texte louvain 26 mai historien

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L’Historien Naïf ou «Comment aborder les processus cognitifs impliqués dans la
compréhension du passé ?» 1
Olivier Klein, Unité de Psychologie Sociale, ULB
Courriel : [email protected]
Introduction
Contrairement aux autres exposés, celui-ci ne portera pas spécifiquement sur la mémoire
collective belge. Comme vous le savez, ce groupe de contact a été créé par un noyau
composé d’historiens, politologues et psychologues intéressés par la question de la
mémoire collective. Cela nous a amené à nous interroger sur les échanges possibles entre
nos disciplines et en l’occurrence à la question du rapport entre Histoire et psychologie.
Pour ce faire, j’ai voulu adopter une approche analogique. La pertinence d’une réflexion
sur la mémoire collective en psychologie se fonde sur l’hypothèse suivante : lorsque nous
pensons à l’Histoire nous –et quand je dis nous, je me réfère à tous ceux qui ne se
peuvent se prévaloir d’un diplôme d’historien - nous ne nous contentons pas de
béatement réciter des représentations du passé qui seraient déjà « stockées » en mémoire,
mais que nous en façonnons de nouvelles, nous en bricolons, nous en construisons avec
tous ces résidus de savoir accumulés au cours de notre existence. L’historien n’a donc pas
le monopole de la réflexion sur le passé. Son savoir se rapproche du reste de celui du
psychologue si l’on accepte la définition du grand historien Marc Bloch qui définit
l’Histoire comme la « science des hommes du passé ».
Ce rôle de « bricoleur » du passé est particulièrement flagrant lorsqu’on est parent. Par
exemple, ma petite fille de 6 ans me demandait l’autre jour « Pourquoi Hitler est devenu
méchant ? ». Accepter de répondre à cette question exige de se remémorer quelques
connaissances historiques éparses sur la vie d’Hitler (et en particulier de sélectionner les
connaissances les plus pertinentes), avant de construire une explication causale. On
pourra choisir différents types de causes : psychologiques (son éducation ? l’envie vis-àvis de la réussite de collègues juifs ?), sociologiques (l’antisémitisme latent en
Allemagne ? Les réactions face au traité de Versailles ?), économique (la Crise de
1929 ?). Il faudra ensuite élaborer un récit cohérent qui puisse simultanément s’enchaîner
logiquement et être intelligible pour une fillette de cet âge. Au-delà de cet exemple, nous
sommes tous amenés à devoir rendre compte d’événements passés ou à critiquer ou
commenter des explications fournies par d’autres.
Ce bricoleur du passé, qui façonne des pseudo compte-rendu historiques à l’aide de sa
mémoire et de ses facultés de raisonnement limitées, je le nommerai « Historien naïf ».
Pour comprendre comment il fonctionne, j’ai essayé d’effectuer des parallèles avec le
« vrai » Historien, l’académique, en me plongeant dans certains travaux de philosophie de
l’histoire. Je suis bien conscient que mon niveau d’expertise limité dans ces domaines
Texte non publié présenté lors de la VIème réunion du groupe de contact FNRS
« Mémoires Collectives : Approches Croisées » : Louvain-La-Neuve, Le 26 Mai 2009
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rend sans doute mon entreprise quelque peu sujette à caution. J’espère également que,
grâce à la discussion qui suivra, nous pourrons davantage la développer
Mais pourquoi vouloir adopter une telle métaphore? Une métaphore présente un intérêt
lorsqu’elle permet de penser des problèmes de façon différente et si possible de les
réinterroger. Il ne s’agit pas juste de décrire mais de susciter de nouvelles hypothèses.
J’envisage au moins deux motivations. Premièrement, je suis convaincu que cette
analogie permet d’intégrer différentes perspectives développés dans des champs très
différents de la psychologie: que l’on pense par exemple aux travaux sur la mémoire
autobiographique, sur la perception des témoignages, sur la narration ou sur l’attribution
causale. Toutefois, l’ensemble de ces travaux n’a guère fait l’objet d’une réflexion
spécifique, par rapport à la perception de l’histoire. La question de savoir comment ces
processus psychologiques s’agencent pour donner lieu à des constructions profanes de
l’Histoire reste donc sans réponse. Et les travaux portant sur la mémoire collective ne
nous aident guère car ils s’intéressent principalement au contenu de la mémoire sans
examiner les processus cognitifs à travers lesquels cette mémoire s’élabore. Deuxième
motivation, au-delà de cette intégration entre différents processus, vous constaterez, je
l’espère, qu’aborder ces processus à travers la figure de l’Historien nous offrira un tout
autre regard sur ceux-ci.
