opérations de veille, d’audit et d’intelligence
stratégique ou de benchmarking. Toutefois, la collaboration salariale n’est pas un point
évident ou acquis. En effet, les individus ne la perçoivent pas tous de la même manière
et toutes les organisations ne lui donnent pas le même intérêt. Ainsi, les entreprises
comme leurs salariés semblent avoir des réticences quant à la coopération. Nous
pouvons en tirer la conséquence que le management est un point essentiel dans la
gestion des connaissances puisque c’est grâce à celui-ci que le projet pourra être mis en
place avec succès en respectant d’une part les exigences de la direction et d’autre part
les attentes des individus. Il semble par ailleurs important de préciser à nouveau que ce
sont les hommes qui sont ce que l’on appelle le capital connaissances de l’entreprise.
Lorsqu’une entreprise va chercher à extraire les connaissances de ses salariés, il va être
nécessaire pour celle-ci de se mettre à leur portée afin d’assurer leur collaboration. Les
premières expériences de la mise en place de telles pratiques ont permis de faire
comprendre aux organisations la nécessaire mise en place de formations afin de limiter
le choc lié au changement organisationnel. De plus, l’homme étant au centre de la
démarche, il est nécessairement impliqué dans celle-ci, et c’est pourquoi nous pensons
qu’il est important de répondre à ses attentes en termes d’outils et de diffusions. Au
demeurant, notons que le partage de l’information peut parfois représenter des risques
pour l’entreprise (savoirs et savoir-faire technologiques, actifs immatériels stratégiques,
fichiers clients, etc.). Le partage se heurte nécessairement alors à la notion de contrôle.
La création de valeur repose aussi dès lors sur le non partage ou la fragmentation des
savoirs et des connaissances. La gestion des connaissances apparaît donc plus
complexe et sensible qu’elle n’y paraît. Elle pluridimensionnelle et dépend de
nombreux facteurs : culturel, juridique et éthique, organisationnel, stratégique,
financier, technologique, etc.
Les pistes de recherche sont nombreuses, et les modèles toujours contingents et
provisoires.
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DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
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