SocIErFB,CONSOMMATIONETCONSOMMATEURS Marketing et

publicité
Collection « Dossiers Sciences Humaines et Sociales»
dirigée par Isabelle GARABUAu-MouSSAOUI
Série « Consommations
et sociétés»
Sous la direction de
Eric REMY,
Isabelle GARABUAU-MouSSAOUI,
Dominique DESJEUX,
Marc FILSER
SocIErFB,CONSOMMATIONETCONSOMMATEURS
Marketing et sciences sociales
à la rencontre de la consommation
Sélection d'articles issus des lères Journées Normandes
de Recherche sur la Consommation
« Sociétés et consommation»
Rouen -26 et 27 mars 2002
L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris
FRANCE
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
HONGRIE
L'Harmattan Italia
Via Bava, 37
10214 Torino
ITALIE
La série «Consommations
et sociétés» souhaite développer les
approches pluridisciplinaires sur la consommation et l'interculturel.
Elle fonctionne sous forme de cahier, avec un comité de lecture qui
sélectionne les articles, autour d'un thème construit par un (ou des)
coordinateur(s).
Responsable:
Dominique Desjeux
Comité de lecture et d'aide à la rédaction
Olivier Badot (Paris), Anne-Sophie Boisard (Guangzhou, Paris), Sophie
Bouly de Lesdain (Paris), Mathilde Bourrier (Paris), Sophie Chevalier
(Besançon, Paris), Laure Ciosi-Houcke (Marseille), Fabrice Clochard (Paris),
Frank Cochoy (Toulouse), Séverine Dessajan (Paris), Nicoletta Diasio
(Strasbourg, Rome), Judith Ferrando y Puig (Paris), Gérald Gaglio (Paris),
Isabelle Garabuau- Moussaoui (Paris), Stéphanie Giamporcaro-Saunière
(Paris), Isabelle Hanifi (Montréal, Paris), Ray Hom (Paris, Tampa), Nicolas
Hossard (Paris), Pascal Hug (Paris), Magdalena Jarvin (Paris, Suède), JeanFrançois Lemoine (Nantes), Jean-Sébastien Marcoux (Montréal), Olivier
Marty (Paris), Anne Monjaret (Paris), Elise Palomares (Paris), Magali Pierre
(Paris), Eric Remy (Rouen), Mélanie Roustan (Paris), Christine Sitchet (NewYork), Nina Testut (Paris), Karen Twidle (Paris, Londres), Yang Xiao-Min
(Paris-Guangzhou).
Réseau international, scientifique et professionnel
Isabel Andreen (Grande Bretagne), Eric Arnould (Etats-Unis), Soren
Askegaard (Danemark), Gary Bamossy (Etats-Unis), Russel Belk (EtatsUnis), Ampelio Bucci (Italie), Jean-Pierre Corbeau (France), Bernard Cova
(France), Sophie Dubuisson-Quellier (France), Mary Douglas (GrandeBretagne), Guliz Ger (Turquie), Georges Hénault (Canada), Isabelle Favre
(Australie), Marc Filser (France), Tine Vinje François (Danemark), Karim
Kacem (France), Brigitte Grandjean (France), Benoit Heilbrunn (France),
Patrick Hetzel (France), David Howes (Montreal), Alexandre Mallard
(France), Eric Marchandet (France), Mohamed Mebtoul (Algérie), Joël
Meissonier (Istanbul, Paris), Daniel Miller (Grande-Bretagne), Jean-Philippe
Neuville (France), Mark Neumann (Etats-Unis), Emmanuel Ndione (Sénégal),
Isabelle Orhant (France), Lionel Panafit (France), Bruno Péquignot (Paris),
Jean-Pierre Poulain (France), Georges Ritzer (Etats-Unis), Agnès Rocamora
(Grande Bretagne), Jean-Claude Ruano-Borbalan (France), Annick Sjogren
(Suède), Don Slater (Grande Bretagne), Anne Valendru (Grande-Bretagne),
Jean-Pierre Warnier (France), Zheng Lihua (Chine).