Après ce long préambule, il faut tout d’abord définir en quoi consiste le travail de
l’Historien ; Il y a sans doute de nombreuses réponses à cette question mais, à défaut d’en
trouver de meilleures, j’ai repris ici le triptyque que Paul Ricoeur propose dans la
deuxième partie de son ouvrage, La Mémoire, L’Histoire, l’Oubli consacré à
l’épistémologie de l’Histoire. Se fondant sur Michel de Certeau, il envisage trois phases
au travail historique :
•
L’accès à un ensemble de connaissances dont certaines, jugées pertinentes, seront
sélectionnées en vue de l’étape ultérieure (c’est ce qu’on qualifiera de phase
documentaire).
•
La construction d’un raisonnement causal (ou phase explicative).
•
L’élaboration d’un récit adapté à l’interlocuteur (ou phase narrative).
Dans son texte, Ricoeur ne cesse de signaler qu’il envisage ces étapes non pas dans une
perspective séquentielle mais comme s’enchevêtrant dans l’activité de l’Hstorien. Dans
cet exposé, je vais envisager chacune de ces phases séquentiellement même si, comme
nous allons le voir, cet enchevêtrement caractérise également l’Historien naïf.
La phase documentaire
La phase documentaire concerne l’accès aux sources et leur sélection. C’est sans doute
une spécificité de l’Histoire, par rapport à la Mémoire, qu’elle se fonde sur des
documents matériels aussi proches temporellement que possible de l’événement, du
phénomène décrit. A travers un travail de critique historique, l’Historien cherchera à
sélectionner et interpréter ces documents notamment au regard de leur proximité avec les
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faits. A cet égard, Paul Ricoeur accorde un rôle particulier au témoignage direct, et à la
perception de celui-ci, qui oblige a un regard critique.
En revanche, l’Historien naïf est souvent beaucoup plus paresseux. Lorsqu’il cherche à
formuler une explication d’un fait historique, il se fondera rarement sur des sources de
première main. Pour répondre à ma fille, je ne suis pas allé consulter les archives
fédérales allemandes afin de retrouver des informations sur la vie d’Hitler. Je n’ai pas
même été lire un ouvrage de seconde main ou une biographie d’HitleNon, je me suis
fondé sur ma mémoire, qui est elle-même un résidu des informations de troisième ou
quatrième que j’ai pu récolter sur Hitler à travers mon éducation scolaire, à travers des
films, des récits, des livres…
Il me semble donc que, pour l’Historien Naïf, et pas seulement moi, la mémoire peut être
comparée à une sorte « d’archive » dans laquelle se trouve une vaste série d’informations
que l’on mobilisera (parfois après un travail de filtrage) pour formuler une explication du
passé.
La mémoire n’est toutefois pas uniquement un contenu. Elle est aussi un processus.
Lorsque je sélectionne des souvenirs ou des représentations en mémoire, je peux aussi
avoir un regard critique par rapport à ces souvenirs et essayer d’identifier dans quelle
mesure je dois les attribuer à une « réalité » ou au contraire à un imaginaire, un fantasme,
une rumeur. Par exemple, si je vous demande d’expliquer la découverte tardive de Julie et
Mélissa, l’idée de vastes réseaux pédophiles vous viendra peut-être à l’esprit. Il n’est
toutefois pas certain que vous l’incorporerez dans votre explication, y voyant un « délire
collectif » ou une théorie du complot. On se comporte donc comme des « critiques » par
rapport à notre mémoire.
Sur ce processus, on trouve en psychologie cognitive un large éventail de recherches
portant sur ce qu’on appelle le « source monitoring ». Ces travaux se fondent sur la
constatation que dans de nombreux cas, nous avons de la peine à distinguer si une
représentation particulière stockée en mémoire doit être attribuée à une expérience
véritable ou si, au contraire, elle a été imaginée ou suggérée par d’autres. C’est par
exemple une question cruciale dans l’interprétation des abus sexuels vécus pendant
l’enfance. Lorsqu’un adulte se « souvient » des décennies plus tard d’avoir vécu des abus
sexuels faut-il attribuer ce souvenir à une expérience véritable ou à une suggestion par
exemple dans le cadre d’une psychothérapie ? Peut-on distinguer subjectivement le
souvenir selon qu’il relève d’une ou de l’autre catégorie ?
Selon ce que la psychologue Marcia Johnson appelle le « Source Monitoring
Framework » les souvenirs tendent à se distinguer selon la source dont ils proviennent.
Ainsi les souvenirs vécus tendent être plus vivaces (« vivid »), plus détaillés, comportent
des éléments contextuels ou émotionnels, etc.
Le modèle de Johnson et al., dominant en la matière suggère deux types de processus :
-­‐
D’une part, ce qu’elle appelle des processus heuristiques, c’est-à-dire des
sortes de « raccourcis cognitifs », qui se fondent sur des indices directement
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accessibles comme par exemple lorsqu’on utilise la familiarité pour évaluer le
caractère correct du souvenir.
