A DÉMARCHE CLINIQUE

publicité
L
A DÉMARCHE CLINIQUE
ÉVOLUTION DE LA SINGULARITÉ
VERS L’INTERDISCIPLINARITÉ
Thérèse PSIUK,
Directrice pédagogique ;
Césiform (Conseil en sciences infirmières et Formation)
Lorsque nous demandons aux infirmières de
décrire leur activité, très souvent elles énumèrent
une liste de tâches. Mais, lorsque nous demandons
à ces mêmes infirmières d’expliquer pourquoi elles
ont choisi de réaliser ces soins à ce malade et de
cette manière là, elles verbalisent le sens qui a soutenu ce choix, c’est ce qu’on appelle le raisonnement en terme d’opération mentale.
Ce raisonnement est trop souvent implicite, personnel à chaque infirmière. Il doit évoluer vers un
mode de raisonnement collectif, fondement d’un
consensus professionnel.
Le jugement clinique est une faculté indispensable
dans la pratique infirmière; il s’acquiert et se développe avec l’expérience professionnelle. Le développement des connaissances par l’expérience est
un élément important pour l’évolution de la pertinence du jugement clinique. La qualité de la
conclusion clinique posée par un professionnel de
santé est dépendante du haut raisonnement clinique qui peut s’acquérir pendant les temps de formation mais qui, sans aucun doute, se développe
avec l’expérience professionnelle.
Le raisonnement clinique nous centre obligatoirement sur le malade et sur la personne du malade
et certaines connaissances en sciences humaines
sont devenues incontournables et ne se limitent
pas à la simple définition de mots tels que santé et
maladie. L’étude des concepts centraux sur l’être
humain nous apportent un éclairage essentiel pour
comprendre le sens de la démarche clinique et
pour guider le processus du raisonnement clinique.
Notre choix a donc été de poser les fondements
de la conception humaniste des soins avant de
développer la méthodologie du raisonnement clinique.
L’ÊTRE HUMAIN EN SITUATION DE MALADIE, LE SENS
DE LA DÉMARCHE CLINIQUE
« L’homme » est un être humain très complexe
qui, vu de l’extérieur, est représenté par un corps
trop souvent considéré comme « objet de soins »
mais si on le regarde à l’intérieur nous pouvons
découvrir une dimension qui lui permettra de devenir sujet: les pensées, les désirs, les émotions. Ce
n’est qu’à partir du moment où le soignant lui
donne la parole, l’écoute, le comprend que cette
personne peut devenir acteur de sa santé et participer aux choix des interventions de soins.
L’homme est un donc un être humain qui pense
et agit sa pensée. Il la transforme en acte en fonction des ressources personnelles issues de ses
expériences passées, l’évaluation de la situation
et la décision d’une réponse. Si Le professionnel
de santé respecte cette liberté d’action et de
détermination face à une situation, le patient
pourra assumer les conséquences de ses actes,
en avoir la responsabilité. Cette notion est fondamentale dans le processus thérapeutique et
l’objectif, en relation d’aide, va consister, pour
une bonne part, à redonner une certaine responsabilité au patient.
Il existe une véritable dynamique de maturation
chez l’être humain. Il s’agit d’un être de désirs, qui
apprend et est amené à construire ses désirs. En
faisant ses choix, le patient se détermine par rapport à un contexte, une situation et sa réponse est
fonction de ses apprentissages, de son évaluation,
et de son intention à agir de telle ou telle manière.
L’attitude et le comportement du soignant deviennent alors essentiels dans la démarche clinique et
Mots clés: démarche clinique, démarche de soins, raisonnement clinique, jugement clinique, counseling,
relation d’aide, interdisciplinarité, soins coordonnés.
16
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
LA DÉMARCHE CLINIQUE INFIRMIÈRE
Évolution de la singularité vers l’interdisciplinarité
le raisonnement clinique qu’il va développer dans son interaction avec les malades sera un raisonnement basé sur des
hypothèses et non des certitudes, un raisonnement qui
sera conséquent aux observations d’indices objectifs et
non d’interprétations subjectives. Le sens des soins, quel
que soit le professionnel de santé, sera le même : identifier la véritable problématique de santé en centrant le raisonnement clinique sur l’être humain en situation de maladie, en intégrant les ressources, les capacités, les
compétences exprimées par chaque patient.
Pourra-t-on encore longtemps rester dans une démarche
singulière ? Les médecins centrés sur les pathologies, les
infirmiers centrés sur un rôle propre qui n’en finit pas d’être
redéfini et les autres professionnels de santé centrés sur un
élargissement de leurs actes ? Si nous respectons tous le
même sens de la démarche clinique en partant du patient,
nous allons obligatoirement évoluer vers une démarche
interdisciplinaire qui sera une valeur ajoutée à la qualité des
soins.
La crainte souvent exprimée par les représentants des associations infirmières est de perdre son « autonomie » professionnelle si on ne défend pas son rôle propre; nous ne
devons pas oublier que l’autonomie se construit à partir
de ce qui se vit dans la vie quotidienne. Les notions de partage, d’interaction, de travail en groupe, de coopération
sont très présentes dans la construction de l’autonomie.
Dans le même temps le développement de l’autonomie
favorise l’individualisation et le sentiment de liberté mais
c’est une capacité qui ne peut se développer que dans l’interdépendance des membres d’une équipe.
Nous verrons dans un chapitre ultérieur que l’interdisciplinarité sera plus présente dans la coordination des raisonnements cliniques et les soins coordonnés et que le
rôle propre de chaque professionnel de santé prendra alors
toute sa dimension à la fois dans les niveaux de jugement
clinique autorisés par la législation professionnelle et l’expérience et la démarche de soins pour adapter les soins
aux contextes spécifiques de chaque patient.
Mais revenons à l’être humain pour essayer de le comprendre un peu plus, car vivre une maladie est sans doute
un évènement de vie marquant pour chaque personne.
En effet, les expériences de la vie constituent une somme
de savoirs et la façon personnelle que chacun a de traverser tel ou tel évènement. Lorsqu’un patient parle d’un évènement de vie, il parle de lui, de ce qui l’a amené à s’intéresser à cet évènement, et pourquoi ce dernier a fait
résonance en lui. L’expérience va être la façon dont il appréhende son évènement de vie. Walter Hesbeen définit la
maladie comme une expérience singulière dans l’histoire
de vie d’une personne:
1
« La maladie, quelle qu’elle soit, ne sera pas vécue de la même
façon par chacun car elle s’inscrit dans une situation de vie
unique animée par un désir de vivre, lui aussi unique. C’est que
la maladie a beau être objectivée dans le corps que l’on a, elle
ne touche en fin de compte, que le corps que l’on est »1
A chaque situation nouvelle, à chaque événement l’être
humain change et s’adapte. L’adaptation prend des formes
multiples, elle est intra organique avec la régénération des
tissus, la guérison des maladies, mais elle existe également
dans l’ajustement psychologique, cognitif et social de la personne aux évènements qu’elle rencontre.
Ce mouvement perpétuel augmente encore la difficulté
pour le développement de la connaissance de l’homme;
Les recherches médicales associées aux recherches en
sciences humaines nous en dévoilent aujourd’hui toute la
complexité mais il est encore très difficile d’en saisir tous
les aspects.
