DOSSIER THÉMATIQUE Oncodermatologie Facteurs génétiques impliqués dans la prédisposition et la progression du mélanome Genetic factors involved in melanoma predisposition and progression N. Soufir* D es progrès considérables ont été accomplis dans la connaissance de la prédisposition génétique au mélanome au cours de la dernière décennie. Une histoire familiale de mélanome est parmi les facteurs de risque les plus établis : il est estimé que 10 % des cas de mélanome résultent d’une prédisposition héréditaire (1). Deux gènes de forte pénétrance prédisposant au mélanome ont été identifiés à ce jour, CDKN2A et CDK4 (2-4), mais de * Service de génétique, hôpital Bichat Claude-Bernard, Paris ; Inserm U976, centre de recherche sur la peau, hôpital Saint-Louis, Paris ; université Paris-VII. M nombreux autres biomarqueurs à risque, dont la pénétrance est moindre, ont également été caractérisés. Parallèlement, des progrès considérables ont été accomplis en ce qui concerne les événements génétiques se produisant à l’intérieur des tumeurs, permettant de caractériser de nouvelles cibles thérapeutiques, avec pour la première fois l’obtention de réponses thérapeutiques encourageantes aux nouveaux traitements (thérapies ciblées). Par ailleurs, le terrain génétique de l’hôte semble également jouer un rôle important dans l’évolution du mélanome, et notamment dans la qualité de la réponse immunitaire. G1 G2 Point START S + p21 p CDK4-cycline D CDK6 p16 INK4a Bax + E2F RB-E2F Apoptose – Gènes suppresseurs de tumeur p53 Gènes de susceptibilité de forte pénétrance Dégradation Oncogènes CDKN2A MDM2 p14 ARF Figure 1. Gène CDKN2A et contrôle du cycle cellulaire. Le gène CDKN2A code pour 2 transcrits, P16INK4A et P14ARF, qui contrôlent le cycle cellulaire par 2 voie complémentaires, la voie cycline D1-CDK4-Rb et la voie MDM2-P53. 544 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 Facteurs génétiques impliqués dans la susceptibilité au mélanome ◆ CDKN2A Mélanome familial En 1994, le gène CDKN2A a été identifié comme le premier gène de susceptibilité au mélanome de forte pénétrance. Des mutations germinales de CDKN2A sont présentes dans environ 20 % des familles de mélanome (5). Le gène CDKN2A, situé sur le chromosome 9p21, code pour 2 protéines structurellement distinctes agissant comme suppresseurs de tumeurs (figure 1). Points forts » Des progrès considérables ont été réalisés dans la génétique du mélanome. » Trois gènes majeurs de prédisposition ont été identifiés (CDKN2A, CDK4, BAP1), mais ils concernent une faible proportion de malades (mélanome familial, mélanome multiple sporadique). Cela a permis de mettre en place un conseil génétique dans les familles à risque et une surveillance optimale des sujets porteurs d’une mutation prédisposante. » De nombreux polymorphismes génétiques augmentant le risque ont aussi été caractérisés, concernant la majorité des mélanomes, et appartenant principalement à des gènes de pigmentation (récepteur de type 1 à la mélanocortine, SLC45A2). » La génétique somatique du mélanome a également énormément progressé. Un élément capital est la découverte des mutations activatrices de l’oncogène BRAF, ayant permis la mise en œuvre de thérapies ciblées et révolutionnant le traitement du mélanome métastatique. Mots-clés Mélanome Prédisposition Progression CDKN2A BAP1 MC1R BRAF KIT Highlights * * 2 mélanomes * 5 mélanomes * Les exons 1α, 2 et 3 codent pour p16INK4a, tandis qu’un exon 1 alternatif, l’exon 1β, est transcrit en utilisant un promoteur différent, épissé aux exons 2 et 3, dans un cadre de lecture différent, permettant de coder pour la protéine p14ARF (ARF, aussi appelé p19ARF chez la souris). P16INK4a joue un rôle clé dans le cycle cellulaire en contrôlant le point de transition G1-S, par l’intermédiaire de la protéine du rétinoblastome (PRB). L’autre produit du locus CDKN2A, p14ARF, agit aussi comme un gène suppresseur de tumeur. ARF agit notamment via une interaction