-­‐
Un autre processus, systématique, peut se mettre en jeu, lorsqu’on l’on se
fonde sur le contenu du souvenir. Par exemple, sa cohérence.
Mais ça ne marche pas toujours. On obserse cela par exemple dans les travaux sur les
« souvenirs implantés » qui consiste par une manipulation expérimentale à instaurer la
croyance en l’expérience d’un événement qui s’avère totalement fictif. Ainsi, dans un
expérience de Wade et al, on montrait à des jeunes gens des photographies d’enfance,
dont l’une avait été trafiquée via un logiciel de traitement d’image: le sujet se voyait,
accompagné de parents, dans une montgolfière. En fait, on avait copié des photos
d’enfance sur une véritable photo d’une montgolfière alors que, jamais ils n’avaient été
dans celle-ci. Pendant les deux semaines, les sujets voyaient les photos trois fois et à
l’issue de ces deux semaines 50% se « souvenaient » de ce voyage en Ballon et
décrivaient leur expérience à ce sujet. Ici, il y a manifestement un défaut de « monitorage
de la source ».
Cette perspective nous conduit donc à envisager l’individu comme une sorte de critique
de ses propres souvenirs.
Cette approche est toutefois relativement limitée pour notre propos dans la mesure où elle
s’intéresse principalement à la distinction entre expérience vécue et imaginée. Le cas le
plus connu, et le plus contreversé, à cet égard est le souvenir d’abus sexuels déjà évoque.
Lorsqu’on cherche à évaluer la façon dont les individus appréhendent les événements
historiques, la distinction entre « vécu » et « imaginé » est moins pertinente.
Effectivement,
les individus sont rarement directement témoins d’événements
historiques. Ils le sont secondairement. On peut à cet égard distinguer des événements :
-­‐
Vécus directement (par exemple, j’ai assisté au massacre du Heysel).
-­‐
Vécus indirectement mais pendant l’existence de l’observateur (par exemple,
j’ai suivi le attaques du 11 septembre sur internet).
-­‐
Vécus indirectement en dehors de l’existence de l’observateur (par exemple,
la bataille de Waterloo).
Une question de recherche stimulante à cet égard consiste à se demander si ces souvenirs
se distinguent phénoménologiquement selon qu’ils proviennent d’une de ces trois
catégories. Ainsi il serait intéressant d’investiguer leur richesse émotionnelle, le niveau de
détail, les informations sur le contexte dans lequel ils ont été acquis etc. Un début de
travail en ce sens a été mené par Bill Hirst et Augustine Addai de la New School for
Social Research. La recherche sur les souvenirs flash est à cet égard indirectement
pertinente.
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Comme ces souvenirs sont par ailleurs vécus indirectement, on peut également
s’interroger sur la façon dont se construit le souvenir en fonction du rapport à la source.
Je vous donne à cet égard deux exemples de recherches pertinentes.
Premièrement, l’une a été menée par Marcia Johnson et al., qui s’intéressait aux
témoignages. Dans quels cas considère-t-on qu’un témoignage correspond à une
expérience réelle ou imaginée ? Pour le savoir, elle a élaboré des témoignages fictifs
qu’elle a manipulés selon plusieurs dimensions et soumis à ses sujets. Elle constate ainsi
qu’un témoignage détaillé et incluant des aspects émotionnels est perçu comme plus
susceptible d’être la description d’une expérience réelle qu’un témoignage ne comportant
pas ces informations. En revanche, dans une seconde expérience, on constate que cet effet
dépend du crédit accordé à l’audience. Lorsqu’une audience apparaît comme non fiable,
le fait d’inclure des détails et des éléments à caractère émotionnels réduit la fiabilité du
souvenir. La distinction que propose Johnson et al. est particulièrement intéressante :
celles-ci suggèrent que selon que l’on soit dans une perspective critique, selon que l’on
cherche à croire ou ne pas croire, on pourra adopter une perspective plutôt heuristique
(« il y a des émotions donc ça doit être vrai ») ou systématique. Cette distinction s’avère
particulièrement intéressante lorsqu’on la confronte à la critique historique, qui par
définition se place dans une perspective critique. Selon que l’on soit dans une posture
critique ou non, différents mécanismes pourraient donc être mis en jeu.
