SYNTHESE DU RAPPORT DE MONSIEUR JEAN-CHARLES RINGARD 1. De la commande... Conscients de la souffrance et des difficultés scolaires rencontrées par certains élèves atteints de graves troubles du langage oral ( dysphasie) et d'une insuffisance des réponses apportées dans notre pays à ces phénomènes, en regard des plans mis en oeuvre, depuis plusieurs années, dans d'autres pays, les prédécesseurs de Jack LANG avaient confié, au mois de septembre 1999, une mission à Monsieur Jean-Charles RINGARD, l'Inspecteur d'Académie de Loire-Atlantique. La mission confiée à cet Inspecteur d'Académie était triple. Il s'agissait : 1. de faire apparaître la nature exacte du problème posé au système éducatif, 2. d'évaluer l'état des réponses actuelles, avec leur efficience et leurs limites, 3. et surtout de proposer des recommandations pour améliorer : le dépistage, le diagnostic, l'information et la formation des personnels, l'adaptation des structures d'accueil, l'articulation entre éducation et soins. Cette mission était l'aboutissement d'une réflexion préliminaire menée en association avec le Secrétariat d'Etat à la Santé, partenaire indispensable sur certaines dimensions de ce sujet. C'est ainsi que Jean-Charles RINGARD a eu la responsabilité d'animer, pour effectuer son travail de recommandation, un groupe de travail réunissant des représentants de l'administration du ministère de l'Education nationale, des responsables des services déconcentrés, des personnels enseignants ( surtout du premier degré), des représentants des fédérations de parents d'élèves ainsi que des représentants des service de la Santé, des professionnels de la santé spécialistes du repérage ou de la prise en charge des enfants atteints de troubles du langage et des associations familiales. C'était la première fois qu'entre le ministère de l'Education nationale et celui de la Santé, un travail conjoint était engagé sur ce sujet. Il a permis d'auditionner de nombreux experts. 2. ... à la décision prise aujourd'hui par Jack LANG de publier ce rapport Terminé en février 2000, ce rapport a permis de dégager des éléments de diagnostic et des pistes d'actions qui ont fait l'objet d'un large consensus. Dans le prolongement des grandes orientations pour l'école primaire, annoncées le 20 juin dernier, Jack LANG a décidé de le rendre public. 3. Un effort de clarification indispensable L'un des premiers apports de ce travail est de s'efforcer de clarifier des notions difficiles à manier car ne faisant pas consensus au sein de la communauté scientifique. Langage oral et langage écrit ne sont pas situés sur le même plan. La dysphasie, tout d'abord. Différente d'un simple retard de langage, la dysphasie est un trouble structurel dont les formes peuvent être différentes. S'il est tout à fait possible d'identifier des enfants ayant des difficultés spécifiques d'apprentissage de la lecture et de l'écriture, en revanche, la dyslexie, terme pourtant d'un usage fréquent, n'entre dans aucune des classifications scientifiques en vigueur. 4. Une approche quantitative du phénomène Cette clarification est indispensable pour évaluer, comme le fait le rapport RINGARD, l'ampleur du problème. On peut donc admettre qu'environ 1% des enfants présentent des troubles sévères du langage oral, que de 4 à 5 % présentent de grandes difficultés du langage écrit ( notamment en lecture) dont moins de 1 % sont des “ non-lecteurs ”. Cette analyse préalable du phénomène implique d'emblée des règles de conduite fondamentales en matière de repérage et de diagnostic : ces déficiences, pour être avérées, requièrent une confrontation suffisamment longue de l'enfant avec la langue orale et écrite. Il est difficile de parler de trouble du langage oral avant 5 ans et de trouble du langage écrit avant 8 ans. Tout diagnostic précipité peut en effet entraîner une stigmatisation qui compromettrait l'avenir scolaire et social d'un enfant. 