Cet article est une présentation du Centre Dysphasia Le Centre

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Cet article est une présentation du Centre Dysphasia
Le Centre Dysphasia est un organisme à but non lucratif ayant pour but d’offrir des services
d’accompagnement, de relation d’aide et d’éducation à des personnes ayant des troubles de
langage et de la parole et qui vivent dans la région de la Montérégie, dans le but d’améliorer leur
qualité de vie personnelle et professionnelle.
Qu’est ce que la dysphasie?
Un retard de langage? Un simple trouble du langage? Les parents ayant des enfants souffrant de dysphasie
vous diront qu’il ne faut pas banaliser cet handicap car la dysphasie s’accompagne presque toujours de
troubles associés tels que dyslexie, dysorthographie, trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité,
trouble de perception auditive ou visuelle… et de troubles de comportement.
C’est surtout à cause du trouble de compréhension, d’adaptation à une nouvelle situation et de sa
sensibilité à divers stimuli (défenses sensorielles) que l’enfant dysphasique peut manifester certains
problèmes de comportement. Mentionnons que l’enfant dysphasique a une grande rigidité
comportementale, il peut avoir des réactions catastrophiques à un changement d’activité imprévu ou par
rapport à un évènement inattendu.
Prenez note que Le DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) évalue l’incidence
de ce trouble entre 3 et 5 % de la population infantile pour les troubles expressifs purs auxquels il ajoute
3% pour les troubles mixtes (expressifs et réceptifs). La frontière entre le retard simple du langage et la
dysphasie est cependant loin d’être toujours aussi nette, surtout avant l’âge de 6 ans (Billard, 1998).
Pour bien comprendre la nature de cet handicap « permanent » afin de mieux intervenir, il est important de
lire les définitions et la liste des troubles associés à la dysphasie.
Quelques définitions :
L’Ordre des orthophonistes et audiologistes qui, au Québec, regroupe les professionnels
diagnostiquant cette déficience, ne donne pas de définition comme telle, mais plutôt une brève
description :
La dysphasie sévère, parfois aussi appelée aphasie congénitale ou audimutité, consiste en une dysfonction
cérébrale localisée dans la zone du langage. Il s’agit d’un "trouble sévère du développement", le
dysphasique est une personne "handicapée". La dysphasie entraine des troubles importants de perception
auditive, des troubles sévères d’expression et de compréhension, des troubles majeurs d’abstraction et de
généralisation de même que de graves déficits au niveau de la perception temporelle.
(OOAQ, 1998)
L’Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec, qui dessert les
services aux enfants dysphasiques, a défini la dysphasie de la façon suivante :
Les personnes ayant une déficience du langage et de la parole sont celles dont la déficience est
conséquente à des troubles neurologiques (tels que l’aphasie, la dysphasie ou l’audimutité, la dysfonction
cérébrale) entrainant des incapacités significatives et persistantes au niveau de la communication. Ces
personnes sont susceptibles de vivre des situations d’handicap et nécessitent des services spécialisés
d’adaptation ou de réadaptation.
(AERDPQ, 1998)
Le Ministère de l’Éducation définit la dysphasie comme...
...étant une déficience langagière lorsque son fonctionnement, évalué par une équipe multidisciplinaire à
l’aide de techniques d’observation systématique et d’examens appropriés, permet de diagnostiquer une
dysphasie sévère. Une dysphasie sévère est un trouble sévère et persistant du développement du langage
limitant de façon importante les interactions verbales, la socialisation et les apprentissages scolaires
(MEQ, 2000 b). L’élève est considéré comme une personne handicapée lorsque son évaluation
fonctionnelle révèle la présence de difficultés très marquées sur le plan de l’évolution du langage, de
l’expression verbale et de fonctions cognitivo-verbales ou difficultés modérées à sévères sur le plan de la
compréhension verbale.
Les critères de diagnostic déterminés par le ministère pour reconnaitre la dysphasie sont :
- la persistance de troubles sévères au-delà de l’âge de cinq ans…
- un suivi orthophonique régulier d’une durée minimale de six mois…
- une évaluation systématique faite notamment à l’aide d’observations et de tests appropriés…
- le trouble porte sur l’expression dans son ensemble et non seulement sur la réalisation articulatoire ou
phonologique…
- il doit y avoir atteinte sévère de la compréhension.
