Conférence n°2 du 19/11/2001 Ridel/Wolf - intervention de R. Samacher R.Samacher : Bon je vais partir d’un autre point concernant les psychothérapies, c’est celui des hospitalisations. Je présume que vous avez entendu parler de la “ déshospitalisation ”, de la “ désinstitutionalisation ”. Ca vous dit quelque chose ? Donc, ça consiste en quoi ? Que ce soit l’hôpital général, que ce soit l’hôpital psychiatrique, ça consiste en la fermeture de lits, en réduction de personnel et en redéploiement des patients sur d’autres structures et de préférence, non hospitalisables. C’est-à-dire concrètement que le secteur social prend le relais sur le secteur hospitalier mais pas dans le champ de la psychanalyse. Vous devinez que cela n’est pas sans conséquences sur la prise en charge des malades. A l’hôpital général, vous-même avez pu remarquer que les temps d’hospitalisation sont de plus en plus courts. Par exemple, lorsqu’une femme accouche, elle reste 48 heures à trois jours à l’hôpital même si elle a besoin de soins… (problèmes de micro). L.Ridel : bon, je ne présente pas Robert Samacher ; il suffit simplement de dire qu’il y a plusieurs sens au travail d’aujourd’hui, dont l’un peut être, comme Robert a l’expérience de la psychiatrie, de pouvoir travailler, (quand j’ai lu ton article c’est ça) sur la diversité actuelle des démarches thérapeutiques. Pourquoi ? Parce que je pense qu’ici, dans cette UFR, ce n’est pas la peine de faire de dessin, c’est un travail légitime ( ?), il y a des démarches thérapeutiques qui sont privilégiées. Et dans l’article de Robert il est présenté d’autres formes, d’autres démarches de psychothérapie ou d’autres présupposés pour un travail thérapeutique. Or la connaissance de ces autres démarches est utile peut être pas directement pour vous, pour en savoir plus, mais simplement parce que de fait, de plus en plus dans des institutions interviennent des psychologues ou des psychothérapeutes qui partent des présupposés qui sont très différents de ceux qui circulent dans cette UFR. Et au moins faut-il le savoir pour introduire éventuellement une discussion possible avec eux, simplement pour ne pas les nier. Et donc il y a des choses, qui semble –t-il, sont au titre d’une information pour situer et comprendre d’autres démarches que celle que nous on peut valoriser. Alors, à titre de lecture en liaison avec l’intervention d’aujourd’hui, vous avez ce travail “ Psychologie clinique et psychopathologie ” qui doit être à la bibliothèque, je pense et il y a une partie écrite par Robert Samacher, et à l’intérieur vous avez des perspectives différentes concernant justement les présupposés, les théorisations qui sont à la base de différentes démarches thérapeutiques comme cognitive par exemple ou plutôt comportementale. Ceci pour les différencier de celles qui sont actuellement privilégiées dans cette UFR. A mon avis, l’un des sens de cette information, c’est au moins de savoir que ça existe et de voir comment dans des différentes institutions où vous êtes il y a des psychologues qui se référent à d’autres démarches qu’à celle qui sont les nôtres Voilà, je ne présente pas Robert, je crois que vous le connaissez ailleurs, je pense qu’il a une expérience en psychiatrie et puis également d’autres cadres. R.Samacher :J’ai commencé à parler de “ déshospitalisation et désinstitutionalisation ” et je pensais à dire la façon dont actuellement se déroulent cette déshospitalisation, cette dèsinstitutionalisation. Donc je vous disais qu’on ferme de plus en plus de lits,… (inaudible) et la psychiatrie a été prise dans ce mouvement qui concerne l’ensemble du secteur hospitalier et là encore il s’agit de libérer le maximum de lits afin d’orienter des patients vers une autre structure qui coûte moins cher. Nous sommes confrontés à une logique, tout d’abord une logique gestionnaire qui à partir de ce mouvement de déshospitalisation vise à réduire les coûts de santé, il faut que ça coûte le moins cher possible. Ca se traduit aussi par le regroupement de services et aussi par la réorganisation de moyens. Vous savez c’est la même chose que ce que l’on retrouve dans des entreprises à l’heure actuelle. On procède à un véritable dégraissage ( ?). Ca se traduit peut être par la création de nouvelles structures mais ça ne veut pas dire pour autant que l’on embauche du personnel et que l’on forme un personnel qui pourra répondre de façon adéquate à la demande sociale et à la demande des malades. Or il y a cette logique qui est une logique de gestionnaires, qui s’oppose à une logique que je qualifierais de clinique. D’ailleurs ça se traduit de quelle façon ? Dans les services psychiatriques actuels lorsque l’on veut poser un diagnostic on passe par le système DSM, vous le connaissez ? Le système DSM. Donc on peut dire à l’heure actuelle il y a de moins en moins de psychiatres et les psychiatres qui arrivent de l’étranger, ils ne sont certainement pas formés à l’écoute des patients et très souvent ne sont pas en mesure aussi de comprendre ce que leur racontent les patients. Ce qui fait qu’ils en sont réduits à proposer techniquement à partir de ces échelles DSM, qui consistent à dégager quatre ou cinq signes à partir desquels on posera le diagnostic et on orientera le traitement. Ce n’est pas très satisfaisant. Donc on peut dire qu’il y a de ce fait une médicalisation de la psychiatrie. Elle se retrouve du côté infirmier dans la mesure où, depuis 1992 il n’y a plus de diplôme d’infirmier spécifique, il n’y a plus de diplôme d’infirmier en psychiatrie. C’est-à-dire que les infirmiers qui débarquent quand même en psychiatrie à l’heure actuelle ont un diplôme d’état, ça correspond peut être au niveau de l’assistant social par rapport à ce que pouvait être le diplôme d’infirmier il y a 20, 30, 40 ans. Mais en même temps, ça correspond aussi à une déspécialisation pour les infirmiers. Le nombre d’heures de formation pour les infirmiers psychiatriques a été très notablement réduit et je dirais que c’est une catastrophe. Et vous vous rendez bien compte que tout ce qui a pu être apport de la psychothérapie institutionnelle, de la pratique institutionnelle depuis ( ?), cet apport a été de plus en plus perdu. Il est de plus en plus perdu, dans la mesure où il est maintenant extrêmement difficile de travailler avec des médecins qui n’ont pas de connaissance de cette dimension relationnelle, avec des infirmiers qui travaillent dans l’urgence et qui partent pressés. Pour ceux qui travaillent dans l’institution psychiatrique, ce sont des choses auxquelles, vous vous rendez bien compte, nous sommes en permanence confrontés. C’est-à-dire le manque des qualifications aussi bien des psychiatres, des jeunes internes, il n’y a plus d’internat en psychiatrie, l’internat en psychiatrie, je dirai que ça n’existe plus ; viennent en psychiatrie ceux qui à l’internat n’ont pas été reçus dans les autres disciplines. Donc vous voyez, l’image de la psychiatrie a été énormément dégradée toutes ces dernières années. Ce qui fait que ces acquis de la psychothérapie institutionnelle qui sont complètement essentiels, c’est-à-dire la reconnaissance de la dimension sociale, la reconnaissance d’une formation et les intervenants, qui tient compte de cette dimension sociale, restent complètement en dehors. ( ???) ils travaillaient de façon à faire sortir des gens dans de bonnes conditions, en tout cas aménageaient l’extérieur pour que ces personnes malades puissent être accueillies de façon correcte. Cette dimension-là, on tente de proposer l’échange actuel par le biais d’un nouveau concept qui est celui du réseau. Vous avez entendu parler du réseau ?