Introduction On peut définir les chaebols comme des groupes de sociétés privées, contrôlés par des actionnaires et des dirigeants généralement issus d’une famille fondatrice. Il s’agit donc d’une forme particulière de holding à la coréenne, qui n’a cependant pas d’existence juridique. Ces grands groupes industriels, présents dans de multiples secteurs, dominent véritablement l’économie coréenne. L’anecdote suivante, tirée de « Business Korea » (1984), illustre cette réalité : « M. Kim tiré de son sommeil par la sonnerie de son réveil Samsung, se rend alors à la salle de bain, où il utilise une brosse à dent et un dentifrice LG, un sampooing Daewoo ; il se rase ensuite au moyen de son rasoir LG, sans oublier d’appliquer une lotion Pacific chimical ; il prend alors en famille son petit déjeuner sur une table Hyundai, composé de lait Lotte, de jambon Samsung, sur une table Hyundai ; il s’habille ensuite avec une cravate et un costume Samsung ; enfin il conduit dans sa Hyundai son fils au lycée, qui lui porte des chaussures Kukje, pendant que sa femme regarde une émission sur la télé Daewoo… » L’origine des premiers chaebols remonte à l’occupation japonaise, avec par exemple la création de LG en 1926, ou de Samsung en 1938, mais leur véritable développement n’ a eu lieu que dans les années 60 et 70, durant la période des vingt glorieuses. En effet, les chaebols sont généralement perçus comme les principaux acteurs de la réussite économique de la Corée du sud. On établit souvent le lien entre, développement du capitalisme à travers les chaebols, et développement économique. Cependant, ce lien est indissociable de la relation particulière Etat -chaebols qui a existé pendant vingt glorieuses. Nous examinerons donc dans une première partie les caractères spécifiques des chaebols et leur rôle moteur dans l’industrialisation de la Corée, ainsi que l’influence déterminante de l’Etat dans ce processus. au cours des années 60-70. Puis, dans une seconde partie nous analyserons la remise en question du modèle des chaebols à partir de la fin des années 80 et la restructuration imposée par la crise coréenne de 1997. I. Développement des chaebols et rôle de l’Etat 1. Une structure conglomérale originale 1-1. Des conglomérats familiaux Les chaebols sont d’abord caractérisés par l’intégration autour d’une société holding jouant le rôle de société mère, de dizaines filiales. Celles-ci sont issues, soit du développement normal des activités du groupe, soit, plus fréquemment de l’acquisition de fournisseurs, clients ou concurrents. Toutes ces filiales sont étroitement interconnectées par l’intermédiaire d’un réseau dense de participations capitalistiques, ainsi que de garanties financières croisées. La deuxième caractéristique des chaebols est qu’il s’agit de groupes familiaux(en chinois « chae » signifie « propriété » et « bol » qui veut dire « famille noble »). En effet, parmi les grandes entreprises mondiales, rares sont celles qui relèvent d’un contrôle familial. Les chaebols en font partie. Ce trait tient : - au financement privilégié par la dette, qui au contraire de l’émission d’actions, permet un financement sans perte de contrôle majeure ; 1 d’autre part, l’enchevêtrement particulièrement complexe de participation croisée entre les différentes sociétés du groupe, garantie un contrôle d’ensemble étroit, malgré des participations directes relativement modestes ; - ajoutons enfin, que l’absence de comptes consolidés favorise le pouvoir de négociation des présidents des chaebols face à des partenaires extérieurs. Ainsi la Fair trade commission relève que l’autocontrôle se maintenait en 1997 autour de 43% en moyenne pou les 30 premiers groupes, et qu’il était plus élevé pour les plus grands : Hyundai(60%), Samsung(49%), Daewoo(41%), LG(40%). - Le management des chaebols, quant à lui, est caractérisé par une hiérarchie verticale, construite sur un modèle bureaucratique, avec à la tête de cette organisation pyramidale, le fondateur, qui dispose d’une légitimité charismatique. 