S O C I A L Loi n°2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique Il s’agit de moderniser la législation relative à la bioéthique sans remettre en cause les choix fondamentaux effectués en 1994 I - LES ORGANISMES DE VEILLE ET DE CONTROLE La tutelle des pouvoirs publics doit pouvoir s’exercer dans les meilleures conditions possibles. Il y a déjà neuf agences sanitaires, ce qui nécessite un processus de recomposition des agences autour de quelques pôles, afin de simplifier et d'améliorer l'efficacité de leur action. C'est dans cette perspective que s'inscrit le remplacement de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP) et de l’Agence de procréation de l’embryologie et de la génétique humaine (APEGH) par l’Agence de biomédecine. Cette dernière devrait à la fois renforcer le contrôle sur les activités de recherche, que la loi propose d'élargir, ainsi que rassembler diverses personnalités -médecins, chercheurs etc.- en vue d'effectuer une veille scientifique et de formuler des propositions aux pouvoirs publics dans les domaines de sa compétence. Ses missions se déclinent en 3 thèmes : - La promotion de la qualité et de la sécurité sanitaire dans son domaine de compétence ; - L'exercice d'un pouvoir décisionnel et d'agrément sur les secteurs dont elle a la charge ; - Une mission d'information, notamment institutionnelle et d'avis à la demande des autorités administratives. Elle accomplira désormais également les missions dévolues à l’Etablissement français des greffes. Cette Agence est dotée d’un Conseil d’administration, qui délibère sur les orientations générales, et est gérée par un directeur général, à qui sont confiées les compétences décisionnelles prises au nom de l’Etat. Elle est en outre dotée d'un Conseil d’orientation à la composition pluridisciplinaire qui aura un rôle d’expertise médicale et scientifique, qui s’étendra à la prise en compte des aspects éthiques, juridiques et sociaux. Le Conseil peut saisir le Comité consultatif national d'éthique. Enfin, l’Agence établit un rapport annuel rendu public et transmis au Gouvernement et au Parlement (article 2). Le Comité consultatif national d'éthique se voit reconnaître un statut législatif et est rattaché au Premier Ministre. Sa composition réunissant des chercheurs et des personnes qualifiées intéressées par les problèmes d’éthique et son rôle sont définis. Il établit un rapport d’activité rendu public et remis au Président de la République (article 1er). Enfin, des espaces de réflexion éthique sont créés au niveau régional ayant un rôle non normatif (article 1er). II - DROITS DE LA PERSONNES ET CARACTERISTIQUES GENETIQUES Le régime juridique de l’identification des personnes par empreintes génétiques est précisé : - si la personne est décédée, aucune identification ne peut avoir lieu sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant ; - si la personne est vivante, son consentement doit être exprès, écrit et sa finalité précisée (article 5) ; En cas de diagnostic d’une anomalie grave, le médecin doit informer la personne des risques que son silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés dés lors que des mesures de prévention ou de soins existent. La personne peut choisir d’informer sa famille de façon anonyme par l’intermédiaire de leur médecin et de l’Agence de biomédecine. C’est grâce au Sénat que la responsabilité des personnes concernées ne pourra être engagée pour n’avoir pas souhaité transmettre elles-mêmes l’information (article 5) III - DONS ET UTILISATION DES ELEMENTS ET PRODUITS DU CORPS HUMAIN Afin d’éviter toutes dérives, les principes généraux applicables au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain sont réaffirmés et renforcés (article 7) Pour permettre le développement des greffes, notre pays a fait le choix du consentement présumé au don d’organes. Malgré cela, nous ne sommes pas parvenus à régler le problème de la pénurie d'organes. Le régime actuel de consentement présumé des personnes décédées est donc généralisé. Afin de rassurer les proches en deuil sur la connaissance qu'avait la personne disparue du régime du prélèvement d'organes, il est prévu que toute personne, entre 16 et 25 ans, sera informée du but du don d'organes après le décès, ainsi que du fonctionnement du régime du consentement présumé (article 7). Le principe de la balance « risque-gain » en matière de sécurité sanitaire est introduit (article 7). Le texte propose aussi d’élargir avec précaution (l’avis d’un comité d’experts est nécessaire sauf pour les parents) le champ des donneurs vivants à une liste limitée de personnes (conjoint, concubin, famille). Le prélèvement sur les vivants garde un caractère subsidiaire par rapport au don post-mortem (article 9). En outre, des garanties supplémentaires sont apportées aux différents régimes juridiques applicables aux cellules s’agissant de leur prélèvement, de leur préparation ou de leur administration (article 12). Enfin, le régime des peines pour les infractions régissant les éléments produits du corps humain est durcit (articles 15 et 16). IV - PROTECTION JURIDIQUE DES INVENTIONS BIOTECHNOLOGIQUES Actuellement, de nombreux dépôts de brevet revendiquant des séquences de gènes sont déposés dans le monde. La France a fait savoir qu'une telle appropriation, contraire aux principes de notre Code civil, était éthiquement inacceptable et pouvait avoir un effet négatif sur l'efficacité tant de la recherche fondamentale que de l'innovation pharmaceutique. Or, le gouvernement de l’époque a validé en 1998 la directive européenne autorisant la 2 brevetabilité des gênes. Compte tenu du fait que le droit européen s'impose, la France doit convaincre ses partenaires d’infléchir cette position. En attendant, il semble souhaitable de prévoir que ne sont pas brevetables : les procédés de clonage humain, les procédés de modification de l'identité génétique des êtres humains, l'utilisation des embryons humains à des fins industrielles et commerciales et les séquences totales ou partielles de gènes. En revanche, on permet de breveter une méthode, y compris lorsqu'elle comporte un gène, mais ce gène en lui-même demeure accessible à tous ceux qui veulent chercher une autre technique permettant la progression de la science. Un rapport sera rendu par le gouvernement dans un délai de 3 ans (article 17). V - PRODUITS DE SANTE En raison de l’importance croissante de ces produits, le régime juridique des préparation de thérapie génique et cellule xénogénique est précisé. Les personnels pouvant occuper les postes de responsables de ces activités sont désignés avec précision (article 19). Les infractions à cette législation sont pénalement sanctionnées (article 20). VI - PROCREATION ET EMBRYOLOGIE Le clonage reproductif Le clonage reproductif programme un humain comme un objet fabriqué en fonction d'une commande. Il le transforme en un objet calculable, manipulable et prédéterminé. Il doit donc être prohibé. Toutefois, aucun texte ne pose une interdiction universelle, alors que les annonces de mouvements sectaires ou de professionnels peu scrupuleux l'exigent. Il est donc indispensable que la France active la mise en chantier dans le cadre de l'O.N.U. d'une convention interdisant le clonage à des fins de reproduction humaine. C’est dans ce cadre que la loi interdit désormais tout procédé susceptible de conduire à un clonage reproductif de l’être humain (article 21) et crée une nouvelle incrimination, baptisée «crime contre l'espèce humaine» qui illustre cette volonté de condamner sévèrement ce crime contre l’homme en tant qu’être vivant (article 28). De même, la provocation dans un but de clonage reproductif et de propagande en faveur du clonage reproductif ou de l’eugénisme est interdite et sévèrement sanctionnée (article 29). Les associations de luttes contre les sectes se voient ouvrir la faculté de se porter partie civile (article 30). Diagnostic préimplantatoire et Assistance médicale à la procréation Sans être modifiés en profondeur, les principes généraux de l'assistance médicale à la procréation (AMP) sont précisés sur divers points et les cas d’accès élargis. La stimulation ovarienne, lorsqu'elle est réalisée dans le cadre d'une AMP, est incluse dans cette dernière et bénéficie, de ce fait, des dispositions légales afférentes (article 24). Un certain nombre de pratiques ayant fait l'objet de tolérance sont inscrit de la loi : il s'agit notamment du recueil et de la conservation de gamètes à titre conservatoire pour des personnes, même mineures, bénéficiant d'un traitement médical potentiellement attentatoire à leur fertilité. 