Un second exemple concerne l’influence des photographies. Une grande partie de la
mémoire historique passe par les photographies. On sait que la photographie est un
indicateur particulier de faux souvenirs et qu’elle paraît souvent plus « vraie » que les
textes. Notre critique historique intuitif serait donc moins critique avec les photos qu’avec
les textes. Comme si elle ne pouvait être trafiquée. Ainsi une étude menée aux Etats-Unis
(Kelly & Nace, 1994) montre que les articles du New York Times sont perçus comme
moins crédibles que ceux d’un magazine à scandale (le National Enquirer). En revanche,
on n’observe aucune différence en ce qui concerne le jugements des photos . De même on
constate que la présentation d’une photo transforme notre mémoire du texte qui
l’accompagne. Ainsi, Garry et al. (2005) ont demandé à leur sujet de prendre le rôle de
« rédacteur » en chef. Ils devaient lire différents articles décrivant un ouragan près d’une
ville côtière. Dans une condition, on avait soit ajouté une photo décrivant la ville avant la
venue de l’ouragan, dans l’autre condition, une photographie postérieure au passage de
l’ouragan. Pour les amener à faire attention aux photographies, les sujets devaient choisir
où ils placeraient la photos dans l’article. Quelques semaines plus tard, ils devaient
répondre à un test de mémoire : ils devaient indiquer pour une série d’affirmations si
celles-ci étaient présentes dans le texte ou non. Les sujets de la condition « après »
« reconnaissaient » avoir vu des extraits signalant des blessures subies par des habitants
de la ville alors que le récit ne mentionnait que les dommages matériels.
C’est important car les photographies, et plus encore les films, sont un de nos principaux
moyens d’accès au passé. Les photographies et, plus encore, les films contribuent à
définir notre vision du passé. Il est donc particulièrement intéressant de s’intéresser au
processus mnésique, en partie, de monitorage de la source selon que les représentations
du passé nous proviennent par l’intermédiaire de photographies ou de textes.
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De façon générale, je pense que transposer la perspective du « source monitoring » à la
façon dont on perçoit les événements historiques peut s’avérer particulièrement fécond.
2. L’explication
La seconde étape de l’analyse de Ricoeur concerne la phase explicative. Une fois les
événements sélectionnés, comment va-t-on construire l’explication ?
Il va me falloir être très synthétique dans cette partie qui recouvre un grand nombre de
questions.
Qu’expliquer ?
Une première question concerne précisément la question de savoir ce qu’on va
chercher à expliquer. Qu’est-ce qui demande explication ? Quel événement du passé me
semble digne d’être expliqué ou non ? Si on se place du point de vue l’historien, il y a
sans doute un paradoxe ici : L’événement historique n’est un événement que s’il a causé
quelque chose d’autre ultérieurement. il faut expliquer ce qui est conséquent. S’il en est
ainsi, une façon d’approcher ceci consiste alors à identifier les événements jugé les plus
importants par nos « historiens naïfs ». Dario Paez et James Liu ont ainsi fait un
inventaire des événements « historiques » les plus importants transculturellement et leur
analyses montrent un effet de proximité : ce sont les événements les plus proches et donc
ceux qui sont les plus susceptibles d’influencer directement le présent qui sont retenus le
plus souvent. Ce sont généralement des événements négatifs.
La chronologie et le temps
Et comment expliquer ? D’une part, pour aborder cette question, il est intéressant
d’envisager le degré zéro de l’explication : la chronologie. Comment l’historien naïf
« temporalise »-t-il les faits. A cet égard, se basant sur Krisztof Pomian (1984), Ricoeur
identifie plusieurs types de temps dont chacun recouvre plus ou moins celui de
l’historien. Au temps chronologique et chronométrique, il oppose notamment le temps
« chronosophique », celui qui est investi d’un « sens » (le temps du progrès ou de la
déchéance) et il suggère que malgré leurs prétention à l’objectivité scientifique, les
historiens ne peuvent pas totalement faire abstraction de ce temps-là. De ce point de vue,
on peut à cet égard se demander si la façon dont l’individu envisage l’Histoire n’est pas
nécessairement liée au sens que les événements peuvent prendre par rapport à la direction
de son existence.
On peut aussi s’interroger sur les catégories temporelles qui sont mobilisées par
les individus et la façon dont cette catégorisation influence la perception de la continuité.
Par exemple, on connaît ces études (Krueger & Clément, 1994) dans laquelle on demande
à des gens d’estimer la température moyenne chaque jour du mois. On constate que les
différences entre deux jours successifs sont beaucoup plus importantes si ces jours
appartiennent à des mois différents. La différence entre le 31 mars et le 1er avril est plus
importante que la différence entre le 1er avril et le 2 avril. A-t-on cette même tendance
dans la perception des humains ? La tendance à diviser le temps en « époques », en
« siècles », en période peut à cet égard susciter des biais cognitifs dignes d’être étudiés.
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L’explication
Au-delà de la chronologie, on peut se pencher sur l’explication proprement dite.
