Dimension 3 : dossier Climat et développement (PDF, 1.25 Mo)

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Climat : de Rio à Bali
Changements climatiques et
développement durable, les jalons
d’une prise de conscience mondiale
En 1992, avec la notion alors novatrice de “développement durable”, le Sommet de la terre de Rio
de Janeiro et la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC)
qui en a résulté1, ont marqué un tournant dans la perception des interactions entre développement
et environnement. En proclamant la Déclaration de Rio, les principaux dirigeants de la planète ont en
effet convenu que “La protection de l’environnement et le développement social et économique étaient
fondamentaux pour le développement durable”, sur la base des nouveaux concepts et principes de Rio.
En outre, en adoptant l’Agenda 21, un vaste programme visant à atteindre ce “développement durable”
au 21ème siècle, ils jetaient les bases d’un régime international concernant les changements climatiques.
Les objectifs chiffrés de réduction d’émission des gaz à effet de serre, négociés durant les années
suivantes, n’ont cependant été adoptés qu’en 1997 avec le Protocole de Kyoto, et ne sont entrés en
vigueur qu’en 2005.
© sevencolors.org
Dix ans plus tard, l’Assemblée générale des Nations Unies convenait que son prochain Sommet s’intitulerait “Sommet mondial pour le
développement durable”, ce qui consacrait définitivement la formule.
Ce sommet s’est tenu du 26 août au 4 septembre 2002 en Afrique
du Sud, à Johannesburg, et il avait pour but de réaffirmer, au plus
haut niveau politique, l’engagement mondial envers le partenariat
Nord/Sud, en vue d’accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 21 afin
que les principes du développement durable soient respectés et
se traduisent par des résultats concrets. En souscrivant au Plan
d’application du Sommet mondial pour le développement durable,
les nations du monde se sont ainsi déclarées “résolues à donner suite
à tous les objectifs socio-économiques et environnementaux qui y sont
formulés, dans le respect des délais convenus”.
S
i ces délais s’expliquent par les vifs débats initiaux qui
entouraient la question - fallait-il miser sur des réductions
nettes des pays industrialisés ou sur la captation de carbone dans les pays en développement ; quels devaient être
les rôles respectifs des pouvoirs publics et des acteurs économiques privés, etc. –, ils sont aussi le résultat (faut-il le rappeler) de
l’obstruction mise en œuvre d’emblée par certains des principaux
émetteurs de gaz à effet de serre, au premier rang desquels les
Etats-Unis.
1. P
armi les deux autres conventions-cadres majeures de Rio : celle sur la biodiversité
et celle sur la désertification.
Entre Rio et Johannesburg, et toujours sous les auspices des
Nations Unies, les nations du monde se sont réunies à l’occasion
de plusieurs autres grandes conférences, comme la Conférence
internationale sur le financement du développement, qui ont contribué peu ou prou à définir une vision d’ensemble pour l’avenir de la
planète. Enfin, autour des concepts nouveaux désignés comme “Les
principes de Rio”, d’autres sommets et forums mondiaux les ont
encore suivis, tel le forum mondial sur le développement durable,
“Développement et changement climatique”, qui s’est tenu en novembre 2004 à l’OCDE.
A Montréal, en décembre 2005, la Conférence des Nations unies
sur les changements climatiques, s’est voulue plus ambitieuse que le
Protocole de Kyoto, qui pèche en effet par la modestie de ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi
par les marges de manœuvre trop lâches laissées aux principaux
pays pollueurs, qui leur permet de tirer avantage du marché du
carbone... C’est que, d’une part, la hausse des émissions enregistrées d’année en année dans le monde - en Inde et en Chine en
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Climat : de Rio à Bali
Un développement économique et social respectueux de l’environnement
Le développement durable (ou développement soutenable), selon la définition le plus souvent citée, est “un développement qui répond aux
besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.” Bien qu’étonnamment le terme
environnement n’apparaisse pas dans cette définition, il s’agit bien d’un processus socio-écologique qui vise la satisfaction des besoins
humains tout en préservant simultanément les milieux naturels. Cette relation entre environnement et développement a été reconnue
en 1980, quand l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature a publié sa Stratégie pour la Conservation Mondiale, et utilisé pour
la première fois le terme “sustainable development” (développement soutenable, ou durable). Ensuite, le concept est entré dans l’usage
courant en 1987 à la faveur de la publication du Rapport de la Commission Brundtland, la Commission mondiale sur l’environnement
et le développement.
Pour l’illustrer, le rapport avait encore cité le propos prêté à Antoine de Saint-Exupéry :
“Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants”. On sait ainsi
que l’empreinte écologique mondiale a déjà dépassé la capacité “biologique” de la Terre à se
reconstituer vers le milieu des années 1970. Pour bon nombre d’analystes et scientifiques, le
modèle de développement industriel n’est donc pas soutenable - donc insoutenable sur
le plan environnemental - car ne permettant pas un “développement” qui puisse durer.
