annexe - L`Union sociale pour l`habitat

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STUDIEGROEP VOOR EUROPESE POLITIEK (SEP)
GROUPE D'ETUDES POLITIQUES EUROPÉENNES (GEPE)
Les Services d'intérêt général en Europe
Etude attribuée par le Comité des Régions
(Ref. US 2/2003)
Rapport final révisé
Sous la direction du Prof. em. Jacques Vandamme (KULeuven)
Avec la collaboration de :
-
Prof. Marianne Dony (ULB)
Prof. Nicolas Levrat (ULB et Université de Genève)
-
Prof. Stéphane Rodrigues (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)
22 septembre 2004
Egmontstraat 11, 1000 Brussel – Rue d'Egmont 11, 1000 Bruxelles
tel +32 (0)2 511 04 61 – fax +32 (0)2 511 67 70 – [email protected]
Table des Matières
page
INTRODUCTION
par Jacques Vandamme
CHAPITRE I
CLARIFICATION DES CONCEPTS LIES AUX SERVICES
D’INTERET GENERAL
par Marianne Dony
INTRODUCTION
SECTION I
LES TRAITES
I. LE TRAITE DE ROME
II. LE TRAITE D’AMSTERDAM
III. LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX
IV. LA CONSTITUTION
SECTION II
LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE ET LA PRATIQUE DE
LA COMMISSION
I. LA NOTION D’ENTREPRISE ET D’ACTIVITE ECONOMIQUE
1. La jurisprudence de la Cour de justice
A. Activités relevant des prérogatives traditionnelles de l’Etat
B.
Activités des organismes dont la fonction est exclusivement social
a) l’enseignement
b) les bureaux de placement
c) les organismes de sécurité sociale
d) les services de santé
2. Pratique de la Commission
II. L’AFFECTATION DES ECHANGES ENTRE ETATS MEMBRES
1. Jurisprudence de la Cour
2. Pratique de la Commission
III. LA NOTION DE SERVICE D’INTERET ECONOMIQUE GENERAL
1. Jurisprudence de la Cour
2. Pratique de la Commission
SECTION III
LA LEGISLATION SECTORIELLE
I. TELECOMMUNICATIONS
1. Naissance du concept de service universel
2. Son application dans la législation communautaire relative au secteur des
télécommunications
A. La directive 95/62/CE
B.
La directive 97/33/CE
C.
La directive 98/10/CE
D. La directive 2002/22/CE
a) La définition du service universel
b) Caractère évolutif de la notion de service universel
II. L’ENERGIE
1. La directive 96/92/CE
2. La directive 2003/54/CE
A. Obligations de service public
B.
Service universel
C.
Protection du consommateur
D. Dérogations à l’ouverture des marchés
III. LES SERVICES POSTAUX
3
SECTION IV
LE LIVRE VERT SUR LES SERVICES D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
I. LES COMMUNICATIONS ANTERIEURES DE LA COMMISSION
1. Définitions et précisions terminologiques
2. Conditions d’application des règles du marché intérieur et la concurrence
A. La distinction entre activités économiques et activités non économiques
B.
L’affectation des échanges entre Etats membres
3. La résolution du Parlement européen sur la communication de 2000
A. Les conditions d’application des règles du marché intérieur et de la
concurrence
B.
Contenu du service d’intérêt général
II. ANALYSE DU LIVRE VERT SUR LES SERVICES D’INTERET GENERAL
1. Définitions et terminologie
2. Distinctions entre activités économiques et non économiques et effet sur les
échanges
3. Contenu du service d’intérêt général
SECTION V
LES DÉBATS INITIÉS PAR LE LIVRE VERT
I. LA POSITION DES AUTRES INSTITUTIONS ET ORGANES COMMUNAUTAIRES
1. Résolution du Parlement européen sur le Livre vert sur les services d’intérêt
général
A. Distinction entre activités économiques et non économiques et services
publics locaux
B.
Contenu du service d’intérêt général
2. Avis du Comité des Régions
A. Distinction entre activités économiques et non économiques
B.
Contenu du service d’intérêt général
3. Avis du Comité économique et social européen
A. Distinction entre activités économiques et non économiques
4
B.
Contenu du service d’intérêt général
II. LES CONTRIBUTIONS A LA CONSULTATION PUBLIQUE
1. Contributions des Etats membres
2. Les pouvoirs locaux
A. Les assocations à vocation générale
a) L’Assemblée des Régions de l’Europe
b) Le Conseil des communes et Régions d’Europe
c) Eurocities
B.
Les associations à vocation spécifique
a) La Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe
b) La Conférence des régions ultrapériphériques
c) L’Association des élus de montagnes
3. Les organisations représentatives des services d’intérêt général
A. Le Centre européen des entreprises à participation publique et des
entreprises d’intérêt général
B.
Le Comité européen de liaison sur les services d’intérêt général
4. Les acteurs de la société civile
A. Le bureau européen des consommateurs
B.
Les syndicats
a) La fédération européenne des syndicats des services publics
b) l’Union européenne des travailleurs démocrates-chrétiens
C.
Les organisations du secteur non marchand
a) ETWelfare
b) La ligue des droits de l’homme
c) La Conférence européenne permanente des coopérations,
mutualités, associations et fondations
d) Le Comité européen des associations d’intérêt général
e) Le Réseau européen d’action sociale
5
III. LES REPONSES DU LIVRE BLANC
1. Services économiques et non économiques
2. Services publics locaux
3. Contenu du service d’intérêt général
A. Assurer la cohésion et l’accès universel
B.
Maintenir des niveaux élevés de qualité et de sécurité
C.
Garantir les droits des consommateurs et des usagers
SECTION VI
LES APPORTS DE LA DOCTRINE
I. LA NOTION DE SERVICE D’INTERET GENERAL
II. CONTENU DU SERVICE D’INTERET GENERAL
CONCLUSION
CHAPITRE II
CANAUX ET MODALITES DE COOPERATION POUR LA
FOURNITURE DE SERVICES D’INTERET GENERAL PAR LES
COLLECTIVITES TERRITORIALES
par Nicolas Levrat
INTRODUCTION
SECTION I
TYPOLOGIE DES MODALITES DE COOPERATION
I. LES COOPERATIONS HORIZONTALES
II. LES COOPERATIONS VERTICALES ET MIXTES
III. LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE
SECTION II
EXAMEN DE L’EFFICACITE DES MODALITES DE COOPERATION
POUR LA REALISATION DE SERVICES D’INTERET GENERAL
I. LES COOPERATIONS HORIZONTALES
6
1. La coordination des politiques des collectivités, sans création d’une entité
dotée de la personnalité juridique
2. Création d’une entité juridique distincte des partenaires
A. Entité publique spécialisée
a) le syndicat de communes
b) les intercommunales
c) les joint authority ou joint board
d) les communautés de communes
e) les communautés de montagne
II. LES COOPERATIONS VERTICALES ET MIXTES
1. Entité mixte
2. Coopération fondée sur des transferts de fonds
3. Coopération contractuelle
III. LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE
CONCLUSION
Tableau
CHAPITRE III
QUEL CADRE LEGISLATIF POUR LES SIG?
par Stéphane Rodrigues
INTRODUCTION
SECTION I
QUELLE(S) BASE(S) JURIDIQUE(S) PERTINENTE(S)?
I. LE DROIT POSITIF
1. L’article 16 CE
2. L’article 86-3 CE
3. L’article 95.1 CE
4. L’article 308 CE
7
II. LA FUTURE CONSTITUTION: QUELS CHANGEMENTS?
1. Le projet d’article III-6
2. Les travaux de la CIG : le nouvel article III-122
SECTION II
QUEL TYPE D’ACTE APPROPRIÉ ?
I. ACTE A PORTEE SECTORIELLE OU HORIZONTALE?
II. DIRECTIVE OU REGLEMENT?
SECTION III
QUEL CONTENU NORMATIF?
CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE
Annexe
Proposition de directive-cadre (ou loi européenne) relative aux principes communs
et conditions de fonctionnement des services d’intérêt économique général dans
l’Union européenne
BIBLIOGRAPHIE
8
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le concept de Service d’Intérêt Général (SIG) n’existe pas dans les traités européens (CE et UE)
mais découle d’une doctrine communautaire développée par la Commission européenne à partir
du concept de service d’intérêt économique général (SIEG), concept figurant dans le traité CE
depuis ses origines en 1957.
La notion de SIG est plus large que celle de SIEG puisqu’elle couvre les services marchands et
non marchands d’intérêt général.
A l’origine, dans le traité CE, on ne parlait de S.I.E.G. à l’article 86, par. 2 (ex art. 90) que
comme exception possible aux règles de concurrence lorsque l’accomplissement des missions
d’intérêt économique général confiées à une entreprise aurait été mis à mal par l’application des
règles du Traité, et notamment des règles de concurrence.
Dans l’état actuel du traité CE (avant adoption du traité établissant une Constitution pour
l’Europe), l’article 16, introduit par le Traité d’Amsterdam,dispose que :
« Sans préjudice des articles 73, 86 et 87, et eu égard à la place qu’occupent les
services d’intérêt économique général parmi les valeurs communes de l’Union
ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et
territoriale de l’Union, la Communauté et ses Etats membres, chacun dans les
limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ
d’application du présent traité veillent à ce que ces services fonctionnent sur la
base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs
missions. »
En d’autres termes, les S.I.E.G. ne doivent plus être considérés négativement comme une
exception de l’application des règles de concurrence mais bien positivement comme un élément
dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union.
D’où évidemment l’intérêt du Comité des Régions pour cette tâche positive suggérée, voire
« imposée » en quelque sorte, à l’Union et aux Etats membres dans un système de responsabilité
partagée.
Le Traité constitutionnel fait un pas de plus avec le nouvel article art. III-122 ; qui reprend le
texte de l’article 16 CE mais en y ajoutant que
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« La loi européenne définit ces principes et ces conditions, sans préjudice de la
compétence qu’ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, de
fournir, de faire exécuter et de financer ces services »
Il y aura donc désormais, en cas de ratification du nouveau traité, une base législative pour
préciser les conditions d’exercice des missions confiées aux entreprises chargées de la gestion de
SIEG.
L’accomplissement de ces missions positives n’est cependant pas chose aisée. D’abord, parce
que les notions ne sont toujours pas clairement définies tant au niveau conceptuel que sectoriel.
Les limites par exemple entre services marchands et non marchands sont encore floues d’autant
plus que les activités des SIEGs comportent souvent des éléments autres que ceux de leur
objectif principal ; des services en principe sociaux ont parfois des activités économiques et
tombent sous les règles du marché et dès lors de la concurrence.
En second lieu se pose la question de la répartition des compétences de gestion au niveau de
l’Union, des Etats et des entités sub-étatiques dont principalement les régions.
A chaque niveau existent des SIG, souvent économiques mais parfois aussi exerçant des activités
mixtes, économiques et sociales.
Pour chacun de ces niveaux se pose la question de la pertinence de l’application du droit
communautaire en tenant compte de la subsidiarité : compatibilité des aides d’Etat, règle « de
minimis », affectation des échanges intra-communautaires, etc.
Enfin, il convient désormais de tenir compte de l’article 36 de la Charte des droits fondamentaux
(futur article II-96 dans le traité constitutionnel) qui considère le droit d’accès des citoyens
européens aux S.I.E.G. comme un droit fondamental pour ces citoyens .
La présente étude se situe dans cette perspective générale et essaye de préciser comment
l’accomplissement des tâches des SI(E)G pourrait être envisagé.
Le premier chapitre privilégie une approche conceptuelle. Il convient en effet de préciser les
notions de S.I.G., de S.I.E.G., de services marchands et non marchands, etc.
En outre, il est important de rappeler quelle contribution la Cour de Justice des Communautés
européennes (CJCE) a apporté à la définition et à l’interprétation de ces notions et quelle
application en a été faite dans la législation et la pratique décisionnelle de la Commission.
11
Les prises de positions des institutions européennes, du Comité économique social européen et
du Comité des Régions de l’UE et de différentes organisations de la société civile constituent
aussi des éléments importants dans cette approche.
Le second chapitre traite des canaux et modalités de coopération pour la fourniture des SIG par
les collectivités territoriales.
A partir du moment où, en vertu du principe de subsidiarité, les régions ou autres entités subétatiques sont appelées à faire fonctionner des S.I.G., se pose inévitablement la question de la
pertinence et de l’utilité de réseaux de coopération entre elles ou avec des entités supérieures.
Limiter la capacité des pouvoirs territoriaux à intervenir dans l’offre des SIG aurait pour
conséquence immédiate d’affaiblir les mécanismes tant horizontaux que verticaux de
coopération, voire même de remettre en cause certains niveaux institutionnels.
Enfin le troisième chapitre s’attache à décrire le cadre législatif qui pourrait mieux définir les
principes existants et les conditions de fonctionnement des S.I.E.G.
Dans l’état actuel des traités, l’article 95-1 C.E. semble devoir s’imposer comme la base
juridique la plus appropriée, même si cette disposition s’inscrit dans le cadre strictement limité
de l’établissement et du développement du marché intérieur.
Mais l’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe impliquerait sans
nul doute une évolution significative avec l’application du nouvel article III-122 et l’élaboration
d’une « loi européenne » pour fixer les conditions communes de fonctionnement des S.I.E.G.
Une telle loi européenne pourrait constituer le cadre commun souhaité par le Comité des Régions
de l’UE dans son avis du 20 novembre 2003 sur le Livre vert SIG et qui comporterait
notamment :
a) l’affirmation de l ‘égalité d’accès de tous les citoyens aux SIEG, dans là mesure où cela est
défendable du point de vue économique ;
b) la possibilité pour les autorités de fixer un prix de fourniture du SIEG sur la base d’un
principe de solidarité uniforme ;
c) la garantie d’un niveau élevé de sécurité des prestations fournies par les SIEG ;
d) la garantie d’un niveau élevé de qualité de ces prestations.
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Chapitre I
Clarification des concepts liés aux services d’intérêt général
INTRODUCTION
Le concept de ‘service d’intérêt général’ ne figure pas dans les traités. Il a été utilisé par la
Commission, pour la première fois dans une communication de 1996 sur ‘les services d’intérêt
général en Europe’ et repris dans les communications ultérieures, et en dernier lieu dans le Livre
vert puis le Livre blanc sur les services d’intérêt général, qui distinguent les ‘services marchands’
ou ‘services d’intérêt économique général’ et les services non marchands.
On trouve dans les traités (Section I) plusieurs concepts pertinents pour la matière. La
jurisprudence de la Cour de justice et la pratique de la Commission (Section II) fournissent des
indications intéressantes quant à l’interprétation à donner à ces concepts, dont la portée a aussi
été précisée par le droit dérivé sectoriel (Section III). Après un examen du ‘droit positif’, notre
attention s’est portée sur le Livre vert de la Commission sur les services d’intérêt général
(Section IV), les débats qu’il a initiés ainsi que les conclusions qu’en a tirées le Livre blanc sur
les services d’intérêt général (Section V). Nous avons enfin complété notre étude par une analyse
de certains apports intéressants de la doctrine (Section VI).
SECTION I. LES TRAITES
I. LE TRAITÉ DE ROME
La construction communautaire, essentiellement économique à son origine, a eu pour but
essentiel la réalisation d’un espace économique comportant quatre libertés : liberté de circulation
des marchandises, des capitaux, des services et des personnes, et assortie de la mise en place d'un
espace européen de concurrence. Il n’est donc pas étonnant que le traité de Rome, dans sa
version originelle, ne mentionne pas le fonctionnement des services d'intérêt général parmi les
objectifs communautaires et n'attribue aucun pouvoir spécifique ‘positif’ à la Communauté dans
ce domaine.
La mise en place du marché commun a eu en revanche pour conséquence d'obliger les acteurs
économiques  mais aussi les Etats  à supprimer les obstacles à cet espace économique unifié.
Le traité de Rome édicte des mesures interdisant les restrictions quantitatives à l'importation et
les mesures d'effet équivalent (article 30 devenu article 28) ainsi que les restrictions à la liberté
d'établissement (article 52 devenu article 43) et à la libre prestation des services à l'intérieur de la
Communauté (article 58 devenu article 49) ; il oblige les Etats à aménager les monopoles
nationaux présentant un caractère commercial (article 37 devenu article 31), et à respecter les
règles du traité, en particulier les règles de concurrence, dans leurs rapports avec leurs entreprises
publiques (article 90 devenu article 86). Enfin, il instaure un régime de contrôle des aides d’Etat
par la Commission (articles 92 et 93 devenus article 87 et 88).
Les compétences que la Communauté détient à ce titre peuvent toucher les services d'intérêt
général, et tout particulièrement les droits exclusifs et spéciaux qui leurs sont conférés, en tout
cas dans la mesure où ces services entrent dans le champ d’application des compétences
communautaires, parce qu’ils sont considérés comme des entreprises. En imposant, pour réaliser
le marché commun, la suppression de tout obstacle à la liberté de vendre des marchandises et des
services d'un Etat à l'autre et de s'établir sur le territoire d'un autre Etat que le sien pour y
produire des biens ou des services, le traité ne pouvait que menacer les protections dont les Etats
avaient entouré certaines activités au nom de l'intérêt général et qui toutes s'analysaient en droits
spéciaux ou même exclusifs limitant ou supprimant totalement la liberté de produire, d'acheter,
de vendre, de transporter, d'importer ou d'exporter.
Toutefois, deux dispositions du traité permettaient, dès l’origine, de tenir compte de la nature
particulière des activités économiques d’intérêt général, qui pouvait justifier des aménagements
au droit commun de la concurrence et du marché intérieur :
-
-
d’abord, l’article 77 (devenu article 73) prévoit que « sont compatibles avec le présent traité
les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent
au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public » ;
ensuite, en vertu de l’article 90 (devenu article 86), paragraphe 2, « les entreprises chargées
de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un
monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de
concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à
l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ».
Pendant les premières décennies de la construction européenne, les institutions communautaires
ont fait en quelque sorte ‘l'impasse’ sur les services économiques d’intérêt général, et, par voie
de conséquence, l’article 90 est resté en veilleuse.
L'acte unique européen, signé en 1986, a modifié profondément cette situation, d’abord en fixant
comme objectif prioritaire la réalisation d’un marché sans frontières intérieures, avec quatre
grandes libertés de circulation, dont celles des marchandises et des services, ensuite en
introduisant le vote à la majorité qualifiée pour tout ce qui concerne la réalisation de ce marché
14
unique. Dans la foulée de l’acte unique européen, s’est engagé un processus d’ouverture à la
concurrence touchant certains des services d’intérêt général à caractère économique, jusqu'alors
caractérisés par la prépondérance ou même la présence exclusive de monopoles publics. C’est
alors que l’article 86 a fait son entrée en scène et a servi de fondement à la définition d’un
équilibre entre le respect des règles de concurrence et la préservation de l'unité du marché
commun, d’une part , et la sauvegarde des missions de service public ou d’intérêt général d’autre
part1.
La Communauté s’est d’abord attelée à cette tâche par le biais d’interventions de portée
individuelle, qui ont été le fait de la Commission, agissant dans le cadre de son rôle de
« gardienne » des traités, ou de la Cour de justice, saisie dans le cadre de recours directs contre
des décisions de la Commission ou dans celui de questions préjudicielles posées par les
juridictions nationales (voir Section II). Elle a ensuite emprunté la voie de l’action législative
dans plusieurs secteurs (voir Section III). Il s’en est suivi un débat passionné, qui a conduit,
notamment à l’introduction d’un nouvel article 16 dans le traité CE.
II. LE TRAITÉ D’AMSTERDAM
Le traité d’Amsterdam consacre pour la première fois une disposition spécifique, de nature plus
horizontale aux « services d’intérêt économique général » : l’article 16 (ex article 7D), dispose
que « sans préjudice des articles 73, 86 et 87, et eu égard à la place qu'occupent les services
d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils
jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses
États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du
champ d'application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de
principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ».
Cet article 16 est accompagné d’une déclaration aux termes de laquelle « les dispositions de
l'article 7 D du traité instituant la Communauté européenne relatives aux services publics sont
mises en œuvre dans le plein respect de la jurisprudence de la Cour de justice, en ce qui
concerne, entre autres, les principes d'égalité de traitement, ainsi que de qualité et de continuité
de ces services »
Par ailleurs, deux textes, de nature plus sectorielle, sont joints au traité d’Amsterdam :
V. Rojanski, L’Union européenne et les services d’intérêt général, Revue du droit de l’Union européenne, 2002,
volume 4.
1
15
-
-
le protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres prévoit que
« Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne sont sans préjudice de la
compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de
radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de
radiodiffusion aux fins de l'accomplissement de la mission de service public telle qu'elle a
été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce
financement n'altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la
Communauté dans une mesure qui serait contraire à l'intérêt commun, étant entendu que
la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte »2
dans la déclaration n° 37, la Conférence « prend connaissance de l'avis de la Commission,
qui estime que les règles de concurrence en vigueur dans la Communauté permettent de
prendre pleinement en compte les services d'intérêt économique général assurés en
Allemagne par les établissements de crédit de droit public, ainsi que les avantages qui leur
sont accordés en compensation des coûts inhérents à la prestation de ces services. »
L'Autriche et le Luxembourg ont ajouté la déclaration suivante « L'Autriche et le
Luxembourg considèrent que la déclaration relative aux établissements de crédit en
Allemagne vaut également pour les établissements de crédit en Autriche et au Luxembourg
qui ont une structure organisationnelle comparable ». Le Conseil européen d’Amsterdam
« prend acte de la déclaration sur les établissements de crédit de droit public en
Allemagne. Il invite la Commission à examiner si des cas similaires existent dans les autres
États membres, à appliquer, le cas échéant, les mêmes règles aux cas similaires et à
informer le Conseil ‘économie et finances’ » 3.
III. LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX4
L’article 36 de la Charte, intitulé ‘accès aux services d’intérêt économique général’ dispose que
« l’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est
prévu par les législations et pratiques nationales, conformément aux traité instituant la
Communauté européenne, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union ».
2
La Commission a adopté une « communication concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des
règles relatives aux aides d'État », JO C 320 du 15.11.2001.
3
La Commission a présenté au Conseil Ecofin du 23 novembre 1998 un rapport sur « Les services d'intérêt
économique général dans le secteur bancaire », celui-ci est disponible sur le site Internet de la direction générale
concurrence (http://europa.eu.int/comm/competition/state_aid/others/report_bank/report_bank_fr.html
4
Pour une analyse de cette disposition, voy. Loïc GRARD, Place et signification de la Charte des droits
fondamentaux de l’Union pour le concept de service d’intérêt général, in L'accès aux services d'intérêt économique
général, sous la direction de Jacques Vandamme et Stéphane Rodrigues - Aspe - Collection ISUPE
16
IV. LA CONSTITUTION5
D’abord, la Charte des droits fondamentaux est intégrée dans le projet de Constitution ; ensuite,
l’article III-122 dispose : « sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-238, et eu égard
à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général en tant que services auxquels
tous dans l'Union attribuent une valeur ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de sa
cohésion sociale et territoriale, l'Union et les États membres, chacun dans les limites de leurs
compétences respectives et dans les limites du champ d'application de la Constitution, veillent à
ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment
économiques et financières, qui leur permettent d'accomplir leurs missions. La loi européenne
établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les États
membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces
services. »6
SECTION II.
LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE ET LA PRATIQUE
DE LA COMMISSION
Trois concepts ont plus particulièrement retenu notre attention :
-
la notion d’activité économique,
la notion d’affectation des échanges entre Etats membres,
la notion de « missions d’intérêt économique général ».
Nous avons examiné leur portée à travers une analyse de la jurisprudence de la Cour de justice et
de la pratique décisionnelle de la Commission.
A la Convention, plusieurs contributions avaient porté sur les services d’intérêt général et le paragraphe 19 du
rapport final du groupe de travail « Europe sociale » est consacré à cette problématique. Il est rédigé dans les termes
suivants : « Un grand nombre de membres ont considéré que l'accès universel aux services d'intérêt général devait
figurer parmi les objectifs de l'Union et ont souligné le lien avec l'accès, pour chaque citoyen, aux services de base,
tels que la santé et l'éducation. Ces membres ont préconisé, conformément à l'article 36 de la Charte des droits
fondamentaux, l'adoption d'une disposition horizontale qui irait au-delà de l'énoncé actuel de l'article 16 du traité
CE et qui garantirait l'accès universel aux services de base et, partant, la fourniture de ces services. D'autres ont
souligné que cela ne devait pas exclure l'application des règles du marché intérieur pour les prestataires de tels
services. »
6
Sur les possibilités qu’offre cette disposition, nous renvoyons au chapitre III ci-dessous « Quel cadre législatif pour
les SIG? »
5
17
I. LA NOTION D’ENTREPRISE ET D’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE
1. La jurisprudence de la Cour de justice
Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, les règles de la concurrence et du
marché intérieur s’appliquent aux entreprises, « la notion d’entreprise comprend toute entité
exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette activité et de son
mode de financement »7 et « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir
des biens ou des services sur un marché donné ».
Comment faire la distinction entre activité économique et activité non économique ?
A. Activités relevant des prérogatives traditionnelles de l’Etat
Ici, la jurisprudence permet d'établir une ligne de partage assez claire.
Dans un arrêt du 19 janvier 19948, la Cour a relevé que Eurocontrol assume « des missions
d'intérêt général dont l'objet est de contribuer au maintien et à l'amélioration de la sécurité
de la navigation aérienne » ; elle a considéré que ces activités, « par leur objet et par les
règles auxquelles elles sont assujetties », se rattachent à des « prérogatives relatives au
contrôle et à la police de l’espace aérien, qui sont typiquement des prérogatives de puissance
publique ». De même, dans un arrêt du 18 mars 19979, elle a estimé qu'une entité chargée
d'assurer une surveillance antipollution du domaine maritime, exerce une mission d’intérêt
général qui relève des fonctions essentielles de l’Etat en matière de protection de
l’environnement. Une telle « activité de surveillance de par sa nature, son objet et les règles
auxquelles elle est soumise se rattache à l'exercice de prérogatives relatives à la protection
de l'environnement qui sont typiquement des prérogatives de puissance publique ». Dans les
deux affaires, la Cour a conclu que « de telles activités ne présentent pas une activité
économique justifiant l’application des règles de concurrence ».
Si l’entité en cause exerce à la fois des activités économiques et des activités d’autorité publique,
les dispositions du traité en matière de concurrence restent applicables aux activités
économiques, dans la mesure où elles sont détachables de celles qu'elle exerce en tant qu'autorité
publique. C’est ainsi que le Tribunal de première instance, dans un arrêt du 12 décembre 200010,
a estimé qu’il était possible d’établir une distinction entre les activités purement administratives
7
Aff. C- 491/90, Höfner du 23 avril 1991.
Aff. C-364/92, Eurocontrol du 19 janvier 1994.
9
Aff. C-343/95, Diego Cali du 18 mars 1997.
8
18
de la société Aéroports de Paris, notamment ses missions de police, et les activités économiques
de gestion et d'exploitation des aéroports parisiens de cette société.
B. Activités des organismes dont la fonction est exclusivement sociale
La Cour a posé le principe que les organismes qui remplissent une ‘fonction de caractère
exclusivement social’11 n’exercent pas une activité économique. Encore faut-il savoir ce qu’on
entend par là, et ici la distinction semble plus difficile à établir.
La jurisprudence a eu à traiter principalement de quatre domaines:
a) L’enseignement
Dans un arrêt du 27 septembre 198812, la Cour a estimé que les cours dispensés dans un institut
technique relevant de l'enseignement secondaire, dans le cadre du système d'éducation nationale,
ne peuvent être qualifiés de services, au sens du traité CEE. En effet, les services sont définis
comme «les prestations fournies normalement contre rémunération ». Or, la caractéristique
essentielle de la rémunération, à savoir que celle-ci constitue la ‘contrepartie économique’ d’une
prestation, fait défaut dans le cas de cours dispensés dans le cadre du système d'éducation
nationale car, « d'une part, en établissant et en maintenant un tel système, l'État n'entend pas
s'engager dans des activités rémunérées, mais accomplit sa mission dans les domaines social,
culturel et éducatif envers sa population, et, d'autre part, le système en cause est, en règle
générale, financé par le budget public et non par les élèves ou leurs parents. » La Cour a ajouté
que la nature de cette activité n'est pas affectée par le fait que, « parfois, les élèves ou leurs
parents sont obligés de payer des redevances ou des frais de scolarité en vue de contribuer dans
une certaine mesure aux frais de fonctionnement du système. »
Dans un arrêt du 7 décembre 199313, la Cour a rappelé les termes de l’arrêt Humbel en
soulignant que « ces considérations valent également pour les cours dispensés dans un institut
d'enseignement supérieur dont le financement est assuré, pour l'essentiel, par des fonds
publics ». Elle ajoute une précision essentielle : « toutefois (…), s'il est vrai que la plupart des
établissements d’enseignement supérieur sont financés de cette façon, il en existe néanmoins qui
sont financés pour l'essentiel par des fonds privés, notamment par les étudiants ou leurs parents,
et qui cherchent à réaliser un bénéfice commercial. Lorsqu'ils sont dispensés dans de tels
10
Aff. T-128/98, Aéroports de Paris du 12 décembre 2000, confirmé par un arrêt de la Cour , aff. C-82/101 P,
Aéroports de Paris du 24 octobre 2002.
11
Aff. C-159/91 et C-160/91, Poucet et Pistre du 17 février 1993.
12
Aff. C-263/86, Humbel du 27 septembre 1988.
13
Aff. C-109/92, Wirth du 7 décembre 1993.
19
établissements, les cours deviennent des services au sens de l'article 60 du traité. Le but
poursuivi par ces établissements consiste en effet à offrir un service contre rémunération ».
Dans un arrêt du 15 mars 198814, la Cour a confirmé qu’il « appartient à chaque Etat membre de
définir quels sont, en matière d’enseignement, le rôle et les responsabilités propres de l’autorité
publique », mais elle a considéré que des écoles privées de rattrapage ou d’enseignement
professionnel pouvaient être considérés comme des services, pour la prestation desquels toute
discrimination fondée sur la nationalité était proscrite.
Dans le domaine de l’enseignement, la Cour fait donc une nette distinction entre l’éducation en
tant que bien public et service public, qui n’a pas de caractère économique, et les services privés
d’éducation et de formation qui sont quant à eux des activités économiques.
b) Les bureaux de placement
Dans son arrêt du 23 avril 1991 précité, la Cour a rejeté l’argument du gouvernement
allemand, selon lequel l’activité de placement de cadre et de dirigeants ne relevait pas du
champ d'application des règles de concurrence, dès lors qu'elle était exercée par l’office
allemand pour l’emploi, un organisme public qui fournit ces services à titre gratuit. Elle a
posé le principe, sans se justifier à cet égard, que « l'activité de placement est une activité
économique ». Elle a ajouté que le statut juridique et le mode de financement de l’entité en
cause étaient inopérants, dès lors qu’elle exerce une activité économique. Enfin, elle a estimé
que la circonstance qu'en Allemagne, les activités de placement sont normalement confiées à
des offices publics ne saurait affecter la nature économique de ces activités, ajoutant que « les
activités de placement n'ont pas toujours et ne sont pas nécessairement exercées par des
entités publiques, tout particulièrement en ce qui concerne les activités de placement de
cadre et de dirigeants d'entreprises »15.
c) Les organismes de sécurité sociale.
La Cour a consacré une importante jurisprudence à cette problématique. Dans l’affaire Poucet et
Pistre déjà citée, elle a eu à connaître d’organismes chargés en France de la gestion de certains
régimes de sécurité sociale destinés aux travailleurs non salariés. La Cour a souligné que les
régimes en cause relevaient de la protection sociale obligatoire et qu’ils poursuivaient un objectif
social et obéissaient au principe de la solidarité, dans la mesure où ils visaient à assurer à
14
Aff.C-147/86, Commission des Communautés européennes du 15 mars 1998.
Voir aussi l’aff. C-55/98, Skatteministeriet du 28 octobre 1999, dans lequel la Cour a confirmé que l'organisation de
cours de formation professionnelle étaient des services entrant dans le champ d'application de l'article 59 du traité.
20
l'ensemble des personnes qui en relèvent une couverture des risques de maladie, vieillesse, décès
et invalidité, indépendamment de leur condition de fortune et de leur état de santé lors de
l'affiliation. Elle a aussi relevé que les prestations étaient identiques pour tous les cotisants, les
cotisations proportionnelles aux revenus, et enfin que les régimes excédentaires participaient au
financement des régimes déficitaires. Enfin, elle a noté que, dans l'exécution de leur mission, les
organismes en cause n'ont aucune possibilité d'influer sur le montant des cotisations, l'utilisation
des fonds et la détermination du niveau des prestations qui sont fixés par la loi. La Cour a déduit
de ces éléments que « les organismes en cause remplissaient une fonction de caractère
exclusivement social. Cette activité est, en effet, fondée sur le principe de la solidarité nationale
et dépourvue de tout but lucratif. Les prestations versées sont des prestations légales et
indépendantes du montant des cotisations. »
La Cour a précisé la portée de cet arrêt dans un arrêt ultérieur du 16 novembre 1995, qui
concernait cette fois un régime complémentaire d’assurance vieillesse en faveur des
agriculteurs16. La Cour a relevé qu'il s'agissait d'un régime facultatif, fonctionnant selon le
principe de la capitalisation et que les prestations dépendaient des cotisations versées par
chaque adhérent, ainsi que des résultats financiers des investissements effectués par
l'organisme gestionnaire, pour conclure qu’il s'agissait d'une activité économique, exercée en
concurrence avec les compagnies d’assurances vie ».
Fallait-il déduire de ces arrêts une ligne de « démarcation » fondée sur le caractère obligatoire
ou non de l’assurance sociale ? La Cour a répondu par la négative dans trois arrêts parallèles
du 21 septembre 199917 : elle a en effet jugé qu’un fonds de pension chargé de la gestion d'un
régime de pension complémentaire, auquel l'affiliation est obligatoire pour tous les
travailleurs du secteur concerné, exerce une activité économique en concurrence avec les
compagnies d'assurances, dans la mesure où il détermine lui-même le montant des cotisations
et des prestations et fonctionne selon le principe de la capitalisation.
En revanche, dans un arrêt du 22 janvier 200218, la Cour a dénié la qualité d’entreprise à
l’INAIL, l’organisme chargé par la loi italienne de la gestion de l’assurance contre les accidents
du travail et les maladies professionnelles. D’une part, elle relève deux éléments permettant
d'établir que le régime d'assurance en cause met en oeuvre le principe de la solidarité : les
cotisations sont calculées non pas seulement sur la base du risque lié à l'activité de l'entreprise
concernée, mais également en fonction des revenus de l'assuré ; et le montant des prestations
15
Solution confirmée dans deux arrêts ultérieurs, l´aff. C-55/96, Job Centre du 11 décembre 1997,, et l´aff.
C-258/98, Carra du 8 juin 2000.
16
Aff. C-244/94, Fédération française des sociétés d’assurances du 16 novembre 1995.
17
Aff. C-67/96, Albany International BV du 21 septembre 1999; aff. C-115/97 à C-117/97, Brentjens du 21
septembre 1999 et aff. C-219/97, Drijvende Bokken du 21 septembre 1999.
18
Aff. C-218/00, Cisal de Battistello venazio & C: Sas du 22 janvier 2002.
21
versées n'est pas nécessairement proportionnel aux revenus de l'assuré et aux cotisations
acquittées, ce qui implique une solidarité entre les travailleurs les mieux rémunérés et ceux qui,
compte tenu de leurs faibles revenus, seraient autrement privés d'une couverture sociale
adéquate. D’autre part, elle souligne que l'activité de l'INAIL est soumise au contrôle de l'État et
que le montant des prestations ainsi que des cotisations est, en dernier ressort, fixé par ce dernier.
La Cour est arrivée à une conclusion similaire dans un arrêt du 22 mai 200319, à propos de
l’Institut grec des assurances agricoles (ELGA), après avoir mis l’accent sur trois éléments : la
contribution finançant ELGA revêt essentiellement la nature d'une charge imposée par l'État ;
c'est l'État qui détermine les caractéristiques, y compris le taux, de cette charge ; enfin la nature
et le niveau des prestations fournies par ELGA sont fixés par le législateur national.
De même, s’agissant des caisses de maladie du régime légal d'assurance maladie allemand, la
Cour20 a souligné qu’elles « sont légalement contraintes d'offrir à leurs affiliés des prestations
obligatoires, pour l'essentiel identiques, qui sont indépendantes du montant des cotisations. »
Elle ajoute qu’elles « n'ont ainsi aucune possibilité d'influer sur ces prestations ». Enfin, elle met
en avant le principe de solidarité qui lie les caisses de maladie et qui permet « d'opérer entre
elles une péréquation des coûts et des risques, une compensation étant effectuée entre les caisses
de maladie dont les dépenses de santé sont les moins élevées et celles qui assurent des risques
coûteux et dont les dépenses liées à ceux-ci sont les plus importantes. » Elle en déduit que « les
caisses de maladie ne sont donc pas en concurrence entre elles ni avec des établissements privés
pour l'octroi des prestations légales obligatoires en matière de soins ou de médicaments qui
constitue leur fonction essentielle » L’avocat général Jacobs était arrivé à une conclusion
différente, en raison de la marge de liberté dont les caisses de maladie disposent pour fixer le
taux des cotisations et se faire ainsi une certaine concurrence pour attirer des affiliés. La Cour a
estimé que cette circonstance était inopérante, car le législateur a introduit cet élément de
concurrence en matière de cotisations afin d'inciter les caisses de maladie à exercer leur activité
selon les principes d'une bonne gestion, à savoir de la manière la plus efficace et la moins
coûteuse possible, dans l'intérêt du bon fonctionnement du système de sécurité sociale allemand.
La Cour reconnaît cependant qu’il ne peut être exclu qu’en dehors de cette fonction de nature
exclusivement sociale, les caisses de maladie se livrent à des opérations ayant une finalité autre
que sociale et qui seraient quant à elles de nature économique21. On retrouve donc ici un principe
similaire à celui qui a été développé à propos des ‘activités de puissance publique’, à savoir que
lorsque l’organisme en cause exerce à la fois des activités économiques et des activités ‘à finalité
purement sociale’, chacune de ces activités reste soumise à son régime juridique propre.
19
Aff. C-355/00, Freskot AE du 22 mai 2003.
Aff. C-264/01, AOK Bundesverband du 16 mars 2004.
21
Elle estime cependant que ce n’est le cas en l’espèce.
