CALCITONINE ET METASTASES OSSEUSES QUESTION : Quelle est l’efficacité de la calcitonine dans le contrôle des douleurs osseuses métastatiques ? AUTEUR : Zineb El Mezouar (AOUT 2008) P : patients avec métastases osseuses I : calcitonine C : placebo O : contrôle de la douleur CONTEXTE : J’ai vu cette médication utilisée lors de mon stage de soins palliatifs. Je me suis demandé s’il y avait des preuves de son efficacité. RECHERCHE : Cochrane : Une revue systématique de 2006 Trip database et clinical evidence; Rien Pub med : en cherchant les articles publiés après 2006, on trouve un autre article, mais c’est une étude prospective non-randomisée. RÉSULTATS : 1) Martinez-Zapata MJ, Roqué M, Alonso-Coello P, Català E. Calcitonin for metastatic bone pain. Cochrane database of systematic reviews. 2006. Issue 3. Les auteurs ont trouvé 6 RCT mais en ont exclu 4 car l’évaluation de l’effet sur la douleur avait été réalisée sur une durée de moins de 4 semaines. Ils n’ont donc inclut que 2 petites études randomisées sur le sujet. La différence dans la proportion de patients soulagés complètement était non significative RR 2.50 (0.55-11.41) dans l’étude 1. Il n’y avait pas non plus de différence sur la consommation d’analgésiques RR 1.05 (0.90-1.21) dans l’étude 2. Il y a eu plus d’effets secondaires dans le groupe avec calcitonine RR 3.35 (0.72-15.66) mais cette différence n’est pas significative. Étude 1 : Roth Anton, Kolarie Krsto. Analgetic activity of calcitonin in patients with painful osteolytic metastases of breast cancer; results of a controlled randomized study. Oncology 1986; 43: 283-287. Étude sur 40 patientes. 20 patientes ont reçu 100UI calcitonin s/c pendant 28 jours. Le groupe placebo recevait des injections de salin. Randomisation & intent to treat OK. Allocation concealment ? (concept qui n’existait pas à cette date) . Résultats : 1) Différence significative sur la réduction de la consommation d’analgésiques. Si on compare la dose au 28ième jour à la dose au jour un, on note une diminution moyenne de 56% comparativement à une augmentation de 4% dans le groupe placebo. 2) Différence significative dans la durée de la douleur. Dans le groupe calcitonine comme dans le groupe placebo, aucune patiente n’avait de douleur qui durait moins de 6 heures par jour. Au jour 28, 68.4% des patientes du groupe calcitonine avait de la douleur pour moins de 6 heures par jour comparativement à 15.8% dans le groupe placebo. 3) Différence significative dans l’évaluation de la douleur par la patiente qui favorisait le groupe avec calcitonine. Toutefois on ne spécifie pas l’échelle employée donc on ne peut pas se faire une idée sur l’importance clinique de cette réduction. Pas d’effets secondaires importants. Douleur au site d’injection d’une durée de 10 min pour 3 patientes du groupe traité comparativement à une du groupe placebo. Étude 2 : Blomqvist C. Evaluation of salon calcitonin treatment in bone metastases from breast cancer – A controlled trial. Bone 1988; 9 : 4551. 49 patientes avec métastases osseuses d’un cancer du sein. 2 groupes (100MRCU par jour contre placebo; durée : 3 mois). 2 groupes similaires au départ. Randomisation et intent to treat OK. Allocation concealment? (concept qui n’existait pas à cette date). Étude cessée après 40 jours à cause de symptômes cérébrovasculaires chez une patiente. Elle était finalement dans le groupe placebo. Pas de changements significatifs sur la durée de la douleur, l’évaluation subjective de la douleur par les patients ou la consommation d’analgésiques. Peu d’effets secondaires sauf pour des « flush» faciaux occasionnels. Les 4 RCT exclus pour une durée insuffisante d’évaluation de l’effet (consultation des abstracts seulement) Allan E. Calcitonin in the treatment of intractable pain from advanced malignancy. Pharmatherapeutica 1983; 3 (7): 482-6 8 patients, 200UI IM BID pour 4 jours vs placebo: 2 patients sur 4 dans le groupe placebo ont eu un effet positif vs 4 sur 4 dans le groupe calcitonine. Abstract ne précise pas quand la mesure d’efficacité a été faite. Hindley AC et al. A double blind control trial of salmon calcitonin in pain due to malignancy. Cancer chemother Pharmacol. 1982; 9(2): 71-4. 32 patients. 1 groupe avec calcitonine 200UI s/c q 6 heures pour 48 heures et un groupe placebo. À une semaine, 5/13 patients vs 0/12 patients démontraient une amélioration. Kleibe F et al. Salmon calcitonin in metastatic bone pain. Demonstration of acute analgesia in tumor patients. Dtsch Med Wochenschr 1984; 109(24): 944-7. Infusion de 200UI chez 20 patients sur 44. Durée analgésie : 10 heures. Hindley AC et al. A double blind controlled trial of salmon calcitonin in pain due to malignancy. Cancer Chemothr pharmacol 1982; 9 (2): 71-4 Pas trouvé sur Pub med. CONCLUSION: Il existe plusieurs séries de cas (études non-randomisées) rapportant un effet bénéfique avec la calcitonine chez les patientes avec métastases osseuses. Toutefois pour une intervention de ce genre, nous cherchons des études de type RCT. C’est ce type d’étude qui peut nous permettre de conclure ou non à l’efficacité d’un traitement. Bien peu de RCT existent sur cette question. Seulement 2 furent retenus dans une revue de Cochrane assez récente. En examinant les 4 RCT exclus par Cochrane on se rend compte que les protocoles utilisés dans ceux-ci ne sont pas ceux susceptibles d’être utilisés dans notre milieu. Il ne reste donc réellement que 2 études de type RCT qui puissent nous aider à répondre à notre question. Ces deux études ne cumulent entre elles que 89 patientes (toutes avec cancer du sein). Le protocole des 2 études est similaire. J’ai toutefois des réserves face aux conclusions des auteurs de la revue Cochrane. Premièrement, ils ont calculé l’efficacité sur le soulagement complet de la douleur ce qui, bien que souhaitable, m’apparaît peu réaliste. Du point de vue du patient, un contrôle total de sa douleur est un bénéfice clair mais un contrôle partiel est possiblement fort apprécié aussi. Deuxièmement, ils ne parlent pas de la diminution de la consommation d’analgésiques décrits dans la première étude. On ne cite que les données de la deuxième étude et il n’y a pas d’explications pourquoi. De plus, les auteurs semblent insister sur l’augmentation de la fréquence des effets secondaires mais cette différence est statistiquement non significative et ne semble pas cliniquement significative non plus (effets secondaires somme toute sans grande conséquence). Ce qui est clair, c’est que les 2 études RCT ont des conclusions différentes. Il faudrait donc plus d’études permettant d’évaluer l’impact de ce traitement sur la réduction de la douleur, la qualité de vie et pour mieux évaluer les effets secondaires. D’ici là, la calcitonine peut, à mon avis, demeurer une alternative pour les patients qui ne répondent pas aux autres traitements analgésiques reconnus mais il faut se rappeler que le bénéfice de la calcitonine dans ce contexte n’est pas prouvé.