… (incompréhensible)…Ca consistait en quoi ? Ca consistait que lorsque l’on avait des familles en difficulté, des patients en difficulté à faire en sorte qu’ils voyaient une assistante sociale, familiale, les assistantes scolaires, les pédopsychiatres, les psychiatres ; qu’éventuellement le juge des enfants soit présent dans les réunions où la situation familiale pouvait être argumentée par tous les intervenants de façon à ce qu’il y ait une cohésion dans la prise en charge, une continuité dans la prise en charge, pour comprendre un petit peu ce qu’on fait, de façon à ce que les intervenants ne se marchent pas les uns les autres sur les pieds, et ne fassent pas ce que les uns et les autres voulaient faire. Je dirais que sans le savoir nous faisions du réseau. Mais maintenant cette notion du réseau a été reprise par un gestionnaire. Dans quelle perspective ? Dans la perspective de réduire les prix, vous en doutez bien, de faire du profit. Et ça s’est traduit par quoi ? Ca s’est traduit par le fait que ces personnes, pas tout à fait bien intentionnées, compensaient en terme de structure à organiser et non pas en terme de structures à mettre en place. C’est-à-dire en termes de murs et n’ont pas pensé en terme de personnel, d’infirmiers, d’éducateurs, de psychologues, de médecins : de tous ceux qui dans un lien social sont à venir se confronter et à réfléchir ensemble sur les situations qu’ils ont à traiter. Je sais bien que certains chefs de service tentent de maintenir ce type de démarche, ce type d’appréhension de travail parfois nécessaire pour que leurs équipes puissent rencontrer dans de bonnes conditions toutes les équipes. Mais il ne s’agit pas d’imposer d’en haut un mode de fonctionnement, encore faut-il que ce mode de fonctionnement ait du sens pour les différents intervenants. Pourquoi on fait ça, et on a envie de le faire, on tient référence du désir des intervenants et que ça n’est possible que si ce travail a un sens et pas imposé par injonction et ne l’est pas d’en haut aussi. Donc, ça je disais tout à l’heure, d’un côté gestion, direction des hôpitaux, ministère de la santé, conception globale de la santé mais dans le sens de réduction des lits, et d’autre part tous ceux qui sur le terrain, tiennent compte d’une pratique de psychothérapie institutionnelle qui nous vient des années quarante, et qui a porté ses fruits avec le secteur. Vous savez le secteur ( ???), avant les années soixante, avant la mise en place du secteur, on peut dire que systématiquement tous les patients étaient déportés, ceux qui présentaient des pathologies lourdes étaient déportés à la compagne loin de la famille, étaient isolés. Et je veux dire cette politique de secteur appelée encore, on peut appeler maintenant des hospitalisations douces a permis que un nombre de personnes qui étaient, je dirai retirés de ce lien social, recluses dans les hôpitaux puissent sortir des hôpitaux et retrouver la famille, trouver un travail. Je dirai que là, le secteur psychiatrique a introduit une dynamique tout à fait intéressante. C’était quand même de faire en sorte que les patients puissent se réinsérer dans le tissu social et ça a été un moment tout à fait essentiel. Je dirai que dans la mesure où cette approche là, à l’heure actuelle compte tenu de ce que je vous ai dit, de la formation des jeunes psychiatres, compte tenu de ce que je vous ai dit de la façon dont les infirmiers sont formés, tous cet acquis-là a été perdu. Cette approche gestionnaire fait qu’en psychiatrie à l’heure actuelle, on fonctionne dans l’urgence. Alors que les patients par exemple ont besoin de médicaments, de savoir à qui ils ont affaire, (en aparté ) on s’occupe des plans de retraite et bien on peut considérer que du fait du manque de personnel ayant en permanence une lecture et disponibilité dans les prises en charge, donc ça se traduit par quoi ? Un truc complètement impensable c’est qu’on fait appel à des maisons d’intérim pour que des infirmiers viennent momentanément remplacer, viennent combler le manque de personnel. Remplacer le personnel référent et présent habituellement que les patients connaissent. Vous savez à quel point pour les patients il est important de savoir à qui ils ont affaire et à quel point avoir à faire en permanence à des gens différents c’est complètement “ paumant ”. De penser la psychiatrie simplement à partir de structure c’est complètement un leurre parce qu’on oublie complètement la dimension relationnelle, ce qui fait qu’un sujet est sujet et ce qui fait qu’un sujet rencontre d’autres sujets. Maintenant revenons-en à la question de la psychothérapie, c’est là où on butte maintenant, dans ce contexte. La psychothérapie, il y a un rapport qui est sorti récemment et qui s’appelle rapport “ Piel-Rolland ” en 2001. Piel et Rolland sont deux psychiatres. Ce rapport a été récemment repris par la DASS, lors d’une journée organisée au ministère des affaires sociales. Il porte sur l’évolution des métiers et sur la formation des différents intervenants, non seulement en psychiatrie mais aussi dans le champ social. Dans quelle mesure ce rapport nous concerne-t-il ? Il définit ce que seront les formations des différents intervenants dans les années à venir. Et bien entendu, dans ce rapport, il est question des psychothérapies. Or tout d’abord, un point avec lequel je suis d’accord dans ce rapport. Ce rapport souligne que les psychologues sont souvent mal formés, du fait des stages insuffisants et stages insuffisamment encadrés. Ce qui veut dire aussi qu’il n’y a pas de réflexion commune entre universitaires et praticiens de terrain ; là, il y a une articulation qui ne se fait pas, chacun restant sur son quant-à-soi. Il y a un travail à faire de façon à mieux adapter les stages, c’est que je pense que c’est dans les stages que vous êtes formés. C’est là où vous rencontrez la clinique, les autres praticiens, c’est là où vous vous coltinez les