20
22
Ici le critère de distinction semble résider dans l’existence ou non d’un lien direct entre
cotisations et prestations ainsi que dans la liberté ou l’absence de liberté de fixer le montant de
celles-ci.
d) Les services de santé
Selon un arrêt du 25 octobre 200122, des organisations sanitaires qui assument le transport
d'urgence et le transport de malades, fournissent des services, moyennant rétribution des
utilisateurs. La Cour souligne que telles activités n'ont pas toujours été et ne sont pas
nécessairement exercées par de telles organisations ou par des autorités publiques. Elle reconnaît
que des obligations de service public peuvent rendre les services fournis par une organisation
sanitaire donnée moins compétitifs que des services comparables effectués par d'autres
opérateurs non liés par de telles obligations, mais considère que cette circonstance ne saurait
empêcher que les activités en cause soient considérées comme des activités économiques23.
Dans un arrêt du 12 juillet 200124, la Cour a été amenée à examiner la question de savoir dans
quelle mesure les dispositions relatives à la libre prestation des services peuvent s’appliquer aux
soins hospitaliers. Le régime d’assurance maladie applicable aux Pays-Bas prévoit la gratuité des
soins pour les assurés, à la condition qu’ils s’adressent à un des établissements de soins avec
lesquels leur caisse a passé une convention. Plusieurs gouvernements ont soutenu que les
services hospitaliers, lorsqu'ils sont dispensés gratuitement en nature dans une infrastructure
hospitalière en vertu du régime d'assurance, ne constituent pas une activité économique. L’avocat
général était arrivé à une conclusion similaire, en mettant en avant les particularités du régime
d’assurance applicable aux Pays-Bas. Selon ce système, les caisses signent avec les
établissements de soins des conventions dans lesquelles elles fixent à l'avance le contenu et la
qualité des prestations ainsi que l'intervention financière de la caisse, et l’intervention financière
a davantage pour objet de financer les établissements qui les fournissent que de couvrir le coût
réel de l'hospitalisation. La Cour n’a pas retenu ces arguments. Elle a estimé que « la
circonstance qu'un traitement médical hospitalier est financé directement par les caisses
d'assurance maladie sur la base de conventions et de tarifs préétablis n'est pas de nature à le
soustraire du domaine des services »» Selon la Cour, les paiements effectués en l’espèce par les
caisses de maladie, « même s’ils sont forfaitaires, constituent bien la contrepartie économique
des prestations hospitalières et présentent donc un caractère rémunératoire dans le chef de
l'établissement hospitalier qui en bénéficie et qui est engagé dans une activité de type
22
Aff C-475/99, Ambulanz Glöckner du 25 octobre 1995.
Cette circonstance fondera en revanche la qualification de service d’intérêt économique général.
24
Aff. C-157/99, Smits (épouse Geraets) et Peerbooms du 12 juillet 2001.
23
23
économique. » La Cour ajoute qu’il n’est pas nécessaire que la rémunération soit payée par ceux
qui bénéficient de la prestation25.
Dans un arrêt du 4 mars 200326, le Tribunal de première instance a estimé que, en revanche, le
système national de santé espagnol fonctionnait « conformément au principe de solidarité dans
son mode de financement par des cotisations sociales et autres contributions étatiques et dans sa
prestation gratuite de services à ses affiliés sur la base d'une couverture universelle »
La jurisprudence semble donc, comme en matière d’enseignement, faire une distinction entre le
‘système national de santé’ qui preste des soins publics et gratuits et n’exerce pas une activité
économique et la ‘médecine libérale’, qui présente un caractère économique, même si son coût
est en définitive totalement ou partiellement pris en charge par les pouvoirs publics, à travers les
systèmes de sécurité sociale.
Il convient enfin de souligner que, dans l’affaire relative à l’ELGA, la Cour conclut que cet
organisme n’est pas une entreprise, « en tout cas pour ce qui concerne ses activités au titre du
régime d'assurance obligatoire contre les risques naturels. ». De même, dans son arrêt du 16
mars 2004 précité, la Cour note qu’« il ne peut être exclu qu’en dehors de cette fonction de
nature exclusivement sociale, les caisses de maladie se livrent à des opérations ayant une finalité
autre que sociale et qui seraient quant à elles de nature économique »27. On retrouve donc ici un
principe similaire à celui qui a été développé à propos des ‘activités de puissance publique’, à
savoir que lorsque l’organisme en cause exerce à la fois des activités économiques et des
activités ‘à finalité purement sociale’, chacune de ces activités reste soumise à son régime
juridique propre.
25
La Cour relève à cet égard que les traitements médicaux en cause, dispensés dans des États membres autres que
celui d'affiliation, ont bien donné lieu à une rétribution directe des établissements prestataires par le patient. Elle
souligne qu’une prestation médicale dispensée dans un État membre et rétribuée par le patient ne saurait cesser de
relever du champ d'application de la libre prestation des services garantie par le traité du seul fait que le
remboursement des soins en cause est sollicité au titre de la législation sur l'assurance maladie d'un autre État
membre qui prévoit essentiellement une intervention en nature.
26
Aff. T-319/99, Federación Nacional de instrumentación científica (FENIN) du 40 mars 2003.
27
Elle estime cependant que ce n’est le cas en l’espèce.
24
2. Pratique de la Commission
La pratique de la Commission est en totale conformité avec la jurisprudence, comme en
témoignent trois décisions qui nous ont paru particulièrement intéressantes.
La décision du 26 juillet 200028 est relative à des subventions du gouvernement de Basse-Saxe,
en faveur du groupe SICAN, un centre stratégique de compétence dans le domaine de la
microélectronique. La Commission a admis que, « en ce qui concerne l'activité de formation, le
groupe SICAN a agi en qualité de centre de formation et n'a exercé aucune activité
commerciale ». Elle en a déduit que, « dans la mesure où ils ont servi au financement de
l'exécution de la mission d'intérêt public général, les fonds publics alloués n'ont pas constitué
une aide d'État. »
Dans une décision du 22 août 200229, la Commission, saisie d’une plainte à l’encontre
d’allègements fiscaux instaurés par les autorités italiennes au profit des fondations bancaires, a
examiné si l'activité de ces fondations était une activité économique. Elle a estimé que la
première de leur activité, à savoir le versement de contributions à des organismes sans but
lucratif qui agissent dans les secteurs indiqués par la loi, était une activité ayant un ‘caractère
exclusivement social’, fondée ‘sur le principe de la solidarité’. La Commission observe en outre
que les fondations n'opèrent pas selon les critères de marché normaux, et que d’ailleurs, il
n'existe pas de ‘marché’ pour ce type particulier d'activité. L’analyse a été différente en ce qui
concerne les activités que les fondations bancaires peuvent exercer dans certains secteurs tels
que : aide aux catégories sociales défavorisées, enseignement, recherche scientifique et
technologique, protection de l'environnement, arts, sauvegarde du patrimoine culturel et
encouragement d'activités culturelles. La Commission souligne que, dans la majeure partie des
secteurs ainsi indiqués, on trouve des opérateurs qui exercent une activité similaire à des fins
lucratives. L’activité de prestation de services hospitaliers, l'activité d'une galerie d'art ou d'une
agence de protection des personnes impliquent des opérations économiques ; sur ces marchés, la
présence des fondations est donc susceptible de fausser la concurrence et leur activité ne peut dès
lors pas être totalement soustraite au contrôle du respect des règles de concurrence.
La décision du 16 octobre 200230 concerne des subventions accordées par la région flamande aux
régies portuaires, pour que leurs capitaineries puissent :
28
Décision de la Commission du 26 juillet 2000, concernant l'aide d'État de l'Allemagne en faveur du groupe
SICAN et de ses partenaires, JO L 18 du 19 janvier 2001.
29
Décision de la Commission du 22 août 2002 relative aux mesures fiscales mises à exécution par l'Italie en faveur
des fondations bancaires, JO L 55 du 1er mars 2003.
30
Décision communiquée par lettre du secrétaire général aux autorités belges C (2002) 3763 fin, disponible sur le
site Internet Europa.
25
-
assurer un haut degré de fiabilité dans l’interface entre le transport maritime et les
transports terrestres afin d’améliorer la fluidité du trafic;
surveiller la bonne application de la législation en matière de sécurité maritime;
veiller à une meilleure intégration des considérations environnementales dans la planification
des projets de développement portuaire.
La Commission relève que ces missions décrites correspondent aux missions usuellement
assurées dans d’autres États membres par des capitaineries appartenant à l’administration
publique et qu’elles découlent de la loi ou des textes réglementaires. Elle note aussi, à titre
accessoire, que « les missions assurées par les capitaineries ne figurent pas dans la liste du
projet de ‘paquet portuaire’ destiné à libéraliser les services portuaires, qui sont tous des
services ‘marchands’ faisant l’objet de recettes pour celui qui les assure ». Enfin, elle souligne
que « les missions examinées ne donnent lieu à aucune recette de quelque nature que ce soit de
la part des usagers du port et elles ne sont pas par ailleurs susceptibles, par leur nature même,
de donner lieu à des recettes », pour conclure que « ces missions relèvent donc de la puissance
publique ».
On notera aussi le projet de « décision concernant l’application des dispositions de l’article 86
du traité aux aides d’Etat sous forme de compensation de service public octroyées à certaines
entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général »31 dans lequel la
Commission propose une exemption spécifique, pour les compensations de service public
octroyées aux « hôpitaux qui réalisent des activités de service d’intérêt économique général. » et
aux « entreprises en charge du logement social qui réalisent des activités de service d’intérêt
économique général. » Ce projet conduit à faire entrer d’une manière générale les hôpitaux et le
logement social dans le champ des activités économiques.
En synthèse, le critère essentiel pour qualifier une activité d’économique, consiste à vérifier si
cette activité, même si elle est exercée dans un but non lucratif par un organisme public ou par
un organisme poursuivant une finalité sociale, s’exerce sur un marché dans lequel elle peut entrer
en concurrence avec une activité similaire exercée contre rémunération par une entité privée
poursuivant un but lucratif. Un élément important à prendre en compte est la faculté éventuelle
de l’entité d’influencer le niveau de la contrepartie exigée pour les prestations de services
fournies. S’agissant de la présence de certains éléments de solidarité, il faut vérifier si ces
éléments sont si fondamentaux et essentiels qu’une entité privée ne pourrait les assumer ou s’ils
présentent un caractère plus limité, n’excluant pas la qualification d’activité économique32.
31
Projet présenté par la Commission en mars 2004, disponible sur le site Europa et actuellement soumis à
consultation (http://europa.eu.int/comm/competition/state_aid/others/public_service_comp/fr.pdf).
32
Conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Inail ; voy. aussi le ‘non paper’ intitulé « Services d’intérêt
économique général et aides d'Etat », document de discussion préparé par les services de la Commission, disponible
26
II. L’AFFECTATION DES ÉCHANGES ENTRE ETATS MEMBRES
Cette notion est particulièrement importante pour les services locaux d’intérêt général, qui
pourraient échapper au droit communautaire de la concurrence s’il devait être établi que leur
activité n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur les échanges entre Etats membres. Il faut
toutefois noter que la Cour et la Commission retiennent une conception assez extensive de la
notion d’affectation des échanges.
1. Jurisprudence de la Cour
Dans l’affaire Firma Ambulanz Glöckner, le gouvernement allemand excluait tout effet notable
sur le commerce entre États membres, car le transport par ambulance serait par définition une
activité exercée localement. La Commission faisait en revanche valoir que, en raison de la
proximité du Land de Rhénanie-Palatinat avec la Belgique, la France et le Luxembourg,
l’existence de transports transfrontaliers n’était pas à exclure, et qu’on pouvait aussi envisager
des transports sur une plus longue distance de personnes malades ou blessées qui souhaitent être
transportées dans un autre État membre ou qui sont rapatriées dans leur pays d'origine. La
Cour,dans son arrêt précité du 25 octobre 2001, a indiqué, sans trancher la question33, que, en
matière de services, l’influence sur les courants d'échanges entre États membres peut « consister
dans le fait que les activités en cause sont organisées de telle façon que le marché commun est
compartimenté et la liberté des prestations des services, qui est l'un des objectifs du traité,
entravée, et que le commerce entre États membres peut être affecté par une mesure qui empêche
une entreprise de s'établir dans un autre État membre pour y fournir des services sur le marché
en cause. »
Dans l’arrêt Altmark Trans du 24 juillet 200334, la Cour a estimé qu’il n'est nullement exclu
qu'une subvention publique accordée à une entreprise qui ne fournit que des services de transport
local ou régional et ne fournit pas de services de transport en dehors de son État d'origine puisse,
néanmoins, avoir une incidence sur les échanges entre États membres. En effet, l’entreprise
bénéficiaire de l’aide peut ainsi maintenir voire augmenter son offre de services de transports sur
le marché, avec la conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États
membres de fournir leurs services de transport sur ce marché en sont diminuées. La Cour
souligne aussi qu’en l'occurrence, cette constatation n'est pas seulement de nature hypothétique,
car plusieurs États membres ont commencé dès 1995 à ouvrir certains marchés de transport à la
sur
le
site
Internet
de
la
direction
générale
Concurrence,
n°
32
(http://europa.eu.int/comm/competition/state_aid/others/1759_sieg_fr.pdf).
33
S’agissant d’une question de fait, elle doit en effet être appréciée par le juge national, Aff. C-475/99, Firma
Ambulanz Glöckner du 25 octobre 2001.
34
Aff. C-280/00, Altmark Trans GmbH du 24 juillet 2003; le principal apport de cet arrêt réside dans la
qualification à donner aux compensations d’obligations de service public.
27
concurrence d'entreprises établies dans d'autres États membres, de sorte que plusieurs entreprises
offrent déjà leurs services de transports urbains, suburbains ou régionaux dans des États
membres autres que leur État d'origine.
2. Pratique de la Commission
La pratique de la Commission est dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour, même si la
Commission manifeste la volonté de concentrer ses efforts sur les affaires susceptibles d’avoir un
impact réellement significatif sur les échanges entre Etats membres35.
Dans une décision du 21 décembre 2000, la Commission, se prononçant à la demande expresse
de l’Allemagne, a décidé que la subvention annuelle versée par la ville de Dorsten à un
exploitant privé pour la construction, l'entretien et l'exploitation des piscines publiques de la ville
n’affectait pas les échanges entre Etats membres. En effet, les installations seront utilisées par les
habitants de la ville et des communes voisines. Elle a souligné qu’il y avait une grande différence
entre les aides de ce type et celles qui sont destinées à subventionner le développement de grands
parcs de loisirs qui visent un marché national voire international et qui sont fréquentés par une
clientèle qui ne vient pas uniquement de la région dans laquelle ces parcs sont implantés mais
aussi de beaucoup plus loin36.
La Commission est arrivée à une conclusion identique dans une décision du 6 juin 200237,
relative aux soutiens publics octroyés pour la rénovation du « Brighton West Pier ». Elle a relevé
qu’il n’existe pas d’installation similaire dans les autres Etats membres et que le Brighton West
Pier était surtout susceptible d’attirer des touristes britanniques, sa renommée internationale étant
insuffisante pour attirer des touristes d’autres Etats membres
En revanche, dans une décision du 2 août 200238, la Commission a estimé qu’une aide au parc
d’attraction Terra Mítica pouvait affecter les échanges, compte tenu de la taille de ce parc, bien
qu’il n’appartienne pas à une chaîne de gestion unifiée de parcs. La Commission souligne aussi
que, même si la clientèle primaire du parc était constituée majoritairement par une population
locale, le parc a mené une politique active d'attraction de visiteurs provenant de l'étranger et que
le parc contribuait grandement, par la diversification de l'offre, à l'attractivité de la zone
particulièrement touristique de Benidorm où de très nombreux touristes viennent d'autres pays de
l'Union.
Comme l’affirme d’ailleurs avec force le ‘non paper’ évoqué ci-dessus.
Bull. UE 12-2000, point 1.3.52 ; IP/00/1509 du 21 décembre 2000.
37
Décision communiquée par lettre du secrétaire général aux autorités britanniques, N 560/01 et NN 17/02,
disponible sur le site Europa.
38
Décision de la Commission du 2 août 2002 concernant le parc "Terra Mítica" (Benidorm, Alicante), 2003/227/CE,
JO L 91 du 8 avril 2003.
35
36
28
S’agissant de soutiens publics à des hôpitaux irlandais, la Commission a posé le principe que,
puisque les hôpitaux bénéficiaires opéraient dans un marché libéralisé, l’aide pouvait avoir un
effet potentiel sur les échanges intracommunautaires. Mais ensuite, elle considéré que la mesure
n’aura en réalité un impact que sur le marché local, pour deux raisons. D’une part, la mesure ne
paraît pas de nature à pouvoir inciter un opérateur à investir dans un hôpital en Irlande plutôt que
dans un autre Etat membre ; d’autre part, elle n’entraînera pas la création de complexes
hospitaliers susceptibles d’attirer des clients en provenance d’autres Etats membres, puisqu’elle
bénéficiera essentiellement aux hôpitaux locaux pour lesquels il existe une sous-capacité et
encouragera la création d’hôpitaux de taille relativement réduite39.
Nous relèverons aussi le projet précité de décision concernant l’application des dispositions de
l’article 86 du traité aux aides d’Etat sous forme de compensation de service public octroyées à
certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général. La
Commission propose une exemption en faveur de toutes les compensations de faible montant
attribuées à des entreprises, dont le chiffre d’affaires est limité40, ainsi qu’une exemption
spécifique concernant les hôpitaux et les entreprises en charge du logement social en raison de
certaines spécificités qui doivent être prises en considération. En particulier, dans ces secteurs,
les niveaux de chiffre d’affaires et de compensation de service public peuvent être très élevés,
sans que les risques de distorsion de la concurrence soient particulièrement importants.
III. LA NOTION DE SERVICE D’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL
La notion de service d’intérêt économique général présente un intérêt primordial puisqu’elle
conditionne l’application de l’article 86, qui permet des dérogations à l’application des règles
relatives à la concurrence et au marché intérieur41.
1. Jurisprudence de la Cour
La mission d’intérêt économique général doit être précisément définie par l’autorité publique et
confiée par elle à une ou plusieurs entreprises par un acte unilatéral ou par voie contractuelle42.
Cette mission peut, selon la jurisprudence de la Cour, consister notamment en :
l’exploitation d’un port fluvial constituant le débouché le plus important d’un Etat43 ;
la production d’émissions de radiotélévision44 ;
39
Décision communiquée par lettre du secrétaire général aux autorités irlandaises du 27 février 2002, N 543/2001,
Capital allowances for hospitals, disponible sur le site Europa
40
Aucun montant précis n’est indiqué dans le projet.
41
L’objet de la présente étude n’est pas d’analyser les dérogations possibles à ce titre, mais nous rappellerons
cependant qu’elles peuvent justifier le maintien, à titre exceptionnel, de droits spéciaux ou exclusif (arrêts Corbeau
et Albany) que l’octroi de financements spécifiques (arrêt Altmark Trans).
42
Aff. C-127/73, BRT/SABAM du 21 mars 1974.
29
-
-
-
-
-
la gestion de systèmes de télécommunications sur le territoire d’un Etat et la mise à
disposition des usagers d’un réseau public de téléphone45 ;
l’activité de placement de demandeurs d’emploi46,
l’exploitation par des transporteurs aériens appelés de lignes qui ne sont pas rentables du
point de vue commercial, mais dont l'exploitation est nécessaire pour des raisons d'intérêt
général47
la « fourniture ininterrompue d'énergie électrique, sur l'intégralité du territoire concédé, à
tous les consommateurs, distributeurs locaux ou utilisateurs finals, dans les quantités
demandées à tout moment, à des tarifs uniformes et à des conditions qui ne peuvent varier
que selon des critères objectifs applicables à tous les clients »48 ;
l’obligation « d'assurer la collecte, le transport et la distribution du courrier, au profit de
tous les usagers, sur l'ensemble du territoire de l'État membre concerné, à des tarifs
uniformes et à des conditions de qualité similaires, sans égard aux situations particulières
et au degré de rentabilité économique de chaque opération individuelle »49 ;
le service universel de lamanage50 fourni à tout moment et à tout usager, pour des raisons
de sécurité dans les eaux portuaires51 ;
la gestion de certains déchets, en particulier lorsque ce service a pour but de faire face à un
problème environnemental52 ;
le transport d'urgence de personnes malades ou blessées, qui doit « être assuré en
permanence par les organisations sanitaires sur l'ensemble du territoire concerné, à des
tarifs uniformes et à des conditions de qualité similaires, sans égard aux situations
particulières ou au degré de rentabilité économique de chaque opération individuelle »53 ;
l’obligation imposée par la réglementation française aux grossistes répartiteurs de
« disposer en permanence d'un assortiment de médicaments susceptible de répondre aux
exigences d'un territoire géographiquement déterminé et d'assurer la livraison des
médicaments demandés dans de très brefs délais sur l'ensemble dudit territoire, de sorte
43
Aff. 10/71, Mueller du 14 juillet 1971.
Aff. 155/73, Sacchi du 30 avril 1974; aff.C-260/89, ERT du 18 juin 1991.
45
Aff. 41/83, British Telecom du 20 mars 1985.
46
Arrêts Höfner et Job Centre précités.
47
Aff. 66/86, Ahmed Saeed Flugreisen du 11 avril 1989.
48
Aff. C-393/92, Commune d´Almelo du 27 avril 1994.
49
Aff. C-320/91, Corbeau du 19 mai 1993; aff. C-340/99, Poste Italiane du 17 Mai 2001;.Le Tribunal de première
instance, dans un arrêt du 27 février 1997, aff. T-106/95, Fédération française des sociétés d'assurances, a identifié
une autre mission d’intérêt dont peut être chargé un organisme postal, à savoir les contraintes de desserte de
l'ensemble du territoire et l'obligation de maintenir une présence postale et des services publics non rentables en
milieux ruraux.
50
Le lamanage consiste dans les opérations d'amarrage et de désamarrage des navires à leur arrivée, leur départ ou
lors de leur manœuvre dans les ports.
51
Aff. C-266/96, Corsica Ferries France du 18 juin 1988.
52
Aff. C-209/98, FFAD du 23 mai 2000.
53
Aff. Firma Ambulanz Glöckner précitée.
44
30
que soit garanti à tout moment un approvisionnement de médicaments à l'ensemble de la
population »54.
Dès lors que la Cour a retenu une définition très large de l’activité économique, elle a également
adopté une conception large de la notion de missions d’intérêt ‘économique’ général, dont elle a
décidé qu’elle pouvait viser la « fonction sociale essentielle que remplit un régime de pension
complémentaire » dans le système de pension aux Pays-Bas en raison du montant réduit de la
pension légale55.
N’ont par contre pas bénéficié de cette qualification :
-
les transferts effectués par les instituts bancaires des fonds de leur clientèle d’un Etat
membre à l’autre56 ;
les opérations portuaires57 ;
la production et la vente de terminaux de télécommunications58 ;
les services d’assistance en escale dans les aéroports59 ;
La Cour60 a aussi décidé que des obligations en matière d'environnement et d'aménagement du
territoire imposées à des entreprises fournissant du gaz et de l’électricité ne pouvaient être
qualifiées de missions d’intérêt économique général, à moins qu'il ne s'agisse d'obligations qui
soient spécifiques à ces entreprises et à leurs activités. En effet, « pour que des obligations
imposées à une entreprise chargée de la gestion de services d'intérêt économique général
puissent être considérées comme relevant de la mission particulière qui lui a été impartie, il faut
qu'elles présentent un lien avec l'objet du service d'intérêt économique général en cause et
qu'elles visent directement à contribuer à la satisfaction de cet intérêt »61. La Cour admet
cependant que « de telles obligations ou contraintes peuvent être prises en compte au moment
d'apprécier dans quelle mesure les dérogations aux règles du traité qu'il s'agit de justifier sont
54
Aff. C-53/00, Ferring du 22 novembre 2001.
Aff. C-180 à C-184/98, Pavel Pavlov e.a. et Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten du 12 septembre
2000.
56
Aff. C 172/80, Gerhard Züchner contre Bayerische Vereinsbank AG du 14 juillet 1981.
57
Aff. C-179/90, Merci Convenzionali Porto di Genova / Siderurgica Gabrielli du 10 décembre 1991; aff. C-179/90,
GT-Link du 17 juillet 1997; aff.C-242/95, du 27 novembre 2003, aff. jtes C-34/01 à C-38/01, Enirisorse.
58 Aff. C-18/88, RTT / GB-Inno-BM du 13 décembre 1991. La Cour ajoute que, pour veiller à la conformité des
appareils aux exigences essentielles que sont, notamment, la sécurité des usagers, la sécurité des exploitants du
réseau et la protection de réseaux publics de télécommunications contre tout dommage, il suffit d’édicter des
spécifications auxquelles ils doivent répondre et d’instaurer une procédure d’agrément permettant de vérifier le
respect de ces spécifications.
59
Aff. Aéroports de Paris précitée.
60
Aff. C-159/94, Commission/France du 23 octobre 1997.
61
La Cour relève que le gouvernement français n'a fait état d'aucune obligation concrète de ce type à charge de EDF
ou de GDF, mais s'est contenté d'affirmer, sans autre précision, que les contributions de ces deux établissements aux
politiques nationales en matière d'environnement et d'aménagement du territoire vont au-delà du simple respect de la
réglementation de droit commun.
55
31
nécessaires pour permettre à l'entreprise en cause d'accomplir la mission d'intérêt général qui
lui a été impartie ».
2. Pratique de la Commission
La pratique de la Commission offre d’autres exemples de ‘service d’intérêt économique
général’ :
-
-
-
des services réguliers à destination de ports desservant des régions périphériques de la
Communauté ou pour des itinéraires mal desservis considérés comme vitaux pour le
développement économique des régions concernées, lorsque le jeu des forces du marché
n'assure pas un niveau de service suffisant62;
la mission de service public dont les télévisions locales sont investies par les autorités
belges et consistant en « la réalisation d'émissions d'information, d'animation, de
développement culturel et d'éducation permanente »63 ;
la collecte par le Crédit mutuel de dépôts destinés à des financements d'intérêt général 64
un service de collecte de déchets de papier ou de recyclage de vieux papiers65.
Dans cette dernière décision, la Commission a apporté deux précisions importantes : d’une part,
elle a souligné que les services d'intérêt économique général doivent être à la disposition de tous
les citoyens et doivent répondre aux besoins du citoyen; d’autre part, elle a admis que la
réalisation d'une infrastructure qui n'est pas rentable en termes économiques peut constituer un
service d'intérêt économique général, si elle ne favorise pas une entreprise déterminée, si elle est
nécessaire à la fourniture d'un service que l'État doit normalement fournir au public ou si le
marché n’est pas en mesure d'assurer ce service dans les mêmes conditions.
En synthèse, l’universalité et la continuité de l’offre apparaissent comme des caractéristiques
essentielles des services d’intérêt économique général. S’y ajoute, mais dans une mesure
62
Décision de la Commission du 30 octobre 2001 concernant les aides d'État versées par la France à la Société
nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM), 2002/149/CE, JO L 50 du 21 février 2002; voir dans le même
sens, décision de la Commission du 21 juin 2001 concernant les aides d'État versées par l'Italie à la compagnie
maritime Tirrenia di Navigazione, 2001/851/CE, JO L 318 du 4 décembre 2001.
63
Lettre aux autorités belges du 13 février 2002, C (2002)446 fin, accessible sur le site Europa
64
Décision de la Commission du 15 janvier 2002 concernant l'aide d'État mise à exécution par la République
française en faveur du Crédit Mutuel, 2003/216/CE, JO L 88 du 4 avril 2003. Dans son rapport précité sur « Les
services d'intérêt économique général dans le secteur bancaire », la Commission a identifié trois types possibles de
missions d’intérêt économique général : la fourniture d'une infrastructure financière de base couvrant l'ensemble
d'un territoire donné, l'accomplissement de certaines missions déterminées pour le compte d'un État membre, et la
collecte de fonds pour un État membre.
65
Décision de la Commission du 23 juillet 2003 relative à l'aide d'État C 61/2002 que le Royaume-Uni envisage
d'accorder à une installation de recyclage de papier journal dans le cadre du programme WRAP, 2003/814/CE, JO L
314 du 28 novembre 2003. La Commission a toutefois estimé qu’en l’espèce, l'appel d'offres lancé par les autorités
32
moindre, la nécessité de ne pas avoir égard, dans les conditions de qualité et de tarif, aux
situations particulières et en particulier au degré de rentabilité économique de chaque opération
individuelle.
SECTION III. LA LEGISLATION SECTORIELLE
Dans certains secteurs, le droit dérivé est venu apporter des précisions essentielles sur le contenu
et les implications de la notion de ‘services d’intérêt économique général’. Nous avons choisi
trois secteurs : énergie (gaz et électricité), télécommunications et services postaux, parce que ces
secteurs, à la différence d’autres secteurs, comme le secteur du transport ferroviaire66, ont fait
l’objet récemment d’une réglementation qui contient des dispositions complètes destinées à
assurer un ‘service universel’67 ou le ‘respect d’obligations de service public’68.
I.
TÉLÉCOMMUNICATIONS
1.
Naissance du concept de service universel
C’est dans une communication du 28 avril 199369 que la Commission traite pour la première fois
de manière détaillée de la notion de service universel dans le secteur des télécommunications. La
Commission commence par souligner que la consultation a soulevé de nombreuses interrogations
concernant « la nature précise du service universel », de sorte qu’il faut définir clairement cette
notion70. S’attelant à cette tâche, elle définit les principes qui doivent sous-tendre le contenu de
la notion de service universel dans le cadre du secteur des télécommunications. Ces principes
visent à s’assurer que soient fournies « des prestations minimales déterminées de qualité définie
à un prix abordable à tous les usagers ». La Commission développe également le contenu
concret de cette notion en indiquant qu’une fois que toutes les mesures nécessaires auront été
adoptées, cette notion devra contenir « les prestations initiales de service, les caractéristiques
spéciales de service public, la qualité de service, les prix, les procédures de conciliation ou de
britanniques ne portait pas sur la collecte des déchets de papier, mais sur la prise en charge d'une certaine quantité de
déchets pour les recycler en papier journal, de sorte qu’on ne pouvait parler de service d’intérêt économique général.
66
En septembre 2000, la Commission a présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
relatif à l'action des États membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service
public dans le domaine des transports de voyageurs par chemins de fer, par route et par voie navigable (COM (2000)
7 final - 2000/0212 (COD)), mais, malgré le dépôt d’une proposition modifiée le 21 février.2002, le Conseil n’a
toujours pas adopté de position commune.
67
Expression consacrée dans les secteurs des télécommunications et de la poste.
68
Expression consacrée dans le secteur de l’énergie.
69
Document COM (93) 159 final, qui analyse les résultats de la procédure de consultation sur les développements
futurs du secteur des télécommunications, lancée par le document SEC (92) 1048 final
70
Elle propose d’utiliser les directives ONP (Open Network Provision – Fourniture d’un réseau ouvert) pour
« introduire le concept nécessaire harmonisé de fourniture universelle .
33
résolution des litiges pour les usagers et les caractéristiques minimales du service ». Enfin, elle
souligne que la notion de service universel doit être appréhendée de manière dynamique, sans
quoi elle ne pourrait pas remplir les objectifs qui lui sont propres.
Le Conseil, dans une résolution du 7 février 199471 développe les principes qui, selon lui, doivent
être rattachés à la notion de service universel. Il s’agit des « principes d’universalité, d’égalité et
de continuité (…) pour permettre l’accès à un ensemble minimal de services définis d’une qualité
donnée, ainsi que la fourniture de ces services à tous les utilisateurs indépendamment de leur
localisation géographique et à la lumière des conditions spécifiques nationales, à un prix
abordable ». Le Conseil insiste aussi sur le fait que « la notion de service universel doit évoluer
au rythme du progrès technique, des développements du marché et de l’évolution des besoins des
utilisateurs ».
D’autres résolutions et communications ont suivi :
-
-
-
la communication de la Commission sur le service universel des télécommunications dans la
perspective d'un environnement pleinement libéralisé72 développe le contenu des
obligations de service universel, qui comprend « l’obligation de fournir un accès au réseau
téléphonique public et d’offrir un service téléphonique à un prix abordable à tous les
utilisateurs qui en font la demande raisonnable ».
la résolution du Conseil, du 18 septembre 1995 sur la mise en place du futur cadre
réglementaire des télécommunications73 souligne la nécessité de maintenir et de développer
un service universel, dans le respect des principes de transparence, de proportionnalité et
de non-discrimination. Dans cette optique, le Conseil énumère les obligations devant faire
partie de la notion de service universel, en particulier l'obligation « d'assurer la fourniture
d'un ensemble minimal de services de télécommunications définis, d'une qualité donnée, et,
à la lumière de conditions spécifiques nationales, à un prix abordable ». Par ailleurs, le
Conseil insiste une nouvelle fois sur le caractère dynamique du service universel, en
soulignant « l'importance d'assurer un financement adéquat et de veiller à ce que la notion
de service universel évolue au rythme du progrès technique, des développements du
marché et de l'évolution des besoins des utilisateurs » ;
enfin, la résolution sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement
européen concernant le développement futur du marché des annuaires et autres services
d'information sur les télécommunications dans un environnement concurrentiel74 aborde le
cas particulier des obligations de service universel liées au service d’annuaire.
71
JO°C 48 du 16 février 1994.
Document COM(96) 73 final.
73
JO C 258 du 3 octobre 1995.
74
JO C 166 du 10 juin 1996.
72
34
2. Son application dans la législation communautaire relative au secteur des
télécommunications
A) La directive 95/62/CE75
Le considérant 28 souligne la nécessité « d'appliquer dans l'ensemble de la Communauté des
principes de tarification communs et efficaces, (…) que l'application du principe de l'orientation
en fonction des coûts doit tenir compte de l'objectif d'un service universel et peut tenir compte
des politiques d'aménagement du territoire visant à assurer la cohésion à l'intérieur d'un État
membre » et le considérant 50 celle de mettre en place une politique équilibrée de libéralisation
et d’harmonisation « comprenant des mesures d'accompagnement en vue du service universel »,
dans le but « (…) de garantir l'accès du commerce, de l'industrie et des citoyens à des
infrastructures de communications modernes, économiques et efficaces, dans lesquelles ils
pourront trouver une gamme riche et diversifiée de services ». La directive énumère un certain
nombre d’obligations dont les Etats membres doivent assurer le respect, comme les services
d'annuaires, la mise à disposition de postes téléphoniques payants publics, des conditions
spécifiques pour les utilisateurs handicapés et les personnes ayant des besoins particuliers.
B) La directive 97/33/CE76
Elle justifie, dans ses considérants, le développement de la notion de service universel par le fait
que cette notion « contribue à la réalisation de l'objectif de cohésion économique et sociale et
d'équité territoriale poursuivi par la Communauté (…) ». La directive donne une définition
précise de la notion communautaire de service universel, qui vise « un ensemble de services
minimal défini d'une qualité donnée, qui est accessible à tous les utilisateurs indépendamment de
leur localisation géographique et, à la lumière des conditions spécifiques nationales, à un prix
abordable » (article 1 g). Ce texte s’inscrit dans la logique des textes précédemment adoptés par
les institutions communautaires. Elle traite aussi du financement des obligations de service
75
Directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la
fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des
télécommunications dans un environnement concurrentiel, JO L 101 du 1er avril 1998.
76
Directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le
secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des
principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP), JO L 199 du 26 juillet 1997. Cette directive a donné lieu à
plusieurs affaires: Aff. C-384/99, Commission contre Royaume de Belgique du 30 novembre 2000; Aff. C-146 /00,
Commission contre République française du 6 décembre 2001; Aff. C-146/00, Commission contre République
française1du 13 juin 2002. Il est également intéressant de se référer à la question écrite, no 3773/98 de W.G. van
VELZEN « Télécommunications, service universel », JO C 325 du 12 novembre 1999, faisant suite au rapport du
BEUC sur l’application du service universel « Universal Service in Telecommunications November 1998,
BEUC/341/98 (English only) ».
35
universel77. Enfin, elle confie un rôle accru aux autorités réglementaires nationales dans le
maintien, le développement et le financement du service universel.
C) La directive 98/10/CE78
Elle abroge la directive 95/62/CE et confirme la notion de service universel précédemment
élaborée. Ainsi, il est indiqué dès les premiers considérants que « le Conseil, le Parlement, le
Comité économique et social et le Comité des régions ont reconnu que la libéralisation allait de
pair avec la mise en place d'un cadre réglementaire harmonisé garantissant la prestation d'un
service universel; que le concept de service universel doit évoluer au rythme des progrès
technologiques, des développements du marché et de l'évolution de la demande des utilisateurs;
que des progrès ont été réalisés à l'échelle communautaire en ce qui concerne la définition du
service universel et l'établissement des règles régissant l'évaluation de son coût et son
financement ». Concernant la définition de service universel, elle reprend la définition de la
directive 97/33/CE. La directive permet aussi aux Etats membres, dans le respect du droit
communautaire, de soumettre à certaines exigences supplémentaires la fourniture de services de
télécommunications. Cependant, cette possibilité est limitée : en effet, ces exigences ne doivent
pas se répercuter sur le calcul du coût du service universel tel qu'il est prévu au niveau
communautaire ni être financées au moyen d'une contribution obligatoire des opérateurs du
marché. Elle contient enfin un chapitre spécifique concernant la fourniture d'un ensemble de
services définis pouvant être financés dans le cadre du service universel ; celui-ci reprend les
éléments contenus dans la directive 95/62/CE, en mettant toutefois un accent particulier sur le
caractère abordable des tarifs.
D) La directive 2002/22/CE
La directive cadre 2002/21/CE a développé une réglementation commune pour les réseaux et
services de communications électroniques79. Ce nouveau cadre législatif a donné lieu à l’adoption
de directives spécifiques, dont la directive 2002/22CE, dite directive service universel80. Cette
77
Si un Etat membre estime que ces obligations représentent une charge inéquitable pour un organisme, il met en
place un mécanisme de partage du coût net des obligations de service universel avec d'autres organismes exploitant
des réseaux publics de télécommunications et des services de téléphonie vocale accessibles au public. Les États
membres tiennent dûment compte des principes de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité
lorsqu'ils fixent les contributions à apporter.
78
Directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la
fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des
télécommunications dans un environnement concurrentiel, JO L 101 du 1 avril 1998.
79
Pour une présentation complète du nouveau cadre réglementaire, voir A. de Streel, R. Queck et Ph. Vernet, Le
nouveau cadre réglementaire européen, Cahiers de Droit européen, 2002, N°3-4, p.243-314.
80 Directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les
droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive "service
universel"), JO L 108 du 24 avril 2002.
36
directive reprend les éléments développés précédemment lors de l’application de la notion de
service universel au secteur des télécommunications.
a) La définition du service universel
L’apport principal de la directive 2002/22/CE est qu’elle donne un contenu concret à la notion de
service minimal, en rassemblant et détaillant chacune des obligations afférentes à cette notion.
