BIOLOGIE DES INTERACTIONS Karine MANDON – Marylène POIRIE DIVERSITE DES INTERACTIONS PLANTES-MICROORGANISMES BIBLIOGRAPHIE • • • • • « La symbiose », Marc-André Sélosse, Vuibert, 2000 « Atlas de Biologie Végétale : Associations et Interactions chez les plantes », E. Duhoux, M. Nicole, Dunod, 2004 « Plantes et Champignons : L’alliance vitale », La Recherche, n°411, 2007 « Cyanobacterium – plant symbioses », New Phytol., 147:449-481, 2000 « The actinorhizal symbiosis », J. Plant Growth Regul., 19:167-182, 2000 INTRODUCTION : DU MUTUALISME AU PARASITISME DIVERSITE DES INTERACTIONS Il existe différents types d’interactions entre les organismes : certaines associations pourront être bénéfiques aux deux partenaires dans le cadre de symbioses mutualistes, bénéfique à l’un sans apport ni effet délétère sur l’autre lors d’associations commensales, ou bénéfique à l’un au détriment de l’autre dans des situations de parasitisme. Qu’elles aient lieu au sein du règne végétal ou animal, ces interactions sont très variées, et il sera parfois extrêmement difficile de distinguer des interactions aussi antagonistes que mutualisme et parasitisme. Au sein de ce cours, après avoir abordé différents types de symbioses mutualistes, nous nous pencherons plus particulièrement sur les symbioses licheniques ainsi que sur les symbioses fixatrices d’azote. Ces dernières sont d’une grande importance, puisque permettant à certaines plantes de s’affranchir de la pratique d’absorption d’azote à travers la mise en place d’un comportement autotrophe d’origine bactérienne, leur permettant ainsi la colonisation de sols très variés. Dans une troisième partie, nous traiterons des mycorhizes, structures permettant l’augmentation de la surface racinaire ainsi que l’apport de substances nutritives à la plante, avant de terminer en abordant les relations de pathogénie, qui seront développées plus en détail au semestre 6. LES INTERACTIONS PEUVENT AVOIR LIEU AVEC OU SANS CONTACT ENTRE SYMBIONTES Prenons quelques exemples permettant d’observer la variété des interactions symbiotiques entre plantes et microorganismes. La croissance du roseau « quenouille » à l’aide de bactéries du genre Beggiatoa est un exemple de symbiose durable. La quenouille, dont les racines sont ancrées dans les fonds vaseux peu oxygénés des marais, nécessite un apport en sulfates. Or, dans ces conditions d’anaérobiose, ce dernier n’est disponible que sous forme réduite H2S. Beggiatoa, bactérie LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 1 sulfooxydante, a la capacité de transformer ce sulfure en sulfate en libérant néanmoins du peroxyde d’hydrogène, dont une augmentation de concentration lui serait fatale. Le roseau intervient alors de par sa capacité de sécrétion de catalases, enzymes décomposant la molécule toxique en eau. Les symbiontes bénéficient ainsi l’un de l’autre sans contact direct. Nous pourrons cependant observer des cas d’associations dans lesquels des enchevêtrements d’hyphes peuvent entourer des microorganismes, lors de symbioses lichéniques par exemple, tout comme des cas de colonisation cellulaire où nous aurons un contact direct entre les deux organismes. Cette dernière association peut être illustrée par l’entrée d’une bactérie dans la racine d’une plante, colonisant méats et sillons intercellulaires, sans pour autant qu’il y ait différenciation en structure spécialisée ou pénétration des tissus par la bactérie. NATURE ET ENJEUX DES ECHANGES Les microorganismes favorisant la croissance et améliorant généralement le fitness des plantes sont appelés PGPB « Plant Growth Promoting Bacteria ». Tout comme lors de la symbiose riz-Azospirillum où le microorganisme synthétise de l’auxine, certaines bactéries permettront aux plantes hôte d’acquérir des nutriments et interviendront dans la compétition contre les pathogènes de ces plantes à travers, par exemple, une meilleure fixation des composés d’intérêt nutritif ou une libération de toxines. Les échanges entre