Kinesither Rev 2014;14(148):31–50 Références [1] Haute Autorité de santé (HAS). Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : évaluation et prise en charge des personnes âgées faisant des chutes répétées. Paris, France: Société française de gériatrie et gérontologie; 2009. [2] Buatois S, Miljkovic D, Manckoundia P, Gueguen R, Miget P, Vançon G, et al. Five times sit to stand test is a predictor of recurrent falls in healthy community-living subjects aged 65 and older. J Am Geriatr Soc 2008;56(8):1575–7. [3] Buatois S, Perret-Guillaume C, Gueguen R, Miget P, Vançon G, Perrin P, et al. A simple clinical scale to stratify risk of recurrent falls in community-dwelling adults aged 65 years and older. Phys Ther 2010;90(4):550–60. [4] Buatois S, Benetos A. Mise en place d'une échelle clinique simple pour évaluer le risque de chutes répétées chez les seniors. Kinesither 2011;(111):49–52. [5] INPES. Good practice guide: prevention of falls in the elderly living at home. Paris, France: Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, réseau francophone de prévention des traumatismes et de promotion de la sécurité; 2008. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.02.005 Congrès Figure 1. Luc Guillarme, masseur-kinésithérapeute libéral, D.U. d'uro-gynéco-andro-colo-proctologie, D.U. de kinésithérapie cardiovasculaire, directeur scientifique des Éditions Frison-Roche. C5 Conséquences de l'incompétence abdominale et proposition rééducative Luc Guillarme Chalon-sur-saône, France Adresse e-mail : [email protected] Mots clés : Abdominaux ; Rééducation uro-génito-anale Introduction.– « Les abdominaux », rééducation de base pour tout kinésithérapeute dans les années 1970, inspirée des mouvements effectués en gymnastique sportive, a montré ses limites 10 ans plus tard avec les études effectuées par Bourcier dans le cadre de la rééducation uro-génito-anale. La cessation des « abdominaux classiques » a permis de favoriser le travail de recherche instrumentale (feed-back et électrostimulation) en rééducation spécifique périnéale mais a pénalisé la rééducation fonctionnelle globale en occultant la place hégémonique que représente physiologiquement la musculature abdominale, moteur du souffle vital. Il restait à rependre les bases anatomo-physiologiques décrites par nos maîtres, les anciens, qui ont décrit une anatomie fonctionnelle incontestable (Fig. 1). Réflexions.– Quel que soit le muscle sollicité par une stimulation (corticale ou externe), la réponse est un rapprochement des structures d'insertions appelé : contraction concentrique. Dans le cadre de la musculature abdominale stimulée, la réponse est également un raccourcissement qui génère une augmentation de pression (enceinte abdominopelvienne flexible, déformable et compressible) et une gestion des pressions pouvant être dirigées accessoirement et ponctuellement vers le bas (expulsion et défécation) mais surtout vers le haut dans la majorité des efforts quotidiens (toux, mouchage, cri, éternuement, vomissement, sifflement. . .). La capacité de la sangle abdominale à gérer la bonne transmission des pressions (en force et en direction) répond à la notion de « compétence abdominale » assurant énergie et protection. L'incompétence abdominale pouvant encore être dénommée « inversion de commande abdominale » représente un dysfonctionnement majeur, responsable de troubles divers : respiratoires, digestifs, vasculaires, lombaires, posturaux, uro-génitaux, ano-rectaux, pudendalgiques, morpho-esthétiques. . . La proposition thérapeutique.– Le Concept ABDO-PÉRINÉO-MG®, breveté en 1991, répond à la perfection à la technique intitulée « Augmentation du Flux Expiratoire » validée en kinésithérapie respiratoire en 1994. Il s'agit dans ce concept respectant la physiologie de permettre d'acquérir puis intégrer dans les gestes d'efforts quotidiens les réflexes de protection du complexe viscéro-myo-fascial-pelvi-périnéal. Différents tests (stabilométrique, manométrique et spirométrique) apprécient en début puis en fin de traitement la réalité des incompétences périnéales, abdominales et posturales et évaluent objectivement les résultats probants. La méthode s'intéresse à traiter en première intention la cause abdominale des pathologies respiratoires, pelvi-périnéales mais également lombopelviennes avant de traiter les conséquences spécifiques. Conclusion.