Le principe de base est la disponibilité, définie à l’article 3, par. 1, qui prévoit que « Les Etats
membres veillent à ce que les services énumérés dans le présent chapitre soient mis à la
disposition de tous les utilisateurs finals sur le territoire, indépendamment de leur position
géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales
particulières, à un prix abordable ». Cependant, ce principe de disponibilité est encadré par la
directive. En effet, le paragraphe suivant indique que cela ne doit pas entraîner de la part de
l’Etat des distorsions du marché trop importantes. Afin de réduire de telles distorsions, la mise en
œuvre du service universel doit se faire dans le respect « des principes d’objectivité, de
transparence, de non-discrimination et de proportionnalité ».
Le contenu des obligations se résume en cinq points: l’accessibilité, les services de
renseignements téléphoniques et annuaires, les postes téléphoniques payants publics, les mesures
particulières en faveur des utilisateurs handicapés et les tarifs.
1° Accessibilité - Le raccordement et l’accès aux services téléphoniques doivent être satisfaits
par une entreprise au moins, afin que les consommateurs finals puissent « donner et recevoir des
appels téléphoniques locaux, nationaux et internationaux, des communications par télécopie et
des communications de données, à des débits de données suffisants pour permettre un accès
fonctionnel à Internet, compte tenu des technologies les plus couramment utilisées par la
majorité des abonnés et de la faisabilité du point de vue technique ».
2° Services de renseignements téléphoniques et annuaires - Les Etats membres doivent s’assurer
de l’existence d’un annuaire complet. Celui-ci doit être imprimé ou/et électronique et surtout, il
doit être remis à jour régulièrement, c'est-à-dire au moins une fois par an.
3° Postes téléphoniques payants publics sur l’ensemble du territoire - Cet aspect est particulier
car la directive prévoit que les autorités nationales peuvent décider de ne pas appliquer cette
obligation dans le cas où il peut être démontré que « ces services ou des services comparables
37
sont largement accessibles ». Il faut souligner également que l’utilisation du numéro d’appel
urgent 112 doit être possible à partir de tels appareils81.
4° Mesures particulières en faveur des utilisateurs handicapés - Les Etats membres doivent faire
en sorte que ces usagers puissent avoir accès aux mêmes services que les autres utilisateurs.
5° Tarifs - L’objectif fixé est l’établissement de tarifs abordables. L’article 9 indique que les
tarifs doivent être calculés « dans le but de notamment garantir que les personnes ayant de
faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques ne soient pas empêchées d’accéder au service
téléphonique accessible public ou d’en faire usage ». De même, le troisième paragraphe du
même article prévoit que les Etats membres peuvent veiller à ce qu’une aide soit apportée aux
consommateurs recensés comme ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques.
b) Caractère évolutif de la notion de service universel
L’approche de la notion de service universel par les institutions communautaires a été dès le
départ dynamique et la directive 2002/22/CE entend poursuivre cette approche, comme le
confirme le premier considérant : « (…) Le concept de service universel devrait évoluer au
rythme des progrès technologiques, des développements du marché et de l’évolution de la
demande ». De même, l’article 10 §3 indique que « les services, qui sont imposés dans le
paragraphe 2, doivent être analysés dans un esprit dynamique. En effet, il se peut qu’il ne soit
plus nécessaire d’imposer un certain service car celui-ci est largement disponible sur le
territoire ». Ce caractère évolutif est garanti par deux mécanismes.
D’abord, l’article 32 prévoit la possibilité pour les Etats membres d’introduire des services
obligatoires additionnels, sans que cela puisse entraîner un mécanisme de compensation
impliquant la participation d’entreprises spécifiques. Ainsi, les Etats restent libres mais doivent
financer par eux-mêmes tout ajout à la liste des services universels.
Ensuite, afin de ne pas figer cette notion, en cas de nécessité ou d’évolution technologique, la
directive a prévu un mécanisme particulier permettant l’évolution du terme. L’article 15 prévoit
que « la Commission revoit périodiquement la portée du service universel, en particulier en vue
d'en proposer la modification ou la redéfinition au Parlement européen et au Conseil .(…) Ce
réexamen est conduit à la lumière des évolutions sociale, économique et technologique ». Dans
le secteur des télécommunications l’aspect le plus important est celui lié aux évolutions
81
Concernant cet aspect voir la décision 91/396/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative à la création d'un
numéro d'appel d'urgence unique européen, JO L 217 du 6 août 1991.
38
technologiques ainsi la directive spécifie « compte tenu (…) de la mobilité et des débits de
données à la lumière des technologies les plus couramment utilisées par la majorité des
abonnés».
La Commission doit aussi, quand elle estime nécessaire de modifier ou de redéfinir la portée des
obligations de service universel, prendre en compte deux éléments. Premièrement, elle doit
vérifier, dans le cas où il existe des services spécifiques accessibles à une majorité de
consommateurs et utilisés par une majorité d'entre eux, que le fait qu’une minorité n’ait pas accès
à ces services ne soit pas source d’exclusion. Deuxièmement, elle doit s’assurer que la mise à
disposition de tels services assure un avantage général net justifiant une intervention publique
lorsque les services spécifiques ne sont pas fournis au public selon des conditions commerciales
normales.
II. L’ÉNERGIE82
1 La directive 96/92/CE83
La directive 96/92/CE reconnaissait expressément la possibilité aux Etats membres d’imposer
des « obligations de service public ». En effet, considérant que, « pour certains Etats membres,
l’imposition d’obligations de service public peut être nécessaire pour assurer la sécurité
d’approvisionnement, la protection du consommateur et la protection de l’environnement »84,
l’article 3, par. 2, de la directive précisait que les Etats membres étaient libres d’imposer aux
entreprises du secteur de l’électricité des obligations de service public, dans l’intérêt économique
général, qui pouvaient porter sur :
-
la sécurité, y compris la sécurité d’approvisionnement85 ;
la régularité ;
la qualité ;
82
Les dispositions des directives gaz et électricité étant rédigées en termes pratiquement identiques ; nous avons
choisi de nous centrer sur la directive électricité
83
Directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant les règles communes
pour le marché intérieur de l’électricité, JO L 27 du 30 janvier 1997; voir aussi la directive 98/30/CE du Parlement
européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz,
publiée à la même date.
84
Considérant 13 de la directive.
85
La mention de la sécurité de l’approvisionnement est due à l’insistance de la France sur le rôle décisif que le
service public de l’électricité est amené à jouer dans la politique nationale de l’énergie : il doit en effet contribuer à
l’indépendance et la sécurité de l’approvisionnement, à la gestion optimale des ressources nationales et à la maîtrise
de la demande d’énergie. Sous les vocables d'indépendance et de sécurité d'approvisionnement, se trouvent des
exigences traditionnelles de toute politique de l'énergie : diversification des énergies, diversification des sources
géographiques d'approvisionnement, limitation des importations de produits énergétiques. Voy. Rapport de C.
Bataille, au nom de la Commission de la production et des échanges sur le projet de loi (n° 1253), relatif à la
modernisation et au développement du service public de l'électricité, à l’Assemblée nationale du 4 février 1999.
39
-
le prix de la fourniture ;
la protection de l’environnement.
Ces obligations devaient être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et
contrôlables. Pour réaliser ces obligations, les Etats membres qui le désiraient pouvaient recourir
à la planification à long terme86.
Le choix a donc été fait de procéder non pas à une définition abstraite de la notion d’obligations
de service public mais de privilégier une approche fonctionnelle des obligations de service public
applicables au secteur de l’électricité, définies à travers leur contenu. De plus, la directive
s’inscrivait dans le strict respect du principe de subsidiarité puisque elle laissait aux Etats
membres le soin de définir les obligations de service public.
2. La directive 2003/54/CE87
La directive 2003/54/CE confirme l’importance des obligations de service public, comme le
souligne le considérant (26) : « Le respect des obligations de service public est un élément
essentiel de la présente directive, et il est important que des normes minimales communes,
respectées par tous les États membres, soient fixées dans la présente directive, en prenant en
compte les objectifs de la protection des consommateurs, de la sécurité d'approvisionnement, de
la protection de l'environnement et de l'égalité des niveaux de concurrence dans tous les États
membres. Il est important que les exigences relatives au service public puissent être interprétées
sur une base nationale, compte tenu des conditions nationales et dans le respect du droit
communautaire ». Elle introduit aussi plusieurs dispositions visant à assurer une meilleure
protection des consommateurs.
A. Obligations de service public
L’article 3, par. 2, autorise les Etats membres à imposer aux entreprises du secteur de
l’électricité, dans l’intérêt économique général, des « obligations de service public » Il reproduit
pour l’essentiel les termes de l’ancienne directive, si ce n’est qu’il ajoute une précision s’agissant
La planification à long terme est définie dans la directive comme « la planification des besoins d’investissement
en capacité de production et de transport dans une perspective à long terme, en vue de satisfaire la demande en
électricité du réseau et d’assurer l’approvisionnement des clients ».
87
Directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes
pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE, JO L 176 du 15 juillet 2003 ; voir aussi
la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour
le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 8/30/CE, publiée à la même date.
86
40
de la protection de l’environnement, qui doit s’entendre « y compris l’efficacité énergétique et la
protection du climat88 ».
Ces obligations doivent être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et
contrôlables. La nouvelle directive ajoute qu’elles doivent garantir aux entreprises d’électricité
de l’Union un accès égal aux consommateurs nationaux89. En matière de sécurité
d'approvisionnement et d'efficacité énergétique/gestion de la demande, ainsi que pour atteindre
les objectifs environnementaux, les États membres peuvent mettre en œuvre une planification à
long terme, en tenant compte du fait que des tiers pourraient vouloir accéder au réseau.
Les États membres sont aussi invités à prendre « les mesures qui s'imposent pour atteindre les
objectifs en matière de cohésion économique et sociale, de protection de l'environnement, qui
peuvent comprendre des mesures d'efficacité énergétique/gestion de la demande90 ainsi que des
moyens de lutte contre le changement climatique, et de sécurité d'approvisionnement. Ces
mesures peuvent inclure des incitations économiques adéquates, en ayant recours, le cas
échéant, à tous les instruments nationaux et communautaires existants, pour l'entretien et la
construction des infrastructures de réseau nécessaires, y compris la capacité d'interconnexion. »
B. Service universel
Les États membres doivent veillent à ce que au moins tous les clients résidentiels aient le droit de
bénéficier du service universel, c'est-à-dire du droit d'être approvisionnés, sur leur territoire, en
électricité d'une qualité bien définie, et ce à des prix raisonnables, aisément et clairement
comparables et transparents. Le service universel apparaît ainsi comme un service minimum
dans un environnement concurrentiel au sein d’un ensemble plus large d’obligations relevant du
88
Cela répond à une demande faite en première lecture par le Parlement européen. Dans son avis, le Comité
économique et social européen (CESE) plaidait également pour une prise en compte des effets qu’une augmentation
de la consommation d’énergie, provoquée par la réduction du prix de l’électricité, et le renforcement de la capacité
de transport, ne manquerait pas d’avoir sur l’environnement (point 6.4.9.). Le CESE proposait de recourir au
programme SAVE, soit en utilisant « une partie des économies réalisées dans le cadre de la libéralisation pour le
programme SAVE ou pour de nouveaux programmes de gestion de la demande, d’éducation et de formation des
consommateurs domestiques et de réduction des processus énergétiques », soit en augmentant la dotation du
programme SAVE ou à créer de nouveaux programmes » (point 6.4.9.3.), CES 1311/2004
89
Selon le Parlement européen, il fallait en effet éviter que les obligations de service public ne soient formulées de
manière telle que seules les entreprises nationales soient en mesure de fournir les consommateurs nationaux.
90
La directive entend par là « une approche globale ou intégrée visant à influencer l'importance et le moment de la
consommation d'électricité afin de réduire la consommation d'énergie primaire et les pointes de charge, en donnant
la priorité aux investissements en mesures d'efficacité énergétique ou d'autres mesures, telles que les contrats de
fourniture interruptible, plutôt qu'aux investissements destinés à accroître la capacité de production, si les premiers
constituent l'option la plus efficace et économique, en tenant compte des incidences positives sur l'environnement
d'une réduction de la consommation d'énergie, ainsi que des aspects de sécurité d'approvisionnement et de coûts »
41
service public91. Il présente toutefois l’avantage de définir, de manière claire, une obligation
commune à tous les Etats membres, ce qui devrait faciliter l’appréciation de la qualité du service
effectivement rendu. En outre, le service universel est une obligation de nature évolutive,
dynamique. En effet, une telle obligation résulte de la combinaison, à un certain stade d'évolution
de la société, de deux éléments : la capacité technique de fournir un service à l’ensemble de la
population et le caractère jugé indispensable de ce service. Il s'agit donc d'une notion contingente
qui peut évoluer en fonction de ces deux paramètres92.
Les États membres peuvent désigner un fournisseur de dernier recours, qui pourra être amené à
intervenir en cas de défaillance du fournisseur choisi par le client. La directive ne s’oppose pas à
ce que des entreprises locales ou de petite ou moyenne taille mettent en place un système de
regroupement volontaire dans l’intérêt des petits consommateurs dans le cadre d’appel à la
concurrence (il convient cependant d’éviter l’apparition de nouveaux monopoles locaux)93.
Si les Etats le jugent approprié, le bénéfice du service universel peut être étendu aux petites
entreprises, à savoir les petites entreprises sont définies comme des entreprises employant moins
de 50 personnes et dont le chiffre d'affaire annuel n'excède pas 10 millions d'euros 94. Lorsque le
service universel est également assuré aux petites entreprises, les mesures visant à faire en sorte
que ce service universel soit fourni peuvent différer selon qu'il s'agit de clients résidentiels ou de
petites entreprises.
Les États membres prennent enfin les mesures nécessaires pour protéger les clients finals et
veillent en particulier à garantir une protection adéquate aux consommateurs vulnérables, y
compris par des mesures destinées à les aider à éviter une interruption de la fourniture
d'énergie95. Ces mesures peuvent être différentes selon les circonstances particulières de l'État
A l’instar de ce qui se passe en France. Les pouvoirs publics y garantissent en effet la satisfaction de certains
intérêts généraux jugés prioritaires dans le secteur de l’électricité au travers de trois séries d'obligations spéciales : la
continuité, l’égalité d’accès aux prestations, encore appelée service universel, et l’égalité de traitement devant les
charges occasionnées.
92
En ce sens, voy. Parlement européen, première lecture de l’article 3, par. 3. Ce principe d'adaptabilité se retrouve
aussi dans la définition française du service public de l’électricité. Il permet à l'opérateur chargé du service public de
modifier unilatéralement les modalités de mise en oeuvre des obligations de service public. Dans le domaine de
l'électricité, c'est sur le fondement de ce principe qu'EDF peut par exemple revoir les contrats d'achat conclus avec
les producteurs indépendants. La souplesse du service public, gage de sa modernité repose donc sur le principe
d'adaptabilité (dit aussi de mutabilité) : pour être efficace, le service public doit pouvoir, à tout moment, s'adapter
aux besoins de la société. Voy. Rapport de C. Bataille, au nom de la Commission de la production et des échanges
sur le projet de loi (n° 1253), relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, à
l’Assemblée nationale, 4 février 1999.
93
Article 3, par. 3. Le Parlement européen a donné l’exemple de la Suède.
94
Dans la proposition de la Commission et la position du Parlement européen, l’obligation de service universel était
étendue à tous les clients mais le Conseil n’a pas accepté une telle extension.
95
Dans son avis précité, le CESE précisait que « la réalisation d’objectifs primordiaux de service public doit
s’accompagner de l’adoption de dispositions de nature à garantir un niveau élevé de protection des consommateurs
91
42
membre concerné et peuvent inclure des mesures spécifiques concernant le paiement des factures
d'électricité ou des mesures plus générales prises dans le cadre du système de sécurité sociale.
Dans ce contexte, les États membres peuvent prendre des mesures pour protéger les clients finals
dans les régions reculées96.
C. Protection du consommateur
Les États membres garantissent un niveau de protection élevé des consommateurs, notamment en
ce qui concerne la transparence des conditions contractuelles, l'information générale et les
mécanismes de règlement des litiges. Ces obligations sont précisées dans l’annexe A.
Aux termes de celle-ci, les Etats sont tenus de faire en sorte que les clients finals:
« a) aient droit à un contrat conclu avec leur fournisseur d'électricité précisant:
l'identité et l'adresse du fournisseur,
le service fourni, les niveaux de qualité du service offert, ainsi que le délai nécessaire au
raccordement initial,
le cas échéant, les types de services d'entretien offerts,
les moyens par lesquels des informations actualisées sur l'ensemble des tarifs applicables
et des redevances d'entretien peuvent être obtenues,
la durée du contrat, les conditions de renouvellement et d'interruption des services et du
contrat, l'existence d'un droit de dénoncer le contrat,
les compensations et les formules de remboursement éventuellement applicables dans le
cas où les niveaux de qualité des services prévus dans le contrat ne sont pas atteints, et
les modalités de lancement des procédures pour le règlement des litiges conformément au
point f).
Les conditions des contrats doivent être équitables et communiquées à l'avance. En tout état de
cause, ces informations doivent être fournies avant la conclusion ou la confirmation du contrat.
Lorsque le contrat est conclu par le truchement d'un intermédiaire, les informations mentionnées
ci-dessus sont également communiquées avant que le contrat soit conclu,
domestiques grâce à des mesures spéciales pour les plus vulnérables » afin que ces derniers puissent bénéficier de
l’approvisionnement à un prix juste », point 6.4.2.
96
Dans son avis, le CESE a insisté sur les conséquences du marché intérieur de l’électricité sur les régions
défavorisées, isolées, insulaires et ultra-périphériques. En particulier, le CESE dénonçait le risque que ces régions
continuent à payer un prix nettement supérieur à ceux pratiqués dans les régions centrales de l’Europe à plus forte
densité de population où les coûts de l’infrastructure par unité d’énergie fournie sont inférieurs. Le CESE préconisait
la mise en place de mécanismes de compensation à l’échelle nationale, basé sur des critères objectifs, durables et
compatibles avec le système d’aide d’Etat au niveau communautaire. Le CESE a proposé l’utilisation, dans un
premier temps, des fonds à finalité structurelle pour compenser le surcoût lié au développement de ces
infrastructures.
43
b) soient avertis en temps utile de toute intention de modifier les conditions contractuelles et
soient informés qu'ils ont le droit de dénoncer le contrat au moment où ils sont avisés de
l'intention de le modifier. Les fournisseurs de services avisent immédiatement leurs abonnés de
toute augmentation des tarifs, en temps utile et en tout cas avant la fin de la période de
facturation normale suivant l'entrée en vigueur de l'augmentation. Les États membres veillent à
ce que les clients soient libres de dénoncer un contrat s'ils n'en acceptent pas les nouvelles
conditions qui leur sont notifiées par leur fournisseur d'électricité,
c) reçoivent des informations transparentes relatives aux prix et aux tarifs pratiqués, ainsi
qu'aux conditions générales applicables, en ce qui concerne l'accès aux services d'électricité et à
l'utilisation de ces services,
d) disposent d'un large choix de modes de paiement. Toute différence dans les conditions
générales reflète le coût pour le fournisseur des différents systèmes de paiement. Les conditions
générales doivent être équitables et transparentes.
Elles sont énoncées dans un langage clair et compréhensible. Les clients sont protégés des
méthodes de vente déloyales ou trompeuses,
e) n'aient rien à payer lorsqu'ils changent de fournisseur,
f) bénéficient de procédures transparentes, simples et peu onéreuses pour traiter leurs plaintes.
Ces procédures permettent un règlement équitable et rapide des litiges, assorti, lorsque cela se
justifie, d'un système de remboursement et/ou de compensation (…),
g) soient informés, s'ils ont accès au service universel (…), de leurs droits en matière de service
universel. »
Par ailleurs, les factures d'électricité devront indiquer globalement la répartition des différentes
sources d'énergie utilisées pour produire le courant97. Certains Etats membres auraient souhaité
des informations plus détaillées sur les émissions de CO2 ou de déchets nucléaires du
producteur, mais d’autres – dont la France – s'y sont opposés. La directive se borne à prévoir
l'indication des sources de référence existantes où des informations concernant l'incidence sur
l'environnement, au moins en termes d'émissions de CO2 et de déchets radioactifs résultant de la
97
Le Parlement européen avait souhaité que soit indiquée, directement dans ou avec la facture et dans tous les
documents promotionnels, la contribution en pourcentage de chaque source d’énergie à la production de l’électricité
fournie ou qu’il est prévu de fournir, si elle est différente de la part de chaque source dans la totalité des sources
d’énergie utilisées par le fournisseur. Le fait de ne pas communiquer les différentes sources d’énergie entrant dans la
production d’électricité aurait affecté la capacité des petits consommateurs à effectuer un choix avisé et limiterait
l’efficacité des systèmes d’audit environnemental mis en place par les entreprises et les pouvoirs publics, faute
d’informations suffisantes.
44
production d'électricité à partir de la totalité des sources d'énergie utilisées par le fournisseur,
sont à la disposition du public98.
La Commission doit publier régulièrement un rapport qui analyse les mesures prises au niveau
national pour atteindre les objectifs de service public et qui compare leur efficacité relative, afin
de formuler des recommandations sur les mesures à prendre au niveau national pour atteindre un
niveau élevé de service public.
D. Dérogations à l’ouverture des marchés
Les Etats membres peuvent décider de ne pas appliquer les dispositions de la directive relatives à
l’ouverture des marchés, à savoir la procédure d'autorisation (article 6) ou d’appel d'offres
(article 7) pour la fourniture de nouvelles capacités, ainsi que l’accès au réseau (article 20) et les
lignes directes (article 22), si leur application risque d'entraver l'accomplissement, en droit ou en
fait, des obligations imposées aux entreprises d'électricité dans l'intérêt économique général et
pour autant que le développement des échanges n'en soit pas affecté dans une mesure qui serait
contraire à l'intérêt de la Communauté. Les intérêts de la Communauté comprennent, entre
autres, la concurrence en ce qui concerne les clients éligibles conformément à la présente
directive et à l'article 86 du traité.
III. LES SERVICES POSTAUX
Le service universel dans le secteur postal est consacré par la directive 97/67/CE du Parlement
européen et du Conseil du 15 décembre 1997 sur les règles communes pour le développement du
marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du
service99, modifiée par la directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin
2002100.
Selon le considérant 12, l'objectif du service universel est de « permettre à tous les utilisateurs
un accès aisé au réseau postal en offrant en particulier suffisamment de points d'accès et des
conditions satisfaisantes en ce qui concerne la fréquence de collecte et de distribution » et « la
prestation du service universel doit répondre à la nécessité fondamentale d'assurer la continuité
Via Internet, par exemple. Contra voy. le parlement européen pour qui l’on ne pouvait partir du principe que tous
les consommateurs ont accès à Internet pour prendre connaissance d’informations sur la pollution causée par la
production d’électricité. Le Parlement européen préconisait en outre la mise en place d’un organisme indépendant
pour vérifier la fiabilité des informations sur la ventilation des sources d’énergie et des sanctions pour les entreprises
qui omettent de divulguer leurs sources d’électricité. A cet égard, dans sa version finale, la directive se contente de
prévoir que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour garantir la fiabilité des informations données
par les fournisseurs à leurs clients.
99
JO L 15 du 21 janvier 1998.
100
JO L 176 du 5 juillet 2002.
98
45
du fonctionnement tout en demeurant adaptable aux besoins des utilisateurs et en leur
garantissant un traitement équitable et non discriminatoire ».
En vertu de l’article 3, les Etats membres veillent à ce que les utilisateurs jouissent du droit à un
service universel qui correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de
manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs. A
cette fin, ils prennent les mesures nécessaires pour que la densité des points de contact et d'accès
tienne compte des besoins des utilisateurs.
L’article 3 définit aussi le contenu du service universel.
D’abord, le ou les prestataires du service universel doivent « garantir tous les jours ouvrables et
pas moins de cinq jours par semaine, sauf circonstances ou conditions géographiques jugées
exceptionnelles par les autorités réglementaires nationales, au minimum:
une levée,
une distribution au domicile de chaque personne physique ou morale ou, par dérogation,
dans des conditions déterminées par l'autorité réglementaire nationale, dans des
installations appropriées.
Toute circonstance exceptionnelle ou dérogation acceptée par une autorité réglementaire
nationale conformément au présent paragraphe doit être portée à la connaissance de la
Commission et de toutes les autorités réglementaires nationales. »
Ensuite, « le service universel comprend au minimum les prestations suivantes :
la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu'à 2 kilogrammes,
la levée, le tri, le transport et la distribution des colis postaux jusqu'à 10 kilogrammes,
les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée.
Les autorités réglementaires nationales peuvent relever la limite de poids de la couverture du
service universel pour les colis postaux jusqu'à un poids ne dépassant pas 20 kilogrammes et
peuvent fixer des régimes spéciaux pour la distribution à domicile de ces colis. »
L’article 4 impose aux États membres de veiller à ce que la prestation du service universel soit
assurée et de notifier à la Commission les mesures qu'ils ont prises pour remplir cette obligation
et notamment l'identité du ou des prestataires du service universel. Chaque État membre
détermine, dans le respect du droit communautaire, les obligations et droits assignés au(x)
prestataire(s) du service universel et les publie
L’article 5 définit « les exigences auxquelles doit répondre la prestation du service universel
(…) :
46
-
offrir un service garantissant le respect des exigences essentielles,
offrir aux utilisateurs se trouvant dans des conditions comparables un service identique,
être disponible sans discrimination, sous quelque forme que ce soit, notamment pour des
raisons d'ordre politique, religieux ou idéologique,
ne pas être interrompue ou arrêtée, sauf cas de force majeure,
évoluer en fonction de l'environnement technique, économique et social ainsi que des
besoins des utilisateurs. »
Selon le paragraphe 2, « les dispositions du paragraphe 1 ne font pas obstacle aux mesures que
les États membres prennent en fonction d'exigences touchant à l'intérêt public reconnues par le
traité, notamment aux articles 36 et 56, qui concernent en particulier la moralité publique, la
sécurité publique, y compris les enquêtes judiciaires, et l'ordre public. »
Aux termes de l’article 6, les États membres prennent des mesures pour que le ou les prestataires
du service universel fournissent régulièrement aux utilisateurs des informations suffisamment
précises et actualisées sur les caractéristiques du service universel offert, en particulier pour ce
qui est des conditions générales d'accès à ce service, des prix et du niveau des normes de qualité.
L’article 19 leur impose par ailleurs de veiller à ce que des procédures transparentes et simples
soient mises en place pour le traitement des réclamations des consommateurs.
SECTION IV.
LE LIVRE VERT SUR LES SERVICES D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
I. Les communications antérieures de la Commission
La Commission a publié sa première communication sur les services d’intérêt général en 1996101.
Dans celle-ci, elle affirme sans ambiguïté la légitimité des services d’intérêt général et la
subsidiarité de l’intervention communautaire, elle reconnaît les insuffisances du marché et
confirme la possibilité de déroger aux règles de la concurrence. La communication de 2000 102
apparaît comme une actualisation et une confirmation des principes dégagés en 1996. C’est elle
qui contient les indications les plus intéressantes pour notre problématique. Après les avoir
analysées, nous examinerons l’avis que le Parlement européen a rendu au sujet de la
communication de 2000.
101
JO C 281 du 26 septembre 1996.
102 JO C 17 du 19 janvier 2001.
47
1. Définitions et précisions terminologiques
La Commission retient quatre concepts qu’elle définit de la manière suivante :
« Services d'intérêt général
Ils désignent les activités de service, marchands ou non, considérées d'intérêt général par les
autorités publiques et soumises pour cette raison à des obligations spécifiques de service public
Services d'intérêt économique général
Mentionnés dans le traité à l'article 90, ils désignent les activités de service marchand
remplissant des missions d'intérêt général, et soumises de ce fait par les Etats membres à des
obligations spécifiques de service public. C'est le cas en particulier des services en réseaux de
transport, d'énergie, de communication.
Service public
Cette expression a un double sens: tantôt elle désigne l'organisme de production du service,
tantôt elle vise la mission d'intérêt général confiée à celui-ci. C'est dans le but de favoriser ou de
permettre l'accomplissement de la mission d'intérêt général que des obligations de service public
spécifiques peuvent être imposées par l'autorité publique à l'organisme de production du service,
par exemple en matière de transport terrestre, aérien ou ferroviaire, ou en matière d'énergie.
Ces obligations peuvent s'exercer à l'échelon national ou régional. A noter que l'on confond
souvent à tort service public avec secteur public (y compris fonction publique), c'est-à-dire
mission et statut, destinataire et propriétaire.
Service universel
Le service universel, et notamment la définition des obligations de service universel, doit
accompagner la libéralisation des secteurs de services dans l'Union européenne, tels que celui
des télécommunications. La définition et la garantie d'un service universel permettent le
maintien pour tous les utilisateurs et tous les consommateurs de l'accessibilité et de la qualité
des services pendant le processus de passage d'une situation de prestation de services sous
monopole à celle de marchés ouverts à la concurrence. Le service universel, dans un
environnement de marchés des télécommunications ouverts et concurrentiels, se définit comme
un ensemble minimal de services d'une qualité donnée auquel tous les utilisateurs et les
consommateurs ont accès, compte tenu de circonstances nationales spécifiques, à un prix
abordable »103
103
Annexe II de la communication de 2000.
48
2. Conditions d’application des règles du marché intérieur et de la concurrence
A. La distinction entre activités économiques et activités non économiques
La communication de 1996 se bornait à indiquer que « les conditions de l’article 90 ne
s’appliquent pas aux activités économiques (telles que les systèmes obligatoires de scolarisation
ou de protection sociale) ni aux fonctions dites ‘régaliennes’, qui relèvent de l’exercice de la
puissance publique (notamment sécurité, justice, diplomatie, état civil)…. Il est clair que les
services d’intérêt général, lorsqu’ils revêtent un caractère non économique ou bien régalien, ne
sauraient être traités de la même manière que les services d’intérêt économique général » (point
18).
La communication de 2000 consacre des développements plus importants à cette question. Après
avoir rappelé que les règles relatives au marché intérieur et à la concurrence ne s'appliquent pas
aux activités non économiques, elle indique que « cela signifie tout d'abord que les questions qui
relèvent intrinsèquement de la prérogative de l'État (telles que la sécurité intérieure et
extérieure, l'administration de la justice, la conduite des relations extérieures et les autres
domaines d'exercice de la puissance publique) sont exclues de l'application des règles relatives à
la concurrence et au marché intérieur » (point 28); et que « en outre, des services tels que
l'éducation nationale et les régimes de base de sécurité sociale obligatoires sont également
exclus de l'application des règles relatives à la concurrence et au marché intérieur » (point
29)104.
Elle ajoute « plus généralement (… nombre d'activités exercées par des organismes dont les
fonctions sont essentiellement sociales, qui ne réalisent pas de profits et n'ont pas pour objectif
de pratiquer une activité industrielle ou commerciale, seront normalement exclues de
l'application des règles communautaires relatives à la concurrence et au marché intérieur. Cela
couvre plusieurs activités non économiques d'organismes tels que les syndicats, les partis
politiques, les églises et associations religieuses, les associations de consommateurs, les sociétés
savantes, les organisations caritatives ou humanitaires. Toutefois, lorsque de tels organismes,
dans l'accomplissement de leur mission d'intérêt général, s'engagent dans des activités
économiques, l'application des règles communautaires à ces activités économiques se fera sur la
base des principes énoncés dans la présente communication, en tenant compte notamment de
l'environnement social et culturel dans lequel ces activités sont exercées. En outre, lorsque le
droit communautaire s'appliquera à ces activités, la Commission cherchera à déterminer, à la
lumière d'une réflexion d'ensemble sur l'usage de ses pouvoirs discrétionnaires, si les intérêts de
la Communauté justifient qu'elle intervienne (…) (point 30).
104
La communication se réfère à cet égard explicitement à la jurisprudence déjà analysée de la Cour, notamment aux
arrêts Eurocontrol et Diego Cali ainsi qu’aux arrêts Humbel et Poucet et Pistre.
49
B. L’affectation des échanges entre Etats membres
Cette condition n’est abordée que dans la communication de 2000. La Commission y rappelle
que « le droit communautaire de la concurrence ne s'applique que lorsque les activités en cause
sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres » et que, « de même, les règles du
traité définissant la libre prestation de services ne s'appliquent pas lorsque l'ensemble des
aspects de ces activités sont limités à un seul État membre » (point 31). Ainsi, s’agissant des
articles 81 et 82 du traité, une activité qui n'affecte le marché que de façon marginale - et cela
peut être le cas pour nombre de services d'intérêt général ayant un caractère local - n'affectera
normalement pas les échanges entre États membres ». Par ailleurs, la politique de la Commission
est de ne pas appliquer les règles de concurrence aux cas d'importance mineure, qui peuvent
s’appliquer à de nombreux services locaux (point 32). Pour ce qui est des aides d’Etat, la
Commission reconnaît que le montant relativement faible de l’aide ou la petite taille de
l'entreprise bénéficiaire n'exclut pas, en tant que telles, la possibilité d’une affectation des
échanges, mais elle souligne qu’elle a fixé des plafonds, en dessous desquels elle considère que
les règles relatives aux aides d'État ne sont pas applicables. De ce fait, de nombreux services
locaux sont susceptibles d'être exclus du champ d'application des règles sur les aides d'État »
(point 33).
3. La résolution du Parlement européen sur la communication de 2000105
A. Les conditions d’application des règles du marché intérieur et de la concurrence
Le Parlement européen déclare partager l’analyse de la Commission relative à l’exclusion des
activités ‘non marchandes’ du champ d’application des règles relatives à la concurrence et au
marché intérieur, mais il invite la Commission, dans un souci de plus grande clarté juridique, à
préciser :
-
-
comment il convient de distinguer les activités économiques et non économiques, en
soulignant que les règles de concurrence ne s’appliquent en aucun cas aux activités non
économiques (point 42)
dans quels cas le commerce intracommunautaire n’est pas affecté (portée locale) (point 40)
Par ailleurs, le Parlement européen s’attache plus particulièrement à la problématique des
organisations sans but lucratif, dont il souligne l’importance, en tant qu’organisations de la
société civile (travail avec des bénévoles, absence de but lucratif, organisation proche du citoyen,
absence de propriétaire), comme troisième pilier aux côtés du secteur marchand et de l’État
(point 13). Il estime que « la communication de la Commission ne tient pas suffisamment compte
105
Adopté le 13 novembre 2001, COM (2000)580-C5-0399/2001-2001/2157(COS), rapporteur Werner Langen.
50
de l’importance particulière que revêtent les organismes indépendants de bienfaisance et autres
associations bénévoles qui, dans certains États membres, offrent une gamme de services
d’intérêt général s’inspirant de principes de solidarité, éthiques, religieux, à caractère caritatif
ou présentant une grande diversité culturelle » (point 70). Il met l’accent sur « la nécessité de
promulguer, pour les services socialement importants du secteur social et culturel, une
exemption par catégorie qui permette aux citoyens de bénéficier, à l’avenir, de ces services à des
conditions particulières et à des prix compétitifs, et qu’il doit être permis d’utiliser, à cet effet,
des recettes publiques, de manière ouverte et transparente, pour autant que la concurrence ne
s’en trouve pas gravement faussée » (point 71). Il préconise également « d’exclure d’une
manière générale les activités à but non lucratif, par exemple à caractère social, culturel ou
caritatif, des contrôles visant les aides d’État et de l’application du droit communautaire de la
concurrence, au même titre que les activités relevant des prérogatives de la puissance
publique ».
B. Contenu du service d’intérêt général
Le Parlement relève que, par « services d'intérêt général », on entend « les services qui sont
importants pour la vie quotidienne des citoyens, c'est-à-dire, entre autres, les services de
transport, les services postaux, les télécommunications, l'éducation, les services hospitaliers, les
services sociaux, l'élimination des eaux usées et des déchets, ainsi que l'approvisionnement en
eau et en énergie, notamment en électricité » (point 16) ; il insiste sur la nécessité de « garantir
l’égalité d’accès, la sécurité d’approvisionnement, la continuité, un degré élevé de qualité et la
responsabilité démocratique » (point 4). Un critère déterminant à ses yeux pour la fourniture de
services d’intérêt général doit être « l’efficacité économique, sociale et environnementale dans
l’intérêt des citoyens, des utilisateurs et des contribuables (…) au même titre que la qualité, le
financement, ainsi que la transparence de celui-ci, la fiabilité et le contrôle de la prestation »
(point 30)
Le Parlement met l’accent sur l’importance du secteur de l’eau. Il invite les États membres « à
examiner, conjointement avec les collectivités locales et régionales, si l’ouverture du marché de
l’approvisionnement en eau et des services de l’élimination des eaux usées peut contribuer à
améliorer le fonctionnement de ces services. » Il estime nécessaire « de tendre vers l’évaluation
comparative, le contrôle de la rentabilité, la coopération et des structures d’entreprise efficaces
et que, en deçà de la libéralisation, de nombreuses mesures particulières visant à une ouverture
limitée du marché auront des répercussions positives sur la sécurité d’approvisionnement, la
formation des prix, la protection des eaux phréatiques et la protection de l’environnement ». Il
considère enfin que, « en dépit de conditions particulières, l’approvisionnement en eau et
l’élimination des eaux usées doivent être assurés de plus en plus selon des critères
économiques » et demande aux États membres « d’œuvrer en ce sens et de déterminer, le cas
51
échéant, si les privatisations réalisées jusqu’à ce jour ont contribué à améliorer de manière
appropriée le fonctionnement des services des eaux concernés »(points 65 à 67).
Dans le secteur bancaire, le Parlement souligne la nécessité de banques et de caisses d’épargne
publiques, qui contribuent aux services d’intérêt général en offrant un accès universel à un
compte et en fournissant des services financiers à la population sur la totalité du territoire, qui
facilitent l’accès des petites et moyennes entreprises au crédit et qui favorisent de nombreuses
autres activités de service public (point 68).
II. Analyse du Livre vert sur les services d’intérêt général
1. Définitions et terminologie
La Commission reprend les définitions déjà présentes dans ses communications antérieures, avec
quelques nuances cependant.
« L'expression ‘services d'intérêt général’ ne se trouve pas dans le traité lui-même. Elle découle
dans la pratique communautaire de l'expression ‘service d'intérêt économique général’ qui est,
elle, utilisée dans le traité. Elle a un sens plus large que l'expression précitée et couvre les
services marchands et non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant
d'intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public » (point 16).
« L'expression ‘services d'intérêt économique général’ est utilisée aux articles 16 et 86,
paragraphe 2, du traité. Elle n'est pas définie dans le traité ou dans le droit dérivé. Cependant,
dans la pratique communautaire, on s'accorde généralement à considérer qu'elle se réfère aux
services de nature économique que les États membres ou la Communauté soumettent à des
obligations spécifiques de service public en vertu d'un critère d'intérêt général. La notion de
services d'intérêt économique général couvre donc plus particulièrement certains services
fournis par les grandes industries de réseau comme le transport, les services postaux, l'énergie
et les communications. Toutefois, l'expression s'étend également aux autres activités
économiques soumises elles aussi à des obligations de service public » (point 17).