Quel est donc le vécu et les réactions de Monsieur D 42
ans qui fait un infarctus ?, ou de Mme H 38 ans atteinte
d’une sclérose en plaque ? ou de Mme F. 50 ans qui souffre
d’une maladie maniaco - dépressive ?
Pour ces trois personnes la maladie va s’exprimer par des
signes, des symptômes identifiables par le médecin et les
professionnels de santé comme étant les caractéristiques
de la pathologie. Au delà des manifestations décrites dans
les manuels scientifiques de médecine, la symptomatologie va s’exprimer avec une intensité différente en fonction
de la personne; Chaque malade va réagir au traitement
avec sa propre sensibilité; la survenue des complications
liées aux pathologies et aux effets secondaires des traitements est également spécifique à chaque personne.
Les connaissances scientifiques développées autour des
maladies listent des signes cliniques standardisés et les complications potentielles prévalantes. Cependant, la complexité de l’être humain inhérent à sa singularité sur les
plans anatomiques, physiologiques, psychologiques, environnementaux est à l’origine de zones d’incertitudes. Les
recherches actuelles font appel aux sciences humaines pour
essayer de comprendre l’origine des maladies, les différences dans leur évolution en fonction des capacités adaptatives des personnes. Le courant de la psychologie de la
santé prend de plus en plus d’ampleur dans les recherches
médicales. Cette nouvelle science nous oriente vers la personne en état de maladie, en clarifiant les facteurs qui vont
influencer sa stratégie d’ajustement à sa situation.
Nous devons donc prendre conscience que la maladie est
un dysfonctionnement non seulement somatique mais également avec une dimension vécue essentielle pour en comprendre toutes les conséquences sur l’être humain; le « ressenti » du malade est conséquent aux croyances et aux
W. Hesbeen, prendre soin à l’hôpital, interéditions masson, 1997, p 24
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
17
conceptions individuelles qu’il a de sa maladie. Chaque
personne se construit une image de son mal et de l’expérience qu’il vit. Les théories subjectives de la maladie
ont ainsi été décrites par de nombreux auteurs. Le
concept « perception de la maladie »2 décrit : « la façon
dont les individus pensent à la maladie ou la perçoivent. Ce
processus peut se référer soit à la manière dont un individu
en bonne santé pense à des maladies particulières (prototypes de maladie) soit à la manière dont un individu atteint
d’une maladie lui donne sens ».
Les dimensions comprises dans cette représentation de
la maladie sont:
- La nature des symptômes et l’étiquette employée,
- Ce que la personne soignée croit être la ou les causes
probables,
- Ce que le patient croit être la durée probable de la
maladie,
- Ce que la personne soignée croit quant à la possibilité
de guérison et de contrôle,
- Les effets probables de la maladie.
Ce concept de représentations subjectives de la maladie, amènent les professionnels de santé à prendre
conscience de « l’écart entre la théorie de la maladie du
médecin (ou de l’infirmière) et celle du malade ». Les comportements en rapport avec la maladie que nous observons sont donc conséquents à la perception qu’a le
malade de sa maladie; il peut s’agir de comportements
négatifs tels que retard dans la demande d’aide, nonobservance au traitement, non-participation aux programmes de réadaptation.
Une étude montre « qu’il est non seulement possible de
modifier les perceptions qu’ont les patients de la durée, des
conséquences et de la possibilité de guérison de leur maladie cardiaque, mais également que ces modifications débouchent sur une amélioration du comportement, comme, par
exemple, un retour plus rapide au travail »3.
La considération de l’être humain dans sa maladie nous
donne une dimension complémentaire très importante
car cette maladie s’inscrit dans l’histoire personnelle de
la personne en prenant un sens particulier pour chaque
patient. Ces nouveaux paramètres permettent d’aborder l’analyse globale d’une situation clinique de façon
plus pertinente et renforce la place de la relation pour
tous les professionnels de la santé.
La relation est bien le fondement de la pratique car l’infirmière doit créer un climat de confiance lors de chaque
interaction avec le malade qui favorisera un échange
authentique de qualité. Le patient ne peut confier son
histoire de vie et ses représentations mentales que dans
2
3
18
une relation positive où il ne sent ni le jugement de
valeur, ni l’ironie mais une acceptation inconditionnelle
de ce qu’il est et de ce qu’il vit. Cette attitude positive
sur l’observation des comportements du malade et sur
l’écoute de ses explications est l’expression d’une
conception humaniste de la personne soignée.
Nous allons nous arrêter dans le chapitre suivant sur
cette relation en développant les principales caractéristiques que nous avons empruntées aux fondateurs de
la relation d’aide tels que Carl Rogers et Abraham
Maslow.
LA RELATION D’AIDE COUNSELING, FONDEMENT DE LA DÉMARCHE CLINIQUE
Carl Rogers et Abraham Maslow, sont en effet les deux
grands noms du courant humaniste. C’est en 1939 que
Carl Rogers publie son premier livre, the clinical treatment of the problem child, ouvrage qui contient les bases
de sa démarche.
« la relation d’aide est une relation permissive, structurée de
manière précise, qui permet au client d’acquérir une compréhension de lui-même à un degré qui le rende capable de
progresser à la lumière de sa nouvelle orientation. Cette hypothèse a un corollaire naturel : toutes les techniques utilisées
doivent avoir pour but de développer cette relation libre et
permissive, cette compréhension de soi dans l’entretien d’aide,
et cette orientation vers la libre initiative de l’action. »
Quant à Abraham Maslow, Il ne peut concevoir que
l’homme soit étudié à partir de ses comportements
anormaux tels que la névrose, la psychose et l’ensemble
des états pathologiques; cela revient pour lui à la théorie de l’anormalité. Maslow va donc partir de l’observation de l’être humain et développe en 1954 une théorie relative à l’existence d’une hiérarchie dans les besoins
qui prend en compte la conscience, l’éthique, l’individualité et les valeurs spirituelles. Pour lui, c’est l’insatisfaction du besoin qui entraîne la souffrance et l’émotion
est un indicateur précieux de satisfaction ou de non
satisfaction du besoin.
Le mot « counseling » a d’abord été utilisé par Rogers
qui le définit comme une relation dans laquelle une personne tente d’aider une autre à comprendre et à
résoudre des problèmes auxquels elle doit faire face.
Les professionnels de santé qui utilise ce courant de pensée croient en la dignité et en la valeur de l’individu, dans
la reconnaissance de sa liberté à déterminer ses propres
valeurs et objectifs et dans son droit à poursuivre son
UWE FLICK,La perception quotidienne de la santé et de la maladie, ed. Lharmattan p 21.
Traité de Psychologie de la santé sous la direction de Gustave-Nicolas FISCHER, éditions Dunod p 131.
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
LA DÉMARCHE CLINIQUE INFIRMIÈRE
Évolution de la singularité vers l’interdisciplinarité
style de vie. Souvent il n’en a pas conscience et ignore
son potentiel de développement, aussi le counseling
vise-t-il à l’aider à développer sa singularité et à accentuer son individualité. Plusieurs articles sur le counseling font référence à la responsabilité de la personne vis-à-vis d’elle-même, d’autrui et de son
environnement.