Liste des autres symptômes
L’enfant dysphasique présente fréquemment d’autres difficultés qu’uniquement celles de langage.
Spontanément, on pense que le langage et la communication sont reflétés par les mots et les phrases.
D’autres habiletés, liées de près ou de loin à l’apprentissage de la langue, peuvent aussi être affectées et
influencées. Sans toutefois être toujours présentes, les habiletés suivantes peuvent être affectées en
même temps que celle du langage et de la communication.
- Habiletés d’abstraction : La capacité qu’a un enfant à intégrer et comprendre des notions abstraites
(notions de couleurs, concepts d’espace, concepts de temps, concepts mathématiques...) lui vient
naturellement avec son développement à travers ses premières années de vie. L’enfant dysphasique peut
avoir certaines difficultés à manipuler des notions plus abstraites (par exemple, apprentissage plus ardu de
notions de couleurs, de nombres, les notions spatiales telles que les concepts « dans, dessous, dessus, à
gauche » ou les notions temporelles (telles que les jours de la semaine, les mois de l’année...). Ces types
de difficultés peuvent resurgir à l’école lors des apprentissages des notions mathématiques ou en lien avec
les habiletés de résolution de problèmes. L’utilisation de matériel visuel concret et illustré ainsi que de
repères bien connus de l’enfant l’aideront à intégrer plus facilement ces apprentissages.
- Habiletés de généralisation : Les habiletés de généralisation permettent d’intégrer un nouvel
apprentissage et de l’utiliser dans un nouveau contexte jusque-là inconnu. Par exemple, l’enfant qui
apprend ses couleurs à partir de certains objets sera très vite en mesure de nommer les mêmes couleurs sur
des objets différents et nouveaux. Il généralise sa nouvelle connaissance et l’applique aux autres objets de
son environnement. L’enfant dysphasique éprouve des difficultés à intégrer certaines de ces nouvelles
connaissances et à les réutiliser dans différents contextes. Il pourra ainsi bien comprendre la signification
d’un terme dans le cadre d’un exercice (par exemple : comprendre les notions « dessous-dessus ») mais
nécessiter beaucoup de pratique avant de l’utiliser adéquatement en parlant. Les difficultés de
généralisation peuvent aussi être observées dans le phénomène « acquis-perdu » où l’on observe chez
l’enfant qu’il maitrise relativement bien une notion un jour et semble l’avoir perdue le lendemain.
L’effort fourni pour cet apprentissage laisse cependant bel et bien une trace et permettra à l’enfant de
fournir un effort moindre pour récupérer ses connaissances. Encourager l’utilisation du nouvel
apprentissage dans différents contextes facilitera son intégration.
- Habiletés praxiques : Les habiletés praxiques sont les capacités d’une personne à planifier une série de
mouvements pour parvenir à son but. L’enfant dysphasique peut régulièrement démontrer des difficultés à
planifier et mémoriser une séquence de mouvements dans l’espace afin de compléter une action (par
exemple : enchainer une série de mouvements de la bouche pour articuler un mot, compléter ses boucles
de souliers, s’habiller, tracer une série de lignes pour tracer une lettre...). La répétition et l’utilisation
d’indices visuels facilitent grandement ces apprentissages. De même, segmenter la séquence de gestes à
compléter en mouvements distincts l’aidera.
- Habiletés liées à la perception sensorielle : Les expériences sensorielles que nous percevons à travers
nos sens comprennent le toucher, le mouvement, la conscience du corps, la vue et l’ouïe. On appelle
intégration sensorielle la capacité du cerveau à organiser (modulation) et interpréter (traitement) ces
diverses informations. L’intégration sensorielle joue un rôle prédominant dans le développement des
fondations nécessaires à l’organisation du comportement, l’apprentissage de nouvelles habiletés et
l’exécution de tâches complexes. C’est l’intégration de deux ou plusieurs systèmes sensoriels qui nous
permet de comprendre notre environnement immédiat. Certains enfants dysphasiques peuvent avoir des
difficultés à organiser l’information sensorielle. On peut les aider en favorisant les expériences
sensorielles positives, en stimulant le développement et l’exploration de nouvelles sensations agréables.