différentes décisions que vous avez à résoudre, c’est important les stages ! La question des psychothérapies - En tout cas, je dirai “ les psychanalystes ne s’autorisent que d’eux-mêmes … et de quelques autres ”, encore faut-il définir ces quelques autres. Vous ne connaissez pas cette phrase de Lacan ? je dirai que les psychothérapeutes parfois aussi s’autorisent d’eux-mêmes et pas forcément de quelques autres. Or ce qui fait que dans ce rapport, la définition de la psychothérapie est une définition extrêmement floue. On peut dire que cette notion de psychothérapie est une notion générique et elle génère des choses extrêmement diverses. Des conceptions de l’homme extrêmement diverses aussi. Tout à l’heure, je vous parlais des psychothérapies cognitivo-comportementales ;ces psychothérapies cognitivo-comportementales comme le DSM par exemple met en place sa symptomatologie, vont aussi s’attaquer au symptôme. Le DSM, en permettant de poser un diagnostic, on a un traitement tout de suite après, …( ?), on extrait l’objet gênant. La psychothérapie cognitivo-comportementale consiste en quoi ? On est dans le déconditionnement, c’est-à-dire à désapprendre et à réapprendre un comportement nouveau,( ?) ce qui est gênant dans le sujet et qu’il s’agit d’extirper. On peut dire que là, l’homme dans ce contexte là est instrumentalisé. On imagine, il y a un rouage qui fonctionne mal et on va l’échanger, on va l’améliorer. Mais on ne se pose pas forcément la question de : qu’est ce qui fait que c’est ça que ce sujet-là manifeste, qu’est ce que ça veut dire pour lui ? Et c’est en cela que je dirai quant à la définition du symptôme, il y a un malentendu. Quand on parle du symptôme en médecine, il n’a pas du tout le même sens que le symptôme en psychanalyse. Dans un des cas, il s’agit d’un dysfonctionnement gênant qu’il s’agit de supprimer ; dans l’autre cas, on va parler de quelque chose, d’une manifestation qui a à voir avec une vérité, la vérité du sujet, ce que le sujet se cache à lui-même et qu’il a à dire de cette façon –là. Donc le symptôme a un rapport à la vérité du sujet. On ne parle pas du tout de la même chose. L’instrumentalisation du sujet, éventuellement la psychothérapie traditionnellement, mais ça remonte à des siècles, on sait ce que c’est la psychothérapie, le traitement global, le traitement du moral, tous ce que vous voulez. Donc la psychothérapie peut aussi faire appel à la suggestion. Au 19ème siècle et même maintenant, l’hypnose fait promesse, on l’appelle ?, mais c’est quand même de l’hypnose qui a à voir avec la suggestion. Or quand il y a suggestion, où on perd, dans ces conditions-là la liberté du sujet, parce qu’il est confronté à un être qui sait. Donc le rapport au savoir n’est pas le même aussi lorsqu’on a à faire au champ de la psychothérapie quand elle instrumentalise, quand elle suggestionne, quand elle conditionne. Là vous avez l’affaire à un maître qui sait ce qui est bien pour le sujet et qui sait ce qu’il faut faire pour que le sujet aille mieux. Et il peut aller mieux par ce mode d’approche qui peut en effet avoir des effets thérapeutiques. Et d’ailleurs vous savez, quand vous n’allez pas très bien et on vous tape sur le dos, on peut dire aussi que ce qu’on fait là peut avoir un effet thérapeutique. Les médecins généralistes, ceux qui étaient formés à la vieille école et qui en même temps faisaient ça très bien, on n’avait pas besoin de psychologue ni de psychothérapeute pour ça. Bien vous voyez, les deux conceptions, les approches de l’homme, de l’humain, peuvent être complètement différentes. Elles ne parlent pas du même sujet, des mêmes présupposés. D’un côté on sait, il y a un maître, de l’autre côté ce qui caractérise la démarche psychanalytique c’est que celui qui s’inscrit dans cette démarche ne sait pas ce qui est bien pour le sujet, ne sais pas ce qui est la vérité du sujet, c’est au sujet. Celui qui fait la demande, celui qui fait la démarche a à dire ce que pour lui fait question, pose problème, est une difficulté. Il vient demander quelque chose et c’est à lui à élaborer ce qu’il a demandé.(inaudible) Parce que quand on va voir un psychanalyste, même un psychothérapeute il y a un désir qui pousse. Tout dépend à qui on s’adresse et savoir si on s’adresse à la porte qui convient, il ne faut pas non plus dire, je ne vais pas non plus généraliser en disant que la psychanalyse est la panacée. Freud nous a bien dit qu’il y avait des indications pour la psychanalyse, on ne peut pas non plus obliger les individus à entrer dans le champ de la psychanalyse. Il n’y a pas d’injonction, il s’agit d’une demande personnelle au un par un. Ce n’est pas destiné à tout le monde et on ne peut pas obliger les gens à faire ce type de démarche s’ils n’en ont pas envie. Il s’agit d’une démarche individuelle, personnelle qui rend compte de la liberté du sujet quant à ses choix. C’est une affaire complètement personnelle. Intervention : c’est vrai que ça peut être à ce moment –là une injonction, les autres thérapies puisqu’il ne s’agit plus de liberté du sujet R. Samacher : Alors voilà, nous touchons à ce qu’on va mettre en place dans les années qui viennent. Vous savez que maintenant on parle en terme de “ bassin de vie ”, merveilleux le bassin de vie ! Et vous savez qui sera à la tête du bassin de vie, ce sera le chef du service bien entendu. Et dans ce bassin de vie on pourra aussi employer des psychothérapeutes. Alors, quand on dit psychothérapeute on ne sait pas quelle est la formation de ces psychothérapeutes. Ca peut être n’importe quelle école de psychothérapie et vous avez sur le marché 350 psychothérapies si ce n’est plus. Les gourou aussi font de la psychothérapie. La “ gourouthérapie ”. Intervention de L.Ridel inaudible - rires R. Samacher : 350, c’est déjà pas mal. Je ferais la distinction entre la référence psychanalytique, là il n’y a pas de maître et d’un autre côté les psychothérapies où le psychothérapeute avait une technique. Vous voyez, il peut y avoir aussi une instrumentalisation de la psychothérapie. Une technicisation de la psychothérapie. Et les psychothérapeutes peuvent être des gens qui appliquent une méthode au même titre que les kinésithérapeutes qui sont des thérapeutes, appliquent une méthode au même titre que les ortophonistes qui s’inscrivent dans l’éducation appliquent une méthode. Donc pourquoi est -ce que les responsables des bassins de vie n’auraient pas à leur disposition un volant de psychothérapeutes qui sur prescription, or ça peut être dix séances, douze séances, pratiqueraient la psychothérapie. Je ne déconne pas. Et ce n’est pas une dénégation. Tout à l’heure nous avons travaillé la dénégation, non, c’est sérieux ce que je vous dis là. C’est d’autant plus sérieux qu’il y a une ordonnance, l’ordonnance