la plante et le microorganisme consistent alors en des échanges nutritionnels, mais aussi en des fonctions de protection pouvant être favorables aux deux organismes. Pour cela, certaines interactions où les microorganismes colonisent les plantes de manière intracellulaire utilisent des systèmes très développés de reconnaissance entre les symbiontes. Ainsi et d’une manière générale, plus le contact entre les symbiontes sera étroit et la colonisation importante, plus la reconnaissance sera spécifique. Certains cas de symbioses mutualistes ne seront pas aisés à mettre en évidence. Prenons l’exemple de certaines graminées, pouvant être colonisées par des champignons endophytes pénétrant dans la plante à partir de la fleur et se développant au sein de la tige et jusqu’à la graine dont la dissémination entraînera celle du parasite. Certains de ces champignons ne pouvant ainsi plus se développer sans leur plante hôte, nous pourrions alors dans certains cas considérer un cas de parasitisme. Mais en réalité, nous avons souvent affaire à un commensalisme au bénéfice du champignon, quelquefois à une pathogénie de par la perte de la capacité de reproduction de la plante, ainsi que parfois un bénéfice pour la plante, comme par exemple lors de la symbiose entre l’ergot du seigle Claviceps purpurea et la fétuque. Cette dernière étant en effet une plante fourragère très prisée des ruminants, une consommation de celle-ci couplée à l’endophyte (produisant des acides lysergiques) entraine chez les bovins une diminution de la production laitière, une léthargie, un grossissement, puis la mort. Le champignon apporte ainsi une protection contre les herbivores et insectes brouteurs qui pourraient décimer des populations de fétuques par champs entiers, et favorise ici la croissance de la plante, sans pour autant avoir un rôle nutritionnel. Concernant l’épipogeon Epipogeum alphilum, une orchidée rare ne pratiquant pas de photosynthèse et n’étant donc pas autotrophe, il est difficile de conclure à un cas de symbiose ou de parasitisme. En effet, cette plante sera en association avec des champignons mycorhiziens qui, en association avec d’autres plantes, autorisent les échanges carbonés entre une première plante et l’orchidée. Ce mécanisme permet ainsi la croissance d’un organisme relativement parasite, qui en échange pourrait favoriser la stabilité de la structure : nous oscillons donc entre un cas de parasitisme et de commensalisme. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 2 Nous pourrions également prendre pour exemple les interactions entre Erwinia amylovora et le pommier dans le cadre de l’affection dite du « feu bactérien », explicitement parasite, caractérisée par une colonisation du cortex de la plante par le pathogène et l’induction très rapide d’une nécrose des tissus infectés. Au vu de l’étendue et de la diversité des interactions, nous aborderons différents axes d’étude de celles-ci : • • • • • Structure Echange entre les partenaires Modes de colonisation Modes de reproduction Spécificité d’hôte et mode de reconnaissance LES SYMBIOSES LICHENIQUES Les symbioses lichéniques sont des interactions caractérisées par la nature des deux symbiontes : l’un est un champignon, le mycobionte, l’autre une algue unicellulaire ou une cyanobactérie, le photobionte. A l’heure actuelle ont été recensées pas moins de 13500 espèces de champignons capables de réaliser des symbioses lichéniques, dont 98% appartiennent au groupe des ascomycètes. Le photobionte est quant à lui représenté dans 85% des cas par une algue (Trebouxia), dans 5% par une cyanobactérie (Nostoc), et dans 10% par les deux simultanément, dont les espèces sont réparties dans 40 genres. Le photobionte est un organisme photosynthétique pouvant fournir un certain nombre de composés au mycobionte en échange de sa présence au sein d’un thalle protecteur. Cette combinaison efficace autorise la colonisation d’un certain nombre de niches peu propices à la vie (froid