Ecologique
Viable
Vivable
Durable
Social
équitable
économique
Le développement - qu’il soit industriel, agricole, ou encore urbain - génère en particulier
des pollutions massives, aux conséquences immédiates ou différées (exemples les mieux
Schéma du développement durable : à la
confluence des trois préoccupations, dites
connus : les retombées de pluies acides, les émissions de gaz CFC et à effet de serre), qui
“les trois piliers du développement durable”.
contribuent aux changements climatiques et au tarissement des ressources naturelles vitales
© Wikipédia / Johann Dréo
(comme la déforestation des forêts équatoriales). Il s’accompagne d’une perte inestimable en
termes de biodiversité par l’extinction accélérée - et irréversible - d’espèces végétales ou animales. Enfin, il conduit dans le même temps à
une raréfaction des énergies fossiles et des matières premières, qui rend déjà imminent le “pic pétrolier” et nous rapproche du tarissement
d’autres ressources naturelles plus essentielles encore, au premier rang desquelles l’eau potable, absolument vitale.
particulier – devenait tout à fait sans précédent. Et d’autre part,
grâce essentiellement aux rapports successifs du GIEC (le Groupe
intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat mis en place
en 1988), leurs effets sur le climat devenaient patents, s’annonçant
désormais dévastateurs partout : cyclones, inondations, sécheresses… A contrario, la Conférence de Nairobi, 12ème conférence des
Nations Unies sur le changement climatique, qui s’est tenue du 6
au 17 novembre 2006, ne débouchait à nouveau que sur de timides
mesures, mais au moins elle actait le principe d’ouvrir la révision
du Protocole de Kyoto en 2008.
La Conférence de Bali
Finalement, la 13ème Conférence des Parties à la Convention cadre
des Nations Unies sur les changements climatiques et la 3ème Réunion
des Parties au Protocole de Kyoto se sont donc tenues à Bali, en
Indonésie, du 3 au 15 décembre 2007. Au diapason de la sensibilisation mondiale devenue très vive2 , et après les piètres résultats
de Nairobi, ces réunions étaient attendues comme essentielles, les
négociateurs devant discuter, cette fois, de ce qui succéderait au
Protocole de Kyoto, dont la première période d’engagements prend
fin en 2012. Elles allaient déterminer rien moins que l’orientation
de la politique mondiale sur les changements climatiques pour les
années à venir.
Les discussions s’annonçaient complexes : elles devaient se dérouler au sein de plusieurs forums et mettre en présence un certain
nombre de groupes de négociation qui rassemblent les pays en
fonction d’intérêts communs. Les questions prioritaires inscrites à
l’ordre du jour incluaient notamment l’établissement du Calendrier
de Bali et d’un processus pour parvenir à un accord mondial fondé
sur le Protocole de Kyoto, la concrétisation de la mise en oeuvre
du Fonds d’adaptation, ainsi que des mesures visant à réduire la
déforestation dans les pays en développement afin de limiter les
émissions de gaz à effet de serre (lire en p. 10 et 11).
Quels résultats à Bali ?
Les pessimistes craignaient que les pays n’adoptent une approche
à court terme et continuent d’attendre que les autres fassent le
premier pas. Les optimistes espéraient eux que les délégués se
mettraient d’accord sur les éléments devant être négociés pour
doter le Protocole de Kyoto d’un successeur, les objectifs de réduction et de limitation des émissions de celui-ci ne s’étendant pas audelà de 2012. Le Calendrier de Bali qui a finalement été adopté (lire
en p. 5) établit en effet un calendrier de négociation de ce régime
post-2012, idéalement d’ici à 2009, date de la 15ème Conférence des
Parties à Copenhague, au Danemark.
Il aura fallu deux ans pour négocier le Protocole de Kyoto, de 1995 à
1997, lequel n’est entré en vigueur qu’en 2005. Les deux années de
négociations à venir seront donc déterminantes, car deux résultats
sont possibles à Copenhague... Soit, un accord équitable, responsable et maintenant adéquat, face à l’immense défi qui nous attend !
Soit, un accord incomplet et inadéquat qui ne préservera toujours
pas le système climatique mondial, ni les régions et les populations
les plus vulnérables à ses changements, au Sud comme au Nord...
Jean-Michel Corhay
2. A
Bali, le GIEC a ainsi informé les délégués des conclusions de son Quatrième rapport d’évaluation, dont le Résumé à l’intention des décideurs avait été publié en novembre 2007.
Cette synthèse des dernières analyses scientifiques et économiques des causes, de l’atténuation et de l’adaptation aux changements climatiques, en constitue l’évaluation
scientifique la plus complète à ce jour. Elle souligne la possibilité d’impacts irréversibles et de grande ampleur dûs à ces changements, et affirme la nécessité de prendre
des mesures immédiates. (www.ipcc.ch)
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© iisd.ca
Climat : Conférence de Bali
Soulagement après l’obtention du consensus. De gauche à droite : Yvo De Boer : Secrétaire UNFCCC (Convention Changements Climatiques);
Rachmat Witoelar, Ministre indonésien de l’environnement ; Richard Kinley, Vice-secrétaire UNFCCC.
La coopération belge parmi les
négociateurs du climat à Bali
La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui s’est tenue à Bali du 3 au 15
décembre 2007 a donné le coup d’envoi à deux années de négociations intensives et délicates. Selon
ce qu’il est désormais convenu d’appeler “La feuille de route de Bali”, les pays industrialisés devront
en premier lieu jeter les bases de nouvelles réductions des émissions. Mais le point le plus délicat sera
surtout de trouver un équilibre entre les efforts que les pays en développement auront eux aussi à
fournir à l’avenir, et l’aide qui leur sera accordée à cette fin par les pays industrialisés.
