La contention (explications) - Jean-François Ancion

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Seconde journée liégeoise de l’insuffisance veineuse superficielle
Palais des congrès de Liège (14 novembre 2015)
Docteur Jean-François Ancion - 4020 Jupille-sur-Meuse
La « contention », vue par les phlébologues
En pratique, le terme de « contention » (maintien par un processus artificiel d’un organe déplacé) est
généralement employé. D’autres termes sont également répandus. L’INAMI parle de bas à varices ou
de bas élastiques thérapeutiques.
Dans la littérature et dans l ‘industrie, on distingue les termes de bas de contention et bas de
compression. Cette nuance est importante dans les indications de traitement.
Le secteur des bas de contention réalise une marge de progression du chiffre de vente annuel de 8 à
15% sur le marché belge depuis quelques années. Cette augmentation n’est pas liée uniquement à
une augmentation du prix de vente, mais à l’amélioration de la compliance au port du bas de
contention et à l’augmentation des prescriptions.
Les firmes s’adaptent en permanence. Les matériaux utilisés évoluent afin de faciliter l’enfilage et
d’améliorer le confort et l’aspect. Des fibres dites techniques apparaissent, ayant parfois un effet
thérapeutique, notamment par l’inclusion de fils d’argent à visée antiseptique ou encore en amenant
une amélioration du confort avec les fibres permettant l’application de solution « réfrigérante ». Enfin,
de nouvelles techniques sont développées : superposition de deux bas pour le traitement des ulcères
ou technique de contention de type orthèse (circaid).
Toutes ces améliorations, associées à diverses gammes de coloris et de tricotages, nous mènent bien
loin des premiers bas de contention développés en 1930, qui étaient fabriqués en caoutchouc.
L’augmentation des ventes est donc poussée par la meilleure acceptabilité du produit et les
innovations, mais aussi par la sensibilisation du corps médical à la prescription.
Vous êtes de plus en plus nombreux à prescrire des bas de contention.
Quel type de contention, dans quelles circonstances, faut-il prescrire ?
Les informations nécessaires afin d’optimaliser la prescription et d’être en mesure de profiter des
différentes possibilités qui sont offertes par l’industrie et par l’INAMI nécessitent deux rappels de
physiologie indispensables pour bien cerner la prescription de la «contention/compression» : la loi de
Starling et le « cœur périphérique ».
La loi de Starling : la filtration, soit la sortie du liquide du compartiment intra-vasculaire vers le tissu
interstitiel, est régie par la différence de pression hydrostatique (= pression mesurée avec un
manomètre) entre les deux compartiments.
La résorption est régie par la différence de pression osmotique entre ces deux compartiments. Dans
une situation normale, ces deux forces résorption et filtration s’équilibrent en tenant compte que 10%
du liquide exfiltré sera repris par le système lymphatique.
Les variations de la perméabilité capillaire sont influencées par différents facteurs : chaleur, hormones
sexuelles féminines, certains médicaments, …
Le cœur périphérique ou la pompe musculaire du mollet :
Les muscles des mollets sont de véritables réservoirs de sang veineux. Le moteur principal du retour
veineux des membres inférieurs est la pompe musculaire du mollet. Lors d’une marche active (bonne
contraction des muscles) et après 7 pas de la même jambe, 14 au total, la pompe est bien amorcée et
fonctionne à plein rendement pour autant que les axes veineux de retour soient pleinement
fonctionnels : pas d’obstruction et continence valvulaire, surtout au niveau du réseau profond.
Debout, immobile, la pression hydrostatique (poids de la colonne de sang) au niveau des chevilles est
de plus ou moins 90 mm. Hg. Une marche de 14 pas va permettre une baisse de la pression
hydrostatique jusqu’à 20 à 30 mm. Hg. au niveau de la cheville.
Si la marche n’est pas efficace (problèmes musculaires, problèmes valvulaires ou travail statique avec
peu de déplacement,...), l’augmentation de pression hydrostatique intra-capillaire va induire une
augmentation des forces de filtration qui vont être supérieures aux forces de résorption.