Pour toute proposition
de publication
écrire à :
Dominique Desjeux - Tél: 01.42.23.56.25 E-mail: [email protected]
ou Isabelle Garabuau-Moussaoui : [email protected]
Cette série est publiée avec le concours du Magistère de Sciences
Sociales de Paris 5.
SOMMAIRE
9
PRESENTATION DES AUTEURS
INTRODUCTIONS
Vingt ans de recherche
consommateur
Marc Filser
La consommation en sociétés
DominiqueDesjeux
PREMIERE
P ARTIE - REGARDS
CROISES
en
comportement
du
15
21
SUR LA CONSOMMATION
Le marketing élargi à la sphère sociale
Angélique Rodhain
Une anthropologie
41
Isabelle Garabuau-Moussaoui
DEUXIEME
PARTIE - GROUPES
ET CONSOMMATIONS
Groupes de référence et communautés sur Internet:
Quels modes d'influence interpersonnelle au sein des
groupes de discussion?
RenaudGarcia-Bardidia
Pourquoi parler de tribus qui consomment?
Bernard Cova
TROISIEME
29
par la consommation
PARTIE -CONSOMMATIONS
57
69
D'EXPERIENCES
Les modalités de l'appropriation de l'expérience de
consommation: le cas du tourisme urbain
RichardLadwein
Les supporters de football: De grands consommateurs de
symboles
ChristianDerbaix,AlainDecrop,OlivierCabossart
La valorisation de l'expérience de restauration horsdomicile: l'apport des théories de la recherche de variété
et du réenchantement
Lucie Sirieix,Marc Filser
L'expérience de consommation de spectacles vivants: de
nouvelles perspectives de recherche
DominiqueBourgeon,PatrickBouchet,MathildePulh
CONCLUSION
Joël Brée
85
99
113
127
143
COMPTE-RENDU
De l'ouvrage Alternatives Marketing
Par OlivierBadot
147
PRESENTATION
DES AUTEURS
Olivier BADOTest Professeur à ESCP-EAP et chercheur au centre
de recherche spécialisé en distribution et commerce électronique de
cette même école, le CERIDICE. Il est également Fellow au Centre on
Governance de l'Université d'Ottawa et chercheur associé au CERLIS
(Université René Descartes-Paris V Sorbonne/CNRS).
Patrick BOUCHET est Maître de Conférences à l'Université de
Bourgogne. Ses thématiques de recherche sont axées sur la
compréhension des comportements dans le domaine de la
consommation récréative, notamment dans les domaines des loisirs et
du tourisme sportifs.
Dominique BOURGEON-RENAULTest Professeur en Sciences de
Gestion à l'Université de Franche-Comté, membre permanent du
CURE GE, et membre associé du CERMAB (LATEC - Université de
Bourgogne). Ses centres d'intérêt concernent le comportement du
consommateur et le marketing des activités de services,
particulièrement dans le domaine des arts et de la culture.
Joël BREE est Professeur à l'Université de Caen et au groupe ESC
Rouen Directeur du CIME (Caen-Innovation-Marché-Entreprise) et de
l'IREM (Institut de REcherche et d'Etudes Marketing).
E-mails:[email protected]@esc-rouen.fr
Olivier CABOSSART est assistant-chercheur au département
marketing des Facultés Universitaires Catholiques de Mons (FUCaM)
et membre du LABACC. Ses centres d'intérêts portent sur l'Analyse
du Comportement du Consommateur et les recherches basées sur la
méthodologie interprétative.
Bernard COY A est professeur de marketing à l'ESCP-EAP. Ses
recherches s'inscrivent dans le courant dit postmoderne ou interprétatif
de l'étude de la consommation.
E.mail: [email protected]
Alain DECROP est
Notre-Dame de la Paix
l'Université Catholique
LABACC. Ses intérêts
chargé de cours aux Facultés Universitaires
(FUNDP) à Namur, chargé de cours invité à
de Louvain (UCL) et membre associé du
de recherche portent sur le comportement du
consommateur, les méthodes de recherche qualitatives et le marketing
des loisirs.
