Untitled

publicité
Préface
C’est avec plaisir et sans hésitation que je m’apprête
à écrire un avant-propos au livre sur « le Fils de l’Homme
apocalyptique » de mon collègue bruxellois, Félix
MUTOMBO-MUKENDI. L’importance de ce thème n’a pas
besoin d’être souligné. Il figure de manière essentielle dans
les paroles de Jésus parlant de lui-même de manière ouverte
ou indirecte. Avant même d’aborder la question insoluble
de savoir quel nombre de ces paroles, ou quelles mentions
précises remontent à Jésus lui-même, il convient de se
laisser interpeller par ce constat.
Il est évident que la théologie traditionnelle depuis
les Pères de l’Église a privilégié l’expression de « Fils de
Dieu », thème royal désignant, dans la lignée des Psaumes
bibliques, le pouvoir visible et universel du scion davidique. C’était manifestement aussi l’expression qui
convenait le mieux à la christologie officielle et aux grands
dogmes de l’Église comme celui de la Trinité. Cette
expression se révèle, néanmoins, être fort rare dans le
Nouveau Testament et particulièrement dans les Evangiles,
contrairement à l’abondante apparition de « Fils de
l’Homme » dans la tradition évangélique.
C’était donc à juste titre que la théologie
scientifique, depuis le XIXe siècle, a reconnu l’importance
de l’expression « Fils de l’Homme » dans les évangiles et
dans la bouche de Jésus. En plus c’est, de nouveau, un
constat qui n’a rien perdu de son importance. C’était à juste
titre également que la théologie scientifique s’est employée
à fouiller dans les sources anciennes pour essayer de
découvrir les origines de ce terme énigmatique et de
comprendre la signification de son attribution au Maître de
Nazareth. La plupart des chercheurs - et l’auteur du présent
livre se range parmi eux - ont reconnu que ce terme
d’origine sémitique appartenait au judaïsme ancien et plus
spécifiquement à sa mouvance apocalyptique. L’apparence
peu fréquente mais néanmoins révélatrice dans les représentations
apocalyptiques et ésotériques de Daniel et de Hénoch
mérite une réflexion profonde. Quel peut être le lien de
Jésus et de ses premiers disciples - soit de la tradition des
paroles de Jésus - avec ces milieux mal connus où l’on
s’exprime de manière caractéristiquement « clair-obscur » à
propos des évènements politiques de leur temps ?
Les évangiles nous présentent le « charpentier fils de
Marie » (Mc. 6.3) comme un maître ésotérique qui parle à
ses disciples de manière voilée d’un « Fils de l’Homme »
qui est venu sur terre pour apporter le salut divin, qui pour
ce but « doit beaucoup souffrir », qui ensuite se mettra à la
droite de la Majesté divine d’où il descendra pour juger
l’humanité - et qui en tout semble lié intimement avec ce
maître lui-même. La majesté de ce Fils de l’Homme diffère
bien de celle du Fils de Dieu royal et davidique. S’il faut
parler ici de messianisme, il en est un qui est ésotérique ou
bien mystique. Sa gloire se cache dans l’humiliation, son
pouvoir dans la pauvreté, son amour dans la mort. C’est un
messianisme « apocalyptique », c’est-à-dire se référant à
une réalité cachée qui se révèlera et se révèle dès
maintenant aux élus. Tout cela se résume dans le terme
« royaume de Dieu » - expression qui se trouve également
dans les écrits et les prières rabbiniques, mais qui dans la
bouche de Jésus reçoit la signification typique d’une réalité
qui va se dévoilant dans sa plénitude. Dès maintenant
cependant, cette réalité est présente de manière discrète.