La délégation belge à Bali a joué un rôle décisif dans le cadre des négociations sur le fonds d’adaptation,
les transferts de technologie et la déforestation. Pour contribuer à la mise en pratique concrète de la
feuille de route de Bali, la coopération au développement belge doit maintenant relever le défi d’une
meilleure intégration de la dimension climatique aussi bien dans sa propre politique que sur le terrain.
La feuille de route de Bali
Depuis l’approbation, en 1992, de la convention des Nations
Unies sur les changements climatiques, la relation Nord-Sud est
une question épineuse dans le débat climatique multilatéral. Ceci
s’explique entre autres par le constat du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) selon lequel, si
les causes du changement climatique émanent essentiellement du
Nord industrialisé, ses conséquences touchent en premier lieu les
communautés vulnérables du Sud. Le principe dérivé des responsabilités communes mais différenciées constitue désormais une donnée
incontournable dans les négociations climatiques.
C’est aussi la raison pour laquelle, dans le cadre du Protocole de Kyoto,
seuls les pays industrialisés se sont vu décerner des objectifs contraignants en termes de réduction des gaz à effet de serre et que la
coopération internationale a été appelée à soutenir les pays en développement dans leurs propres efforts de réduction des émissions et
d’adaptation aux effets du changement climatique.
Mais le monde a changé depuis 1992. Le développement économique
de pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil s’est caractérisé
par une considérable hausse des émissions de gaz à effet de serre. De
récentes études scientifiques démontrent en effet que la réduction
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© birdlife.org
Climat : Conférence de Bali
développement se sont maintenant aussi
engagés à “ mettre en place des actions
nationales de réduction des émissions de gaz
à effet de serre appropriées, mesurables et
vérifiables, pour lesquelles ils bénéficieront
d’un soutien sous forme de transferts de technologie et de nouvelles mesures de financement et de développement des capacités ”. Il
convient dès lors de dégager des moyens
suffisants pour orienter la croissance économique des pays en développement dans
une perspective de “sobriété en carbone”.
Or, il est clair que la majorité de ces
moyens devra émaner d’investisseurs privés et que le “marché du carbone” créé
par le Protocole de Kyoto sera un élémentclé à cet égard. Les pays industrialisés et
les entreprises de ces pays y sont incités
à investir dans les pays en développement
via le Mécanisme de développement propre
(MDP). Ce marché n’étant toutefois pas
en mesure de tout résoudre, les gouvernements auront certainement eux aussi
un rôle important à jouer. L’intégration du
La déforestation joue elle aussi un rôle important dans les émissions de CO2
changement climatique dans la coopérades émissions dans les pays industrialisés est à elle seule insuffisante
tion au développement est une condition sine qua non pour mettre les
pour éviter le dangereux changement climatique. Les pays émergents
pays en développement sur la voie d’un avenir sobre en carbone : elle
devront donc contribuer aux efforts visant à prévenir l’impact désasautorisera une augmentation de l’appui financier accordé aux pays en
treux pour les pays les plus vulnérables. Leur contribution constituait,
développement, ainsi que la mise en place d’un climat d’investissement
avec la participation des Etats-Unis au futur
plus favorable et d’un cadre approprié au
régime climatique, le principal défi pour la Le Fonds d’adaptation a été rendu transfert de technologies durables.
opérationnel le 10 décembre à
Conférence de Bali.
La déforestation joue elle aussi un rôle impor-
Bali. Pour l’Union européenne
La bonne issue des négociations n’a d’ailleurs
tant dans les émissions de carbone. Un accord
les pourparlers ont été menés
tenu qu’à un fil et la conférence, qui devait
s’est dégagé à Bali à ce sujet (voir p. 10). Les
par notre concitoyen et membre négociateurs belges ont en effet oeuvré avec
normalement se clôturer le vendredi soir à
de la DGCD, Jos Buys. Ce
18h00, a dû être prolongée d’un jour, comme
succès pour l’intégration dans cet accord non
dernier
a obtenu cette année le
il n’y avait toujours pas d’accord sur ce point
seulement du thème de la déforestation “Montreal Protocol Implementers
comme entre autres au Brésil et en Indonésie
crucial. Alors que des dissensions au premier
Award” en récompense de son
-, mais aussi des problématiques de la dégraabord insurmontables et un déchaînement
apport constructif dans les
dation et de la gestion durable des forêts,
d’émotions semblaient l’emporter lors de
négociations pour la signature
particulièrement pertinentes pour les zones
cette ultime journée, les Etats-Unis ont fini
il y a vingt ans du Protocole de
forestières du bassin du Congo.
par lever leurs objections à un projet de
Montréal sur les substances qui
texte présenté à la dernière minute par
Adaptation aux effets du changement
détruisent la couche d’ozone.
l’Inde, donnant ainsi le coup d’envoi à deux
climatique
années de négociations intensives et délicates,
Un deuxième axe particulièrement important
dénommées la “feuille de route de Bali”. Cette dernière doit déboucher,
pour les pays en développement est l’adaptation aux effets du chand’ici fin 2009, sur un régime climatique global très complet. La feuille
gement climatique. Ce sont en fin de compte en effet eux qui sont
de route de Bali se décline en 4 axes: réduction des émissions de
touchés le plus directement par le changement climatique et qui ont le
gaz à effet de serre, adaptation aux effets du changement
moins les capacités de faire face à ses effets. C’est dès lors à la demande
climatique, transferts de technologie et mécanismes de
des pays en développement que “l’adaptation” se verra accorder une
financement.