avec MDM2, entraînant une stabilisation ainsi qu’une accumulation de la protéine TP53 et aussi de sa cible en aval, p21, un inhibiteur non seulement de CDK4 et CDK6, mais aussi des autres CDK (6). La fréquence des mutations de CDKN2A augmente avec le nombre d’apparentés atteints et avec la présence de mélanomes multiples chez le même patient (figure 2) [7] ainsi que de cas de cancer du pancréas dans la famille (7, 8). Par opposition, la prévalence des mutations germinales de CDKN2A dans la population générale est extrêmement faible. Dans une étude australienne (état du Queensland), J. Aitken et al. (9) l’estiment à seulement 0,2 % de tous les cas de mélanome. La plupart des mutations affectent également la protéine P14ARF car elles sont situées dans l’exon 2. Des mutations spécifiques d’ARF ont également été décrites, certaines associées à un syndrome particulier, le syndrome mélanomeastrocytome (OMIM 155755), dans lequel on observe une co-ségrégation de mélanomes et de tumeurs du système nerveux central (10). 2 mélanomes Figure 2. Exemple typique d’une famille prédisposée au mélanome. Huit malades sont atteints de mélanome et trois d’entre eux ont développé plusieurs mélanomes. Le cas index est indiqué par une flèche, et une mutation du gène CDKN2A a été identifiée chez lui. Cette mutation a ensuite été retrouvée chez plusieurs membres de la famille (*). Mélanome multiple sporadique Le second groupe de malades porteurs de mutations de CDKN2A est celui des patients atteints de mélanomes multiples sporadiques. Les résultats de 4 grandes études montrent un taux de mutations allant de 9 à 15 % (11). Augmentation du risque d’autres cancers dans les familles mutées CDKN2A Il y a clairement un risque accru de cancer du pancréas dans les familles présentant des mutations de CDKN2A, avec un risque estimé 22 fois plus élevé chez les individus porteurs d’une mutation germinale CDKN2A (12). Plusieurs autres groupes ont rapporté la survenue d’un cancer du pancréas dans les familles de mélanome mutées (13), et les patients qui développent à la fois un mélanome et un cancer du pancréas sont porteurs de mutations de CDKN2A (14). Un risque accru de cancers du sein, de la prostate, du côlon, de cancers du poumon et de carcinomes épidermoïdes (SCC) a été suggéré, mais il n’est pas établi avec certitude. Facteurs modifiant la pénétrance des mutations CDKN2A Les études épidémiologiques suggèrent que la pénétrance des mutations de CDKN2A est modifiée par d’autres facteurs, génétiques ou environnementaux. Elle a été estimée à 30 % avant l’âge de 50 ans et à 67 % à l’âge de 80 ans. Cependant, il existe une disparité géographique, avec un risque de mélanome à l’âge de 80 ans de 58 % dans les pays euro- » Considerable progresses have been made in melanoma genetics. » Three major susceptibility genes have been identified (CDKN2A, CDK4, BAP1), but which are involved in a small proportion of patients (familial melanoma, sporadic multiple melanoma ). This has allowed to organize genetic counseling in at risk families and optimal monitoring of subjects carrying a predisposing mutation. » Many genetic variants increasing melanoma risk have also been characterized. These variants concern the majority of sporadic melanomas, and belong mainly to pigmentation genes (type 1 melanocortin receptor, SLC45A2...). » Genetic somatic events melanoma has also considerably progressed. A key factor was the identification of an activating mutation in the BRAF oncogene. This has allowed the discovery of specific targeted therapy, and has revolutionized the treatment of metastatic melanoma. Keywords Melanoma Predisposition Progression CDKN2A CDK4 BAP1 MC1R BRAF KIT La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 | 545 DOSSIER THÉMATIQUE Oncodermatologie Facteurs génétiques impliqués dans la prédisposition et la progression du mélanome péens, contre 91 % en Australie (15), soulignant une interaction potentielle entre les