Nous retrouvons là les caractéristiques développées au
premier chapitre sur l’être humain et notre conviction
sur une relation d’aide counseling se confirme : la relation soignant/soigné, fondement du raisonnement clinique, est un médiateur qui va faciliter la clarification de
la « demande » du patient et l’émergence du potentiel
d’évolution et de changement. Les techniques utilisées
par le professionnel de santé dans son interaction respectent la personne du patient qui n’est pas jugé et qui
pourra établir ses propres choix.
En France, le counseling a été introduit en 1928 sous la
forme du Conseil d’orientation professionnelle. En 1961,
l’Association Française des Centres de Consultation
Conjugale va le développer auprès des couples (conseil
conjugal). L’histoire mondiale du counseling sera traversée
par de multiples approches : cognitivo-comportementale,
existentielle, psychanalytique, émotionnelle, systémique, à
tel point que le counseling donnera lieu à l’émergence de
plusieurs courants théoriques, cliniques et pratiques. Dans
les années 1987, l’Organisation Mondiale de la Santé va
choisir et recommander le counseling comme la méthodologie d’aide, de soutien et de prévention la plus appropriée au niveau mondial pour faire face aux innombrables
menaces individuelles, communautaires et collectives
engendrées par l’épidémie de l’infection par le VIH.
Ce courant de pensée sur la relation d’aide n’est pas
encore suffisamment introduit dans les études médicales
et paramédicales. La confusion avec la psychothérapie est
encore présente et est souvent à l’origine d’une difficulté
d’application dans les unités de soins de nombreuses formations sur la relation d’aide. Le counseling s’exerce dans
l’ici et le maintenant de la réalité sociale, et ce dans tous
les domaines de la vie personnelle, professionnelle et collective. La psychothérapie tend à s’exercer à l’abri des environnements sociaux, en des lieux protégés, et privilégie
souvent la consultation individuelle. Le counseling s’applique à toutes les dimensions bio-psycho-sociologiques de
la personne ; la psychothérapie tend à s’appliquer exclusivement au psychisme ou à l’être de la personne.
La démarche clinique infirmière prend donc toute sa
dimension si elle est fondée sur une relation d’aide counseling. L’écoute va être primordiale car cette relation
implique pour le soignant une sensibilité et une attention à autrui. Le malade est alors surpris d’être entendu
dans des expériences de vie souvent vectrices de jugements ou d’opinions hâtives. Les chercheurs développent 3 niveaux d’écoute:
Le premier niveau concerne ce qui est dit dans la relation. Cependant, si on reste à ce niveau, la relation ne
se développera pas beaucoup et le soignant reste en
position « d’écouter une histoire ».
Le second niveau, défini par certains auteurs comme
une « attention flottante », concerne non seulement ce
qui est dit mais aussi ce qu’il y a « au-delà des mots ».
Le professionnel est bien sûr attentif aux mots mais aussi
aux aspects non-verbaux (expression du visage, gestes,
mouvement des yeux...) et para-linguistiques (volume,
ton, rapidité...) utilisés par le patient.
Au-delà de ces deux niveaux d’écoute, le counselor
doit aussi être attentif à ses pensées, ses émotions,
ses sensations corporelles. En effet, elles peuvent lui
servir d’indicateurs sur ce qui se passe dans la relation et le soignant peut les utiliser en quelque sorte
comme « une caisse de résonance » du développement de la relation.
L’écoute est la compétence de base dans la démarche
clinique, mais écouter n’est pas un processus de soins
et ne suffit pas pour accompagner l’adaptation et le
changement; le professionnel de santé va également
développer la capacité à reformuler les contenus d’un
entretien, les sentiments et les émotions exprimées.
Pour acquérir cette compétence, les attitudes fondamentales à développer sont : l’acceptation, le non jugement, la compréhension empathique, la congruence.
Certaines techniques peuvent également être utilisées
à condition d’être introduites au moment adéquat car
leur effet peut être négatif si le soignant ne perçoit pas
la fragilité psychologique du patient; nous pouvons citer
les techniques les plus utilisées: les questions ouvertes,
la reformulation, la clarification, la focalisation, les
silences, le reflet, l’accompagnement dans la prise de
décisions.
Cette première approche de la relation d’aide counseling nous confirme dans la nécessité, pour l’infirmière
et les autres professionnels de santé, de connaître les
caractéristiques de l’être humain avant d’être dans un
contexte de relation aidante, car on touche alors à un
monde intérieur complexe et riche. Dans une démarche
clinique, l’interaction est inévitable et comment prétendre aider l’autre si un certain savoir n’est pas présent pour soutenir les actions. Les connaissances en
sciences médicales sont indispensables pour tous les
professionnels de santé et demandent à être actualisées
mais les connaissances en sciences humaines sont devenues incontournables pour ces mêmes professionnels
de santé afin d’agir avec compétence lors des interactions avec le patient. Les recherches nous concernent
tous, comme par exemple la résilience qui est un
concept récent en France mais très séduisant car un
des attributs est l’identification et le développement des
compétences.
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
19
Dans un article récent4, nous avons présenté la résilience
comme un atout supplémentaire pour la qualité des soins
car ce concept nous éclaire sur les deux phases principales quand une personne vit un évènement avec un certain traumatisme: la confrontation et le rebondissement.
L’accompagnement du soignant est alors adapté en fonction du vécu du patient dans ces deux phases.
Cet exemple nous montre que le développement des
connaissances scientifiques sur l’être humain est primordial pour affiner l’harmonisation des attitudes et des
techniques utilisées dans la relation d’aide counseling.
Cependant, le patient a une place primordiale dans le savoir
et le soignant va l’aider à construire « sa » solution. En exposant sa situation, la façon dont il voit le monde et le poids
des évènements qui le concernent, le patient nous livre son
savoir intime sur son monde intérieur : le soignant doit être
à l’écoute de ce savoir. C’est en conjuguant toutes ses compétences cognitives au savoir du patient que le professionnel de santé en général et les infirmières en particulier vont
développer leur compétence dans l’action ; l’expérience
devient un facteur essentiel dans la compétence à agir avec
compétence. C’est une des raisons pour lesquelles la conjugaison des raisonnements cliniques multiprofessionnels (par
exemple toutes les infirmières prenant en charge un patient)
et multidisciplinaires (plusieurs personnes de disciplines différentes autour du même patient) sera un atout important
pour la pertinence des jugements cliniques.
Ces deux premiers chapitres sur l’être humain malade
et sur la relation soignant soigné renforcent notre opinion
sur la pratique infirmière : elle ne peut pas se limiter à la
simple exécution d’actes car il y a obligatoirement une
réflexion pour adapter le soin au malade, pour anticiper
les problèmes prévalents prioritaires, pour identifier les
compétences du malade et pour décider les soins à réaliser. L’exercice professionnel entre bien dans le champ
du raisonnement clinique explicite pour que les interventions de soins aient un sens pour le malade et pour
le soignant. Cependant il ne faut pas limiter le raisonnement clinique de l’infirmière aux diagnostics infirmiers
car c’est à ce moment là ignorer les multiples décisions
prises par les infirmières dans leur activité quotidienne et
qui se situent dans le domaine des problèmes traités en
collaboration : la pathologie et les complications liées à
la pathologie et aux traitements.
