Journée nationale de lutte contre les hépatites virales : quelles

publicité
MINISTERE DES AFFAIRES SOCIALES, DE LA SANTE ET DES DROITS DES FEMMES
Journée nationale de lutte contre les
hépatites virales : quelles perspectives ?
Sommaire
DISCOURS D’OUVERTURE
2
PRISE EN CHARGE DES HEPATITES VIRALES CHRONIQUES. ACTUALITES
ET PERSPECTIVES
6
LES RECOMMANDATIONS DES MALADES
14
PRESENTATION DU CONSEIL NATIONAL DU SIDA ET DES HEPATITES
VIRALES
15
PARCOURS DE SANTE, PARCOURS DE VIE
16
CONFERENCE : L’HEPATITE E
24
DISCOURS DE CLOTURE
26
Discours d’ouverture
Françoise WEBER, Directrice générale adjointe de la santé
Mesdames et Messieurs,
C’est avec un grand plaisir que j’ouvre, au nom de Mme la ministre Marisol Touraine, cette journée
nationale de lutte contre les hépatites virales.
L’an dernier, alors que je venais de prendre mes fonctions, j’avais eu l’honneur de clore la journée
sur les hépatites virales. C’est à nouveau un honneur et un plaisir d’être présente aujourd’hui et
d’ouvrir cette journée 2015, après une année bien remplie sur le front de la lutte contre les
hépatites.
Cette journée va être fort utile pour refaire un point sur les perspectives qui s’offrent dans la lutte
contre ces maladies.
En 2014, la journée avait été consacrée à la présentation du premier rapport de recommandations
sur la prise en charge des patients avec une hépatite virale B et C, coordonné par M le Pr
Dhumeaux. Un an plus tard, le comité de suivi pour la mise en œuvre des 184 recommandations,
voulu par la ministre pour ne pas relâcher l’action dans ce domaine, est en place présidé par Daniel
Dhumeaux. C’est pour moi l’occasion de le remercier ainsi que tous les membres de ce comité pour
le travail qu’ils y effectuent dans un esprit de dialogue ouvert, transparent, mais néanmoins
exigeant comme le sujet le commande. La Newsletter jointe à votre dossier témoigne de la qualité
de ce dialogue et des travaux du comité.
Avant d’aller plus loin, je voudrais adresser des remerciements tout particuliers à Michel Bonjour,
qui, pour des raisons personnelles, n’a pas souhaité poursuivre son action au sein de ce comité. Je
tiens à rendre tout simplement hommage à son travail et à son engagement, que vous connaissez
bien, en faveur de tous les patients vivant avec une hépatite virale.
Ce colloque est aussi l’occasion de réaffirmer l’engagement de ce ministère face aux maladies
chroniques, intérêt partagé par les nombreux acteurs du champ sanitaire et social mais également
associatifs présents aujourd’hui.
Ces derniers mois ont été marqués par de profondes évolutions.
Avec bien sûr l’arrivée des nouveaux traitements contre le virus de l’hépatite C et leurs
conséquences pour la prise en charge des patients.
Le ministère a été attentif à permettre l’accès à ces nouvelles molécules dans un premier
temps aux patients qui en avaient le plus besoin.
Ceci tout en veillant à contenir une explosion du coût de ces traitements par différents
mécanismes, tels que la fixation par la loi d’un montant au-delà duquel les laboratoires
fabricants sont assujettis à une contribution.
La mise en place de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) tout d’abord
restreintes aux seuls services experts de lutte contre les hépatites virales a entraîné des
réactions de la part de spécialistes libéraux et hospitaliers. Nous avons entendu leur demande
et des RCP pourront désormais être constituées en-dehors des services experts, avec l’aval
des Agences régionales de santé.
Tous les problèmes ne sont pas pour autant résolus, et nous savons que nous avons à
travailler sur plusieurs aspects du fonctionnement des RCP, tels que la garantie du respect du
secret médical ; nous allons engager un travail en ce sens avec les professionnels de santé,
les associations et le ministère pour faire évoluer et consolider le dispositif afin qu’il rende le
meilleur service possible aux patients.
La question de l’accessibilité du traitement aux détenus s’est également posée. Une
instruction vient d’être adressée, via les ARS, aux établissements de santé afin d’assurer
pleinement le financement des traitements de l’hépatite C prescrits par les médecins des
unités sanitaires.
D’autres chantiers sont devant nous : notamment celui de l’éducation thérapeutique et celui
de l’amélioration de l’accès aux soins ; les ARS en seront la cheville ouvrière. .
En ce qui concerne la prise en charge sociale et la lutte contre les inégalités d’accès aux soins pour
les plus vulnérables, le développement du dispositif des Appartements de Coordination
Thérapeutique (ACT), hébergeant toute personne en situation de précarité psychologique et/ou
sociale nécessitant des soins, est une avancée notable : fin 2014, 200 places supplémentaires ont
été financées. Il faut rappeler que les hépatites chroniques B et C représentent les pathologies les
plus fréquentes, après le VIH, chez les personnes hébergées dans ces structures.
Il faut aussi noter le soutien renouvelé de la Ministre au travail des associations œuvrant auprès des
patients vivant avec une hépatite virale ou le VIH, dont le financement est maintenu à la même
hauteur cette année, malgré un contexte budgétaire de plus en plus contraint.
Cette année a aussi été celle d’un travail juridique important qui devrait avoir des conséquences
notables dans le champ des hépatites virales :
L’extension des missions du « Conseil national du Sida » aux hépatites virales chroniques
permettra à cette nouvelle instance de conseiller le Gouvernement sur l’ensemble des
questions de société posées par ces maladies, pour le plus grand bénéfice de l’amélioration
des dispositifs de prévention et de lutte contre ces infections.
La réforme des CDAG et CIDDIST va entériner en 2015 la création d'une structure unique,
les CeGIDD (= centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic des IST), financée
par l'assurance maladie). Les CeGIDD seront en place au 1er janvier 2016. Leurs missions
iront de la prévention jusqu’au traitement des IST dans une approche globale de santé
sexuelle, mieux reliée au réseau de prise en charge, pour éviter les «perdus de vue ». Cette
réforme pourra aussi améliorer la prévention de l’hépatite B par la vaccination.
2015 aurait aussi dû être une année pleine d’utilisation des tests rapides d’orientation
diagnostiques (ou TROD) de l’hépatite C par les professionnels du secteur sanitaire et
médico-social et les membres des associations communautaires. Vous le savez, la décision
du Conseil d’Etat d’annuler l’arrêté de juin 2013 en raison de l’absence de consultation de la
commission nationale de biologie, va retarder la mise à disposition des TROD.
Nous ne sommes pas pour autant dans l’attentisme, nous travaillons sur une nouvelle
publication des arrêtés et mettons à profit le délai de mise en place de la commission pour
poursuivre les autres consultations nécessaires avant toute publication des arrêtés.
Le décret de constitution de la commission de biologie porté par la DGOS est en cours
d’examen par le Conseil d’Etat et devrait être publié au début de cet été. Les arrêtés TROD
lui seront soumis dès son installation, avec un objectif de parution à l’automne.
Enfin, et surtout, la lutte contre les hépatites virales trouve sa place dans le projet de loi de
modernisation du système de santé qui sera débattu au Sénat en septembre, à travers notamment
plusieurs dispositions:
Des dispositions renforçant les stratégies de prévention avec la possibilité pour les Centres
de planification et d’éducation familiale de vacciner contre l’hépatite B ou la possibilité pour
les mineurs de pouvoir bénéficier d’actes de prévention sans autorisation parentale.
Des stratégies de réduction des risques en milieu libre (grâce à l’expérimentation de salle de
consommation à moindre risque) ou en milieu carcéral, avec une adaptation des programmes
existant en milieu libre.