On se penchera sur les travaux de psychologie sociale sur l’explication causale, en
particulier l’explication de comportements. En effet, en Histoire, il s’agit souvent
d’expliquer des comportements individuels ou collectifs. Lorsqu’on consulte la littérature
sur ce sujet, il apparaît que les modèles dominants d’attribution tendent à se fonder sur
des approches qu’on pourrait qualifier de statistiques ou d’inductives. L’un des modèles
dominants est le modèle de Kelley (1969). Celui-ci postule que, pour évaluer si un
comportement est dû à l’acteur ou à la situation, il est nécessaire d’opérer une sorte
d’analyse statistique. Par exemple, pour savoir si X rit en raison d’un tempérament
« rieur » ou parce que le film qu’il observe est particulièrement « rigolo », nous
effectuerions une sorte d’analyse statistique en essayant d’évaluer si X rit souvent, si
d’autres personnes rient également de ce film, etc.
Cette approche statistique semble toutefois relativement inappropriée pour
aborder des événements singuliers, pour lesquels une analyse statistique de ce type paraît
relativement difficile à mener 2 . On se doit au contraire d’utiliser une approche beaucoup
plus mécanique de la causalité : ou l’enjeu consiste à décrire non pas des causes
statistiquement plausibles mais un enchaînement de processus. C’est ce que les
philosophes du droit Hart et Honoré ont du reste proposé:
« The lawyer and the historian are both primarily concerned to make causal
statements about particulars, to establish on some particular occasion some
particular occurrence was the effect or consequence of some other particular
occurrence. The causal statements characteristic of these disciplines are of the
form ‘this man’s death was caused by this blow’. Their characteristic concern
with causation is not to discover connexions between types of events, and so not
to formulate laws or generalizations, but is often to apply generalizations, which
are already known or accepted, as true and even platitudinous, to particular cases
(Hart & Honoré, 1985 pp. 9-10)”
En quoi cette perspective se distingue-t-elle de l’approche statistique ? Une
caractéristique importante à cet égard est l’importance de ce qu’on appelle un
« contrefait ». Si l’on postule un mécanisme causal particulier reposant sur un antécédent
pour expliquer un fait, on affirme d’emblée qu’en l’absence de cet antécédent, le fait
postulé n’aurait pas pu avoir lieu. On peut donc s’interroger quant à la façon dont les
individus construisent des chaînes causales pour élaborer des événements singuliers, une
question qui, bizarrement, a fait l’objet de relativement peu d’attention dans la littérature
sur l’attribution causale. Sur ce point j’aimerais à cet égard citer trois pistes de recherche
qui me semblent intéressantes :
La perception de la contingence et du hasard
Une première question concerne la perception de la contingence et du hasard.
Dans sa définition célèbre, le philosophe Henri Cournot dit ceci :
2 Encore qu’a émérgé une histoire du « temps long » dans laquelle la sta@s@que a sa place. 7
-­‐
« Le Hasard n’est que la rencontre de séries causales indépendantes ».
De même, Le grand Historien anglais Seeley critique la tendance des Historiens à
sous-estimer le rôle du hasard :
« “It is an illusion to suppose that great public events, because they are on a grander
scale, have something more fatally necessary about them than ordinary private ones,
and this illusion enslaves the judgment.”
Des travaux de psychologie cognitive sur le hasard montrent déjà que l’on a
beaucoup de peine à envisager que la conjonction de deux phénomènes soit coincidentale
plutôt que le fruit d’un dessein ou d’une forme de déterminisme. On se comporte comme
Bossuet :
« Ne parlons plus de hasard ni de fortune, ou parlons seulement comme d’un nom
dont nous couvrons notre ignorance : ce qui est hasard à l’égard de nos conseils
incertains, est un dessein concerté dans un conseil plus haut (…). De cette sorte,
tout concourt à une même fin ; et c’est faute d’entendre le tout, que nous trouvons
du hasard ou de l’irrégularité dans les rencontres particulières » (Discours sur
l’histoire universelle, p. 281).
C’est ce que montrent les travaux sur l’erreur de conjonction (Tversky &
Kahneman, 1983), un biais cognitif fort étudié. Dans ce type de recherches, on présente
une issue et deux événements susceptibles de l’avoir expliqué. Par exemple, prenons
l’événement Jean a eu un accident de voiture et les deux causes « il pleuvait ce jour là » ,
« Il a perdu le contrôle de sa voiture ». On constate que la probabilité conjointe des deux
événements est jugée plus élevée que la combinaison de leurs probabilités individuelles,
ce qui est contraire à la loi des probabilités.
Des travaux récents montrent précisément que c’est le fait d’inférer un
mécanisme commun aux deux effets (« l’accident est dû au fait que sa vue était obscurcie
par la pluie, que le port de lunettes ne pouvaient compenser ») qui produit cette erreur de
conjonction et nous conduit donc souvent à sous-estimer le rôle du hasard. Tout apparaît
alors comme lié : c’est particulièrement intéressant dans l’explication des attentats du 11
septembre pour lesquels différents faits (« le FBI avait été informé », « Cheney n’était pas
au Pentagone », etc.) peuvent être combinés pour faire apparaître l’ensemble comme
l’effet d’une machination organisée.