LA DÉMARCHE CLINIQUE ET LA
DÉMARCHE DE SOINS
Dans une prise en charge globale des problèmes de
santé, le soignant prend en charge aussi bien la pathologie que les réactions à la pathologie.
4
20
Quel est le ressenti du malade dans la situation qu’il est
en train de vivre? Comment vit-il sa maladie?, son hospitalisation? La séparation avec sa famille? Au-delà de la
pathologie, ce vécu est essentiel et peut d’ailleurs influencer très fortement l’évolution, l’apparition de complications. La qualité de prise en charge globale des problèmes de santé d’une personne est conditionnée par la
pertinence d’une démarche clinique suivie d’une
démarche de soins.
Proposition des définitions
Depuis plusieurs années, nous conduisons une
recherche action à l’occasion des formations supervisions dans les unités de soins dans les différents établissements de santé. La démarche clinique est le concept
central de nos formations et nous sommes donc aujourd’hui en mesure de clarifier la démarche clinique et la
démarche de soins. Nous proposons une définition de
la démarche clinique et de la démarche de soins en les
intégrant dans une complémentarité et une circularité.
La démarche clinique est le processus d’identification de l’ensemble des problèmes de santé réels et
potentiels d’une personne mais également des capacités, en considérant que pour la personne âgée il convient
de relativiser les problèmes avec le vieillissement physiologique.
La philosophie des soins qui sous tend cette démarche
clinique est une conception humaniste des soins qui
prend en considération l’expression personnalisée des
maladies et les réactions comportementales de la personne à sa maladie, à son placement, à son hospitalisation…
La démarche de soins est un processus d’adaptation
du soin à la personne. Elle est à la fois l’adaptation d’un
soin aussi bien prescrit par le médecin que prescrit par
l’infirmière et la stratégie globale des soins pour une personne.
L’approche complexe de la situation clinique d’une personne nous amène à étudier l’interaction entre maladie,
complications et réactions humaines physiologiques et
psychologiques. La démarche de soins est la résultante
d’une démarche clinique pertinente comme dans
l’exemple de madame G:
« Mme G est présente à la résidence depuis 1 mois; elle est
venue du CHD après 3 semaines d’hospitalisation suite à un
AVC ischémique occipital droit avec séquelles au niveau du
champ de vision (hémianopsie gauche). Madame G présente
une HTA et une démence vasculaire; présente également
une cataracte bilatérale. Actuellement, pas de déficit moteur
Th. Psiuk, la résilience un atout pour la qualité des soins in Recherche en soins infirmiers N° 82, septembre 2005, pp 12 à 21
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
LA DÉMARCHE CLINIQUE INFIRMIÈRE
Évolution de la singularité vers l’interdisciplinarité
et sensitif des membres gauches et pas d’incontinence urinaire (sent le besoin d’uriner) ».
Suite à la démarche clinique, l’équipe a réalisé une
démarche du soin « aide à la toilette » en décidant d’une
stratégie d’adaptation de la toilette à partir des attributs
personnalisés identifiés dans chacun des problèmes de
santé. Suite au consensus d’équipe, une aide soignante
a rédigé le protocole de soins personnalisé afin d’assurer la cohérence et la continuité de la prise en soins les
jours suivants par les autres personnes de l’équipe.
Tableau 1
Cible
Oedèmes des
membres inférieurs
Douleur épaule droite
Données
Actions
- Présents depuis 7 jours
- Jambes rouges, enflées (chevilles)
douloureuses au toucher
Observer l’évolution
des oedèmes
Aide à la marche si besoin
- Pas de fièvre
- Traitement antihypertenseur changé
Assise sur une chaise
pendant la toilette
- Se plaint pendant la toilette lors du lever
du bras droit
Commencer par le
bras droit lors de l’habillage
Liée à l’arthrose ? (selon madame G)
Capacité partielle
de la mémoire
Ne se souvient pas des faits récents mais
- se souvient des faits anciens
et de ses problèmes de santé
(eczéma, œdème des membres inférieurs)
- Par moment est consciente de ses pertes
de mémoire
Altération de
la perception visuelle
Evaluer l’évolution
des risques
Mobiliser ses potentialités
dans la relation
- Ne sait pas toujours où se trouve les toilettes
dans la résidence mais demande
Proposer participation au
groupe de parole
- Alternance de vision nette et de vision
très trouble (aujourd’hui dit ne
voir que des silhouettes)
Guidance si besoin
Risque de perturbation
de l’estime de soi
- Exprime une souffrance morale
pour sa perte de vision :
« pense qu’on ne la croit pas »
Capacité partielle
pour se laver
- Se souvient des gestes
pour se laver : gestion efficace
Evaluer les risques
Rédiger un protocole de
soins d’hygiène personnalisé
avec objectif prioritaire
centré sur l’estime de soi
- oublie la partie du corps
qu’elle vient de laver
Protocole de soins personnalisé
- marche seule jusqu’au cabinet de toilette (guider)
- aide au déshabillage: terminer par le bras droit
- assise sur une chaise
- se lave les dents: préparer brosse et dentifrice
- préparer gant de toilette et savon
- se lave le visage, le haut du corps et la toilette génitale
- aide pour le dos et les fesses
- aide pour l’habillage: commencer par le bras droit
- aide pour la coiffure
- aide pour mettre chaussettes et chaussures
- lui donner un mouchoir propre
relation avec madame G: objectif: éviter la perturbation de l’estime de soi
parler des faits anciens
féliciter lorsque madame G évoque ses souvenirs
éviter de lui rappeler les oublis des faits récents
lui laisser exprimer spontanément ses demandes relatives aux
problèmes de santé (car s’en souvient)
bain: préfère le bain à la douche
1 fois par semaine (lundi)
épilation: préfère crème (pas la pince)
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
21
Si nous prenons en référence la définition proposée pour
la démarche de soins, le processus de cette démarche
est à la fois linéaire, c’est-à-dire en fonction des caractéristiques d’un problème le soignant propose un
ensemble d’actions, comme par exemple « Observer
l’évolution des oedèmes, aide à la marche si besoin,
assise sur une chaise pendant la toilette » mais ce processus est aussi systémique comme l’exemple d’aide à
l’estime de soi qui est intégrée pendant l’aide à la toilette et qui sera mise en œuvre avant de proposer à
madame G la participation au groupe de parole. Dans la
situation de madame G, les soignants ont également réalisé la démarche du soin « aide à la toilette » en harmonisant les invariants de qualité du protocole « toilette » centrés sur les notions d’hygiène, de pudeur…
avec les attributs personnalisés recueillis pendant le processus de la démarche clinique : « assise sur une chaise
pour les oedèmes, la guidance conditionnée par les
troubles de la mémoire, la relation centrée sur le renforcement de l’estime de soi… ».
L’analyse du cas de madame G nous montre bien
que la compétence des soignants dans le raisonne-
ment clinique va conditionner la pertinence dans la
décision des interventions de soins et que seule une
démarche clinique performante oriente une décision de soins personnalisés ; à l’intérieur de ces
choix le professionnel de santé pourra ensuite mobiliser toutes ses compétences pour agir avec compétence.