Des mesures d’accompagnement sanitaire, social et administratif des personnes atteintes de
maladies chroniques sous forme d’expérimentations, sur la base d’un cahier des charges
national élaboré après consultation des associations d’usagers.
Ces deux dernières années ont été des années de progrès inédits dans le champ de la lutte contre les
hépatites. Mais nous en sommes tous conscients, il reste encore beaucoup à faire pour permettre le
meilleur accès aux traitements, la sécurisation des échanges, la prise en charge des plus précaires.
Comme toute action publique, celle-ci ne peut se faire, de façon isolée ; elle doit s’appuyer sur la
mobilisation, l’expérience et les informations venant de toutes les parties prenantes : experts,
professionnels des secteurs sanitaires et sociaux, associations de patients, agences régionales de
santé et leurs partenaires.
Nous devons notamment renforcer le dialogue avec les représentants des patients non seulement au
sein du comité de suivi des recommandations, mais aussi dans un dialogue bilatéral ouvert et plus
régulier avec les services de ce ministère.
Ce colloque, que la ministre a souhaité, participe aussi au dialogue et à la mobilisation de tous. Je
souhaite à l’ensemble des intervenants et des participants à cette journée des échanges nombreux et
fructueux.
Daniel DHUMEAUX, CHU Henri Mondor, Créteil
Merci madame la Directrice, chère Françoise, d’être toujours et si bien à nos côtés. Je sais
notamment le rôle déterminant que vous avec eu, avec les autres directions de notre ministère, pour
trouver une solution heureuse à l’élargissement des centres de RCP. Notre discipline, un moment
étirée, vous en est infiniment reconnaissante.
Pour des problèmes de santé que nous espérons rapidement résolutifs, Michel Bonjour, vous l’avez
mentionné, a souhaité quitter ses fonctions de président de SOS Hépatites et de vice-président de
notre Comité de suivi. Michel Bonjour a été à nos côtés pendant plus de 20 ans avec dévouement et
passion. Nous souhaitons lui dire ici toute notre reconnaissance et toute notre affection.
Il y a juste un an, un rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infectées par
les virus des hépatites B et C était remis à notre ministre qui a souhaité pour l’application de ses
mesures qu’un comité de suivi soit créé. Cela a été fait en octobre dernier. Le comité est composé
d’une trentaine de personnes et sa mission est effectivement d’assurer, au cours des trois années de
son mandat, le déploiement des recommandations. Il y en a plus de 180. Leur mise en place sera
bien sûr échelonnée dans le temps. Pour faire connaître ses travaux, notre comité a décidé de faire
paraître, sous l’égide de la DGS et avec son appui, une lettre d’information dans laquelle les
avancées (et les éventuelles difficultés) dans le déploiement des mesures seront exposées. Il en est
prévu trois ou quatre livraisons annuelles. Nous remercions Pierre Czernichow qui a accepté d’en
présider le comité de rédaction.
On rappelle souvent que notre pays, pour son investissement de longue date dans la lutte contre les
hépatites virales, occupe à l’échelon international une place privilégiée dans la prise en charge des
patients. Ces résultats ont été liés à une collusion immédiate et forte entre l’ensemble des
professionnels de santé concernés, les patients et les associations de patients et toutes les directions
de notre ministère, parmi lesquelles la DGS, pilote des différents programmes. Que tous soient
chaleureusement remerciés pour cet investissement et les efforts à poursuivre (ils seront identifiés
au cours de cette rencontre) à un moment où tout doit concourir pour que les avancées
thérapeutiques majeures que nous connaissons puissent bénéficier au plus grand nombre.
Je sous souhaite une bonne journée.
Marianne L’HENAFF, ARCAT-TRT5-CHV
Les représentants associatifs se sont fortement mobilisés pour obtenir la baisse du coût des
médicaments. Beaucoup de promesses nous ont été faites et, personnellement, je les ai crues.
Malheureusement, les prix se sont avérés très différents de ce que nous attendions. J’ai toutefois
fini par comprendre que les tarifs appliqués étaient très inférieurs à ceux qui étaient affichés.
Comme nous ne les connaissons pas, j’ai pris l’habitude de raisonner en divisant par deux la valeur
faciale. Je crois que je suis un peu optimiste mais le développement des prescriptions – et donc
l’augmentation des volumes – contribueront à infléchir la courbe.
Nous savons que certains médecins ne respectent pas les indications de traitement. Certains
malades, qui devraient y avoir accès, sont discriminés. Il s’agit souvent d’étrangers, qui parlent mal
le français. Ces médecins justifient leur refus de soins par des soi-disant risques liés à l’observance,
à l’alcoolisme, à la revente des médicaments, etc. De telles situations sont évidemment intolérables.
Pour que les nouvelles recommandations innovantes de l’AFEF soient appliquées, elles doivent être
validées par la HAS. Or cette dernière se fonde sur des études coût/efficacité, qui prennent en
compte la valeur faciale des traitements. Les résultats sont donc faussés. Nous demandons que la
HAS soit mise au courant des véritables tarifs, pour avoir une meilleure base de réflexion.
Prise en charge des hépatites virales chroniques
Actualités et perspectives
La session est modérée par Nathalie BOYER et Françoise ROUDOT-THORAVAL.
I.
Hépatite B
Christian TREPO, Lyon
Il sera possible de guérir l’hépatite B mais nous n’en sommes pas encore à ce stade. Il existe, en
revanche, un vaccin. Ce dernier constitue la meilleure arme pour conduire à l’éradication
progressive de cette maladie dans le monde.
L’OMS préconise la vaccination universelle des nourrissons. En France, nous avons atteint, grâce
au vaccin « hexavalent », une couverture de 90 %.
L’hépatite B fait de très nombreuses victimes. Aujourd’hui, les traitements disponibles n’éliminent
pas le virus. Ils sont efficaces pour contrôler la maladie, mais, comme pour le VIH, à condition de
les prendre tout le temps. Les nouvelles molécules n’induisent plus de résistances. Pour le moment,
nous ne prenons en charge que les malades. Anticiper sur l’apparition des symptômes pourrait
toutefois s’avérer efficace pour limiter les risques de survenue des cancers et envisager une
guérison.
Les traitements bloquent la réplication virale qui devient indétectable par les tests actuels ; mais
cette approche n’est pas suffisante. L’objectif est d’éradiquer l’antigène HBs avant l’âge de 50 ans.
Nous en sommes encore loin. Les nouvelles molécules devraient néanmoins apporter de vraies
évolutions dans ce domaine. Les premiers résultats sont très encourageants.
En combinant la vaccination et les évolutions des traitements, nous pouvons imaginer que l’hépatite
B aura, dans une quinzaine d’années, très fortement régressé. Nous devons aussi tenir compte de
cette réalité dans nos prescriptions et, compte tenu des perspectives, insister sur la prise en charge
des personnes de moins de 50 ans.
II. Hépatite D
Dominique ROULOT, Bobigny
Le virus delta (VHD) est très particulier, avec une structure très simple. Il est totalement dépourvu
d’enzyme, ce qui le rend inaccessible aux agents antiviraux directs. C’est un virus satellite de celui
de l’hépatite B (VHB).
La population mondiale compte environ 240 millions de porteurs chroniques du VHB,
principalement en Afrique et en Asie. Nous estimons que 5 à 10 % d’entre eux sont co-infectés par
le VHD. Il n’existe toutefois pas de corrélation entre la prévalence des deux virus. Le VHD est
ainsi très peu présent en Chine. Il est, en revanche, très installé en Mongolie.