Dominique DESJEUXest Professeur d'anthropologie sociale à la
Sorbonne (université Paris 5), animateur du réseau Argonautes,
coresponsable de l'axe «Cultures, consommations et sociétés» au
CERLIS (CNRS). Il est également professeur invité à USF en Floride
(USA), et à l'Université des Etudes Etrangères du Guangdong
(Canton, Chine). Il est directeur de collection aux PUF et rédacteur en
chef de la revue Consommations et sociétés. Il était également coprésident des 1ères Journées Normandes de Recherches sur la
Consommation.
Site: www.argonautes.fr
Christian DERBAIX est Professeur Ordinaire aux Facultés
Universitaires Catholiques de Mons (Belgique) où il dirige le
Laboratoire d'Analyse du Comportement du Consommateur
(LABACC). Il est actuellement Président de l'Association Française
du Marketing. Ses recherches sont centrées sur l'impact des réactions
déclenchées par les annonces publicitaires sur l'attitude envers les
marques, l'étude des réactions affectives, la problématique de l'enfantconsommateur et la consommation symbolique.
Marc FILSER est Professeur de Sciences de gestion à l'IAE de
Dijon (Université de Bourgogne). Il y dirige le CERMAB, Centre de
Recherche en Marketing de Bourgogne, membre du LATEC (UMR
CNRS 5118), et le programme doctoral de marketing. Ses travaux de
recherche et publications concernent le comportement du
consommateur, la distribution, et les activités marketing des
institutions culturelles.
Isabelle GARABUAU-MouSSAOUIest sociologue/anthropologue
de la consommation. Elle a effectué un doctorat d'anthropologie
sociale à Paris 5, au CERLIS, sous la direction de Dominique
Desj eux. Elle a été responsable d'études puis directrice de la
recherche à Argonautes SARL. Elle est chargée de cours dans
différentes universités et écoles de commerce (sur l'alimentation et la
consommation) et mène une activité de recherche appliquée sur la
consommation.
E-mail: [email protected]
10
Renaud GARCIA-BARDIDIAest ATER. à l'Université d'Evry Val
d'Essonne et doctorant à l'Université Paris I Panthéon Sorbonne. Ses
recherches portent sur les interactions sociales sur Internet et leur
impact sur la consommation (OSES SIM Paris I).
Richard LADWEINest Professeur à l'Institut d'Administration des
Entreprises de l'Université de Lille où il est directeur-adjoint de
l'équipe de recherche en marketing (EREM). Spécialisé dans l'étude
du comportement du consommateur et de l'acheteur, il est l'auteur de
plusieurs ouvrages et articles sur cette thématique.
E-mail: [email protected]
Site: http://www.culture-materielle.com
Mathilde PULH est ATER à l'Université de Bourgogne. Ses
recherches sont consacrées à l'analyse de la valorisation de
l'expérience de consommation, notamment dans le domaine du
spectacle vivant, ainsi qu'à l'étude du caractère social de cette
expérience. Elle a soutenu en décembre 2002 une thèse de Sciences de
Gestion, préparée dans le cadre du CERMAB, traitant de la valeur de
consommation, attachée à la fréquentation des festivals d'arts de la
rue.
Éric REMY est Maître de Conférences à l'Université de Rouen.
Ses recherches, dans le cadre du CREGO, portent sur la
consommation et la socialisation de l'offre des entreprises.
E-mail: [email protected]
Angélique RODHAINest doctorante en marketing à Montpellier
(CREGO). Sa thèse, sous la direction des professeurs Pierre-Louis
Dubois et Philippe Aurier, porte sur « le rôle de l'école dans la
formation d'une relation entre l'enfant et la marque ».
E-mail: [email protected]
Lucie SIRIEIX est Professeur à l'ENSA, Montpellier.
E-mail: [email protected]).