du premier mars 2001, vous ne connaissez pas cette ordonnance ? Elle est très, très intéressante. C’est une ordonnance qui vise à appliquer en France des directives européennes concernant la profession de psychologue. Or vous savez que dans certains pays d’Europe il y a des états qui n’ont ni garantie du titre ni celle de l’exercice . De toute façon en France, je vous rappelle que l’exercice n’est pas garanti. N’importe qui peut exercer la psychothérapie, n’importe qui peut exercer la psychologie, peut pratiquer des tests. Il n’y aura pas de poursuite. Seul le fait de mettre sur sa plaque psychologue voyant par exemple, seul ce genre de chose peut être poursuivi. Mais pour le reste vous pouvez faire ce que vous voulez. Ca pose vraiment la question de la garantie de l’exercice, ce n’est pas pour rien que la question a été posée avec le code de déontologie. Je reviens à mon ordonnance du premier mars 2001. Cette ordonnance permet que les européens circulent bien entendu et que les ressortissants de certains états dans lesquels le titre aussi bien que l’exercice ne sont pas garantis puissent venir s’installer en France et il suffirait qu’ils aient exercé pendant deux ans dans leurs pays comme psychologue sans forcément avoir les diplômes.Ca ne garantit pas les diplômes, ça garantit simplement l’exercice. Avoir pratiqué pendant deux ans. Vous savez c’est la “ clause du grand-père ” que nous connaissons en France, or cette clause du grand-père, c’est qu’il faut avoir travaillé pendant dix ans comme psychologue pour pouvoir pratiquer comme psychologue. C’était bien pour les anciens, vous savez lorsque la loi a été promulguée en 1985 il y avait des gens qui avaient travaillé depuis la libération comme psychologue, ce n’était pas mal pour eux, que leur pratique en tant que psychologue du temps où il n’y avait pas encore de diplôme, cette pratique puisse être reconnue. De là à l’heure actuelle à considérer qu’à partir de deux ans ou trois ans de pratique professionnelle, dans certains pays d’Europe, vous pouvez ensuite pratiquer en France comme psychologue ; vous voyez à quel point cette ordonnance est complètement… (Intervention inaudible) R. Samacher : les deux, puisque psychologue recouvre différentes fonctions. Pour nous être psychologue suppose aussi que nous puissions, si nous en avons la formation, pratiquer comme psychothérapeute, ou si nous en avons la formation être psychologue , praticien des tests. Pourquoi pas ? Si vous voulez je peux vous dire en gros ce qu’il y a dans la circulaire, hein ? Je suis en train de lier deux choses, cette ordonnance du premier mars 2001 avec les conséquences que ça aurait si elle était véritablement appliquée en France. Or récemment j’ai eu un contact téléphonique avec A.Bourgignon . Elle me disait que le ministère avait renoncé à l’appliquer mais pour le moment je n’ai pas entendu qu’elle était abrogée. D’autre part, je voulais vous signaler c’est que depuis 2, 3, 4 ans un certain syndicat SLB-psy, vous en avez entendu parler ? qui défend les intérêts des psychothérapeutes de tout poil, or dans ces psychothérapeutes de tout poil, on peut aussi bien retrouver des voyants extralucides, on peut retrouver des sexologues de tout poil, je pense en particulier à Megnan( ?), on trouve des gens extrêmement divers qui ont une formation soit disant de psychothérapie mais qui peuvent être aussi des gourouthérapeutes et je trouve ça extrêmement dangereux. Dans cette circulaire pierre roland qu’est ce qu’il est dit ? Il est dit que toute personne qui aurait une formation en psychothérapie, vous voyez c’est extrêmement vague, ça peut être des infirmiers, ça peut être des philosophes, ça peut être des sociologues, pourquoi pas des poètes hein ? Tous ces gens qui ont une formation en psychothérapie pourraient être reconnus dans une profession de psychothérapeute et pratiquer la psychothérapie sur prescription. Donc vous voyez que c’est aussi une façon de para-médicaliser la psychothérapie et de récupérer tous les psychothérapeutes ou psychologues psychothérapeutes dans le giron médical. Para-médicaliser aussi par ce biais les psychologues qui s’inscrivaient dans cette démarche de pratique de psychothérapie sous la responsabilité du médecin-chef du bassin de vie. Vous vous rendez bien compte qu’il y a là une convergence d’intérêts, on peut très bien concevoir dans ce cas là que la psychothérapie puisse être remboursée par la sécurité sociale. C’est dans les possibles. Là, vous seriez remboursés comme les kinés, comme les ortophonistes. C’est intéressant, puisque vôtre, je vous rappelle que vous avez un bac +5, si vous devenez para-médicaux vous vous retrouvez à un niveau bac +2, bac +3.Ce qui dévalorise absolument, complètement la profession. C’est une question extrêmement importante. Intervention : Est-ce qu’il n’est pas possible d’envisager une prise en charge sociale d’une thérapie et sortir quand même de pouvoir médical. C’est vrai, vous avez raison les kinés, les ortophonistes, ce sont les gens qui sont à côté des médecins mais il y a plein de gens qui échappent aussi au traitement psychothérapique parce qu’ils n’ont pas les moyens. Donc c’est aussi, c’est ça qui fait leur force dans ce rapport là. Samacher : qu’est-ce que vous en pensez ? En tout cas, nous sommes quelques-uns uns à protester, à ne pas accepter qu’on puisse para-médicaliser, regrouper, vous voyez nous nous retrouvons dans une problématique que les psychologues ont connue dans des années 1952, 1953, c’est ce que je vous ai enseigné en DEUG, vous vous rappelez le procès de Clarc-Williams avec les conséquences de ce procès. La para-médicalisation possible des psychologues, en fait ça ne s’est pas fait, ça a permis aussi à la profession d’évoluer. Intervention inaudible Dans ce contexte là, dans cette optique si vous voulez. Intervention inaudible Mais de toute façon, est-ce qu’il y aurait des psychothérapeutes, je vous ai parlé de SLB-psy, qu’est ce qu’ils demandent ? Ils demandent à ce qu’un statut de psychothérapeute soit reconnu. Et ils ont fait un certain nombre d’études par ( ?). En fin de compte, l’étude qu’ils ont faite n’a pas abouti et vous savez qu’ils ont fait du forcing au niveau des députés : le député vert Marchand a marché, je dirai dans le coup. D’un autre côté il y a le député Aquaillé ( ?), député RPR qui lui a tenté de défendre un statut de psychologue et de médecin psychiatre ayant une formation à la psychothérapie. Donc considérons qu’ensemble les médecins formés et les psychologues formés, cliniciens formés pourraient exercer la psychothérapie. En vue de défendre le public contre toutes les sectes, toutes ces psychothérapies multiples qui correspondent à un véritable besoin de consommation et en même temps à un déploiement. Intervention inaudible