Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique N°38 : février 2003 Lois de bioéthique : vote en 1ere lecture à l’Assemblée et au Sénat Le 30 janvier 2003, le Sénat a modifié en première lecture le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en première lecture en janvier 2002, relatif à la bioéthique. Nous vous proposons ici un parallèle entre le texte voté à l’Assemblée nationale en 2002 et celui voté par le Sénat en 2003. La seconde lecture à l’Assemblée nationale est attendue avant l’été 2003. La recherche sur l'embryon est la clef du débat : faut-il autoriser la recherche sur les embryons surnuméraires, la création d'embryons pour la recherche, le clonage thérapeutique et reproductif ? Projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 22 janvier 2002 Autorisation de la recherche sur l’embryon Le texte prévoit d’autoriser la recherche sur les embryons surnuméraires actuellement congelés, (article L.2151-3) : « Est autorisée la recherche menée sur l’embryon humain et les cellules embryonnaires qui s’inscrit dans une finalité médicale (...) » « Une recherche ne peut être conduite que sur les embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental. Elle ne peut être effectuée, après un délai de réflexion de trois mois, qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont ils sont issus (...) ». Autorisation de la création d’embryons pour la recherche dans le cadre de l’AMP Ce n’est pas seulement la recherche sur l’embryon surnuméraire qui a été autorisée mais aussi la conception d’embryons en vue de la recherche, comme en dispose l’article L.2151-2 : « La conception in vitro d’embryons humains à des fins de recherche est interdite, sans préjudice des dispositions prévues à l’article L.2141-1 ». Mais l’article L.2141-1, qui traite de l’évaluation des nouvelles techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP), se termine ainsi : « A l’issue du processus d’évaluation, les embryons dont la conception résulterait de cette évaluation ne peuvent être ni conservés, ni transférés, ni entrer dans le cadre d’un projet de recherche au titre de l’article L.2151-3 ». Ainsi, bien que la conception in vitro d'embryons humains à des fins de recherche soit déclarée interdite, on autorise néanmoins la création d’embryons pour évaluer de nouvelles techniques de procréation médicalement assistée. Projet de loi adopté par le Sénat en première lecture le 30 janvier 2003 Autorisation de la recherche sur l'embryon, par dérogation L’article L2151-3 amendé par le Sénat pose comme principe l’interdiction de la recherche sur l'embryon humain mais introduit des dérogations dans un 3° alinéa : Alinéa 1 : « La recherche sur l’embryon humain est interdite ». Alinéa 3 : « Par dérogation au premier alinéa, et pour une période limitée à 5 ans, (...) les recherches peuvent être autorisées sur l'embryon et les cellules embryonnaires lorsqu'elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état des connaissances scientifiques. Les recherches dont les protocoles ont été autorisés dans ce délai de 5 ans et qui n'ont pu être menées à leur terme dans le cadre dudit protocole peuvent néanmoins être poursuivies dans le respect des conditions du présent article.... » Ce 3ème alinéa a été adopté par 280 voix contre 22. L'ensemble de cet amendement 121bis rectifié du Gouvernement, a été adopté par 195 voix contre 108. Interdiction de la création d'embryon pour la recherche dans le cadre de l'AMP Le nouvel article L2151-2 du code de la santé publique modifié par l'amendement 117 rectifié, supprime l'exception prévue par l’Assemblée nationale dans le cadre de l’AMP: «La conception in vitro d'embryon ou la constitution par clonage d'embryon humain à des fins de recherche est interdite". «Un embryon humain ne peut être ni conçu, ni constitué par clonage, ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles.» Ainsi le Sénat interdit la conception in vitro d’embryon à des fins de recherche ou à des fins commerciales, mais notons qu’il n’interdit pas la conception in vitro d’embryon à des fins thérapeutiques, alors qu’il prend la peine de préciser cette interdiction pour le clonage. (cf paragraphe clonage thérapeutique) Gènéthique - n°38 février 2003 Rejet du clonage « Est interdite toute pratique ayant pour but de faire naître un enfant ou se développer un embryon qui ne seraient pas directement issus des gamètes d'un homme et d'une femme ». Se trouve ainsi posée l'interdiction du clonage reproductif, voire du clonage dit thérapeutique. L’ouverture au clonage L’interdiction proposée viserait « toute intervention » ayant pour finalité la naissance d’un enfant ou le développement d’un embryon, sans préciser la nature de celle-ci. Il s’agirait donc de tous les actes qui rendraient possible cette naissance ou qui permettraient que se développe un embryon, que ce soit in vitro ou in vivo. Au cours des débats du 