Chapitre 4 : Conflits et mobilisation sociale (d'après http://brises.org/) 5 / 11
touche proportionnellement plus les ouvriers que les autres P.C.S.) dévalorisent le travail ouvrier, tandis que le changement de la
nature du travail ouvrier (moins directement en contact avec la matière et la production) attaquent directement sa spécificité. De
même, les conditions de vie des ouvriers se sont transformées, semblant rejoindre celles d'une vaste “ classe moyenne ” : d'une
part, les revenus, et donc la consommation, se sont élevés rapidement durant les années 1960 et 1970, permettant aux ouvriers
d'accéder aux biens de consommation durables comme la télévision, la machine à laver ou l'automobile ; d'autre part, les modes
de vie des ménages ouvriers se sont également transformés par le développement du travail des femmes d'ouvriers, l'allongement
de la durée de scolarisation des enfants d'ouvriers et le développement de l'accession à la propriété grâce au crédit. Au final, les
conditions de vie semblent s'égaliser avec celles d'autres groupes sociaux et les éléments qui contribuent à forger et à transmettre
la culture ouvrière semblent peu à peu disparaître.
1.2.2 - CEPENDANT, SI L'INFLUENCE POLITIQUE ET SOCIALE DES OUVRIERS EST MOINS NETTE, LES
RAISONS DU CONFLIT AVEC LES CLASSES SUPERIEURES RESTENT FORTES.
Il faut nuancer le diagnostic d'une disparition de la classe ouvrière, parce qu'il ne s'agit pas d'une disparition des ouvriers, mais de
la perte de leur statut de classe sociale, c'est-à-dire de la capacité à transposer leur conflit à l'échelle de la société tout entière. De
plus, les sources du conflit social, les inégalités, la faible mobilité sociale, perdurent toujours et même parfois s'aggravent.
• Le poids numérique des ouvriers dans la population française reste important malgré leur relatif déclin. Le groupe
social des ouvriers disparaîtrait, faute de combattants en quelque sorte ? Ce n'est pas si évident que cela. En effet,
aujourd'hui, près d'un tiers des pères de famille sont ouvriers et 40% des enfants sont élevés dans un ménage où un des
deux adultes au moins est ouvrier. Ce sont des proportions élevées qui montrent que la transmission de la culture
ouvrière reste toujours possible, au moins en partie. D'autre part, il semble bien que la diminution des effectifs
ouvriers soit stoppée depuis quelques années.
La faible mobilité sociale enferme encore la classe ouvrière sur elle-même et la coupe des classes supérieures. Louis Chauvel a
montré à quel point depuis 20 ans, la mobilité sociale nette est faible : les chances de monter dans la hiérarchie sociale, si l'on
enlève les effets des transformations de l'emploi, sont très faibles, et cela malgré la scolarisation allongée des enfants, ceux des
ouvriers en particulier. Aujourd'hui, on observe de plus en plus fréquemment des enfants qui ont fait des études bien plus longues
que celles de leurs parents et qui, pourtant, intègrent le marché du travail, d'une part bien plus difficilement, d'autre part à un
niveau équivalent, voire moins élevé. Résultat de cette faible mobilité ascendante : l'écart social entre les groupes sociaux a
recommencé à s'accroître. Et ce d'autant plus que, on l'a vu dans le chapitre précédent, l'accès à l'enseignement supérieur est
encore très inégal selon l'origine sociale, au détriment des enfants d'ouvriers.
Enfin, les inégalités, y compris matérielles, demeurent importantes. On en a déjà parlé dans le chapitre précédent mais on peut en
reparler ici sous l'angle des classes sociales. Certes les ouvriers ont accédé dans leur majorité à la consommation de masse, mais
la distinction se porte sur de nouveaux biens et surtout sur les services : les taux de départ en vacances restent très inégaux (et il
ne s'agit pas des mêmes vacances quand il y a départ), l'accès à Internet reste socialement très inégalement réparti, les cadres ont
largement développé leurs consommation de services à domicile (femmes de ménage, garde d'enfants, …), l'habitat reste
spatialement très différencié, etc.
Conclusion : les ouvriers constituent plus certainement un groupe social qu'une classe sociale au sens marxiste du terme.
1.3 - Le rôle des syndicats dans les conflits sociaux.
Vous avez l'habitude d'associer les syndicats aux conflits sociaux, et même de les considérer, sinon comme la cause, du moins
comme des acteurs essentiels des conflits. Ils sont effectivement souvent à l'origine des grèves, des manifestations, et, par les
revendications qu'ils expriment, ils peuvent entretenir la tension sociale. Mais cette vision des choses ne recouvre qu'une partie de
la réalité, car les syndicats jouent en fait un rôle bien plus complexe, et, paradoxalement, permettent aussi de réduire la
conflictualité dans les entreprises. Cela amène à s'interroger sur les conséquences de la désyndicalisation que l'on constate dans
les sociétés modernes : cela va-t-il accroître ou diminuer la conflictualité dans la société ?
1.3.1 - SI LES SYNDICATS ONT FAVORISE L'EMERGENCE DE CONFLITS SOCIAUX PAR LEUR CAPACITE
D'ORGANISATION, ILS ONT EGALEMENT PERMIS DE LES REGLER PLUS FACILEMENT PAR
L'INSTITUTIONNALISATION (DES CONFLITS ET DES ORGANISATIONS).
Voyons concrètement comment le développement des syndicats peut permettre le développement des conflits sociaux dans les
entreprises, et plus généralement au niveau de la société tout entière.
• Les syndicats rassemblent les moyens matériels et humains de l'action collective. L'action collective coûte cher, et les
syndicats sont d'abord un moyen de la financer. Ils collectent des cotisations, reçoivent parfois des dons ou des
subventions publiques, qui permettent de faire face aux dépenses nécessaires à la mobilisation des salariés (presse
syndicale, tracts, locaux et moyens de communication, transports des militants, caisse de solidarité pour compenser les
pertes de salaires en cas de grève…). Mais ces moyens permettent surtout de payer des permanents, c'est-à -dire des
personnes qui travaillent à temps plein pour le syndicat, assurent des permanences pour informer ou aider les salariés,
gèrent les aspects matériels de la vie syndicale, négocient avec les employeurs. Les permanents et plus généralement
les militants syndicaux assurent la coordination et donc l'efficacité de la revendication. En effet, si on veut par
exemple lancer grève pour faire pression sur l'employeur, il vaut mieux que tout le monde cesse le travail en même
temps pour que la démonstration de force soit plus convaincante : c'est le rôle des syndicalistes de coordonner les
actions individuelles de revendication. Et si on veut que la grève soit un succès, il faut aussi informer les salariés à
l'avance et essayer de les convaincre de participer, et là encore, les syndicats fournissent un travail essentiel pour le