Pour le moment, je crois qu’on aurait intérêt à unifier par le haut. Il y a été question de bac +6, il y a été question d’un doctorat européen, bac+8, vous voyez. Je crois qu’on a plutôt intérêt à faire monter des échelles et faire en sorte que cette profession soit de haut niveau et surtout ne pas la ramener à un niveau bac+2, bac +3, ce qui contribuerait à l’instrumentaliser. A l’heure actuelle qu’est-ce qu’on reproche aux psychiatres ? On leur reproche avec un système DSM d’avoir complètement perdu la dimension de la psychopathologie. Et d’ailleurs le dernier numéro du Journal des Psychologues, entre parenthèses je vous conseille de lire celui d’avant, celui d’octobre où avec plusieurs collègues nous avons fait un dossier portant sur la psychiatrie dans la tourmente, ça va vous intéresser Mais dans le dernier, il y a un article tout à fait intéressant de François Sauvayard qui est et psychiatre, et psychanalyste et en même temps enseignant à Rennes de psychopathologie. Il souligne que ce qui est en pratique à l’heure actuelle en psychiatrie, c’est que les psychiatres formés à l’heure actuelle ont perdu, par ce référent permanent à cette méthode athéorique qu’ est le DSM, ont perdu cette dimension qu’apportaient les anciens de la psychopathologie. Par contre cette dimension-là les psychologues l’auraient préservée… ( ?) que des psychologues puissent maintenant venir enseigner la psychopathologie dans les facs de médecine. Vous voyez le retournement des choses, c’est intéressant ? Enfin, ce que je vous dis, ne vous laissez pas instrumentaliser, ce n’est pas parce que vous aurez acquis une technique que pour autant tout sera gagné. Il y a à tenir compte d’un contexte, un contexte qui est un contexte idéologique et politique, il n’y a pas à perdre cette dimension-là aux bénéfices de petits trucs que vous allez faire. Ce n’est pas parce que vous allez faire des petits trucs que pour autant, vous allez gagner correctement votre vie et que vous aurez une bonne estime de vous-mêmes. Vous voyez, nous sommes et dans l’idéologie et dans la politique. L’idéologie qui rencontre aussi les différents systèmes de psychothérapies qui sont à l’heure actuelle sur le marché. De mon point de vue, la psychanalyse ne se fait pas à l’université , il ne faut pas vous leurrer. La formation analytique elle se fait par votre propre démarche, par le passage par le divan, par aussi bien les contrôles lorsque vous êtes en mesure de vous inscrire dans ce type de travail et aussi des séminaires que vous suivrez dans des différents groupes de psychanalyse. Là où la psychanalyse est prise au sérieux. Ne vous engagez pas dans des psychothérapies où c’est parfois n’importe quoi. Ridel : Comme tu connais assez bien la psychiatrie et peut être pour reprendre les choses par rapport à notre objet ici, la question serait de savoir dans le cadre de la psychiatrie, qu’est-ce qui se fait comme psychothérapie individuelle ou collective ? Est-ce qu’il y a des choses qui se font, données comme telles ou bien est-ce que ce cadre global est considéré comme thérapeutique, concrètement. Samacher : Alors je rentre dans le cadre. En parlant de la psychothérapie institutionnelle, la première dont je vous ai parlée, en quoi traditionnellement ça consistait. Lorsque nous avions par exemple des sujets présentant des pathologies lourdes (la psychose) nous faisions en sorte, je dis au passé, parce que là il est extrêmement difficile de trouver des gens avec lesquels on peut encore travailler dans cette optique. Puisque, j’insiste bien, nous sommes dans l’urgence. Dans le créer des nouvelles structures, ça ne veut pas dire créer du re-gain . Donc je reviens, je parle en terme du passé. Je reviens à ce temps où tous ceux qui étaient intéressés par la situation et à partir de la place que nous avions chacun dans l’institution, les infirmiers dans le suivi des patients, que ce soit au niveau de la toilette, que ce soit au niveau des repas, que ce soit au moment du coucher. Dans ce qui se passait, ce qui est intéressant c’est que ces personnes-là puissent parler de ce qui se passait entre le patient et elles-mêmes. Pour le médecin, c’était aussi intéressant de tenir compte de ce qu’on appelle le transfert institutionnel ou si vous voulez du contre-transfert institutionnel. Nous nous retrouvions une fois par semaine. Les différents intervenants parlaient de la façon dont pour chacun ça se passait, et aussi du ressenti de ce qu’ils avaient perçu dans la relation avec ce patient. Et je dirai que c’était en mettant en place des règles communes, une loi commune de façon à éviter tout ce qui peut provoquer dans la psychose l’éclatement de la prise en charge. Je dirai que nous avons pu suivre des patients difficiles de cette façon-là et ça a permis de réduire la violence, ça a permis d’avoir des effets thérapeutiques relativement importants et ça a permis aussi de faire sortir certains patients. De travailler à partir du contre-transfert institutionnel en mettant en place aussi des référents. C’est important des référents, c’est-à-dire toujours les mêmes personnes dans une continuité. Et systématiquement lorsqu’il pouvait y avoir… en fait éviter que le patient demande une chose à l’un, une autre chose à l’autre, répète dans le cadre des soignants, ce que lui-même avait pu connaître dans le contexte familial, dans toutes les structures où cette personne était passée. Vous voyez : analyser, repérer ce qui se manifestait dans la répétition et arriver à ne pas rejouer les uns contre les autres l’éclatement, l’éparpillement, mais faire en sorte que nous puissions avoir une réponse commune référée à une règle. C’est comme ça que nous procédions et qu’un travail a été possible. Et lorsqu’il y avait des choses trop conflictuelles, nous renvoyions systématiquement sur le groupe et la prise de position du groupe, la parole du groupe. La parole du groupe, c’était complètement essentiel pour que nous arrivions à donner une orientation, une cohésion à cette prise en charge. Vous savez ce qui se passe dans l’institution, un tel patient va jouer tel médecin contre un tel médecin, un tel psychologue contre un tel et si on rentre dans ce jeu, et bien c’est foutu. Je participe de la répétition, je ne sais plus ce que je fais. Et tout ce que nous demande, tout ce que provoque, tout ce que suscite le patient, il est important de le reprendre, de le retravailler et de ne pas répondre comme tel ; d’avoir un lieu où on peut médiatiser, où il peut y avoir du tiers. C’est comme ça qu’on réintroduit la dimension d’altérité dans le travail. C’est comme ça qu’on met en place du tiers. Par une référence extérieure et jamais par une réponse immédiate. Il n’y a pas à agir mais il y a à réfléchir ensemble dans le cadre du collectif à ce qu’on