17 janvier, un amendement 74 a été présenté afin de prohiber plus explicitement encore la conception d’embryons issus de cette technique. Mais l’amendement 74 a été retiré par le rapporteur de l’époque, avant d’être repris par le député, M. Mattéi, et finalement rejeté. La rédaction adoptée est donc celle qui interdit seulement le « développement » d’un embryon issu du clonage. Les articles 21 et 22 ne répriment eux aussi, que le « développement » d’un embryon humain issu du clonage. En conséquence, la loi n’interdit pas stricto sensu de concevoir un embryon, c’est à dire de mettre au point la technique du clonage, sans développement ultérieur de l’embryon. Rejet du clonage reproductif et thérapeutique Le clonage reproductif : « crime contre l’espèce humaine » L’article 21 (amendement 127) du projet de loi est ainsi modifié : « est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une personne humaine vivante ou décédée. » Cette interdiction est assortie d'une nouvelle incrimination pénale baptisée "crime contre l'espèce humaine" et passible d'une peine de 30 ans de prison et 7.500.000 € d’amende. Le clonage thérapeutique est interdit - « Le fait de procéder à la conception in vitro ou à la constitution par clonage d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.» (am. 128) - « Le fait de procéder à la conception in vitro ou à la constitution par clonage d’embryons humains à des fins de recherche est puni de sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende.» (am. 129) - « Le fait de procéder à la constitution par clonage d’embryons humains à des fins thérapeutiques est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.» (am. 130) Notons la différence de rédaction entre ces amendements : le dernier paragraphe concernant les fins thérapeutiques ne prévoit de punir que la constitution par clonage et non plus la conception in vitro d’embryons, comme dans les paragraphes précédents. Pourra-t-on concevoir des embryons à des fins dites thérapeutiques ? Résultat final Ce projet de loi modifié a été adopté au Sénat le 30 janvier 2003 par 196 voix contre 107 et 12 abstentions. Les lois de bioéthique et l’engagement des catholiques en politique Dans une "note" sur l'engagement des catholiques en politique, le cardinal Ratzinger de la Congrégation pour la doctrine de la foi, invite les catholiques à refuser "le relativisme moral" devenu principal critère de choix politique et menace pour la démocratie. Cette note intervient en France au moment du débat sur les lois de bioéthique. instances législatives ont une obligation grave et précise de s’opposer à toute loi qui s’avère un attentat contre la vie humaine. Pour eux, comme pour tout catholique, existe l’impossibilité de participer à une campagne en leur faveur, et il n’est permis à personne de les soutenir par son vote ». Ce qui est légal n'est pas forcément moral. Une mission Un mauvais prétexte Le cardinal Ratzinger rappelle que les catholiques ont le droit et le devoir de défendre les vérités morales sur la vie sociale, la justice, la liberté, le respect de la vie. Ils doivent résister aux projets de loi qui "veulent briser l'intangibilité de la vie". Sont notamment visées les lois autorisant l'avortement, les recherches contraires à l'intégrité de l'embryon, l'euthanasie. « Jean-Paul II a maintes fois répété que ceux qui sont engagés directement dans les Les fidèles laïcs, notamment ceux qui ont des responsabilités politiques, ne doivent pas avoir deux vies parallèles : vie spirituelle et vie séculière. L'engagement politique des catholiques ne doit souffrir "d'aucun compromis". Il s'agit « d'exigences éthiques fondamentales auxquelles aucun catholique ne peut renoncer ». Or il n’est pas rare d’entendre que le pluralisme éthique serait la condition de la démocratie. « On invoque de manière trompeuse la valeur de la tolérance » et on demande à une bonne partie des citoyens – entre autres aux catholiques – de renoncer à participer à la vie sociale et politique de leur propre pays selon la conception de la personne et du bien commun qu’ils pensent humainement vraie et juste ». Or ces exigences éthiques s’enracinent dans l’être humain et appartiennent à « la loi morale naturelle ». Cette « promotion en conscience du bien commun de la société politique n’a rien à voir avec le confessionalisme ». Rappelant que l'Eglise n'est pas hostile à la laïcité, le cardinal précise que celle-ci n'est légitime que si elle est comprise comme "autonomie de la sphère civile et politique par rapport à la sphère religieuse et ecclésiastique", mais non "par rapport à la sphère morale". Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris Directeur de la publication et Rédacteur en chef : Jean-Marie Le Méné Contact : Aude Dugast - [email protected] Tel : 01.55.42.55.14 - Imprimerie Publi Routage Diffusion S.A. Gènéthique - n°38 février 2003 Gènéthique - n°38 février 2003