1-2. Une diversification financée par l’endettement Un autre trait des chaebols tient au niveau important de l’endettement. Ainsi, à la fin de l’année 1997 le ratio d’endettement (dettes/fonds propres) moyen et officiel, des trente premiers groupes, atteignait 570%, ce qui est représentatif du capitalisme coréen, qui a construit son développement sur la dette, faute de capitaux propres conséquents. Cet endettement s’inscrit dans l’objectif prioritaire de croissance des groupes. Les chaebols sont excessivement diversifiés. Les activités des 6 premiers chaebols avant la crise, allaient de l’automobile à l’agroalimentaire en passant par la finance, la construction navale, les télécommunications, etc. Ceci s’explique notamment : - par les moyens, mis à leur disposition par l’Etat afin de les inciter à croître et à se diversifier, même en période de pénurie de facteurs ou financement ;. - par ailleurs, la concurrence oligopolistique, intense entre les groupes, les a conduit à ne pas laisser un seul marché sous le seul contrôle d’un concurrent, et donc là encore, à se diversifier ; - un autre argument explicatif est la volonté pour le « patriarche », président d’un chaebol, de pouvoir offrir à chacun de ses enfants la direction d’une société ; - enfin il faut aussi tenir compte de la rationalité de la structure conglomérale dans le cas d’une industrialisation tardive. En effet, dans ce cas-là, l’apprentissage technique et organisationnel constitue un savoir-faire spécifique, pouvant être réutilisé dans la diversification et qui permet ainsi de bénéficier d’économies, à la base d’un avantage compétitif. Il est plus facile et moins risqué de réutiliser un même de type de savoir-faire dans une autre branche, que d’essayer de monter en gamme en l’absence d’avantage technologique. 1-3. L’hégémonie des grands chaebols dans le tissu industriel Si ces éléments sont caractéristiques des chaebols, il existe au sein de ceux-ci une hiérarchie. On distingue les chaebols de premier rang, au nombre de cinq : Hyundai, Samsung, LG, Daewoo, SK en 1997 (quatre, depuis la faillite de Daewoo en 1999), et les petits chaebols entre la 6ème et 30ème place. Les quatre grands représentaient ainsi plus de la moitié de la production des 30 premiers chaebols, soit environ 7% du PIB en 2000 ; la taille du premier groupe, en fonction du chiffre d’affaire de1997, est par exemple 30 fois supérieure à celle du 10ème. 2 Quant au chaebols de second rang (Ssanyong, Hanjin, Lotte, Kumbo) ils ne forment pas vraiment une catégorie homogène. L’industrie coréenne se caractérise également, par une hiérarchie entre les chaebols, qui constituent le coeur de l’industrie coréenne, et les PME. Ces dernières sont principalement des prestataires de service et des sous-traitant des chaebols, elles sont insuffisamment organisées en réseaux de fournisseurs ou de sous-traitants ce qui les rend fragiles et fragmentés. 2. Le rôle déterminant de l’Etat dans le développement des chaebols Durant les « vingt glorieuses » qui marquent le décollage économique de la Corée, Etat et chaebols forment ensemble le moteur de la croissance. Cette période, qui connaît un taux de croissance moyen compris entre 8 et 9% par an et une stabilité soutenue du processus de croissance, est caractérisée par un nationalisme économique voulu par le Président PARK Chung-Hee (1961-1979). Ce développement, repose sur une industrialisation dirigée par l’Etat, vers des secteurs jugés prioritaires, et dont les chaebols seront les instruments. 