Tout le monde n’est pas égal devant l’œdème : les tissus lâches auront tendance à accumuler plus
rapidement (lipoedème). La perméabilité capillaire «de base» peut aussi varier d’un individu à l’autre.
Contention et compression :
Enserrer un membre dans un textile (bas ou bandage) va induire une force concentrique qui se
répercute dans le tissu interstitiel du membre.
La pose d’un bas ou d’une bande a donc pour but l’augmentation de pression dans le tissu interstitiel
avec comme conséquence directe un rééquilibrage des forces de filtration et de résorption et donc
une diminution des œdèmes.
Cette augmentation de pression dans les tissus mous dépend de la tension appliquée au tissu et du
rayon de courbure.
P = T/R
Si le rayon de courbure est petit, attention aux trop fortes compressions au niveau de l’interface
cutané. Si le rayon de courbure est très grand, la force est trop faible voire inexistante.
Ce textile peut avoir une extensibilité variable : allongement long versus allongement court.
C’est ici qu’intervient la distinction entre bas de compression et bas de contention.
Dans le cas de l’allongement long lors de la variation de volume du compartiment musculaire à la
marche, lorsque le volume augmente : T et R augmentent. On considère dès lors que la pression
exercée sera constante P=T/R.
Ce type de bas est le plus utilisé. Il ne peut être conservé en continu, pas la nuit (sauf les bas antithrombose) : il s’agit des bas de compression.
Dans le cas de l’allongement court, si T augmente, R reste stable (bandage peu ou inextensible) =>
la pression intra-tissulaire va augmenter : on parle d’une pression de travail. Cette pression de travail
a l’avantage de se transmettre plus profondément dans le compartiment interstitiel. Le bandage peut
être gardé jour et nuit. On parle alors de bas de contention.
Pour l’enfilage d’un bas, il faut garder une certaine élasticité sinon il ne passerait pas la cheville.
Lorsqu’on veut appliquer un textile inextensible pour obtenir une pression de travail maximum,
notamment dans le cas de traitement de troubles trophiques (ulcères variqueux ou syndrome postthrombotique avec hypodermite inflammatoire, …), on utilisera alors un bandage inextensible (oxyde
de zinc, multicouches).
Autres effets des bas ou bandes :
Diminution du calibre des vaisseaux avec comme conséquences :
1 recapation de valvules
2 accélération du flux et « effet venturi » (aspiration des collatérales), donc amélioration du
débit
Quels sont les moyens disponibles ? BAS /BANDES
Les bandes sont à réserver à des circonstances précises :
Elles seront utilisées pour réaliser un bandage type botte de Unna en présence de troubles trophiques
(= bandage de contention à porter en permanence pendant plusieurs jours, à mettre sans ou avec
très peu de tension, sur un membre non oedématié, qui va essentiellement donner une pression de
travail lors de la marche).
Il existe des bandages multicouches qui superposent de l’allongement court et de l’allongement long
pour traiter notamment les oedèmes lymphatiques. Ceux-ci sont réservés au milieu spécialisé.
Lorsque la morphologie de la jambe ne permet pas l’enfilage du bas, on peut placer des bandages,
mais la technique n’est pas aisée. Malgré l’usage de bandages calibrés et d’un personnel infirmier,
dans la mesure où il est enfilable, le bas sera toujours préférable.
Il existe divers moyens d’aide à l’enfilage. Les bas à tricot plat peuvent être munis de tirette ou de
velcro (sur mesure, qui a un certain coût) et se placeront plus facilement.
Bas :
Préférer le bas lorsque l’enfilage est possible.
Une fois placé, il reste en place pour autant qu’il soit bien adapté à la morphologie du patient.
Deux fabrications : tricot plat / tricot circulaire
Circulaire :
- extensibilité variable en fonction du modèle - max. : 8x
- utilisé pour les bas de compression c’est-à-dire le plus fréquemment
- existe dans les 4 classes de pression
NB : Lors d’un tissage, même circulaire, une gamme de textiles avec des extensibilités variables est
proposée. Lors de la prescription d’un bas de compression à un patient qui a de gros œdèmes, le bas
à moindre extensibilité sera choisi.