Quelles compétences pour agir
avec compétence ?
Nous avons choisi le concept de compétence développé
par Guy Le Boterf car il a développé deux attributs principaux transférables au raisonnement clinique : avoir des
compétences et agir avec compétence. La première
dimension est celle des ressources disponibles tels que
les connaissances, les savoirs faire, les capacités cognitives, les compétences comportementales. Toutes ces
ressources personnelles seront mobilisées dans l’action.
La deuxième dimension est celle de l’action et des résultats qu’elle produit, c’est-à-dire les pratiques professionnelles et leur performance. La troisième dimension
est la prise de recul par rapport aux deux dimensions
Tableau 2
Ressources disponibles
Action et résultats
Ressources personnelles
Les pratiques professionnelles
et leurs résultats :
Ecriture
- Connaissances cliniques :
sciences médicales
et sciences humaines
Le raisonnement clinique est lié
aux exigences des situations
(urgences, court séjour, long séjour)
et aux impératifs de performance .
Macrocible et Synthèse
clinique initiale
Transmissions ciblées
quotidiennes
- Opérations mentales
et métacognition
Synthèses intermédiaires
- Raisonnement clinique
rationnel
- raisonnement hypothético déductif
et raisonnement par anticipation
Transmissions orales
et Réunions cliniques
- Raisonnement clinique
irrationnel (émotions)
- le jugement clinique
L’auto évaluation selon
la méthode de l’audit clinique
- « Les savoirs y faire »
tirés de l’expérience
Ressources environnementales :
- le modèle clinique tri focal
- Spécialistes et experts en
raisonnement clinique :
formateurs, personnes formées
- livres sur la démarche clinique
- Plans de soins types en fonction
des groupes homogènes
de séjour
22
Réflexivité
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
LA DÉMARCHE CLINIQUE INFIRMIÈRE
Évolution de la singularité vers l’interdisciplinarité
précédentes, c’est la réflexivité. Cette dynamique mise
en œuvre par un professionnel s’appelle du professionnalisme.
Si nous reprenons la définition « la démarche clinique est
le processus d’identification de l’ensemble des problèmes de santé réels et potentiels d’une personne mais
également des capacités, en considérant que pour la
personne âgée il convient de relativiser les problèmes
avec le vieillissement physiologique », nous pouvons
transférer les attributs du concept compétence de Guy
Le Boterf au processus d’identification car il nécessite
d’avoir des compétences pour agir avec compétence.
Si nous reprenons la définition « La démarche de soins est
un processus d’adaptation du soin à la personne. Elle est à
la fois l’adaptation d’un soin aussi bien prescrit par le médecin que prescrit par l’infirmière et la stratégie globale des
soins pour une personne. », nous pouvons également
transférer les attributs du concept compétence de Guy
Le Boterf au processus d’adaptation car il nécessite
d’avoir des compétences pour agir avec compétence.
Il serait sans doute très intéressant d’analyser individuellement chacun des éléments proposés dans le pre-
mier tableau mais nous allons centrer notre réflexion
sur le raisonnement clinique car ce thème intègre l’ensemble des points décrits dans les ressources personnelles et environnementales. La compétence du soignant
dans l’action va se situer dans la mobilisation adéquate
et harmonisée des différentes ressources, ce qui se
développera progressivement avec l’expérience.
LA PERTINENCE DU RAISONNEMENT CLINIQUE
La démarche clinique part des informations recueillies
sur le patient avant l’interaction et pendant l’interaction.
L’observation, l’écoute conjuguées aux réflexes de questionnement entraînent l’infirmière dans un raisonnement clinique qui a pour objectif de clarifier les problèmes de santé présents et potentiels. La pertinence du
raisonnement clinique est conditionnée par les connaissances cliniques acquises par l’infirmière pendant les formations mais également par l’expérience. Cependant,
les savoirs en sciences médicales et en sciences
humaines ne sont pas suffisants pour orienter un haut
Tableau 3
Ressources disponibles
Ressources personnelles
Action et résultats
Réflexivité
Les pratiques professionnelles
et leurs résultats :
Ecriture
- Connaissances des protocoles
de soins, des protocoles
thérapeutiques
Analyse systémique des situations
Actions et indicateurs
observables centrés sur
le patient (résultats)
- Aptitudes gestuelles
(novice à expert)
Lien entre démarche clinique
et démarche de soins
Transmissions orales
et réunions cliniques
Harmoniser les invariants de qualité
d’un soin avec les attributs
personnalisés (problèmes de santé,
capacités, habitudes de vie, désirs…)
L’auto évaluation selon
la méthode de l’audit clinique
- capacités cognitives
- ressources émotionnelles
- écoute (3 niveaux)
- aptitudes physiques
et sensorielles
Ressources environnementales :
- recommandations « de la Haute
Autorité de Santé »
- procédures écrites
- chemins cliniques
- compétence des collègues
ou d’autres métiers
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
23
raisonnement clinique; c’est l’utilisation d’une méthode
de raisonnement qui conduit le professionnel de santé
vers une méthode de recherche qui l’oblige à dépasser
la simple observation de faits.
Par exemple, l’observation d’indices tels que « enfant
pleure » n’est pas considérée comme un problème dans
la démarche clinique mais comme l’indice d’un problème
et le soignant chemine à partir d’hypothèses: douleur ?
difficulté d’adaptation à l’hospitalisation ? faim ? tristesse ?… l’infirmation ou la confirmation des hypothèses
sera faite à partir d’un recueil de données cliniques complémentaire dans lequel l’écoute du patient et de sa
famille tient une place essentielle. Arrêtons-nous sur un
autre exemple souvent entendu lors des réunions transmissions orales: « Madame M… a une perte d’appétit
depuis deux jours » ; spontanément les soignants proposent une action: collation ou lui proposer un plat selon
ses désirs; l’intention est humaniste mais le soin ne peut
être adapté à la problèmatique réelle sans un réflexe de
questionnement et sans une démarche de raisonnement
clinique: pourquoi cette perte d’appétit ? Plusieurs hypothèses seront formulées en fonction de l’analyse de situation de madame M: sentiment de solitude ? constipation ? signe d’une pathologie ? effet secondaire d’un
traitement ? là encore le recueil de données cliniques
complémentaires conduit par une personne ou par l’observation temporelle d’une équipe pendant plusieurs
jours va orienter le raisonnement clinique vers l’infirmation de plusieurs hypothèses et la confirmation d’une
hypothèse. La conclusion clinique se situera soit dans le
domaine de la pathologie, soit dans le domaine des complications liées à une pathologie ou aux effets secondaires des traitements soit dans le domaine des réactions humaines physiques ou psychologiques.
Nous abordons là le raisonnement clinique rationnel
basé sur un réflexe de questionnement et une méthode
hypothético déductive. Le soignant qui développe également ses compétences dans le raisonnement irrationnel basé sur l’écoute et la compréhension empathique tel que nous l’avons présenté au chapitre
précédent évolue vers une performance dans la
démarche clinique.
