Parcours de soins, cheminements de patients, logiques du prendre

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Parcours de soins, cheminements de patients, logiques du prendre
soin de soi
« Je me porte bien dans la mesure où je me sens capable de porter la responsabilité de mes
actes, de porter des choses à l’existence et de créer entre les choses des rapports qui ne
leur viendraient pas sans moi, mais qui ne seraient pas ce qu’ils sont sans elles. »
Georges Canguilhem, 1988
Intervention de Frederik Mispelblom Beijer, université de ParisSud-Evry/CRF/ETE
1. Le « champ de la santé »
-la santé comme moyen de gouvernance et « phénomène de société », dépassant de loin les
structures sanitaires
-la définition de la santé par l’OMS et ses conséquences sur les parcours de soins : la lutte
contre les inégalités de santé
-les « définitions en actes » des citoyens du monde entier : la survie plus importante que la
santé, la maladie moins importante que la précarité, « vivre avec excès » comme idéal de
santé
-les conceptions de Canguilhem : « bien se porter » malgré la maladie
-le corps biologique (terra incognita), le « corps subjectif » ou « deuxième corps »
1. Réseaux, trajectoires, filières, parcours de soins et de santé
1.1. Enjeux clés :
-le lien hôpital-médecine et soins de ville
-coordonner pour plus d’efficacité et de performance
-accroître l’hospitalisation à domicile et la médecine ambulatoire
-lutter contre les inégalités de santé : améliorer l’accès aux soins, la santé des populations
1.2. Les dispositifs
-« parcours de soins coordonnés » : le médecin traitant (2000)
-les réseaux de soins coordonnés
-les réseaux de santé centrés sur une pathologie
-les réseaux de santé de ville
-« parcours de santé », « parcours de vie » : ouverture sur les conditions d’existence
-entre
coordination
par
complémentarité
et
coopération
trans-professionnelle,
institutionnalisation et militantisme, trajectoires pré-cadrés et réseaux sociaux de patients
2. La double dissymétrie soignants/soignés
2.1. Pouvoir médical et pouvoir des malades
-Le pouvoir institutionnel médical : les soignés dépendants des soignants
-Prescripteurs et « exécutants » : dire ce qu’il faut faire, avoir à le faire avec et sur son
propre corps
-Les alliances thérapeutiques : on ne peut soigner que des patients qui prennent soin d’euxmêmes
-Pour la « guérison », l’observance et la volonté « d’aller mieux » les soignants sont
dépendants des soignés
2.2. Visions médicales et visions des patients concernant la maladie
-la maladie vue par les médecins :
* des symptômes, des organes, des résultats d’examens
* des « cases » dans l’EBM
* des traitements à prescrire
-la maladie vécue par les patients
* une vie rétrécie
* une vie nouvelle
2.3. Une perspective décentrée et inversée : l’autorité médicale
L’autorité (contraire de la contrainte) : la capacité à obtenir une coopération librement
consentie
L’autorité du médecin : la capacité à obtenir un assentiment confiant aux traitements
prescrits (réussir à embrayer sur le vécu du patient)
Augere : augmenter, élever, soutenir
3. Les patients et leurs cheminements
3.1. Les malades avant d’être patients
-le non recours aux soins :
* précarité, raisons financières
* les « courageux anonymes »
* appartenances sociales et « dimensions culturelles »
-les patients sont inséparables de leur entourage qui les porte ou enfonce
3.2. Les situations de maladie
-personne n’est autonome, les patients encore moins
-dans le colloque singulier, l’entourage présent-absent
-diagnostic, traitements, soins ont des effets sur l’entourage
-les médecins produisent aussi des effets non-médicaux
-les situations da maladie sur-déterminent le destin des malades (ex myopathie)
-certains malades ne veulent pas se séparer de leurs symptômes
3.3. Etre patient, un statut et une activité