En Europe, les pays les plus touchés se situent en Europe centrale et orientale (Roumanie, Albanie,
etc.). Le VHD est également présent en Italie et en Allemagne, touchant 8 à 10% des personnes
infectées par le VHB. Après un recul lié au développement de la vaccination contre l’hépatite B, le
virus a connu une recrudescence avec les mouvements de migration en provenance de zones de
forte endémie. L’usage de drogues par voie intraveineuse est aussi un facteur de transmission du
VHD.
Nous disposons de peu de données épidémiologiques sur le virus delta en France. Les études
existantes montrent que le taux de prévalence serait, en l’absence de co-infection avec le VIH, de 3
à 4 %. Les patients sont surtout en Ile-de-France, en région lyonnaise et, compte tenu d’une forte
immigration en provenance de Mongolie, en Bretagne.
En France, plus de 85 % des personnes infectées sont des migrants, principalement, originaires
d’Afrique subsaharienne et d’Europe de l’Est.
Il est moins dangereux d’être contaminé par le VHB et le VHD ensemble (co-infections), car les
chances de se débarrasser des deux virus sont alors plus élevées. En revanche, la surinfection de
l’hépatite B par le VHD conduit très souvent à la chronicité, avec le développement d’une cirrhose
dans les trois quarts des cas et d’un cancer du foie dans la moitié des cas.
L’hépatite D est la plus sévère des hépatites chroniques. La mortalité est deux fois plus élevée que
chez les patients infectés uniquement par le VHB.
Le traitement reste l’interféron pégylé. L’éradication est obtenue dans 25 à 30 % des cas après une
prise en charge d’au moins 12 mois. Il n’existe pas de règles d’arrêt. La durée du traitement dépend
de la diminution de l'ARN Delta et de l’antigène HBs. Nous connaissons peu les facteurs prédictifs
de réponse mais les patients cirrhotiques répondent globalement mieux que les autres malades.
Nous sommes probablement à un tournant, avec de nouvelles molécules très intéressantes, dont le
myrcludex B. Ce dernier agit à la fois sur le VHB et le VHD. Une étude pilote a été réalisée et
présentée en 2014. Elle a montré une bonne tolérance du produit, seul ou en association avec
l’interféron pégylé. Des perspectives encourageantes existent également avec le lonafarnib, qui agit
spécifiquement sur le VHD.
Il est important de procéder à un dépistage systématique du virus delta chez les patients atteints
d’hépatite B.
Même si les essais cliniques sur de nouvelles molécules ouvrent des perspectives, nous devons nous
attacher à poursuivre la promotion de la vaccination contre l’hépatite B, qui constitue la réponse la
plus efficace pour combattre le virus delta.
III. Echanges avec la salle
Jean-Pierre ARPURT, ANGH
N’est-il pas préférable de mettre en œuvre des bi ou des trithérapies, afin d’attaquer le VHB en
différents points ? Nous avons tous connu des expériences malheureuses avec des patients qui ont
développé des hépatocarcinomes.
Christian TREPO
Certains traitements donnent l’illusion d’être efficaces mais ils ne le sont pas totalement, car le
virus s’intègre dans le génome. S’il rencontre un gène oncogène, il débouchera sur un cancer,
même si le patient n’a pas de cirrhose. Les bithérapies avec deux classes permettent de lutter contre
ce phénomène.
Lionel CHAPUIS, SOS Hépatites Bourgogne
Une déclaration obligatoire est-elle prévue pour les hépatites D ?
Françoise ROUDOT-THORAVAL
Cette procédure ne concerne que les hépatites B aiguës.
Victor de LEDINGHEN, AFEF
Il existe des perspectives de nouvelles molécules dans quelques années, qui permettront des
guérisons. Par conséquent, quels sont les arguments pour ne pas traiter dès maintenant tous les
patients ayant par exemple une charge virale supérieure à 2 000, alors que dans 5 à 10 ans ils
bénéficieront d’un traitement qui pourra les guérir ? En les traitant maintenant, la réplication virale
serait diminuée et ces patients seraient mieux préparés à un traitement curatif dans 5-10 ans.
Christian TREPO
Dans l’absolu, nous devrions traiter tout le monde. La disparition des cancers du foie depuis la
vaccination des Inuits le confirme. Malheureusement, la population concernée est trop importante.
Les systèmes de santé ne le supporteraient pas. Dans nos pays développés, nous pourrions peut-être
y parvenir, à condition de moduler le dispositif en fonction de l’âge.
Jean-François DELFRAISSY, ANRS
Nous pourrions envisager un grand essai de stratégie dans ce domaine.
Nous vivons une révolution thérapeutique, dont les infectiologues et les hépatologues n’ont peutêtre pas encore totalement conscience. Enormément de molécules sont dans le pipeline. Nous avons
encore très peu de données mais nous sommes en train de prendre du retard d’un point de vue
conceptuel et intellectuel. Les mêmes difficultés existent en ce qui concerne le VIH.
Béatrice-Anne BARATCHART, ARS Aquitaine
Dans un certain nombre de pays, le virus Ebola a totalement déstructuré les systèmes de santé,
notamment les centres de vaccination. Or ces derniers jouent un rôle majeur pour l’éradication de
l’hépatite B.
Nathalie BOYER
Pour le virus delta, les malades peuvent être amenés à prendre de l’interféron sur une longue
période. Qu’en est-il de la tolérance ?
Dominique ROULOT
L’interféron est mieux toléré chez les patients avec une hépatite D. Le traitement est au moins d’un
an. Il n’existe pas de règles d’arrêt.
Christine LARSEN, InVS
Un dépistage systématique de l’hépatite D devrait-il être préconisé dans certains départements
d’outre-mer, comme la Guyane et Mayotte ?
Dominique ROULOT
Il me semble effectivement important de dépister les personnes qui viennent de zones à très forte
prévalence.
De la salle
L’enjeu est de vacciner le plus de personnes possible. De nouvelles technologies permettent de
toucher des populations beaucoup plus larges, à un coût moindre, que les méthodes classiques.
Pourquoi n’envisage-t-on pas de les utiliser en Europe ?
Christian TREPO
Je ne connais pas ces dispositifs auxquels vous faites allusion mais je confirme que la vaccination
est le dispositif le plus coût/efficace. Le virus delta doit être une priorité, car il tue rapidement.
Cette situation n’est pas acceptable.
IV. Hépatite C : table ronde
Jean-Pierre ARPURT, ANGH (Association Nationale des Hépato-Gastroentérologues des
Hôpitaux Généraux)
La prise en charge des maladies du foie est une préoccupation importante pour l’ANGH, puisque
celles-ci représentent environ un quart de l’activité des gastroentérologues. Nous plaçons nos
actions au plus près du terrain, notamment par le biais d’observatoires.
Bertrand HANSLIK, CREGG (Club de Réflexion des Cabinets et Groupes d’HépatoGastroentérologie)
Les libéraux sont assez peu visibles dans la prise en charge des malades, alors qu’ils pourraient
jouer un rôle important. Ils peuvent faciliter l’accès aux soins. De ce point de vue, la mise en place
des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) a posé beaucoup de difficultés, y compris en
termes de reconnaissance des praticiens. Le dispositif a heureusement été récemment assoupli. Il est
essentiel que nous puissions tous travailler en collaboration.
Victor de LEDINGHEN, AFEF (Association française pour l’étude du foie), Bordeaux
L’AFEF vient de publier de nouvelles recommandations de prise en charge, avec pour objectif une
éradication de l’hépatite C en 2025. Pour y parvenir, il faudrait mettre en application les
recommandations du rapport Dhumeaux de 2014. Des résultats très significatifs ont été obtenus sur
les populations ciblées. Nous devons donc envisager la suite.