rayons ultraviolets (rayons UV) et les mutations de CDKN2A. En outre, il a été démontré que la présence de nævus dysplasiques cliniquement identifiés, le nombre total de nævus et les antécédents de coups de soleil augmentent considérablement le risque de mélanome en Europe, en Amérique du Nord et en Australie (16). Enfin, plus récemment, il a été démontré que des variants fonctionnels du gène MC1R augmentaient également la pénétrance des mutations de CDKN2A. ◆ CDK4 Dans le monde, environ 13 familles ont été signalées comme porteuses de mutations du gène CDK4. Fait intéressant, toutes les mutations se produisent dans le codon 24, avec 2 familles porteuses d’un changement R24C ou R24H (17). Le résidu R24 est critique dans l’interaction p16INK4a-CDK4 et, lorsqu’il est substitué, p16INK4a ne peut plus se lier ni inactiver la protéine oncogénique CDK4, ce qui induit une mutation “gain de fonction” (18). ◆ BAP1 Très récemment, un nouveau gène de prédisposition au mélanome, BAP1, a été identifié. Ce gène avait tout d’abord été retrouvé muté dans un fort taux de mélanomes oculaires (19). Des mutations germinales de BAP1 ont ensuite été identifiées, principalement dans des familles de mélanomes comprenant des mélanomes oculaires (20). Ce gène prédispose également à la survenue de mésothéliomes (21), et peut-être d’autres cancers. ◆ Indications et prescriptions du test génétique Les indications du test génétique sont les suivantes : ➤ au moins 2 cas de mélanomes sur la même branche parentale aux degrés 1 ou 2, dont l’un au moins est invasif ; ➤ au moins 2 mélanomes invasifs chez la même personne ; ➤ au moins 2 mélanomes chez la même personne, l’un invasif, l’autre in situ, le premier avant 40 ans ; ➤ un cancer du pancréas peut remplacer un mélanome. Le test génétique sera prescrit en consultation individuelle après information et signature d’un consentement éclairé. Le résultat sera rendu lors d’une deuxième consultation et, en cas d’identification d’une mutation, un diagnostic présymptomatique sera proposé aux apparentés. En cas de mutation, une surveillance stricte des lésions pigmentées en 546 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 milieu hospitalier aura lieu tous les 3 à 6 mois, avec exérèse de toute lésion suspecte. ◆ Autres gènes de forte pénétrance BRCA2 BRCA2 est un des 2 gènes majeurs de prédisposition au cancer du sein. Globalement, il a été démontré qu’il existe un surrisque de mélanome dans les familles mutées BRCA2. BRCA2 a été peu étudié dans les familles dont plusieurs membres sont atteints de mélanomes, définition du mélanome familial ; des mutations de BRCA2 ont été rapportées chez 2 % des familles de mélanomes en Sardaigne. Identification d’autres locus impliqués dans la prédisposition génétique au mélanome Un consortium international sur la prédisposition au mélanome, GenoMEL, comprenant des groupes de recherche majeurs d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Asie et d’Australie, a permis de collecter un grand échantillon de familles de mélanomes en vue de caractériser les mutations dans les gènes à haut risque de susceptibilité au mélanome. Plusieurs autres régions ont ainsi été identifiées : 9p21 et 1p22 pour le mélanome seul, et 9q21 pour l’association d’un mélanome cutané et d’un mélanome oculaire. Prédisposition multifactorielle au mélanome Au contraire de la prédisposition liée à des gènes majeurs de forte pénétrance, la susceptibilité multifactorielle est liée à des polymorphismes ayant chacun une faible pénétrance et qui interagissent avec les facteurs environnementaux, principalement les UV, et modulent le risque de mélanomes (figure 3). Ces variants génétiques ont été identifiés soit grâce à des études du type “gène candidat” (principalement pour les gènes de pigmentation), soit grâce à des études d’association dites “tout génome” (GenomeWide Association Studies [GWAS]), au cours desquelles l’ensemble du génome est étudié sans a priori. Les