« Il convient de souligner que les termes ‘service d'intérêt général’ et ‘service d'intérêt
économique général’ ne doivent pas être confondus avec l'expression ‘service public’, qui est
moins précise. Celle-ci peut avoir différentes significations et être ainsi source de confusion. Elle
peut se rapporter au fait qu'un service est offert au grand public ou qu'un rôle particulier lui a
été attribué dans l'intérêt public, ou encore se référer au régime de propriété ou au statut de
l'organisme qui fournit le service en question (…). Elle n'est dès lors pas utilisée dans le présent
Livre vert » (point 19).
52
« L'expression ‘obligations de service public’ est utilisée dans le présent document. Elle désigne
les obligations spécifiques imposées par les autorités publiques à un fournisseur de service afin
de garantir la réalisation de certains objectifs d'intérêt public, par exemple dans le secteur du
transport aérien, ferroviaire ou routier et dans le domaine de l'énergie. Ces obligations peuvent
être imposées au niveau communautaire, national ou régional » (point 20).
« L'expression ‘entreprise publique’ est généralement utilisée, elle aussi, pour définir le régime
de propriété du fournisseur de service. Le traité prévoit une stricte neutralité. Le fait que les
fournisseurs de services d'intérêt général soient publics ou privés n'a pas d'importance dans le
droit communautaire; ils jouissent de droits identiques et sont soumis aux mêmes obligations »
(point 21).
2. Distinction entre activités économiques et non économiques et effet sur les échanges
Dans la deuxième partie, intitulée « Portée de l'action communautaire », la Commission classe
les services d’intérêt général en trois catégories « selon la nécessité et l'intensité de l'action
communautaire, ainsi que le rôle des États membres » (point 32) :
(1) les services d'intérêt économique général fournis par les grandes industries de réseau telles
que les communications, les services postaux, l'électricité, le gaz et le transport
(2) les autres services d'intérêt économique général, comme la gestion des déchets,
l'approvisionnement en eau ou les services publics de radiodiffusion
(3) les services non économiques et les services sans effet sur le commerce.
Elle met l’accent sur l’importance de la distinction entre les services de nature économique et les
services de nature non économique : « ils ne sont pas régis par les mêmes règles du traité. Ainsi,
des dispositions comme le principe de la non-discrimination et le principe de la libre circulation
des personnes concernent l'accès à tous les types de services. Les règles relatives aux marchés
publics s'appliquent aux biens, aux services ou aux œuvres acquis par les organismes publics en
vue de fournir des services de nature tant économique que non économique. Toutefois, la liberté
de fournir des services, le droit d'établissement, les règles relatives à la concurrence et aux aides
d'État ne concernent, eux, que les activités économiques. En outre, l'article 16 du traité et
l'article 36 de la Charte des droits fondamentaux se réfèrent uniquement aux services d'intérêt
économique général » (point 43).
S’agissant des critères de distinction entre services de nature économique et de nature non
économique, la Commission se réfère à la définition que nous avons déjà évoquée de la Cour de
justice, selon laquelle constitue une activité économique « toute activité consistant à offrir des
biens ou des services sur un marché donné » ; elle rappelle aussi que, dans sa communication de
53
2000, elle a énuméré une série d'exemples d'activités non économiques, qui « concernent plus
particulièrement les questions qui relèvent intrinsèquement des prérogatives de l'État, comme
l'éducation nationale et les régimes de base de sécurité sociale obligatoires, et certaines activités
exercées par des organismes dont les fonctions sont essentiellement sociales, qui n'ont pas pour
objectif de pratiquer une activité industrielle ou commerciale » (point 45).
Elle souligne que « les services économiques et non économiques peuvent (…) coexister dans un
même secteur et parfois même être fournis par le même organisme. De plus, s'il peut ne pas
exister de marché pour la fourniture de services particuliers au public, il peut néanmoins se
trouver un marché en amont où des entreprises passent contrat avec les autorités publiques pour
fournir ces services. Les règles relatives au marché intérieur, à la concurrence et aux aides
d'État s'appliquent à ces marchés en amont » (point 44).
Plus loin, elle met l’accent sur le caractère dynamique de la distinction entre activités
économiques et activités non économiques : « La gamme de services pouvant être proposés sur
un marché dépend des mutations technologiques, économiques et sociétales et a changé au fil
des années (…) Un nombre de plus en plus important d'activités ont acquis une nature
économique aux cours des dernières décennies. Pour un nombre croissant de services, cette
distinction est devenue floue (…). Elle en conclut que, comme elle l’a déjà souligné dans son
rapport à l'intention du Conseil européen de Laeken106, « il ne serait ni possible ni souhaitable
d'établir a priori une liste définitive de tous les services d'intérêt général devant être considérés
comme «non économiques» (point 45).
La Commission reconnaît que, même si le caractère changeant et dynamique de la distinction n’a
jamais suscité de problème dans sa pratique, « il suscite des préoccupations, notamment parmi
les fournisseurs de services non économiques, lesquels souhaitent obtenir une plus grande
sécurité juridique quant à leur environnement réglementaire » (point 46). Elle ajoute que
« l'avenir des services non économiques d'intérêt général, qu'ils relèvent des prérogatives de
l'État ou qu'ils soient liés à des secteurs sensibles comme la culture, l'éducation, les services de
santé ou les services sociaux, soulève des questions à l'échelle européenne, notamment quant au
contenu du modèle européen de société. Le rôle actif des organisations caritatives, des
associations bénévoles et des organisations humanitaires explique en partie l'importance
attachée par les citoyens européens à ces thèmes » (point 47).
106
Document COM(2001) 598 final du 17 octobre 2001, point 30.
54
3 Contenu du service d’intérêt général
C’est dans le chapitre III, intitulé « Vers un concept communautaire des services d'intérêt
général? » et sous le titre « Un ensemble commun d'obligations », que la Commission examine
la notion de « service universel » qui « porte sur un ensemble d’exigences d'intérêt général dont
l'objectif est de veiller à ce que certains services soient mis à la disposition de tous les
consommateurs et utilisateurs sur la totalité du territoire d'un État membre, indépendamment de
leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances
nationales particulières, à un prix abordable ».
La Commission rappelle que cette notion a été établie spécifiquement à l'intention de certaines
industries de réseaux (telles que les télécommunications, l'électricité et les services postaux) et
qu’elle « instaure le droit de chaque citoyen à avoir accès à certains services jugés essentiels et
elle impose aux industries l'obligation de fournir un service défini à des conditions spécifiées qui
incluent, entre autres, la fourniture du service sur l'ensemble du territoire. ». Elle souligne que
« le service universel est un concept dynamique. Il veille à ce que les exigences d'intérêt général
puissent tenir compte de l'évolution politique, sociale, économique et technologique et il permet,
si nécessaire, d'adapter régulièrement ces exigences à l'évolution des besoins des citoyens », et
qu’il « peut s'appliquer à différentes structures de marché et peut dès lors être utilisé pour
réglementer les services aux différents stades de la libéralisation et de l'ouverture d'un
marché ».
Selon la Commission, « la notion de service universel s'est muée en pilier important et
indispensable de la politique communautaire en matière de services d'intérêt économique
général. Elle a permis de répondre aux exigences d'intérêt général dans divers domaines tels que
l'efficacité économique, le progrès technologique, la protection de l'environnement, la
transparence et l'obligation de rendre des comptes, les droits des consommateurs et des
utilisateurs et des mesures spécifiques concernant le handicap, l'âge ou l'éducation. Cette notion
a également contribué à réduire les niveaux de disparité des conditions de vie et des chances
dans les États membres ».
La Commission énumère ensuite plusieurs « obligations communes », telles qu’elles se dégagent
de la législation communautaire existante :
55
-
-
-
continuité : le fournisseur du service est tenu de veiller à ce que celui-ci soit fourni sans
interruption. L'obligation d'assurer un service continu ne figure cependant pas dans
l'ensemble de la législation sectorielle communautaire107 ;
qualité du service : la définition, le suivi et la mise en œuvre des exigences de qualité par
les autorités publiques sont devenus des éléments clés de la réglementation relative aux
services d'intérêt général. Celles-ci concernent, par exemple, les règles de sécurité,
l'exactitude et la transparence de la facturation, la couverture territoriale et la protection
contre l'interruption du service ;
accessibilité tarifaire : elle prescrit qu'un service d'intérêt économique général doit être
offert à un prix abordable pour être accessible à tous ;
protection des utilisateurs et des consommateurs : les règles horizontales de protection des
consommateurs s'appliquent aux services d'intérêt général comme aux autres secteurs de
l'économie. En outre, en raison de l'importance économique et sociale particulière de ces
services, des mesures spécifiques ont été adoptées dans la législation communautaire
sectorielle pour tenir compte des préoccupations et des besoins des consommateurs et des
entreprises.
La Commission identifie aussi certaines obligations sectorielles d'intérêt général, qui pourraient
compléter un ensemble commun d'obligations de service public, telles que :
-
sûreté et sécurité,
sécurité d'approvisionnement,
accès aux réseaux et interconnectivité,
pluralisme des médias.
SECTION V. LES DÉBATS INITIÉS PAR LE LIVRE VERT
Après avoir analysé la position des autres institutions et organes qui ont organisé un débat sur le
Livre vert, nous nous sommes penchés sur les résultats de la consultation publique. Enfin, notre
attention s’est portée sur la manière dont le Livre blanc avait tenu compte de ces différentes
réactions.
Ainsi, elle existe dans le secteur de la poste ; dans le secteur de l’électricité, la réglementation sectorielle ne
contient pas d'exigence de continuité mais autorise explicitement les États membres à imposer une telle obligation
aux fournisseurs de services.
107
56
I. LA POSITION DES AUTRES INSTITUTIONS ET ORGANES COMMUNAUTAIRES
1. Résolution du Parlement européen sur le Livre vert sur les services d'intérêt général108
A. Distinction entre activité économique et non économique et services publics locaux
Selon le Parlement, « dans l'interprétation des dispositions spécifiques des traités concernant les
services d'intérêt économique général (comme l'article 86.2 du traité CE), ni la Commission ni
la jurisprudence de la Cour de justice n'ont encore assuré la sécurité juridique et un cadre
opérationnel suffisamment cohérent » (considérant K.)
Le Parlement propose l’application des critères suivants :« finalité (commerciale ou non) de la
prestation et de la mise à disposition, part du financement public, importance de
l'investissement, poursuite d'un but lucratif ou intention de couvrir les coûts, analyse avantagescoûts de la prestation locale par rapport à l'adjudication au niveau européen, obligation de
garantir des droits sociaux, contribution à la participation à la vie sociale et à l'intégration
sociale »; il ajoute que « ces critères peuvent également être invoqués pour instaurer des
exemptions aux règles de la concurrence générale dans le cas de services économiques d'intérêt
général » (point 21)109.
Il rappelle, conformément à toutes ses résolutions précédentes que « les services d'intérêt général
relevant des fonctions essentielles des autorités publiques comme l'éducation et la santé
publique, le logement social et les services d'intérêt général sociaux assumant des fonctions de
sécurité sociale et d'insertion sociale, sont à exclure du champ d'application des règles de
concurrence » et considère que « le même principe doit s'appliquer aux services d'intérêt général
visant à maintenir ou à accroître le pluralisme de l'information et la diversité culturelle » (point
22).
Enfin, le Parlement souligne que, « pour les services d'intérêt général et les services d'intérêt
économique général placés sous la responsabilité des autorités publiques locales et régionales,
les conditions d'exercice de la liberté d'administration sont fondamentales, dans le respect des
108
Adoptée le 14 janvier 2003, document COM (2003) 270 – 2003/2152(INI), sur rapport de Philippe Herzog. Il
faut souligner que sur plusieurs points importants, le rapporteur n’a pas été suivi par la Commission et que le texte
adopté en Commission a encore fait l’objet de plusieurs amendements en séance plénière. Les principaux points de
controverse ne concernaient cependant pas notre problématique mais surtout celle de l’opportunité d’une directive
cadre.
109
Philippe Herzog proposait que le Parlement « rappelle sa position que les services essentiels de l’éducation
nationale, la santé publique, ceux qui sont liés à la sécurité sociale (régimes obligatoires et conventionnels), les
services culturels, sociaux et caritatifs à caractère non lucratif ne doivent pas être soumis aux règles du marché
intérieur et de la concurrence; demande une communication de la Commission pour examiner comment les règles
du marché peuvent être adaptées pour les services marchands liés à ces SIG ».
57
obligations de transparence, du bon fonctionnement du marché intérieur, des règles relatives
aux aides d'État et du droit de la concurrence. »110
B. Contenu du service d’intérêt général
Le Parlement met l’accent sur le rôle essentiel joué par les services d'intérêt économique général
dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale et donc sur l’importance de « la
sauvegarde de certains principes fondamentaux sur lesquels repose leur fonctionnement, tels que
ceux de l'universalité des services, de la continuité, de l'accessibilité tarifaire et de la qualité »,
qui « constitue un élément fondamental pour la formation de l'intérêt général européen »
(considérant O). En particulier, « les services d'intérêt général doivent assurer aux citoyens
l'égalité d'accès et de traitement, la sécurité d'approvisionnement, la continuité et un degré élevé
de qualité à des prix abordables, voire gratuitement lorsque la situation sociale l'exige » (point
3)111.
Le Parlement estime qu'il n'est « ni possible ni pertinent d'élaborer des définitions communes des
services d'intérêt général et des obligations de service public qui en découlent mais que l'Union
européenne doit établir des principes communs tels que: universalité et égalité d'accès,
continuité, sécurité, adaptabilité, qualité, efficacité, accessibilité tarifaire, transparence,
protection des groupes sociaux défavorisés, protection des usagers, des consommateurs et de
l'environnement, et participation des citoyens, étant entendu qu'il convient de tenir compte des
spécificités sectorielles (point 20) ».
Le Parlement revient par ailleurs une nouvelle fois sur le secteur de l’eau. Après avoir rappelé les
termes de sa résolution du 13 novembre 2001, il se déclare opposé à ce que les services de l'eau
et des déchets fassent l’objet de directives sectorielles et considère comme inappropriée « une
libéralisation de l'approvisionnement en eau (y compris l'élimination des eaux usées), compte
tenu des caractéristiques régionales distinctes du secteur et des responsabilités locales en
matière de mise à disposition d'eau potable » ; il souhaite toutefois, « que l'approvisionnement
en eau soit ‘modernisé’ en mettant en jeu des principes économiques conformément aux normes
qualitatives et environnementales et aux impératifs d'efficacité ». Il souligne enfin que l'Union
doit conserver toute sa responsabilité en ce qui concerne les normes de protection de la qualité et
de l'environnement dans ces secteurs (points 47 et 48).
110
Le projet de rapport de Philippe Herzog contenait des dispositions beaucoup plus détaillées sur cette
problématique. Il demandait de reconnaître un droit à l’auto-production à condition que l’opérateur en gestion
directe ne porte pas la concurrence en dehors de son territoire et d'examiner la spécificité des appels d'offres et
marchés publics en cas de gestion déléguée, afin de permettre un partenariat stable entre collectivités locales et
opérateurs pour la répartition des risques, des coûts et des résultats, et demande à cet effet l’élaboration d’un droit
communautaire de la concession et des partenariats public-privé.
58
2. Avis du Comité des régions112
A. Distinction entre activités économiques et activités non économiques
Le CdR souligne  lui aussi  que la limite entre services économique général et services
d’intérêt général non économiques est difficile à tracer, même si certains services, tels que
l’électricité, le gaz ou le chauffage, peuvent être classés sans hésiter comme économiques et
d’autres, comme la formation et les services sociaux, comme non économiques. Cette difficulté,
selon lui, est imputable en partie « à l’évolution permanente et à la flexibilité inhérente au
concept », et en partie au fait qu’il est toujours possible de « soutenir que tous les services
d’intérêt général, d’une manière ou d’une autre, sont de nature économique ». De plus, ces
classifications ne sont pas statiques ; elles sont susceptibles d’évoluer avec le temps et dans
l’espace, certains services sont considérés comme étant de nature économique dans un pays
donné peuvent très bien être considérés comme ne l’étant pas dans un autre pays.
Selon le CdR, pour décider si un service d’intérêt général doit ou non être soumis aux règles de
concurrence, il ne faut pas s’arrêter au seul critère de la nature économique ou non économique
du service en question ; « les aspects politiques dans le domaine considéré doivent également
entrer en ligne de compte. À titre d’exemple, pour les hôpitaux publics, le principe de base n’est
pas le marché, mais la satisfaction des besoins des citoyens en matière de santé, conformément à
la politique de santé au niveau national, régional et local » (point 2.5.2).
Le CdR considère que « vouloir édicter une nouvelle réglementation relative aux définitions ne
fera qu’accroître les problèmes ». Il évoque à cet égard deux voies possibles, qui présentent
toutes deux des inconvénients :
-
-
la première consisterait à élaborer des listes positives pour chaque catégorie ; mais elle risque
« d’aboutir à une situation juridique figée, qui ne permettrait aucune modification et qui
ne tiendrait compte ni des spécificités des différents domaines, ni de l’émergence de
nouveaux domaines (par exemple dans le domaine des infrastructures), ni du fait que
certains domaines peuvent être à la fois non économiques et économiques, selon le cas. »
la deuxième serait de renoncer à séparer les deux catégories, mais elle ne tient pas compte
des conséquences importantes attachées à cette distinction pour l’application des règles du
traité, les services d’intérêt général non économiques n’étant actuellement pas soumis aux
dispositions du traité relatives au marché intérieur, à la concurrence et aux aides d’État.
Le CdR estime cependant qu’une clarification est indispensable dans deux domaines :
Le projet de rapport de Philippe Herzog proposait qu’il soit précisé que ‘l’accès de tous’ concerne les ménages et
les entreprises, mais cela n’a pas été repris.
112
JO C 73 du 22 mars 2004.
111
59
-
-
d’une part, la Commission devrait reconnaître clairement « que les prestations fournies
directement ou à travers une entité externe par des autorités locales et régionales dans le
cadre d’une mission d’intérêt général, et plus particulièrement celles qui emplissent des
objectifs sociaux ou environnementaux et non pas commerciaux, ne sont pas à considérer
comme des services d’intérêt économique général » (point 2.5.5) ;
d’autre part, il faudrait, « en tout état de cause, dénier tout caractère économique à une
activité lorsque la commercialisation dans l’intérêt public de biens ou de services sur le
marché concerné contribuerait de fait uniquement à couvrir les coûts mais ne permettrait
pas la réalisation de bénéfices ».
Enfin il est, selon le CdR, possible d’établir, sur la base des décisions de la Cour de justice et de
la Commission, une liste de « certaines activités non économiques «typiques» en tant que telles
(par exemple, les activités des écoles publiques, les régimes de base de sécurité sociale
obligatoires, et certaines activités exercées par des organismes à vocation sociale, qui n’ont pas
pour objectif de pratiquer une activité industrielle ». Cette liste contribuerait grandement à la
sécurité juridique.
B. Contenu du service d’intérêt général.
Le CdR propose un cadre commun (point 2.2.4), qui comprendrait les aspects suivants :
-
-
l’égalité d’accès aux services d’intérêt général pour tous les citoyens, dans la mesure où cela
est défendable d’un point de vue économique : « l’absence de services d’intérêt général
essentiels peut avoir des conséquences graves sur le plan sanitaire et constitue toujours
l’une des causes principales qui incitent les familles, surtout les plus jeunes, à se transférer
ailleurs. L’accès à ces services doit être, en principe, le même pour tous, quoique avec
certaines différences en fonction du contexte régional ou local, ainsi que des spécificités
géographiques (distances, densité de population, etc.) qui peuvent en influencer le contenu
et les modalités. » L’égalité d’accès peut aussi impliquer la possibilité pour les autorités
« de fixer le prix sur la base d’un principe de solidarité uniforme de sorte qu’aucun
citoyen, ou aussi peu de citoyens que possible, ne soient exclus de l’accès aux services
pour des raisons économiques. Les autorités doivent également avoir la possibilité, pour
chaque secteur, de procéder à une péréquation des coûts, afin de favoriser la cohésion
régionale ou sociale » (point 2.2.5) ;
un niveau élevé de sécurité des prestations, dans la mesure où cela est défendable d’un point
de vue économique. Cela implique que « le fournisseur est tenu de garantir la fourniture
continue et ininterrompue du service (…). La fourniture d’eau, d’électricité ou de gaz, de
même que l’évacuation des eaux usées et l’enlèvement des déchets sont autant d’exemples
de secteurs dans lesquels les citoyens ressentent comme une gêne le caractère irrégulier
60
-
-
des prestations ». Le concept de sécurité doit « inclure un critère relatif à la prévention des
risques » (point 2.2.6) ;
la possibilité, en cas de défaillance du marché, de contraindre les pouvoirs publics à créer une
capacité suffisante : « le marché a tendance à ne créer des capacités que lorsqu’il y trouve
un intérêt économique. Or nombre d‘« installations à créer pour pouvoir fournir des
services d’intérêt général aux citoyens et aux entreprises exigent des investissements
considérables avec de longues périodes d’amortissement » (point 2.2.7) ;
un niveau élevé de qualité des prestations car « la légitimité même des prérogatives
attribuées aux pouvoirs publics réside dans la capacité de ces derniers à fournir des
prestations de niveau élevé en matière de services publics. » Le concept de qualité doit
recouvrir aussi « des aspects généraux touchant à la société, tels que l’environnement, les
conditions de travail et la protection des consommateurs (point 2.2.8).
3. Avis du Comité économique et social européen113
A. Distinction entre activités économiques et non économiques
Le CESE estime que « la frontière entre caractère économique et non économique est floue,
hasardeuse et incertaine, ce qui conduit aujourd’hui à des formes d’insécurité juridique
croissante » ; il en appelle donc à une clarification. Il souligne que « toute prestation d’intérêt
général, même celle fournie à titre non lucratif ou bénévole représente une certaine valeur
économique sans pour autant devoir relever du droit de la concurrence. En outre, un même
service peut être à la fois marchand et non marchand. De même, un service peut avoir un
caractère marchand sans que, pour autant, le marché soit à même d’assurer un service dans la
logique et d’après les principes régissant les services d’intérêt général. »
Selon le CESE, l’important n’est pas de distinguer entre service économique ou non
économique, mais de mettre effectivement en œuvre le principe de subsidiarité. A cette fin, il
convient d’identifier les « types de services (régalien ou d’intérêt national, régional ou local,
système obligatoire d’éducation, de santé et de protection sociale, activités culturelles,
caritatives, à caractère social ou basé sur la solidarité ou des dons, etc.) pour lesquels ne
s’applique pas le droit commun de la concurrence. »
B. Contenu du service d’intérêt général
Le CESE attire l’attention sur le fait que l’objectif primordial du service d’intérêt général est
l’accès de tous les citoyens, consommateurs et entreprises, au service public; lorsque ce service
113
JO C 80 du 30 mars 2004.
61
est assuré par une entreprise publique ou privée du secteur marchand, le souci de recherche de
rentabilité et de compétitivité ne doit en aucun cas conduire à une disparition de ce service pour
certains citoyens. Le service doit être continu et également accessible à tous, même si, en raison
notamment de conditions géographiques ou techniques, l’exercice de ce service ne s’avère pas
économiquement rentable. Dans ce cas, les dispositions administratives, fiscales, juridiques et
techniques dérogatoires nécessaires à l’exercice de ce service, y compris par le biais d’aides
d’État dérogeant au système communautaire, doivent être autorisées et encouragées.
Pour le surplus, le CESE se réfère aux principes indicatifs qu’il avait déjà dégagés en 1999 pour
le fonctionnement des services d’intérêt économique général, et qui peuvent être résumés de la
manière suivante :
-
l’égalité des citoyens dans l’accès, entendue comme l’interdiction de toute discrimination
injustifiable, et non comme une obligation d’uniformité ;
l’universalité de fourniture pour les services de base ;
la fiabilité, qui implique une prestation continue, régulière et ininterrompue ;
la participation des usagers, qui doivent jouer un rôle actif dans le développement des
services d’intérêt général ;
la transparence et l’information complète des usagers sur la prestation de services,
notamment sur les obligations de service public et les tarifs ;
la simplification des procédures et l’introduction de procédures internes de traitement des
réclamations introduites par les usagers, faciles à comprendre et à appliquer ;
la rentabilité et l’efficacité dans la prestation des services d’intérêt économique général ;
la qualité des services ;
le caractère adéquat du service presté, et l’adaptation à l’évolution des besoins collectifs et
aux résultats des progrès techniques et économiques ;
l’évaluation des résultats, notamment par la collecte d’informations sur la satisfaction des
usagers ;
la coopération entre prestataires, même si le service est fourni dans un cadre concurrentiel, en
vue de respecter ces principes ;
l’accessibilité financière, avec comme principe directeur le concept de ‘coût raisonnable’ ;
la prise en compte des exigences liées à la protection de l’environnement comme éléments
déterminants de la cohésion sociale et territoriale.
Le CESE ajoute un nouveau principe dit de ‘réversibilité’, qui implique, conformément au
principe de subsidiarité et à l’article 295 du traité, « la garantie pour les usagers des services que
toute situation de droit ou de fait installée fasse l’objet de la part des autorités des États
membres de remises en question périodiques », ainsi que « la possibilité pour les États membres,
62
leurs autorités régionales et locales, de rester libres de déterminer la manière dont ils souhaitent
organiser la fourniture des services d’intérêt général ».
Le CESE insiste sur la nécessité d’un socle commun d’obligations de service public ; il regrette
que « les obligations de service public recensées dans le Livre vert sont renvoyées aux États et à
leurs possibles interventions, alors que les responsabilités de l’Union sont peu développées (sauf
en matière de service universel, défini au niveau communautaire) ». L’Union doit assumer ses
propres obligations, en matière de promotion de la cohésion économique, sociale et territoriale
de l’Union, comme pour la réalisation des réseaux transeuropéens, la protection de
l’environnement, la santé ou la sécurité et la sûreté.
Selon le CESE, l’Union devrait davantage intégrer le caractère évolutif de la définition du
service universel, qui, jusqu’à présent, est trop resté figé dans son contenu de départ, alors que
les mutations technologiques et économiques sont nombreuses et rapides.
Enfin, le CESE estime que l’Union devrait engager une réflexion approfondie quant aux autres
secteurs pour lesquels elle « pourrait concevoir pour chaque citoyen une garantie d’accès aux
services d’intérêt général fondamentaux. » Il cite les exemples de l’eau et de l’assainissement, du
service bancaire de base ou encore du logement
II.
LES CONTRIBUTIONS À LA CONSULTATION PUBLIQUE
La consultation a donné lieu à l’envoi de très nombreuses contributions émanant d’organisations
très diverses venant de toute l’Europe114. Nous avons opéré un choix forcément toujours un peu
arbitraire : nous avons d’abord analysé les réactions des gouvernements nationaux ainsi que des
collectivités locales et régionales et de leurs associations. Pour ce qui est des contributions des
représentants de la société civile, nous avons surtout retenu celles émanant des organisations à
caractère social et des associations de consommateurs, qui nous ont paru apporter les éléments de
discussion les plus intéressants pour notre problématique115. Enfin, nous choisi de nous
concentrer sur les contributions venant des d’organisations européennes, sans nous attacher aux
contributions d’organisations ou d’entreprises nationales.
114
Toutes
les
contributions
ont
été
publiées
sur
le
site
du
secrétariat
général
(http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/index_fr.htm).
115
En particulier, les acteurs économiques ont en règle générale considéré qu’ils n’étaient pas concernés par la
distinction entre services marchands et non marchands.
63
1. Contributions des Etats membres
Les contributions envoyées par les gouvernements des Etats membres, dans l’ensemble, ne
consacrent guère de développements à la problématique qui nous occupe, à l’exception de celles
envoyées par la Belgique et la France.
Le gouvernement belge estime qu’il serait préférable de parler d’organisation ‘non for profit’
plutôt que d’organisation ‘sans but lucratif’. Cette qualification doit « en effet indiquer que le but
social de l’organisation ne réside pas dans la réalisation d’un profit maximal, mais bien dans
l’accomplissement d’objectifs à dimension sociale. Une saine gestion ou la réalisation éventuelle
de gains ne doit pas conduire à un estampillage ‘à orientation commerciale’. Plus important est
le réinvestissement des gains éventuels aux fins de développer plus avant les services d’intérêt
général. Le statut juridique d’organisation ‘sans but lucratif’ devrait être rendu plus clair »116
Pour leur part, les autorités françaises, dans la note qu’elles ont déposées, relèvent que le besoin
de clarification ne se fait pas vraiment ressentir pour les activités purement régaliennes, ou pour
celles qui se rattachent clairement à la solidarité nationale (protection sociale, services de santé,
culture ou éducation), mais bien pour la multitude de situations intermédiaires qui existent entre
ces activités et celles qui revêtent évidemment un caractère économique. Elles « appellent de
leurs voeux un débat sur l’ensemble des paramètres pertinents à prendre en considération, tels
que l'objet du service, son organisation et son mode de fonctionnement, le caractère lucratif de
l’activité, les conditions de la rémunération du prestataire, ou encore son degré d'autonomie visà-vis de la puissance publique (et) (…) insistent particulièrement sur la nécessité d’une
meilleure prise en compte des sujétions exorbitantes du droit commun qui pèsent sur certains
services. » A cet égard, elles contestent la tendance consistant à rechercher s’il existe des
services ‘comparables’ fournis ou susceptibles d’être fournis par des entreprises privées et
rejettent l’idée de comparabilité, « dès lors qu’il est avéré qu’une activité est poursuivie en
l’absence de but lucratif et en assumant des contraintes qui la rendent beaucoup moins
compétitive que les services qui pourraient être proposés par des opérateurs dans les conditions
normales du marché. » Enfin, elles estiment indispensable de préciser ce que recouvre la notion
de ‘marché’ employée pour déterminer le caractère économique d’une activité aux fins
d’application du droit de la concurrence
Par ailleurs, la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a déposé un rapport
d’information sur le Livre vert117. Il s’agit de la seule contribution provenant d’un parlement
national.
Ceci rejoint une remarque du gouvernement britannique qui souligne l’intérêt que présenterait une étude plus
détaillée de la position des ‘non for profit organisations’.
117
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 2003, n° 1010
116
64
Celle-ci insiste d’abord sur une nécessité de clarification, sur trois points:
-
-
-
le‘flou sémantique’ : la délégation regrette le refus de la Commission d’utiliser l’expression
de ‘service public’ et considère que multiplicité des concepts employés nuit manifestement
à la bonne compréhension des intervenants et à la bonne application du droit
communautaire ;
la ‘fragile distinction entre activités économiques et non économiques’ : le caractère
dynamique et en évolution constante de la distinction revient à soumettre le régime
juridique de nombreux gestionnaires de services publics à un éventuel revirement de
jurisprudence de la Cour. A cet égard, la délégation s’inquiète de l’ambiguïté d’une
observation figurant dans l’annexe du Livre vert selon laquelle ‘on pourrait toutefois
examiner s’il y a lieu de préciser les critères et les conséquences du financement solidaire
des régimes de sécurité sociale au niveau communautaire’ (point 62 in fine). Elle se
demande s’il faut y voir une volonté de remettre en cause le caractère non économique des
systèmes de sécurité sociale ;
le ‘vide juridique en matière de services publics locaux’ : l’approche sectorielle retenue
jusqu’à présent par la Commission prive de toute sécurité juridique les services d’intérêt
général pris en charge au plan régional et local. « Ces différents métiers ont en commun un
mode d’intervention spécifique sur le marché, qui ne peut être pleinement pris en compte
par les seules règles de la mise en concurrence : autorité publique composée d’élus dotés
d’une légitimité démocratique, activité centrée sur le développement d’un territoire,
proximité, décalage fréquent de moyens entre les collectivités territoriales et les grands
opérateurs susceptibles de leur proposer leurs services… » La délégation souhaite que soit
réaffirmé le principe de libre administration des collectivités territoriales, en vertu duquel
les collectivités territoriales doivent pouvoir choisir entre différents modes pour
l’exécution des compétences qui leur sont reconnues (gestion directe, ou par une entreprise
publique, mixte ou privée), ce qui n’exclut nullement des procédures de transparence et de
mise en concurrence.
Elle propose ensuite un socle minimal commun d’obligations, qui « pourraient être les
suivantes:
– égalité d’accès pour les usagers, en termes à la fois économique (prix abordables définis par
les Etats membres et, dans certains domaines, gratuité possible), social (interdiction de
discriminations fondées sur le statut social ou personnel) et territorial (égalité entre zones
géographiques) ;
– universalité destinée à assurer une couverture territoriale complète (ce principe ne doit être
mis en oeuvre qu’en tenant compte de la substituabilité entre les services, ce qui l’exclut,
par exemple, dans le domaine du gaz naturel) ;
65
– continuité, imposant une fourniture permanente ou régulière du service (excluant toute
interruption non prévue par la réglementation) ;
– qualité ;
– sécurité et santé des usagers, dans le respect des principes de prévention et de précaution ;
– adaptabilité, en fonction des besoins des utilisateurs et de l’environnement économique et
social ;
– qualification des personnels ;
– transparence en matière de fonctionnement et de financement ;
– garanties en termes de recours (procédures de réclamation et de recours pour les
utilisateurs). »
2. Les pouvoirs locaux
A. Associations à vocation générale
a) L’Assemblée des Régions d’Europe
L’ARE met en avant l’importance de la distinction entre services à caractère économique et non
économique et souligne que les services d’intérêt économique général sont souvent – en
particulier au niveau régional et local – fournis par des organismes à but non lucratif et des
organisations sociales. Elle est favorable à l’adoption d’une liste « d’activités typiques non
économiques, ne tombant pas sous le contrôle des subventions (qui pourrait comprendre les
activités des écoles publiques, des systèmes d’assurances sociales obligatoires et
d’organisations remplissant des missions sociales à but non lucratif) », qui pourrait apporter une
certaine sécurité juridique. Elle estime essentiel de poser en principe que des services sociaux
fournis par des organisations dont l’objectif premier n’est pas une activité économique, qui
fonctionnent selon des principes sociaux et démocratiques et servent l’objectif d’une solidarité
générale de société, ne peuvent être entravés.
b) Le Conseil des Communes et Régions d’Europe
Le CCRE commence par une critique de l’orientation générale du Livre vert, qui relègue les
services publics au rôle de ‘fournisseur de dernier ressort’ en cas de dysfonctionnement du
marché ou d’incapacité des forces du marché à fournir le service, alors qu’une autre approche –
au moins aussi valable – serait possible qui « inverse cette logique et affirme que le rôle positif
des autorités publiques est justement de satisfaire les besoins essentiels et les droits humains
fondamentaux des citoyens tout en tenant compte du rôle secondaire du marché et du secteur
privé. » Il estime aussi que le marché n’est pas le mieux à même d’assurer « la répartition
optimale des ressources au bénéfice de l’ensemble de la société dans de nombreux domaines tels
66
que la santé, l’éducation, les bibliothèques, le logement public, les services sociaux, et ce quels
que soient ses mérites à d’autres égards. Dans certains de ces domaines, le marché subvient aux
besoins d’une petite partie de la population totale. Pour atteindre la grande majorité des gens,
ou les plus défavorisées d’entre elles, le secteur public doit fournir le service, directement ou via
des fournisseurs externes. » Il regrette encore la préférence systématique donnée à la fourniture
de services par des organismes tiers, choisis au terme d’une procédure ouverte. S’il est vrai
qu’une évolution se dessine en ce sens pour certains services, cette pratique, à ses yeux, est loin
d’être universelle et, à quelques exceptions près, elle résulte de décisions volontaires, dans le
cadre d'un système démocratique de choix politiques au niveau local ou régional. Il considère
que le Livre vert aurait dû être plus équilibré.
Le Conseil s’inquiète aussi de la situation des services internes. Les définitions du Livre vert lui
paraissent ambiguës. Ainsi, s’agissant de la définition des services d’intérêt économique général,
comme étant « les services de nature économique que les États membres ou la Communauté
soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d’un critère d’intérêt
général », il déclare ne pas avoir beaucoup d’hésitation sur ce que recouvre l’expression
‘obligations de service public’, mais il s’interroge sur la portée de la phrase ‘en vertu d’un
critère d’intérêt général’. Il se demande aussi s’il faut donner la même signification à la notion
de ‘services (…) que les autorités publiques considèrent comme étant d’intérêt général’ utilisée
dans la définition des services d’intérêt général. Il comprend l’utilisation de ces expressions dans
le cadre de services fournis par des fournisseurs externes : il est alors logique de parler
d’imposition d’obligations de service public et de considérer que des services ont un intérêt
général. Mais, lorsque les services sont fournis en régie par des pouvoirs locaux et régionaux,les
gouvernements locaux ou régionaux « définissent des normes de service et de qualité, et des
budgets, mais ils ne considèrent pas habituellement que ces services ont un intérêt général (…)
et ils peuvent uniquement imposer des obligations de service public à eux-mêmes, pour autant
que l’on puisse considérer la définition de la spécification d’un service (dans le cadre d’une
compétence légale) comme étant l’imposition d’une obligation. Les expressions utilisées par le
Livre vert lui paraissent donc peu appropriées, s’agissant des services fournis en régie par des
pouvoirs locaux et régionaux. Selon le Conseil, ces problèmes de terminologie résultent du fait
que la Commission tente de transposer les termes utilisés pour les grandes industries de réseau à
l’énorme diversité des services publics, ou des services subventionnés par le secteur public, dans
d’autres domaines. Il en appelle à des définitions plus claires, qui permettent de comprendre dans
quelle mesure elles s’appliquent aux services publics fournis par les gouvernements locaux et
régionaux. Il estime que la Commission ne devrait pas écarter l’expression ‘services publics’, qui
est moins ambiguë que ‘service public’ au singulier.
Il relève aussi que les gouvernements locaux et régionaux fournissent une grande diversité de
services. Si certains services ont un caractère universel, en ce sens qu’ils concernent tous les
67
citoyens, si ceux-ci souhaitent y avoir recours, d’autres visent certaines couches de la population
à qui ils sont destinés spécifiquement (enfants défavorisés, personnes handicapées …) et leur
seule ‘universalité’ réside dans le fait que toute personne relevant de la catégorie en cause a le
droit de les utiliser si elle répond aux critères définis. Il se pose la question de savoir si ces
services ciblés sont des services d’intérêt général.