La prochaine étape doit consister à élargir les publics prioritaires, en prenant en compte les risques
d’aggravation de la maladie (transplantation, consommation d’alcool, problèmes métaboliques,
génotype 3). La source de la transmission du virus doit également être tarie. Il faut traiter toutes les
personnes infectées qui permettent à l’hépatite C de se propager, c’est-à-dire les usagers de
drogues, les détenus, les professionnels de santé, les femmes enceintes, etc. Nous espérons que ces
évolutions pourront être mises en œuvre dès l’an prochain.
Dans l’idéal, nous aurons ensuite besoin du traitement universel, pour toutes les personnes ayant
fait l’objet d’un dépistage positif.
Françoise ROUDOT-THORAVAL
Pour faire un peu de provocation, je dirais que pour avoir une chance d’être traité rapidement, il est
préférable de boire de l’alcool, d’être délinquant, etc. Comment faire passer ce message ?
Victor de LEDINGHEN
Je pense que cette situation peut être comprise si tous les malades ont l’assurance qu’ils seront
ensuite traités. Il est important de rappeler que la deuxième étape ne sera pas la dernière. L’objectif
est de parvenir, le plus rapidement possible, à un accès universel aux nouvelles molécules dont
nous disposons aujourd’hui.
Nathalie BOYER
L’éducation thérapeutique n’est souvent proposée qu’aux personnes traitées. Il serait souhaitable
qu’elle puisse toucher des populations plus larges, justement pendant cette période de transition.
Christine SILVAIN, FPRH (Fédération des pôles et réseaux Hépatites), Poitiers
Il reste très peu de réseaux Hépatites en France, car ils ne disposent pas de financements. Le rôle
central est désormais joué par les services experts, qui sont garants de la qualité de prise en charge.
L’évaluation du fonctionnement des RCP a toutefois montré une grande hétérogénéité. Le manque
d’informatisation constitue un frein important pour avoir suffisamment de fluidité et faciliter les
collaborations, notamment avec les professionnels des hôpitaux généraux et les praticiens libéraux.
V.
Echanges avec la salle
Daniel DHUMEAUX
Sait-on combien de malades ont été traités en 2014 ?
Victor de LEDINGHEN
Ils ont été au nombre de 14 000 mais nous ne connaissons pas la proportion de malades en échec.
Nous avons mis en place de nouveaux indicateurs depuis quelques semaines.
Daniel DHUMEAUX
En traitant 15 000 nouveaux malades par an, peut-on envisager de régler la question de l’hépatite C
en 10 ans ? Il est important de rassurer les tutelles en établissant des prévisions de budget.
Victor de LEDINGHEN
Nous espérons que les prix vont baisser.
Pascal REVAULT, Le Kremlin-Bicêtre
Les recommandations de l’AFEF sortent du cadre des justifications médicales pour élargir le
traitement à des personnes qui risquent de transmettre la maladie. Ce positionnement est
compréhensible mais pose tout de même des questions éthiques vis-à-vis des personnes qui n’ont
pas accès aux soins, en particulier les migrants. Nous ne contrôlerons pas l’épidémie sans les
prendre en compte, notamment par le biais de partenariats avec les associations.
Jean-Pierre ARPURT
En élargissant les populations concernées donc des patients à des stades moins avancés de la
maladie, peut-on envisager une réduction du temps de traitement ?
Victor de LEDINGHEN
Il est trop tôt pour le dire.
VI. Cancer primitif du foie
Pierre NAHON, Bondy
Dans la très grande majorité des cas, le cancer primitif du foie est un carcinome hépatocellulaire
(CHC). Ce dernier se développe dans 90% des cas sur un foie de cirrhose. Compte tenu de
l’incidence annuelle du CHC estimée aux alentours de 3%, il faut considérer cette dernière comme
un état précancéreux. Un dépistage semestriel par échographie est donc justifié. Il permet de
diagnostiquer des petites tumeurs à un stade précoce permettant la mise en œuvre d’un traitement
curatif.
Par ailleurs, les malades atteints d’une cirrhose ne décèdent pas uniquement de carcinomes
hépatocellulaires mais également des complications liées à l’insuffisance hépatique ou
l’hypertension portale et de pathologies extra-hépatiques.
La France enregistre une incidence et une mortalité liée au cancer du foie élevées, malgré les
facilités d’accès aux soins et la mise en œuvre de politiques de dépistage. L’augmentation est
inquiétante au cours des 30 dernières années, puisque le nombre de cas a pratiquement doublé, chez
les hommes comme chez les femmes. Cette situation s’explique par les flux migratoires, les
hépatites contractées par les usagers de drogues, l’obésité, etc. Les progrès thérapeutiques ont
également permis aux patients cirrhotiques de vivre plus longtemps et donc de développer plus de
carcinomes hépatocellulaires avec le temps.
Environ 8 500 carcinomes hépatocellulaires sont diagnostiqués et traités chaque année en France.
On estime qu’environ 25 % des cas sont liés à des infections virales.
Malgré les traitements disponibles, les résultats restent très décevants en termes de survie des
malades (survie médiane de quelques mois). Près de 75% des patients diagnostiqués avec un CHC
découvrent en même temps qu’ils sont atteints d’un cancer et d’une cirrhose. Le CHC est alors
diagnostiqué à un stade tardif, où seuls des traitements palliatifs sont possibles.
A l’inverse, chez les 25% de patients diagnostiquées avec de petites tumeurs, les possibilités de
traitements curatifs sont nombreuses et variées. Le nombre de patients en rémission après cinq ans
est alors beaucoup plus élevé.
Le constat semble sombre mais des actions peuvent être mises en œuvre pour améliorer le dépistage
du CHC et augmenter l’espérance de vie des patients. Tous les patients ayant une cirrhose doivent
être inscrits dans des programmes de surveillance échographique semestrielle, y compris en cas de
cirrhose virale guérie ou virologiquement contrôlée. Le risque de cancers du foie chez ces patients
est en effet diminué par un facteur 4 mais reste présent, y compris en cas de facteurs de risque
associés (surpoids, diabète, alcool,…)
Les patients co-infectés par le VIH ont un risque élevé de développer des tumeurs d’emblée
agressives et infiltrantes. Un dépistage trimestriel complété par une surveillance avec IRM pourrait
être justifié.
Beaucoup de progrès restent à faire mais le renforcement du dépistage, à toutes les étapes, doit être
notre priorité. Les cohortes de patients infectés par les virus des hépatites dont nous disposons en
France sont un véritable atout pour optimiser nos prises en charge.
VII. Echanges avec la salle
Françoise ROUDOT-THORAVAL
Qu’en est-il de la campagne nationale de dépistage du cancer du foie ?
Pierre NAHON, Bondy
Une conférence de presse est prévue le 11 juin prochain. Les médecins généralistes ont un rôle très
important à jouer dans le repérage des petites tumeurs.
Daniel DHUMEAUX
Existe-t-il un déficit de dépistage de la cirrhose en France ?
Pierre NAHON
Non, mais beaucoup trop de personnes ignorent encore qu’elles ont une hépatite ou une cirrhose. Il
est important que les médecins généralistes proposent le dépistage aux patients qui présentent des
facteurs de risques. Nous avons déjà fait beaucoup de progrès.
Nathalie BOYER
Faut-il poursuivre indéfiniment le dépistage des patients ayant eu une cirrhose ?
Pierre NAHON
Oui, tous les six mois. Le risque est faible mais persiste, y compris en cas de cirrhose virale guérie
ou contrôlée. Le coût du dépistage pour la société n’est pas très élevé.
VIII. Cohorte ANRS HEPATHER
Stanislas POL, Paris
La cohorte HEPATHER a débuté au mois d’août 2012. Elle intègre des malades atteints par les
hépatites B et C. Les objectifs sont d’améliorer la description de ces infections, de définir des
facteurs pronostiques, d’évaluer l’efficacité et la tolérance des produits antiviraux et d’élaborer des
analyses socio-économiques.