Il
INTRODUCTIONS
VINGT
ANS DE RECHERCHE
EN COMPORTEMENT
DU
CONSOMMATEUR
Marc
FILSER
Cette conférence introductive a pour objet l'analyse de l'évolution
de la recherche en comportement du consommateur dans le champ du
marketing. Cette analyse, portant sur les vingt dernières années,
montre comment les fondements théoriques du modèle dominant en
marketing se sont trouvés bousculés par trois ruptures maj eures :
l'expérience de consommation (Holbrook et Hirschman, 1982), la
diversité théorique et méthodologique (Hirschman et Holbrook, 1992)
et le structuralisme de la consommation exploré empiriquement par le
projet "Consumer Odyssey", et théorisé notamment par Holt (1995).
Afin de bien comprendre I'hétérodoxie de ces travaux, il convient de
revenir préalablement sur la description du modèle dominant.
LE MODELE DOMINANT
Le cadre théorique de ce modèle repose sur un fondement microéconomique implicite mais très présent. On y décrit ainsi un
consommateur maximisant une fonction d'utilité sous contraintes
(temps/budget) en recourant à l'information. Se faisant, on se fixe sur
une vision essentiellement cognitiviste du consommateur. Malgré des
enrichissements successifs, par des emprunts massifs à la psychologie,
et marginalement à la sociologie et l'anthropologie, la recherche
demeure focalisée sur l'achat plutôt que sur la consommation. A ce
carcan théorique vient s' ajouter une contrainte opérationnelle forte
caractérisée par:
Une subordination à une conception kotlerienne d'un marketing
reposant essentiellement sur l'identification de la demande et la
construction d'une offre en réponse à cette demande,
La primauté latente de la mesure,
Une orientation vers la formulation de stratégies par la
segmentation et le positionnement, suivie d'une opérationalisation
au travers des variables du mix. Ces formulations stratégiques se
focalisent principalement sur le produit ou la marque plutôt que
sur les univers de consommation.
Malgré d'indéniables résultats dans la compréhension du
comportement d'achat du consommateur, il semble que ce modèle
dominant se heurte, ces dernières années, à une double limite. D'un
côté, ayant de plus en plus de difficultés à tester globalement les
interactions entre les variables mises en avant dans ce type d'analyse
.
..
du comportement, on assiste à des eXIgences méthodologiques
croissantes en termes de mesure.
D'un autre côté, l'évolution vers la modélisation de relations
ponctuelles autour de la énième équation structurale, testée bien
souvent sur un échantillon d'étudiants, s'avère dans ce contexte
intéressante au plan méthodologique, mais reste la plupart du temps
très limitée en matière de compréhension générale du comportement
de consommation et de transposition à de groupes de "vrais"
consommateurs.
La référence à un nouveau cadre théorique s'avère alors
nécessaire. C'est ici qu'interviennent les ruptures les plus profondes
par rapport au modèle dominant.
PREMIERE
RUPTURE:
L'EXPERIENCE
DE CONSOMMATION
La première rupture face à ce modèle dominant fait référence au
modèle de recherche d'expérience proposé par Holbrook et Hirschman
(1982). Dans cette première étape, l'objet est moins la quête d'un
modèle
substituable
que
la définition
de propositions
complémentaires. Ainsi, si le modèle dominant repose sur le
traitement de l'information lors de la situation d'achat, il semble
possible dans certaines situations de penser que le consommateur
favorise plus la recherche d'expérience. Dans ce cas, il convient de
reformuler la hiérarchie des effets (Cognition! Affect/Comportement),
notamment en insistant sur la dimension affective et ses agrégats:
Fantasies/Feelings/Fun. Les variables explicatives du comportement
de consommation trouvent alors leur source principale dans le
paradigme de la stimulation. L'attention des chercheurs doit se
focaliser sur les jugements esthétiques ainsi que sur la recherche de
sensations et le besoin de stimulation. Si cette approche par
l'expérience augmente et précise tout d'abord la compréhension de la
consommation de certaines catégories de produits spécifiques (culture,
loisirs, tourisme ), elle va surtout renouveler le champ théorique,
ouvrant ainsi la voie à une radicalisation qui marquera la seconde
étape. On regrettera néanmoins la faiblesse du nombre d'applications
empiriques de ce modèle, d'autant plus paradoxale que le cadre
théorique lui-même est fréquemment évoqué dans les revues de
littérature.