fait. Ca, c’est complètement essentiel. Donc, ce travail institutionnel, on peut le retrouver partout, je parle de la psychiatrie mais ça peut se retrouver dans toutes les institutions où il y a des personnes qui sont prises en charge et puis des personnes qui accompagnent, qui sont là en tant que soignants, en tant qu’éducateurs. Ca peut se reprendre partout, c’est une méthode de travail. Ca a été une méthodologie, c’est une méthodologie qui pour des gens qui sont éclatés me paraît tout à fait pertinente. On rassemble des morceaux et vous savez à quel point dans la psychose, des sujets psychotiques ont tendance à défaire, parsemer, éparpiller non seulement des objets mais en même temps des parties de leur corps et à quel point, ce qu’on peut rassembler nous, en tant que soignants, on peut les aider aussi eux à rassembler ces morceaux qui sont éparpillés. C’est important que ça puisse être aussi repris dans une parole. Mais disons que ces groupes soignants traditionnellement servaient à ça. Une certaine méditation ( ?) Moi je doute fort que dans le contexte, on puisse seul suivre un patient. Surtout lors qu’il s’agit d’une pathologie lourde parce que vous vous rendez bien compte il y a une interférence, des interférences avec le collectif. Et si on suit seul, je dirai qu’on participe de cet effet là. Donc, il y a tout à fait intérêt à ce qu’on se regroupe et qu’on parle ensemble. Bon, voilà ma conception de la psychothérapie institutionnelle, je résume en gros à ma façon, on l’a aussi théorisée, ça a tout à fait son intérêt. Intervention : … quelqu’un qui arrive de l’extérieur pour travailler avec le groupe, quelqu’un qui n’est pas de l’institution, quelqu’un de l’extérieur, quel est, la question dont vous parlez, le risque que les patients puissent ( ?) un peu un groupe en jouant l’intervenant contre un autre R. Samacher : Donc, ça on retrouve très facilement avec ce qu’on appelle les patients psychopathes ou alors avec tous ceux qui s’inscrivent dans un champ médico-légal qui ont à faire avec la loi, qui se débrouillent toujours pour transgresser, toucher toujours où se trouvent les limites et établissent par rapport à tous ceux qui peuvent représenter la limite, un rapport de force. Donc là encore, il n’y a pas à jouer la dispersion, l’éclatement mais il y a systématiquement à répondre sur un mode cohérent à cette tendance qui voudrait, qui est dans la provocation, le défi par rapport à la loi. Ce qui est encore une autre problématique que celle qu’on trouve dans la psychose et l’année dernière j’ai fait repérage avec vous de la façon dont on peut repérer, la notion de loi par rapport aux structures. L.Ridel : ma question c’est dans le cadre du travail qui nécessite une psychothérapie, qu’est-ce qui se fait concrètement, je reprends ma question, qu’est-ce que ça veut dire que l’essentiel se fait en terme de psychothérapie institutionnelle ? est-ce que par exemple il y a des psychologues qui reçoivent au sein de la psychiatrie directement des patients comme pour un travail de psychothérapie habituelle ou es-ce que c’est diffus, comme étant un travail qui se fait dans un suivi thérapeutique auprès des patients ? R.Samacher : je dirais que le terrain psychiatrique, le travail auprès des équipes est devenu de plus en plus difficile parce que de plus en plus ingrat. C’est-à-dire qu’il n’y a pas cette continuité de travail possible qu’on avait dans le temps avec toujours les mêmes personnes. Ca n’est plus possible. On est aussi confronté à des gens qui sont insuffisamment formés et qui n’ont pas le temps pour - moi je me souviens que systématiquement on faisait des réunions d’étude de cas et à ces réunions venaient les élèves infirmiers, les infirmiers, les infirmiers proposaient des dossiers, on discutaient de ces dossiers. Maintenant ça n’est plus possible. Là où je suis, ça n’est plus possible. Alors ça veut dire que ces personnes sont en permanence prises par 36 taches matérielles qui ne leur donnent pas le temps et la disponibilité ( ?). Ça n’est pas par mauvaise volonté, pas du tout, parce qu’il y a de la demande, mais chaque fois on dit : on n’a pas le temps, on voudrait bien mais on n’a pas le temps. Ce n’est pas possible, on est pris par quelque chose en même temps, à la fois donc c’est impossible. Les psychologues dans ces conditions ont parfois tendance à abandonner le terrain et à se replier sur les CMP. Je vous assure, même si à l’intérieur des CMP il y a des conflits, là où il y a des gens qui travaillent ensemble, les conflits c’est évident et là où devrait se placer le psychologue, c’est à repérer ce qui ne va pas dans le conflit, à aider les gens à se situer par rapport à ce conflit. En même temps vous vous rendez bien compte, le conflit est dynamisant, c’est ce qui permet de retrouver cette vérité de laquelle j’ai parlée tout à l’heure. C’est-à-dire donner un peu le sens, si on analyse le conflit c’est donner un peu le sens au travail, si vous voulez. Alors les psychologues ont un peu tendance à se replier sur les CMP et à travailler comme psychothérapeutes, faire de la psychothérapie. Pour moi c’est une position de facilité parce qu’on ne s’emmerde pas avec le reste et on oublie complètement la dimension idéologique et politique. Alors ça suppose -cette position de repli sur les CMP, sur le travail de psychothérapie- que les psychologues, qui travaillent dans les CMP ont beaucoup de travail ; les médecins sont débordés, les infirmiers ( ?) mais tout ce qui peut être la psychothérapie individuelle repose sur le psychologue donc il n’y a pas de problème, il y a de la psychothérapie. Mais je dis bien ça pose problème lorsqu’il n’y a pas le cadre en tant que tel, il n’est pas pensé, la parole ne circule pas entre les différents intervenants, je dirai qu’il y a de la psychothérapie au détriment d’une réflexion institutionnelle à l’heure actuelle, là où je suis, compte tenu de ce que je rencontre. Et je trouve ça très dommage. Dans la mesure où les psychologues se replient, si on suit le rapport “ Piel-Rolland ”, là rentrent de nouveaux intervenants. On voit de nouveaux ingénieurs en communication, des gens qui pourraient intervenir au niveau de ce lien social qui ne se fait pas, mais en tant qu’experts. Or, on sait bien à quel point renforcer les hiérarchies c’est quelque chose de catastrophique. Ainsi, on se réfère à ce qui s’est passé au niveau infirmier, à l’hôpital psychiatrique où je passais ; je constate que mettre en place un nouveau grade de hiérarchie, des infirmières générales qui en principe aurait pu permettre que ça communique mieux entre le service infirmier et la direction, qu’est-ce qu’elles ont fait ? Elles ont pris le relais de la direction et ont appliqué les directives de la direction. Donc, je constate ça dans l’hôpital