2-1. Allocation des ressources et régulation étatique Si l’Etat a pu orienter et influencer l’activité productive des chaebols, c’est essentiellement grâce au contrôle du système financier. En effet, au seuil des années 70, le poids du secteurs public dans le secteur financier était de 87% de la valeur ajouté totale et l’Etat concentrait 90% du crédit global…Ce poids écrasant exprime clairement une volonté de gestion centralisée du crédit, de manière à pouvoir encourager certains secteurs en fonction des objectifs définis par les planificateurs. Dans la mesure où la Banque de Corée depuis 1962 n’avait plus d’indépendance et où les taux d’intérêt du marché officiel étaient fixés par l’Etat, l’instrument privilégié a été le crédit préférentiel. Celui-ci était sélectif, car il était en priorité accordé à l’exportation, aux industries lourdes et chimiques. Surtout, il était très avantageux, car les taux d’intérêt étaient particulièrement faibles, aussi bien par rapport au « système informel », que par rapport au crédit général. Dans ces conditions on peut comprendre que les entreprises aient eu un large recours au crédit préférentiel et ce faisant aient appliqué les priorités du gouvernement. Ainsi dans les années 70 les prêts préférentiels ont représenté en moyenne presque la moitié des prêts totaux. Une entreprise qui investissait dans un secteur prioritaire finançait seulement 20% du projet sur ses fonds propres et obtenait le complément de l’Etat, directement, ou par l’intermédiaire des banques. La conséquence de ce système a été que les entreprises, pour des raisons de rentabilité liée à la faiblesse des taux du crédit préférentiel, ont préféré l’endettement à l’autofinancement, augmentant ainsi leur dépendance vis à vis du financement bancaire, donc de l’Etat. De plus, la construction d’une capacité de production sur le financement externe permettait d’augmenter, grâce à la vente de nouveaux produits, les ressources financières, et ainsi de renouveler rapidement l’opération et dans le même temps facilitait l’accélération de la diversification. Il s’agissait donc d’un modèle de croissance par l’investissement ; l’Etat canalisant l’épargne domestique et les financement extérieur vers quelques secteurs, et ce faisant, vers quelques grands groupes industriels ; les chaebols, et de la sorte favorisait une forte concentration du secteur industriel (aux mains des chaebols). 3 D’autre moyen d’actions utilisés par l’Etat ont bénéficié aux chaebols : la politique des prix agricoles, qui jusqu’en 1963, a maintenu le prix de subsistances à un niveau inférieur à celui qu’il aurait du être, a permis indirectement, en évitant une hausse des salaires, un transfert de richesse de l’agriculture vers l’industrie ; - la législation défavorable à l’activité syndicale et la non application de le législation du travail, ont favorisé la flexibilité de l’emploi et des salaires pour les chaebols. - enfin la protection du marché intérieur a permis aux chaebols de bénéficier d’une « rente d’oligopole ». - 2-2. Un pilotage flexible des chaebols par l’Etat C’est également à l’Etat que l’on doit les orientations industrielles de la politique économique coréenne, suivies par les chaebols, et qui se sont révélés à posteriori efficaces. En effet la politique commerciale du pays a été plutôt protectionniste. L’Etat a favorisé les exportations, qu’il a subventionné, tout en contrôlant les importations, qu’il a taxé. Cependant ce protectionnisme actif a été intelligent et souple, puisque par exemple les chaebols exportateurs avaient le droit, eux, d’importer les biens qui leur étaient nécessaires à des conditions avantageuses. De la sorte, en leur permettant à la fois des coûts faibles grâce à l’accès privilégié à des importations détaxés, et des profits élevés grâce aux subventions à l’exportation, l’Etat pouvait favoriser encore plus les secteurs exportateurs. Parallèlement le système d’incitations coréen a simultanément encouragé la substitution aux importations, importante par exemple dans certains secteurs manufacturiers. Ainsi promotion des exportations et substitution aux importations sont allées de paire, et la politique de contrôle des importations a été cohérente avec la politique de promotion des exportations. C’est donc une politique de « protection des industries naissantes » qui a été appliquée en Corée. Un des mérites de l’Etat a été justement d’analyser précisément les tendances s’exprimant sur le marché, en particulier l’international, et d’utiliser ensuite sa capacité d’intervention