16
SECONDE RUPTURE:
« POSTMODERN
CONSUMER RESEARCH»
La seconde rupture, illustrée par la publication de l'ouvrage
«Postmodern consumer research» est plus flagrante. Hirschman et
Holbrook (1992) viennent en quelque sorte élargir la remise en cause
théorique initiée par la proposition du modèle de recherche
d'expériences. Ils ne se contentent plus de proposer une alternative à la
formulation des étapes du processus de décision d'achat, mais ils
entreprennent d'évaluer les apports à l'exploration de la sphère de la
consommation
que
peuvent
procurer
des
conceptions
épistémologiques
radicalement
nouvelles,
et
généralement
antagonistes. Ceci permet de reconnaître le caractère structurant de
toute
une
série
d'oppositions:
Individu/groupe;
Information/expérience; Produit/catégorie. Mais l'apport principal de
cet ouvrage reste la justification de la diversité méthodologique. Avec
ce programme de recherche et l'émergence d'une spécialisation des
supports académiques autour du Journal of Consumer Research, on
assiste à une légitimation de l'analyse de la consommation comme
texte. La recherche sur le comportement de consommation doit
s'ouvrir à la mobilisation des approches ethnographiques,
sémiotiques, herméneutiques ou anthropologiques.
TROISIEME
RUPTURE:
LE STRUCTURALISME
DE HOLT
La troisième rupture fait quant à elle référence au structuralisme de
Holt (1995). Il s'agit en fait de revenir sur le statut de la
consommation et notamment sur la pluralité des structures de
consommation. Cette réflexion théorique trouve en partie son
fondement dans les apports empiriques du projet "Consumer Odyssey"
(Belk, Wallendorf et Sherry, 1988) A partir d'une distinction entre,
d'une part une consommation qui poursuit une orientation extrinsèque
(comme moyen d'une fin) ou intrinsèque (comme une fin en soi) et,
d'autre part une consommation aux motifs individuels (orientée vers
soi) ou sociaux (orientée vers les autres), Holt propose une
classification des rôles potentiels que peut jouer la consommation.
L'objet d'analyse se déplace ainsi vers la prise en compte d'un
système de consommation (Holt, 1997) dans lequel l'individu n'achète
pas des produits isolés, mais des éléments qui composent ce système.
Il convient alors de partir des manifestations de la consommation pour
remonter aux explications des décisions. On trouve aujourd 'hui de
nombreux prolongements de cette réflexion autour du statut de la
consommation dans notre société, par exemple dans les théories de la
"Macdonaldisation" et du réenchantement développées par Ritzer
17
(1995, 1999). L'évolution postulée de notre société, notamment dans
des références postmodernes, comme une société des "moyens de
consommation", des "cathédrales de la consommation" ou bien
encore, la consommation comme fer de lance du réenchantement du
quotidien.
CONCLUSION
Ce qu'ont permis de révéler ces trois ruptures peut se résumer en
trois points:
1. Tout d'abord, ces différents travaux mettent bien en avant que la
consommation est devenue l'activité majeure de notre société, et qu'en
ce sens, elle s'est substituée à la production comme moteur de la
crOIssance.
2. Au plan du marketing, ces ruptures marquent l'épuisement du
paradigme "proctero-kotlerien", expression proposée par Yves Evrard
en 1997 lors de la 1ère Journée de Recherche en Marketing de
Bourgogne pour résumer la conjonction de pratiques opérationnelles
faisant référence au cadre théorique développé par Kotler. A ces
dimensions d'un marketing désormais classique, viennent s' ajouter
d'autres problématiques:
. Au marketing de la demande vient s'ajouter un marketing de
l'offre,
A l'individualisation de l'offre s'oppose un marketing tribal,
Au marketing transactionnel peut se substituer à des degrés divers
un marketing relationnel (Marion, 2001).