Chacun des quatre évangiles canoniques reprend de
sa propre manière cette représentation de Jésus et de son
message. Le fondement de base de cette représentation a un
aspect d’originalité indéniable et il est difficile d’ignorer la
probabilité qu’elle remonte à l’enseignement de Jésus luimême. Mais, pour enfin aborder cette question-là, le
« degré exact d’authenticité » ne pourra jamais être établi à
cause de l’opacité inhérente de cette tradition apocalyptique
avec laquelle nous avons affaire ici. Il en résulte de toute
façon qu’il est désormais indispensable, pour les lecteurs de
la Bible qui souhaitent faire la connaissance de Jésus, de
10
s’attarder devant ce terme de Fils de l’Homme et de sa
signification dans son temps. Voilà l’importance du thème
de ce livre.
Vue à un peu plus de distance, cette étude a
d’importantes implications à plus grande échelle. En
parcourant la trajectoire du terme de Fils de l’Homme
depuis les apocalypses juives et jusqu’aux derniers écrits du
Nouveau Testament, l’auteur trace la continuité de la
tradition chrétienne primitive avec le judaïsme contemporain en même temps que le caractère distinct de cette
tradition dans ce contexte-ci. La spécificité de Jésus ne peut
être appréhendée qu’en compagnie des Juifs de son temps,
et la « Théologie du Nouveau Testament » ne peut faire
l’économie de l’étude détaillée de ce milieu et de ses écrits
selon leurs différentes mouvances.
Tout en contribuant à ce grand et important travail,
le présent livre dégage un écho authentique du message que
le Maître de Nazareth est venu annoncer. C’est un message
d’espoir et de pardon, un message d’amour et de grâce se
donnant aux autres qui nous parle et nous invite à travers
les siècles. C’est le message de celui qui est nommé « Fils
de Dieu » mais qui, lui, s’appelle d’abord « Fils de
l’Homme ».
Peter J. TOMSON
La veille de Noël, 2008
11
Chapitre I
L’apocalyptique
1. L’apocalyptique vétéro- et extra-testamentaire
Le terme « apocalyptique » est généralement utilisé
pour désigner tantôt le genre littéraire tantôt les matériaux
qui en donnent une certaine particularité. Mais l’apocalyptique suppose bien plus que cela. C’est pourquoi, en
esquisser une définition n’a jamais été la plus aisée des
tâches. La difficulté de définir l’apocalyptique résulte de la
nécessité de tenir compte de sa triple réalité : Comme genre
littéraire, l’apocalyptique représente une masse considérable des textes ; en tant que mouvement social, elle
désigne des groupes humains porteurs de ces textes; et
comme compréhension du monde et de la réalité, elle est
porteuse d’une idéologie.1 En utilisant l’adjectif nominal
déterminé « l’Apocalyptique », je désigne, à la suite de
VIELHAUER, un phénomène à trois dimensions indissociables alliant le littéraire à l’idéologique, et les deux à un
mouvement social dans un contexte sociopolitique de crise
(VIELHAUER, 1965, 1976, 1992). Je rejoins aussi indirectement Paul HANSON qui proposait subtilement une
distinction sémantique et conceptuelle entre « l’apocalypse », qui détermine un genre littéraire, « l’apocalyptique » (en anglais : apocalypticism) comme idéologie d’un
mouvement socioreligieux particulier, et « eschatologie
apocalyptique », perspective religieuse qui déborde largement l’écriture apocalyptique (ABADIE, 215).
Dans la société juive, cette triple réalité (littéraire,
sociale et idéologique) de l’Apocalyptique fut rendue né1
CUVILLIER E. : Les apocalypses du Nouveau Testament, Cahiers
Evangile n°110 (Paris : Cerf, 1999), p.6
cf. HANSON P. : « Apocalypticism » in IDB Suppl. Vol., Nashville,
1976, pp. 29-34
cessaire par la géopolitique contemporaine et ses implications multidimensionnelles : politiques, diplomatiques, militaires, économiques, sociales, éthiques, culturelles et religieuses.