macroéconomique. Cela a abouti au processus d’ajustement structurel lancé par l’Etat dès la fin des années 60, qui a conduit au passage de l’industrie légère, intensive en travail peu qualifié, à l’industrie lourde, intensive en capital. Autrement dit, dans les années 70 ont été jetées les bases d’une nouvelle spécialisation internationale. C’est ainsi qu’entre 73 et 81, 80% de l’investissement dans le secteur manufacturier va se concentrer sur l’industrie lourde. Ce projet a été fondé sur l’apparition de nouveaux concurrents sur les marchés internationaux de biens intensifs en travail peu qualifié, mais aussi sur l’idée que l’absorption de l’excèdent de travail qui était en cours et qui favorisait un processus d’augmentation des salaires, finirait par éroder entièrement l’avantage comparatif coréen. Les choix des planificateurs coréens ont reçus une confirmation à posteriori, quand, suite au premier choc pétrolier il y a eu une exacerbation de la concurrence et une montée du protectionnisme sur les marchés traditionnels de la Corée. C’est en partie parce que la restructuration industrielle était déjà en cours, que le pays a pu surmonter sans grand difficulté les crises des années 70. Ce que met en lumière cette « organisation » sous la forme du triptique : Etat –chaebols système financier, est l’internalisation de certaines opérations et ressources qui réduit l’incertitude, les coûts de transaction, la rivalité entre les chaebols naissants, et améliore l’information, les délais de réaction et la rationalité économique. 4 II. Remise en cause du modèle des chaebols A partir des années 1980, le système du capitalisme d’Etat représenté par les chaebols a été confronté aux pressions du capitalisme international et à la démocratisation de la société coréenne ; tandis que le système de management des chaebols s’est heurté aux contraintes technologiques et économiques du nouvel environnement international. 1. Endettement croissant et crise asiatique : une restructuration devenue nécessaire 1-1. Vers une libéralisation de la société et de l’économie coréenne Le modèle d’intégration Etat –chaebols, adapté à la période de rattrapage des vingt glorieuses est remis en cause avec le développement de la Corée. En effet, l’environnement politique et social évolue : la population aspire à une amélioration de ses conditions de vie, notamment une hausse des salaires, et à une certaine démocratisation du régime politique. Dans ce contexte, un climat de contestation sociale s’installe et l’Etat coréen s’oriente progressivement, à partir de la fin des années 80 vers un libéralisme politique et économique et vers une rupture de la relation Etat- chaebols. Parallèlement, au niveau international les chaebols se trouvent confronté à la concurrence des autres dragons et tigres asiatiques. Menacés au niveau intérieur par une hausse des salaires, et au niveau international par des difficultés dans ces débouchés traditionnels ; le tout dans un contexte de désengagement de l’Etat et de libéralisation de l’économie coréenne ; la stratégie de volume des chaebols semble compromise. En effet, jusqu’ici l’activité productive des chaebols demeurait dépendante des technologies étrangères (japonaise notamment) et se limitait essentiellement à l’assemblage de composants, pour la mise au point de produits à faible valeur ajoutée. L’essentiel du profit reposant sur les grandes quantités produites. Les chaebols décident donc de s’orienter vers une stratégie de différenciation, plus que de volume. Cependant ce redéploiement à partir de la fin des années 80 les conduit à de lourds investissements, qui ne vont finalement, qu’aggraver leur difficulté financière. 