Le marketing de la prescription peut laisser la place à un marketing
de l'appropriation (Cova et Cova, 2001).
..
.
Enfin, une question est désormais posée, et c'est dans ce sens que
doit s'orienter une grande partie des recherches à venir: quel cadre
théorique peut rendre compte de l'évolution des comportements de
consommation et de pratiques des entreprises?
Les journées de recherche en marketing de Bourgogne depuis
quelques années, et désormais celles de Normandie marquées par une
volonté pluridisciplinaire, semblent bien ainsi s'inscrire dans ce
champ de recherche aux contours des plus prometteurs.
18
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
Belk Russell W., Melanie Wallendorf et John F. Sherry, 1989, "The
Sacred and the Profane in Consumer Behavior: Theodicy on the
Odyssey" , Journal of Consumer Research, 16, June, 1-38
Cova Véronique et Bernard Cova, 2001, Alternatives Marketing,
Dunod, Paris
Hirschman Elizabeth C. et Morris B. Holbrook, 1992, Posmodern
Consumer Research. The Study of Consumption as Text, Sage,
Newbury Park
Holbrook Morris B.et Elizabeth.C.Hirschman,
1982, "The
Experiential Aspects of Consumption: Consumer Fantasies,
Feelings and Fun", Journal of Consumer Research, 9, 2, 132-140
Holt Douglas B., 1995, "How Consumers Consume: A Typology of
Consumption Practices", Journal of Consumer Research, Vo1.22,
June, 1-16
Holt Douglas B., 1997, "Poststructuralist Lifestyle Analysis:
Conceptualizing the Social Patterning of Consumption in
Postmodernity", Journal of Consumer Research, Vo1.23, March,
pp.326-350
Marion, Gilles, 2001, "Le marketing relationnel existe-t-il?",
Décisions Marketing, 22, Janvier-Avril, 7-16
Ritzer George, 1996, The McDonaldization of Society, Pine Forge
Press, Thousand Oaks, Ca
Ritzer George, 1999, Enchanting a Disenchanted
World.
Revolutionizing the Means of Consumption, Pine Forge Press,
Thousand Oaks, Ca
19
LA CONSOMMATION
Dominique
EN SOCIETES
DESJEUX
Le titre même du colloque «Sociétés et consommation» peut
paraître évident ou anodin. En réalité, il marque une évolution
significative dans la façon d'aborder les questions de consommation,
de consommateur et de société 1.
En premier lieu, il signifie que les recherches sur la consommation
ne se limitent plus aux seules approches individuelles, orthodoxes et
hétérodoxes, même si elles restent touj ours pertinentes, mais qu'elles
prennent aussi en compte les approches sociétales aussi diverses
soient-elles. En deuxième lieu, il symbolise le rapprochement entre
une partie des sciences de gestion et une partie des sciences sociales,
et tout particulièrement ici l'anthropologie et la sociologie, au moins
celles qui s'intéressent à la consommation et aux usages des biens et
serVices.
Travailler ensemble, - ce qui est un réel plaisir par le décentrement
qu'il permet, mais aussi parfois une vraie souffrance intérieure face au
choc que représentent les différences de point de vue, de méthode et
de critères de scientificité -, demande de rechercher à la fois ce qui est
commun aux différentes approches et ce qui les distingue. Ce qui est
commun c'est l' objet consommation; ce qui varie c'est son extension,
ses échelles d'observation et à chaque échelle, ses angles d'approches
ou ses découpages.
Il me semble que les principales distinctions portent aujourd'hui
sur la place que chacun accorde dans ses recherches aux décisions
individuelles ou aux décisions collectives. Quand le chercheur se
focalise sur I'individuel, les distinctions portent sur la place du
conscient et du rationnel d'un côté, et de l'affectif, de l' expérientiel,
voire de l'inconscient, de l'autre.