plus grande priorité dans le régime climatique post-2012, et qu’une
Réduction des émissions de gaz à effet de serre
Les pays industrialisés ayant ratifié le Protocole de Kyoto continueront
dans cette voie, tandis que les Etats-Unis s’engagent - pour la première
fois depuis le refus du Président Bush d’approuver Kyoto - à discuter de réductions équivalentes de leurs émissions. Mais les pays en
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DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008
attention spéciale y sera portée “aux pays les moins avancés et aux petit
Etats insulaires ainsi qu’aux besoins spécifiques des pays africains touchés
par la sécheresse, la désertification et les inondations”. Cette adaptation
doit être rendue possible par l’intégration du changement climatique
dans les plans de développement nationaux, entre autres. Mais comme
Climat : Conférence de Bali
elle varie selon le secteur et la région, il ne saurait toutefois être question d’une approche généralisée.
selon le rapport Stern), le montant requis est encore assez limité.
Comme convenu explicitement à Bali, il est essentiel de réaffecter les
flux d’investissement existants et de rechercher de nouvelles pistes de
financement.
Une lueur d’espoir a été apportée à Bali par la conclusion réussie des
négociations relatives au fonctionnement du Fonds d’adaptation. Ce
fonds sera financé à partir de 2008 par la taxation des crédits MDP et
doit permettre de financer dans les années à venir des projets d’adaptation concrets, dans l’attente d’un cadre pour le long terme.
Tels sont les axes prioritaires de la feuille de route de Bali. Deux ans
de négociations intensives doivent déboucher, en 2009, sur un régime
climatique équilibré et juste pour l’après-2012. Et si les difficultés qui
ont ponctué l’adoption de la “feuille de route de Bali” ne sont probablement qu’un avant-goût de ce qui nous attend pendant ces deux années,
le sentiment dominant est malgré tout qu’elles orienteront la communauté internationale dans la bonne voie.
n
Geert Fremout, SPF Environnement,
Service Changement climatique
Technologie et financement
La technologie et le financement sont deux leviers importants pour la
réalisation, dans les pays en développement, des objectifs en matière
de réduction des émissions et d’adaptation. Les pays en développement de leur côté insistent sur les transferts de technologie et sur
les barrières financières qui en empêchent la réalisation, tandis que
les pays industrialisés appellent l’attention sur les conditions annexes
locales appropriées (“l’environnement porteur”) nécessaires à l’apport
d’investissements et au développement de technologies existantes et
nouvelles. La déclinaison concrète - aussi à plus long terme - sera basée
sur l’expertise accumulée ces six dernières années au sein du Groupe
d’experts sur les transferts de technologie, un organe de la Convention sur
les changements climatiques spécialement institué à cet effet.
Séminaire international sur l’impact
des changements climatiques dans les
politiques de développement.
Ce séminaire aura lieu le 7 mars 2008 à Bruxelles. Il y sera
d’abord question de l’impact des changements climatiques dans la
coopération au développement actuelle. Sur cette base seront formulées des options politiques pour le futur. Le séminaire est une
initiative du Ministre de la coopération au développement, Charles
Michel, et sera organisé en collaboration avec le Conseil Fédéral
du Développement Durable.
Le financement est le dernier pilier de l’ensemble. La réduction des
émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux effets du changement climatique requièrent un financement important, et en tout cas
supérieur à celui octroyé actuellement dans le contexte de la politique
climatique. Si on le compare toutefois aux projections du PNB mondial
(0,3-0,5 %) ou aux dommages évités (de 5% à 20 % du PNB mondial
Que fait la coopération belge ?
La DGCD joue un rôle actif aux Conférences des parties (COP) de la Convention sur les changements climatiques et de son Protocole
de Kyoto. En effet, si la délégation belge relève du SPF Environnement, c’est la DGCD qui se charge de toutes les tâches relatives à la
coopération au développement.
Une première de ces tâches comprend les matières financières en relation avec le Fonds pour l’environnement mondial GEF (Global
Environmental Facility), le programme de co-financement de la Banque mondiale, qui a pour responsabilité de réunir de nouveaux fonds
supplémentaires pour l’environnement mondial. Quatre thèmes centraux ont été retenus à l’origine : la diminution des risques du changement climatique, la préservation de la biodiversité, la lutte contre la pollution des eaux internationales et la protection de la couche
d’ozone. A ceux-ci se sont ajoutés, en 2002, la lutte contre la dégradation des sols par la désertification et/ou la déforestation, et l’élimination des polluants organiques persistants (POP). La Belgique participe à ce fonds multilatéral avec une contribution annuelle de 12,5
millions EUR, dont environ un troisième est consacré au changement climatique.
Plusieurs fonds ont de plus été spécialement mis en place pour les pays en développement dans le cadre de la Convention sur les
changements climatiques : le Fonds pour les pays les moins avancés LDCF (Least Developed Countries Fund), qui soutient les PMA dans la
réalisation de leur Programme d’action national d’adaptation (NAPA, National Adaptation Programme of Action) et le Fonds spécial pour les
changements climatiques (SCCF, Special Climate Change Fund) pour l’exécution de ces programmes d’adaptation. Lors de la COP 13 à Bali,
un accord a aussi été atteint sur le fonctionnement du Fonds d’adaptation sous le Protocole de Kyoto, grâce entre autres aux négociations
intenses dirigées par le représentant belge de la DGCD.