1-2. Endettement et rentabilité décroissante : la menace d’une faillite En effet des chaebols doivent faire face à des problèmes structurels. Leur endettement devient dramatique alors même que leur rentabilité est très faible. Ratio d’endettement des grands chaebols : 1970 2,9 3,2 7 1,6 1975 1980 1983 1994 HYUNDAI 6,1 3,7 3 3,9 SAMSUNG 2,5 7,4 8 4,9 DAEWOO 4,9 3,7 6,1 LG 3,9 5,5 4,7 3 SUNKYONG 6,1 11,5 5,4 Sources : Kim, 1992 ; Korea Yearbook Company, 1997 ; OCDE, 1999 1996 4,4 2,7 3,4 3,5 3,8 1997 5,8 3,7 4,7 5,1 4,7 5 L’endettement, comme nous avons vu précédemment, est le résultat de la politique passée de taux préférentiel et d’incitation à la croissance par l’endettement de l’Etat, à laquelle s’ajoute la volonté de maintient d’une structure familiale et le l laissez-faire des banques. La faible rentabilité quant à elle s’explique par l’absence d’actionnariat extérieur ; par des diversification sans synergie technique ; et par la stratégie des chaebols, fondamentalement axée sur la croissance (leur diversification par l’endettement pèse sur leur rentabilité et les incite pour réduire le poids relatif de la dette à poursuivre leur croissance…), sans réel contrainte de rentabilité. Or, malgré leur fragilité financière les chaebols ont continué tout au long des années 90 à accroître le nombre de leurs filiales, au rythme de l’ouverture de nouveaux secteurs de développement. La capacité de production de l’industrie a augmenté de 25% entre 1994 et1997 et la croissance de l’endettement s’est poursuivie de manière soutenue. Le résultat a été qu’en1997 les frais financiers sont devenus supérieur au cash-flow pour la moyenne des entreprises cotées. A cela s’ajoute le fait que la structure de la dette s’est progressivement modifié au profit des financements à court terme et en devises. 1-3. Un système financier obsolète Un autre problème structurel de l’économie coréenne provient du système bancaire. L’héritage d’un fonctionnement étatique, qui ne leur fixait pas de réel objectif de rentabilité, conduit à une dérive, dans la mesure où beaucoup de banques ont prêté trop de liquidités sans respecter de ratio prudentiel, sans analyser la solvabilité des emprunteurs et la pertinence de leur projet d’investissement. Cela a aboutit à l’accumulation des créances douteuses et une fragilité de situation financière. La crise de liquidité qui frappe la Corée à l’automne 1997 sanctionne les défaillances structurelles de l’économie. Le processus crise coréenne a été alimenté par les interactions entre la « sphère financière » et la « sphère réelle » de l’économie coréenne : la première a été notamment touchée par la dépréciation du won, la fonte des réserves monétaires, le renchérissement de la dette extérieure, la multiplication des banqueroutes financières ; la seconde a été déstabilisée par la chute de la rentabilité des chaebols, la montée de leur endettement à court terme et la multiplication des faillites industrielles. 2. Une restructuration inachevée 2-1. Mesures de désendettement et de restructuration proposées Pour faire face à la crise le gouvernement demanda l’aide du FMI. Celui-ci consentit des crédits à la Corée en contrepartie de l’acceptation de réformes. Le gouvernement après des négociations avec les cinq principaux chaebols aboutit à un plan de restructuration dont les principales mesures furent les suivantes : - - un désendettement fixant pour objectif de ramener le taux d’endettement à 200% pour la fin 1999, de manière à restaurer l’équilibre financier des entreprises, et principalement des chaebols ; diminuer le portefeuille d’activité par cession, échange et consolidation de plusieurs filiales (big deals), dont le nombre devrait être réduit d’environ la moitié, de manière à recentrer les chaebols sur des métiers de base qui assurent une cohérence stratégique et des synergies ; 6 - suppression des garanties croisées, de manière à éviter la propagation en chaîne de faillites à l’intérieur des conglomérats ; - publication de comptes consolidés, soumis à l’examen d’auditeurs extérieurs et indépendants à partir de la fin 1999, de manière à favoriser la transparence. Si un accord a pu aboutir entre les grands chaebols et l’Etat sur ces réformes, c’est avant tout le fait d’une modification du rapport de force en faveur de l’Etat. En effet, le gouvernement retrouve des moyens de pression sur les chaebols, via les banques créancières. 