1.1 Arrière-plan
L’abondante littérature apocalyptique (canonique et
plus particulièrement extra testamentaire) a-t-elle un arrière-plan commun ? S’il y en a un, il pourrait bien être repéré
dans la situation sociopolitique du peuple juif en tant que
dépositaire de la Loi et adorateur de Yahvé. C’est ainsi que
les études censées élucider cette question prennent généralement en compte l’histoire politique de la Judée-Palestine.
On note qu’à leur retour d’exil, en dépit de la complexité culturelle et surtout religieuse de leur entourage, les
Juifs demeuraient foncièrement monothéistes. Le zoroastrisme de l’Empire perse ne s’était nullement attaqué aux
Juifs au point de pervertir leurs croyances fondamentales.
Toutefois, la situation changea, de façon graduelle, sous la
domination grecque en remplacement de celle des perses
déjà affaiblie par les luttes internes et surtout par
l’assassinat de Darios II lors d’un coup d’Etat.
Cette domination grecque trouve sa genèse dans les
ambitions et les actions militaires de Philippe II de Macédoine de triompher des perses aux commandes de la politique internationale depuis 560 (av. J.C.). L’assassinat de
Philippe en juin 336 par l’un de ses gardes du corps ne
changea pas la donne politique. En effet, son fils, le jeune
Alexandre qui lui succéda, se révéla un conquérant à qui
rien ne résiste. A peine âgé de 18 ans, Alexandre était
considéré comme le principal acteur de la victoire des
troupes macédoniennes contre les forces grecques à
Chéronée (339 av. J.C.), victoire qui permit à son père de
régner sur toute la Grèce. Et c’est ce jeune roi de 20 ans qui
se lança à la conquête de l’Orient en 334 et s’empara des
satrapies de l’Empire les unes après les autres. Il conquit
14
ainsi l’Asie Mineure, la Phénicie, la Palestine, l’Egypte, la
Mésopotamie, l’Iran, plus une partie de l’Inde. Certes les
Généraux d’Alexandre étaient placés à la tête de ces
régions, mais Alexandre laissait en place les structures
administratives et religieuses existantes. Cependant,
Alexandre réussit son projet de l’instauration d’un « monde
œcuménique » en imposant la culture hellénistique et
l’organisation grecque de la cité dans nombre de centres de
ce nouveau monde. Les cités hellénistiques étaient érigées
dans toutes ces anciennes satrapies. Après avoir longé le
littoral reliant la Syrie à l’Egypte en 332, il conquit celle-ci
en 331 et fonda la célèbre cité hellénistique d’Alexandrie
où l’Ancien Testament fut traduit en grec. Cette langue
nous a ainsi transmis et la LXX, et le Nouveau Testament
tout entier !
La violence ne fut donc jamais utilisée contre les
croyances juives lors de l’émergence et l’expansion de cette
nouvelle culture (hellénistique) aux ambitions mondiales.
L’attitude générale fut un mépris fondamental, une
suffisance radicale ! La nouvelle culture regardait souvent
avec dédain bien des peuples soumis, alors considérés
plutôt comme barbares. La tentation fut donc subtile.
Certains juifs, surtout dans la haute aristocratie, refusant
cette sorte d’étiquette péjorative, cédèrent à l’influence de
la nouvelle culture dominante. C’est ainsi que nombre de
prêtres et de leaders politiques juifs qui avaient des contacts
divers avec des Généraux et des Gouverneurs des dynasties
lagide (Egypte) ou séleucide (Syrie) cédèrent, les premiers,
à la tentation de la culture hellénistique.