5. Des initiatives nombreuses Pour répondre à ces phénomènes, les initiatives sont réelles et nombreuses. Le rapport en mentionne et en décrit précisément un certain nombre : le RASED de Gradignan en Gironde, une classe spécialisée du Kremlin-Bicêtre, le bilan de santé de l'académie de Grenoble, l'expérimentation d'accès aux soins du département de l'Oise, la Maison des Lavandes à Orpierre, dans les Hautes-Alpes, notamment. Ces initiatives ont souvent pour point commun d'être initiées par le milieu associatif ou par des individus engagés personnellement dans la prise en charge des enfants atteints de troubles du langage mais surtout d'être, à chaque fois, très spécifiques et “ sur mesure ” à la fois parce que la nature des déficiences est variable d'un enfant à un autre mais aussi parce que, faute d'un investissement général des institutions concernées, les expériences demeurent empiriques. La priorité accordée, par le ministère de l'Education nationale, depuis plusieurs années, à la maîtrise du langage, à l'école maternelle et élémentaire, a pourtant amené une réelle sensibilisation à ces problèmes. La volonté du ministère de la Santé de faire du diagnostic et de la prise en charge des enfants atteints de troubles sévères du langage un objectif de santé publique a également opéré des changements. 6. Des insuffisances à combler Cependant, pour hisser la France au niveau des actions menées dans d'autres pays ( Etats-Unis, PaysBas notamment), des insuffisances doivent être comblées, dans les domaines suivants : a. La recherche au sens large et pluridisciplinaire, qui devrait privilégier, plus qu'elle ne le fait aujourd'hui, les approches croisées de la recherche médicale et de la recherche en sciences de l'éducation. b. Le dépistage et le diagnostic des troubles qui devraient, par delà les divergences conceptuelles actuelles, aller vers une plus grande fiabilité et une plus grande harmonisation professionnelle. c. La nature de la prise en charge qui devrait, plus qu'aujourd'hui, être cohérente, d'une efficacité régulièrement évaluée et centrée sur l'intérêt de l'enfant. Cet objectif implique une évolution des pratiques pédagogiques, surtout dans l'apprentissage de la lecture et dans la maîtrise du langage oral, le développement, par la Santé, de services ou d'établissements spécialisés et capables de mettre en oeuvre un projet individuel adapté à chaque enfant et, enfin, une plus grande transparence et une harmonisation des pratiques dans les prises en charge orthophonistes entre les différents professionnels. d. Le fonctionnement des commissions spécialisées chargées de l'éducation spéciale : elles devraient harmoniser leurs pratiques. e. Un effort de formation des enseignants en première ligne et responsables premiers de l'apprentissage de tous les enfants qu'ils accueillent devrait être accompli afin qu'ils aient les moyens de repérer et, pour les cas avérés, d'effectuer un suivi en liaison avec d'autres partenaires. Cet effort de formation, tant initiale que continue, vaut également pour les professionnels de la santé. Devrait s'y ajouter un travail d'information régulière et de circulation des avancées obtenues. f. Le partenariat, clair dans ses objectifs et respectueux des identités professionnelles ou des missions de chacun, est la clé de la réussite. Pour aider un enfant présentant une déficience avérée du langage oral, voire écrit, doivent coopérer la famille, les professionnels de l'enseignement et les professionnels de la santé. 7. Des recommandations finales Les recommandations du rapport RINGARD sont construites en réponse à ces constats d'insuffisance. Elles constituent une démarche tout entière guidée par le respect de l'enfant qui doit être reconnu dans sa souffrance sans être marqué par un trouble mal diagnostiqué. Cette démarche pragmatique, coordonnée et conjointe, est la seule qui permette, face à l'angoisse des familles, d'éviter les dangers d'une médicalisation indifférenciée de toutes les difficultés d'apprentissage scolaire tout en mettant l'Etat en position d'exercer ses responsabilités de scolarisation, sous des formes adaptées, de tous les enfants. L'esprit de cette démarche se trouve résumé dans un principe fondamental : le principe de précaution. Les propositions s'orientent autour de cinq thèmes principaux : Développer dès l'école maternelle des actions de prévention et de repérage. Favoriser le dépistage précoce d'enfants potentiellement atteints d'un trouble du langage oral ou écrit. Améliorer la prise en charge des enfants mais aussi des adolescents. Intensifier la formation des personnels de manière pluri-catégorielle et pluridisciplinaire, en formation initiale et continue. Renforcer le partenariat institutionnel Santé/Education nationale.