Dans leur exercice quotidien auprès des patients, les
soignants perçoivent en permanence des indices, des
signes, des symptômes qui, dans le contexte maladie/personne prennent un sens soit avec la pathologie, soit avec
les complications potentielles, soit avec une réaction
humaine physiologique ou psychologique, comme
l’illustre le cas suivant:
« Monsieur Y, âgé de 85 ans, placé en long séjour présente
ce matin les signes et les symptômes suivants:
• encombrement avec sécrétions abondantes
5
24
• toux importante, inefficace
• tachypnée: 25/minute
• dyspnée: sifflement
• Hyperthermie: 39°
• difficultés à se mouvoir
• n’a plus le goût de lire
• n’a pas bien dormi cette nuit
• dit être fatigué ».
Devant l’ensemble de la symptomatologie, l’infirmière
en collaboration avec l’aide-soignante:
• pense à une hypothèse de pneumopathie et elle en
avertit rapidement le médecin.
• valide le dégagement inefficace des voies respiratoires
et agit rapidement sur les manifestations,
• valide le risque d’intolérance à l’activité et demande à
l’aide soignante de voir le niveau d’aide que Monsieur
Y souhaite.
• pense au risque d’escarre devant la maigreur de
Monsieur Y, dans sa situation de diminution de l’activité et d’alitement et elle recherche les facteurs favorisants complémentaires afin de donner une prescription de soins personnalisés.
Dans cet exemple la fatigue est considérée comme facteur favorisant de l’intolérance à l’activité et va sans
doute disparaître avec l’amélioration ou la disparition
de la pathologie.
Dans d’autres situations, l’infirmière analyse avec précision les caractéristiques de la fatigue afin d’apprendre
au malade à la gérer dans son activité quotidienne
(exemple des malades cancéreux, sous chimiothérapie
par exemple).
Marchal et Psiuk ont proposé le modèle clinique tri
focal5 centré sur les 3 domaines cliniques afin d’orienter le raisonnement clinique vers l’ensemble des
hypothèses de problèmes. Ce modèle nous donne
également une structure commune à l’ensemble des
professionnels de santé à l’intérieur de laquelle il sera
possible de raisonner soit dans une démarche singulière, soit dans une démarche interdisciplinaire tout en
respectant les niveaux de jugement clinique autorisés par la législation professionnelle pour chacun des
statuts.
Le modèle clinique tri focal
Une personne peut présenter des problèmes de santé
soit réels, soit potentiels. Ces problèmes de santé sont
le plus souvent dans les domaines biologique, psychologique mais sont également en lien avec les domaines
social et culturel. Dans les problèmes de santé réels,
nous distinguons les problèmes médicaux et les réac-
A. Marchal, Th. Psiuk, le paradigme de la discipline infirmière en France, éd. Séli Arslan 2002
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
LA DÉMARCHE CLINIQUE INFIRMIÈRE
Évolution de la singularité vers l’interdisciplinarité
tions humaines physiques et psychologiques, liées à la
maladie, au traitement, au contexte intrinsèque et au
contexte extrinsèque, à la croissance et au développement. Dans les problèmes de santé potentiels, nous
pouvons regrouper les risques liés à la pathologie et aux
traitements et ceux liés au contexte intrinsèque, au
contexte extrinsèque et à la croissance et au développement.
Prenons l’exemple d’une personne âgée souffrant d’une
gastro-entérite et appliquons le modèle clinique tri focal
pour visualiser l’ensemble des hypothèses de problèmes
réels et potentiels prévalentes qui vont orienter le
recueil de données cliniques:
• symptomatologie de la pathologie: diarrhée, vomissements, douleurs abdominales, hyperthermie
• complications potentielles liées à la pathologie: risque
de déshydratation, risque de dénutrition
• risques de réactions humaines physiologiques: risque
d’érythème fessier
• risque de réactions humaines psychologiques: risque
de peur, risque de sentiment de honte
• réaction humaine physiologique: fatigue
• réaction humaine psychologique: anxiété
Lors du premier contact avec une personne présentant
la symptomatologie décrite ci-dessus, le médecin pose
le diagnostic de gastro-entérite. L’infirmière en collaboration avec l’aide soignante applique les traitements prescrits et évalue les caractéristiques personnalisées de
chaque signe et symptôme:
• Diarrhée: nombre, consistance, odeur…
• Douleurs abdominales : type, intensité, localisation
exacte, permanente ou à quel moment
• Hyperthermie: évolution de la fièvre, signes cliniques
associés: sueurs…
L’intensité de la symptomatologie oriente la prescription médicale et les informations cliniques recueillies
par les infirmières et les aides soignantes sont des indicateurs essentiels de l’efficacité des traitements. Cette
collaboration à la surveillance clinique est inscrite dans
la législation professionnelle, ce qui donne toute la légitimité au raisonnement clinique des infirmières qui doit
être explicite aussi bien oralement que dans l’écriture
dans le dossier du patient.
L’anticipation des risques doit devenir un réflexe dans
la démarche clinique; le soignant ne doit pas attendre
l’apparition des signes de déshydratation et ne doit
pas également se contenter de faire boire. Nous
avons vu précédemment que la pertinence d’une
démarche de soin était conditionnée par la pertinence d’une démarche clinique et dans l’exemple de
la personne âgée présentant une gastro-entérite le
6
soignant anticipe le risque de déshydratation et
recueille des données cliniques : y a-t-il des signes de
déshydratation ? Quelles sont les habitudes d’hydratation de cette personne ? Quelle est l’intensité
de la symptomatologie de la pathologie : fièvre ?
vomissements ? … toutes ces informations vont
orienter le choix des interventions et l’infirmière
pourra faire une véritable prescription personnalisée qui sera beaucoup plus précise que la simple
action « faire boire ». Les données recueillies dans la
démarche clinique deviennent le référentiel pour
évaluer l’efficacité des interventions.
L’analyse globale de l’intensité des signes de la pathologie intégrée dans l’analyse globale du contexte de
la personne (âge, antécédents…) orientent le
réflexe d’anticipation sur les conséquences physiques et psychologiques. Le risque d’érythème fessier est pris en charge par les soignants après avoir
recueilli les données cliniques personnalisées sur
l’état de la peau, l’intensité des signes de la pathologie, les facteurs renforçants tels que l’âge, la
fatigue… Le réflexe clinique doit encore une fois
être présent afin de ne pas limiter les interventions
au simple « massage effleurage » devant un risque
perçu mais sans analyse des données cliniques personnalisées.
La conception humaniste des soins que nous avons
évoquée dans le premier chapitre alerte le soignant
sur le vécu du patient dans sa situation problématique
de santé. Que peut ressentir une personne âgée qui
présente toute la symptomatologie décrite sur la gastro-entérite ? Les hypothèses le plus souvent proposées par les soignants que nous avons en formation
sont « sentiment de honte », ou « peur de mourir » ;
ce ne sont que des hypothèses car chaque personne
réagit personnellement à un évènement. L’écoute sera
primordiale pour percevoir les indices des réactions
comportementales des patients. La relation d’aide
counseling que nous avons présentée au deuxième chapitre prend alors tout son sens.