On sait que c’est en 305 avant notre ère, qu’en
Egypte, le Général macédonien Ptolémée, fils de Lagos, se
résolut à prendre le titre de roi, à la suite de sa victoire sur
Perdiccas (un autre ancien collaborateur d’Alexandre) qui
voulait de ses territoires. Il devint Ptolémée I Sôter. Ses
successeurs, Ptolémée II et Ptolémée III réussirent à étendre
leur domination, non seulement jusqu’en Judée (Israël),
mais aussi sur plusieurs îles égéennes, sur Cyrénaïque, sur
15
Chypre et sur une partie de l’Asie Mineure. Désireux de
faire de l’Egypte la vitrine de la civilisation hellénistique,
Ptolémée I et ses successeurs introduisirent également la
nouvelle culture en Judée. La domination des Ptolémées
reposait plus sur leur excellente administration économique
et commerciale que sur les actions militaires. Soumis au
versement des taxes, les Juifs acceptèrent néanmoins les
nouveaux maîtres, au point de constituer des communautés
importantes dans certaines villes de l’Egypte ptolémaïque,
dont Alexandrie.
Au nord et à l’est, les territoires habités par les Juifs
partageaient leur frontière avec une autre dynastie ayant
aussi résulté du démantèlement de l’immense « Empire »
d’Alexandre. La dynastie séleucide, avec ses deux capitales
Antioche en Syrie et Séleucie (sur le Tigre) en Mésopotamie, tirait son nom de Séleucos I Nikator (312-280 av.
J.C.). Sa domination s’étendait de l’Asie Mineure aux limites du territoire perse, et elle s’accompagna d’une intense
hellénisation. Les Juifs hellénisés furent même mis à contribution à ce sujet. Pour assurer l’expansion de l’hellénisme
dans ce royaume, Séleucos I Nikator fit venir des Juifs
« hellénisés » qu’il implanta dans certaines villes et auxquels il accorda des droits civiques. Des colonies militaires
juives furent même constituées et établies dans diverses
régions. C’est à partir d’Antiochos II dit Théos (261-246
av. J.C.) que les monarques séleucides reprirent les coutumes de leurs prédécesseurs perses de se faire adorer comme
des dieux (WITHERINGTON, 42). Ayant perdu peu à peu leur
mainmise sur leurs territoires à l’est de l’Euphrate, à partir
des années 250 av. J.C., les Séleucides concentrèrent leurs
efforts sur ce qui leur restait, à savoir la Syrie et l’Asie
Mineure. Alors Israël, avec son « Etat du Temple » fut ainsi
en ligne de mire. A ce propos, on se rappellera que depuis
l’époque perse, l’Etat du Temple comprenant Jérusalem et
la Judée (quelques kilomètres carrés autour de la ville)
jouissait d’une certaine autonomie et avait la Loi de Moïse
comme loi fondamentale de la Nation. Les visées séleucides
16
sur cet Etat ne seront donc pas sans conséquences quant à
l’application de cette Loi. Y aura-t-il une paisible cohabitation entre la Loi de Moïse et la nouvelle culture dominatrice
de ces nouveaux empires ?
Ces empires hellénistiques qui ont pris corps après
Alexandre le Grand et ses Généraux (Diadoques « successeurs » suivis immédiatement des Epigones, « nés après »)
ont bouleversé les traditions et systèmes sociaux et économiques des peuples conquis au point de susciter la haine de
plusieurs « groupes sociaux ». A cette hostilité due à la
frustration, aux brimades économiques (taxes) imposées par
les conquérants et à la nostalgie du passé des vaincus, se
mêlaient des révoltes proprement dites. Comme l’a soutenu
André Paul, ces dernières, en Egypte ptolémaïque, dans les
contrées perses ainsi qu’en Judée, furent accompagnées des
productions « nationalistes-littéraires » apocalyptisantes
(ABADIE, 210).