2-2. La résistance des grands chaebols Cependant, derrière cette acceptation des grands chaebols se cache en fait une stratégie d’attentisme. Ils espèrent une reprise économique, qui puisse permettre une réévaluation à la hausse de leur actifs et de leurs valeurs boursières, contexte qui favorisera une baisse de leur ratio d’endettement sans qu’ils aient pour autant à se réformer. En effet, paradoxalement, la crise coréenne a renforcé leur poids relatif dans l’industrie coréenne, car l’impact de la crise a entraîné un écrémage de PME et la faillite de petits chaebols. Or si une majorité de chaebols de second rang ont effectué des restructurations, les grands chaebols, eux, s’y sont opposés. Certes, après la crise le nombre des filiales des 30 principaux chaebols a eu tendance à diminuer, passant de 819 en 1997 à 589 en1999. Mais par la suite la tendance est repartie à la hausse : 615 en 2001. De plus les propriétaires des chaebols ont saisi l’occasion de la baisse des cours boursiers pour renforcer leur contrôle. Le degré d’autocontrôle passe ainsi de 44,5% à 50,5% entre avril 1998 et avril 1999 pour la moyenne des 30 premiers groupes (Fair Trade Commission). Il semble donc que les réformes des grands chaebols relèvent plus de l’effet d’annonce que d’une véritable intention. Cela traduit malheureusement le verrouillage depuis les années 1980 d’un système face à une réforme majeure. Conclusion Le modèle des chaebols s’il a été adapté à une étape du développement de la Corée et à sa culture, montre depuis la fin des années 80 ses limites. La coupure de la relation chaebols-Etat pose ainsi le problème essentiel du changement de régulateur qui s’opère entre Etat et marché. Face à une nécessaire innovation, les structures industrielles coréennes doivent évoluer. Ce changement est en cours, avec le développement de l’innovation et l’apprentissage de la rentabilité, mais non achevé, dans la mesure où il se heurte à court terme à la résistance des grands chaebols, dont la structure a du mal à s’adapter. La solution pourrait venir des investissement directs étrangers qui favoriseraient l’apparition d’un actionnariat extérieur et la contestabilité du marché intérieur coréen. Cependant aujourd’hui, la réforme inachevée, n’exclut pas qu’une nouvelle crise puisse apparaître. 7 Bibliographie Mario LANZAROTTI, Corée du Sud : une sortie du sous-développement, Paris, Presses universitaires de France, 1992, 266p Jean-Jacques PLUCHART, La crise coréenne : grandeur et décadence d’un modèle de performance, Paris, Harmattan, 1999,259p OCDE, Etude économique de l’OCDE : Corée, OCDE, 1999 OCDE, Etude économique de l’OCDE : Corée, OCDE, 2000 Myung-Hun KANG, The Korean business conglomerate : Chaebol then and now, University of california, Institute of east asian studies, 1996 Marc LAUTIER, les paradoxes des restructurations industrielles en Corée du sud, revue Tiers Monde n°160, septembre-décembre 1999 PEE (Mission économique), Les chaebols dans l’économie coréenne, http://dree.org/coree 8 CPE 512 Hyeyoung JOO Hyun-Ju KIM Mylène SPREAFICO Le 12 mars 2002 Les chaebols coréens SOMMAIRE Introduction 9 I. Développement des chaebols et rôle de l’Etat 1. Une structure conglomérale originale 1-1. Des conglomérats familiaux 1-2. Une diversification financée par l’endettement 1-3. L’hégémonie des grands chaebols dans le tissu industriel 2. Le rôle déterminant de l’Etat dans le développement des chaebols 2-1. Allocation des ressources et régulation étatique 2-2. Un pilotage flexible des chaebols par l’Etat II. Remise en cause du modèle des chaebols 1. Endettement croissant et crise asiatique : une restructuration devenue nécessaire 1-1. Vers une libéralisation de la société et de l’économie coréenne 1-2. Endettement et rentabilité décroissante : la menace d’une faillite 1-3. Un système financier obsolète 2. Une restructuration inachevée 2-1. Mesures de désendettement et de restructuration proposées 2-2. La résistance des grands chaebols Conclusion Bibliographie 10