Les services multilatéraux de la DGCD suivent d’autre part aussi le fonctionnement et le budget du secrétariat de la Convention sur les
changements climatiques. Des thèmes tels que le développement des capacités et le transfert de technologie devraient y occuper une
place plus importante. Une percée a toutefois été réalisée en ce qui concerne l’attention à accorder à la “déforestation évitée”, en premier
lieu en RD Congo, par les canaux bilatéraux et multilatéraux. Ce domaine d’action sera encore étendu à l’avenir.
Enfin, la DGCD a l’intention de recourir à un “Toolkit pour l’environnement” pour rendre un grand nombre de ses projets “sobres en carbone”
et intégrer les principes de la Convention de Rio (sur le climat, la biodiversité et la désertification) dans ses actions.
Patrick Hollebosch
DGCD, Fonds et programmes sectoriels environnement
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Climat : Interview
La dette climatique
des pays industrialisés
envers le Sud,
Interview avec Jean-Pascal van Ypersele
© Frédérique Deleuze / UCL
J-P. van Ypersele est professeur de climatologie et de
sciences de l’environnement à l’UCL. Il représente
les services fédéraux de la politique scientifique
lors de nombreuses conférences internationales sur
les changements climatiques, notamment celles
du GIEC et de la Convention climat. Nous l’avons
rencontré...
Les changements climatiques pourraient-ils avoir un impact
significatif sur la production alimentaire et les réserves de
nourriture ? Et toucheraient au premier chef les pays du Sud ?
C’est vrai. C’est le paradoxe des changements climatiques : les pays les
moins responsables vont être les “premières” victimes. J’hésite entre
les termes “premières” ou “principales” victimes qui pourraient donner
l’impression qu’il n’y aura pas de victimes dans les pays développés. Le
dernier rapport du GIEC souligne que les changements climatiques
entraveront la réalisation des Objectifs du Millénaire à moyen et à long
terme. Outre l’augmentation du prix de l’énergie, les difficultés liées aux
changements climatiques dans l’approvisionnement en eau d’une part
et dans l’agriculture d’autre part, vont contribuer à faire monter le prix
de la nourriture, précariser l’agriculture dans certaines régions, et donc
fragiliser la sécurité alimentaire.
On n’a pas idée de ce que va représenter dans certaines régions spécifiques la fonte des glaciers. Sur les contreforts de l’Himalaya, les glaciers
sont les réservoirs d’eau. Les glaciers fondent pendant la période sèche
et alimentent des cours d’eau importants comme le Gange, essentiel
à la vie de centaines de millions d’Indiens. Si ces glaciers disparaissent
suite au réchauffement, il n’y aura plus d’eau que lors des pluies, ce sera
une catastrophe !
Et cela pourrait mener à des conflits, des immigrations
massives ?
Difficile de faire des prévisions d’autant plus que ces phénomènes sont
causés par un ensemble de facteurs. Mais les changements climatiques
vont probablement aggraver les raisons d’émigrer. Prenons la partie
fertile du delta du Nil, à moins d’un mètre au dessus du niveau de la
Méditerranée, où vivent 10 millions de personnes. Si le niveau de la
mer monte ne fut-ce que de 50 cm, chiffre tout à fait raisonnable d’ici
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DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008
la fin du siècle, on peut estimer que 5 millions d’individus vont devoir se
déplacer. Pour aller où ? Pas dans le désert…
Vous êtes de ceux qui estimez que les pays industrialisés ont
contracté une “dette climatique” envers les pays du Sud.
Que voulez-vous dire par là ?
On entend parfois dire : “Bientôt les pays en développement vont émettre
plus que les pays développés et la responsabilité va basculer”. C’est une
analyse erronée parce que le CO2 reste une centaine d’années dans
l’atmosphère. Un grande part du CO2 que nous avons dégagé depuis
la révolution industrielle, donc depuis environ 200 ans, est toujours là.
Le total accumulé, le supplément de CO2 actuel dans l’atmosphère, est
grosso modo à 80 % originaire des pays industrialisés. Même si, demain,
les pays en développement émettent autant, le rapport 80%-20% (qui
mesure la responsabilité historique des pays développés) ne variera que
très légèrement au cours des 40 ans à venir. D’où la “dette climatique”…
Et il faut également tenir compte des différences de populations et
noter que ces 80 % du CO2 accumulé viennent des pays développés
qui ne représentent que 1/5è ou 1/6è de la population mondiale ! Même
si le Sud émettait autant que le Nord, les émissions seraient 5 fois plus
importantes per capita dans les pays développés ! Les Etats-Unis disent :
“On réduira nos émissions quand la Chine les réduira”. C’est insensé ! Les
Chinois émettent par habitant 6-7 fois moins qu’un Américain…
Comment pourrait-on s’acquitter équitablement de cette
“dette climatique”?
