Investissement - Actu SES des éditions Hatier

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Actu SES © Hatier – Joëlle Bails
Fiche d’exploitation pédagogique
Pourquoi l'investissement ne redémarre-t-il pas ?
Alexandre Delaigue, Classe éco, 11 avril 2015
Malgré des signes de reprise économique en France, l’investissement ne repart pas.
Difficultés de financement ou tarissement des opportunités d’investissements, obstacles à
l’innovation ? Comment expliquer la panne de l’investissement ?
Le gouvernement va lancer un plan pour relancer l’investissement des entreprises. Dans le
contexte économique du moment, cela peut sembler l'évidence. La croissance est faible, le
chômage est élevé, et l'investissement des entreprises stagne, et n'est pas revenu à son niveau
d'avant crise. Alors que les taux d'intérêt ont atteint un niveau extrêmement bas, sous
l'influence de la politique des banques centrales, banque centrale européenne en particulier,
les entreprises semblent réticentes à investir. Pourquoi ? Plusieurs explications sont possibles.
C'est la faute aux banques et à la finance
Selon une première explication, si les entreprises n'investissent pas, malgré d'abondantes
liquidités disponibles, c'est que le système financier ne joue pas son rôle. Les banques en
particulier rechignent à prêter aux petites et moyennes entreprises. Les artères du système
financier sont bouchées. Cette explication pose plusieurs problèmes. Les grandes entreprises,
qui peuvent directement accéder aux marchés financiers sans passer par les banques,
n'investissent pas beaucoup non plus. En Europe, le problème du système bancaire est réel,
mais cantonné aux pays périphériques (dont les banques doivent encore récupérer de la crise,
ce qui les rend peu enclines à prendre des risques et à prêter). Or le problème d'investissement
semble général : même l'Allemagne est concernée. Deuxièmement, même dans les pays dans
lesquels le problème, caractéristique de la zone euro, ne se pose pas (les USA et la GrandeBretagne) l'investissement ne redémarre pas vraiment non plus ; la reprise économique dans
ces pays a surtout été tirée par la consommation. […]
C'est qu'il n'y a plus besoin de tant d'investissements que cela
L'investissement est souvent considéré dans le discours public comme un bien en soi : plus il
y en a, mieux on se porte. Augmenter le stock de capital de l'économie augmente le potentiel
productif, donc les revenus et l'emploi. Le fonctionnement c'est mal, l'investissement c'est
bien, nous dit-on.
Mais ce n'est pas certain du tout. Construire une route, installer une machine, est très efficace
quand on n'en a pas ; mais au bout d'une certaine quantité, les gains supplémentaires apportés
par du capital supplémentaire deviennent voisins de zéro. Plus il y a de capital dans une
économie, plus il faut consacrer de ressources à son entretien et son renouvellement,
ressources qui ne servent qu'à maintenir l'existant et ne génèrent aucune croissance. Si ce
point est atteint, cela signifie que la principale raison pour laquelle les entreprises
n'investissent plus beaucoup, c'est qu'elles n'ont que peu d'opportunités d'investissements
rentables. Ben Bernanke constatait dès 2005 que les sociétés développées connaissaient un
tarissement des opportunités d’investissement.
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De nombreux facteurs ont été avancés pour expliquer ce tarissement. Le vieillissement de la
population des pays développés, la diminution de la part des actifs, qui réduit le besoin en
capital et infrastructures. Les inégalités de revenus : si les revenus des classes moyennes
augmentent, il y aura de nombreux clients pour acheter plus de produits ; si les revenus des
riches augmentent, ils concentrent leur consommation sur des biens non reproductibles
(propriétés immobilières dans des endroits précis, produits de luxe, tableaux de maîtres...)
dont la production n'augmente pas facilement (seul le prix va monter). […]
Les barrières à l'investissement
Reste la troisième explication. Il existe des investissements qui pourraient être rentables ; il y
a une abondance de financements peu chers et disponibles ; mais des barrières empêchent ces
investissements de se réaliser.
Peter Thiel constate ainsi qu’à l’exception de quelques domaines (comme l'informatique et les
technologies de l'information) le progrès technique semble bloqué. "On nous promettait des
voitures volantes, on a eu 140 caractères", résume-t-il. En pratique, nos véhicules ralentissent,
la conquête spatiale s'est arrêtée, le secteur pharmaceutique ne connaît plus d'innovations
majeures, les biotechnologies sont une déception, etc. En cause ? Selon lui, le poids de plus en
plus important de la réglementation qui crée des barrières à l'entrée infranchissables pour des
entrepreneurs innovants. Faire approuver un médicament par la FDA coûte plus d'un milliard
de dollars ; la réglementation bancaire est tellement importante que seules les banques
existantes peuvent la suivre et respecter ses contraintes ; on pourrait ajouter que dans de
nombreux domaines (biotechnologies, énergie, etc.) nos sociétés sont de plus en plus rétives à
accepter les risques. Prolifération de normes, d’obstacles à l’innovation et aux grands projets,
en sont la conséquence. Il est probable qu'on ne construirait pas dans le climat délétère
actuel le tunnel sous la Manche, sans voir instantanément des manifestations massives contre
ce qui serait immanquablement perçu comme la porte ouverte à l'immigration clandestine. Le
principal obstacle à la construction d'infrastructures, à l'interconnexion des réseaux en Europe,
n'est pas le manque de financement, mais des obstacles politiques ou réglementaires.