gènes les plus fréquemment impliqués sont ceux impliqués dans la voie de la pigmentation (22, 23). Le gène le mieux étudié est le gène codant pour le récepteur de type 1 à la mélanocortine (MC1R) [24]. MC1R est le plus connu et le mieux étudié des locus à faible pénétrance de susceptibilité au mélanome. Le gène MC1R, localisé en 16q, code pour un récepteur transmembranaire couplé à une protéine G (figure 4) DOSSIER THÉMATIQUE composé de 317 acides aminés, qui est exprimé dans plusieurs types cellulaires, y compris les mélanocytes et les kératinocytes. La stimulation de MC1R par l’hormone α-mélanocyte-stimulante (α-MSH) active l’adénylcyclase et augmente la concentration de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc), induisant la synthèse du pigment noir photoprotecteur, l’eumélanine, plutôt que de la phaéomélanine, pigment rouge orangé. MC1R est très polymorphe dans les populations caucasiennes, et il existe de nombreux variants de MC1R pouvant conduire à une perte de fonction, en diminuant la production d’AMPc, soit l’affinité de liaison de l’α-MSH (25). Plusieurs allèles perte de fonction de MC1R (R142H, R151C, R160W et D294H) ont été montrés comme fortement associés avec les cheveux roux et le phénotype peau claire-difficulté à bronzer (variants dits RHC, pour Red Hair Color). Ces variants RHC sont très fréquents dans les populations d’origine celte, mais moins fréquents dans les pays du sud de l’Europe (France, Espagne, Italie, Grèce), dans lesquels d’autres variants de MC1R ont aussi été associés au risque de mélanome. Plusieurs études ont été réalisées à travers le monde, montrant une nette augmentation du risque de mélanome (OR > 2) chez les individus portant un variant fonctionnel de MC1R, et le doublement du risque lorsque 2 allèles variants sont présents (26-28). Fait important, l’effet de MC1R sur la prédisposition au mélanome semble impliquer, au moins en partie, des mécanismes indépendants de son effet sur la pigmentation dans les populations européennes (27, 28). Le risque de mélanome persiste souvent après stratification sur les caractéristiques pigmentaires (type ou couleur de peau, couleur des yeux ou des cheveux, nombre de nævus). ◆ Autres gènes de pigmentation Un polymorphisme faux-sens (Leu374Phe) du gène SLC45A2/MATP (22, 29-31) a été montré comme protégeant assez fortement du risque de mélanome (OR = 0,35). Ce polymorphisme est à l’état homozygote Leu/Leu dans les populations d’Afrique noire, alors que l’allèle 374Phe est spécifique de la population caucasienne. Dix à 20 % de la population caucasienne est porteuse du variant 374Leu et est, de ce fait, partiellement “protégée” du mélanome. De manière intéressante, l’allèle 374Leu est associé à la couleur foncée de la peau, des cheveux et des yeux, mais l’association au mélanome est indépendante du phénotype pigmentaire (et l’effet additif à celui de MC1R). SLC45A2/MATP code pour une protéine mélanosomale impliquée dans l’albinisme de type 4 (OCA4). On peut en rapprocher l’association de poly- Rock pocket mouse Mélanome Cheveux/poils roux (humain, cheval) ou pales (ours) Sites liés au mélanome pour les rock pocket mouse Cheveux roux (humain) Melanism in ? A18C NH2 Jaguarundi Souris A109W Jaguar 95-102 101-105 Pig. sheep Vache, cochon L100P L99P E94K Bananaquit Souris, poulet Humain D121N C125R Fox S83F D294H Y298C 871L Cheval M73K COOH A160W Q233H Souris Ours noir A151C Récepteur de type 1 Mouton à la mélanocortine Humain (MC1R) Variants RHC = cheveux roux Rock pocket mouse Figure 3. Récepteur de type 1 à la mélanocortine (MC1R). Ce récepteur possède 7 domaines transmembranaires, et sa stimulation par l’α-MSH favorise la synthèse d’eumélanine (marron, photoprotectrice) aux dépens de la phaéomélanine (rouge orangée, peu photoprotectrice et mutagène). Le gène est très polymorphe dans la population caucasienne. De nombreux variants sont représentés (différentes couleurs) dont certains (rouge) sont associés