-l’objet de travail : son propre corps, ses habitudes, son mental et son moral
-les outils et les techniques ne sont pas neutres, elles exigent des gestes et induisent des
préoccupations (ex diabète)
-l’agent du travail : le patient lui-même
-les résultats ? on ne (se) soigne que cahin caha
-le concept « d’auto-normativité »
3.4. Prendre soin de soi
La santé, notion conflictuelle
Deux conceptions principales et opposées divisent le champ de la santé : celle, dominante, de l’OMS,
« bien-être complet », un droit dont le contenu et les modalités d’accomplissement sont définis par les
autorités sanitaires, les scientifiques, et l’industrie pharmaceutique (la santé corporate), qui invite les
citoyens du monde à vivre sainement ; à l’opposé la santé libre, inspirée des conceptions populaires
et de Canguilhem, où elle désigne la capacité à faire face à ce qu’on a à faire, la capacité à vivre une
vie qu’on estime digne d’être vécue. Ces deux conceptions majeures connaissent des variantes :
celles pour qui santé et maladie s’excluent, contre celles où l’une peut coexister avec l’autre, celles
qui renvoient à la « santé des organes » et celles qui mettent en avant la santé de l’esprit chevillé au
corps, celles qui promeuvent une « santé standard » imposée, et celles qui brandissent l’étendard
d’une santé libre, le bien-être normatif contre le bien se porter singulier. Puis il y a des conceptions
marginales mais puissantes, celle des pro-life pour qui la santé est synonyme de la Vie au sens
religieux du terme, et celle qui à la suite d’Illich veut déconnecter totalement la santé de la médecine.
Contrairement à ce qu’on pouvait croire la santé comme terme générique, la santé comme « champ »,
n’est pas du tout un domaine consensuel, mais au contraire conflictuel. Des divergences
d’orientations s’y affrontent. Dans ces conflits, s’opposent principalement les définitions médicales,
pharmaceutiques et statistiques d’un côté, et les revendications de formes de santé singulières de
l’autre.
Soit la santé devient une finalité en soi, le but de la vie, soit un moyen pour vivre autant que faire se
peut comme il vous plaît.
En somme, devenir le serviteur de votre corps, ou vous arranger avec lui pour qu’il ne vous empêche
pas de faire ce que vous avez à faire, that is the question ! (extrait chap. 1. Encadrer les parcours de
soins, 2016)
Barrier P. La blessure et la force : la maladie et la relation de soin à l’épreuve de l’autonormativité, Paris, Puf, 2010
Bercot R., De Coninck F., Les réseaux de santé, une nouvelle médecine ? L’Harmattan, 2006
Calvez M. « La négociation du soin en situation de maladie. Questions pour la sociologie
médicale », in Pennec e.a. Les négociations du soin. Les professionnels, les malades et leurs
proches, Rennes, PUR, 2014
Canguilhem G. « La santé : concept vulgaire et question philosophique » (1988), in Ecrits sur
la médecine, Le Seuil, 2002
Foucault M. « La naissance de la médecine sociale », in Dits et écrits, Gallimard, T. II., 2001
Kempf A. et E. Kempf E. et Kempf A. « L’informatisation de l’aide à la décision : la décision
médicale est-elle indemne ? L’exemple d’un outil prédictif en cancérologie » in : Revue
française d’éthique appliquée, no. 1, dossier Les ambivalences contemporaines de la décision,
Erès, 2016
Mispelblom Beyer F. Encadrer les parcours de soins : vers des alliances thérapeutiques
élargies ? Paris, Dunod, 2016 ; site www.encadrer-et-manager.com rubrique « soins pluriels »
Mol A. Ce que soigner veut dire. Repenser le libre choix du patient. Paris, Presses des Mines,
2009
Pinsart M-G. : « La prise de décision dans le cadre de la stimulation cérébrale profonde » in :
Revue française d’éthique appliquée, no. 1, dossier Les ambivalences contemporaines de la
décision, Erès, 2016
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