Une autre possibilité, proche de celle-ci, serait la suivante. Il y a des investissements possibles
mais ceux-ci génèrent des gains diffus, pour la collectivité, que des entreprises privées ne
peuvent que difficilement capturer. Utiliser plus d'énergies renouvelables, réduire la quantité
de gaz à effet de serre, nécessiterait des investissements importants et beaucoup de recherche ;
mais les gains à attendre dans ces domaines sont pour des générations futures pas encore nées,
ou sont des externalités dont tout le monde bénéficie, mais pour lesquelles personne ne veut
contribuer. Dans ce cas, l'investissement public dans ces domaines devrait se substituer à
l'investissement privé pour faire ces investissements utiles à la collectivité. […]
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Fiche d’exploitation pédagogique
Exploitation pédagogique
Identifier la problématique du texte
1. Pourquoi la situation actuelle de l’investissement en France est-elle paradoxale ?
Vous construirez votre réponse en utilisant la formulation « On peut se demander… alors que… »
Repérer la structure d’ensemble du texte
2. Énumérez de façon concise les trois grandes explications de la panne de l’investissement
envisagées par le texte.
3. Montrez que le passage souligné reprend les arguments des parties précédentes pour les
dépasser.
Sélectionner dans le texte les informations pertinentes pour argumenter
4. Retrouvez dans l’article au moins un argument à l’appui des propositions suivantes :
a. Les difficultés d’accès au crédit bancaire ne sont pas responsables du manque
d’investissement des entreprises.
b. Plus un pays est développé, plus il est difficile d’y investir de façon rentable.
c. La démographie peut influer sur l’investissement.
d. Les inégalités peuvent décourager l’investissement.
e. Dans certains domaines, l’investissement public doit prendre le relais de l’investissement
privé.
f.
Repérer les liens logiques dans une argumentation
5. Dans la troisième partie du texte, quels sont les liens établis entre le blocage du progrès technique,
la panne de l’investissement, l’aversion au risque de la population et la réglementation ?
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Corrigé
1. On peut se demander pourquoi l’investissement ne redémarre pas alors même que les taux
d’intérêt n’ont jamais été aussi bas, donc que les conditions de financement sont a priori favorables
aux entreprises.
2. a/ L’investissement souffrirait d’un manque de financement. b/ Il y a un épuisement des
opportunités d’investissements rentables. c/ Il y a des obstacles réglementaires et politiques à
l’investissement.
3. Il existe des investissements qui pourraient être rentables (contredit la deuxième explication) ; il y
a une abondance de financements peu chers et disponibles (contredit la première explication) ; mais
(introduit une troisième explication qui dépasse les deux premières) des barrières empêchent ces
investissements de se réaliser.
4. a. Le manque d’investissement est aussi le fait des grandes entreprises qui ont pourtant accès à
d’autres modes de financement que le crédit bancaire (financement sur les marchés financiers).
L’investissement ne repart pas non plus dans les pays où le système bancaire n’est pas fragilisé
(Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis…).
b. Investir, c’est augmenter le stock de capital productif : or, au-delà d’un certain seuil, le supplément
de capital investi ne génère pas assez de gains pour couvrir les coûts nécessaires à son entretien et à
son renouvellement.
c. Les pays européens connaissent un vieillissement démographique. La population augmente
faiblement, voire diminue dans certains pays ; il y a une hausse de la part des personnes âgées et une
baisse de la part des actifs dans la population totale. Cela limite les besoins d’infrastructures (par
exemple, dans les transports, l’éducation…) et d’investissements productifs (on peut maintenir le
stock de capital par actif sans gros effort d’investissement).
d. Les inégalités concentrent les revenus dans les groupes sociaux les plus riches qui ont une faible
propension à consommer. À la différence de la consommation des classes moyennes qui stimule la
production et par là l’investissement, les dépenses des plus favorisés répondant en partie à une
logique de placement spéculatif ne soutiennent pas la croissance économique.
e. L’investissement public doit prendre le relais de l’investissement privé en présence d’externalités
positives car, dans ce cas, les bénéfices des investissements sont sous-estimés. En effet, les
entreprises n’intègrent pas dans leur calcul économique toutes les retombées positives de leur
investissement pour la collectivité si elles ne peuvent pas s’en approprier les fruits. C’est par exemple
le cas des investissements dans la transition écologique qui exigent des capitaux importants et
nécessitent un horizon de très long terme.
5. La panne de l’investissement pourrait s’expliquer par un blocage du progrès technique. Ce dernier
serait dû à un excès de réglementation qui freine l’innovation en créant des barrières à l’entrée sur
les marchés. La multiplication des règles est favorisée par l’aversion au risque de la population (par
exemple sur les OGM, le pétrole de schiste…).
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