Il y a par ailleurs des événements qu’on envisage plus volontiers comme
contingents que d’autres. L’erreur de conjonction apparaît donc comme révélateur d’une
explication causale intuitive. Il me semblerait particulièrement prometteur d’envisager la
façon dont cette erreur de conjonction est mise en œuvre dans le cadre de l’explication
d’événements historiques. Dans quel cas est-on capable de penser la contingence ?
Le biais de rétrospection
Toutefois, et c’est le deuxième sujet que j’aimerais aborder ici, une des
spécificités de la position de l’Historien réside dans le fait que par définition, il connaît
l’issue des phénomènes qu’il étudie. Il est par ailleurs motivé à les expliquer. On peut se
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demander à cet égard si, à travers cette position particulière qui est la sienne, il n’en vient
pas à commettre la fameuse « illusion rétrospective » : croire que ce qui s’est passé devait
se passer. C’est un travers que nombre d’auteurs ont soulevé.
« In retrospect, we seem to perceive the logic of the events which unfold
themselves in a regular or linear fashion according to a recognizable pattern with
an alleged inner necessity » (Florovsky, cité par Fischoff, 1975)
On peut citer deux corrélats à cette illusion rétrospective : d’une part le fait qu’on
tend à envisager les faits qui se sont produits comme étant prévisibles a priori. Ce qui
s’est passé devait se passer et avant qu’il se soit passé on croit qu’on aurait pu prévoir
l’issue (ce qui en fait s’avère faux à la lumière des études expérimentales). C’est ce que
les socio cognitivistes qualifient de hindsight bias (bias de rétrospection). C’est un
phénomène qui a d’abord été étudié par Baruch Fischoff (1975à). Son étude reposait sur
la description d’une bataille obscure entre Anglais & Népalais au XIXème siècle. Il
manipulait ensuite l’issue de cette bataille faisant gagner, les uns, les autres, ou ne
présentant pas l’issue. Le fait de connaître l’issue de cette bataille nous engage à la
trouver prévisible non seulement pour nous mais pour les autres ou les contemporains,
quelle que soit cette fin. Toutefois, suite à ces travaux initiaux, le rôle du biais de
rétrospection dans l’explication de faits historiques a été négligé. On a appliqué le biais
de rétrospection à une vaste gamme de situations sans rapport avec l’Histoire ou même
avec le déroulement du temps.
Toutefois, dans le cadre de séquences temporelles, il apparaît qu’un des
principaux processus expliquant ce biais de rétrospection est le simple fait de postuler une
théorie causale. Connaissant l’issue de la bataille, on s’efforce de l’expliquer, on formule
donc un raisonnement causal en rendant compte. Ceci nous amène à retenir uniquement
les éléments rentrant dans ce raisonnement causal et à négliger les autres. Ce qui a son
tour contribue à une surestimation de l’issue qui s’est pratiquement produite.
Par exemple, sachant que les Anglais ont gagné, je postule que c’est dû à
l’armement insuffisant des Népalais. Je retiens les informations en accord avec cette
hypothèse. Ayant oublié les autres, lorsque je dois formulé une nouvelle pédiction, je
surestime l’importance de l’armement.
Ceci est fort bien identifié dans la littérature mais il me semble intéressant d’à
présent l’envisager en rapport avec la perception d’événements historiques : cette
tendance à privilégier certaines explications causales se remarque-t-elle pour tout type
d’événement et pour tout type d’explication ? Je me centrerai sur deux éléments :
1. L’héroïsation : Me fondant notamment sur les travaux de Laurence van
Ypersele, je fais l’hypothèse que la tendance à « personnaliser »
l’Histoire, à la voir comme le fait de « grands hommes », est un mode
d’explication qui favorise souvent le biais de rétrospection. Par exemple,
le comportement d’Albert pendant la 1ère Guerre Mondiale a conduit a
une héroïsation qui consiste en l’occurrence à le percevoir selon des traits
de personnalités stables et qui seraient présents depuis toujours, plutôt
que, par exemple de mettre en exergue les contraintes stratégiques
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politiques et sociales qui pesaient sur son action pendant la guerre. A son
tour en postulant une structure de personnalité stable, je peux considérer
que son comportement loin d’être contingent s’avère inévitable et
prédéterminé.
2. L’histoire n’est pas uniquement le fait des individus mais bien plus
souvent des collectivités ou des groupes. Une autre mécanisme
susceptible de favoriser ce type de processus est l’essentialisation des
groupes. Lorsqu’un événement historique est conçu comme la
manifestation de dispositions ancrées éternellement dans les « gènes » ou
la culture d’un groupe organisé, celui-ci devient prévisible. Si les
Allemands sont perçus « racistes » et « antisémites », l’Holocauste était
prévisible.