aux cheveux roux et au risque de mélanome. Prédisposition au mélanome Multifactorielle Monogénique CDKN2A, CDK4 Mélanome familial, multiple, + cancer pancréas Variants fréquents MC1R SLC45A2 TYR ASIR Variants rares EDNRB... Conseil génétique Surveillance des sujets à risque Futurs biomarqueurs ? Figure 4. Prédisposition au mélanome : gènes de forte pénétrance et prédisposition multifactorielle. morphismes du gène codant pour une autre protéine mélanosomale, OCA2 (32), dont les mutations sont responsables de l’albinisme occulocutané de type 2. Des variants du gène codant pour la protéine de signalisation agouti (ASIP), l’antagonisme de MC1R, ont aussi été associés au risque de mélanome (33). La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 | 547 DOSSIER THÉMATIQUE Facteurs génétiques impliqués dans la prédisposition et la progression du mélanome Oncodermatologie * SCF K I T NRAS BRAF * PI(3)K * NEDD9 * PTEN AKT3 MEK * Migration, invasion Prolifération, survie * * mTOR ERK MITF * Croissance cellulaire Transcription Figure 5. Les différentes voies de signalisation impliquées dans l’oncogenèse du mélanome. La voie des MAP kinases (avec l’oncogène BRAF, en bleu), le récepteur KIT et son ligand (en violet), l’oncogène NRAS (en vert), la voie de la PI3 kinase (en vert), et MITF (en vert). Facteurs somatiques Facteurs constitutionnels BRAF NRAS CDKN2A CKIT PTEN WNT5A MMP8 GRM1 Polymorphismes Gènes de réparation Immunité Récepteur de la vitamine D Progression Classification tumorale Réponse au traitement Figure 6. Principaux facteurs génétiques impliqués dans la progression du mélanome. On distingue des facteurs somatiques (propres à la tumeur) et les facteurs constitutionnels (propres au malade). Des polymorphismes de gènes codant pour des enzymes impliqués directement dans la mélanogenèse ont aussi été associés au risque de mélanome, qu’il s’agisse du polymorphisme thermosensible R402Q de l’enzyme tyrosinase, enzyme clé de la mélanogenèse (TYR, gène de l’albinisme de type I), ou de polymorphismes de la TYRP1 (TyrosinaseRelated Protein 1) [33]. 548 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 Récepteurs de l’endothéline B (EDNRB) Des mutations d’un gène impliqué dans la différenciation mélanocytaire et la maladie de Hirschrung ont été identifiées dans la prédisposition au mélanome familial (34). Les hypothèses physiopathologiques sont une moindre différenciation mélanocytaire conduisant à une moins bonne photoprotection ou à une transformation maligne plus facile des mélanocytes. Gènes associés au nombre de nævus Des études d’association “tout génome” ont permis d’identifier des variants associés au nombre de nævus, dans les gènes MTAP (situé en 9p21) et PLAG26 (en 22q13.1). Des variants de ces gènes ont aussi été associés au risque de mélanome (35). ◆ Autres gènes Des polymorphismes d’autres gènes, non liés directement à la pigmentation, ont aussi été identifiés récemment par des études d’association pan-génomique (GWAS) à d’autres locus génétiques : tertCLPTM1 (codant pour la télomérase), CASP8, ATM, MX2 et 1q21.3 (31, 36-39). Facteurs génétiques impliqués dans la progression du mélanome (figure 5) Classiquement, le développement du mélanome et sa progression se déroulent en 6 étapes : 1. nævus mélanocytaire bénin acquis ; 2. nævus mélanocytaire avec hyperplasie mélanocytaire lentigineuse ; 3. nævus mélanocytaire avec atypies nucléaires, c’est-à-dire une dysplasie mélanocytaire ; 4. mélanome au stade de croissance horizontale (RGP) ; 5. mélanome en croissance verticale (VGP) ; 6. mélanome métastatique. Il est maintenant prouvé que les facteurs génétiques ont une importance cruciale dans la progression tumorale et sur le pronostic. Parmi les facteurs génétiques jouant un rôle dans la progression du mélanome, il est possible de distinguer les facteurs somatiques, présents dans les tumeurs, des facteurs constitutionnels, présents dans l’ADN des patients eux-mêmes. Facteurs