Les personnes n’expriment pas toujours spontanément
les réactions psychologiques; cependant elles sont présentes comme le précise Carpenito:
« La maladie, le traumatisme, l’hospitalisation, les examens
diagnostiques et les traitements peuvent susciter diverses
réactions chez le client. Selon la situation, la personnalité du
client et d’autres facteurs encore, ces réactions peuvent
prendre des formes aussi diverses que peur, anxiété, colère,
perte d’espoir… ».6
Les réactions humaines psychologiques sont difficiles
à valider car elles sont subjectives s’exprimant par des
Lynda Juall Carpenito, plan de soins et dossier infirmier, De Boeck Université 1997, p 36.
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
25
symptômes ressentis par la personne. La conclusion
clinique ne pourra être qu’une « hypothèse la plus probante » devant des indicateurs répétitifs, comme le
précise Marjory Gordon7
« Pour connaître l’état subjectif (humeurs) ou la perception
de soi des clients, il est essentiel qu’ils puissent fournir des
descriptions verbales. Les données subjectives confirment la
clinicienne dans son diagnostic et elles en augmentent la fiabilité et la validité… on ne peut pas observer des sentiments
subjectifs; on ne peut qu’évaluer la réaction du client à ces
sentiments »
Il faut associer le témoignage verbal et les données
recueillies par l’observation pour avoir l’assurance de
pouvoir inférer l’hypothèse la plus probante. Nous comprenons l’importance pour le soignant de développer
les trois niveaux d’écoute présentés dans le deuxième
chapitre.
Dans une situation maladie et en fonction du
contexte physique, psychologique et social de la
personne certaines réactions humaines sont présentes d’emblée.
Dans le cas de cette personne âgée présentant une gastro-entérite, la fatigue et l’anxiété sont réelles dans
toutes les situations. Les professionnels de santé doivent
y penser d’emblée en recueillant les manifestions personnalisées afin d’ajuster leur relation d’aide dans l’ici et
maintenant.
Le modèle clinique tri focal nous permet une
approche systémique des problèmes de santé d’une
personne. L’infirmière participe très fort à l’analyse
de la situation des personnes, non seulement à l’accueil mais également pendant toute la durée de la
prise en soins ; dans la majorité des secteurs de soins
sa présence 24h sur 24 l’oblige à une évaluation globale des problèmes de santé même si elle fait appel
aux spécialistes lorsqu’ils sont présents (médecins,
kinésithérapeutes, diététiciennes…). Comme le précise Carpenito8 :
« Les infirmières se distinguent surtout des autres disciplines de la santé par la polyvalence de leur champ de
connaissances. Les autres disciplines possèdent un centre
d’intérêt plus limité que les soins infirmiers. Il est certain
que la diététicienne est de toute évidence plus qualifiée
que l’infirmière dans le domaine de la nutrition…, mais
chaque infirmière possède des connaissances suffisantes
pour faire face à la plupart des situations cliniques.
Lorsque les connaissances de l’infirmière se révèlent insuffisantes pour une situation donnée, celle-ci consulte les
spécialistes. »
7
LES NIVEAUX DE JUGEMENT
CLINIQUE
Dans la démarche clinique, les jugements, c’est-à-dire
les conclusions cliniques, sont posés aux différentes
étapes du raisonnement.
Dans le premier domaine clinique qui est la symptomatologie de la pathologie, nous avons défini quatre niveaux
de jugement clinique pour les infirmières:
• Les hypothèses de maladie,
• Les caractéristiques précises des signes et des symptômes de la pathologie,
• Les prescriptions médicales,
• L’urgence.
Une infirmière qui développe ses compétences par l’expérience est capable de formuler mentalement une hypothèse de diagnostic médical devant l’observation des
signes cliniques et de recueillir les signes complémentaires pertinents. Une infirmière débutante est également
capable d’anticiper, devant certains signes observés, des
hypothèses simples de diagnostic médical, telles que suspicion de phlébite ou suspicion d’infection urinaire.
Lorsque le médecin n’a pas encore validé la pathologie,
l’infirmière collabore à la recherche diagnostique en décrivant précisément ce qu’elle observe avec l’examen physique autorisé en France, c’est à dire en utilisant la vue,
l’ouïe, l’odorat, le toucher et en mobilisant ses connaissances cliniques. La description doit être précise afin
d’orienter la continuité des observations par les collègues
et d’orienter le raisonnement diagnostique du médecin
et le choix thérapeutique. Lorsque le diagnostic est posé
et que la prescription médicale est donnée, l’infirmière
évalue l’évolution des signes cliniques en montrant l’évolution positive ou l’exacerbation des symptômes.
Benner9 développe les compétences acquises par les
infirmières devenues expertes:
- détecter et déterminer les changements significatifs de
l’état du malade,
- fournir un signal d’alarme précoce: anticiper une crise
et une détérioration de l’état du malade avant que des
signes explicites ne confirment le diagnostic.
Une infirmière débutante doit également avoir la capacité d’observation des signes et des symptômes de la
pathologie avec la connaissance du vocabulaire clinique
précis lorsque le médecin a posé le diagnostic. La
connaissance de ce vocabulaire et surtout la compréhension de ce que cela signifie représentent la condition
indispensable pour faire une observation précise.
Marjory GORDON, Diagnostic infirmier, méthodes et applications, MEDSI MAC GRAW HILL 1991.
Op cit, P 6
9
P. Benner, de novice à expert, interéditions, 1995
8
26
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
LA DÉMARCHE CLINIQUE INFIRMIÈRE
Évolution de la singularité vers l’interdisciplinarité
La prescription médicale est réservée au corps médical; cependant, dans la pratique quotidienne l’infirmière
rencontre de multiples situations où elle prend des initiatives devant des risques élevés de complications avant
d’interpeller le plus rapidement possible le médecin; la
pertinence des informations oriente souvent le changement de prescription.
L’infirmière française n’est pas qu’une exécutante de la
prescription médicale; elle raisonne avant la prescription pour l’orienter et elle continue à raisonner avant de
l’appliquer. Son jugement commence dès qu’elle perçoit
qu’une prescription est erronée :
« il peut arriver à un médecin ou à un interne de se tromper. L’infirmière n’a pas, en principe, compétence pour
corriger la prescription écrite par le médecin ou par l’interne, mais, si elle constate une erreur manifeste, elle doit
la signaler au médecin afin qu’il la corrige. Si le médecin
confirme sa prescription, il appartient à l’infirmière de l’exécuter. Il n’y a qu’un cas dans lequel l’infirmière ne doit pas
exécuter la prescription erronée c’est celui dans lequel,
par expérience, par connaissance, elle est absolument certaine que la prescription aura des conséquences dramatiques pour le patient: il est alors de son devoir de s’abstenir, sinon il y aurait non-assistance à personne en
danger ».10
Lorsqu’elle applique une prescription médicale, l’infirmière doit en connaître l’objectif pour le patient afin
d’évaluer les indices d’efficacité ou de repérer les signes
d’inefficacité ou d’intolérance. Cette connaissance guide
le raisonnement clinique ainsi que les prises de décisions.
Le raisonnement clinique oriente également l’infirmière
vers l’identification de l’urgence de la situation et le choix
des interventions adaptées: « ne pas être en non-assistance à personne en danger » et appeler le médecin le
plus rapidement possible en lui transmettant les informations objectives pertinentes.