L’ergothérapeute peut également aider l’enfant à intégrer graduellement et à mieux gérer ces informations.
- Habiletés liées à la perception visuelle : La perception visuelle est infiniment liée au développement
des habiletés de motricité fine. L’enfant dysphasique peut parfois avoir de la difficulté à tracer des lignes,
copier des formes, écrire des lettres. Ces tâches nécessitent un contrôle visuo-moteur, c'est-à-dire
l’organisation adéquate de l’information visuelle pour planifier les mouvements de la main. On peut
favoriser le développement des habiletés visuo-motrices avec des activités variées de pré-écriture. Les
jeux de discrimination visuelle (exemple : jeu « Où est Charly? ») favorisent également le développement
des habiletés de perception visuelle.
- Habiletés liées à l’orientation spatiale : La capacité de s’orienter dans l’espace nécessite d’abord une
bonne conscience de notre schéma corporel. L’enfant dysphasique peut avoir des difficultés à bien intégrer
le schéma de son corps dans l’espace et la direction de ses mouvements. L’enfant acquiert d’abord les
concepts de verticalité, puis les dimensions horizontales et enfin les diagonales (vers 6 ans). L’enfant
comprend d’abord les notions de droite et de gauche sur lui-même. Pour ce qui touche les apprentissages
scolaires, les inversions de lettres telles «b-d», «p-q» sont reliées à des difficultés d’orientation spatiale.
- Habiletés motrices : L’enfant dysphasique peut démontrer certaines difficultés motrices lorsqu’il est en
bas âge (enfant maladroit dans les activités de motricité globale, enfant éprouvant des difficultés à
compléter une séquence de mouvements). En lien avec la musculature du visage et de la bouche, l’enfant
peut démontrer un mauvais contrôle salivaire. Les parents peuvent aussi noter, dès le plus jeune âge, des
difficultés de succion pendant l’alimentation.
- Affection de la parole : Il arrive à l’occasion qu’un enfant dysphasique utilise un accent particulier (par
exemple : accent légèrement à la française). Il peut aussi survenir des hésitations qui ressemblent à du
bégaiement et qui pourront se résorber avec une meilleure maitrise de sa langue (contrairement à ce qui
pourrait être observé chez un enfant bègue). L’orthophoniste sera en mesure d’informer les parents sur la
nature des difficultés et sur l’approche à privilégier.
Une bonne compréhension de ces difficultés facilite un bon dosage quant aux attentes à avoir face
aux performances de l’enfant. De plus, elle permet de bien comprendre l’enfant et de miser sur son
potentiel tout en ciblant les difficultés à travailler.
Comment intervenir auprès des enfants ayant des problèmes réceptifs?
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Routine : dans l’organisation de la journée, de la semaine, dans les exercices présentés.
Structure : donner des ordres courts, fermes, clairs, s’assurer qu’ils sont bien présents, qu’ils
vous regardent dans les yeux et vous écoutent quitte à les toucher plutôt que répéter. Les enfants
doivent savoir qu’ils n’ont pas le choix. Ils doivent savoir ce qu’on attend d’eux
(conditionnement).
Constance : dans l’éducation apportée, langagière ou autre. Il faut que tous les intervenants
s’entendent sur les moyens d’approche et utilisent les mêmes. Il faut qu’il y ait consensus dans
les modèles de communication (phrases identiques, formules de questions identiques…).
Répétition : en fonction de ces 3 principes, utiliser toujours les mêmes énoncés verbaux, les
mêmes mots, ne pas chercher au départ à enrichir le vocabulaire mais plutôt s’assurer que le mot
est acquis solidement et dans diverses situations (généralisation). D’où l’importance de faire les
exercices tous les jours. Il est préférable de diminuer la quantité et d’exiger la qualité de
production. Il faudrait que les modèles utilisés en classe et en traitement soient utilisés à la
maison.
Apport visuel : des gestes, des images, des symboles significatifs et utiles à l’enfant qui l’aident
à comprendre et l’aident à fixer.
Comment intervenir auprès des enfants ayant des problèmes expressifs?
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Routine : dans l’organisation de la journée, dans les exercices présentés, dans l’emploi des
énoncés des mots et des phrases.