– Le souffle reconnu vital reste le leitmotiv constant de cette approche thérapeutique mais il bénéficie de l'apport des technologies modernes permettant d'associer la stimulation à différents feedbacks : visuel, auditif, sensitif, proprioceptif, chez le thérapeute et à domicile. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.02.006 C6 Mythes autour du bruit articulaire par cavitation Pierre Trudelle Paris, France Adresse e-mail : [email protected] Mots clés : Bruit articulaire ; Cavitation ; Craquement articulaire ; Manipulation Il existe différents types de bruits tissulaires sur le corps humain. Certains sont liés à des frictions entre les structures, d'autres sont liés à des ruptures tissulaires et certains sont spécifiques aux articulations ou environnements liquidiens. Il s'agit du bruit par cavitation. Ce bruit, qui dure moins d'un dixième de seconde, est considéré par certaines personnes et certains patients comme le signe d'un replacement articulaire et produit un effet « magique » lorsqu'il apparaît. Ce bruit de cavitation a été étudié par de nombreux auteurs. Nous nous proposons de démystifier son apparition afin de faire évoluer les explications thérapeutiques que peuvent proposer les thérapeutes manuels (Fig. 1). 35 Congrès Figure 1. Pierre Trudelle, masseur-kinésithérapeute cadre de santé, DEA de biomécanique, directeur de Kpten. La cavitation est un phénomène physique. Le bruit correspond au changement d'état de gaz présent à l'état dissous dans le liquide synovial (80 % de CO2). Ce changement d'état s'accompagne de 2 bruits et d'une chute légère de la tension des parois de l'articulation conférant un rôle léger de « soupape de décompression » à l'articulation. La « carte d'identité » d'un bruit articulaire de cavitation de l'articulation métacarpo-phalangienne a été étudiée par différents auteurs [1–4]. En voici une compilation : – après bruit : écartement inter-articulaire de 1,5 à 2,7 mm ; – traction nécessaire pour déclencher : 3 à 23 kg (chute de traction de 0,5 à 2 kg, « effet soupape ») ; – durée du craquement : 0,025 à 0,075 secondes ; – période réfractaire pendant laquelle aucun bruit ne peut être recréé : 17 à 22 minutes ; – gaz à nouveau dissout en 30 minutes ; – énergie libérée évaluée à : 0,07 mJ/mm3 ; – apparition des bulles d'air en moins de 8,3 ms ; – vibrations : fréquence de la plus grande amplitude 110 Hz ; – température élevée : moins de tension pour déclencher. Au niveau rachidien, Cramer [5] a montré un écartement plus important de l'interligne articulaire des zygapophyses lombales lors de l'apparition d'un bruit de cavitation (0,56 mm vs 0,22 mm. p = 0,01). Lors de la manipulation des vertèbres lombales ou thoraciques la recherche d'un bruit sur un étage précis est difficile à obtenir [6–8]. Lors de la manipulation des vertèbres cervicales hautes, c'est également difficile de provoquer un bruit articulaire localisé [9]. Alors que pour les vertèbres cervicales basses, il est plus facile à localiser [7,10] mais plus risqué pour les artères vertébrales du patient ! (Fig. 2). Les bruits obtenus après manipulations vertébrales lombales pour des patients lombalgiques n'apportent pas de bénéfice supplémentaire pour l'efficacité de ce traitement [11]. Les bruits obtenus après manipulations vertébrales thoraciques pour des patients cervicalgiques ne semblent pas avoir un impact significatif, avec une tendance inversement professionnel du nombre de bruits obtenus et de l'efficacité sur la douleur [12]. Le bruit articulaire obtenu au niveau lombal semble diminuer le réflexe d'étirement des muscles spinaux [13]. Pour conclure, le bruit semble avoir un impact mécanique dans l'augmentation de l'espace de l'interligne articulaire et ainsi contribuer à la 36 Figure 2. Modèle « explicatif » versus modèle « pragmatique ». sensation de décompression articulaire. Le changement de réflexe d'étirement des muscles paravertébraux va également dans le même sens. Ces effets cumulés peuvent expliquer l'effet de relaxation obtenu après obtention d'un bruit articulaire. Il n'influence pas le résultat de traitement des lombalgiques. Il serait temps pour la profession de faire évoluer la représentation de « replacement articulaire » lié à l'obtention d'un bruit lors de manipulation articulaire. Nous sommes plutôt face à un réétalonnage de la pression articulaire (temporaire) et musculaire (tonicité). La recherche de localisation d'un étage spécifique pour obtenir un bruit est illusoire excepté au niveau cervical bas. Penser résoudre un problème du patient par l'obtention d'un bruit articulaire est aussi faible d'un point de vue thérapeutique. C'est l'option simple en comparaison avec une approche multimodale. L'environnement clinique et les croyances et addiction des patients sont à étudier pour mieux comprendre la taille de l'effet thérapeutique du bruit articulaire (Fig. 3). Figure 3. La diapositive du lundi. Kinesither Rev 2014;14(148):31–50 Références [1] Brodeur R. The audible release associated with joint manipulation. J Manipulative Physiol Ther 1995;18:155–64. [2] Watson P, Hamilton A, Mollan RAB. A study of the cracking sounds from the metacarpophalangeal joint. Proc Inst Mech Eng (H) 1989;203:109–18. [3] Watson P, Kernohan WG, Mollan RAB. The effect of ultrasonically induced cavitation on articular cartilage. Clin Orthop 1989;245: 288–96. [4] Meal GM, Scott RA. Analysis of the joint crack by simultaneous recording of sound and tension. J Manipulative Physiol Ther 1986;9:189–95. 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West J Med 1975;122:377–9. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.02.007 C7 Lombalgie et thérapie manuelle : une approche étiologique Matthieu Loubiere Dole, France Adresse e-mail : http://www.gem-k.com/ Mots clés : Étiologie ; Lombalgie ; Thérapie manuelle La lombalgie reste un problème de santé publique dont le traitement n'est pas encore bien codifié, aucun traitement ne semblant montrer sa supériorité par rapport aux autres. Une des hypothèses expliquant ce constat serait que la lombalgie n'est qu'un symptôme expliqué par Congrès Figure 1. Matthieu Loubière, MKDE, thérapeute manuel ITMP, ostéopathe DO, libéral. différentes étiologies, nécessitant des prises en charges spécifiques (Fig. 1). On peut regrouper la plupart des pathologies en trois grandes familles pouvant aider le rééducateur dans sa prise en charge : – les pathologies organiques : discopathies, canal lombaire étroit et anomalies transitionnelles (spondylo-lysthésis. . .). Nous entendons par pathologie organique, une modification de la structure ou de la forme même de l'organe ; – les pathologies fonctionnelles : raideurs, dérangements articulaires, hypo-extensibilités musculaires, troubles posturaux et déséquilibres musculaires. Par opposition au groupe précédent, ces étiologies ne présentent aucune modification réelle de la structure des éléments anatomiques. Il existe en revanche des troubles fonctionnels qui altèrent la physiologie mécanique du sujet à travers une raideur ou une majoration des contraintes, à mettre en lien avec l'apparition des douleurs, c'est ce que l'on appelle le syndrome rachidien ; – les contre-indications ou exclusions : les pathologies inflammatoires, les fractures, les tumeurs, les infections. Ces étiologies correspondent à des contre-indications relatives à la rééducation, au moins dans les premiers temps suite au diagnostic initial. Une prise en charge spécifique par un rhumatologue, un orthopédiste, un neurochirurgien ou un onco-hématologue paraît indispensable avant toute intervention possible d'un kinésithérapeute. L'action du rééducateur s'applique essentiellement aux pathologies fonctionnelles, même s'il garde une efficacité dans les pathologies organiques peu évoluées car elles s'accompagnent aussi de troubles fonctionnels. Le diagnostic masso-kinésithérapique fait partie de nos compétences mais plusieurs notions peuvent être assimilées, il en est une qui paraît être incontournable, non négociable, déterminer la structure qui souffre, responsable des symptômes du patient. Pour cela l'utilisation de techniques simples basées sur l'interrogatoire, l'examen de la mobilité globale et segmentaire complété par l'examen palpatoire, le but étant de reproduire la douleur habituelle du sujet en contraignant les différentes structures les unes après les autres. Des tests spécifiques peuvent être rajoutés en fonction des différents symptômes comme les tests neuro-méningées, les tests d'endurance (Shirado et Sorensen), les tests sacro-iliaques (Fig. 2). En fonction des résultats du bilan, le traitement se déroulera en trois phases successives, « libérer, maintenir, entretenir » le passage à la 37