A cet égard, certains modes d’explication renforcent une pensée causaliste. L’un
de ces modes d’explication est ce que Pierre-André Taguieff qualifie de « mythe du
complot » selon lequel les complots ont fait, font et feront l’Histoire, c’est-à-dire
constituent la clé de l’Histoire. Dans une pensée conspirationniste, « tout fait historique
est réductible à une intention et une volonté subjective » dit François Furet. Le
complotisme est souvent disqualifié comme un mode d’explication non légitime,
paranoïde ou psychopathologique.
A la lumière de certaines analyses psychosociales, on peut toutefois se demander
si nous ne sommes pas tous pénétrés de cette mentalité conspirationniste. Les travaux
menés par McClure, Hilton et Sutton (2007) militent en ce sens. Ces auteurs constatent
que lorsqu’on présente des enchaînements causaux permettant d’expliquer un événement
saillant, on tend à retenir une explication intentionnelle :
Ces auteurs ont élaboré des chaînes causales en modifiant une cause pour la
rendre intentionnelle ou non. Selon une chaîne de ce type, un individu A jette un mégot ;
un individu B, totalement indépendant souffle sur le mégot, ce qui provoque un incendie.
Dans une version distincte, l’individu B est remplacé par un « coup de vent ». On
constate que des sujets auxquels on présente ces scénarios sélectionnent plus volontiers le
comportement de A comme cause de l’incendie dans la seconde que dans la première
situation (car elle est la cause la plus proche).
Dans cette perspective, nous aurions donc une tendance « complotiste »,
« intentionnalisante « de l’Histoire dans laquelle les contrefaits, et donc l’imagination,
auraient peu de places.
Il m’importe aussi d’envisager certaines conséquences possibles de ces biais sur
l’explication historique. Par exemple le biais de rétrospection peut conduire à percevoir
les contemporains comme « naïfs » et à d’une certaine façon les disqualifier en se voyant
comme plus prescients qu’ils n’ont pu l’être. Il a aussi des conséquences sur notre
capacité à appréhender le futur : le biais de rétrospection implique de sous-estimer notre
ignorance. On peut alors se demander si ceux qui croient que les événements du passé
étaient prévisibles (ou qui surestiment sa prévisibilité) ne sont pas également moins
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préparés face aux aléas de l’Histoire.S’il y a quelque chose de rassurant à voir le passé
comme prévisible, cela a peut-être pour prix d’être moins capable de faire face à l’avenir.
Pourquoi expliquer ?
Une autre façon d’aborder cette question consiste bien sûr à envisager les
fonctions de l’explication en Histoire par rapport à celle que peuvent remplir celles de
notre Historien naïf. L’Historien a un objectif de vérité que ne poursuit sans doute pas
l’Historien Naïf. Souvent l’Historien Naïf cherchera à expliquer pour répondre à des
émotions négatives ou pour exiger des dédommagements face aux injustices dont lui ou
son groupe ont été victimes, ou encore pour développer un sentiment de contrôlabilité sur
le passé. A cet égard, McClure et al. ont mis en évidence que la tendance à privilégier des
explications intentionnelles dans l’exemple de l’incendie (et d’autres du même type)
pourrait s’expliquer par une fonction de régulation sociale : en attribuant l’incendie a des
intentions, je peux exclure ceux qui provoquent des incendies. Cela pose l’Historien Naïf
dans une position semblable à celle du juge. Cette comparaison est souvent proposée,
notamment par Ricoeur ou par Hart & Honoré cités ci-dessus mais on en voit ici
l’illustration empirique chez des personnes toute venantes.
Bien sûr cela ouvre la voie à toute une série d’hypothèses empiriques :
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Ainsi, cette tendance à privilégier les explications intentionnelles devrait être
plus fortes lorsqu’il faut expliquer des actes qui menacent la communauté ou
transgressent des tabous.
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Lorsque le sujet est investi d’un rôle de juge dans la communauté, ou
bénéficie d’une autorité particulière.
On peut toutefois envisager d’autres motivations :
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…se donner un sentiment de contrôler notre avenir (si le passé est explicable,
l’avenir est peut-être prévisible)
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…identifier les coupables.
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…obtenir une réparation.
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…mobiliser en faveur d’un projet politique.
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…induire une image positive de soi (je « peux expliquer le passé »).
On peut se demander si chacune de ces motivations n’est pas associée à des types
particuliers d’explications.
La Représentation
Contrairement à la mémoire, l’Histoire est faite pour être racontée. On peut
envisager au moins deux fonctions à ce récit historique : d’une part une fonction de
divertissement (le récit doit être plaisant), d’autre part une fonction que je qualifierai de
rhétorique. Il s’agit de convaincre que l’explication donnée est bien la bonne. Il existe
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donc un certains nombre de contraintes quant à la façon dont l’Histoire peut et doit se
raconter. Cet aspect est à mon sens totalement absent dans la recherche expérimentale sur
la mémoire collective. On peut toutefois donner un statut particulier à la notion de récit et
à un ensemble de conventions associées à la forme narrative. Ricoeur suggère a cet égard
que l’intelligibilité de l’Histoire, fut-elle fictionnelle, implique qu’elle fonctionne selon le
principe d’une intrigue.