où je passe et je constate ça ailleurs aussi. Donc moi, j’ai le sentiment que rendre, mettre encore en place de nouveaux experts, de nouveaux spécialistes c’est encore une façon de renforcer les hiérarchies et ça ne va pas du tout dans le sens de la transversalité. Quand on lit le rapport Piel -Rolland, d’une part ça permettra du lien et une meilleure transversalité, mais de qui ils se foutent ? Ce n’est pas sérieux. On voit bien que ce sont des gens qui n’ont pas cette pratique, même s’ils sont psychiatres. Où est-ce qu’ils ont vu ça, renforcer la hiérarchie, ça va permettre la transversalité, c’est fou, paradoxal ! On va créer des nouveaux experts alors que les psychologues, en principe doivent être formés à ce type d’approche. Non pas simplement de communication parce que vous savez on communique, on peut communiquer ; la communication, on peut parler pour parler, ça peut être le moulin à parole qui peut ne pas prendre du sens. Communiquer pour communiquer, ça n’a pas trop de sens, par contre il s’agit de dégager une parole qui prend du sens, une parole qui est vraie. Et je pense que si les psychologues sont formés dans ce champ-là, réinvestissent les institutions et se placent là où ils ont à se placer, là où il y a à articuler les choses, et au niveau du réseau, il y a à articuler les choses. L.Ridel : pour revenir, les psychothérapies (inaudible) R.Samacher : J’essaie d’amener une dimension qui est quant même une dimension idéologique et politique, hein. Je crois qu’à l’heure actuelle, c’est de ça qu’il est important de débattre. Qu’on fasse payer ou pas les patients au CMP, ça reste le mouvement… c’est sans intérêt de mon point de vue. Intervention inaudible Samacher : Je me place dans une certaine logique. J’ai repris la logique du rapport Piel Rolland, je me place dans une certaine logique, hein qui rend compte de la façon dont les gestionnaires actuels de la santé tentent d’intégrer la psychothérapie au domaine, à quel domaine ? au domaine médical. Bien entendu les psychiatres assurent les psychothérapies. Quand on ne sait pas ce qu’on fait, on fait de la psychothérapie, il y a d’excellents psychiatres qui sont psychanalystes, qui font bien leur boulot au même titre que les psychologues qui ont une formation psychanalytique et qui font correctement leur boulot. Mais il y a plein de gens qui ne savent pas travailler, malheureusement. Parce qu’ils n’ont pas payé le prix, ils ne se sont pas donnés la peine d’avoir la formation conséquente, c’est tout. La formation coûte un prix, il faut le reconnaître. Maintenant qu’on fasse ou pas payer les gens dans les CMP vraiment, ce n’est pas là qu’est le problème. Actuellement les CMP sont gratuits. Pourquoi ? Parce que les dispensaires d’hygiène sociale avaient été mis en place pour combattre les fléaux sociaux tels que les maladies vénériennes, tels que la tuberculose. Et on peut dire que la maladie mentale a pris le relais et a été aussi considérée comme fléau social au même titre qu’à l’heure actuelle le sida, la toxicomanie. Et toutes ces maladies qui sont considérées comme graves et qu’il s’agit d’éradiquer, qui sont considérées comme des fléaux sociaux sont prises en charge à cent pour cent si vous voulez. Ce n’est pas là qu’est le problème. Maintenant qu’on fasse payer un patient parce qu’on va le suivre au CMP, on est hors la loi si on agit comme ça. On n’a pas à le faire. Donc c’est pour ça que je vous disais qu’il n’y a pas d’enjeu. On est dans un autre champ, dans un autre domaine, avec une autre conception du soin que celle qu’on va trouver dans le domaine libéral. On ne travaille pas de la même façon dans le champ social, dans le champ public que dans le champ privé. On ne peut pas faire dans le champ public ce qu’on fait dans le privé, ce n’est pas possible. Donc là il y a une éthique du service public et cette éthique du service public, il y a à la respecter. Maintenant si ces personnes n’ont pas d’indication pour être suivies dans le CMP et bien on peut très bien les orienter ailleurs. Il y a des indications pour le CMP, d’accord. La psychothérapie est présente à l’heure actuelle pour nous en tant que malaise dans la civilisation. Je répète que le symptôme d’une société qui est complètement “ déboussolée ”. Intervention à propos du rapport Piel -Rolland R.Samacher : il n’est pas publié, en tout cas il a un impact auprès de nos dirigeants et actuellement, nos dirigeants prennent des mesures sans nous consulter. Par exemple l’ordonnance du premier mars 2001 a été appliquée sans consulter ceux qui étaient les principaux intéressés. Et ça, c’est particulièrement grave. Donc concernant ce rapport Piel- Rolland, en principe devaient participer au colloque les deux ministres, Guigou et puis Kouchner ; Guigou est apparue au début et elle très vite partie parce qu’elle avait à faire ailleurs et Kouchner, qui s’est annoncé n’est pas venu. Donc vous trouverez ça dans le Journal des Psychologues qui est tout à fait au courant de ce qui se passe. Non, non mais c’est intéressant. Vous voyez à quel point actuellement il y a des mesures qui sont prises sans faire appel aux différentes personnes concernées. Et ça, ça me paraît particulièrement grave. Nous sommes là dedans actuellement et j’en ai parlé récemment à des collègues et certains collègues sont particulièrement pessimistes. Intervention :… quel est le moyen, qu’est-ce que vous proposez parce que d’un côté il y a le rapport Piel –Rolande, qu’est-ce que nous, on propose ? Ce côté que vous décrivez, existe et l’équipe est absolument atterrée par le renforcement de la hiérarchie, par la dégradation des conditions de travail, de l’accueil des patients et quoi faire ? Les gens ne le font pas donc effectivement par le pouvoir, ils subissent tout ça. Alors nous le dire ici, c’est bien mais nous qu’est-ce qu’on fait ? R.Samacher : c’est vrai que les politiques n’entreprennent pas grand chose. A l’heure actuelle, lorsque nous essayons d’intervenir au niveau des syndicats, nous suscitons beaucoup de travail, nous publions, nous écrivons autours de ces questions là. Là il va y avoir très prochainement un forum des psychologues qui va être un grand truc, ce sont des choses que nous allons dénoncer le samedi matin par exemple. Nous cherchons des filières où nous pouvons dire ces choses-là et nous sommes en accord avec des psychiatres.. Il ne s’agit pas de différencier les psychologues des psychiatres, nous sommes dans le même combat, d’accord ? Donc nous cherchons des lieux où nous pouvons, nous sommes en permanence dans un rapport de force, il y des choses que nous ne pouvons pas accepter et que nous ne pouvons pas laisser passer. Intervention inaudible R. Samacher : Il faut dire qu’à l’heure actuelle on crée des nouvelles structures c’est-à-dire des grands