Des profils de patients ont été définis pour répondre à un certain nombre de questions précises.
Le recrutement se poursuit jusqu’au mois de décembre 2015. Au total, la cohorte comptera 15 000
patients infectés par le VHC et 10 000 patients infectés par le VHB. Le suivi durera huit ans après
l’inclusion. Les travaux s’appuient sur une base de données extrêmement détaillée et une
biobanque.
Des projets de recherche sont adossés à la cohorte sur la qualité de vie, la résistance aux antiviraux
oraux, l’évolution des profils de patients pris en charge, les tests génétiques prédictifs de la
cirrhose, etc. D’autres peuvent encore être soumis.
La cohorte ne pourrait pas survivre sans des partenariats public-privé. Les industriels apportent
pratiquement la moitié des financements.
IX. Echanges avec la salle
De la salle
La dimension des sciences humaines et sociales est essentielle. J’ai l’impression qu’elle est peu
prise en compte dans la cohorte. Est-il prévu de la développer ?
Stanislas POL
Cet aspect est évidemment pris en compte, notamment en ce qui concerne la qualité de vie des
patients. Il est également essentiel pour montrer les impacts économiques positifs que peuvent
induire les traitements.
Béatrice-Anne BARATCHART, ARS Aquitaine
Des études sont-elles prévues sur l’aggravation du degré de fibrose hépatique avec l’obésité ?
Stanislas POL
Oui.
Nathalie BOYER
Beaucoup de patients n’entrent dans le système de soins qu’au moment du diagnostic de l’hépatite.
Une fois que celle-ci est traitée, il n’existe plus vraiment de structures pour les orienter vers des
addictologues, des diététiciens, etc. Les filières doivent être renforcées pour permettre le suivi et
éviter l’apparition d’un cancer.
Stanislas POL
La guérison virologique est presque devenue une banalité. Pourtant, elle ne devrait pas constituer la
fin du processus mais pratiquement son début.
Nathalie BOYER
Les médecins généralistes sont souvent un peu démunis pour prendre en charge ces patients.
Les recommandations des malades
Pascal MELIN
Président de SOS Hépatites Fédération
Lors du forum de SOS Hépatites au mois de mars, nous avions essayé d’imaginer les
recommandations des malades.
L’organisation de la restriction des soins constitue forcément un frein au dépistage.
La situation s’améliore en ce qui concerne les RCP mais des problèmes demeurent néanmoins, avec
de fortes hétérogénéités. Certains dossiers pourraient apparemment être acceptés dans certaines
régions mais pas dans d’autres. Nous aimerions que des guides d’organisation soient diffusés.
Nous souhaitons également insister sur le rôle des psychologues, des addictologues, etc.
Il est regrettable que du retard ait été pris sur les TROD (test rapide d’orientation diagnostique)
pour le VHC mais également pour le VHB. Le développement des multitests, avec le VIH, serait
vraiment une idée très intéressante.
Des efforts doivent encore être engagés pour redonner confiance dans la vaccination contre
l’hépatite B. Pour les nourrissons, la dynamique semble engagée. Un rattrapage doit toutefois être
mis en œuvre pour les jeunes adultes.
Les nouveaux malades pourront être dépistés, traités et guéris en moins de six mois, sans considérer
qu’ils ont une maladie chronique. Il faudra batailler pour qu’ils restent néanmoins dans les filières
de soins en cas d’atteinte sévère.
Les anciens malades, qui ont déjà accumulé de nombreux traitements, resteront, en revanche, dans
un modèle de maladie chronique. Il sera difficile pour eux de se considérer guéris, malgré la
guérison virologique. Ils auront besoin aussi d’une surveillance active.
Les UTEP (unités transversales pour l’éducation du patient) doivent évoluer vers l’ensemble des
maladies du foie et développer de nouveaux programmes d’éducation thérapeutique et de non
recontamination. Nous devons sortir des modèles paternalistes ou informatifs pour aller vers des
modèles interprétatifs, voire délibératifs. Les médecins ont davantage de connaissance mais les
attentes des patients doivent également être prises en compte.
Les recommandations de l’AFEF nous semblent satisfaisantes mais l’élargissement de l’accès aux
traitements nous semble indispensable, notamment pour les malades en rechute. L’attente risque
d’être difficile pour les patients dépistés qui ne pourront pas bénéficier des nouveaux médicaments.
Présentation du Conseil national du sida
et des hépatites virales
Patrick YENI
Paris
Le Conseil national du sida (CNS) a été créé en 1989 pour répondre à un contexte très spécifique.
L’épidémie touchait notamment des minorités n’ayant pas facilement accès aux soins. La maladie
souffrait d’une représentation sociale particulièrement négative. Elle a toutefois été l’occasion de
redonner une place à la prévention, au sein d’un système de santé traditionnellement centré sur le
curatif.
Les missions inscrites dans les textes consistaient à donner un avis au gouvernement sur l’ensemble
des problèmes posés à la société par le sida. Le CNS est par ailleurs consulté sur les différents
programmes d’information, de prévention et d’éducation pour la santé. Sa composition est ouverte
sur la société civile, avec des membres d’origines extrêmement diverses.
Le CNS a rendu toute une série d’avis. Il a constitué une interface entre les pouvoirs publics et les
associations, afin de favoriser les convergences. Il a permis de mieux appréhender les enjeux de
société, de renforcer les droits des personnes, d’accroître la mobilisation des acteurs et d’améliorer
la cohérence des décisions.
D’autres pathologies connaissent la stigmatisation et les discriminations dont peuvent être victimes
les personnes atteintes par le VIH. Au-delà des hépatites virales et des IST, nous avions envisagé
une extension des missions du CNS aux tuberculoses multi-résistantes, aux épidémies de maladies
émergentes comme Ebola, etc. Les difficultés sont liées à la crainte de la contamination, aux modes
de transmission ou à une éventuelle pénurie dans les traitements. Certains groupes sociaux sont
alors perçus comme indésirables ou porteurs d’un danger sanitaire.
Finalement, l’extension des missions du CNS ne concernera que les hépatites virales chroniques et
les IST. De nombreuses structures, de dépistage, de prise en charge ou de recherche, ont déjà connu
cet élargissement.
L’ancien CNS n’existe plus. Il a été remplacé il y a quelques mois par un Conseil national du sida
et des hépatites virales, dont les membres ne sont pas encore nommés. Ils le seront dans le respect
des principes d’ouverture et d’interdisciplinarité qui avaient présidé aux travaux de la précédente
instance. Il est important d’avoir une représentation de la diversité de la société civile, pour avoir
une approche globale des sujets et évaluer la cohérence d’ensemble des politiques publiques.
Yann MAZENS, SOS Hépatites Fédération
Le traitement des hépatites aigües soulève également des questions de société. Cette question serat-elle dans votre champ d’intervention ?
Patrick YENI
En théorie, les missions du CNS ne concerneront que les hépatites virales chroniques. Sur certains
sujets, et même si les textes ne le prévoient pas, je pense qu’il pourra toutefois élargir ses
réflexions.
Parcours de santé, parcours de vie
La session est modérée par Elisabeth AVRIL et Pascal REVAULT.
Parcours de santé : expériences en région
I.
Personnes détenues
Fadi MEROUEH, Montpellier
Il est toujours curieux d’évoquer la question des hépatites en prison. En effet, les personnes qui sont
incarcérées à un moment donné de leur vie ont vocation à retourner à l’extérieur.
La situation de la prison est paradoxale, car nous effectuons beaucoup de dépistages, avec une
prévalence très élevée des virus des hépatites. Pourtant, les traitements mis en œuvre restent
insuffisants. Il existe différentes sortes de freins, qui tiennent à des contraintes logistiques liées aux
hospitalisations, à des durées de détention insuffisantes pour obtenir des résultats, etc.