« ce qu’elle [la cohérence narrative du récit historique] apporte en propre c’est ce
que ‘la synthèse de l’hétérogène’ ([càd] la coordination soit entre événements multiples,
soit entre causes, intentions, et aussi hasards dans une même unité de sens. L’intrigue est
la forme littéraire de cette coordination » (p. 313).
Par ailleurs, il existe un ensemble de conventions relatives aux types
d’explications qui peuvent sembler acceptables à un individu en fonction de l’événement
à expliquer. Par exemple, lorsque Jared Diamond explique la conquête de l’Amérique par
la structure horizontale de l’Eurasie par rapport à la structure verticale de l’Amérique (qui
n’a pas permis aux virus de se répandre, comme en Eurasie, et donc à limité l’immunité
des « Indiens » par rapport aux Européens qui avaient pu s’immuniser au contact de tous
les virus « eurasiens »), c’est pour le moins étonnant.
Là où ce type de phénomène devient particulièrement intéressant, c’est lorsqu’on
réalise que la forme de communication utilisée et des paramètres relatifs à la situation de
communication influencent la mémoire. Par exemple, dans une étude de Sabrina Pierucci
et moi-même, on avait demandé au sujet de raconter un même récit soit selon une forme
« divertissante » soit en leur demandant de communiquer le récit de façon à bien
transmettre la personnalité du « héros », on constate ultérieurement une mémorisation
différente du récit. On trouve d’autres exemples similaires dans les travaux de Marsh
(2007), par exemple : l’intention rhétorique associée à la production d’un message
influence la mémorisation des faits sur lesquels il se fonde.
On voit donc que la phase « documentaire », le types d’archives mnésiques
auxquelles ont aura accès pour forger une représentation de l’Histoire est en partie
conditionné par la façon dont cette Histoire est narrée à autrui ou par les attitudes de cet
autrui.
De même, l’explication est conditionnée par l’audience. Nous avons souligné que
dans le cadre d’une explication historique, le raisonnement causal doit se baser sur des
contrefaits. Ce que je vais considérer comme une explication valable d’un phénomène,
c’est ce qui, étant donné la situation semble a priori, anormal. Par exemple, si je veux
expliquer un accident de voiture, je ne vais sans doute pas mettre en avant que la voiture
roulait à du 60 à l’heure mais plutôt que le conducteur était ivre. Mais ce qui est
« normal » ou « anormal » dépend de l’interlocuteur auquel on s’adresse. Ce qui semble
« normal » à un pêcheur eskimo n’est peut-être pas du même ordre que ce qui semble
« normal » à un échevin carolorégien. Le mode d’explication devrait alors changer en
fonction de l’audience et donc, la phase 2 est conditionnée par la phase 1. Dans les
travaux inspirés de leur modèle d’attribution, Hilton et Slugoski observent bien un
changement dans le choix des antécédents mis en évidence. Cette citation explicite cette
idée fort fidèlement :
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« L’explication causale est en premier lieu une forme d’interaction sociale. On
donne une explication, mais non une attributiion, une perception, une
catégorisation, ou un souvenir. Le verbe « expliquer » est un prédicat à trois
éléments: Quelqu’un explique quelque chose à quelqu’un. L’explication causale
prend la forme d’une conversation et est donc sujette aux règles de l’explication.
Elle se distingue donc de l’attribution » (Hilton, 1990)
Il me semble donc qu’il existe un enjeu particulier à identifier les objectifs
rhétoriques que les individus tout venant poursuivent lorsqu’ils narrent le passé et dans
quelle mesure ces objectifs rhétoriques influencent les deux étapes présentées
précédemment.
Conclusion
Dans cet exposé, j’ai donc cherché à proposer une analyse de l’interprétation
profane du passé qui repose en partie sur les trois étapes identifiées par Ricoeur. Je pense
que la métaphore de l’historien naïf ne se contente pas de décrire mais qu’elle peut ouvrir
de nouvelles hypothèses quant à notre rapport au passé.
Cette approche n’est pas dénuée d’intérêt pour l’étude de la mémoire collective
dans la mesure où une mémoire, fut-elle collective, émerge de processus cognitifs
individuels. Tout comme une théorie psychologique individualisante doit être compatible
avec le fonctionnement neuronal, une théorie de la mémoire collective se doit d’être
compatible avec des processus cognitifs intra-individuels, même si elle invoque
principalement des facteurs sociaux ou collectifs.
L’étape suivante consistera naturellement à examiner si l’Historien n’est pas un
psychologue naïf…Mais c’est là une autre… Histoire.
Merci pour votre attention
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