Il y a lieu de préciser que les guerres incessantes
entre Séleucides et Lagides2 en vue de la possession de la
région avaient fini par détruire les structures sociales et économiques de la Judée. Même lors de leur coalition victorieuse contre Démétrios, fils d’Antigone le Borgne, le
champ de la bataille finale était Gaza en 312. Les Juifs ne
réagirent point d’un commun accord en faveur ou contre
l’un des belligérants. Ainsi la victoire des Séleucides
d’Antiochos III le Grand sur les Egyptiens poussa certains
Juifs pro-égyptiens à s’exiler en Egypte. Toutefois la majorité des habitants de Jérusalem semblait avoir accepté le
nouveau pouvoir qui leur accordait bien des privilèges dont
la liberté pour les Juifs de vivre « selon leurs lois ancestra2
Les fameuses « Six guerres syriennes » eurent pour principaux
protagonistes les Lagides Ptolémée I Sôter (323-283), Ptolémée II
Phimadephe (283-246), Ptolémée IV Philopator (221-204) et Ptolémée
V Epiphane (204-181) contre les Séleucides Séleucos I Nikator (312281), Antiochos I Sôter (281-261), Antiochos II Théos (261-246),
Séleucos III Callinicus (246-225), Séleucos III Sôter (225-223),
Antiochos III le Grand (222-187) et Antiochos IV Epiphane (175-164).
17
les » (kata tous patrious nomous).3 Cette notion va bien audelà de la pratique religieuse. Elle déborde la seule application de la Loi de Moïse. En effet, outre l’autorité du Grand
Prêtre ainsi que le rôle et les pouvoirs des prêtres autour du
Temple, et dans le fonctionnement des synagogues, cette
notion incluait l’organisation sociale et les institutions politiques et juridiques juives sous les auspices du Grand
Prêtre. Celui-ci était pratiquement à la tête d’une sorte de
mini royaume, dont seules les affaires militaires relevaient
du gouverneur impérial.
Cette liberté fut même élargie aux Juifs de l’Asie
Mineure par Antiochos III. Pendant cette période de liberté,
éclatèrent au grand jour les aspirations à l’hellénisation de
certains Juifs détenteurs de pouvoir social et économique
(comme la famille des Tobiades), aspirations qui conduisirent à la guerre civile et puis à l’insurrection maccabéenne.
Quant à la masse populaire, elle répondit à cette culture par
un rejet mû par un réel fanatisme religieux. Une guerre
civile était ainsi latente suite à ces clivages sociaux ayant
engendré de profondes divisions entre Juifs.
On remarque donc que, ce n’est pas sans conséquences que la Judée passa successivement sous la domination de différentes puissances politico-militaires. Quand la
domination des Ptolémées (Egypte) céda la place à celle des
Séleucides (Syrie), notamment sous Antiochos IV Epiphane
(175-164), la tolérance céda aussi la place à la persécution
des Juifs non hellénisants, les Hassidim, les purs. Cette persécution donna lieu à l’émergence de deux groupes parmi
ces non hellénisants, quoique l’attachement à la Loi et à la
Nation atténue toute séparation radicale que les chercheurs
voudraient ériger entre les branches. Il y eut néanmoins,
d’une part, le groupe considéré comme légaliste animé par
3
Antiochos III le Grand permit aux Juifs de vivre selon les instructions
de la Torah, dont l’observation du sabbat et la pratique de la
circoncision. Cette faveur fut accordée même aux Juifs de l’Asie
Mineure où une « colonie militaire juive » était installée.
18
des scribes. Ce groupe se développa plus tard en parti pharisaïque, ou plutôt l’une des mouvances pharisaïques.