arctique, déserts chauds, niches difficiles d’environnements tempérés pousse sur écorce par exemple). En plus d’un apport de photosynthétats, les cyanobactéries en particulier ont la capacité de fixer l’azote atmosphérique, permettant une totale autonomie nutritionnelle de l’organisme symbiotique. Les lichens peuvent aborder différentes morphologies : • • • • Crustacé, comme Calopaca saxicola Arbusculeux, comme Evernia prunastri, la « mousse des rennes » Pendant Foliacé STRUCTURE DES LICHENS La structure du thalle jouera un rôle crucial quant à la réalisation de la photosynthèse au sein d’environnements extrêmes. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 3 La coupe du thalle d’un lichen nous permet d’observer une structure pluristratifiée comprenant : • • • • un cortex supérieur composé d’un enchevêtrement serré d’hyphes offrant une protection aux UV des appareils photosynthétiques, une assise à photobiontes, une médulle favorisant les échanges gazeux, un cortex inférieur présentant des rhizines, permettant l’adhésion du lichen aux parois et rochers. Nous pouvons également rencontrer au sein de thalles foliacés des structures d’accueil spécifiques aux cyanobactéries, les céphalopodies, permettant à ces dernières de ne pas être mélangées avec les algues. De par l’activité spécifique de fixation d’azote de ces structures, les parois du thalle à hauteur de ces structures seront épaissies. Les cyanobactéries pratiquent une photosynthèse oxygénique identique à celle des algues, à la différence près que leurs antennes collectrices comportent des phycobilisomes. Le dioxygène produit ayant comme propriété de dénaturer irréversiblement les complexes nitrogénase pratiquant la réduction du N2 atmosphérique, la cohabitation des deux activités au sein d’une même cellule est impossible. Pour pallier à cela, les cyanobactéries pratiquent une différentiation à la limite de la pluricellularité en se disposant en chaînettes au sein desquelles une cellule sur douze ou treize, l’hétérocyste, sera dédiée et morphologiquement adaptée à la fixation d’azote. Celle-ci, synthétisant l’enzyme nitrogénase, comprendra donc une paroi épaissie, un photosystème II dénaturé ainsi qu’un système de collecte d’énergie minimaliste permettant de subvenir à ses besoins de base. L’azote ainsi fixé pourra être transformé en glutamine, qui sera évacuée sur les cellules adjacentes, lesquelles lui apporteront leurs photosynthétats. Notons que certaines cellules pourront quant à elles se différencier en akinètes, cellules de survie qui pourront, si les conditions de vie sont défavorables, se dissocier du filament et rester en condition latente jusqu’à la venue de temps meilleurs. ECHANGES ENTRE LES PARTENAIRES Afin de favoriser les échanges entre les deux symbiontes, le champignon peut envoyer une extension de son hyphe au contact direct du microorganisme, permettant l’augmentation de la zone d’interactions. On distingue : • • Appressorium, hyphe ne pratiquant qu’un simple contact Haustorium ou suçoir, hyphe provoquant l’invagination sans pénétration de la membrane cellulaire du microorganisme se rapprochant de ceux présents lors d’interactions pathogènes Dans ces deux cas, on parle d’une colonisation intercellulaire. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 4 ECHANGES TROPHIQUES Le microorganisme permet de fournir au champignon 90% du CO2 fixé sous forme de polyols. Lors de symbioses tripartites faisant intervenir champignon, algue verte et cyanobactérie, l’enzyme RubisCO bactérienne est inhibée : les cyanobactéries contribuent donc majoritairement à un apport d’azote. De par la structure du thalle, le champignon contribue majoritairement à l’apport d’eau en permettant l’absorption d’une grande quantité de gouttelettes présentes dans l’air, assurant l’hydratation du mycobionte et du photobionte même en conditions difficiles. Le champignon pratique enfin l’absorption de sels minéraux via l’attaque par le biais d’acides organiques (en