Je vois trois façons de payer cette dette. D’abord, en étant pénétré du
principe de responsabilités communes mais différenciées qui est le principe de base de la Convention sur les changements climatiques. Tous ceux
qui ont ratifié la Convention, y compris les Etats-Unis, reconnaissent avoir
un rôle dans la perturbation du climat, mais à des degrés différents. Le
Climat : Interview
principal effort de réduction des gaz à effet de serre repose sur les pays
développés, en termes de responsabilité morale. A partir de ce principe,
les pollueurs peuvent décider d’utiliser volontairement des systèmes de
compensation. Il existe des sociétés sérieuses en Belgique qui proposent
à des entreprises ou des individus d’acheter des tonnes de CO2 pour
compenser les émissions qu’ils n’ont pas réussi à réduire en finançant avec
cet argent des projets dans les pays en développement.
Ensuite, il convient de participer à l’adaptation des pays en développement. à la partie des dégâts qu’on ne pourra pas éviter par la prévention.
Imaginons que les ressources en eau d’une ville du Sud fassent défaut
à cause de la fonte des glaciers, il conviendra de participer aux frais du
barrage ou du dessalement de l’eau de mer. Si l’une des causes de la
nécessité de cet investissement provient de l’action des pays industrialisés, il est logique que ce soient les responsables qui paient !
De tels programmes d’adaptation ont-ils déjà été discutés ?
Pourraient-ils être mis en oeuvre par la coopération au
développement ?
Oui, on commence à en parler. Mais je pense qu’en termes de budget,
cela dépasserait celui de la coopération. Il y a un programme de travail
sur l’adaptation, “The Nairobi Work Programme on Adaptation”, qui n’en
est qu’à ses balbutiements. Mais il n’existe pas d’obligations contraignantes
qui obligeraient les pays industrialisés à appliquer à l’échelle de la planète
un principe déjà utilisé chez nous : celui du “pollueur-payeur”. Ce principe
est entré dans les habitudes et la législation au cours de ces 30 dernières
années ; pourquoi ne serait-il pas appliqué au niveau international? Une
des raisons est probablement l’ampleur des montants à considérer. Kyoto
prévoit aussi le Mécanisme de développement propre. L’inconvénient,
c’est qu’il permet aux pays développés de polluer d’avantage.
S’il est vrai que l’on veut “développer le monde”, mais qu’il est
en même temps inconcevable que tout le monde consomme
à la manière d’un occidental, exporter notre modèle de
développement n’est pas viable pour la planète. Quelles sont
les alternatives ?
Effectivement. On se rend compte qu’on ne peut continuer de cette
façon. Il faut prendre en compte les conséquences à long terme des
choix d’aujourd’hui et agir de manière à satisfaire les besoins fondamentaux d’une grande partie de la population tout en préservant les
ressources naturelles pour les générations futures. C’est la définition du
développement durable. Et de plus en plus, dans les pays développés,
on comprend qu’il est possible de découpler la croissance économique
des émissions de CO2 ; d’avoir de la chaleur, de la lumière, de se déplacer sans continuer à promouvoir le gaspillage des moyens polluants.
L’exemple du pétrole est clair : c’était insensé d’avoir le litre de mazout
à 25 cents. On a basé notre modèle sur la consommation massive et le
gaspillage des énergies, on a construit des bâtiments mal isolés… (Il se
retourne vers la fenêtre du café de Louvain-la-Neuve dans lequel il est assis.)
Regardez, ce n’est même pas du double vitrage! Il faut revoir la manière
dont on construit, rénove, habite, se déplace. On n’aura pas le choix,
notamment parce que le prix de l’énergie va être élevé. La meilleure
chose qu’on puisse faire pour les pays en développement, c’est changer
le plus vite possible chez nous. Il faut montrer que ces changements
sont bénéfiques, non seulement en termes de réduction de CO2, mais
aussi de diminution de la demande d’énergie, d’amélioration de la qualité
de l’air et de l’eau ; et donc, indirectement, qu’ils profitent à l’économie
et la santé publique. Ce qui devrait intéresser les décideurs politiques
des pays en développement.
Comment la coopération au développement doit-elle intégrer
cette question dans ses programmes, à court et à long terme ?
Il faudrait que des personnes spécialisées se posent la question en
amont des projets de coopération. Je ne connais pas bien l’organisation
de la coopération au développement, mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas
encore eu assez d’analyse de la composante “changements climatiques”
dans l’ensemble de ses activités. C’est sans doute en partie un problème
de manque de moyens humains1 . Partout, il faudrait former et éduquer
à la problématique du climat.
Mais n’existe-t-il pas des domaines plus urgents pour la
coopération?
Oui, mais si le rapport du GIEC estime que la réalisation des Objectifs du
Millénaire est mise à mal par les changements climatiques, il y a urgence
à se poser des questions. Une analyse de la Banque mondiale2 a démontré que près du quart de ses projets était menacé par les changements
climatiques, et une étude de l’OCDE a montré que cette part pouvait
atteindre 65% dans certaines régions. Mais on en a peu conscience et on
continue à faire ces investissements sans prendre en compte les changements climatiques. Imaginons un beau projet de reboisement qui est mis
en œuvre avec des espèces d’arbres qui dans trente ans ne conviendront
plus au climat, ou de l’adduction d’eau au Pérou à partir des fontes du
glacier, sans tenir compte qu’il aura disparu dans 20 ans...
La lutte contre le changement climatique va-t-elle dans le sens
des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ?