 Structure : contact visuel, s’assurer qu’ils écoutent, qu’ils regardent la bouche, ne pas leur donner
d’alternative, ne pas se contenter d’une approximation quand on sait que les enfants peuvent
produire mieux.
 Constance : dans l’éducation apportée, langagière ou autre. Il faut que tous les intervenants
s’entendent sur les moyens d’approche et utilisent les mêmes. Il faut qu’il y ait consensus dans
les modèles de communication (phrases identiques, formules de questions identiques…).
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Répétition : partir de ce que les enfants connaissent déjà, leur faire utiliser de nombreuses fois et
introduire un geste nouveau, un mot nouveau, une structure de phrase plus complète (nouvelle).
D’où l’importance de faire un bilan d’acquis au départ afin de s’en servir. La répétition permet de
développer des sensations que les enfants réutiliseront plus tard (dans le spontané). Répéter
toujours le même énoncé verbal, multiplier les situations afin d’arriver à la généralisation.
Apport du visuel : moyens compensatoires tels que le geste de Borel-Maisonny ou amérindien,
les symboles qui sont un support à l’organisation de leur pensée.
Développer les capacités de discrimination, d’attention, de perception :
- des séries de sons identiques alternant un son différent
- jeu de rythmes
- trouver des intrus
- repérer les sons dans le mot, situer le son dans un mot
- etc.
Les compétences pragmatiques
Les compétences pragmatiques peuvent se définir comme les compétences qui permettent d’utiliser
adéquatement le langage en tant qu’outil de communication en tenant compte du contexte de l’interaction
(cf. Bates, 1976, Costermans & Hupet, 1987) : capacités à dire ce qu’il faut comme il le faut pour
communiquer efficacement étant donné l’interlocuteur que l’on a en face de soi et la situation de
communication.
L’étude de ces compétences consiste notamment à s’intéresser non seulement aux raisons pour lesquelles
un locuteur dit ce qu’il dit mais aussi pourquoi il le dit de cette manière. Par exemple, on s’intéressera aux
raisons pour lesquelles, suite à une requête de clarification (hein? quoi?), un locuteur « choisit » de répéter
simplement ce qu’il a dit, de changer la forme ou encore d’ajouter des informations supplémentaires.
Tout enfant présentant des difficultés d’acquisition du langage va se trouver désavantagé en situation
communicative (cf. Bishop, 1996 ; Hupet, 1994, 1996) ; il ne faut pas nécessairement qu’il présente des
troubles pragmatiques, i.e. de la capacité à utiliser le langage dans son contexte d’énonciation, pour
éprouver des difficultés conversationnelles. S’il bégaie, s’il a de gros troubles de compréhension, s’il a un
retard mental ou des troubles moteurs sévères, la situation de conversation risquera de le mettre en
difficulté.
De même, des enfants présentant des troubles de comportement, des troubles psychotiques ou autistiques
seront des enfants aux compétences pragmatiques altérées. Les compétences pragmatiques sont par
conséquent importantes à prendre en considération dans l’évaluation ainsi que dans la prise en charge,
même si cette dernière ne porte pas directement sur ces compétences.
Références :
Beausoleil, P.A., (2003) Difficultés langagières et signes neurologiques mineurs. Ses yeux parlent.
Boivin, G., Bussières, S., Dubord, M & Gaudet, G, (1999) Démystifier la dysphasie. Formation réseau
IRDPQ.
Case-Smith J., S. Allen A., Nuse Pratt P., (1996) Occupational Therapy for Children, Mosby. 845 pages.
Les Actes du colloque sur l’audimutité, (1995) Les connaître d’abord, c’est mieux les aider. AQEA
(Association québécoise des enfants audimuets).
Guide et outils cliniques, (2004) Troubles primaires du langage : Dysphasie. OOAQ (Ordre des
orthophonistes et audiologistes du Québec).
Mémoire de l’Association québécoise pour les enfants atteints d’audimutité (dysphasie), (2000) Les
syndromes dysphasiques. AQEA à l’intention du Collège des médecins.
Marie-Christine Amireault, orthophoniste et Lyne Bernatchez, ergothérapeute; site internet Dysphasie +
(http://www.dysphasieplus.com/index_fichiers/page13.htm)
Cet article est présenté par le centre Dyphasia
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