Comme décision individuelle, la consommation est plus analysée
comme un arbitrage entre des préférences matérielles ou symboliques
à un moment donné; comme décision collective dans l'espace
domestique, elle est plus considérée comme un processus dans le
temps tout au long d'un itinéraire ou dans le cadre d'un système
d'action dans lequel des acteurs organisent la rencontre de l'offre et de
la demande, comme les « agents hybrides» chargés de mettre en place
des dispositifs d'arbitrage visant le consommateur/ Ane de Buridan de
Frank Cochoy (2002).
1 Je remercie tout particulièrement Eric Rémy sans qui ces journées n'auraient
pas vu le jour.
Les distinctions portent aussi sur la place que chacun accorde aux
comportements centrés soit sur l'achat de biens et services, et à travers
les explications des comportements d'achat les enquêtes se focalisent
sur la marque, ses représentations, son imaginaire, ses signes, son
identité et sa dimension patrimoniale pour l'entreprise; soit sur les
usages et les effets d'appartenance sociale ou de situation qui
participent des pratiques de consommation, et dans ce cas l'analyse
porte plus sur des objet concrets que sur la marque.
Ceci veut bien souvent dire que dans le premier cas, celui de
l'analyse centrée sur la marque, le chercheur travaille plus pour les
services du marketing et de la communication, et que dans le second
cas il travaille plus pour la recherche développement, les études et la
prospective. Ceci montre que, d'un point de vue sociologique, la
connaissance n'existe pas en soi mais qu'elle est encastrée dans un jeu
social, celui du processus de production de l'entreprise ou de
l'organisation, qui conditionne sa production, ses résultats et donc sa
pertinence. C'est ce qui explique une partie des clivages entre sciences
sociales et sciences de gestion.
L'anthropologie de la consommation et la microsociologie du
quotidien mettent l'accent sur la dimension sociétale, au moins sur
trois plans, celui de la société, celui des interactions sociales et celui
de la critique de la société.
LA CONSOMMATION
EST UN ANALYSEUR
DE LA SOCIETE
La consommation est un marqueur des appartenances et des
différenciations sociales (classes, genres, générations et cultures). Elle
est donc un marqueur des distinctions sociales entre groupes sociaux.
A une échelle macro-sociale, la consommation permet de bien faire
apparaître les habitus, les normes incorporées par les groupes sociaux.
Cependant il faut noter que l'effet appartenance sociale, notamment
l'effet classe, ne fonctionne pas de façon mécanique. Comme le
montre Fabien Ohl dans son HDR sur la consommation sportive, en
2002, l'effet classe ne semble pas jouer au moment des grandes
manifestations sportives qui sont multi classes, alors que l'effet classe
joue sur les pratiques sportives, le golf en étant un bon exemple en
France. De même si on prend un autre concept d'appartenance comme
celui de tribu, nous voyons qu'il fonctionne bien, sur un autre registre,
celui de l'émotion, dans le cas des raves, des slams ou d 'Halloween,
mais qu'il est peu explicatif des comportements de la «ménagère de
moins de 50 ans» et des comportements des salariés en entreprise qui
travaillent sous contrainte forte de productivité.
22
La consommation est aussi marqueur des exclusions sociales,
comme l'a montré Halbwachs dès 1912 pour les consommations
ouvrières, et des mouvements sociaux. Je suis frappé de constater que
souvent dans les journaux, ce sont les supermarchés et les lieux
symboliques de la consommation, comme McDonald's, qui font
l' objet de destruction et de dégradation, en France et dans le monde.
Les supermarchés en particulier et les lieux de commercialisation en
général, comme l'a déjà évoqué Olivier Badot, deviennent des
institutions qui symbolisent l'inclusion si l'on peut consommer, et
l'exclusion si l'accès à la consommation est interdit ou difficile.
La consommation est un analyseur des rapports de pouvoirs et de
l'action des groupes de pression autour du contrôle de la définition des
règles, des droits et de la nature des informations qui sont associées à
la consommation et aux pratiques des consommateurs. Les Etats
nationaux et Bruxelles y jouent un rôle important comme l'a démontré
Adam Burgess dans «Flatering consumption: Creating a Europe of
Consumer» (Journal of Consumer Culture, june 2001).