Dans le deuxième domaine clinique, l’infirmière collabore avec le médecin à la prévention des complications liées à la pathologie et aux effets secondaires des médicaments. Le médecin prescrit des
actions de préventions que l’infirmière applique
avec la même collaboration que celle décrite précédemment, c’est à dire en évaluant régulièrement
si les premiers indices appelés « signal d’alarme précoce » sont présents ou en faisant le lien avec ce
risque si le malade l’interpelle devant l’existence de
signe.
10
11
Lorsque le risque de complication est présent parce que
le malade a « telle » pathologie qui a été diagnostiquée,
le médecin ne prescrit pas toujours des actions de prévention et l’infirmière collabore en anticipant le risque,
ce qui oriente ses prises de décisions. La collaboration
existe à la fois pour les risques standards liés à une
pathologie ou une intervention et pour les risques élevés liés à la présence complémentaire de facteurs renforçants.
Dans le troisième domaine clinique, les réactions
humaines réelles s’expriment par la présence de
manifestations qui permettent de poser des jugements cliniques tels que rétention urinaire, incontinence par réduction du temps d’alerte, constipation, escarre stade 1… mais également concept de
soi altéré, perte d’espoir… L’infirmière doit poser
ses conclusions cliniques dès qu’elle a recueilli les
signes dominants, agir dans la limite des actions dont
elle peut prendre l’initiative et appeler le médecin
pour traiter ce problème dès qu’elle a besoin d’une
prescription. Son raisonnement doit la conduire jusqu’à la question : « A quoi cela est-il lié ? à la pathologie ? au traitement ? au contexte intrinsèque ? au
contexte extrinsèque ? à la croissance et au développement ? »
La pensée linéaire est obligatoire pour développer les
étapes du raisonnement clinique et les niveaux de
jugement clinique mais la pensée complexe décrite
par Edgar Morin nous recentre sur la globalité de la
prise en soins de la personne soignée avec l’autonomie professionnelle de l’infirmière dans une interdisciplinarité.
Le modèle clinique tri focal proposé par Marchal et
Psiuk, centré sur la personne est adapté à la prise en
charge globale du patient par l’ensemble des professionnels de santé. Chaque corps professionnel va cheminer dans le raisonnement clinique en fonction de sa
législation, des connaissances acquises en formation et
par l’expérience, mais la qualité des jugements cliniques
ne pourra se développer que dans une coordination des
raisonnements cliniques entre les professionnels, c’est
ce que Gérard Fourez appelle « les ilôts de rationnalité
interdisciplinaires » :
« Dans le cas de la discipline des soins infirmiers, l’interdisciplinarité est, plus qu’en bien d’autres lieux, de mise.
Comment en effet une infirmière pourrait-elle trouver une
réponse adéquate à la question: de quoi s’agit-il lorsqu’il faut
soigner tel patient ? La réponse standard de sa discipline est
indispensable, mais elle ne trouvera sa portée qu’insérée
dans une vision interdisciplinaire. »11
C. Aucouturier –Boissier, G. Holleaux, J. Zucman, la responsabilité juridique de l’infirmière, p44
G. Fourez, des représentations aux concepts disciplinaires et à l’interdisciplinarité, in recherche en soins infirmiers, N° 66, septembre 2001, p 22
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
27
LES RÉFÉRENTIELS PLURIDISCIPLINAIRES DE PRATIQUE PROFESSIONNELLE
Nous construisons actuellement avec des équipes pluridisciplinaires des plans de soins types en fonction des
groupes homogènes de séjours et des chemins cliniques.
Ces référentiels de pratique professionnelle orientent le
raisonnement clinique, les jugements cliniques et la décision des interventions de soins. Ce sont des standards de
qualité qui cependant nécessitent une réflexion individualisée pour réaliser pour chaque patient une démarche clinique personnalisée et une démarche de soins pertinente.
Selon les recommandations de la Haute autorité de
santé12, le chemin clinique est centré autour du patient;
il a pour but de décrire, pour une pathologie donnée,
tous les éléments du processus de prise en charge en
suivant le parcours du patient au sein de l’institution.
C’est une méthode qui vise la performance de la prise
en charge pluridisciplinaire des patients présentant la
même pathologie ou la même situation de dépendance.
Elle repose sur la description d’une prise en charge optimale et efficiente à partir des règles de bonnes pratiques
en faisant appel à l’analyse des processus. Elle a pour objectifs de planifier, organiser et assurer la prise en charge des
patients de façon consensuelle au sein d’une équipe.
Nous proposons aux équipes qui ont implanté la formalisation du raisonnement clinique à partir de la gestion du Dossier Patient de construire des plans de soins
types à partir du modèle tri focal pour les situations cliniques prévalentes dans les unités de soins. Ce préalable
est une démarche de projet indispensable pour
construire ensuite des chemins cliniques qui décrivent
tous les actes de soins coordonnés.
Le chemin clinique interdisciplinaire est l’outil de la gestion prévisionnelle des soins; le Plan de soins type est le
référentiel analytique de l’ensemble des problèmes réels
et potentiels relatifs à la population correspondant au
chemin clinique; il donne le sens des interventions et
des résultats escomptés notés dans le chemin clinique.
Il oriente l’analyse lors de la mesure de l’écart entre la
pratique réelle et le chemin clinique de référence.
12
28
CONCLUSION
La démarche clinique s’appuie donc sur des connaissances cliniques mais également sur une méthode de
raisonnement qui s’apprend et se pratique quotidiennement afin d’analyser les indices présents chez la personne soignée et éviter ainsi de porter trop rapidement
des jugements de valeur ou d’agir uniquement sur un
signe ou un symptôme sans avoir identifié le vrai problème.
C’est pourtant le risque que l’on prend quand on
applique une démarche de soins en partant d’une
grille « 14 besoins fondamentaux » pour « identifier
les problèmes du malade ». Un recueil de données
basé sur une telle grille ne permet que de percevoir
des signes, des symptômes ou des indices de satisfaction d’un besoin fondamental. Elle peut éventuellement être utilisée au début des études d’infirmières
pour apprendre aux étudiants à décrire les caractéristiques des signes et des symptômes de chaque
besoin en référence aux critères observables d’un
besoin fondamental satisfait.
La méthodologie de la démarche clinique, non seulement doit être enseignée dès le début des études avec
un apprentissage progressif pendant les 3 années de formation mais surtout doit être utilisée par les infirmières
praticiennes pour analyser les caractéristiques personnalisées des problèmes des patients.
La formalisation du raisonnement clinique est encore
une nouveauté pour les infirmières, car il est resté
implicite jusque maintenant laissant souvent penser
que nous n’étions que des exécutantes. Lorsque nous
abordons des situations réelles avec les infirmières au
cours des formations, nous sommes émerveillés
devant cette richesse de connaissance des malades,
des maladies, jusqu’alors non exprimée donc non
connue…C’est peut être là que se situe notre identité professionnelle qui ne pourra s’affirmer que dans
une démarche clinique collective où la pluridisciplinarité des compétences professionnelles est un
atout essentiel pour la qualité des soins offerts aux
patients et où la compétence du malade tient une
place centrale.
« Chemin clinique, une méthode d’amélioration de la qualité » Juin 2004 diffusé en Juillet 2005 sur le site HAS
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 84 - MARS 2006
Téléchargement