Avec l’arrivée des nouveaux médicaments, le contexte a profondément changé. Tous les arguments
qui étaient avancés ne sont plus recevables. Néanmoins, une dynamique peine à se créer.
A la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, nous avons constaté que, même avec une durée
d’incarcération relativement courte, le fait d’initier un traitement en prison est généralement
bénéfique. Les personnes le suivent en sortant. A l’inverse, il est plus difficile de les attirer dans le
système de soins une fois qu’elles sont dehors. Les résultats que nous avons pu obtenir sont très
encourageants. Il faut toutefois mettre également en œuvre une politique de réduction des risques
vis-à-vis des usagers de drogues, pour éviter que ces derniers ne se réinfectent.
II. Personnes sans abri
André-Jean REMY, Perpignan
Avec l’équipe mobile hépatites, nous nous déplacions traditionnellement depuis 2013 dans les
CSAPA (Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie), les CHRS
(Centre d'hébergement et de réinsertion sociale), les CAARUD (Centres d'accueil et
d'accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues) et dans toutes les
structures où nous pouvions disposer d’un local pour effectuer des TROD/ FIBROSCAN par des
infirmiers et des entretiens avec l’assistant social. Pour élargir notre champ d’intervention, nous
disposons désormais d’une unité mobile – un camping-car aménagé – qui nous permet de nous
rendre dans des squats, des quartiers isolés, etc. Nous dépistons les fibroses hépatiques et les
infections virales (TROD VIH / VHC / VHB et FIBROSCAN mobile). Ce dispositif fonctionne
depuis six mois.
Grâce à notre équipe mobile hépatites, nous parvenons à dépister de nouveaux malades mais
également à faire revenir dans le système de soins des personnes qui se savaient positives mais qui
s’étaient éloignées du soin. La proximité et la gratuité sont des atouts majeurs pour toucher ces
populations très défavorisées. La rapidité d’obtention des résultats, disponibles immédiatement, est
également déterminante dans ce contexte.
III. Personnes usagères de drogues
Jean-Michel DELILE, Bordeaux
Les tensions historiques entre, d’une part, la prévention et le soin et, d’autre part, la lutte contre les
addictions nous ont conduits à inventer de nouvelles formes d’actions, qui forment aujourd’hui la
politique de réduction des risques.
Les usagers de drogues n’ont pas forcément accès aux soins et au dépistage. A Bordeaux, nous
avons donc décidé d’installer un FibroScan dans le CAARUD. Nous nous sommes également
impliqués fortement dans les TROD. Tous les dispositifs non invasifs permettant de repérer très tôt
la maladie et, le cas échéant, de la traiter doivent être encouragés.
Nous avons réussi à disposer d’une hépatologue au sein du CAARUD. Elle parvient désormais à
initier des traitements sur place. Avec ces populations très vulnérables d’un point de vue social et
psychologique, il est essentiel de privilégier une approche intégrée, si possible en un lieu unique.
Je sais que des expériences comparables ont été mises en œuvre dans d’autres villes de France.
Frédéric CHAFFRAIX, Strasbourg
Nous avons construit un programme de recherche autour du dépistage des maladies du foie par
FibroScan. Nous avons inclus au départ 5 CSAPA et 1 USN1 (unité sanitaire) et nous avons
progressivement élargi notre programme à 11 centres de soins dont 8 CSAPA, 1 USN1, 1 PASS et
1 CSSRA (centre de soins de suite et de réadaptation en addictologie). L’objectif est de toucher des
populations qui sont éloignées des dispositifs de soins traditionnels.
Nous avons bénéficié d’un fort soutien de l’ARS Alsace, ce qui nous a permis de mettre en place
des actions de formation pour les professionnels des centres de soins dont les travailleurs sociaux,
les infirmiers et les médecins. Ce programme facilite également les échanges de pratiques entre les
professionnels. Nous avons également mis en place un système de recueil de données par le biais de
fiches de dépistage et suivi. Celui-ci met en évidence les progrès réalisés en termes de dépistage
simultané des trois virus (VIH, VHB et VHC) et de vaccination au cours du programme. Les taux
ont progressé de manière très significative.
IV. Les médecins généralistes dans le parcours de soins : expérience du réseau
Ville Hôpital Hépatite C
Laurent CATTAN, Clichy-la-Garenne
Je pourrais revenir, lors des questions, sur le rôle des médecins généralistes dans le parcours de
soins mais je voudrais surtout vous présenter l’expérience de la consultation avancée de l’hôpital
Beaujon. Cette expérience originale s’est avérée efficace. Elle a permis de faciliter la prise en
charge des malades, notamment des migrants.
Notre objectif était simple. Nous voulions réduire le délai d’attente pour une consultation à
l’hôpital. Nous y sommes parvenus, puisque nous sommes passés de quatre mois à trois semaines,
avec la possibilité d’une prise en charge en urgence pour les patients qui le nécessitaient.
A l’origine, les hépatites C représentaient la grande majorité des cas que nous traitions. La situation
s’est aujourd’hui rééquilibrée avec les hépatites B. Nous prenons également en compte les
comorbidités (drogues, alcool, obésité, troubles psychiatriques, etc.).
Après de grands progrès dans les années 2000, nous avons le sentiment que le contexte s’est
dégradé. Les médecins généralistes nous adressent moins de patients. Ces derniers sont parfois mis
en attente jusqu’à l’arrivée de nouveaux traitements mais nous ne devons pas non plus les mettre en
danger. Un important travail est à réaliser dans ce domaine.
V.
Echanges avec la salle
De la salle, Médecins du Monde
Quels problèmes rencontrez-vous avec les patients migrants ?
Laurent CATTAN
Ils veulent, comme tous les malades, bénéficier des nouveaux traitements. Nous avons toutefois des
difficultés à obtenir l’AME pour qu’ils y aient accès. En ce qui concerne les patients avec une
hépatite B, nous ne pouvons pas nous inscrire dans la durée. Toutes ces questions ne relèvent pas
du médical mais du politique.
Elisabeth AVRIL
Nous rencontrons beaucoup de difficultés avec les personnes qui sortent de prison, car leur
couverture médicale connaît parfois une interruption, qui se traduit par un arrêt du traitement. Il est
de plus en plus compliqué d’obtenir l’AME ou son renouvellement.
De la salle, SOS Hépatites
La vaccination contre l’hépatite B est-elle un problème en prison ?
Fadi MEROUEH
Nous la proposons systématiquement à toutes les personnes incarcérées. Nous avons encore des
refus mais le taux d’acceptation augmente. Il nous revient de promouvoir cette vaccination.
Elisabeth AVRIL
Appliquez-vous les schémas courts de vaccination?
Fadi MEROUEH
Oui.
André-Jean REMY
Le meilleur moment pour proposer la vaccination est celui du rendu des résultats du dépistage. Or,
les études de pratique montrent que dans environ un tiers des unités sanitaires, seuls les résultats
positifs sont communiqués. Il s’agit d’une occasion manquée pour développer l’information et la
prévention.
Fadi MEROUEH
La situation est très hétérogène dans les prisons.
Franck BARBIER, Aides
L’AFEF recommande d’agir sur l’épidémie sans se soucier du stade de fibrose mais la HAS estime
ne pas avoir suffisamment de données pour s’assurer que les mesures préconisées sont bénéfiques
d’un point de vue coût/efficacité. Nous buttons toujours sur la même problématique. D’autres
arguments doivent certainement être approfondis, comme l’opportunité de traitement que
représente l’incarcération.
André-Jean REMY
La prison est un bon moment pour agir, car il y a moins de drogues, d’alcool, etc.