La consommation est aussi un analyseur des étapes du cycle de
vie: les objets sont des marqueurs de passage et d'appartenance à une
génération ou au groupe des pairs, et au mode de vie qui lui est
associé: l'alcool, le diamant, le permis de conduire, les j eux de rôle,
etc. C'est ce que montre tout particulièrement Isabelle GarabuauMousaoui dans sa recherche sur la jeunesse et l'alimentation, Cuisine
et indépendances (2002).
Enfin, la consommation est un analyseur des mobilités urbaines:
acheter demande de se déplacer. La consommation représente donc
une des sources non négligeables des déplacements urbains, ce qui
vient d'être analysé par Alain Metton (Paris 12) et son équipe pour le
ministère de l'Equipement. En ce sens, la consommation participe à la
fois de la compétition pour l'occupation des espaces de circulation
urbains suivant que l'on fait ses courses en voiture, en transport
collectif, en vélo, en roller, en bateau ou à pieds, ceci variant
beaucoup suivant les cultures, et dans les stratégies d'implantation des
lieux d'approvisionnement auprès des gares hier pour les grands
magasins à Paris, et dans la périphérie pour les grandes surfaces
aujourd 'hui.
23
LA CONSOMMATION
EST UN ANALYSEUR DES INTERACTIONS
SOCIALES:
ELLE EST AU FONDEMENT DU LIEN SOCIAL ET DE
L'ECHANGE MARCHAND ET NON MARCHAND
La consommation comme lien social et donc comme forme de
l'échange social, renvoie à trois débats. Le premier débat porte sur la
nouveauté du phénomène. Le lien entre bien et lien est-il nouveau?
Pour Bernard Cova, le fait que le « lien l'emporte sur le bien» est un
phénomène post moderne nouveau. Au contraire, en anthropologie
c'est un phénomène ancien. Consommer, de façon marchande ou non,
c'est créer, entretenir, renforcer du lien social, et ceci depuis les
débuts de 1'histoire de 1'humanité, et principalement autour de la
consommation alimentaire, comme l'a montré Mary Douglas et Baron
Isherwood dans The World of Goods, en 1979.
Le deuxième débat est historique. Les travaux de McKendrick,
Brewer et Porter, en histoire de la consommation, comme dans
Consumption and the world of Goods, ou de Colin Campbell sur The
Romantic Ethic and the Spirit of Modern Consumerism dans les
années quatre vingt et quatre vingt dix discutent des transformations
de la société de consommation. Le problème est de déterminer à quel
moment est née la société de consommation marchande. Pour la
plupart des historiens, c'est au milieu du 18ème siècle quelle est née
en Angleterre, en France, aux Pays Bas et aux USA, même si les
explications varient depuis les explications démographiques jusqu'aux
explications wébériennes de C. Campbell. Ensuite, la question est de
savoir à quel moment la société s'est transformée en société de
« grande consommation », soit semble-t-il, vers les années vingt aux
USA, et les années soixante en Europe.
Le troisième débat porte sur la place des rapports marchands et du
don à l'intérieur des échanges sociaux, notamment avec Alain Caillé
et sa critique anti-utilitariste. L'anthropologie montre que les deux
peuvent se recouper en fonction des étapes de circulation des objets :
un même objet en fonction de sa vie sociale, pour reprendre
Appadurai et Kopitoff, peut changer de valeur et de sens, marchandise
ou don, comme le réfrigérateur qui circule au sein de la famille. A ce
débat est associé celui de l'imaginaire et de l'intérêt qui là encore
varie en fonctions des situations. Ce débat touche à la question de la
rationalisation et du désenchantement du monde qui lui est associé
selon Max Weber, et qui sera repris par George Ritzer et sa théorie de
la mcdonalisation. Nous pouvons comprendre cette théorie comme
une nouvelle forme de rationalisation pris au sens d'un nouveau
fordisme, et donc qui demande que le monde soit réenchanté pour lui
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