Pas automatiquement. On peut par exemple imaginer réduire le
changement climatique par la plantation de monocultures d’arbres qui
poussent vite mais qui bénéficient peu aux populations locales. Mais je
crois qu’il y a moyen - et qu’il faut le faire - d’allier la recherche de la
réalisation des OMD à celle d’un développement durable et de la lutte
contre les changements climatiques. C’est d’ailleurs le sujet du prochain
rapport annuel de la Banque Mondiale.
n
Propos recueillis par Elise Pirsoul
Pour en savoir plus :
• “ Changements climatiques, impasses et perspectives – Points de vue
du Sud”, Alternatives Sud, éd. Syllepse, (avec la collaboration de
J-P. van Ypersele), 2006 Cetri (www.cetri.be)
•En avril 2008, devrait paraître une analyse de la Banque
mondiale sur les changements climatiques : “Global Monitoring
Report 2008: MDGs and Climate Change: Accelerating and
Sustaining Development”
•La version intégrale de cet interview se trouvera bientôt sur le
site www.dgcd.be
1. Effectivement, à la DGCD, seulement 2 personnes sont chargées d’intégrer la composante “changement climatique” dans l’ensemble des projets de développements,
et elles ont également en charge la biodiversité, la désertification, l’ozone, le GEF… A titre de comparaison, pour la coopération hollandaise, 10 personnes travaillent
uniquement sur les changements climatiques ; 20 personnes en Angleterre…
2. La Banque Mondiale (2006) estime que 25% de ses projets sont exposés à des risques climatiques sérieux. D’après une enquête conduite dans 6 pays, l’OCDE (2005)
soutient que le réchauffement climatique pourrait affecter négativement de 12 % (en Tanzanie) jusqu’à 65 % (au Népal) de son aide au développement.
http://www.inwent.org/ez/articles/061215/index.en.shtml
DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008
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© WWF
Climat et forêts
La survie de millions de
personnes des pays en
développement dépend
directement des forêts tropicales.
Celles-ci sont aussi une source
inestimable de biodiversité et
elles contribuent à la stabilisation
mondiale du climat. Les pays
qui préservent leurs forêts
tropicales fournissent donc un
service important au monde qui
mériterait compensation. Reste à
trouver comment mettre un tel
système en pratique. Un débat
qu’a ouvert la coopération belge
au développement…
Comment récompenser la conservation
des forêts dans les pays en développement ?
C
e débat sur la “déforestation évitée” - la lutte consciente
contre la déforestation en tant que service au monde - a
été organisé dans le cadre des Journées européennes du
développement (voir p.11) et s’est concentré sur la situation
en RD Congo. L’argumentation à la base de cette décision était la suivante : 1) les forêts équatoriales de la RD Congo représentent 60% de la
totalité des forêts tropicales du bassin du Congo, le “deuxième poumon”
de la planète ; 2) ces forêts contribuent à la subsistance de plus de 40
millions de Congolais ; 3) après des années de conflit, la reconstruction
actuelle du pays est la clé d’une paix durable et d’une amélioration des
conditions de vie des Congolais. En même temps, la multiplication du
commerce et des transports comportent aussi des risques pour les
forêts et la biodiversité, du fait de l’incitation à l’abattage et des nouvelles affectations des terres. Ci-dessous, un aperçu des grandes lignes
définies par le panel, ainsi que des conclusions relatives à la conservation
des forêts de la Conférence sur les changements climatiques de Bali, qui
s’est tenue environ un mois plus tard.
Le Protocole de Kyoto
La déforestation et la dégradation des forêts dans les pays en
développement sont responsables d’environ 20% des émissions
mondiales de CO2 , soit plus que l’ensemble des émissions du transport routier de par le monde. Et pourtant, la conservation des
forêts n’a pas été reprise dans le Protocole de Kyoto I. La raison en
est, entre autres, que la conservation des forêts ne peut répondre
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DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008
aux critères très stricts établis pour les projets Kyoto I. Ainsi, il y
est exigé que la réduction des émissions de CO2 d’un projet déterminé ne peut être neutralisée par une augmentation des émissions
ailleurs (“leakage”). La réduction des émissions doit aussi être permanente (“permanence”). Or, personne ne peut garantir que jamais
un feu de forêt ne se déclarera.
De l’avis des membres du panel, le Protocole de Kyoto constitue toutefois
de toute évidence l’outil idéal pour mettre en place un système de
compensation pour la “déforestation évitée”. Dans le cadre de Kyoto I, les
pays riches se sont en effet engagés à réduire leurs émissions de CO2. Et
s’ils ne peuvent tenir leurs promesses dans leur propre pays, ils peuvent
financer des projets de réduction des émissions de CO2 dans les pays
en développement. Pour chaque tonne de CO2 non émise, le pays riche
paie un montant déterminé, un “crédit de carbone”. Si la conservation des
forêts était reprise dans Kyoto II, cela dégagerait donc des fonds considérables. Heureusement, la conférence de Bali a réalisé une percée et
la conservation des forêts figurera à l’agenda de l’accord post-Kyoto (à
partir de 2012). Le système basé sur le fonctionnement du marché qui
est en cours d’élaboration devrait en outre rendre la conservation des
forêts économiquement plus intéressante que leur abattage.
Un besoin urgent de fonds
Mais pendant les 4 années qui nous séparent encore de 2012, la
déforestation peut continuer à occasionner des dégâts. Où donc
trouver les fonds nécessaires dès aujourd’hui?