Jean-Michel DELILE
Le public cible pour agir sur l’épidémie est large. Un certain nombre d’études de coût/efficacité ont
été menées à l’étranger. Il faudrait également les réaliser en France, en prenant en compte les
risques de recontamination. Le parcours de santé ne s’arrête pas une fois le traitement achevé.
L’accompagnement doit se poursuivre, avec tous les dispositifs de réduction des risques. Ces
derniers gagneraient à être développés en prison.
Elisabeth AVRIL
Il est important de renforcer la participation des usagers de drogues au travail de prévention. Ils
doivent être davantage impliqués.
Parcours de personnes migrantes
I.
Immigrés africains atteints d’hépatite B chronique : singularité du
parcours et facteurs associés à la rapidité du diagnostic. Résultats de
l’étude ANRS Parcours
France LERT, Paris
Les résultats de l’étude Parcours commencent à être disponibles.
L’objectif de cette étude était notamment d’identifier les interrelations entre parcours de santé et
parcours migratoire, en menant une enquête biographique et en documentant leur parcours
(résidentiel, social, sexuel, familial, etc.) depuis leur naissance. Le volet présenté à la journée sur
les hépatites porte sur les facteurs associés au délai au diagnostic de l’hépatite B.
L’étude, menée exclusivement en Ile-de-France, a pris en compte des patients immigrés d’Afrique
subsaharienne atteints d’hépatite B chronique, séropositifs ou recrutés dans des consultations de
médecine générale.
Beaucoup de migrants se trouvent dans une situation de grande précarité. Même s’ils sont en France
depuis plusieurs années, seulement la moitié dispose d’un logement personnel et un quart n’a pas de
titre de séjour. L’insécurité administrative, résidentielle et financière est importante chez les
patients atteints d’hépatite B chronique, même si la situation des hommes et des femmes est assez
contrastée.
Les immigrés d’Afrique subsaharienne arrivent relativement tard en France, à un peu moins de 30
ans. Les hommes mettent, en médiane, deux ans pour obtenir une activité génératrice de revenus
régulière ou non –, trois ans pour disposer d’un logement stable et sept ans pour obtenir un premier
titre de séjour. S’ils sont atteints d’hépatite B chronique, ce délai passe à neuf ans.
Les femmes arrivent plus souvent dans le cadre d’un regroupement familial. Elles obtiennent donc
plus rapidement un titre de séjour et un logement stable. En revanche, elles ont besoin de plus de
temps pour avoir une activité génératrice de revenus.
Les conditions se sont durcies depuis quelques années et la précarité dure plus longtemps, surtout
pour les célibataires ne disposant que d’un faible niveau d’études.
La situation apparaît particulièrement dégradée pour les hommes atteints d’hépatite B alors que les
femmes paraissent moins pénalisées.
Le diagnostic d’hépatite B chronique est rarement établi avant l’arrivée en France. Il est réalisé au
bout de quatre ans pour les hommes, généralement à l’occasion d’une hospitalisation, et de
seulement deux ans pour les femmes, compte tenu du dépistage systématique lors des grossesses.
Les personnes les plus précaires sont dépistées plus vite, car elles fréquentent des services de santé
où la recherche de ces pathologies fait partie de la pratique courante des professionnels. Ces
réflexes sont moins ancrés dans les dispositifs classiques.
Nous pensions identifier davantage de similitudes avec le VIH mais les situations sont en fait assez
différentes, car la contamination intervient plus souvent en France, particulièrement pour les
hommes.
II. Dépistage et prise en charge des hépatites chroniques virales chez les
personnes migrantes : l’expérience du projet Précavir
Isabelle ROSA, Créteil
Le projet Précavir remonte à 2007. L’objectif était de dépister les trois virus – VIH, VHB et VHC –
auprès des populations migrantes venant consulter en médecine générale au sein de l’hôpital et dans
un centre médical social. Une fois le diagnostic posé, les patients étaient pris en charge de manière
globale.
Le projet initial a ensuite été complété par un dispositif social d’accompagnement des patients
infectés et isolés. Beaucoup de personnes n’ont pas de famille. Elles sont souvent hébergées à
l’hôtel.
Nous fonctionnons avec des crédits de l’ARS et des laboratoires privés.
Depuis huit ans, nous avons proposé le dépistage des trois virus à environ 3 500 consultants, avec
un taux d’acceptation de près de 90 %. Nous avons identifié 188 patients atteints d’hépatite B, dont
26 avec une hépatite chronique nécessitant un traitement. Celui-ci a été instauré pour 21 d’entre
eux. Nous enregistrons des perdus de vue mais nous parvenons néanmoins à assurer un suivi, y
compris auprès d’un certain nombre de porteurs inactifs.
La population touchée par l’hépatite C est très différente de celle concernée par l’hépatite B. Les
femmes sont beaucoup plus nombreuses. Nous n’avons pas rencontré de difficultés pour traiter les
patients aux stades de fibroses sévères.
Le projet continue. Nous avons une très bonne acceptation du dépistage sérologique, avec un bon
suivi des patients, en particulier quand un traitement est instauré. La grande majorité des personnes
traitées accède à des papiers et peut ensuite obtenir un travail.
III. Projet d’optimisation du parcours de soin des patients ayant une hépatite C
en Ile-de-France
Stéphanie DOMINGUEZ, Créteil
Notre projet est encore en devenir. Il trouve son origine dans la révolution thérapeutique et des
nouvelles recommandations de prise en charge. L’objectif est d’amener au traitement les
populations les plus vulnérables (migrants, toxicomanes actifs, détenus, HSH, etc.), en proposant un
parcours de soins facilité. Celui-ci s’appuie sur des réseaux et des partenariats.
Des consultations précoces doivent être proposées très rapidement après un dépistage positif, de
manière à mettre en place un accompagnement global. Une coordination des différents intervenants
est réalisée au travers de médiateurs de santé.
Nous réaliserons une évaluation après un an de fonctionnement afin d’ajuster éventuellement le
dispositif. Le projet doit permettre de renforcer des initiatives qui existent déjà et de mutualiser les
moyens. L’expérimentation se déroulera sur trois ans. Nous souhaitons évidemment montrer qu’elle
est efficiente, afin de pérenniser les filières qui auront été mises en place.
Laurent CASTRA, ARS Ile-de-France
Le projet est le fruit d’une rencontre entre plusieurs acteurs particulièrement investis. L’ARS a
essayé de répondre à leur demande, dans le cadre des priorités régionales de santé. Les propositions
qui nous ont été présentées nous ont paru extrêmement intéressantes et en phase avec les besoins
des populations.
Nous souhaitons encourager les démarches de recherche-action, qui permettent de recueillir des
données et d’adapter nos stratégies au plus près du terrain. Nous avons retenu trois départements
prioritaires. Si les résultats sont probants, nous étendrons le projet. Il joue un rôle d’intégrateur, en
facilitant la structuration des parcours et en développant l’accompagnement.
Les financements viennent de redéploiements. L’évaluation est centrale. Il est essentiel de s’assurer
que les moyens que nous engageons sont utilisés efficacement.
La prévalence de l’hépatite C est d’environ 3 % chez les migrants, de 7 % chez les détenus et de
10 % chez les personnes ayant des problèmes d’addiction, dont l’usage de drogues. Les mêmes
populations sont également touchées par le VIH, le VHB et les IST. Le projet nous semble être une
contribution importante à la réduction des inégalités. Les consultations précoces, localisées dans
des établissements hospitaliers, constitueront un point d’ancrage pour l’ensemble du dispositif, dans
ses composantes médicales, médico-sociales, associatives, etc. Elles permettront la mise en
cohérence.
Le lancement est prévu pour le 1er octobre. Nous espérons que les résultats seront probants.