génétiques somatiques La caractérisation des facteurs génétiques somatiques acquis a montré l’existence de différents DOSSIER THÉMATIQUE types de mélanome, et entraîné une révolution thérapeutique. Une mutation du gène BRAF est présente dans 50 à 60 % des tumeurs ; dans 90 % des cas, il s’agit d’une mutation identique, V600E, située dans l’exon 15 du gène, et permettant une activation constitutionnelle de la protéine. BRAF est une sérine protéine kinase jouant un rôle fondamental dans la voie des MAP kinases (figure 6) [40]. Cette découverte a entraîné une révolution dans la prise en charge thérapeutique des mélanomes, avec l’apparition d’inhibiteurs spécifiques de cette mutation, qui ont récemment obtenu l’autorisation de mise sur le marché (AMM) après avoir montré une réponse dans plus de 50 % des mélanomes mutés BRAF, ainsi qu’une augmentation significative de la survie de plusieurs mois. Des mutations activatrices situées au codon 61 du gène NRAS sont présentes dans 15 à 20 % des mélanomes et sont souvent associées à des mélanomes de mauvais pronostic à croissance rapide (41). NRAS est situé au début de la voie des MAP kinases, et les souris transgéniques pour NRAS activé développent spontanément des mélanomes. Une mutation activatrice et/ou une amplification du gène KIT sont retrouvées dans certaines formes de mélanomes, notamment les formes acrolentigineuses et muqueuses (42, 43). KIT code pour un récepteur de tyrosine kinase jouant un rôle très important dans la différenciation et la prolifération des mélanocytes. Des inhibiteurs de KIT (imatinib) ont permis d’obtenir parfois, dans ces cas, des réponses plus ou moins importantes. Rôle des facteurs génétiques constitutionnels En plus des facteurs propres à la tumeur, le fonds génétique sur lequel elle se développe pourrait jouer un rôle important dans la progression (44). Seuls quelques travaux ont étudié le déterminisme génétique de la progression du mélanome. Des publications princeps ont suggéré que les variants génétiques constitutionnels pourraient moduler la croissance et l’invasion du mélanome. Par exemple, des polymorphismes fonctionnels du récepteur de la vitamine D ou de MMP1 (métalloprotéinase 1) pourraient être associés à une plus grande épaisseur des mélanomes et donc à un moins bon pronostic (45, 46). Les principaux systèmes impliqués sont décrits ci-dessous. ◆ Gènes appartenant au système immunitaire Le mélanome induit des réponses immunitaires innées et adaptatives de l’hôte (47). De nombreux antigènes tumoraux spécifiques ont été caractérisés, dont certains ont été intégrés dans les vaccins. Plusieurs thérapies immunitaires (anticorps antiCTLA4 [ipilimumab], interféron, interleukine 2 [IL-2], vaccinations, etc.) sont actuellement utilisées dans le traitement du mélanome et/ou évaluées dans des essais thérapeutiques. Les chémokines et leurs récepteurs jouent un rôle important dans le cancer, notamment en régulant la réponse antitumorale immune, l’angiogenèse et la dissémination tumorale (48). Les cellules du mélanome sont capables d’exprimer à leur membrane des récepteurs aux chémokines. Ainsi, CCR7 joue un rôle important dans les métastases ganglionnaires, CXCR4 dans les métastases pulmonaires et CCR10 dans les métastases cutanées (34). Des travaux récents suggèrent que les polymorphismes des gènes immunitaires pourraient moduler la progression du mélanome et/ou la réponse au traitement (49, 50). ◆ Gènes impliqués dans la différenciation et la migration des mélanocytes Les mélanocytes proviennent de la crête neurale, se différencient et migrent durant l’embryogenèse à leurs organes cibles (follicules pileux, épiderme interfolliculaire, épithélium rétinien). De nombreux gènes sont impliqués dans ce processus (EDNRB, facteurs de transcription [SOX10, MITF]), mais aussi des facteurs de croissance (KITL), ou de leurs récepteurs (KIT). Une publication récente montre que cette voie est également impliquée dans l’agressivité