particulier acide lichénique, dérivé benzénique légèrement acide) des minéraux sur lequel le lichen sera posé. PROTECTION Il existe dans ces échanges des intérêts autres que nutritionnels. En effet, nous observons que le champignon ne synthétisera de substance lichénique qu’en présence d’un photobionte : il existe donc un système de signalisation entre les deux symbiontes. Les substances lichéniques, représentant 40% du volume du thalle, seront disposées selon une couche hydrophobe cristalline autorisant au lichen de subir une importante déshydratation sans effet néfaste. Les chercheurs pensent en effet que ces substances protectrices permettent la conservation des structures ainsi que le maintien de l’activité photosynthétique dans des conditions de faible concentration en eau. C’est ainsi que la teneur en ce composé pourra atteindre 2%, et que la croissance des lichens pourra être à partir de la simple captation d’eau atmosphérique. Certaines de ces substances peuvent être toxiques pour les herbivores, offrant une protection supplémentaire au vu de la lenteur de croissance du lichen. Certaines autres substances correspondent à des pigments, dont le rôle est de protéger les appareils photosynthétiques des symbiontes. Avec cette synthèse de substance lichénique, l’association entre symbiontes permet donc la mise en place de nouvelles voies métaboliques. MODES DE COLONISATION ET DE REPRODUCTION Les lichens peuvent se reproduire de manière végétative par l’utilisation de sorédies ou isidies, propagules différenciés correspondant à des fragments relargués du thalle incluant le photobionte. Leur dissémination peut être dépendante ou non des symbiontes. Le champignon peut également pratiquer seul une reproduction végétative ou sexuée, durant laquelle 98% des ascospores seront disséminées. Le photobionte n’étant alors pas inclus lors du phénomène LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 5 reproductif, le champignon symbiotique se développe jusqu’à arriver dans des conditions limitantes en azote, à partir desquelles il formera une cavité d’accueil et produira un facteur HIF « Hormogony Inducing Factor ». Chez les cyanobactéries environnantes dont le genre Nostoc, la perception du facteur HIF entraîne la formation d’hormogonies par rupture des chaînettes, dédifférenciation des cellules spécialisées, ainsi que chimiotactisme positif permis par les flagelles que possèdent ces cellules. A la suite d’une reconnaissance spécifique –dont on ignore encore les mécanismes- et de leur entrée dans le champignon, les cyanobactéries entraînent le développement du thalle lichénique, la formation de rhizines ainsi que la synthèse d’HRF « Hormogony Releasing Factor », antagoniste induisant une différenciation propice à la reprise des activités symbiotiques. A l’heure actuelle, les mécanismes à l’origine du verrouillage et de la formation des hormogonies sont encore mal connus. Expérimentalement, sur 90 cyanobactéries attirées, 45 mènent à la formation d’hormogonies, mais seuls 3 à 4 de ces derniers sont compatibles avec le champignon : il existe une sélection importante des candidats à la symbiose, pouvant éventuellement reposer sur la reconnaissance de substances spécifiques aux champignons que sont les sucres de paroi ainsi que certains flavonoïdes. LES LICHENS COMME BIOINDICATEURS Les lichens sont capables de vivre dans des conditions extrêmes, et ce de par leur structure, leur synthèse d’acides organiques ainsi que leur capacité de captation des gouttelettes en suspension dans l’air, mais seront cependant incapables de relarguer les composés absorbés. Etant très sensibles aux polluants, ils font office de bioindicateurs natifs d’autant plus intéressants qu’il est également possible de doser les composés absorbés. Observant les différentes populations de lichens d’une aire donnée, il est alors possible de définir la nature et la teneur en polluants de celle-ci. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 6 LES ASSOCIATIONS PLANTES-BACTERIES FIXATRICES D’AZOTE La fixation du diazote atmosphérique est caractérisée par l’équation suivante : 8 8 16 2 16 Les fixateurs d’azote sont loin de représenter l’intégralité du règne bactérien. Ces diazotrophes, chez lesquels le complexe enzymatique nitrogénase est conservé entre les phylums de par un grand nombre de contraintes sélectives, sont les suivantes: • • • • • • les bactéries soufrées vertes, les bactéries du genre Clostridium, les actinobactéries et firmicutes, les cyanobactéries, les campylobactéries, et les protéobactéries α, β, γ, δ/ε. Parmi elles, seules les protéobactéries sont capables d’interactions symbiotiques avec les végétaux supérieurs, dont les plus abouties en termes de développement de nouvel organe ont lieu chez les α protéobactéries. Les β protéobactéries, comme Rhizobium, sont capables de la formation de nodosités, et les δ protéobactéries sont couramment retrouvées chez des plantes d’intérêt agronomique. En finalité, les symbioses vont être un moyen de créer une niche écologique au microorganisme afin de favoriser sa fixation d’azote. CYANOBACTERIES Les cyanobactéries vivent en symbiose avec des végétaux divers, comme les lichens, les bryophytes (où nous retrouverons des bactéries du genre Nostoc dans des cavités aménagées dans les thalles), et les fougères flottantes. AZOLLA/NOSTOC Concernant ces dernières, nous pouvons prendre l’exemple de la fougère Azolla, qui enferme dans ses feuilles de grandes quantités de Nostoc dont la culture exsymbionte est impossible tant leur cycle de reproduction est lié à l’hôte. En effet, les hormogonies, situées au niveau du méristème de la feuille, vont progressivement évoluer en filaments. Avec cette augmentation de taille, la feuille développera des expansions permettant d’augmenter la surface d’échange avec le microorganisme, qui récupère des substrats carbonés de la plante. Nous pourrons retrouver de 2000 à 5000 cellules par cavité. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 7 De manière à ne jamais perdre le symbionte, il existe une reproduction coordonnée entre la fougère et la bactérie. Pour cela, deux types de sporanges seront formés par la fougère : les microspores formeront les gamètes mâles, et les macrospores seront protégées par une indusie comprenant des akinètes, provenant de la différenciation des hormogonies et retenues par un mucilage visqueux. De cette manière, la cyanobactérie n’a aucun besoin de mener une vie saprophytique dans la nature. Cette symbiose par colonisation extracellulaire est depuis longtemps connue et utilisée en tant qu’engrais vert des rizières. GUNNERA/NOSTOC Chez les angiospermes du genre Gunnera, il existe des systèmes permettant une colonisation intracellulaire des bactéries sous la forme de glandes symbiotiques préformées, qui sont des organes clairement définis dans la plante. Positionnées à la base du pétiole, ces structures d’accueil reprennent leur maturation dès l’entrée d’une bactérie symbiotique, laquelle infectera les cellules de la structure et se différenciera en de nombreux hétérocystes. La colonisation intracellulaire aura lieu par un système d’endocytose, la vésicule formée permettant d’empêcher tout contact direct entre cytosol et bactérie. Le partenaire le plus gros possède ainsi le contrôle sur le partenaire le plus petit, cette stratégie permettant de limiter la prolifération aux glandes, mais aussi de réguler les échanges entre les cellules bactériennes et végétales. De telles symbioses, de plus en plus étroites, correspondent à une spécificité des interactions de plus en plus importante. Comme pour les lichens, il existe deux stades de spécificité. Les bactéries du genre Nostoc subiront un chimiotactisme positif pour les deux peptides du facteur HIF de Gunnera ainsi que pour son enveloppe de galactose particulière. Il sera ici néanmoins nécessaire de pénétrer le cortex intracellulaire, et peu de bactéries seront ainsi autorisées à emprunter un