D’autre part, il y eut un groupe aux penchants plutôt mystiques. Ce deuxième groupe se développa en une autre branche, celle des purs parmi les purs. Les communautés des
séparatistes esséniens seraient l’aboutissement naturel de
cette branche franchement anti-hellénisante. Retirés progressivement de la vie sociale active, ces mystiques étaient
favorablement disposés à s’ouvrir, voire à s’abandonner
aux visions et spéculations corrélatives. La violente persécution des Juifs non hellénisants par Antiochos IV Epiphane exacerba la réaction des Hassidim dont plusieurs trouvèrent une échappée mystique dans une plus grande imagination et une plus fructueuse vivacité des visionnaires pour
expliquer leur réalité et entrevoir la Fin. En fait, après avoir
marché sur Jérusalem en 167 av. J.C, Antiochos IV Epiphane, le champion de l’hellénisation par la force, avait
aboli toutes les dispositions légales favorables aux Juifs,
rasé les murs de la ville, massacré la population et vendu
comme esclaves plusieurs citoyens circoncis. Ayant édifié
plus de cités hellénistiques que tous ses prédécesseurs réunis, il érigea une forteresse dans laquelle il installa une
garnison, véritable colonie militaire en pleine capitale juive,
colonie comprenant aussi des Juifs hellénisants. Il fit dresser un autel païen, probablement dédié à Zeus, au cœur du
sanctuaire juif. Les sacrifices païens furent ordonnés dans
chaque ville. La circoncision et l’observation du sabbat
furent interdites. Toute profession, toute pratique du judaïsme étaient passibles de mort ! Ce qui devait arriver
arriva : La révolte maccabéenne éclata ainsi en 167/166.
Cette insurrection doit son nom à l’un des fils de
Mattathias, son meneur principal. Descendant d’un certain
Hasmonée, le prêtre Mattathias s’insurgea contre les pratiques idolâtres, notamment les sacrifices païens qu’Anthiochos IV Epiphane avait imposés aux Juifs. Il s’en prit à
l’agent impérial commis à cette tâche. Il le tua et fit subir le
même sort à ses assistants, dont un juif hellénisé. Cet acte
19
de révolte consommé, Mattathias renversa l’autel païen et
trouva refuge dans les collines avec ses 5 fils. Il ne dirigea
pas longtemps la guérilla contre Anthiochos, parce qu’il
mourut assez rapidement. Seuls 3 de ses fils Judas (165 160 av. J.C.), Jonathan (160 - 142 av. J.C.) et Simon (142 135 av. J.C.) ont le plus marqué l’histoire en tant que
leaders du mouvement, parce que les 2 autres périrent tôt
dans les combats. Judas fut surnommé Maccabée
(« marteau » ou « marteleur » ?) à la suite de ses stratégies
et exploits militaires contre les troupes impériales de loin
très nombreuses et fortement équipées. Les Maccabées
volèrent également au secours de leurs compatriotes en
Galilée et en Galaad.
C’est après avoir reconquis leur liberté de culte, que
les Maccabées se lancèrent à la conquête de la liberté politique et à l’élargissement de leur territoire. Au bout d’une
vingtaine d’années de combats, l’autonomie politique et
financière fut acquise en 142 / 141. En 140 av. J.C., la nation juive souveraine, dans une Assemblée publique, homologua et proclama les titres de son chef. Simon fut acclamé
comme « Grand Prêtre, Stratège et Ethnarque » à vie et
héréditairement ! Ayant reçu l’appui du Sénat romain (1
Maccabées 5. 15 - 24), cet acte fut gravé sur des tables en
bronze placées dans l’enceinte du Temple. Sous Simon,
l’Etat juif fut ainsi inauguré, la dynastie hasmonéenne fondée, une dynastie sacerdotale et militaire mais pas encore
officiellement royale. Depuis 143 av. J.C., cet Etat disposait
de ses propres ressources financières, entretenait ses forces
armées (dans lesquelles étaient accueillis même des éléments juifs hellénistes) et maintenait une diplomatie forte et
active. Après l’assassinat de Simon, Grand Prêtre et Gouverneur, son fils Jean Hyrcan lui succéda (134 - 105 av.
J.C.). Il poursuivit la politique d’expansion, de judaïsation
forcée des territoires conquis et de consolidation de la
Judée.
C’est Jean Hyrcan qui, après avoir conquis l’Idumée
(Edom), au sud-est de la Judée, favorisa la judaïsation de
20
Téléchargement