et la propagation du mélanome. Les mélanocytes seraient donc déjà “programmés” pour diffuser après la transformation, notamment sous l’influence d’un autre facteur majeur impliqué dans la différenciation et la migration de la crête neurale, SLUG (51). Les mélanocytes humains primaires transfectés avec un panel de gènes transformants sont capables de métastaser dans de nombreux sites, tandis que la transfection de cellules épithéliales identiques ou des fibroblastes conduit à des tumeurs moins agressives. ◆ Gènes impliqués dans l’invasion locale et le découplage kératinocytes/mélanocytes Après la division cellulaire, les mélanocytes migrent le long de la membrane basale. Avec leurs dendrites, ils établissent de nombreux contacts avec les kératinocytes. Une fois le contact établi, les kératinocytes contrôlent la croissance des mélanocytes et l’expression des récepteurs à leur surface. Les méla- La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 | 549 DOSSIER THÉMATIQUE Oncodermatologie nomes invasifs évitent le contrôle des kératinocytes par plusieurs mécanismes (52) : régulation négative de l’expression des récepteurs importants pour la communication avec les kératinocytes (E-cadhérine, desmogléine), de l’expression de facteurs de croissance (facteur de croissance hépatique [HGF], facteur de croissance dérivé des plaquettes [PDGF], endothéline 1). Notamment, le passage de la E-cadhérine à la N-cadhérine induit une perte du contact entre mélanocytes et kératinocytes et une association préférentielle des mélanocytes avec les fibroblastes et les cellules endothéliales vasculaires. La dégradation et le remodelage de la matrice extracellulaire (MEC) et de la membrane basale par les enzymes protéolytiques sont des étapes clés dans la propagation locale des cellules de mélanome. Plusieurs métalloprotéinases sont exprimées et jouent un rôle dans la progression du mélanome, notamment MMP1, MMP2, MMP9, MMP13 et la MT1-MMP (53). Références bibliographiques 1. Greene MH. The genetics of hereditary melanoma and nevi. 1998 update. Cancer 1999; 86(11 Suppl.):2464-77. 2. Hussussian CJ, Struewing JP, Goldstein AM et al. Germline p16 mutations in familial melanoma. Nat Genet 1994; 8(1):15-21. Retrouvez l’intégralité des références bibliographiques sur edimark.fr Bulletin à découper Facteurs génétiques impliqués dans la prédisposition et la progression du mélanome L’induction de MMP1 est également corrélée à l’invasion locale et à une réduction de la survie (54). ◆ Gènes impliqués dans la réparation d’ADN Des travaux récents ont établi que la surexpression de protéines de réparation de l’ADN, en particulier celles impliquées dans la réparation des cassures, est associée à la survenue de métastases et à une diminution de la survie (55). ◆ Gènes impliqués dans l’angiogenèse et la lymphangiogenèse Une surexpression de facteurs angiogéniques, dont le FGF – facteur de croissance basique des fibroblastes – et l’interleukine 8, a été détectée dans les mélanomes cutanés primaires, et l’importance de ces médiateurs dans la promotion de l’angiogenèse et les métastases de mélanome a été confirmée dans des modèles de xénogreffes de tumeurs. ■ et à renvoyer complété et accompagné du réglement à : EDIMARK SAS – 2, rue Sainte-Marie – 92418 Courbevoie Cedex Contactez le 01 46 67 62 74, du lundi au vendredi de 9 h à 18 h, ou par fax au 01 46 67 63 09, ou e-mail à [email protected] ABONNEZ-VOUS ET BÉNÉFICIEZ DE NOMBREUX SERVICES Votre tarif pour 1 AN d’abonnement (10 numéros) : à La Lettre du Cancérologue (Cochez la case qui vous correspond) Collectivité : 170 € TTC Particulier : 121 € TTC 87 € TTC* Étudiant : ) Oui, je m’abonne au lieu de 190 € LON Vous êtes : (Tarif au numéro) * Merci de bien vouloir joindre la copie de votre carte d’étudiant Raison sociale : ......................................................................................................... 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