canal à mucus comprenant à nouveau du facteur HIF ainsi que des composés phénoliques. On suppose donc que certains de ces composés permettront la reconnaissance et la pénétration de la bactérie dans les cellules appropriées. CYCADALES/CYANOBACTERIES Possédant des racines corraloïdes spécialisées, les cycadales accueillent les bactéries de manière intracellulaire au niveau de toute une zone du cortex racinaire. Tout comme chez Gunnera, ces organes dédiés sont préformés et reprennent leur maturation dès l’entrée d’un symbionte. D’une manière générale, les symbioses sont caractérisées par un certain spectre d’hôte. Les symbioses intracellulaires sont néanmoins définies par une spécificité d’hôte plus importante. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 8 RHIZOBIUM/LEGUMINEUSES Un autre système symbiotique évolué consiste en la symbiose entre les protéobactéries du genre Rhizobium et les plantes légumineuses, où les deux genres peuvent vivre de manière indépendante et saprophyte, mais où en cas de rencontre il y a transformation de la plante. Les légumineuses synthétisent et excrètent au sein de la rhizosphère des flavonoïdes, qui pourront être perçus par la bactérie. Cette dernière induira alors l’expression de gènes codant pour des enzymes nécessaires à la synthèse du facteur Nod, constitué de glycosamides associés en chaîne aliphatique. Secrété par la bactérie, ce facteur pourra à son tour être reconnu spécifiquement par la plante au niveau des poils absorbants, et induira la mise en place d’une voie de transduction de signal V1 aboutissant à la formation de nodosités, et V2 autorisant l’infection bactérienne. Il existe donc une réelle coordination des processus. La spécificité d’hôte est ici très étroite, une espèce bactérienne pouvant ainsi réaliser une symbiose avec deux ou trois espèces de plantes au maximum. Une fois la bactérie intégrée à la nodosité, celle-ci possèdera une niche écologique compatible avec son activité nitrogénase, provoquant une croissance permanente de la structure. Cependant, la fixation de grandes quantités d’azote fatiguent ces premières, induisant une perte d’efficacité : la plante relargue alors ces bactéries. Observant une nodosité âgée de trois semaines en coupe, nous remarquons que celle-ci est scindée en trois parties, correspondant à trois stades de croissance des bactéries : • • • • Zone 1, méristématique : on ne trouve pas de bactérie ; les cellules de la plante permettent la progression de la nodosité en se différenciant pour pouvoir accueillir les symbiontes. Zone 2, d’infection : les bactéries s’y différencient pour fixer l’azote. Zone 3, de fixation : o Les cellules infectées comprennent les bactéries, incluses dans un symbiosome, qui y pratiquent la fixation d’azote o Les cellules non infectées jouent un rôle dans l’export de l’azote fixé, et de fourniture de saccharose sous forme de malate, intégré directement au cycle de Krebs, auprès des cellules infectées. De 12 à 17 grammes de carbone sont utilisés par gramme d’azote fixé. Zone 4, de sénescence. Les substrats des réactions sont fournis sous la forme adéquate, et les conditions sont adaptées afin que la bactérie se trouve dans des concentrations très faibles en oxygène, notamment à travers la synthèse d’hémoglobine. Le NH4 produit par la bactérie ne sera pas du tout assimilé par cette dernière et, notons que sous forme bactéroïde, celle-ci ne se divisera plus. Ces symbioses apportent non seulement une importante source nitrique, mais améliorent aussi le fitness de la plante à travers une meilleure résistance aux maladies et stress biotiques : lors des étapes de reconnaissance, il y a synthèse préventive de composés de défense, d’où une préimmunisation plus rapide. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 9 ACTINOBACTERIES/EUDICOTYLEDONES Les actinorhizes sont des types de nodosités induites au contact d’actinobactéries du genre Frankia, actinomycète filamenteux Gram+. Alors que les nodosités précédemment citées auront pour particularité d’entrer en sénescence dès la production de graines par la plante, les actinorhizes persisteront durant plusieurs années. Nous les rencontrerons chez des espèces mal fournies en azote, des milieux aquatiques, des régions désertiques, etc. La capacité de certaines eudicotylédones à participer à des symbioses très efficaces permettra de réels apports de substances nutritives au sol. Les genres Alnus, Filaos, Casuarina, et Hyppophae correspondent à de telles espèces. Ces plantes ligneuses sont caractérisées par un très fort enrichissement en azote : près de 2,5% du poids sec de leurs feuilles correspondraient à des composés azotés, dont la chute contribue également à l’enrichissement en azote du sol, contre 1% chez les autres plantes. De cette façon, observant la croissance d’un peuplier seul ou en présence d’un aulne ou d’un prunus, respectivement avec et sans formation d’actinorhyzes, le peuplier seul passe en une année de 186 à 237cm, avec l’aulne de 289 à 460cm, avec le prunus de 181 à 220cm. Le prunus n’a donc aucune incidence sur la croissance du peuplier, contrairement à l’aulne. Les quatre espèces du genre Frankia sont capables de former de nodosités chez différents types de plantes. Chez les légumineuses, celles-ci ont la particularité d’être plurilobées, ayant pour origine une importante ramification racinaire. Découvertes en 1888, les nodosités, et plus précisément les bactéries en étant à l’origine n’ont pu être cultivées qu’à partir des années 1960, de par leurs besoins nutritifs particuliers, leur activité de fixation de l’azote ainsi que leur sensibilité à l’oxygène liée. Ces bactéries sont intransformables. Formant vésicules et spores, le seul moyen de les mutagéniser est de manipuler les spores : il n’y a aucun moyen de pratiquer une génétique inverse. Une fois au sein des cellules de la plante, 90% des bactéries se différencient en vésicules fixatrices d’azote. Les actinorhizes possèdent une structure tétrazonale comparable aux nodosités formées par Rhizobium, néanmoins parcourue par un tissu vasculaire central, et constituant une véritable racine secondaire simplifiée. La spécificité d’hôte est ici aussi très grande, et les mécanismes de reconnaissance mal connus. Nous savons néanmoins que lors de l’infection, la plante synthétisera un facteur S1 activateur de la fixation d’azote bactérienne. Cependant, si l’azote est puisé directement dans le sol, nous aurons synthèse d’un facteur S2 inhibiteur de l’infection. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 10 LES SYMBIOSES MYCORHIZIENNES Près de 90% des plantes sur Terre sont mycorhizées, signifiant qu’existent des interactions symbiotiques d’ordre majeur entre champignons et végétaux, et ce au sein de tous les écosystèmes. En fonction de l’espèce considérée, une même plante peut être mycorhizée par un ou différentes espèces de champignons : le hêtre pourra par exemple l’être par près de 350 espèces de champignons différents, le corollaire à cette propriété étant qu’un même champignon pourra entrer en symbiose avec plusieurs végétaux différents, ceux-ci étendant leurs hyphes sur de grandes surfaces, s’appariant aux racines des plantes, et autorisant d’éventuels échanges entre celles-ci. Prenant l’exemple du pin cette fois-ci, celui-ci ne pourra être mycorhizé que par le champignon Lactarius deliciosus. Il existe deux types de mycorhizes : les endomycorhizes, et les ectomycorhizes. • • Les endomycorhizes sont caractérisées par la pénétration des parois de la plante par le champignon en vue d’augmenter les échanges entre les deux partenaires. On retrouve des fossiles de cette symbiose datant d’entre -400 et -450Ma, et l’on suppose qu’elle est à l’origine de la colonisation par les végétaux du milieu terrestre. Le champignon ne peut cependant pas effectuer un cycle de vie complet et se reproduire sans son partenaire, mais peut cependant produire des spores en vue de survivre. Les ectomycorhizes, apparues