chap. 5 L`historien et l`écriture de l`histoire Fichier

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Université Toulouse – Jean Jaurès
Département d'Histoire et ESPE
Pascal Payen
2016-2017
Master MEEF Histoire et Géographie
Semestre 8 – UE 82
Construction des savoirs universitairesen histoire : approche générale
Chapitre 5
L’historien et l’écriture de l’histoire
Document 1 : Henri Irénée Marrou, De la connaissance historique, Paris, Seuil, 1954, p. 273275.
Le lien consubstantiel entre l’historien et l’écriture
Si l'histoire est , prise en elle-même, cette connaissance infiniment subtile qui mûrit
lentement dans l'esprit de l'historien au cours de cette expérience proprement technique
poursuivie au contact des documents, si sa vérité, toute en nuances délicates, est faite de la
coordination minutieuse et complexe de mille éléments divers et tend à la limite à devenir
presque intransmissible à qui n'a pas passé par la même expérience, quelle maîtrise dans l'art
d'écrire, quelle dextérité de plume, quel bonheur d'expression seront requis, seront
indispensables pour en présenter une formulation authentiquement valable qui communiquera
sans trop la déformer cette connaissance si précieuse, si facile à tenir.
Ici encore je parle d'expérience : le profane imagine difficilement le combat quotidien
que mène l'historien pour atteindre à l'expression juste, à la phrase qui dira tout ce qu'il sait,
sans en rien laisser échapper, mais sans non plus durcir la pensée, ni paraître savoir plus qu'il
ne sait en réalité, ni aiguiller l'imagination du lecteur sur une fausse piste. Historien français,
obligé de me mesurer tous les jours avec cette langue exigeante qu'est la nôtre, il m'arrive, les
jours de paresse, de ne pouvoir me contenter d'écrire en allemand, cette langue fluide et
docile, habile à camoufler le vague en profondeur – mais c'est là être ingrat car je sais bien
tout ce que je dois de progrès, en précision et en exactitude, à l'inertie de l'outil résistant que
j'emploie.
L'historien doit atteindre à l'expression exacte de sa vérité subtile : qui doutera qu'il ne
doive pour cela être aussi un artiste ; tous les bons esprits sont d'accord avec moi là-dessus, de
Ranke à G. J. Renier, en passant par Dilthey, Simmel ou Croce. Si Ranke, mieux que Niebuhr,
est vénéré par notre mémoire comme le premier historien moderne au sens où nous prenons le
mot c'est que le premier il a su ajouter à la pénétration et à la subtilité de l'enquête critique,
avec la largeur de vue de l'esprit philosophique, la plume heureuse d'un classique de sa
langue.
Aussi bien, il est facile de le constater, tous les grands historiens ont été aussi de
grands artistes du verbe.
Document 2 : Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, seuil, 2000, p. 169-171.
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