Une autre de ses préoccupations a trait à l’extension progressive des services de nature
économique par opposition aux services non économiques : « de plus en plus de services sont
considérés comme étant de nature économique et (…) dès lors, si une autorité publique fournit
ce type de service, pour des raisons sociales plutôt que lucratives, ce service est néanmoins
susceptible d’être défini comme un SIEG et non un SIG. » Il souligne que cet accroissement des
services économiques est dû « en grande partie à la croissance parallèle du nombre
d’entreprises du secteur privé qui offrent des services dans des domaines liés au service public. »
Il estime qu’il y a peu de cohérence et de logique dans les définitions actuelles dans les positions
du Livre vert : ainsi les services de santé sont considérés comme étant potentiellement
économiques, en raison du fait qu’il existe un marché pour certains services de santé ; mais ce
n’est pas le cas pour l’enseignement, alors qu’il existe là aussi un marché pour certains services,
via les écoles privées payantes118. Il propose de remplacer ‘économique’ par ‘commercial’. Il
estime que « la plupart des services publics universels – en particulier ceux fournis par les
pouvoirs locaux et régionaux – sont, par nature, des services d’intérêt général et non des
services d’intérêt économique général. Il s’agit de services fournis pour l’intérêt (public)
général et non pour l’intérêt économique général. Dans ces domaines, s’il y a un ‘marché ‘,
celui-ci ne constitue dans la plupart des cas qu’un modeste complément au service public
universel de base (santé privée, enseignement privé etc.), ou son existence s’explique uniquement
par des subventions publiques (l’autorité publique paie le secteur privé pour exécuter cette
tâche). » Ces services sont totalement différent « d’un service essentiellement commercial
(comme les télécommunications modernes), pour lequel l’imposition d’obligations de service
public est indispensable. »
c) Eurocities
Eurocities considère, comme d’autres intervenants, que l’expression ‘services d’intérêt
économique général’ ne fournit pas une base claire et non équivoque pour déterminer ce qui
entre dans le champ de la compétence communautaire car tous les services peuvent être
considérés comme potentiellement économiques. Il est dès lors difficile et peu utile de distinguer
quels services ont ou non un caractère économique. Il est plus important à ses yeux que les
Ces réflexions nous paraissent procéder d’une analyse ‘sommaire’ de la jurisprudence de la Cour, qui est plus
nuancée comme nous examiné ci-dessus.
118
68
termes utilisés par le traité et l’application qui en est faite soient cohérents avec le principe de
subsidiarité et avec les droits et responsabilités des pouvoirs locaux.
Il souligne aussi que le rôle des services d’intérêt général ne doit pas être seulement appréhendé
en termes économiques mais aussi sous l’angle de leur contribution à la cohésion sociale et
territoriale et au développement durable.
Enfin, il met l’accent sur l’importance cruciale de certains services de base, en particulier
l’éducation, la santé publique, les services sociaux et culturels, pour les droits fondamentaux du
citoyen : ils devraient être exemptés des règles en matière de concurrence et d’aides d’Etat.
B. Les associations à vocation spécifique119
a) La conférence des régions périphériques maritimes d’Europe (CRPM)
La CRPM souhaite une clarification qui permette d’établir une définition européenne claire et
précise des différents types de services d’intérêt général. Il distingue deux types de services
d’intérêt général : les services à caractère européen, caractérisés par l’existence de grands
réseaux d’infrastructures (énergie, transport, télécommunication et poste) pour lesquels il existe
un enjeu en termes de construction du marché intérieur et de mise en œuvre de la politique de
concurrence, et les services à caractère régional et local, essentiellement les services de
proximité à la population (éducation, santé, eau, déchets, transport régional et local, logement
…) qui sont le plus souvent gérés par des collectivités régionales et locales pour lequel le même
enjeu n’existe pas. Selon la CRPM, une intervention au niveau communautaire se justifie pour la
première catégorie mais beaucoup moins pour la seconde.
Elle exprime trois ‘revendications’. La première, commune aux deux types de services, a trait à
l’introduction de clauses dérogatoires aux règles générales de concurrence afin de permettre des
financements en compensation d’obligations de service public. La deuxième, spécifique aux
grands réseaux, porte sur « le maintien de leur caractère universel, d’une couverture totale de
l’ensemble du territoire et d’une péréquation tarifaire sur l’ensemble du territoire ». La
troisième, s’agissant des services locaux, est de « garantir aux collectivités régionales et locales
la liberté du mode opératoire (public, privé, mixte) dans le cadre de la mise en œuvre et du
respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité ».
Nous regroupons ici les régions périphériques, ultrapériphériques et les régions ‘défavorisées’, qui présentent
toutes certaines ‘particularités’ dont elles souhaitent qu’il soit tenu compte. L’association des régions
transfrontalières a aussi déposé une contribution, mais celle-ci  particulièrement courte  ne comprend aucun
élément intéressant pour notre problématique.
119
69
Cette dernière préoccupation est partagée par la conférence des Villes de l’Arc Atlantique, qui,
dans sa contribution, met l’accent, s’agissant de la situation particulière des services d’intérêt
général à caractère régional et local, sur deux principes :
-
-
d’une part, la liberté de définition des services d’intérêt général : les collectivités locales
doivent conserver la maîtrise des services qu’elles gèrent. C’est à elles qu’il appartient de
définir la consistance des missions et le niveau des services, qu’il s’agisse de qualité, de
performance économique ou de politique tarifaire ;
d’autre part, la liberté du mode opératoire, dans le cadre du principe de neutralité, par le biais
de structures publiques, privées ou mixtes.
b) La conférence des régions ultrapériphériques
Elle insiste sur l’importance particulière du concept de service universel dans les régions
ultrapériphériques (RUP). D’abord, « le principe de la tarification destinée à compenser les
coûts devrait s'appliquer avec des réserves dans les RUP ». Compte tenu notamment de la
dimension des marchés locaux et de certaines caractéristiques géographiques, le coût de la
fourniture des services essentiels y est plus élevé dans le reste du territoire européen et donc « le
maintien de prix et d’une qualité des services équivalents à ceux appliqués dans le reste de
l'Union nécessite une compensation économique » Ensuite, cette fourniture est « pénalisée par
des niveaux d'efficience très bas compte tenu des faibles économies d'échelle, de la dépendance
de l'approvisionnement extérieur des inputs productifs (des facteurs productifs et des matières
premières) et des coûts de transport. » Enfin, les investissements nécessaires pour maintenir la
compétitivité de ces territoires ne peuvent être assurés sans le soutien des autorités publiques, vu
le coût très élevé de ces infrastructures nécessaires et la réticence de certaines entreprises à
financer des investissements qui peuvent se révéler économiquement non rentables.
Selon elle, il n’est donc pas possible dans les RUP de se fonder uniquement sur le libre jeu des
forces de marché et, par conséquent, « les processus de privatisation et de libéralisation des
entreprises qui interviennent dans la provision des services dans ces régions, doivent être
conduits dans un cadre réglementaire et par l'imposition d'obligations de service public (OSP)
appropriés. »
c) L’association des élus de montagne (AEM)
Elle expose l’importance des services d’intérêt général pour le développement durable des
territoires de montagne et le maintien de la population dans les zones à handicaps naturels
permanents (auxquelles doit s’ajouter le ‘rural profond’). Les services d’intérêt général sont un
point essentiel de toute politique de ‘montagne’ qu’elle soit nationale ou régionale. Or, ils
connaissent dans les régions à handicaps naturels permanents en général, et en montagne en
70
particulier, un fort mouvement de recul qui touche les zones dépeuplées et en cours de
désertification.
L’AEM estime que le contenu du service d’intérêt général doit tenir compte de ces particularités.
Elle se prononce en faveur d’une définition large des services d’intérêt général, intégrant les
services économiques et non économiques. En effet, les expériences des territoires de montagne
en matière de services à la population prouvent que des services économiques privés ou des
services non économiques doivent être considérés comme des services d’intérêt général. Elle cite
l’exemple de la médecine privée (également appelée libérale) en montagne : « Les médecins de
montagne (en zone rurale ou en station touristique) effectuent très régulièrement les secours de
première urgence qui sont le fait d’organismes publics dans d’autres territoires. Le soutien des
collectivités territoriales est nécessaire pour l’installation de leurs cabinets et de leur
fonctionnement en raison des surcoûts immobiliers et fonciers et des difficultés liés à la forte
saisonnalité. En contrepartie de l’engagement de fournir un service à la population, des
solutions de soutien existent. Elles doivent être pleinement autorisées et exercées dans un cadre
juridique transparent et clair qui empêcherait tout abus. » Elle évoque aussi d’autres exemples,
comme les commerces de proximité ou les entreprises de taxi qui peuvent également avoir, dans
un certain contexte géographique, un rôle d’intérêt général.
L’AEM n’est pas favorable à une liste définitive de tous les services d’intérêt général dont les
services non économiques. Il lui semble à la fois préférable et plus simple de définir la question
de l’intérêt général en fonction du territoire auquel s’adresse ce service.
3. Les organisations représentatives des services d’intérêt général
A. Le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt
économique général (CEEP)
Il rappelle le caractère évolutif dans le temps et dans l’espace de la distinction entre services
économiques et non économiques, ce qui crée une insécurité juridique et un risque de
généralisation du droit de la concurrence à tous les services d’intérêt général. Il estime donc
important « de clarifier les concepts, références et critères utilisés, ainsi que les compétences de
l’Union, de façon à donner une visibilité et une sécurité économique et juridique à long terme. Il
serait utile de créer une liste de critères pour la distinction entre les services économiques
d’intérêt général et les services non économiques d’intérêt général dans laquelle on ne prendrait
pas seulement en compte la nature du service mais également la façon dont il est fourni, son
mode de financement (en particulier la proportion des coûts payés par l’utilisateur). Mis à part
les services d’intérêt général « classiques » fournis d'une manière souveraine et reconnus
comme des services non économiques d’intérêt général, une telle liste de critères devrait
71
également inclure les services dans les secteurs social, culturel et de l'éducation. » Il cite
plusieurs indicateurs qui pourraient caractériser les services non économiques d’intérêt général :
l’absence d’intention de faire des bénéfices, le financement en grande partie par les autorités
publiques, l’existence de raisons importantes pour lesquelles un service ne devrait pas entrer
dans les mécanismes du marché. A l’inverse, l'existence de marchés transfrontaliers à l'intérieur
de l'Union pourrait servir d'indicateur pour les activités économiques.
Le CEEP met ensuite l’accent sur la nécessité de reconnaître la « diversité des modes possibles
de gestion des services d’intérêt général : soit une gestion directe par l’autorité publique ellemême (service ou régie), soit mission donnée à une entreprise publique ou mixte dépendant de
l’autorité publique elle-même ou d'économie sociale et coopérative ou associative, soit
délégation à une entreprise pour une durée déterminée (concession) ; cette diversité doit
s’accompagner de la reconnaissance d’une réelle liberté de choix pour chaque collectivité
concernée, dans la transparence complète des objectifs et des moyens ; cette liberté doit être
compatible avec de réelles possibilités de réversibilité, si la collectivité désire changer de mode
de gestion. »
Le CEEP se réfère enfin la proposition de Charte des Services d’intérêt général qu’il a élaboré en
commun avec la Confédération Européenne des Syndicats, dont nous citons in extenso les
premiers articles :
« Dans une société démocratique, les services d’intérêt général ont un rôle fondamental visant à
garantir à tous les mêmes opportunités, la liberté de vivre d’une façon conforme à leur idéal de
bien-être, et la possibilité de participer pleinement à la vie de la société.
1 – Définitions
Un Service d’intérêt général est un service créé, organisé, ou régulé par une autorité publique
pour garantir que la fourniture du service est assurée dans les conditions qu'elle estime
nécessaires pour satisfaire aux besoins de la société.
Parmi les services d’intérêt général, les services d’intérêt économique général sont des activités
de service marchand remplissant des missions d’intérêt général et soumises de ce fait par les
autorités publiques à des obligations spécifiques.
2 – Motifs justifiant un Service d’intérêt général (SIG)
Les motifs de création d'un SIG peuvent être économiques et/ou sociaux.
Parmi les motifs économiques, on trouve généralement:
- le coût élevé de l'investissement nécessaire,
- la rareté du bien, ou d'éléments essentiels nécessaires à la production du service,
- le développement durable.
72
Parmi les motifs sociaux, on rencontre le plus souvent :
- la cohésion sociale, en réduisant les déséquilibres régionaux, et afin que chacun puisse
participer pleinement à la vie de la société,
- l’égalité de tous en ce qui concerne l’accès aux SIG et la satisfaction de leurs droits
fondamentaux,
- la lutte contre la discrimination sociale,
- l’équité économique par la péréquation tarifaire et/ou la mise en œuvre de tarifs sociaux.
3 - Caractéristiques des SIG
Les principaux critères qui caractérisent un service d’intérêt général sont :
- l’égalité d’accès, en évitant toute discrimination,
- la continuité de service,
- l’adaptabilité aux évolutions nécessaires.
Compte tenu de leur mission au service des citoyens, de l’intérêt général à court et à long terme,
et de l’objectif d’un développement durable économique, social et environnemental,
l’organisation et la gestion des SIG prend en compte les principes et les objectifs suivants, d’une
manière adaptée aux spécificités de chaque service :
- l’universalité,
- la sécurité,
- une tarification équitable,
- la qualité de service, dont le niveau doit être spécifié par l'autorité publique responsable,
- l'efficacité, qui doit être vérifiée de manière objective,
- le contrôle démocratique, la transparence et la responsabilité publique des décisions de
gestion, des résultats techniques et financiers, et du financement,
- la concertation, notamment avec les salariés et leurs syndicats, et avec les utilisateurs et
leurs associations représentatives.
4 – Application du principe de subsidiarité, et évolution
La définition d’un service d’intérêt général doit se faire, selon le principe de subsidiarité, au
niveau le plus approprié, et en complémentarité entre les différents niveaux européen, national
et local.
Par ailleurs, il incombe également aux autorités publiques de tenir compte des évolutions
technologiques et des nouveaux besoins dans la définition des missions et des obligations des
services d’intérêt général. »
73
B. Le Comité européen de liaison sur les Services d'intérêt général (Celsig)
Pour ce qui est de la distinction entre activités économiques et non économiques, le Celsig
s’inquiète d’une phrase du ‘non paper’ des services de la Commission intitulé ‘Services d’intérêt
économique général et aides d'Etat’ que nous avons déjà évoqué, selon laquelle « la présence
d’un élément de solidarité n’exclut pas nécessairement la possibilité d’exercer une activité avec
un profit …. ». Il souligne que, dans ces conditions, « il n’y a pas de limite au glissement
progressif vers le tout marchand, y compris pour les secteurs fonctionnant sur le principe de la
solidarité ou du don. Or, aucune société ne peut se construire et perdurer sans ces activités qui
échappent au marché, produisent des biens essentiels nécessaires pour que l’individu soit en
capacité d’exercer sa liberté et jouent un rôle social, culturel, civique, environnemental ainsi
qu’un rôle économique au sens large du terme. Si, par divers biais, sous prétexte d’activité
économique, les instances communautaires soumettent petit à petit toutes les activités humaines
aux règles de la concurrence, y compris celles financées sous forme de solidarité et de don ainsi
que toutes les activités à but non lucratif, ce sont les fondements même des sociétés nationales et
de la société européenne qui seront petit à petit sapés. » Le Celsig considère qu’il s’agit d’un
choix de société, qui devrait être fait par le futur constituant.
S’agissant de la définition d’ensemble des obligations liées aux services d’intérêt général, le
Celsig note que les traditions et cultures en la matière sont très diverses dans les Etats membres,
de sorte qu’il sera difficile de dégager une définition globale européenne ; il estime cependant
que, pour les services européens d’intérêt général, et dans le cadre des compétences de l’Union,
il est nécessaire d’élaborer une notion européenne de service d’intérêt général, avec une
définition communautaire.
4. Les acteurs de la société civile
A. Le bureau européen des consommateurs (BEUC)
Le BEUC considère que le concept de ‘service universel’ est plus approprié que celui de
‘services d'intérêt général’, du point de vue des consommateurs. Il le définit comme « un
ensemble défini de services minimums de haute qualité, accessibles à tous les utilisateurs
indépendamment de leur situation géographique et, en fonction des conditions nationales
spécifiques, à un prix abordable ».
Le BEUC se réfère à l’avis du Comité des consommateurs adopté le 6 décembre 1999, sur
l’introduction du concept de service universel dans les services d'intérêt général, qui a défini dix
principes sur lesquels la fourniture de services essentiels doit s'appuyer, à savoir :
74
« 1° Accès. L'accès s'articule autour de trois éléments
- Accès économique - Accès à un prix abordable. Le caractère abordable devrait être défini au
niveau national en collaboration avec tous les acteurs concernés. Cette définition doit
offrir à tous les citoyens un accès garanti au service universel. La définition doit être
publiée. Il incombe à chaque État membre de déterminer le niveau de tarifs jugé
abordable. Il est essentiel que les structures tarifaires soient transparentes et ne pénalisent
pas le consommateur en fonction du mode de paiement choisi (par exemple, ceux qui ne
paient pas virement bancaire).
- Accès physique - Indépendamment du handicap ou de l'âge.
- Accès géographique - Indépendamment du lieu. Des normes de qualité devraient assurer un
accès approprié aux différentes structures culturelles et organisationnelles.
2° Choix. Les consommateurs souhaitent disposer du plus grand choix de services et, dans la
mesure du possible, de fournisseurs de services. Ce choix sera élargi par des normes assurant le
libre accès à la technologie et aux infrastructures. Il conviendrait également de garantir aux
consommateurs le choix total des modes de paiement et notamment la liberté de payer en liquide,
sans frais.
3° Transparence et information complète. Une information claire et comparable sur les tarifs ;
clarté des factures des ménages ; modalités et conditions de fourniture; droits des
consommateurs ; réglementation; propriété ; activités d'entreprises. Transparence des processus
décisionnels des gouvernements et des instances de réglementation dans l'élaboration et le
financement des exigences de service universel, ainsi que des coûts de fourniture de services
universels par les entreprises.
4° Qualité. Elle suppose des obligations de base garantissant la qualité physique des produits
fournis et la qualité de la prestation servie aux consommateurs. Les obligations doivent couvrir
des aspects comme la fiabilité et la continuité des services; les options de paiement; le traitement
des plaintes; le règlement des litiges; la communication avec les consommateurs. Publication
régulière d'indicateurs de qualité et enquêtes sur la satisfaction des consommateurs au regard
des services fournis dans tous les secteurs pour défendre la qualité dans le temps.
5° Sécurité. Sécurité physique des services.
6° Continuité et fiabilité. Assurer des services continus et fiables. Cela implique la nécessité
d'une protection contre la déconnexion. Si cette déconnexion est autorisée, des procédures
équitables devraient être mises en place spécifiant les circonstances et modalités précises.
7° Équité. Une concurrence loyale et réelle est essentielle entre les fournisseurs de manière à
garantir un système uniforme entre tous les opérateurs/fournisseurs, et notamment un accès
équitable aux infrastructures. L'accès des consommateurs aux services sera facilité par des
normes permettant une concurrence loyale et par une normalisation assurant la liberté de cet
accès.
75
8° Organismes indépendants de réglementation. Mise en place d'organismes de réglementation
indépendants des gouvernements et des entreprises, disposant de ressources appropriées, de
pouvoirs de sanction et de tâches clairement définies. Il est vital que les associations de
consommateurs participent activement aux décisions concernant les consommateurs.
9° Représentation et participation active. Des dispositions juridiques doivent être arrêtées pour
permettre la consultation systématique d'organisations et la participation active des
consommateurs aux processus décisionnels. Les fournisseurs de services devraient être
encouragés à consulter des représentants de consommateurs dans les phases de décision. Même
si les structures nationales de représentation peuvent varier, le principe fondamental de
l'indépendance doit être une condition sine qua non.
10° Recours. Mise en place de systèmes gratuits et conviviaux de traitement des plaintes;
mécanismes d'indemnisation; règlement impartial des litiges irrésolus. »
Le BEUC y ajoute un principe supplémentaire qui est la prévention des effets écologiques et
sociaux négatifs, par l’adoption de règles de concurrence qui intègrent les préoccupations
environnementales et sociales.
Il déclare attacher une importance particulière à deux aspects :
-
-
le premier est ‘l’abordabilité’ : il est nécessaire de clarifier et d'harmoniser le concept et la
mise en oeuvre de l’abordabilité au niveau communautaire, avec notamment des principes
tarifaires communs. De plus, afin de garantir des services abordables pour tous les
consommateurs européens, il n'est peut-être pas souhaitable d'introduire une tarification qui
reflète complètement les coûts, aussi longtemps que les forces de la concurrence ne
conduisent pas à une réduction des prix
le deuxième est la sécurité et la fiabilité de la prestation : des clauses en termes d'accès aux
services universels et/ou planification adéquate des entreprises en amont devraient être
définies. Des mesures devraient en particulier être prises afin d'obliger les Etats membres
et la Commission à surveiller de près l'équilibre entre l'offre et la demande et au besoin à
lancer des appels d'offres publics pour la création d'une nouvelle capacité de production.
B. Les syndicats
a) La Fédération européenne des syndicats des services publics
La FSESP met l’accent sur le caractère de plus en plus flou de la distinction entre services
d’intérêt général économiques et non économiques est de plus en plus floue, ce qui comporte, au
moins potentiellement, le risque qu’un nombre croissant d’activités soient considérées comme
étant de nature économique. Elle soutient l’idée d’établir un catalogue indicatif des critères
76
permettant de décider si un service doit ou non satisfaire aux normes de concurrence. A cet
égard, il serait important de considérer non seulement le contenu d’un service mais aussi ‘sa
forme de fourniture’ et de se concentrer sur des critères tels que les objectifs sociaux et
environnementaux, les aspects de solidarité, l’absence de but lucratif, les investissements
éthiques, le financement public, l’efficacité à long terme et le coût macroéconomique.
b) L’Union européenne des travailleurs démocrates-chrétiens120
L’UETDC estime que « la distinction entre services d'intérêt économique général et d'autres
services doit être clarifiée à l'aide d'un standard plus adéquat que la ‘commercialité’ » Le rôle
du non marchand doit non seulement être établi mais également « pleinement reconnu, apprécié,
protégé et promu », spécialement dans l'enseignement, les soins de santé et les services sociaux.
Elle souligne que les services d'intérêt économique général doivent être appréciés « sous un
angle d'attaque à la fois économique, social et écologique. L'élément économique renvoie vers
une appréciation globale des pertes et profits. L'élément social renvoie à l'emploi, aux
conditions de rémunération, aux conditions de travail et à la sécurité d'existence. L'élément
écologique renvoie notamment à l'émission de gaz de serre (transport routier de marchandises),
au bruit et odeurs (circulation routière), aux nuisances afférentes à la vue (câbles, mats,
éoliennes), aux déchets (énergie nucléaire), à la pollution des eaux par les déversements et à la
pollution du sol par le dépôt d'immondices. Des critères culturels aussi, comme le langage utilisé
dans les médias, ont un rôle à jouer dans l'appréciation des obligations de service public. »
Elle définit enfin comme obligation de service public dans les services d'intérêt général en réseau
« la sécurité d'approvisionnement (pour le secteur énergétique), la protection de
l'environnement, la disponibilité, l'accessibilité, la payabilité, la protection des consommateurs,
l'interconnectivité, l'interopérabilité et le pluralisme (dans le secteur médiatique). »
C. Les organisations du secteur non marchand
a) ETWelfare121
Il rappelle que les services sociaux privés non lucratifs font partie des services d’intérêt général,
qu’ils ont des spécificités tenant à leurs finalités et à leurs modes d’organisation, et que ces
120
Contribution intitulée « Les services d'intérêt général – Un concept important pour les hommes et les entreprises.
Pour des réglementations cadre européennes reliant des critères économiques, sociaux et régionaux »
121
Groupement européen d’intérêt économique dont l’objet est de promouvoir les préoccupations communes des
associations européennes et nationales de solidarité, et en particulier celles des organisations privées non lucratives
prestataires de services sanitaires et sociaux.
77
spécificités ne sont pas suffisamment prises en compte dans le Livre vert. Il souligne que « les
services sociaux privés non lucratifs s’attachent à :
-
garantir les droits sociaux des personnes pour leur pleine intégration dans la société,
mettre en oeuvre des services centrés sur la personne et sur ses besoins spécifiques, en
prenant en compte les besoins de chacun, dans le respect de sa dignité.
pour garantir l’effectivité des droits des personnes, les services sociaux privés non lucratifs
intervenant dans le champ de la santé et de l’action sociale sont conduits à mettre en
oeuvre des activités pouvant avoir un impact économique et être affectées, de ce fait, par la
législation communautaire, et en particulier par les règles de la concurrence et du marché
intérieur. »
Il souligne que toute législation visant à clarifier la nature juridique et le régime applicable aux
activités exercées par les services sociaux privés non lucratifs devrait prendre en compte non
seulement la nature de l’activité, mais aussi sa finalité, qui est de garantir l’effectivité des droits
sociaux des personnes.
b) La ligue des droits de l’homme
Elle considère que, plutôt que d’évoquer la notion d’‘obligation’, il serait préférable d’utiliser le
terme ‘mission’ qui revêt un caractère beaucoup plus positif et ouvre des perspectives plus larges
à la notion d’intérêt général. Dans ce sens, elle observe que ces missions « doivent, autant que
leurs utilisateurs directs, satisfaire et valoriser la collectivité (ce que n’évoque pas le Livre vert),
en termes d’attractivité du territoire, d’aménagement urbain et du territoire, d’environnement, etc
; ces missions en faveur de la collectivité doivent être prises en compte, même si leur coût est
difficilement estimable »122 Enfin, au même titre que la satisfaction des utilisateurs et celle de la
collectivité, il serait indispensable de considérer la nécessité d’assurer pleinement la sécurité des
salariés, d’autant plus que certaines de ces activités peuvent être particulièrement dangereuses
(électricité, gaz, transports collectifs).
Elle souligne aussi que, « parmi les services publics en réseau, l’eau revêt le caractère le plus
vital et donc le plus chargé d’intérêt général. C’est celui dont la mission de service public est la
plus impérative. Il est anormal de l’éliminer d’office des réflexions du Livre vert sous prétexte
qu’il n’est qu’un service local, alors qu’il est au contraire souvent géré au niveau d’un bassin,
d’une région ou au niveau national, et que son caractère éminemment public devrait faire partie
des préoccupations communautaires. De plus, les collectivités publiques accordent souvent pour
l’eau des délégations de service public à des sociétés multinationales et multiservices
La même remarque, formulée dans les mêmes termes, figure aussi dans la réponse de l’association internationale
des techniciens, experts et chercheurs au Livre vert.
122
78
susceptibles de pratiquer l’asymétrie de l’information au détriment de celles-ci. Il s’agit d’un
problème d’intérêt général à traiter comme les autres »123
c) La Conférence européenne permanente des coopératives, mutualités, associations et
fondations
Elle souhaite une clarification des notions de services marchands et non marchands 124. Eu égard
à la difficulté de définir ces notions de façon exhaustive et au risque que supposerait une
approche figée et restrictive, elle propose que cette définition soit bâtie grâce à un faisceau
d’indices, méthode qui consiste à établir une liste indicative de critères dont on vérifie s’ils sont
remplis par l’organisation concernée de façon significative, sans qu’il y ait obligation de
respecter l’intégralité d’entre eux. Ce faisceau devrait être établi au plan européen.
Elle suggère une première liste indicative de critères, « dont la permanence devra être vérifiée
dans le temps, de l’existence d’un service non marchand :
– existence ou non d’un marché (dans une zone donnée, dans des conditions données), sur
lequel existe une concurrence,
– rentabilité ou non,
– caractère onéreux ou non des prestations rendues,
– subvention accordée par la puissance publique,
– réponse à un besoin fondamental ou un droit de la personne humaine,
– domaine d’intervention considéré comme régulé de façon particulière,
– gestion au niveau local, sans influence sur les échanges communautaires,
– existence de bénévolat ou de dons,
– rémunération fixée ou non comme une contrepartie du service rendu,
– permanence de la plupart de ces éléments dans la durée,
– la cohésion sociale,
– le contrôle démocratique,
– l'aménagement du territoire,
– le développement durable et
– la mise en oeuvre du principe de solidarité »
d) Le Comité européen des associations d’intérêt général (CEDAG)
Le CEDAG souligne que bon nombre de services non spontanément qualifiés d’‘économiques’
tombent sous le coup de ces dispositions du traité, de sorte que le plus important est dès lors de
123
Idem.
79
mieux prendre leurs spécificités en considération. A cet égard, il appuie la proposition de
recourir à la méthode dite du ‘faisceau d’indices’, faite par la Conférence européenne
permanente des coopératives, mutualités, associations et fondations125.
Il ne plaide pas pour une exemption générale des services organisés sous ces formes juridiques
particulières, mais pour une meilleure prise en compte du contexte dans lequel ils exercent leurs
activités. Il rappelle qu’étant, par nature, d’‘intérêt général’, ces services ne peuvent être évalués
exclusivement en termes d’effets sur leurs ‘utilisateurs’ ou ‘consommateurs’ (un terme qu’à ses
yeux il conviendrait d’ailleurs d’éviter), mais également sur l’ensemble d’une population.
Le CEDAG regrette le traitement superficiel des questions liées à l’économie sociale en général,
et des organisations sans but lucratif, ou ‘non-profit organisations’, en particulier. Il rappelle
qu’outre les services dits ‘sociaux’ au sens strict – qui ne se limitent d’ailleurs pas à la seule
protection sociale – elle joue également un rôle stratégique dans un domaine crucial en vue de
l’objectif de Lisbonne, à savoir l’enseignement et la formation.
S’agissant de la définition commune des obligations inhérentes aux services d’intérêt général, il
est essentiel, selon le CEDAG, d’inclure d’autres critères et notamment « l’égalité d’accès, la
solidarité, le contrôle démocratique, la cohésion sociale, l’aménagement du territoire et le
développement durable ».
Ces critères pourraient être appliqués aux services sociaux, définis comme visant « une catégorie
d'organismes privés à but non lucratif, à statuts variables selon les États, - associations;
fondations- dont la vocation est d'agir dans le champ de la santé et de l'action sociale sans
s'interdire d'accomplir, le cas échéant, des actions économiques subordonnées à leurs fins
sociales essentielles. » Le CEDAG cite à titre d’exemple, d’une part ‘les structures d’insertion
par l’économique’ (ateliers protégés, centres d’aide par le travail, coopératives sociales), d’autre
part, les structures d’aide à domicile (aides ménagères, assistantes familiales, gardes d’enfants).
e) Le Réseau européen d’action sociale
Il regrette que la Commission ait concentré l’essentiel de ses réflexions sur les seules ‘grandes
industries de réseau’ et ait trop fondé celle-ci sur la notion de ‘marché’, ce qui fait que « les
organisations qui fournissent des services sociaux ou sont engagées dans l’action sociale ne se
retrouvent apparemment pas dans ce débat ».
124
125
On retrouve une demande similaire dans la contribution d’EUROCOOP.
Voir le point c) ci-dessus.
80
Il souligne « qu’il existe de nombreuses activités humaines qui ne relèvent pas de la logique
économique :
- celles où la demande ne s’exprime pas (c’est le cas des personnes en situation d’exclusion ou
des publics non solvables),
- celles n’exigeant pas de relation marchande,
- celles d’ordre collectif qui répondent à un besoin non mis en oeuvre par le marché: protéger
l’environnement, réduire les inégalités, aider les handicapés, mettre en oeuvre les droits de
l’homme, les actions de solidarité, maintenir la sécurité, faire respecter le droit, la justice
etc. »
Il considère que la distinction entre services de nature économique et services de nature non
économique est artificielle. En effet, les organisations qui exercent des activités liées à la
fourniture de services sociaux sont à l’évidence économiquement actives, si l’on comprend le
terme "économique ", dans un sens large. La difficulté réside dans le fait que « les services privés
non lucratifs se situent dans une économie ‘mixte’, relevant à la fois de l’économie marchande,
de l’économie non marchande, et de l’économie non monétaire ». La question qui se pose est
plutôt celle de l’interrelation entre les deux dimensions, marchande et non marchande.
Il propose aussi une autre approche de la notion de service d’intérêt général, fondée sur la notion
de ‘besoin’, qui est plus large que celle de ‘demande’ et permet de compléter l’approche
économique dominante par une orientation sociologique126. « Bien qu’elle comprenne les besoins
individuels, cette notion prend aussi en considération:
(a) Les droits fondamentaux, en particulier les droits sociaux et économiques ainsi que le rôle
souvent complémentaire des services sociaux d’intérêt général dans les systèmes de sécurité
sociale.
(b) La satisfaction des besoins fondamentaux, nécessaires à toute vie, dont sont -ou serontprivés d'accès une partie des citoyens par manque de ressources financières suffisantes ou par
manque d'information
(c) Le développement de la société dans sa globalité, incluant les critères précités : sécurité
socioéconomique, inclusion et cohésion sociale, éducation à la citoyenneté ».
Il estime que, contrairement à l’approche de ceux qui assoient la légitimité d’un besoin sur
l’existence d’un marché, « il existe des activités visant à satisfaire des besoins non rentables
mais légitimes en termes de respect de la dignité de la personne humaine, et ainsi d’intérêt pour
la société. » et que les services sociaux sont ceux qui cherchent à répondre à de tels besoins. Les
services sociaux sont à la fois les moyens que les politiques sociales, émanant des Etats, mettent
81
en oeuvre pour que leurs ressortissants aient accès aux besoins fondamentaux et les moyens que
la société civile, à travers ses associations, se donne pour répondre aux politiques sociales mais
aussi pour les compléter, les améliorer voire les transformer.
III. Les réponses du Livre blanc
1. Services économiques et non économiques
Le Livre blanc souligne l’intérêt que le Livre vert a suscité dans le chef des parties concernées
par le domaine des services sociaux, qui recouvrent notamment les services de santé, les soins de
longue durée, la sécurité sociale, les services de l'emploi et le logement social. Ces intervenants
ont notamment mis l’accent sur le fait que « le caractère personnel de nombreux services
sociaux et de santé conduit à des exigences très différentes de celles qui s'appliquent aux
industries de réseau » ; ils ont également souhaité une clarté et une prévisibilité accrues,
« nécessaires pour assurer une évolution sans heurts des services sociaux, y compris les services
de santé ».
Il reconnaît l’importance des services sociaux d'intérêt général, en tant que partie intégrante du
modèle européen de société : « En vertu du principe de solidarité, les services sociaux et de
santé d'intérêt général sont centrés sur la personne, ils assurent aux citoyens la possibilité de
bénéficier effectivement de leurs droits fondamentaux et d'un niveau élevé de protection sociale
et renforcent la cohésion sociale et territoriale. »
Il confirme que les règles communautaires peuvent avoir une incidence sur les instruments de
mise en oeuvre et de financement de ces services, mais considère qu’« une reconnaissance claire
de la distinction entre les missions et les instruments devrait favoriser une clarté accrue en vue
de la modernisation de ces services dans un contexte marqué par l'évolution des besoins des
usagers, tout en préservant leur singularité liée à des exigences particulières, notamment en
matière de solidarité, de collaboration bénévole et d'insertion de groupes de personnes
vulnérables ». Il ajoute que « la clarification de cette distinction aidera en particulier les États
membres qui utilisent des systèmes marchands pour la fourniture des services sociaux et de santé
à mesurer à l’avance les effets que pourraient avoir sur ceux-ci le droit de la concurrence de
l'Union européenne. » Mais, il considère enfin que « il ressortira bien entendu du choix politique
des États membres de recourir à de tels systèmes ou d'assurer les services directement par
l'entremise d'organismes d'État financés par l'impôt. »
126
Cette référence à la notion de besoins se retrouve aussi dans Les notes de la fondation Jean Jaurès, n°35,
« Promouvoir un nouvel équilibre entre besoins et marché en Europe et dans le monde » du juillet 2003.
82
Le Livre blanc conclut « qu'il est utile de développer une approche systématique afin d'identifier
et de reconnaître les particularités des services sociaux et de santé d'intérêt général et de
clarifier le cadre dans lequel ils fonctionnent et peuvent être modernisés. » Il annonce la
présentation dans le courant de l’année 2005 d’une communication sur les services sociaux
d'intérêt général, y compris les services de santé, qui décrira l'organisation et le fonctionnement
des services sociaux et de santé dans les États membres et dressera l'inventaire des politiques
communautaires ayant un rapport avec la fourniture des services sociaux et de santé d'intérêt
général.
2. Services publics locaux
Face aux inquiétudes exprimées notamment par les pouvoirs locaux, le Livre blanc se borne à
réaffirmer que « la Commission respecte le rôle essentiel des États membres et des autorités
régionales et locales dans le domaine des services d'intérêt général. Ce rôle trouve son reflet
dans les politiques communautaires relatives aux services d'intérêt général, qui se fondent sur
divers degrés d'action et sur le recours à différents instruments dans le respect du principe de
subsidiarité. »
3. Contenu du service d’intérêt général
S’agissant de la définition d’un socle commun d’obligations inhérentes aux services d’intérêt
général, le Livre blanc met l’accent sur trois thèmes :
A. « Assurer la cohésion et l'accès universel »
Le Livre blanc confirme que l’accès de tous les citoyens et entreprises à des services d'intérêt
général de qualité et abordables sur l'ensemble du territoire des États membres « est essentiel
pour favoriser la cohésion sociale et territoriale de l'Union européenne, y compris la réduction
des handicaps provoqués par l'accessibilité réduite des régions les plus isolées. La Commission
est déterminée à promouvoir un accès universel effectif aux services d'intérêt général, ainsi qu'à
améliorer cet accès, au travers de l'ensemble de ses politiques. »
Il réaffirme à cet égard l’importance de la notion clé qu’est le service universel : « Il instaure le
droit de chacun à avoir accès à certains services jugés essentiels et impose aux prestataires de
services l'obligation de proposer des services définis à des conditions spécifiées, parmi
lesquelles une couverture territoriale complète et un prix abordable. Le service universel est une
notion dynamique et flexible, et s'est révélé un filet de sécurité efficace pour ceux qui, sinon, ne
pourraient se procurer des services essentiels. Il peut être redéfini périodiquement pour
s'adapter au contexte social, économique et technologique. Cette notion permet de définir des
principes communs au niveau communautaire et de laisser la mise en oeuvre de ces principes
83
aux États membres, chacun d'entre eux pouvant ainsi tenir compte de sa situation spécifique,
conformément au principe de subsidiarité. »
B. « Maintenir des niveaux élevés de qualité et de sécurité »
La Commission reconnaît la nécessité de fournir à tous les citoyens et usagers des services
d'intérêt général de qualité, de garantir la sécurité physique des consommateurs et des usagers, de
toutes les personnes intervenant dans la production et la fourniture de ces services, ainsi que du
grand public, et d’assurer la sécurité de la fourniture des services, en particulier la sécurité
d'approvisionnement. Elle souligne à cet égard que les conditions de fourniture des services
doivent offrir aux opérateurs des incitations suffisantes pour maintenir des niveaux adéquats
d’investissement à long terme.
C. « Garantir les droits des consommateurs et des usagers »
Le Livre blanc affirme encore que la fourniture des services d'intérêt général doit être organisée
de manière à garantir aux consommateurs et aux usagers des droits importants. Il met en avant
quelques principes essentiels : accès aux services, notamment transfrontaliers, sur tout le
territoire de l'Union et pour tous les groupes de population, accessibilité financière des services,
y compris des régimes spéciaux pour les personnes à faible revenu, sécurité et fiabilité,
continuité, qualité élevée, choix, transparence et accès aux informations des fournisseurs et des
régulateurs.