3 La loi rappelle, par ailleurs, que la dissolution du couple fait obstacle au transfert de l'embryon ainsi qu'à l'insémination. Le transfert post mortem d'embryon n'est donc pas autorisé. La fécondation in vitro est mise en oeuvre dans le cadre d'un « projet parental », qui se substitue, en partie, à l'ancienne expression « demande parentale ». Le projet de loi prévoit deux séries de mesures restrictives à la manipulation des embryons conçus in vitro. D'une part, ses déplacements sont réglementés par un régime d'autorisation préalable assorti de dispositions pénales pour les contrevenants. D'autre part, il est prévu que, pour pouvoir procéder à une nouvelle tentative de fécondation in vitro, les couples doivent d'abord utiliser la totalité des embryons congelés disponibles, sauf si un problème de qualité affecte ses embryons (article 24). Les conditions de recours à un tiers donneur sont, pour leur part, considérablement élargies puisque le couple peut lui-même, en renonçant simplement à l'AMP au sein du couple, obtenir le bénéfice du tiers donneur. Le sort de l'embryon conçu in vitro repose sur le projet parental. Tant que celui-ci est maintenu, la conservation de l'embryon est assurée dans les conditions habituelles de l'AMP. Lorsque le projet parental prend fin, les embryons n'ayant plus d'objet peuvent se trouver, selon la volonté du couple, soit accueillis par un autre couple, soit faire l'objet de recherches scientifiques ou voir leur conservation arrêtée. Au bout de cinq années, dans tous les cas de figure, cette conservation n'est plus assurée (article 24). Pour le diagnostic préimplantatoire (DPI), les couples peuvent accepter que l’embryon sur lequel a été diagnostiqué une anomalie génétique fasse l’objet d’une recherche. En outre, à titre expérimental, le recours au DPI peut être autorisé sous des conditions strictes pour procéder à la sélection d’un embryon en vue de faire naître un enfant qui, en plus d’être indemne de l’anomalie génétique incurable affectant un aîné, présente les caractéristiques de compatibilité génétique avec ce dernier (article 23). Enfin, les autorisations délivrées aux centres et aux praticiens compétents en matière d’AMP et de DP sont prorogées de deux ans en attendant la mise en place de l’Agence de biomédecine (article 38). Recherche sur l’embryon humain Elle a pour fondement essentiel l'article 16 du Code civil, qui prévoit que : « La loi (...) garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ». Toutefois, il apparaît nécessaire, non pas de légaliser la recherche sur l'embryon, mais de permettre que certaines recherches soient menées sur certains embryons. Afin de permettre que se développe la médecine régénératrice, propre à aider ceux qui souffrent de maladies incurables, il est indispensable de mener de front, pendant quelques années au moins, des recherches sur les cellules embryonnaires et sur des cellules souches adultes, afin de comparer leur efficacité, mais aussi leur innocuité pour l'homme. Ces recherches qui sont limitées à une période de 5 ans ne peuvent intervenir que sur des embryons conçus dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation lorsque le couple n’a plus de projet parental et qu’il y consent formellement. Elles ne sont autorisées -par l’Agence de biomédecine- que dés lors qu’elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable (article 25). Un rapport d’évaluation de l’Agence de biomédecine et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l’état des recherches sur 4 l’embryon, six mois avant le terme de la période de 5 ans, devra évaluer les résultats respectifs des recherches sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches adultes afin de permettre un nouvel examen de ces dispositions au Parlement (article 26). En attendant la mise en place de l’Agence de biomédecine, le ministre en charge de la santé pourra exercer certaine des missions de celle-ci concernant la recherche sur l’embryon. Un comité ad hoc disposera cependant d’un pouvoir de veto sur l’autorisation des protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires (article 37). Le clonage dit « thérapeutique » Le clonage dit « thérapeutique » expose à deux dangers majeurs. D’une part, le risque de contournement de l'interdiction de faire naître un enfant cloné. D’autre part, la nécessité d'obtenir en grand nombre des ovocytes prélevés chez les femmes, ce qui les expose à un traitement lourd, ainsi qu’à un risque de marchandisation du corps humain. En outre, le clonage dit « thérapeutique » n'est pas interdit chez l'animal et il y a encore beaucoup à apprendre dans ce domaine. C'est pourquoi il a été décidé d’interdire le clonage thérapeutique pour l'espèce humaine (article 25). Les infractions à cette interdiction sont pénalement sanctionnées (article 28). VII - APPLICATION DE LA LOI ET REVISION Le gouvernement est habilité à transposer par ordonnance les dispositions de cette loi à l’outre-mer (article 39). La présente loi fera l’objet d’un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai de 5 ans maximum après son entrée en vigueur. Elle fera en outre l’objet, dans un délai de 4 ans, d’une évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (article 40). 5