lieux hospitaliers tels que même St. Anne, Maison Blanche, Perray Vaucluse et autres sont destinés à disparaître d’ici les trois, quatre ans à venir. On crée, là où habitent les gens de nouvelles structures. Mais en même temps, on a mis en place récemment des DU destinés aux infirmiers psychiatriques, qui est un lieu de psychopathologie, parce qu’on pense que d’ici quelque temps, on sera obligé d’en revenir à une spécialisation psychiatrique. Ca nous paraît important de maintenir ça. J’ai fait soutenir récemment un mémoire et il y apparaissait que dans un tel arrondissement de Paris ( ?) ceux qui y sont, se sentent complètement enfermés dans la ville. Alors qu’auparavant on se plaignait du fait que les patients sont éloignés, coupés de leurs familles maintenant les soignants se plaignent du fait qu’ils ont les familles “ sur le dos ”, qu’ils ne peuvent travailler non plus et que le voisinage supporte très mal ces malades dans ces lieux là. Alors là encore il y a des problèmes, vous voyez auprès de nouvelles structures qui n’empêchent pas la chronicisation -oui parce que dire que la maladie elle-même provoque une chronicisation, elle s’alimente elle-même la maladie- il ne suffit pas de mettre les gens dans des appartements associatifs, dans des appartements dits thérapeutiques pour que automatiquement ils ne soient plus malades, c’est aussi un leurre. Ca suppose du personnel, ça suppose un accompagnement et tant qu’on ne tient pas compte du fait qu’on a besoin de personnel, des gens qui sont formés, qui suivent alors c’est foutu, on ne peut pas travailler. Vous voyez, c’est déplacer les intérêts des politiques non pas vers des murs mais vers des gens qui travaillent dans ces lieux-ci au niveau du réseau. On n’arrive pas à susciter l’intérêt des intervenants pour un travail commun, pour mettre en place du lien social, on va passer aussi à côté du réseau. Intervention inaudible R.Samacher : Alors il y a ce qui se passe à l’intérieur des équipes mais il y a ce qui se passe de l’extérieur. Et ce qui est lié simplement à une idée politique de la santé n’a rien à voir avec le soin. Et c’est là, à l’intérieur nous pourrions travailler encore avec des gens, encore faut-il que ces gens- là soient toujours les mêmes et aient envie de travailler ensemble, on peut y arriver. Et si ce n’est pas possible, comment faire ? Alors il ne faut pas s’étonner si vous retrouvez de la violence dans la rue, si vous retrouvez de la violence dans le métro, si vous avez des fous qui de temps en temps se mettent à mitrailler leur voisinage dans la ville. Intervention R. Samacher : Oui, mais en même temps, vous vous rendez bien compte qu’ il y a un déplacement. On a un déplacement c’est-à-dire que tous ceux qui se trouvent dans une marge, qu’on peut considérer comme médico-légale, passent de l’hôpital psychiatrique à la prison parce que les psychiatres n’osent plus se prononcer quant à la responsabilité des patients, ce qui fait qu’on reconnaît maintenant une responsabilité partielle, qui peut ne pas empêcher que telle personne qui est “ folle à lier ” se retrouve en prison. Et on sait très bien que les structures spécialisées, des UMD (unités pour malades difficiles) sont complètement insuffisantes à l’heure actuelle, il y en a quatre ou cinq en France. Ce qui fait qu’on n’est pas mal démunis. Alors, on attend que le soin des malades mentaux soit pris en charge en prison, mais la vocation de la prison ce n’est pas ça. Ca n’est pas de soigner des malades mentaux ! Ou alors ces personnes qui sont déshospitalisées se retrouvent hors de l’hôpital et ce sont des associations caritatives qui les prennent en charge. Et puis il y a tout un processus de clochardisation ,de schizophrènes, ils ne sont pas en mesure de s’assumer, de se prendre en charge. Et je dis bien, ce n’est pas parce qu’on les mettra dans un studio, dans un appartement que pour autant ça les restructurera. Tout ça c’est à repenser, vous voyez vous avez du boulot pour les années à venir. Tout ça c’est à repenser, ça veille. Je vous pose des problèmes tels qu’ils se présentent à l’heure actuelle. Oui c’est bien un déplacement vers les prisons. Maintenant il y a 15 à 20% des personnes emprisonnées qui présentent des troubles mentaux graves. Le secteur social qui prend de plus en plus en charge des gens, pas seulement des chômeurs ou des gens qui sont en errance momentanée, mais tous ceux qui présentent des troubles mentaux graves et qui ne passent pas forcément par les CMP ; ou qui ont découragé la prise en charge par le CMP ou qui sont passés par l’hôpital et qui repassent ou qui vont à l’hôpital général et que les services connaissent bien mais qu’on ne peut pas suivre de façon systématique. C’est aussi le phénomène de la patate chaude, vous en avez entendu parler ? Vous n’avez pas entendu parler de la patate chaude, c’est pas vrai ! Vous savez que les sans -domicile fixe, dans x secteurs on n’en veut pas donc on se débrouille pour les virer le plus tôt possible de façon qu’un autre secteur, on se les refile comme une patate chaude, vous voyez ? L.Ridel : Ca arrive aussi dans les familles. R.Samacher : Oui mais là je me situe en psychiatrie, dans les pratiques de la psychiatrie. Bien. L.Ridel : Il me semble si tu es d’accord, je vais t’arracher le micro parce qu’il est 19h30 et il vaut mieux peut être prévoir cette castration. Ceci pour dire deux mots. D’abord, pour remercier Robert pour son intervention et surtout au nom de l’expérience qu’il a, de sa pratique dans ce domaine parce que c’est ça que j’apprécie ici, c’est de sentir au fond qu’il y a une histoire de la psychothérapie dans ce domaine qui est liée beaucoup à la psychothérapie institutionnelle dont on peut dire, me semble-t-il, que pour l’instant de force ou autre rien ne progresse. C’est ce qu’on a pu entendre dans ce discours, et en indiquant que les voies actuelles sont plutôt légères au regard de ce qui a pu exister. C’est le message que j’ai entendu de plus fort dans cet exposé-là. Alors pour prévoir un peu la suite dans le cadre de cette présentation des différentes formes de thérapies, la prochaine fois, dans 15 jours, interviendra donc, je vous rappelle Denise Scheffer et l’intervention portera autour, je dirais non pas du psychodrame mais des différentes formes de psychodrame. Compte tenu que le psychodrame de l’enfant n’est pas la même chose que le psychodrame pour adulte, et que d’autre part, le psychodrame par exemple pour des psychotiques n’est pas la même chose que pour les névrosés qui peuvent supporter un groupe, alors que souvent pour les patients psychotiques, il y aura un groupe de thérapeutes qui s’occupera d’un patient dans le groupe. Alors donc je vous donne RV dans 15 jours. Pour le groupe “ Violence ”, on se retrouve dans une semaine.