SECTION VI. LES APPORTS DE LA DOCTRINE
La doctrine n’apporte guère d’éclaircissements quant à la distinction entre services marchands ou
économiques et services non marchands ou non économiques. La plupart des auteurs se bornent
à paraphraser la jurisprudence de la Cour de justice. Ils soulignent aussi le caractère contingent
de cette distinction. Ainsi G. Marcou 127 note-t-il « à vrai dire, en dehors de la défense nationale,
aucun secteur (…) n’est insusceptible d’une exploitation marchande, et le régime économique
qui s’y applique dépend beaucoup plus des choix politiques et du cadre juridique que de la
nature de l’activité. Non seulement il s’est développé un marché de la sécurité en dehors de la
sécurité qu’assurent les forces de police, mais la question de la privatisation du contrôle aérien
est en discussion, sous la pression, notamment, des compagnies aériennes (…), alors que, selon
la Cour de justice des Communautés européennes elle-même, ‘l’exercice de prérogatives
relatives aux contrôles et à la police de l’espace aérien, qui sont typiquement des prérogatives
de puissance publique’, ‘ne présente pas un caractère économique’. »
Contribution de synthèse « De L’idée de service public au service d’intérêt général », in L’idée de service public
dans le droit des Etats de l’Union européenne », Editeurs Franck Moderne et Gérard Marcou, L’Harmattan, 2001
127
84
I. La notion de service d’intérêt général
Gérard Marcou nous paraît avoir apporté une contribution particulièrement importante à une
clarification de la notion de service d’intérêt général et nous nous permettons donc d’en
reprendre les éléments les plus importants.
« La diversité des interprétations juridiques de la réalité et des rapports sociaux fixés par le
droit, ne doit pas faire oublier que toutes les sociétés connaissent la socialisation d’un certain
nombre de fonctions, qui, à un moment donné, sont jugées indispensables alors qu’elle ne
paraissent plus pouvoir être satisfaites par la famille, plus ou moins largement comprise, par les
institutions religieuses ou par les activités économiques privées sur le marché. C’est en raison
de la capacité de ces institutions, familiales, communautaires, religieuses ou économiques, à
répondre ou à ne pas répondre à ces fonctions que naissent les institutions juridiques par
lesquelles le besoin de socialisation trouve une réponse politique, c’est-à-dire une réponse qui
est apportée par l’Etat. C’est ce qui constitue le domaine du service public, entendu dans un
sens matériel.
(…)
Telle est la base de l’idée de service public dans les Etats de l’union européenne. Comme telle,
elle est présente dans tous les systèmes juridiques nationaux, mais à des degrés et sous des
formes très différentes, sous la notion même de service public, ou sous d’autres notions
juridiques, ou encore de manière diffuse et sans que les règles particulières que l’on peut
identifier comme expression positive de l’idée de service public aient donné lieu à une
quelconque conceptualisation.
(…)
Dans les grandes lignes, le domaine des services publics, au sens matériel, varie peu d’un pays à
l’autre ; on pourrait en dresser le tableau suivant :
- la défense nationale et la justice ;
- la police et la sécurité ;
- l’assistance, et la protection sociale ;
- le logement social ;
- les communications, depuis les routes (bien qu’il s’agisse davantage d’une affectation au
public en général que d’un service public à proprement parler) et la poste, depuis
longtemps, jusqu’aux moyens modernes de transports collectifs et aux télécommunications
aujourd’hui ;
- la production et/ou la distribution d’eau, d’énergie ;
- l’assainissement ;
- l’enseignement ;
- la culture et la science ;
- la santé. »
85
(…)
Le domaine du service public ne peut être caractérisé ni comme relatif à des activités hors
marché, ni par un régime de monopole, ni par référence à la notion économique de bien public,
impuissante à en fixer les limites, ni par l’intérêt général auquel il répond car cet intérêt général
peut être poursuivi par d’autres procédés. Mais, de l’ensemble des activités pour lesquelles
l’appartenance au domaine du service public n’est guère discutée, et des régimes juridiques très
divers auxquels elles sont soumises, y compris en cas d’ouverture à la concurrence, il se dégage
qu’elles se distinguent des autres activités par le fait que la puissance publique détermine
l’offre, c’est-à-dire les caractéristiques du service offert et les conditions auxquelles il doit être
offert. Par ce moyen, la puissance publique détermine le niveau de satisfaction de besoins
qu’elle reconnaît comme essentiels et elle met en œuvre des techniques d’intervention permettant
d’assurer une offre conforme à cet objectif. Dans certains cas, cela conduit à placer le service en
cause hors marché (par exemple, l’enseignement primaire élémentaire et secondaire dans la
plupart des Etats membres, à l’exception d’un secteur privé libre – c’est-à-dire non subventionné
– en général peu important) ; dans d’autres cas, à établir un monopole sur le marché (par
exemple pour le transport ferroviaire de voyageurs) ; dans d’autres cas encore, le secteur étant
ouvert à la concurrence, l’Etat ne peut plus déterminer le niveau de l’offre, mais il en contrôle
encore les caractéristiques et les conditions auxquelles est subordonnée l’entrée sur le marché
d’une entreprise nouvelle. »
II. Contenu du service d’intérêt général
Ici c’est un article de Wouter Devroe128 qui a retenu notre attention par la qualité de son analyse
du concept de service universel. Nous citons donc quelques extraits de son étude.
« Le droit communautaire définit le SU comme « un ensemble minimum (bien défini) de services
d’une qualité bien définie qui est disponible pour les usagers, quelle que soit leur position
géographique, à un prix raisonnable en fonction des circonstances nationales spécifiques ».
Cette définition (…) comporte au moins quatre éléments.
(i) « ensemble minimum de services » : l’étendue du SU
On exige une sélection de services qui sont tellement essentiels pour la vie sociale des citoyens
qu’ils doivent se trouver à disposition de façon universelle. Il s’agit d’une sélection difficile,
compte tenu de la diversité des formes, des variétés et des quantités des produits disponibles. On
considère par exemple que dans notre société l’eau doit être disponible de façon universelle.
Mais de quelle quantité un citoyen doit-il disposer pour vivre normalement ? Le droit de se laver
une fois par jour est sans doute généralement reconnu, le droit de laisser couler le robinet « à
86
des conditions raisonnables » pendant des journées entières, certainement pas. Distinguer entre
l’essentiel et le non essentiel est une tâche subjective (politique) et évolutive.
(ii) « disponible pour tous les usagers, quelle que soit leur position géographique ».
C’est une interdiction de l’exclusion, une correction au mécanisme d’un marché libéré. Le
concept SU est redécouvert (voir ci-dessous) comme moyen de s’opposer à l’exclusion, comme
moyen de correction d’un marché libre sans contrainte. Il ne faut pas songer uniquement à
combattre l’exclusion due à l’éloignement des régions, mais aussi l’exclusion sociale qui
coïncide avec la force financière limitée de certains groupes d’usagers (voir aussi ci-dessous sur
l’élément prix).
(iii) « une qualité définie » : l’élément qualitatif
A la place de services d’une qualité bien définie, la Commission parle ailleurs de prestations et
de services de « bonne qualité » ou de « haute qualité » (…). Cette description est meilleure car
des services de moindre valeur ont aussi une « qualité définie ». La « qualité » est d’ailleurs un
concept large, qui peut concerner aussi par exemple les normes de sécurité et d’environnement.
(iv) »un prix raisonnable » : l’élément prix
A la place de cette expression, la Commission parle aussi ailleurs de ‘prix payables pour tous’,
ce qui exprime mieux les intentions poursuivies (…)
Aussi important que ce qui est dit dans la définition, est ce qui n’est pas dit.
(i) La définition exige effectivement que le « paquet » minimum de services soit disponible mais
ne se prononce pas sur la manière dont ce résultat doit être atteint ni sur la qualité du
fournisseur de services. Il ne résulte ni de la définition qu’un seul fournisseur de service devrait
être désigné, ni a fortiori que ce devrait être un « monopoliste » ou une entreprise publique.
On ne peut non plus en déduire qu’il faudrait imposer aux prestataires de services existants des
obligations d’agréation (des non-agréés peuvent être également servis via un fonds) ou d’autres
obligations. Aussi longtemps que le fonctionnement normal du marché garantit à tous les
utilisateurs un paquet minimum de bons services à un prix raisonnable, les conditions de la
définition sont pleinement satisfaites. Ce n’est que si ce n’est plus le cas, qu’une intervention
s’impose.
(ii) La définition n’impose pas non plus que le paquet minimum de services demandés soit mis à
la disposition par des assujettis nationaux. Il est pensable qu’un Etat membre assure le service
universel des postes ou des télécommunications par une entreprise étrangère.
(iii) La définition parle d’ « utilisateurs » et non pas seulement de personnes physiques.
(iv) La définition exige, il est vrai, un « prix raisonnable » mais non pas un prix qui est le même
pour tous et partout. Concrètement la définition n’exclut pas par exemple que les habitants des
communes rurales paient plus que les citadins pour leur liaison au câble mais paient moins pour
L’accès aux services financiers : analyse sur base du concept de « service universel », in L'accès aux services
d'intérêt économique général, sous la direction de Jacques Vandamme et Stéphane Rodrigues - Aspe - Collection
128
87
leur assurance automobile. La seule condition est que les deux services soient disponibles à un
prix raisonnable pour chacun des deux groupes de citoyens. »
La Commission cite les principes sur lesquels repose le concept de SU et qui sont l’égalité,
l’universalité, la continuité et l’adaptation, et les bonnes pratiques, qui sont la transparence (de
gestion, de tarification et de financement) et le contrôle indépendant (indépendant des
exploitants de services ou même du monde économique).
(…)
Les « prestations de service » renvoient toujours à un droit: le droit à des services de
télécommunications, le droit à des transport publics, le droit à de l’électricité, du gaz, de l’eau,
le droit à des soins de santé, peut être aussi (…) le droit à des transmissions d’événements
sportifs, à un compte en banque, à une assurance automobile, etc.
Ce qui est à l’ordre du jour de façon plus générale, c’est tout droit universel à recevoir à des
conditions raisonnables de prix et de qualité et de façon continue ces services essentiels pour le
bon fonctionnement dans (et donc de) la société. A chacun de ces droits correspond un devoir
des fournisseurs de services universels. Ils devront servir chaque personne qui le veut, à des prix
raisonnables, à des conditions de qualité et de façon continue, éventuellement sans faire de
bénéfice.
(…)
Des expériences faites ces dernières années en matière de SU, surtout dans le secteur des
télécommunications, on peut distiller au moins « dix commandements » qui pourraient être
utilement appliqués ailleurs.
(i) Une définition trop large du concept de SU risque de fermer le marché et de créer une « surrégulation ». Ce n’est qu’au cas d’exclusion réelle existante ou menaçante qu’il faut introduire
une (auto)-régulation.
(ii) L’introduction d’un SU n’implique pas nécessairement l’existence d’un seul fournisseur de
ce service (ci-dessus).
(iii) Lorsqu’il apparaît nécessaire de désigner un ou plusieurs prestataires de SU, tous les
candidats doivent être traité à égalité. En ce qui concerne l’identité du prestataire, aucun
privilège ou prérogative ne peut jouer.
(iv) Mieux vaut définir et réguler le SU au niveau politique qui est aussi responsable pour la
régulation du service à fournir universellement (par exemple : le domaine des services financiers
ayant été harmonisé au niveau européen, il conviendrait au législateur européen et non national
de définir et réguler le SU dans ce domaine).
(v) Les dispositions sur les SU doivent avoir un objectif exclusivement social.
ISUPE
88
(vi) Cela n’a aucun sens et peut même nuire d’exiger par la loi que tous les opérateurs sur le
marché fournissent le même SU ; il suffit de prévoir qu’ensemble ils financent le SU, fourni par
un ou deux d’entre eux.
(vii) Des mécanismes de financement spécifiques ne peuvent devenir automatiques. Ils doivent
être gérés d’une façon non discriminatoire, transparente et indépendante.
(viii) Le contrôle des obligations légales du prestataire de service universel doit être assuré par
une instance indépendante du prestataire (…).
(ix) Une transparence absolue est exigée (…).
(x) Le caractère évolutif du SU implique un suivi constant. »
CONCLUSION
Il résulte de l’analyse à laquelle nous avons procédé qu’un concept semble maintenant être arrivé
à maturité. Il s’agit du contenu du service d’intérêt général. En la matière, au-delà des accents
différents mis par les uns et les autres, sur tel ou tel aspect, un accord assez large se dégage sur
un socle commun d’obligations ou de missions à remplir par les services d’intérêt général. Celuici comprendrait :
– l’égalité d’accès pour les usagers, en termes économique (prix abordables voire dans certains
domaines, gratuité possible), social (interdiction de discriminations fondées sur le statut
social ou personnel) et territorial (égalité entre zones géographiques) ;
l’universalité : couverture totale de l’ensemble du territoire,
– la continuité et la régularité de la prestation,
– la qualité de la prestation ;
– la protection de l’environnement et le respect de la sécurité et de la santé,
– la transparence,
– la participation des usagers,
– l’adaptabilité, en fonction des besoins des utilisateurs et de l’environnement économique et
social.
On ne peut par contre pas en dire autant des deux autres concepts qui font l’objet de notre étude,
à savoir la distinction entre service marchand et non marchand et l’identification des services qui
n’ont qu’une faible influence sur les échanges entre Etats membres. Or, c’est en ces domaines
qu’une clarification serait particulièrement bienvenue car elle permettrait de mieux cerner
l’emprise du droit communautaire sur un certain nombre de services d’intérêt général.
S’agissant de la distinction entre services marchands et non marchands, il semble largement
accepté que la frontière entre les activités économiques et non économiques est dynamique et
évolutive. Ceci est considéré comme source d’insécurité, d’où la demande exprimée de
89
l’élaboration d’une liste de services non économiques ou à tout le moins d’un faisceau d’indices
qui permettrait de mieux les identifier. A cet égard, des voix se sont élevées venant notamment
du secteur social, des syndicats et des collectivités territoriales, pour l’abandon d’une distinction
qui se baserait uniquement sur le marché, trop étroite à leur yeux et pour l’adoption de critères
plus larges, tels que les objectifs sociaux et environnementaux, l’absence de profits ou la
participation de bénévoles… pour établir si un service est de nature économique ou non
économique. C’est tout particulièrement autour des services dits sociaux au sens large que le
débat s’est focalisé. Certes la Commission annonce une communication. Toutefois, nous ne
pensons pas qu’elle ait véritablement entendu les préoccupations ainsi exprimées lors de la
consultation sur le Livre vert : en effet, dans son Livre blanc, elle n’évoque que d’une part les
‘services marchands’, à l’égard desquels elle estime nécessaire de préciser les effets que pourrait
avoir le droit de la concurrence de l'Union européenne et les services assurés ‘directement par
l'entremise d'organismes d'État financés par l'impôt’, qui  on suppose , échapperaient au droit
de la concurrence. Elle ne semble donc absolument pas reconnaître l’existence en la matière d’un
‘troisième pilier’ qui serait constitué par un secteur ‘privé non marchand’. La distinction entre le
marchand et le non marchand est donc loin d’être suffisamment clarifiée.
Pour ce qui est des services locaux, plusieurs contributions ont appelé à un renforcement de la
subsidiarité et mis l’accent sur la nécessité de reconnaître le principe de libre administration des
collectivités territoriales, qui implique au premier chef la liberté de pouvoir choisir entre
différents modes pour l'exécution des compétences qui leur sont reconnues (gestion directe, ou
par une entreprise publique, mixte ou privée). Elles ont souhaité qu’une distinction plus nette soit
faite entre les grandes industries de réseau, pour lesquelles il existe un enjeu important en termes
de marché intérieur et de concurrence et les services d’intérêt général à caractère régional et local
pour lesquels cet enjeu est nettement moins évident. Certes la Commission, dans le Livre blanc
affirme que « les États membres bénéficient d'une grande latitude pour fixer les modalités de
l'organisation des services d'intérêt général » ; qu’en particulier, « ils sont libres de décider de
fournir eux-mêmes un service d'intérêt général ou de le confier à une autre entité (publique ou
privée) » mais elle rappelle aussitôt que « les fournisseurs de services d'intérêt économique
général, y compris les fournisseurs de services internes, sont des entreprises et sont dès lors
soumis aux règles de concurrence prévues par le traité ». Elle ne réserve à cet égard aucun statut
spécifique aux services à caractère régional et local. Une clarification est donc ici aussi
nécessaire, d’autant que la position des représentants des autorités locales et régionales est loin
de faire l’unanimité, comme le montre les observations déposées par l’association française
d’étude de la concurrence : celle-ci, après avoir noté qu’on « assiste à une volonté de plus en
plus forte des collectivités publiques locales d’intervenir en qualité d’entreprise sur tel ou tel
marché, en invoquant l’intérêt général, dans le but notamment de satisfaire des besoins de leurs
administrés, particuliers ou entreprises, ou de générer une activité économique dont elles
espèrent des retombées pour l’économie en général de leur territoire », met l’accent sur le risque
90
de comportements anti-concurrentiels que ces initiatives présentent et regrette qu’elles soient peu
appréhendées par le droit communautaire, notamment en raison de la taille jugée réduite des
marchés en cause. Elle en appelle à l’élaboration d’un cadre communautaire qui permette
d’assurer un meilleur respect de la concurrence.
Sur ces deux thèmes, la réflexion ne fait donc en réalité que commencer et elle mériterait
incontestablement d’être beaucoup plus approfondie, même si la tâche risque d’être ardue.
91
Chapitre II
Canaux et modalités de coopération pour la fourniture de services
d’intérêt général par les collectivités territoriales
INTRODUCTION
Les modalités de coopération auxquelles recourent les collectivités territoriales sont toujours
instituées en vue d’investissements communs ou de la gestion en commun d’un service d’intérêt
général. Les motivations conduisant à l’instauration d’une coopération horizontale (entre
collectivités de même niveau) sont soit la rationalisation dans l’organisation, la gestion ou la
fourniture d’un service public, soit la réalisation d’un investissement commun destiné à servir de
support à un service public (achat en commun de matériel roulant pour un service de transport,
construction d’une usine de traitement des eaux ou des déchets, …). En conséquence, la
question de connaître l’influence que peut avoir une évolution de la législation
communautaire relative aux services d’intérêt général sur les modalités de coopération est
centrale ; pas uniquement pour les services publics, mais tout autant pour ce qui concerne
le maintien des structures de coopération elles-mêmes. Des limitations substantielles à la
capacité des collectivités territoriales de s’impliquer dans la mise en œuvre de services d’intérêt
général aurait tout simplement pour effet de rendre sans objet nombre des structures de
coopération existantes.
Le développement de modalités de coopération horizontales est une alternative à la création de
nouveaux niveaux institutionnels129. Les différents degrés d’institutionnalisation des structures
de coopération varient en conséquence en fonction de la permanence de la prestation du service
public. Les cas les plus extrêmes conduisent à l’émergence d’un nouveau niveau institutionnel
(p. ex. l’émergence dans plusieurs Etats scandinaves d’un niveau de « comtés », lesquels se
voient attribuer de manière pérenne la gestion des fonctions de la santé et dans une moindre
mesure du social, tâches qui étaient préalablement à la charge du niveau local et réalisées par des
structures coopératives). Ainsi des limitations de la capacité des pouvoirs territoriaux
d’intervenir dans l’offre de services d’intérêt général auront pour conséquence immédiate
et directe d’affaiblir les mécanismes tant horizontaux que verticaux de coopération, voire
même de remettre en cause certains niveaux institutionnels (Balme).
129
Levrat, N., « Concurrence et coopération entre collectivités infra-étatiques », Les régimes politiques européens en
perspective, Les Cahiers français N° 268, pp. 86-96, 1994.
92
Dans la mesure où plusieurs politiques communautaires (dans le cadre de la politique structurelle
communautaire) visent à renforcer les réseaux de coopération entre acteurs locaux et/ou
régionaux (comme p. ex. Leader et Interreg), les atteintes que pourrait porter aux réseaux de
coopération une réglementation des services d’intérêts généraux limitant substantiellement la
capacité d’action des collectivités territoriales soulèverait des problèmes de cohérence de l’action
communautaire.
SECTION 1. TYPOLOGIE DES MODALITÉS DE COOPÉRATION
Nous distinguons plusieurs modalités de coopération entre collectivités territoriales pour
l’organisation ou la gestion de services d’intérêt général. Les principales distinctions sont d’une
part fondées sur les partenaires (de même niveau, dénommée « coopération horizontale » ; de
niveau différents, dénommée « coopération verticale » ; combinant les deux et/ou des acteurs
privés, dénommée « coopération mixte »). D’autre part, elle prend en compte les modalités de
réalisation de ces coopérations, plus ou moins formalisées, plus ou moins institutionnalisées.
I.
LES COOPERATIONS HORIZONTALES
Il s’agit de coopérations développées par des collectivités de même niveau, dotées des mêmes
compétences (et généralement de moyens comparables). Nous en étudierons trois formes.
1.
2.
3.
4.
II.
La coordination des politiques des collectivités, sans création d’une entité dotée de la
personnalité juridique.
La création d’une entité juridique distincte des partenaires, subdivisée entre :
Entité spécialisée
Entité dotée d’une compétence large
LES COOPÉRATIONS VERTICALES ET MIXTES
Ces coopérations regroupent des collectivités de différents niveaux (UE, Etat, région, niveau
intermédiaire – province, département, Kreis – et niveau local). Une coopération verticale
comprend des partenaires de différents niveaux. Une coopération mixte comprend à la fois un
certain nombre de partenaires de même niveau et au moins un partenaire d’un niveau différent.
Elle peut également inclure un ou plusieurs partenaires privés. Nous distinguons ici aussi trois
modalités de coopération.
1. Création d’une entité mixte
93
2. Coopération fondée sur des transferts de fonds
3. Coopération contractuelle
III. LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
Il s’agit, en termes purement formels, de coopérations le plus souvent horizontales, parfois
mixtes. Leur particularité est cependant de se développer dans plusieurs ordres juridiques
nationaux distincts, ce qui en rend la réalisation particulièrement complexe, notamment en raison
d’un manque de sécurité juridique. Cependant, la coopération transfrontalière est une modalité
d’intégration européenne horizontale que la Commission européenne à toujours souhaité
privilégier (dès 1975, dans le cadre de la marge de manœuvre que lui autorisait l’article 10
FEDER, la Commission européenne a encouragé financièrement des projets de coopération
transfrontalière. En effet, le Règlement (CEE) n° 724/75 du Conseil du 18 mars 1975130 portant
création d’un Fonds européen de développement régional (FEDER) prévoyait que les ressources
dudit fonds seraient affectés aux politiques régionales décidées par les Etats membres, selon une
clé de répartition fixée à l’article 2 dudit règlement. Cependant, l’article 10 de ce règlement
spécifie que « le fonds peut participer, pour une partie de ses ressources, au financement
d’études en relations étroites avec les opérations du fonds, entreprises à la demande d’un Etat
membre ». Dans la mesure où l’article 5 de ce règlement qui énonce les objets et activités qui
peuvent faire l’objet de contributions n’inclut pas la coopération transfrontalière, la Commission
a fait usage, avec la complicité bienveillante de certains Etats (notamment l’Allemagne et la
France) d’études financées via l’article 10 du FEDER pour promouvoir le développement de la
coopération transfrontalière. Dès 1988, dans la première période de programmation, la
Commission a lancé un Programme d’Initiative Communautaire baptisé INTERREG, lequel,
dans l’actuelle troisième période de programmation est, en termes de moyens mobilisés, le plus
important des programmes d’initiative communautaire. Le dernier rapport sur la cohésion publié
au printemps 2004 met plus que jamais l’accent sur la nécessité de développer le soutien
communautaire aux actions de coopération transfrontalières, tant aux frontières internes que
externes de l’Union, puisqu’il est envisagé de développer un instrument juridique pour la
coopération transfrontalière qui pourrait aussi servir pour une politique extérieure de proximité
pour l’Union européenne.
Le grand potentiel de la coopération transfrontalière est précisément dans la réalisation en
commun, par des collectivités territoriales appartenant à des espaces juridiques et politiques
distincts, de politiques publiques, lesquelles doivent se matérialiser par la mise en œuvre
commune de services publics.
130
JO L 73 du 21 mars 1975.
94
Le grand défi est la difficulté de coordonner efficacement et dans le respect de la sécurité du
droit, deux voire trois droits publics nationaux, raison pour laquelle les réalisations restent peu
nombreuses. D’autant que les solutions juridiques actuelles paraissent insuffisamment fiables
aux acteurs locaux et/ou régionaux. En ce sens, les réflexions de la Commission européenne qui
enfin semble décidée à présenter un nouvel outil visant à consolider les bases juridiques d’une
telle coopération, afin d’encourager les acteurs publics concernés à développer de telles actions
ne peuvent qu’être saluées. Outre la finalité de la rationalisation de la gestion de services publics
de proximité, il y a également un évident objectif politique additionnel, celui d’une intégration
accrue autour des frontières intérieures de l’Union, et de stabilisation par l’entremêlement des
tissus économiques et sociaux autour des frontières extérieures. Mais la réalisation de ces
objectifs politiques est nécessairement subordonnée au développement de réalisations liées à la
mise en œuvre de services publics locaux ou régionaux (pour des raisons historiques et
politiques, les actions de coopération transfrontalière ne peuvent s’inscrire directement dans le
champ des relations extérieures des Etats131. En conséquence, cet objectif de développement
de la coopération transfrontalière pourrait être affaibli par une réglementation conduisant
à limiter la possibilité pour les collectivités territoriales de s’impliquer dans l’organisation
et la gestion des services publics transfrontaliers.
SECTION II. EXAMEN DE L’EFFICACITE DES MODALITES DE COOPERATION
POUR LA REALISATION DE SERVICES D’INTERET GENERAL
I. LES COOPERATIONS HORIZONTALES
Il s’agit de coopérations développées par des collectivités de même niveau, dotées des mêmes
compétences – dans le cadre de la coopération transfrontalière. Les compétences ne sont pas
exactement les mêmes mais il doit s’agir de « domaines communs de compétences » et
généralement de moyens comparables. Nous en étudierons trois formes.
1. La coordination des politiques des collectivités, sans création d’une entité dotée de la
personnalité juridique
Cette modalité de coopération, qui est la moins complexe et la moins lourde, se révèle peu
efficace pour la mise en œuvre coordonnée par plusieurs collectivités de services d’intérêt
général. En effet, si les collectivités sont elles-mêmes prestataires des services publics, cette
modalité de coopération est moins appropriée que la création d’une entité juridique spécialisée
Comte, H., Levrat, N., Aux coutures de l’Europe. Défis et enjeux juridiques pour les territoires frontaliers, Paris,
L’Harmattan (à paraître en octobre 2004).
131
95
(un établissement public) financé et géré en commun par les collectivités, lequel réalise luimême l’activité de services.
Quant au cas, qui tend à devenir le plus fréquent, où les collectivités attribuent la mise en œuvre
du service à un prestataire privé par le biais d’un contrat (de concession ou de prestation le plus
souvent), les règles applicables à la passation des marchés public font qu’il n’est pas possible
pour plusieurs collectivités de coordonner efficacement la passation simultanée de plusieurs
marchés distincts dans le but de choisir un prestataire unique, sans enfreindre les règles
procédurales et matérielles posées, notamment par le droit communautaire, en matière de
transparence et d’équité dans les procédures d’attribution des marchés. Il est certes possible de
définir en commun les termes de l’appel d’offres, mais chaque procédure doit ensuite conduire à
une décision, selon des critères qui limitent certes fort l’appréciation des pouvoirs publics, mais
dont il n’est pas du tout certain qu’elles conduisent à choisir le même prestataire par les
différentes collectivités publiques engagées dans cette forme de coopération.
Doit cependant en l’espèce être réservé le cas de la « délégation de service public », à savoir les
cas dans lesquels une collectivité territoriale (lead authority au Royaume-Uni) développe et
étend le service d’intérêt général qu’elle gère elle-même au territoire (ou au bénéfice) d’une (ou
plusieurs) collectivité(s) partenaire(s). Les deux (ou plusieurs) collectivités sont alors liées par
une convention de délégation du service d’intérêt général, laquelle fixe d’une part, l’étendue des
obligations de la collectivité en charge de la prestation du service (vis-à-vis des bénéficiaires de
ce service et pour ce qui concerne la conformité de ses prestations aux instructions de la
collectivité délégante), et d’autre part, les contreparties que doit fournir la collectivité délégante
(principalement financières). Cette modalité de coopération ne fonctionne convenablement que
pour des services dans lesquels l’importance est distincte pour les collectivités partenaires ; les
meilleurs exemples se retrouvent en matière de transport d’enfants, traitement des déchets ou des
eaux, de service d’intervention ou de santé. On retrouve cette pratique principalement en
Allemagne, en Finlande, en Irlande et au Royaume-Uni.
2. Création d’une entité juridique distincte des partenaires
Il faut dans ce cas de figure distinguer les coopérations volontaires des coopérations
imposées par la loi. Des coopérations obligatoires en ce sens existent en Espagne (groupements
d’intérêt, qui peuvent être imposés aux communes par une Communauté autonome), France
(certaines communautés urbaines), Grèce (une association de développement peut être créée par
une décision ministérielle), aux Pays-Bas (depuis 1994, la loi peut imposer à plusieurs
collectivités territoriales de participer à un projet conjoint ; le gouvernement peut également
obliger par directive les communes à coopérer) et au Royaume-Uni (la loi peut l’imposer dans
tout domaine).
96
Les coopérations imposées par la loi correspondent à une modalité de l’organisation du pouvoir
territorial par l’Etat, qui tout en attribuant la mise en œuvre de certaines tâches à un niveau
territorial déterminé, constate que celui-ci ne correspond pas à un niveau institutionnel existant,
et donc attribue formellement la tâche à un niveau inférieur (le plus souvent le niveau
local/communal) tout en assortissant cette attribution de compétence d’une obligation (ou un fort
incitatif, par exemple fiscal) de coopérer pour la mise en œuvre de cette tâche. Il est donc à
notre sens plus correct de parler pour ce type d’arrangement de niveau proto-institutionnel
que de coopération entre collectivités. Il va de soi que l’impact sur ce type de coopération
prévue par la loi d’une réglementation des services d’intérêt général ferait peser sur l’Etat
la charge d’une réallocation des compétences et des moyens.
Les coopérations volontaires sont généralement entreprises par les entités publiques concernées
dans un souci de rationalité de gestion de services publics, ou du partage d’investissements trop
lourds pour être supportés par une seule collectivité territoriale. Des limitations de la capacité des
collectivités territoriales de gérer de la sorte certains services d’intérêt général conduirait
nécessairement à une réorganisation de ces formules coopératives, avec le risque que pour des
raisons de rationalité économique, l’aire d’action pour la mise en œuvre de tels services ne
permettent plus la continuité de leur fourniture. Cela aurait alors pour conséquence la nécessité
pour les Etats où un tel phénomène se produirait de réallouer de telles compétences à un niveau
de collectivités territoriales plus élevé (p. ex. passer du local au régional). Par contre, la
dissolution des structures coopératives existantes ne poserait pas de difficultés majeures pour les
collectivités concernées, les différentes lois nationales prévoyant de manière assez détaillée ce
type d’hypothèse. Seule la continuité de la fourniture du service concerné pourrait alors être
remise en cause.
A. Entité publique spécialisée
En principe, toutes les entités instituées pour réaliser la mise en œuvre de service public ne sont
compétentes que pour les missions qui leur sont expressément assignées par leur acte fondateur.
Aucune n’est donc dotée de compétences générales, et toutes répondent à un principe de
spécialité. Il existe cependant des cas où les missions de ces entités sont définies de manière
relativement large ; de telles entités aux compétences larges voient alors le plus souvent leur
existence sanctionnée par une loi.
Dans cette catégorie, nous nous intéresserons aux formules juridiques suivantes :
a) Le syndicat de commune, qui est la forme juridique la plus répandue. Même si les
législations nationales introduisent des variations d’un Etat à l’autre, on trouve de telles
97
structures en Allemagne (Zweckverband, ou union administrative), Autriche, Espagne,
Finlande, France, Grèce, Italie et Portugal. Le plus souvent, le syndicat de communes a pour
objet la gestion en commun d’un service d’intérêt général (dans les domaines de la
fourniture d’eau ou d’énergie, le transport, la collecte et le traitement des déchets, la
réalisation et la gestion d’établissements de santé (hôpital, centre de soins…), la protection
de l’environnement, la réalisation et la gestion d’équipements de loisirs ou de sport, etc).
b) Les intercommunales (Belgique) : sous cette appellation se regroupent des personnes
morales réunissant des acteurs de droit public, mais dont les formes juridiques et les
modalités de fonctionnement sont celles de structures le plus souvent commerciales. Des lois
régionales règlent leurs modalités de constitution et de fonctionnement. Le droit belge inclut
aussi dans les intercommunales des structures regroupant acteurs publics et privés132 que
l’on qualifierait de société d’économie mixte en France ou en Italie.
c) Les joint authority ou joint board (UK) reçoivent un rôle important, notamment pour ce qui
concerne les services de sécurité (police, protection contre l’incendie) lors de la réforme de
1996. En l’absence de véritable niveau régional en Angleterre, ces structure de coopération
jouent un véritable rôle proto-institutionnel. Des réflexions relatives à un possible rôle accru
de leur part sont en cours.
d) Les communautés de communes (France). La structure est très proche de celle du syndicat
de communes, mais certaines tâches sont dès sa constitution attribuées de par la loi à la
communauté de commune. Elle bénéficie en parallèle de ressources fiscales propres.
e) Les communautés de montagne (Italie) Il s’agit de structures utilisées principalement dans le
cadre de la politique de développement régional italienne, au sein desquelles est assurée une
certaine solidarité et est rationalisée la gestion des services publics.
Dans certains cas, il est possible que ces entités soient dotées d’une compétence propre en
matière fiscale, le cas échéant selon les tâches que cette structure décide d’accomplir. Cela ne
paraît cependant pas une nécessité pour la mise en œuvre de services d’intérêt général
déterminés. Les revenus perçus en contre-prestation des services fournis et des subventions
versées à ces organismes s’avèrent dans la règle suffisants, que les collectivités gèrent euxmêmes ce service public ou qu’elles en aient délégué l’exercice à un prestataire tiers et se
contentent d’en subventionner les déficits. De telles modalités de coopération seront très
affectées par une réglementation restrictive sur les services d’intérêt général.
132
voir De Bruycker, Ph., « La coopération intercommunale en Belgique », Annuaire 200 des collectivités locales,
Paris, CNRS ed., pp, 161-170, 2000.
98
II.
LES COOPÉRATIONS VERTICALES ET MIXTES
Ces coopérations regroupent des collectivités de différents niveaux (UE, Etat, région, niveau
intermédiaire – province, département, Kreis – et niveau local) et/ou des partenaires publics et
privés. Une coopération verticale comprend des partenaires de différents niveaux. Une
coopération mixte comprend à la fois un certain nombre de partenaires de même niveau et au
moins un partenaire d’un niveau différent, ou des partenaires de nature différente. Nous
distinguons trois modalités de coopération.
1. Entité mixte
Outre les différentes modalités de coopération instituant un organisme de droit public entre
collectivités partenaires, on trouve également la possibilité d’instituer des personnes
juridiques entre partenaires publics et privés (c’est le cas en Belgique (incluses parmi les
intercommunales), au Danemark, en Espagne (consorcio), en France (SEM) ou en Suède). Une
telle formule peut se révéler particulièrement appropriée pour la fourniture de services d’intérêt
général. En effet, elle capture souvent de manière adéquate la nature duale du service d’intérêt
général, qui a la fois fonctionne selon une logique commerciale, laquelle devrait ressortir de
l’initiative d’acteurs privées, et dans le même temps remplit un objectif d’intérêt général dont la
satisfaction et les moyens à mobiliser pour l’atteindre sont du ressort des collectivités publiques.
Ces différentes formules coopératives partagent toutes la caractéristique d’être des structures
commerciales, c’est-à-dire de droit privé, au sein desquelles, dans des proportions que les intérêts
des collectivités publiques et parfois la loi font varier, des collectivités publiques détiennent des
parts de capital.
En conséquence, une variation des règles relatives à l’implication des collectivités territoriales
dans la fourniture de services d’intérêt général ne devrait pas avoir d’incidence directe sur ce
type de structure de coopération. Par contre, cela pourrait le cas échéant altérer les mécanismes
de financement des activités de telles entités mixtes (notamment les subventions ou les
recapitalisation que consentent les partenaires publics au sein de ces structures coopératives).
2. Coopération fondée sur des transferts de fonds
Ce seront principalement des coopérations verticales, le financement provenant du niveau
supérieur. La coopération s’établit au moment de la négociation des conditionnalités posées par
l’autorité qui subventionne. Il va de soi que si l’autorité supérieure dispose d’un pouvoir de
contrainte et ne négocie pas les conditions attachées à l’utilisation des fonds transférés, on se
trouve alors dans un cas de figure différent, qui ne relève plus de la coopération. Par contre, dans
99
la mesure où le transfert des fonds est soumis à des conditionnalités négociables quant à leur
utilisation, il est alors possible d’envisager des formules de coopération. En pratique de tels
transferts sont généralement liés au financement d’infrastructures et autres investissements,
lesquels ne nécessitent pas la création d’un véritable mécanisme de coopération (la
conditionnalité de l’engagement des fonds pour une opération ponctuelle constituant pour l’entité
qui transfère les fonds un mécanisme de garantie suffisant). Aussi ces modes de coopération
ponctuels et non (ou très peu) institutionnalisés ne devraient être que peu affectés par la
réglementation relative aux SIG, d’autant que les transferts liés à des investissements lourds en
infrastructure ne devraient pas être affectés par les règles relatives aux SIG.
3. Coopération contractuelle
C’est en l’espèce le cas de figure le plus intéressant, par lequel différents niveaux de pouvoirs
publics s’engagent, par voie contractuelle, à coopérer pour la mise en œuvre d’un service public
déterminé. Les contrats peuvent, selon les législations nationales, relever soit du droit privé soit
du droit public. Au sein de cette pratique en plein développement, nous nous intéresserons aux
différents types de contrats possibles : contrats d’objectifs, contrats de prestations, contrats de
partenariat.