plus longtemps après, sont beaucoup plus diversifiées et concernent plusieurs familles de champignons, majoritairement des basidiomycètes ainsi que quelques ascomycètes d’intérêt culinaire majeur comme la truffe. Le développement souterrain du champignon y est très important, et l’on y trouve une unique fructification, un seul carpophore. Ces interactions permettent la solubilisation et l’assimilation de phosphates, ainsi qu’un apport important en composés azotés. La tolérance aux stress hydriques et salins ainsi qu’aux métaux lourds est plus grande, de même que la résistance aux maladies biotiques. La plante fournit en échange de 4 à 20% du carbone qu’elle fixe. SYMBIOSES ECTOMYCORHIZIENNES Les symbioses ectomycorhiziennes sont caractérisées par le développement d’ectomycorhizes, consistant en des racines courtes fortement ramifiées au sein desquelles espaces intercellulaires et méats sont colonisés par les hyphes du champignon symbiotique. Ceux-ci ne pénètrent jamais les cellules, et n’atteignent jamais l’endoderme. Ces symbioses se retrouvent majoritairement chez les plantes ligneuses. Les 5000 à 6000 espèces de champignons impliquées, ascomycètes et basidiomycètes confondus, pratiquent une reproduction sexuée. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 11 SYMBIOSES ENDOMYCORHIZIENNES Les symbioses endomycorhiziennes concernent 70% des plantes non ligneuses, également dites herbacées. Les symbiontes sont répartis au sein du groupe des gloméromycètes selon 7 genres et 159 espèces de champignons se reproduisant de façon asexuée. Afin de former des endomycorhizes, les spores libérées par le symbionte doivent rencontrer une plante hôte. Elles germent alors à la surface de racines sur lesquelles elles ont été déposées, formant un appressorium. Celui-ci se ramifie par la suite en arbuscules ou forme des pelotons au sein des structures cellulaires du végétal, tout en synthétisant néanmoins une membrane permettant d’éviter un contact direct avec le cytosol des cellules colonisées, et autorisant le transfert de composés de par la présence de transporteurs de phosphate. Les cellules colonisées ne sont en aucun cas détruites, et sont prêtes à accueillir un autre arbuscule éventuel. Tout comme la mise en place de l’interaction entre Rhizobium et légumineuses repose sur un système de signalisation par facteurs Nod, V1 et V2, les symbioses mycorhiziennes sont mises en place à travers une voie de signalisation Myc, encore mal connue. UTILISATION Les mycorhizes sont d’une grande importance d’ordre écologique, taxonomique, et agronomique. Ils sont en effet utilisés en alimentation humaine à travers la production de champignons comestibles, en sylviculture, en horticulture également. Prenons l’exemple des orchidées, étant des organismes symbiotiques obligatoires, leurs micrograines ne comprenant aucune réserve étant incapables de germer sans apports de leur champignon symbiotique. LES INTERACTIONS PATHOGENES Bien que la spécificité parasitaire soit généralement élevée, il existe une très grande diversité d’agents (champignons, bactéries, virus, nématodes, autres végétaux) et d’interactions phytopathogènes. Le parasite peut ainsi être facultatif ou obligatoire, et épiphyte ou interne intracellulaire ou interne extracellulaire. On distingue deux classes de parasites : • • Les holoparasites, qui ne possèdent aucune capacité photosynthétique et sont ainsi des parasites obligatoires Les hémiparasites, qui sont à la recherche de composés azotés et de sels minéraux, s’accrochent ainsi aux racines (on les dit épirhizes, par exemple le gui) ou aux parties externes de la plante (ils sont alors considérés d’épiphytes, par exemple le striga) Il existe un échange de signaux entre le parasite et son hôte, ce dernier indiquant qu’il est temps au parasite de former son haustorium. La résistance des plantes à ces interactions dépend essentiellement de leur génotype. LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 12