Plat :
- peu extensible : 1x
- utilisé pour les troubles trophiques importants ou les gros oedèmes
- peut être muni d’ouverture latérale (tirette ou velcro) pour faciliter la mise en place
Différentes hauteurs : collant, mono-collant, bas auto-portant, jarret (= chaussette qui s’arrête
sous le genou).
Le modèle jarret est souvent suffisant. A ce niveau, il aide au bon fonctionnement de la pompe
musculaire du mollet.
On n’a pas démontré d’avantage des bas hauts par rapport aux bas courts.
Différentes pressions
L’INAMI se base sur les normes allemandes (consensus européen).
Classe
Classe
Classe
Classe
1
2
3
4
:
:
:
:
15/21 mm. Hg.
23/32 mm. Hg.
34/46 mm. Hg.
> 49 mm. Hg.
Conseils pratiques :
*Prescription : - indiquer le type de bas (la hauteur)
- indiquer la classe
- indiquer le degré d’extensibilité (compression ou contention)
- pieds ouverts ou fermés
*Achat : préférer le bandagiste (expérience, stock, aide à l’enfilage, remboursement INAMI).
Adresser le patient au lever ou lui faire prendre les mesures nécessaires au lever.
* Mettre les bas dans le lit avant de se lever : NON.
Ne pas confondre bas thérapeutique avec :
bas anti-thrombose
- bas sportif (pression progressive alors que le bas médical a un gradient de pression dégressif)
- bas travel
- bas dit «de confort», dont la « force » est exprimée en deniers, qui ne peuvent en aucun cas
remplacer des bas médicaux
Contre-indications : - pression systolique < 80 mmhg en périphérie
- index de pression systolique < 0.75
- microangiopathie périphérique
Ces contre-indications sont formelles pour les bas de compression.
Elles peuvent être discutées en cas de bandage de contention avec uniquement pression de travail.
Indications en fonction de la classe :
Classe 1
gêne symptomatique, préventif (grossesse), stase modérée
Classe 2
atteinte fonctionnelle et trouble hémodynamique (stase)
Classes 3 et 4 pathologie de stase majeure avec troubles trophiques
l’œdème lymphatique et dans l’insuffisance veineuse
importants
dans
Remboursement :
Insuffisance veineuse :
L’INAMI rembourse les classes 3 et 4 (1 et 2 si < 15 ans) chez les patients porteurs d’une TVP ou
porteurs d’un SPP (reflux au niveau du réseau profond), ou en prévention de la récidive d’un ulcère
variqueux .
Ce bas peut être prescrit par le médecin traitant pour autant que le SPT ou la TVP soit objectivé. Si le
patient est capable d’enfiler une classe 3 et s’il sait le porter, il peut lui être prescrit afin de bénéficier
du remboursement.
Pour faciliter l’enfilage si le membre est trop « déformé », un tricot plat muni d’un système
d’ouverture peut également être prescrit, mais il faut que le patient l’accepte (aspect esthétique).
Le bas est remboursé à 100% deux fois par an et par jambe atteinte.
L’aide à l’enfilage est remboursée une fois.
Insuffisance lymphatique :
- primaire essentielle
- post-radiothérapie
- post-évidement ganglionnaire
- malformation vasculaire congénitale
Ces sont toujours les classes 3 et 4 qui peuvent être remboursées, sauf pour les moins de 15 ans :
classes 1 et 2.
Le bas est remboursé quatre fois par année et par membre atteint.
La première prescription doit être faite par un médecin spécialiste en gynécologie, pédiatrie, médecine
interne, médecine physique, dermatologie, gériatrie, oncologie.
Dans tous les cas, les bas doivent être achetés chez un bandagiste agréé qui délivre une attestation
pour la mutuelle du patient.
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