La Commission européenne porte une attention particulière à cette modalité de coopération et
souhaite, suite à la publication de son Livre blanc sur la gouvernance européenne, proposer la
conclusion de contrats tripartites entre elle-même (agissant au nom de la CE), un Etat membre et
une ou plusieurs de ses collectivités territoriales. Cette proposition reste cependant, en l’état
actuel de la jurisprudence de la Cour de Justice utopique, dans la mesure où celle-ci ne reconnaît
pas de responsabilité propre aux collectivités territoriales en droit communautaire, les actes ou
manquement de ces dernières ayant pour seul effet d’engager la responsabilité de l’Etat dans la
structure duquel elles se trouvent inscrites. La Commission prend d’ailleurs acte de cette
situation juridique limitative, puisque dans sa communication du 11 décembre 2002 intitulée,
« un cadre pour des contrats et des conventions tripartites d’objectifs entre la Communauté, les
Etats et les autorités régionales et locales », elle admet qu’il conviendra d’insérer « dans le
libellé du contrat lui-même, une disposition destinée à rappeler que l’Etat membre où s’exécute
le contrat tripartite est seul responsable vis-à-vis de la Commission de la bonne exécution du
contrat et par conséquent justiciable d’un éventuel recours en manquement au titre de l’article
226 du traité. » Il va de soi que dans ces conditions – c’est-à-dire l’absence de responsabilité
juridique d’un des partenaires (la collectivité ou autorité locale) il est abusif de parler de relation
contractuelle tripartite.
En tout état de cause, le fondement de tels contrats est l’exécution de certaines tâches d’intérêt
public par l’une ou plusieurs des parties, selon des conditions déterminées contractuellement, en
100
contrepartie d’un co-financement assuré par d’autres conctractants. Une limitation de la capacité
de financement de certains services aurait donc pour conséquence de limiter l’intérêt du recours à
de telles formules de coopération.
III.
LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE
Les réalisations en termes de gestion commune de services publics par le biais de la coopération
transfrontalière sont rares. La principale raison découle de la complexité des montages juridiques
nécessaires à la réalisation de telles opérations, et conséquemment du manque de sécurité
juridique perçu par les acteurs qui seraient susceptibles de recourir à ce type de solutions.
A l’origine, la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités
ou autorités territoriales, conclue dans le cadre du Conseil de l’Europe, à Madrid, le 21 mai
1980, ne reconnaissait même pas un droit des collectivités locales à entreprendre ce type de
coopération transfrontalière. Tout au plus, « chaque Partie contractante s'engage à faciliter et à
promouvoir la coopération transfrontalière entre les collectivités ou autorités territoriales relevant
de sa juridiction et les collectivités ou autorités territoriales relevant de la compétence d'autres
Parties contractantes. » Les modalités de pareilles coopérations ne sont pas précisées dans le texte
de la Convention-cadre, mais certains « schémas d’accords, de statuts et de contrats à conclure
entre autorités locales » sont annexés à la Convention-cadre. On trouve ainsi par exemple, un
schéma d’accord pour la coordination dans la gestion d’affaires publiques locales transfrontalières,
un schéma d’accord pour la création d’associations transfrontalières de droit privé, un schéma de
contrat de fourniture ou de prestation de services entre collectivités locales frontalières (de type
« droit privé »), un schéma de contrat de fourniture ou de prestation de services entre collectivités
locales frontalières (de type « droit public») ou encore un schéma d’accord pour la création
d’organismes de coopération intercommunale transfrontalière. Il est de plus précisé à l’article 3 § 1
in fine de la Convention-cadre que « ces modèles et schémas d’accords, de statuts et de contrats,
étant de nature indicative, n’ont pas de valeur conventionnelle. » Bien insuffisant pour permettre le
développement de mécanisme de gestion coopérative transfrontalière de services d’intérêt général.
D’ailleurs en ce sens, une étude entreprise par le Secrétariat du Conseil de l’Europe en 1990, dix
ans après l’ouverture à la signature de la Convention-cadre, montre qu’aucune utilisation de ces
modèles et schémas n’a été faite en Europe133.
Nonobstant l’indigence des instruments juridiques disponibles, une quarantaine d’accords de
coopération pour la gestion transfrontalière en commun de services d’intérêt général peuvent être
recensées134. Notamment en matière :
voir Doc. L-R-CT (90) 6 du Secrétariat du Conseil de l’Europe, qui contient les réponses de 11 Etats du Conseil de
l’Europe ayant ratifié cette convention-cadre.
134
pour une liste complète, voir Levrat, N., Le droit applicable aux acords de coopération transfrontière entre
collectivités publiques infra-étatiques, Paris, PUF, 1994, p.355-360).
133
101
-
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De canalisation et fourniture d’eau (contrat entre la Commune de Hosingen (Luxembourg)
et le Kreise Bitburg, concernant la construction d’un réseau de canalisation d’eau de
Bittburg aux quartiers ober- et Unter-senbach de la commune de Hosingen du 15 janvier
1954 ou l’accord entre la ville luxembourgeoise de Vianden et le Landkreis de BittburgPrüm au sujet de l’usine de distribution d’eau de Bittburg-Prüm du 6 juillet 1972).
D’épuration des eaux (convention entre la commune de Büsingen (Allemagne) et la
commune de Dörflingen (Suisse) concernant l’épuration en commun des eaux, conclue le
21 décembre 1970 à Dörflingen).
De gestion en commun de transports publics (accord relatif à la ligne d’exploitation
d’autobus de La Calamine à la frontière belgo-allemande vers Aix la Chapelle du 23
janvier 1964).
De lutte coordonnée contre l’incendie (accord entre les bureaux d’incendie de la ville de
Kiruna (Suède) et de la ville de Narvik (Norvège), entré en vigueur le 1er Mai 1967 (trad.
Conseil de l’Europe)).
D’élimination des déchets (Convention entre la Communauté urbaine de Strasbourg et
l’Ortebaukreis concernant le traitement par l’usine d’incinération de la Communauté
urbaine de Strasbourg d’ordures ménagères en provenance de l’Ortenaukreis du 16 mai
1974).
De services hospitaliers communs (Accord de coopération concernant les services de
maternité conclu entre la province de Ostlof (Norvège) et la province de Göteborg (Suède)
le 23 septembre 1974).
Seule la date du premier accord de chaque type est mentionnée ci-dessus. On constate d’une part
que l’entrée en vigueur de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe n’a pas été à la source de
ces pratiques, qui dans tous les domaines lui sont antérieures, et d’autre part que les premiers
arrangements concernent des frontières qui n’était pas celles de la communauté à l’époque ou ses
frontières extérieures. En conséquence, l’existence de telles coopérations semble se développer
indépendamment de l’existence d’un cadre juridique international ou communautaire.
Cependant, ces arrangements de gré à gré entre communes ne seraient aujourd’hui que
difficilement réalisables, notamment en raison des règles de concurrence applicables à la
réalisation de telles activités par des tiers. Les règles relatives à la passation des marchés publics
notamment, pour autant que les seuils soient atteints, empêcheraient ou restreindrait la capacité de
collectivités territoriales de faire exécuter sur la base d’un arrangement bilatéral certaines de leurs
tâches par une entité tierce.
Des instruments juridiques transfrontaliers dotés d’une personnalité juridique propre ont été conçus
dans des instruments internationaux, afin de tenter de pallier à cette difficulté. Ainsi le Protocole
102
additionnel à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière entre autorités
ou collectivités publiques, adoptée en 1995135, prévoit la création possible par des collectivités
territoriales d’un organisme de coopération transfrontalière, doté d’une personnalité juridique
propre (art. 4 de ce protocole), et donc en mesure, le cas échéant, de gérer lui-même directement,
pour le compte des collectivités qui l’ont institué, de tels services publics transfrontaliers. Malgré
l’ingéniosité de la solution juridique, elle ne rencontre, selon nous, que très peu de succès auprès
des collectivités territoriales, pour deux raisons. Premièrement, un tel organisme doit prendre la
forme juridique d’une structure de coopération existant au sein d’un ordre juridique national ; en
conséquence, le principe d’égalité entre les parties, central dans une relation contractuelle ou
conventionnelle, est rompu (l’une des parties devant évoluer dans l’ordre juridique de l’autre, ce
qui créée un déséquilibre évident). Deuxièmement, les parties ont des doutes sur la fiabilité d’une
telle structure, et hésitent donc à lui confier la mise en œuvre d’un service public, lequel implique
des relations directes avec les usagers, et le cas échéant une responsabilité pour la collectivité
titulaire de la compétence, qui met ainsi le cas échéant en jeu sa responsabilité, tout en se
dessaisissant partiellement des moyens de mettre en œuvre la tâche.
La structure la plus élaborée à ce jour se trouve dans deux outils conventionnels, l’un liant
l’Allemagne, la France, le Luxembourg et la Suisse, signé à Karlsruhe, le 23 janvier 1996, l’autre
liant la Belgique et la France, signé à Bruxelles, le 16 septembre 2002. La formule du Groupement
local de coopération transfrontalière (GLCT), tout en renvoyant à titre supplétif « au droit interne
applicable aux établissements publics de coopération intercommunale de la partie où il a son
siège », permet aux collectivités partenaires d’adopter les statuts de ce groupement afin d’en faire
correspondre les formes et le fonctionnement aux besoins spécifiques de leur coopération
particulière. Pour intéressante qu’elle soit, cette formule est d’une certaine complexité juridique à
mettre en œuvre et les cas de réalisations sont encore peu nombreux (le plus spectaculaire est
l’adaptation de la structure juridique de l’Euro-Institut de Kehl, lequel a été transformé en GLCT
en 2003). Cette solution juridique a pour avantage de minimiser la rupture de l’égalité entre les
parties, puisque le droit d’une des parties n’est applicable qu’à titre supplétif. Elle est cependant
loin de dissiper toutes les incertitudes quant à la sécurité juridique.
Une solution souhaitable en ce sens – et qui également écarte le problème de la référence à un droit
national – serait l’élaboration et l’adoption d’un instrument communautaire définissant les règles
juridiques uniformes applicables à un tel organe transfrontalier. Quelques tentatives de coopération
transfrontalière ont eu recours au GEIE pour réaliser une coopération transfrontalière ; mais cet
outil juridique a été conçu pour des partenaires privés, et il n’est que fort imparfaitement adapté à
une coopération transfrontalière entre autorités publiques. La structure relative à une structure
juridique pour la coopération transfrontalière pourrait néanmoins s’inspirer du mécanisme du
135
STE n° 159.
103
GEIE, en l’adaptant aux exigences des collectivités publiques. Cela constituerait cependant une
solution idéale, et qui permettrait de contourner la difficulté de gérer en commun un service
d’intérêt général tout en ayant à respecter de part et d’autre de la frontière des exigences en matière
de procédure de passation des marchés et de financement des déficits d’exploitation dont la
conjugaison et la coordination est très délicate, voire impossible.
CONCLUSION
La mise en œuvre transfrontalière de services d’intérêt général commun est donc possible, mais à
ce jour trop complexe, et donc peu attirante pour les collectivités, en raison du manque
d’instruments juridiques adaptés.
L’incidence sur les coopérations entre collectivités territoriales des règles visant à préserver les
services d’intérêt général est centrale ; pas uniquement pour les services publics, mais tout autant
pour ce qui concerne le maintien des structures de coopération elles-mêmes.
Le tableau ci-après présente les incidences d’une réglementation restrictive des SIG sur les
diverses modalités de coopération et leur fonctionnement.
104
Tableau présentant les incidences d’une réglementation restrictive des SIG
sur les diverses modalités de coopération et leur fonctionnement
Peu approprié pour Peu affecté par une Très affecté par une
la mise en œuvre de réglementation sur réglementation sur
SIG
les SIG
les SIG
1. Coopérations
horizontales
1.1. Coordination des
politiques
1.2. Délégation de
service public
1.3. Entité commune
spécialisée
1.4. Entité commune
dotée de compétences
larges
2.Coopérations
verticales et mixtes
2.1. Entité mixte
X
X
X
X
X
X
2.2. Coopération
basée sur les
transferts des fonds
2.3. Coopération
contractuelle
3. Coopération
transfrontalière
* Certains modalités de coopération transfrontalière qui ne permettent pas la gestion en commun
d'un service public (notamment toutes les mesures de concertation des politiques) ne sont pas
affectées.
X
X*
X
105
Chapitre III
Quel cadre législatif pour les SI(E)G?
INTRODUCTION
Il s’agit, dans le cadre de cette troisième partie, de présenter les différentes options de type
législatif, au sens d’options normatives, susceptibles d’être mises en œuvre au niveau
communautaire dans le domaine d’application des SI(E)G, telle que cette notion a été
préalablement définie (cf. Partie I sur la « clarification des concepts »).
Cela suppose en premier lieu de s’interroger sur la base juridique la plus pertinente pour adopter
un tel acte (I) ; avant, en second lieu, d’apprécier le type de norme le plus approprié (II) et, en
troisième lieu, de réfléchir à son contenu (III) pour permettre les coopérations institutionnelles
envisagées dans le domaine des SI(E)G (cf. Partie II sur les « canaux de coopération »).
SECTION I. QUELLE(S) BASE(S) JURIDIQUE(S) PERTINENTE(S) ?
Tant le droit positif que le nouveau traité établissant une Constitution pour l’Europe doivent être
analysés.
I. LE DROIT POSITIF
En l’état actuel du traité CE, quatre bases juridiques sont susceptibles d’être explorées, compte
tenu de leur champ d’application relativement vaste pouvant englober la problématique des
SI(E)G de manière générale : il s’agit successivement des articles 16, 86-3, 95 et 308.
1. L’article 16 CE
L’article 16 CE a été introduit par le Traité d'Amsterdam et est issu de la rédaction de l’article
7D proposé dans le cadre de la CIG qui a précédé la ratification de ce traité. Rappelons-en les
termes :
« Sans préjudice des articles 73, 86 et 87, et eu égard à la place qu'occupent les services
d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils
jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses
États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du
champ d'application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de
principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ».
Si cette disposition est désormais bien connue, la question de sa portée juridique n'a jamais été
véritablement éclaircie. On peut ainsi se demander si elle pourrait servir de base normative pour
un cadre législatif cohérent en matière de SI(E)G.
Du point de vue tout d’abord de la place qu’occupe l’article 16 CE, on fera remarquer qu’il est
inséré dans la partie I du traité relative aux « principes ». Dès lors, on peut en déduire qu’il s’agit
là d’une disposition autonome qui pourrait se suffire à elle-même, au même titre que d’autres
grands principes tels que le principe de non-discrimination (article 12 CE) ou celui du marché
intérieur (article 14 CE). Pour autant, la portée potentielle de l’article 16 CE en tant que grand
principe communautaire est minimisée par le rappel en début de dispositif, qu’il doit s’entendre
« sans préjudice des articles 73, 86 et 87 » du traité. C’est ce qui a conduit à faire dire à l’ancien
commissaire Karel van Miert, que l’article 16 CE « ne pouvait en aucun cas être interprété
comme une modification de ces dispositions » et qu’il ne faisait que confirmer « essentiellement
l’équilibre actuel du traité »136.
En tout état de cause, force est de constater que l’article 16 CE n’aura pas été utilisé à ce jour
depuis son entrée en vigueur le 1er mai 1999 comme base juridique des propositions d’actes de la
Commission pouvant avoir un impact sur les SIEG. Tout au plus a-t-il été utilisé comme
référence dans des considérants de la seconde directive postale de juin 2002137 et dans le projet
de règlement sur les services publics de transport de passagers138.
Nous ne pensons pas toutefois qu’il faille cataloguer l’article 16 CE parmi les « déclarations
essentiellement symboliques »139 mais qu’outre sa dimension politique, il doit être analysé « en
tant qu’éclairage des dispositions pertinentes du traité », et notamment de l’article 86 CE140. En
d’autres termes, en tant que ‘chapeau’ de ces autres dispositions, « il ne peut être ignoré ni dans
K. VAN MIERT, “La conférence intergouvernementale et la politique communautaire de la concurrence”, in
Competition Policy Newsletter, n°2, vol. 3, 1997.
137
Considérant n°16 de la directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 modifiant la
directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la
Communauté (JO C L 176 du 05 juillet 2002 p. 21).
138
Considérant n°9 du projet de règlement relatif à « l'action des États membres en matière d'exigences de service
public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de
fer, par route et par voie navigable » : COM(2000) 7 final.
139
J-V. LOUIS, “Le Traité d’Amsterdam : une occasion perdue?”, in Revue du Marché Unique européen, n°2/1997,
spéc. p. 9.
140
L. GRARD, “Les services d’intérêt économique général et le traité d’Amsterdam”, in Revue des Affaires
européennes, 1999, spéc. p. 197.
136
107
l’élaboration des textes de droit dérivé par le Conseil et la Commission, ni dans leur
interprétation par les juridictions communautaires »141. En ce sens, on notera que l’article III-6 a
été inséré dans un titre intitulé « Clauses d’application générale »142, au même titre que les
principes d’attribution des compétences, d’égalité hommes-femmes, de non-discrimination, de
protection de l’environnement et de protection des consommateurs.
Enfin, l’article 16 CE présente, pourrait-on dire, un dernier ‘avantage’, en ce sens qu’il soulève,
même implicitement, la question de la subsidiarité dans sa mise en œuvre. En effet, en affirmant
que « la Communauté et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences
respectives et dans les limites du champ d'application du présent traité »143 doivent veiller au
bon fonctionnement des SIEG, l’article 16 édicte un mandat commun dans le chef des Etats et
des institutions européennes qui oblige à s’interroger sur le respect du principe de subsidiarité
dans la mise en œuvre d’une « responsabilité partagée »144. Même si, à notre connaissance,
aucun contentieux n’a été porté devant la Cour de justice sur l’interprétation de l’article 16 CE en
général et sur son articulation avec l’article 5.2 CE en particulier, les nouvelles perspectives
ouvertes par le projet de Constitution sur la portée et le contrôle du principe de subsidiarité ne
peuvent pas être ignorées à l’aune de leur impact sur le régime juridique communautaire des
SIEG145.
2. L’article 86-3 CE
Alors que le premier paragraphe de l’article 86 CE pose le principe d’égalité de traitement des
entreprises publiques et privées face aux règles du traité et que le second paragraphe aménage,
sous certaines conditions, une possibilité de dérogation à ces règles en présence de la gestion
d’un SIEG, l’article 86-3 énonce que la Commission veille à l’application de ces dispositions et
« adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux Etats membres ».
Il convient donc de distinguer deux catégories de pouvoirs reconnus à la Commission par cette
disposition : un pouvoir normatif à travers l’adoption de directives et un pouvoir curatif par
l’adoption de décisions.
On rappellera que la Commission a fait usage pour la première fois de son pouvoir normatif tiré
de l’article 86-3 CE en adoptant la directive n°80/723/CEE du 25 juin 1980 relative à la
S. RODRIGUES, “Les services publics et le Traité d’Amsterdam. Genèse et portée juridique du projet de nouvel
article 16 du traité CE”, in Revue du Marché commun et de l’ Union européenne, n°414, 1998, spéc. p. 46.
142
La version du projet de Constitution tel que revu par le groupe des experts juridiques de la CIG propose de
substituer le terme “dispositions” à celui de “clauses” : cf. document CIG n°50/03 du 25 novembre 2003.
143
C’est nous qui soulignons.
144
Comme la Commission finit par le reconnaître dans son Livre blanc sur les SIG du 12 mai 2004, COM (2004)
374 final: cf. Paragraphe 2.3.
141
108
transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques146. Ce
texte a ainsi donné l’occasion à la Cour de justice de préciser les contours de cette compétence
normative exceptionnelle. Elle a ainsi souligné en premier lieu que “les limites à la compétence
conférée à la Commission par une disposition spécifique du traité ne sauraient être déduites
d’un principe général, mais d’une interprétation des termes propres de la disposition en cause,
en l’occurence l’article (86), analysés à la lumière de sa finalité et de sa place dans l’économie
du traité”; dès lors, “la compétence de la Commission pour arrêter la directive (de 1980) dépend
des nécessités inhérentes à son devoir de surveillance visé à l’article (86)” et “l’éventualité
d’une réglementation édictée par le Conseil en application de son pouvoir général en vertu de
l’article (89) (...) ne fait pas obstacle à l’exercice de cette compétence par la Commission”147.
Dans un autre arrêt, le juge communautaire s’est montré plus précis en soulignant que l’article
86-3 conférait à la Commission “le pouvoir de préciser, de façon générale, par voie de
directives, les obligations qui découlent du paragraphe 1 de cet article” et qu’elle devait mettre
en oeuvre ce pouvoir “lorsque, sans prendre en considération la situation particulière existant
dans les différents États membres, elle concrétise les obligations qui s' imposent à ceux-ci en
vertu du traité”148.
Quant au pouvoir curatif de la Commission fondé sur l’article 86-3 CE, il s’inscrit logiquement
dans le cadre de ses fonctions de ‘gardienne des traités’, comme l’a reconnu la Cour de justice :
“Sous peine de priver de tout effet utile la compétence pour adopter des décisions que l' article
(86), paragraphe 3, confère à la Commission, il faut, dès lors, reconnaître à celle-ci le pouvoir
de constater qu' une mesure étatique déterminée est incompatible avec les règles du traité et d'
indiquer les mesures que l' État destinataire doit adopter pour se conformer aux obligations
découlant du droit communautaire. La reconnaissance à la Commission d' un tel pouvoir s'
avère également indispensable pour lui permettre de remplir la mission que lui confèrent les
articles (81 à 88) du traité de veiller à l' application des règles de concurrence et de contribuer
ainsi à l' établissement d' un régime de concurrence non faussée dans le marché commun, au
sens de l' article 3, sous f ), du traité”149.
De fait, la Commission ne se prive pas d’utiliser ce pouvoir de décision qui lui permet d’agir
vite, dans un domaine – la concurrence – où la célérité est appréciée des opérateurs
145
Voir infra.
JO C L 195, pp. 35 et s.
147
Aff. Jtes. 188 à 190/80, République française, République italienne et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord contre Commission des Communautés européennes du 6 juillet 1982.
148
Aff. C-202/88, République française contre Commission des Communautés européennes du 19 mars 1991.
149
Aff. Jointes C-48/90 et C-66/90, Royaume des Pays-Bas et Koninklijke PTT Nederland NV et PTT Post BV
contre Commission des Communautés européennes du 12 février 1992.
146
109
économiques150 et de poursuivre si nécessaire l’Etat membre pour manquement s’il ne se
conforme à la décision adoptée151.
Il reste évidemment que le recours à l’article 86-3 est ‘politiquement’ délicat pour la
Commission, surtout lorsqu’elle envisage l’adoption d’une directive, dans la mesure où
l’exercice de ce pouvoir normatif autonome exclut toute intervention du Conseil et du Parlement
européen. Dès lors, ce dernier notamment ne voit guère d’un œil favorable l’utilisation du 86-3
comme base juridique d’actes susceptibles de s’appliquer aux SIEG, considérant que s’agissant
d’éléments du modèle européen de société, la représentation démocratique incarnée par le
Parlement doit s’exprimer. C’est en ce sens que le Parlement européen était monté au créneau
lors des premières tentatives de la Commission à la fin des années 1980 visant à libéraliser le
secteur de l’électricité en ayant recours à une directive 86-3 (sur le modèle de la première
directive de 1988 de libéralisation du marché des terminaux de télécommunications) et comme il
vient encore de le faire récemment dans sa résolution sur le Livre vert sur les SIG152.
On peut donc raisonnablement penser qu’il sera difficile à la Commission d’adopter seule à
l’avenir un acte communautaire contraignant et de portée générale relatif aux SI(E)G. Ce qui ne
devrait pas toutefois l’empêcher d’adopter des décisions à portée plus spécifique, à l’instar de
son projet de décision « concernant l’application des dispositions de l’article 86 du traité aux
aides d’Etat sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises
chargées de la gestion de services d’intérêt économique général »153.
3. L’article 95.1 CE
A la lumière des principaux textes communautaires récemment adoptés dans les secteurs relevant
des SI(E)G, l’article 95 CE (ex-article 100A) est, sans nul doute, la base juridique la plus souvent
utilisée à ce jour154. Rappelons qu’aux termes de cet article et dans le cadre de la réalisation du
marché intérieur visée par l’article 14 CE, « le Conseil, statuant conformément à la procédure
Comme elle l’a fait, par exemple, en matière de refus d’accès à certains ports (cf. Décision Port de Rodby du
21.12.1993), de redevances aéroportuaires discriminatoires (cf. Décision Aéroport Bruxelles-National du 29.6.1005)
ou encore de droit exclusif en matière d’émission de publicité télévisée (cf. Décision TV-Flandre du 26.6.1997).
151
Par application de l’article 226 du traité CE.
152
Point 26 de la résolution du 14 janvier 2004 : “invite la Commission à ne pas recourir à l’article 86, paragraphe
3, du traité afin d’élaborer une directive pour assurer la compatibilité avec l’article 86, paragraphe 2” des
compensations financières au titre des obligations de service public.
153
Projet adopté le 18 février 2004 : cf. Bulletin Quotidien Europe n°8648 du 19.2.2004, p. 12.
154
On ne signalera que pour mémoire l’existence de l’article 94 CE (ex-article 100) qui vise le rapprochement des
réglementations nationales "qui ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché
commun", dans la mesure où il n’est plus guère utilisé aujourd’hui compte tenu du fait notamment qu’il requiert un
vote à l’unanimité au sein du Conseil. De même ne sont pas analysées les procédures spécifiques d’harmonisation
propres à certains secteurs : politique agricole (article 37 CE), sécurité sociale (article 42 CE), droit des sociétés
(article 47-2), fiscalité (article 93), etc.
150
110
visée à l'article 251 et après consultation du Comité économique et social, arrête les mesures
relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des
États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur ».
Selon la jurisprudence bien établie désormais de la Cour de justice, “la notion de "mesures
relatives au rapprochement" doit s' interpréter comme englobant le pouvoir du Conseil de
prescrire les mesures relatives à un produit ou à une catégorie de produits déterminés et, le cas
échéant, des mesures individuelles concernant ces produits”155. Pour autant, il ne faut pas voir
dans l’article 95 l’expression d’un pouvoir général de règlementation du marché intérieur, y
compris dans les secteurs des SIEG. Le juge communautaire se montre à cet égard vigilant :
“les mesures visées à l'article 100 A, paragraphe 1 [devenu article 95 CE] du traité sont
destinées à améliorer les conditions de l'établissement et du fonctionnement du marché intérieur.
Interpréter cet article en ce sens qu'il donnerait au législateur communautaire une compétence
générale pour réglementer le marché intérieur serait non seulement contraire au libellé même
des dispositions précitées, mais également incompatible avec le principe consacré à l'article 3 B
du traité CE (devenu article 5 CE) selon lequel les compétences de la Communauté sont des
compétences d'attribution”156.
Pour autant, dans la mesure où les principales directives de libéralisation touchant des SIEG
visent en premier lieu à y faire application des règles du marché intérieur, notamment des règles
de libre circulation (autant que des règles de concurrence), le lien est parfaitement établi avec
l’article 14 CE relatif à la définition du marché intérieur. Dès lors, le recours privilégié à
l’instrument de la directive fondée sur l’article 95 CE est justifié.
De plus, le recours à l’article 95 CE présente l’avantage ‘politique’ d’associer étroitement le
Parlement européen au processus puisque c’est la procédure de co-décision qui s’applique alors,
et de prévoir la consultation obligatoire du Comité économique et social (mais pas du Comité des
régions).
Il n’est donc pas étonnant que la résolution du Parlement européen de janvier 2004 sur le Livre
vert sur les SIG défende cette position en considérant que « les SIEG ont une incidence directe
sur le fonctionnement du marché intérieur et que l’article 95 devrait fournir la base juridique
pour l’élaboration d’un acte communautaire relatif à ce point »157.
Point 37 de l’aff. C-359/92, Allemagne c/ Conseil du 9 septembre1994.
Point 83 de l’aff. C-376/98, Allemagne c/ Parlement et Conseil du 5 octobre 2000.
157
Considérant (N) de la résolution précitée du 14.1.2004.
155
156
111
4. L’article 308 CE
C’est enfin le recours à l'article 308 CE qui peut être envisagé comme base juridique, puisque
telle est sa principale fonction dans le cadre de l'achèvement du marché intérieur. En effet, aux
termes de cette disposition de nature subsidiaire et supplétive, il est énoncé que « si une action de
la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun,
l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action
requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après
consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées ».
Au regard de la jurisprudence de la Cour, l’utilisation de l’article 308 ne doit pas être exclue dans
la mesure où “le seul fait qu’un acte puisse avoir des incidences sur l’établissement et le
fonctionnement du marché intérieur ne suffit pas pour justifeir le recours à l’article [95] comme
base juridique”158. Toutefois, il conviendra que les institutions démontrent qu’elles ne peuvent
fonder la compétence de la Communauté à agir “sur aucune autre disposition du traité”159.
Inévitablement, la recherche de la base juridique appropriée est devenue source de contentieux,
notamment pour arbitrer entre articles 95 et 308 du traité. Pour guider cet arbitrage, le juge
communautaire a recours à plusieurs règles d’interprétation : il aura ainsi tendance à privilégier
la “lex specialis” sur la règle générale et l’objectif ou l’effet principal de la mesure à adopter sur
ses objectifs ou effets accessoires. Mais la Cour a aussi eu l’occasion de mettre en avant un
critère ‘démocratique’, en ce sens qu’elle s’est attachée à privilégier la base juridique qui garantit
la participation la plus active du Parlement européen, afin de “ne pas remettre en cause la
participation du Parlement européen au processus législatif de la Communauté européenne,
reflet de la démocratie”160.
De fait, le recours à l’article 308 présente un double inconvénient sur le plan institutionnel :
d’une part, le Parlement européen n’est que consulté dans l’adoption de l’acte; et, d’autre part, le
Conseil est tenu de statuer à l’unanimité. Par ailleurs, comme l’ont souligné certains acteurs
locaux dans le cadre de la consultation du Livre vert sur les SIG, l’article 308 CE peut se révéler
source de “confusion concernant le rôle et les responsabilités de chacun”161.
En conséquence de quoi, il ne nous semble devoir être recommandé en vue d’un texte législatif
devant avoir des conséquences significatives sur les SIEG.
158
Aff. C-426/93, Allemagne c/ Commission du 9 novembre1995.
Aff. 165/87, Commission c/ Conseil du 27 septembre 1988.
160
Aff. C-300/89, Commission c/ Conseil du 11 juin 1991.
161
Lire notamment en ce sens la contribution d’EUROCITIES au Livre vert SIG.
159
112
II. LA CONSTITUTION EUROPÉENNE : QUELS CHANGEMENTS ?
1. Le projet d’article III-6
Dans sa version présentée par la Convention et publié au JOUE du 18 juillet 2003, le projet de
Constitution proposait un article III-6 qui reprenait les termes de l’article 16 CE en lui ajoutant
une référence explicite à la "loi européenne" comme base juridique pour l'adoption d'un cadre
législatif des SIEG.
Rappelons que conformément à la nouvelle nomenclature des actes juridiques proposée, la loi
européenne est définie comme « un acte législatif de portée générale » qui « est obligatoire dans
tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre »162. En d’autres termes, la loi
européenne ne serait que la nouvelle appellation de l’actuel règlement visé à l’article 249 CE. On
doit dès lors comprendre que serait écartée l’idée jusqu’alors défendue d’adopter une directivecadre sur les SIEG. Dans cette logique, le projet d’article III-6 aurait fait explicitement référence
au nouvel acte juridique dénommé « loi-cadre européenne »163.
Si l’hypothèse d’une loi européenne des SIEG se confirmait, sa portée juridique serait d’ores et
déjà balisée, par référence à celle qui est conférée à l’actuel règlement communautaire (cf. infra),
à savoir un acte juridiquement contraignant dans son ensemble et qui entre dans l’ordre interne
des Etats membres sans aucune transformation, ce qui le rend invocable devant les tribunaux
nationaux par tout citoyen (théorie de l’effet direct).
Ces caractéristiques pourraient être considérées d’une certaine manière comme peu appropriées à
une réglementation trouvant à s’appliquer aux SIEG, compte tenu notamment de l’absence de
souplesse qu’elles offrent aux Etats pour disposer d’une marge d’adaptation de leur cadre
législatif et réglementaire respectif, à la différence de celle dont ils disposent en présence d’une
directive communautaire (ou future « loi-cadre européenne »). Du même coup, le législateur
européen pourrait se trouver aussi mal à l’aise pour arrêter un texte aux dispositions directement
applicables aux SIEG nationaux. Le risque serait alors que le consensus requis n’aboutisse qu’à
un texte minimaliste, faute de pouvoir suffisamment prendre en compte certaines spécificités
tantôt nationales, tantôt sectorielles, des SIEG.
2. Les travaux de la CIG: le nouvel article III-122
162
Article I-32.1, deuxième paragraphe, du projet de Constitution.
Article I-32.1, troisième paragraphe, du projet de Constitution : “La loi-cadre européenne est un acte législatif
qui lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la
compétence quant au choix de la forme et des moyens”.
163
113
Dans la version qui a été amendée lors des premières semaines de la CIG et qui a été présentée
par la présidence italienne durant le Conseil européen de Bruxelles des 11 et 12 décembre 2003
et qui a été repris tel quel par le document de synthèse de la Présidence irlandaise en vue du
Conseil européen de Dublin des 17-18 juin 2004164, le projet d'article III-6 a été enrichi d’un
renvoi indirect au respect de "l'autonomie locale et régionale"165 et une autre à « la compétence
qu’ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de
financer ces services ». Ces ajouts ont été confirmés par la session finale de la CIG du 18 juin
2004 et la version consolidée et renumérotée rendue publique le 6 août 2004 les intégre dans un
nouvel article III-122 : comment dès lors interpréter ces ajouts au regard de la portée juridique
susceptible d’être reconnue à cette nouvelle disposition?
- S’agissant de la référence à l’autonomie locale et régionale, elle pourrait être
fondamentale pour apprécier la répartition des compétences respectives de l’Union et des Etats
membres dans leur obligation commune de veiller au bon fonctionnement des SIEG. Car cette
répartition n’est pas clairement établie, même si la jurisprudence de la Cour, sur la base de
l’article 86-2 CE, a fourni quelques points de repère.
En premier lieu, la Cour a défini le jeu d’équilibre entre les Etats et les institutions européennes
auquel renvoie l’article 86-2 : « En permettant, sous certaines conditions, des dérogations aux
règles générales du traité, cette (...) disposition vise à concilier l'intérêt des États membres à
utiliser certaines entreprises, notamment du secteur public, en tant qu'instrument de politique
économique ou fiscale avec l'intérêt de la Communauté au respect des règles de concurrence et
à la préservation de l'unité du marché commun”166.
Dès lors, la Commission est invitée “à tenir compte des exigences inhérentes à la mission
particulière des entreprises concernées” et du fait que “les autorités des États membres, de leur
côté, peuvent disposer, dans certains cas, d'un pouvoir d'appréciation tout aussi large pour
réglementer certaines matières, telles que (...) l'organisation des services publics dans le secteur
postal”167.
Malgré cette marge d’appréciation conférée aux Etats, il n’en reste pas moins que le juge
communautaire exerce un contrôle, même minimum, sur la qualification d’intérêt économique
Cf. Document de la présidence du Conseil sur les “focal points” du 13 mai 2004.
L’article III-6 débute par “Sans préjudice de l’article I-5...”, lequel précise notamment que “l’Union respecte
l’identité nationale des Etats membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y
compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale”.
166
Aff. C-202/88, République française contre Commission des Communautés européennes du 19 mars 1991.
167
Aff. T-106/95 Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA)du 27 février 1997; voir aussi déjà en ce sens:
aff. T-32 /93 Ladbroke Racing/Commission du 27 octobre 1994.
164
165
114
général du service, contrôle qui s’exprime notamment par la revendication d’une définition
communautaire autonome du caractère économique ou non de l’activité considérée168.
Pour autant, dans le cadre des compétences ainsi reconnues aux Etats dans l’organisation de leurs
services publics, la sphère infra-nationale devrait pouvoir être préservée, selon les règles
constitutionnelles nationales. C’est dans le sens de cette revendication que les collectivités
locales se sont faites entendre contre la proposition de règlement relatif à l'action des États
membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public
dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie
navigable169. La proposition vise en effet à imposer aux autorités responsables du service public
des transports urbains le recours à la procédure d’appel d’offres pour en confier la gestion à un
opérateur privé ou public. La possibilité pour les collectivités publiques de continuer à gérer ce
service en régie semblerait ainsi écartée, ce qui porterait atteinte à leur autonomie de décision et
à la mise en œuvre de leurs compétences. Une telle critique a conduit pour l’heure à bloquer tout
avancement dans l’adoption de la proposition de règlement.
- L’autre référence ajoutée à l’article III-122 de la Constitution vise l’affirmation de la
compétence des Etats membres pour « fournir », « faire exécuter » et « financer » les SIEG. Une
telle référence ‘tridimensionnelle’ en quelque sorte, constituerait une clause explicite de réserve
de compétence nationale qui reflèterait assez bien l’opinion majoritaire qui est ressortie de la
consultation du Livre vert sur les SIG, à savoir qu’il n’y aurait pas place à une extension des
compétences communautaires dans le domaine des SIEG170.
Le premier aspect de cette réserve de compétence nationale correspond à l’état de la
jurisprudence communautaire qui reconnaît un large pouvoir aux Etats membres dans la création
(et partant la suppression) et l’organisation de leurs SIEG171.
Le second aspect relatif à la compétence au niveau national pour « faire exécuter », ou en
d’autres termes, pour déléguer la gestion d’un SIEG, peut être analysé à la lumière des
remarques qui ont été précédemment formulées à propos du respect de l’autonomie locale et
régionale, notamment quant à la liberté de choix pour une collectivité publique responsable de la
gestion d’un SIEG de l’assumer directement ou de la déléguer à un tiers.
On rappellera ainsi que pour la Cour l’activité n’est pas économique si elle se rattache à l’exercice de
prérogatives “typiquement de puissance publique” ou d’une fonction “exclusivement sociale”.
169
COM(2000) 7 précitée.
170
Cf. Rapport de la Commission du 15 mars 2004 concernant la consultation sur le Livre vert sur les SIG :
SEC(2004) 326.
171
Voir la jurisprudence précitée du Tribunal dans les affaires “Ladbroke Racing” et “FFSA”.
168
115
Quant au troisième aspect lié à la compétence des Etats pour financer les SIEG, sa signification
ne peut pas être analysée sans référence au débat ouvert à la suite de l’arrêt « Altmark Trans
GmbH » de juillet 2003 sur les critères de qualification des compensations de service public en
tant qu’aides d’Etat172. Rappelons qu’aux termes de cette jurisprudence, il n’y a pas aide d’Etat
lorsque la compensation représente la contrepartie de l’exécution des obligations de service
public dans la mesure où les entreprises bénéficiaires « ne profitent pas, en réalité, d'un avantage
financier et que ladite intervention n'a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une
position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence ».