IV. Echanges avec la salle
Béatrice-Anne BARATCHART, ARS Aquitaine
L’hépatite C sera peut-être éradiquée mais l’éducation thérapeutique conserve toute sa place, car la
fragilisation du foie demeure. Il est donc important que les personnes concernées en prennent
conscience et, même si peuvent se poser des problèmes de compréhension, soient informées de ce
qu’elles doivent faire pour vivre le mieux possible.
Stéphanie DOMINGUEZ
Il s’agit effectivement de l’un de nos points d’attention.
Laurent CASTRA
Nous devons avoir une démarche d’accompagnement social. Le cahier des charges de l’éducation
thérapeutique me semble un peu trop fermé. Vis-à-vis de certains publics, nous avons parfois
besoin de mettre en œuvre une démarche très individualisée.
Marie-Dominique PAUTI, Médecins du Monde
L’étude Parcours n’a-t-elle concerné que des migrants francophones ? Nous constatons en effet que
l’obstacle de la langue est majeur dans l’accès aux soins. Le recours à l’interprétariat professionnel
est encore trop limité.
France LERT
Dans le cadre de l’étude Parcours, nous disposions d’une convention avec un organisme spécialisé.
Nous l’avons peu utilisée. Les patients étaient, en grande majorité, originaires d’Afrique de l’Ouest
et donc francophones.
Fabrice PILORGE, Aides
Envisagez-vous de prendre en compte les pratiques de slam, c’est-à-dire d’injection en contexte
sexuel ?
Stéphanie DOMINGUEZ
Nous avons prévu un questionnaire, dans lequel nous aborderons ce sujet. Le taux de réinfection
chez les HSH est de l’ordre de 25 %. Il ne doit pas être un obstacle au traitement mais doit être pris
en compte dans nos réflexions.
André-Jean REMY
Il est important d’investir d’autres lieux qui accueillent les populations vulnérables, comme les
PASS.
Elisabeth AVRIL
Je voudrais revenir sur la question de l’interprétariat. Au sein de Gaia, nous avons une expérience
avec des populations russophones. Nous nous sommes adaptés avec des ressources internes mais
nous sommes régulièrement sollicités par des hôpitaux qui nous demandent d’accompagner les
patients en consultation. Nous n’avons pas les moyens de faire face à cette charge de travail
supplémentaire. Il me semble pourtant qu’existent des dotations.
Catherine CHARDIN, DGS
Les hôpitaux n’ont pas de dotations. La DGS a passé une convention avec un organisme
d’interprétariat ; mais celle-ci est plafonnée et ne permet pas de couvrir l’ensemble des besoins. Le
projet de loi de modernisation de notre système de santé devrait aborder ce sujet et faciliter le
recours à l’interprétariat professionnel, qui joue effectivement un rôle majeur dans l’accès aux
soins.
Conférence : l’hépatite E
Jacques IZOPET
Toulouse
La connaissance de l’hépatite E a progressé au cours des dernières années mais certains aspects
doivent encore être approfondis.
Le virus responsable de l’hépatite E est présent partout sur la planète. Il n’est pas cantonné dans les
pays du Sud, où il se transmet par voie hydrique. Nous savons désormais qu’il est également
endémique dans les pays industrialisés.
Généralement, l’infection est contractée localement. Nous avons identifié un certain nombre de cas
de contamination liée à la consommation de viande de porc insuffisamment cuite.
Nous distinguons quatre génotypes majeurs. Le génotype 3 est le plus répandu à l’échelle mondiale.
Il existe, comme pour le génotype 4, un réservoir animal, en l’occurrence les porcins et les cervidés.
Le CNR (Centre national de référence) répertoriait avant 2005 une vingtaine de cas par an, dont la
plupart étaient considérés comme importés. Depuis 2006, le nombre a augmenté. Nous identifions
désormais, grâce à l’amélioration du diagnostic, de 1 000 à 2 000 cas par an en France. La
transmission est généralement autochtone.
Le virus a été mis en évidence il y a une trentaine d’années mais le cycle viral est encore mal
compris. Lorsqu’il est dans l’organisme, il comporte une enveloppe, qui le protège des anticorps
neutralisants.
Une étude nationale a été réalisée avec l’EFS (Etablissement français du sang) auprès des donneurs
de sang pour mieux connaître l’épidémiologie de l’hépatite E. La séroprévalence est globalement
supérieure à 22 %, ce qui est élevé. Les différences sont toutefois importantes selon les régions.
La séroprévalence augmente avec l’âge. Elle dépasse les 30 % après 60 ans, probablement du fait
d’une exposition cumulée au virus. La consommation de certains aliments, dont le porc et le gibier,
semble accroître le risque, alors que la consommation d’eau en bouteille apparaît comme un facteur
protecteur.
Le mode principal de contamination est alimentaire. Les produits sanguins, à l’occasion de
transfusions, peuvent également être en cause. La fréquence de détection du virus est d’environ 1
sur 2000.
Il existe un sous-diagnostic de l’hépatite E, car beaucoup de cas sont asymptomatiques. Les formes
aigües sévères concernent les personnes ayant une maladie chronique du foie et les femmes
enceintes dans les pays en développement. Ce phénomène ne concerne pas les pays industrialisés,
probablement en raison d’un génotype différent. Les personnes immunodéprimées peuvent
développer des hépatites chroniques.
Une étude européenne a été menée pour mieux comprendre le passage à la chronicité.
Chez les patients atteints d’hépatite E chronique, la ligne d’intervention consiste d’abord à réduire
l’immunosuppression. Un traitement antiviral peut être nécessaire, avec de l’interféron pégylé ou de
la ribavirine. Le virus peut être éradiqué chez la plupart des patients.
Deux vaccins ont été développés. Ils ont montré des taux d’efficacité de plus de 95 % mais seul un
produit est aujourd’hui disponible, et uniquement en Chine.
I.
Echanges avec la salle
Daniel DHUMEAUX
Pourquoi l’hépatite E est-elle plus présente dans le sud de la France ?
Jacques IZOPET
Les habitudes alimentaires sont importantes, avec notamment la consommation de saucisses de foie
de porc, mais n’expliquent pas totalement l’épidémiologie. La contamination de l’eau joue
probablement un rôle.
Marianne L’HENAFF
Puisqu’il existe un vaccin efficace, pourquoi ne pas l’utiliser, au moins chez les immunodéprimés ?
Jacques IZOPET
Nous avons besoin d’un certain nombre d’études pour valider son efficacité chez les
immunodéprimés. Après la Chine, la priorité sera les pays en développement, où existent des
formes très graves.
Daniel DHUMEAUX
Comment un virus qui se pourvoit d’une enveloppe au moment de son passage du foie dans le sang
peut-il être sensible à la vaccination ?
Jacques IZOPET
La neutralisation du virus s’exerce probablement au niveau de la « porte d’entrée » dans
l’organisme, c’est-à-dire dans le tractus digestif, lorsqu’il est nu. Il ne s’agit toutefois que d’une
hypothèse. Si elle était vérifiée, la vaccination ne protégerait pas des contaminations par voie
sanguine.
Discours de clôture
Marie-Hélène LOULERGUE
Direction générale de la santé
Je remercie l’ensemble des intervenants pour leurs présentations, qui ont été extrêmement
intéressantes. La journée a été très riche et a permis de faire un point sur les perspectives en matière
de lutte contre les hépatites virales. Le contexte est très évolutif, avec des projets de recherche
ambitieux et des initiatives destinées à faciliter la prise en charge des patients.
De très nombreuses actions ont été mises en œuvre au cours des dernières années. Il reste cependant
beaucoup à faire, en s’appuyant sur la mobilisation de toutes les parties prenantes.
Téléchargement