Encore faut-il que quatre conditions soient réunies pour qu’une telle compensation puisse
échapper à la qualification d'aide d'État, à savoir :
-
Condition n°1 : l'entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution
d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies ;
-
Condition n° 2 : « les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation
doivent être préalablement établis de façon objective et transparente » ;
-
Condition n°3 : la compensation ne saurait dépasser « ce qui est nécessaire pour couvrir
tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en
tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour
l'exécution de ces obligations » ;
-
Condition n°4 : lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de
service public n'a pas été effectué dans le cadre d'une procédure de marché public
permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût
pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit avoir été déterminé
« sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et
adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de
service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte
des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces
obligations ».
De part l’existence même de ces conditions, les compétences de l’Etat pour financer les SIEG
sont donc parfaitement encadrées. On pouvait au demeurant s’en douter en prenant pour
référence le protocole additionnel ajouté au traité CE par le Traité d’Amsterdam sur le système
de radio-diffusion publique dans les Etats membres aux termes duquel il est énoncé que :
172
Aff. C-280/00 précitée.
116
« Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne sont sans préjudice de la
compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion
dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de
l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et
organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n’altère pas les
conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait
contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public
doit être prise en compte. »
Une telle formulation pourrait ainsi inspirer l’éventuelle loi européenne sur les SIEG, pour ce qui
concerne leur financement. Pour autant, il ne pourra pas être fait l’économie d’une clarification
des critères développés par la Cour dans sa jurisprudence Altmark, afin d’en préciser les
contours et les limites, plutôt que d’en laisser la mise en œuvre à la seule Commission, rôle
qu’elle est en somme déjà prête à assumer à la lecture du « paquet Monti sur les SIEG », avec
notamment un projet d’encadrement communautaire des aides d’Etat sous forme de
compensation de service public et une décision relative à l’application de l’article 86 du traité à
ces compensations173, dont la publication a été annoncée pour juillet 2005174.
Il reste que la référence au respect des compétences nationales pose la question de son impact sur
le champ de la « responsabilité partagée » par ailleurs imposée par l’article 16 CE à la
Communauté européenne et aux Etats membres pour veiller au bon fonctionnement des SIEG.
Car à quoi serait réduit cette obligation de ‘veille’, si elle ne peut s’exercer sur certaines
conditions de gestion (dont relève la question de la délégation de gestion) et sur les conditions de
financement desdits services ? A une simple évaluation des performances175 ou à la promotion
des SIG dans la coopération au développement176 ? Nous ne le pensons pas, ne serait-ce parce
que la Commission ne peut renoncer à l’exercice de ses propres compétences, notamment celles
relatives à la politique de concurrence qui peuvent trouver à s’appliquer potentiellement à
l’ensemble des mesures touchant le régime national des SIEG. N’oublions pas à cet égard que ,
faisant pendant à la clause de réserve des compétences nationales, l’article III-122 continuera à
s’appliquer « sans préjudice » des règles de concurrence et de contrôle des aides d’Etat (futurs
articles III-166 et III-167). Et il sera d’autant plus difficile de revendiquer le jeu de la subsidiarité
(actuel article 5 CE et futur article I-11), que, d’une part, l’Union se verra confirmer une
compétence exclusive « pour établir les règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du
marché intérieur » (futur article I-12 de la Constitution) et que, d’autre part, s’agissant de la
173
Communiqué de presse de la Commission n°IP/04/235 du 18 février 2004.
Cf. Point 4.3 du Livre blanc sur les SIG.
175
Cf. Point 4.5 du Livre blanc sur les SIG.
176
Cf. Point 4.8 du Livre blanc sur les SIG.
174
117
question cruciale des aides aux SIEG, l’imputabilité à l’Etat pour leur contrôle communautaire
englobe les collectivités locales et régionales.
SECTION 2. QUEL TYPE D’ACTE APPROPRIÉ ?
Deux questions, étroitement liées au demeurant, doivent ici être posées : doit-on privilégier un
acte de portée sectorielle ou horizontale ? doit-on adopter une directive ou un règlement ?
I. ACTE À PORTÉE SECTORIELLE OU HORIZONTALE ?
Il s’agit de s’interroger sur l'opportunité et la pertinence du choix à opérer entre, d'une part,
l'adoption d'un nouveau cadre législatif à vocation horizontale et, d'autre part, le maintien de
l'approche existante privilégiant un cadre législatif pluri-sectoriel.
Les arguments en faveur du statu quo tiennent principalement à la difficulté qu’il y aurait à
appréhender les spécificités et les contraintes inhérentes à chacun des secteurs de réseaux où des
SIEG interviennent. En d’autres termes, seuls des actes de portée sectorielle, comme ceux
adoptés jusqu’à présent, peuvent refléter la diversité technique, économique et sociale de ces
secteurs. Il est vrai que des concepts ou des principes qui trouvent à s’appliquer dans certains
secteurs peuvent parfois être difficilement transposés dans d’autres secteurs. C’est ainsi que
l’idée d’un service universel, tel qu’il a été développé par les directives communautaires dans les
domaines des postes et des télécommunications, ne peut pas être mise en œuvre telle quelle dans
d’autres secteurs qui peuvent pourtant présenter une forte composante de service public, tels que
le transport ferroviaire ou la distribution du gaz naturel.
De plus, certains mettent en avant le principe de subsidiarité pour préserver cette diversité
sectorielle. C’est ainsi, par exemple, qu’interrogée par un député européen sur la portée de la
première directive « Electricité » de 1996, la Commission a tenu à répondre que :
« dans le respect du principe de subsidiarité, la directive ne définit pas les obligations de service
public au delà des quelques domaines énoncés à l’article 3.2 (la sécurité, y compris la sécurité
d’approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection
de l’environnement). Il appartient donc aux Etats membres de le faire. La situation dans les
Etats membres présente une telle diversité qu’il ne semble pas opportun d’avoir une définition
commune des obligations de service public »177.
177
Réponse à la question écrite de M. Amadeo in JO C C-138 du 5 mai 1997, p. 22.
118
Cette prise de position est d’autant plus surprenante qu’elle dit tout et son contraire : il y a bien
un certain nombre d’obligations de service public que la Commission a jugé nécessaire de définir
de manière commune pour les Etats.
Dans le même esprit, nous pensons dès lors que le recours à un acte communautaire à vocation
horizontale et multi-sectorielle doit être défendu, ne serait-ce que pour fixer de manière claire et
précise, autrement qu’à travers de simples communications de la Commission, les notions
respectives de SIG et de SIEG, ainsi que pour inventorier les moyens de fournir les services
publics demandés et les modalités possibles de leur gestion et de leur financement. Il s’agit en
quelque sorte d’établir des normes minimales de référence qui soient communes aux SIEG,
quelque soit leur champ d’intervention, afin de renforcer la sécurité juridique non seulement des
opérateurs chargés de la gestion de ces SIEG, mais également des autorités publiques
responsables de la définition et du contrôle de ces services essentiels pour la collectivité des
citoyens.
Il nous semble de surcroît qu’une telle approche découle du mandat qui s’impose aux Etats
comme à la Communauté européenne à la lecture de l’article 16 CE, ce partage de
responsabilités étant par ailleurs respectueux du principe de subsidiarité. Car c’est bien un
mandat commun qui leur est confié pour veiller au bon fonctionnement des SIEG. Or, comment
remplir une telle mission, si un minimum de règles du jeu communes ne sont pas établies?
Comprendre autrement la portée et la signification de l’article 16 reviendrait à amoindrir
l’ancrage des SIEG dans le paysage institutionnel et matériel de la Communauté. Comme il a été
fort justement souligné : “sous prétexte d’une subsidiarité mal comprise, les partisans du service
public abandonneraient ainsi la proie pour l’ombre, c’est-à-dire finalement la cause de
l’intégration européenne pour se replier chacun dans son coin et protéger son service national
en tournant le dos à l’Europe”, ce qui, au-delà du très court terme “ne pourrait avoir que des
conséquences néfastes pour le principe même du service public”178.
En outre, le recours à un acte de portée horizontale nous semble aussi cohérent avec l’actuel
article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au droit d’accès
des citoyens aux SIEG (futur article II-96 tel qu’intégré dans le traité établissant une Constitution
pour l’Europe)179. Comment en effet assurer et garantir un tel accès de manière uniforme dans
toute l’Union si cette dernière n’adopte pas des normes communes de référence ayant vocation à
s’appliquer à tout SIEG? Et ce, indépendamment des spécificités sectorielles qui ne sauraient
servir de prétexte pour réduire la portée et l’affirmation d’un droit fondamental.
J.-L. BUENDIA SIERRA, “Services d’intérêt général en Europe et politique communautaire de concurrence”, in
Competition Policy Newsletter, Commission européenne, n°4/1996, p. 5.
178
119
En dernier lieu, la lecture du Livre blanc de la Commission sur les SIG nous fournit un argument
supplémentaire en faveur d’un instrument-cadre, malgré la prudence affichée par ailleurs180 : en
effet, la Commission non seulement reconnaît la nécessité d’accroître la transparence 181 et
d’assurer la sécurité juridique182, ce à quoi ne peut que contribuer l’adoption d’un acte à portée
horizontale, mais de surcroît elle insiste elle-même sur la nécessité de disposer de mécanismes
d’évaluation horizontale des SIG183 et de revoir les politiques sectorielles à la lumière des
obligations communes qui servent de fondement à l’actuelle législation communautaire
sectorielle184 : l’adoption d’un instrument-cadre ne serait-elle pas justement appropriée à de telles
démarches? N’est-ce pas d’ailleurs dans cet état d’esprit que la Commission a par ailleurs
annoncé, à l’occasion de la présentation de son troisième “paquet ferroviaire” en mars 2004,
qu’elle entendait proposer un règlement-cadre sur les autorités européennes de régulation?
Evaluation, obligations communes, régulation : autant de chapitres transversaux qui ont vocation
à être regroupés, selon nous, dans un seul et même intrument de référence.
II. DIRECTIVE OU RÈGLEMENT ?
Si l’option d’un acte à portée générale et horizontale devait être retenue, il resterait à s’interroger
sur le type de norme à retenir au regard de la nomenclature existante et future des actes
communautaires: directive-cadre (ou future loi-cadre) ou règlement (ou future loi européenne)?
On sait que la différence principale entre ces deux normes réside dans la marge de manœuvre
attribuée aux Etats membres pour intégrer dans leur ordre juridique respectif leur contenu. Le
règlement, qui doit viser « des situations objectives de droit ou de fait définies (…) en relation
avec la finalité de l’acte »185 et qui est à la fois obligatoire dans tous ses éléments et directement
applicable dans tout Etat membre, ne laisse aucune marge de réception à ce dernier. Le
règlement fait ipso facto partie du droit national et prime, en vertu du principe de primauté du
droit communautaire, sur toute autre règle nationale qui lui serait contraire. Tout au plus, le
règlement peut nécessiter des mesures nationales d’exécution, soit que le règlement habilite
explicitement les Etats en ce sens (ce qui est souvent le cas dans le domaine agricole), soit que
l’intervention de l’Etat est nécessaire pour la mise en œuvre du règlement par application de
S. RODRIGUES, “Le thème de l’accès aux SIEG au coeur de l’agenda politique européen”, in J. VANDAMME
et S. RODRIGUES (dir.), L’accès aux services d’intérêt économique général, collection TEPSA, éditions ASPE
Europe, 2003.
180
Cf. Point 4.1 du Livre blanc sur les SIG : “La Commission estime qu’il vaut mieux ne pas présenter de
proposition pour l’instant, mais rééxaminer la question ultérieurement”.
181
Cf. Point 3.8 du Livre blanc sur les SIG.
182
Cf. Point 3.9 du Livre blanc sur les SIG.
183
Cf. Point 4.5 du Livre blanc sur les SIG.
184
Cf. Point 4.6 du Livre blanc sur les SIG.
185
Cf. aff. 101/76, Koninklijke Scholten Honig c/ Conseil et Commission du 10 mai 1977.
179
120
l’obligation de coopération loyale de l’article 10 du traité CE. Mais en tout état de cause, les
Etats ne disposeront que d’un pouvoir lié, leur interdisant d’ajouter des conditions
supplémentaires non prévues par le règlement186.
La directive pour sa part se veut un instrument plus souple. Acte à portée individuelle, au sens
strict (même si en pratique les directives sont adressées à tous les Etats membres), son intensité
normative est variable, en ce sens qu’elle ne revêt un caractère obligatoire que quant au(x)
résultat(s) qu’elle assigne aux Etats, ces derniers restant compétents pour choisir la forme et les
moyens les plus appropriés pour parvenir à ce(s) résultat(s) dans le temps imparti par la directive
(délai dit de transposition). C’est en raison de cette souplesse, que la directive a été, et est encore,
très souvent choisie comme instrument de l’harmonisation par le législateur communautaire,
notamment dans le cadre de la consolidation du marché commun devenu marché intérieur. Dès
lors, compte tenu du lien que nous avons eu l’occasion de mettre en valeur entre développement
du marché intérieur et fonctionnement des SIEG et compte tenu de la base juridique appropriée
que s’avère être l’article 95 CE pour concrétiser ce lien dans le droit communautaire positif, le
recours à l’instrument de la directive nous paraît le plus approprié pour établir un cadre
réglementaire horizontal applicable aux SIEG.
C’est en ce sens que l’idée d’une « directive-cadre » a été appuyée par le Parlement européen,
évoquée par le Conseil européen ou encore considérée par la Commission pour précisément
« mettre en œuvre les principes de l’article 16 »187.
Certes, d’un point de vue strictement juridique, la directive-cadre n’existe pas en tant que tel
dans la nomenclature officielle des actes communautaires (cf. article 249 CE). Toutefois, la Cour
de justice semble avoir admis une certaine hiérarchisation des directives, en considérant que
certaines directives pouvaient être considérées comme des directives de base, vis-à-vis
desquelles d’autres directives pouvaient avoir à se conformer188. Dès lors il n’est pas illogique
d’imaginer qu’une directive-cadre sur les SIEG puisse acquérir un tel statut de référence à
l’égard de toute autre directive adoptée dans un secteur spécifique de SIEG. Ce faisant, on ne
pourrait qu’y gagner en termes de cohérence et de sécurité juridiques. Resterait à s’entendre sur
le contenu de cette directive-cadre.
SECTION III. QUEL CONTENU NORMATIF ?
On ne peut se contenter à ce stade que d’avancer quelques propositions de ce que pourrait être la
structure générale d’une directive-cadre et notamment les grands chapitres qui devraient, selon
186
Cf. aff. 39/70, Norddeutsches Vieh- und Fleischkontor c/ Hauptzollamt Hamburg St Annen du 11 février 1971.
Point 3.2 du rapport de la Commission à l’intention du Conseil européen de Laeken sur les services d’intérêt
général : COM (2001) 598 du 17 octobre 2001.
188
Voir en ce sens : Aff. C-212/91, du 25 janvier .1994, Angelopharm / Freie und Hansestadt Hamburg.
187
121
nous, la constituer ainsi que les principaux considérants qui devraient permettre de la justifier et
d’en motiver l’adoption. On renverra pour cela à la lecture de l’annexe intitulée « proposition de
directive-cadre (ou loi européenne) relative aux principes communs et conditions de
fonctionnement des services d’intérêt économique général dans l’Union européenne ».
CONCLUSION
Force est de conclure à ce stade que dans la mesure où l’article 16 du traité CE ne peut constituer
une base juridique opératoire (sans minimiser sa force déclaratoire et interprétative) ; que l’usage
par la Commission de l’article 86-3 CE s’avère délicat d’un point de vue politique et que l’article
308 CE n’est pas davantage satisfaisant, l’article 95-1 CE semble devoir s’imposer comme la
base juridique la plus appropriée, certes, dans le cadre strictement limité de l’établissement et du
développement du marché intérieur, mais selon une acception assez extensive et selon la
procédure de codécision, la plus respectueuse des pouvoirs du Parlement européen.
C’est pourquoi c’est sur cette base qu’il serait utile d’envisager l’adoption d’un acte contraignant
à portée horizontale, rompant avec le recours jusqu’à présent systématique à des actes à portée
sectorielle, quelle que soit la catégorie de SIEG concernée. Quant à la nature de l’acte, la
directive-cadre présenterait le double avantage de la cohérence (instrument le plus utilisé pour
l’harmonisation du marché intérieur) et de la sécurité juridique (fixation de principes communs
stables pour les usagers, opérateurs et régulateurs des SIEG), dans la logique de la coresponsabilité confiée aux Etats et à l’Union pour veiller au bon fonctionnement de ces services.
Resterait alors à s’entendre sur le contenu d’un tel acte, au regard notamment de son champ
d’application, de la répartition exacte des compétences, du niveau pertinent de régulation, des
règles communes de gestion qui s’imposeraient ou encore des droits des usagers ou des
conditions financières de fonctionnement des services concernés.
L’état du droit positif devrait enfin évoluer de manière significative avec le Traité établissant une
Constitution pour l’Europe. La nouvelle version de l’article 16 CE (futur article III-122 de la
Constitution), visera explicitement l’adoption d’une « loi européenne » (correspondant à l’actuel
règlement communautaire) pour fixer les conditions dans lesquelles les Etats membres et l’Union
doivent veiller au bon fonctionnement des SIEG. La co-responsabilité Etats/Union serait ainsi
réaffirmée, tandis qu’une double référence sera faite au respect, d’une part, de l’autonomie locale
et régionale (par renvoi au futur article I-5°) et, d’autre part, à la compétence des Etats pour
fournir, faire exécuter et financer ces services. La question se posera alors de savoir si une telle
réserve de compétence, relative notamment au financement des SIEG, aura une influence ou non
sur la portée de la jurisprudence plutôt restrictive de la Cour de justice des Communautés
européennes en matière de compensations de service public dans le cadre du contrôle des aides
d’Etat.
122
CONCLUSION GÉNÉRALE
Si un certain consensus se dégage actuellement sur le contenu du service d’intérêt général, à
savoir les obligations ou missions que celui-ci implique, il est loin d’en aller de même pour ce
qui concerne la distinction entre service marchand et non marchand et l’identification des
services qui n’ont qu’une faible influence sur les échanges entre Etats membres. Or, c’est en ces
domaines qu’une clarification serait particulièrement bienvenue car elle permettrait de mieux
cerner l’emprise du droit communautaire sur un certain nombre de services d’intérêt général.
S’agissant de la distinction entre services marchands et non marchands, le point le plus
problématique concerne les services dits sociaux au sens large. L’enjeu est de savoir si, en ce
domaine, à côté du public et du privé marchand, un rôle  et donc une place  spécifiques
peuvent être reconnus au privé non marchand.
Pour ce qui est de la notion d’affectation des échanges entre Etats membres, les pouvoirs locaux
sont dans l’attente d’une définition qui préserve mieux leur autonomie et soit plus conforme au
principe de subsidiarité.
Une autre clé de lecture de l’avenir des SIEG en droit communautaire sera la mise en œuvre du
principe de subsidiarité, tant au regard du droit positif (articles 5 et 16 CE) que de la future
Constitution européenne (articles I-9 et III-122). S’agissant en effet de l’article 16 CE, le mandat
qui en ressort au nom du principe de bon fonctionnement des SIEG repose à la fois sur les Etats
membres et la Communauté européenne. Il s’agit donc bien d’une compétence partagée dont les
modalités d’exercice doivent respecter l’exigence de subsidiarité. Or, derrière la part de
responsabilité qui incombe aux Etats dans la gestion d’un certain nombre de SIEG, se profilent
les acteurs locaux, avec une plus ou moins grande liberté d’action selon les pays. Dès lors,
l’impact que le droit communautaire a nécessairement sur les modes de gestion de ces services
pourrait dans certains cas malmener le principe d’autonomie des collectivités locales dans leur
propre gestion des SIEG. Il en pourrait être ainsi tout particulièrement du mode de gestion en
régie face à l’exigence qui serait imposée de recourir à une procédure d’appel d’offres. Or, loin
de clarifier la situation sur ce point, le futur traité établissant une Constitution pour l’Europe
ajoutera au texte de l’article 16 CE (futur article III-122) une référence indirecte mais explicite
au respect de l’autonomie locale et régionale.
ANNEXE
Proposition de directive-cadre (ou future loi européenne)
relative aux principes communs et conditions de fonctionnement
des services d’intérêt économique général dans l’Union européenne
LE PARLEMENT EUROPEEN ET LE CONSEIL DES MINISTRES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne [ou le Traité établissant une Constitution pour
l’Europe], et notamment ses articles 16, 86 et 295 (189) [ou articles II-96, III-122, III-132 et III425 du traité établissant une Constitution pour l’Europe],
Vu la proposition de la Commission,
Vu l’avis du Comité économique et social,
Vu l’avis du Comité des régions,
Statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité CE [ou article III-418 du
traité établissant une Constitution pour l’Europe],
Considérant ce qui suit :
(1) Rappel de la lettre et de l’esprit des articles 36 de la Charte des droits fondamentaux de
l’Union (ou article II-96 du traité établissant une Constitution pour l’Europe) 16 CE (ou article
III-122 du traité établissant une Constitution pour l’Europe) : le droit d’accès aux SIEG reconnu
aux citoyens et les SIEG en tant que valeurs à respecter et instruments à mettre en œuvre dans le
cadre d’une économie sociale de marché (cf. article I-3.3 du traité établissant une Constitution
pour l’Europe) ; affirmation d’un droit fondamental d’accès aux SIEG et d’une exigence de bon
fonctionnement des SIEG s’imposant à la fois aux Etats membres et à l’UE; obligation de définir
les principes et les conditions de cette exigence dans une loi européenne ;
(2) Rappel du mandat politique établi par le Conseil européen de Barcelone (mars 2002), sur la
base de la déclaration sur les SIG adoptée par le Conseil européen de Nice (décembre 2000) et le
rapport du Conseil au Conseil européen de Laeken (décembre 2001) ;
189
« Le présent traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres ».
124
(3) Rappel des engagements pris par la Commission dans ses communications sur les SIG de
septembre 1996 et de septembre 2000, des résultats de la consultation publique ouverte par le
Livre vert sur les SIG de mai 2003 et des propositions présentées dans le Livre blanc sur les SIG
de mai 2004 ;
(4) Définition de l’objectif principal poursuivi : sans entraver une application sectorielle tenant
compte des spécificités de chaque activité concernée, il s’agit d’encadrer l’application aux SIEG
des règles du marché intérieur et de la concurrence par des règles communes garantissant la
protection de l’intérêt général et la satisfaction du consommateur ; et rendre obligatoire
l’établissement par la Commission d’une fiche d’impact sur le fonctionnement des SIEG pour
chacune de ses propositions touchant un secteur d’intérêt économique général ;
(5) Nécessité de s’entendre préalablement sur une définition commune du service d’intérêt
économique général (SIEG) et sur son articulation avec les autres notions utilisées par le droit
dérivé (service universel, obligations de service public, services d’intérêt général ou d’utilité
publique etc.) ;
(6) Nécessité de définir le niveau pertinent de régulation des SIEG dans le respect de la
répartition des compétences entre les Etats membres et la Communauté, du principe de
subsidiarité (cf. article 5.2 CE ou article 9-3 du traité établissant une Constitution pour l’Europe)
et du principe de neutralité du traité vis-à-vis du caractère public ou privé du mode de gestion
d’un SIEG (cf. article 295 CE ou article III-425 du projet de Constitution) ;
(7) Constat de la dispersion/diversité de plus en plus grande des textes de droit dérivé libéralisant
les SIEG et harmonisant le cadre juridique de leurs interventions ; risque qui en découle
d’entraver l’accomplissement des missions des entreprises chargées de la gestion de ces SIEG ;
d’où la nécessité de définir des principes communs de fonctionnement, dans le respect de la
jurisprudence de la Cour de justice, pour permettre aux SIEG d’exercer leurs missions dans des
conditions optimales de sécurité juridique ;
(8) Prendre en compte les exigences de financement des SIEG pour leur permettre d’exercer
aussi leurs missions dans des conditions de viabilité économique ; d’où la nécessité de préciser
les modalités de mise en œuvre de la péréquation tarifaire ainsi que l’articulation des modes de
financement des SIEG avec l’application des règles relatives aux aides d’Etat ;
(9) Mieux évaluer et mieux contrôler les performances des SIEG au regard des principes
communs et des conditions de fonctionnement ainsi définis ;
125
(…)
ONT ARRETE LA PRESENTE DIRECTIVE-CADRE (OU LOI EUROPEENNE) :
CHAPITRE I
Champ d’application et définitions
-
-
-
Champ d’application : les SIEG (prévoir une clause évolutive ou de rendez-vous, pour
réfléchir à une éventuelle extension du champ de la loi à certains SIG ?) – d’où exclusion
des activités présentant un caractère « exclusivement social » ou exprimant l’exercice de
la puissance publique ;
Définitions : SIEG, service universel, obligations de service public, services d’utilité
publique, droits exclusifs, droits spéciaux, contrats de service public, concessions,
régulation, etc.
Liens avec d’autres politiques (mise en œuvre de l’article 16 CE ou du futur article III-6
en tant que « clause d’application générale ») : cohésion économique et sociale,
protection des consommateurs, marchés publics, protection de l’environnement et
développement durable, etc.
CHAPITRE II
Répartition des compétences et niveau de régulation
-
Application du principe de subsidiarité quant à la création et la disparition des SIEG
Application du principe de neutralité quant au choix du mode de gestion des SIEG : libre
choix entre la procédure d’appel d’offres et la gestion directe (type régie) (…)
Principe et limites de l’action régulatrice de la Communauté : fiche d’impact des mesures
de libéralisation et/ou d’harmonisation sur le fonctionnement des SIEG ;
Modalités de la régulation communautaire : coordination des autorités réglementaires
nationales par la Commission et/ou instance communautaire de régulation indépendante
de la Commission ; organisation des liens entre instances sectorielles et la Commission,
etc.
126
CHAPITRE III
Principes communs de fonctionnement
-
Principes relatifs à la fourniture du SIEG : égalité de traitement des usagers, accessibilité
au service, continuité de la prestation, sécurité dans la mise en œuvre du service (…)
Principes relatifs au contenu du SIEG : prix abordable du service, qualité de la prestation
fournie (fixation de normes de référence) (…)
Principes de gestion du SIEG : transparence des relations entre l’opérateur et l’autorité
publique, séparation comptable des activités assumées par un opérateur intégré, tenue
obligatoire d’une comptabilité analytique, par activité ou par mission, pour les entreprises
chargées de la gestion d’un SIEG (…)
CHAPITRE IV
Protection des usagers
-
Modalités de participation et d’information des usagers ;
Obligation de conseil dans la prestation du service : publicité des options et des grilles
tarifaires ainsi que des conditions de gestion (…)
Modalités de réclamation et de recours en cas de contestation ;
Evaluation des performances : bilans réguliers des performances sur la base de critères
préalablement fixés en concertation avec les usagers ; création d’une instance d’avis ou
d’un observatoire pour l’évaluation des SIEG (auprès du Parlement européen ?) (…)
CHAPITRE V
Conditions économiques et financières
-
-
Modalités de financement : libre choix des Etats entre l’établissement d’un fonds de
compensation ou l’imposition d’une taxe « de service public » pour l’ensemble des
opérateurs d’un secteur déterminé ;
Péréquation tarifaire : organisation des conditions de mise en œuvre à l’échelon national
et/ou communautaire selon le secteur ;
Modalités d’appréciation des aides d’Etat octroyées aux opérateurs de SIEG en
concordance avec les contraintes inhérentes aux missions poursuivies (et à la lumière des
derniers développements jurisprudentiels)(…)
***
127
Bibliographie
Traités et documents de base
Traité de Rome
Acte Unique
Traité d’Amsterdam
Charte des droits fondamentaux
Traité établissant une Constitution pour l’Europe
Législation
Directive 80/723/CEE du 25 juin 1980 relative à la transparence des relations financières entre
les Etats membres et les entreprises publiques, JO L 195 du 29 juillet 1980.
Directive 95/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1995 relative à
l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale, JO L 321 du 30
décembre 1995.
Directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant les
règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, JO L 27 du 30 janvier 1997
Directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à
l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et
l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (ONP), JO L
199 du 26 juillet 1997.
Directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant les
règles communes pour le marché intérieur du gaz, JO L 27 du 30 janvier 1997.
128
Directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant
l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement
d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel, JO L 101
du 1 avril 1998.
Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre
réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive
"cadre"), JO L 108 du 24 avril 2002.
Directive 2002/39/CE du Parlement et du Conseil du 10 juin 2002 modifiant la directive
97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l’ouverture à la concurrence des services postaux de
la Communauté, JO L 176 du 5 juillet 2002.
Directive 2003/54/CE du Parlement et du Conseil du 26 juin 2003 concernant les règles
communes pour le amrché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE, JO L 176
du 15 juillet 2003.
Directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant les règles
communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE, JO L 176
du 15 juillet 2003.
Projet de règlement relatif à l’action des Etats membres en matière d’exigences de service public
et à l’attribution de contracts de service public dans le domaine des transports de voyageurs par
chemin de fer, par route et par voie navigable, COM(2000) 7 final.
Documents du Conseil
Décision 91/396/CEE du Conseil du 29 juillet 1991, relative à la création d’un numéro d’appel
d’urgence unique européen, JO L 217 du 6 août 1991.
Résolution du Conseil du 7 février 1994, JO C 48 du 16 février 1994.
Résolution du Conseil du 18 septembre 1995 sur la mise en place du futur cadre réglementaire
des télécommunications, JO C 258 du 3 octobre 1995.
129
Documents de la Commission
Communications
Communication de la Commission, Rapport sur la situation du secteur des services de
télécommunications”, SEC (92) 1048 final du 21 octobre 1992.
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement sur la consultation sur l’examen
de la situation dans le secteur des services de télécommunications, COM (93) 159 du 28 avril
1993.
Communication de la Commission relative aux aides de minimis, JO C 68 du 6 mars 1996.
Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et
social et au Comité des régions, Le service universel des télécommunications dans la perspective
d’un environnement pleinement libéralisé – Un élément essentiel de la société de l’information,
COM (96) 73 final, adopté le 13 mars 1996.
Communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe, JO C 281 du 26
septembre 1996.
Communication de la Commission concernant les accords d’importance mineure qui ne sont pas
visés par les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité, JO C 372 du 9 décembre 1997.
Communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe, JO C 17 du 19
janvier 2001.
Décisions
Décision de la Commission du 26 juillet 2000, concernant l’aide d’Etat de l’Allemagne en faveur
du groupe SICAN et de ses partenaires, 2003/146/CE, JO L 018 du 19 janvier 2001.
Décision de la Commission du 21 juin 2001 concernant les aides d’Etat versées par l’Italie à la
compagnie maritime Tirrenia di Navigazione, 2001/851/CE, JO L 318 du 4 décembre 2001
Décision de la Commission du 30 octobre 2001 concernant les aides d’Etat versées par la France
à la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM), 2002/149/CE, JO L 50 du 21
février 2002.
130
Décision de la Commission du 15 janvier 2002 concernant l’aide d’Etat mise à exécution par la
République française en faveur du Crédit Mutuel, 2003/216/CE, JO L 088 du 4 avril 2003.
Décision de la Commission du 5 juin 2002 relative aux exonérations fiscales et prêts à des
conditions préférentielles consentis pas l’Italie à des entreprises de services publics dont
l’actionnariat est majoritairement public, 2003/193/CE, JO L 077 du 24 mars 2003.
Décision de la Commission du 2 août 2002 concernant le parc “Terra Mítica” mis à exécution
par l’Espagne, 2003/227/CE, JO L 091 du 8 avril 2003
Décision de la Commission du 22 août 2002 relative aux mesures fiscales mises à exécution par
l’Italie en faveur des fondations bancaires, 2003/146/CE, JO L 055 du 1 mars 2003.
Décision de la Commission du 23 juillet 2003 relative à l’aide d’Etat C61/2002 que le RoyaumeUni envisage d’accorder à une installation de recyclage de papier journal dans le cadre du
programme WRAP, 2003/814/CE, JO L 314 du 28 novembre 2003.
Rapports
Rapport de la Commission à l’intention du Conseil européen de Laeken, COM(2001) 598 final
du 17 octobre 2001.
Rapport de la Commission du 15 mars 2004 concernant la consultation sur le Livre vert sur les
SIG, SEC(2004) 326.
Livre blanc de la Commission sur les services d’intérêt général du 12 mai 2004, COM(2004) 374
final.
Autres
Lettre de la Commission au gouvernement belge, C(2002)446 fin.
Documents du Parlement européen
Résolution du Parlement européen du 20 avril 1993.
Résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission au Conseil et au
Parlement européen concernant le développement futur du marché des annuaires et autres
131
services d’information sur les télécommunications dans un environnement concurrentiel (COM
(95) 431 – C4-0454/95) JO C 166 du 10 juin 1996.
Résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission sur “Les services
d’intérêt général en Europe”, adopté le 13 novembre 2001, COM(2000)580 – 0399/2001
2001/2157 (COS).
Résolution du Parlement européen sur le Livre vert sur les services d’intérêt général, adopté le 14
janvier 2004, COM(2003) 270 – 2003/2152(INI), sur le rapport de Philippe Herzog.
Documents des autres institutions
Avis du Comité des régions, JO C 73 du 22 mars 2004.
Avis du Comité Economique et Social européen, JO C 36 du 8 février 2002.
Rapport final du groupe de travail “Europe sociale” de la Convention.
Jurisprudence
de la Cour de Justice
Affaire 39/70, Norddeutsches Vieh- und Fleischkontor / Hauptzollamt Hamburg St Annen du 11
février 1971.
Affaire 10/71, Muller du 14 juillet 1971.
Affaire 127/73, BRT / SABAM du 21 mars 1974.
Affaire 155/73, Sacchi du 30 avril 1974.
Affaire 101/76, Koninklijke Scholten Honig / Conseil et Commission du 10 mai 1977.
Affaire 172/80, Gerhard Züchner / Bayerische Vereinsbank AG du 14 juillet 1981.
132
Affaires 188 à 190/80, République française, République italienne et Royaume-Uni de Grande
Bretagne et d’Irlande du Nord / Commission du 6 juillet 1982.
Affaire 7/82, GLV / Commission du 2 mars 1983.
Affaire 72/83, Campus Oil United du 10 juillet 1984.
Affaire 41/83, République italienne / Commission (British Telecom)du 20 mars 1985.
Affaire C-147/86, PSIITENSM / Commission et Grèce du 15 mars 1988.
Affaire 263/86, Etat belge / Humbel du 27 septembre 1988.
Affaire 165/87, Commission / Conseil du 27 septembre 1988.
Affaire C-202/88, République française / Commission du 19 mars 1991.
Affaire C-41/90, Höffner du 23 avril 1991.
Affaire C-300/89, Commission / Conseil du 11 juin 1991.
Affaire C-260/89, ERT du 18 juin 1991.
Affaire C-179/90, Merci Convenzionali Porto di Genova / Siderurgica Gabrielli du 10 décembre
1991.
Affaire C-18/88, RTT / GB-Inno-BM du 13 décembre 1991.
Affaires C-48/90 et C-66/90, Royaume des Pays-Bas et Koninklijke PTT Nederland et PTT Post
BV / Commission du 12 février 1992.
Affaires C-159/91 et C-160/91, Poucet et Pistre du 17 février 1993.
Affaire C-320/91, Corbeau du 19 mai 1993.
Affaire C-109/92, Wirth du 7 décembre 1993.
Affaire C-364/92, Eurocontrol du 19 janvier 1994.
133
Affaire C-212/91, Angelopharm / Freide und Hansestadt Hamburg du 25 janvier 1994.
Affaire C-359/92, Allemagne / Conseil du 9 septembre 1994.
Affaire C-393/92, Commune d’Almelo du 11 décembre 1994.
Affaire C-426/93, Allemagne / Commission du 9 novembre 1995.
Affaire C-343/95, Diego Cali du 18 mars 1997.
Affaire C-242/95, GT-Link du 17 juilllet 1997.
Affaire C-159/94, Commission / France du 23 octobre 1997.
Affaire C-55/96, Job Centre du 11 décembre 1997.
Affaire C-266/96, Corsica Ferries France du 18 juin 1998.
Affaire C-67/96, Albany du 21 septembre 1999.
Affaires C-115/97 à C-117/97, Brentjens du 21 septembre 1999.
Affaire C-219/97, Drijvende Bokken du 21 septembre 1999.
Affaire C-55/98, Skatteministeriet du 28 octobre 1999.
Affaire C-209/98, Sydhavnens Sten & Grus ApS du 23 mai 2000.
Affaire C-258/98, Carra du 8 juin 2000.
Affaire C-376/98, Allemagne / Parlement et Conseil du 5 octobre 2000.
Affaire C-384/99, Commission / Royaume de Belgique du 30 novembre 2000.
Affaires C-180 à C-184/98, Pavel Pavlov e.a. et Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten
du 12 septembre 2000.
Affaire C-340/99, Poste Italiane du 17 mai 2001.
134
Affaire C-157/99, Smits et Peerbooms du 12 juillet 2001.
Affaire C-475/99, Firma Ambulanz Glöckner du 25 octobre 2001.
Affaire C-53/00, Ferring du 22 novembre 2001.
Affaire C-146/00, Commission / République française du 6 décembre 2001.
Affaire C-286/01, Commission / République française du 13 juin 2002.
Affaire C-218/00, Inail du 22 janvier 2002.
Affaire C-82/01 P, Aéroports de Paris / Commission du 24 octobre 2002.
Affaire C-355/00, Elga du 22 mai 2003.
Affaire C-280/00, Altmark Trans GmbH du 24 juillet 2003.
Affaires C-34/01 à 38/01, Enirisorse du 27 novembre 2003.
Affaire C-264/01, AOK Bundesverband e.a. du 16 mars 2004.
du Tribunal de première instance
Affaire T-32/93, Ladbroke Racing / Commission du 27 octobre 1994.
Affaire T-106/95, Fédération française des sociétés d’assurances du 27 février 1997.
Affaire T-128/98, Aéroports de Paris / Commission du 12 décembre 2000.
Affaire T-319/99, Fenin / Commission du 4 mars 2003.
Autres documents
Réponse à la question écrite de M. Amadeo dans JO C 138 du 5 mai 1997.
135
Question écrite n° 3773/98 de W.G. Van VELZEN, Télécommunications, Service universel, JO
C 325 du 12 novembre 1999.
“Promouvoir un nouvel équilibre entre besoins et marché en Europe et dans le monde”, Les notes
de la fondation Jan Jaurès, N° 35, juillet 2003.
Balme, R., « Pourquoi le gouvernement change-t-il d’échelle? », in BALME Richard, Les
politiques du néo-régionalisme - action collective régionale et globalisation, Paris, Economica,
1996.
Bataille, C., Rapport au nom de la Commission de la production et des échanges sur le projet de
loi (n° 1253) rélatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, à
l’Assemblée nationale, 4 février 1999.
BEUC, Universal Service in Telecommunications, November 1998, BEUC/341/98.
Breuillard, M., Local government et centralisation en Angleterre, Paris, L’Harmattan, 2000.
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137
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