Climat et forêts
Les journées européennes du
développement: les forêts congolaises
sous les projecteurs sur le stand belge
Le secteur privé de son côté est aussi disposé à avancer des fonds.
A l’étranger en particulier, des entreprises s’efforcent déjà volontairement - en dehors donc du Protocole de Kyoto - de réduire leurs
émissions de CO2 , et elles sont disposées à soutenir des projets
étrangers à cet effet. Le représentant de CO2logic a souligné que le
marché bénévole s’est déjà constitué une expérience en termes de
projets forestiers bien avant le marché officiel. Avec son entreprise, il aide d’autres entreprises à réduire leurs émissions de CO2 .
Le nœud du problème
Avant de pouvoir intégrer la “déforestation évitée” dans Kyoto II,
il convient toutefois d’abord de trouver une issue à la question
des critères. Et cela est tout à fait possible. Ainsi, Christian Van
Orshoven (SPF Environnement) estime que le contrôle ne doit pas
s’effectuer au niveau des projets. Les pays doivent porter eux-mêmes la responsabilité des mesures de leurs émissions de CO2 , afin
d’éviter que cela devienne l’occasion de polluer d’avantage ailleurs
dans le pays. Une approche nationale offre aussi des garanties
pour la permanence, puisque les pays sont alors évalués dans leur
totalité. Enfin, cela permettrait aussi de prendre en compte les
éventuels incendies de forêt.
Un autre point sensible est l’estimation correcte du nombre
d’arbres épargnés et de la réduction des émissions de CO2 qui en
résulte. Vincent Kasulu (point focal Kyoto, RD Congo) a trouvé
inacceptable que cette estimation soit basée sur le taux de déforestation atteint dans le passé, puisque cela signifierait que les mauvais élèves - ceux qui ont le plus abattu de forêts - seraient les plus
avantagés ! Ainsi, le taux de déforestation en Malaisie est si élevé
que seules subsistent des forêts dans les hautes terres peu accessibles. Il n’est par conséquent pratiquement plus possible de continuer à déforester dans ce pays. Or, si les compensations étaient
calculées sur base du passé, la Malaisie serait en fait récompensée
de n’avoir fourni aucun effort. Pour des pays comme la RD Congo
où le taux de déforestation est resté faible, il serait plus juste de
tenir compte de l’avenir : quel aurait été le taux de déforestation
si le pays avait continué à se développer normalement - sans compensation ? M. Van Orshoven a proposé de calculer les émissions
évitées de CO2 pour chaque pays individuellement, cette méthode
permettant de tenir compte des circonstances locales.
Enfin, tous les participants ont estimé essentiel que les compensations profitent réellement à la population locale. La déforestation est en grande partie le résultat des besoins de bois de feu ou
de charbon de bois, et de la pratique agricole. Les fonds doivent
donc permettre de mettre au point des alternatives à même de
réduire la pression sur les forêts. Geert Lejeune (WWF) a ainsi
proposé d’apprendre aux populations à ne pas abattre tous les
arbres pour produire du bois de feu, mais à recourir à un système
de rotation.
© CTB / J. Leduc
Walter Kennes (CE) a annoncé que l’UE lance une alliance pour
aider les pays en développement les plus touchés par le changement climatique. Celle-ci devrait aussi produire des fonds pour la
conservation des forêts. A Bali, la Banque mondiale a d’autre part
proposé la création d’un fonds de 300 millions USD en vue de stimuler la conservation des forêts. Une trentaine de pays ont d’ores
et déjà manifesté leur intérêt pour cette initiative.
A l’avant-plan, de gauche à droite : Peter Moors, Directeur général de
la DGCD; Louis Michel, Commissaire européen pour le développement
et l’aide humanitaire; Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’ONU
et Président du “ Global Humanitarian Forum ”; et Eddy Nierynck,
responsable DGCD pour la RD Congo.
La présence de la coopération au développement belge aux
Journées européennes du développement à Lisbonne (7-9 novembre 2007) n’est pas passée inaperçue: aussi bien le stand général
que celui dédié aux forêts congolaises ont attiré beaucoup d’attention (voir photo).
Le thème de cette année était : “Climat et développement : quels
changements?”. Une question à laquelle les participants ont tenté
de répondre. Les pays les plus démunis étant les plus directement
touchés par le changement climatique, il est urgent de réunir les
fonds nécessaires si nous souhaitons atteindre les objectifs du
Millénaire. De là la proposition de Louis Michel de constituer un
“ emprunt mondial ”, qui serait progressivement remboursé par
les pays les plus riches.
Les Journées européennes du développement sont une initiative
de la Commission européenne. Elles ont pour but de réunir autant
que possible de professionnels de la coopération au développement, aussi bien au sein de l’UE que dans les pays partenaires, en
vue de rendre la coopération au développement européenne plus
efficace.
Pour plus d’informations: www.eudevdays.be
Les aspirations exprimées lors du débat ont heureusement été
prises en compte assez favorablement à Bali. Il a ainsi été convenu
de mettre en place, à partir d’aujourd’hui et jusqu’en 2009, des
projets pilotes de lutte contre la déforestation. Une méthodologie
sera d’autre part aussi élaborée pour calculer, entre autres, les
émissions de CO2 , et déterminer ainsi ce qui fonctionne et ce qui
ne fonctionne pas. Les participants espèrent être prêts, d’ici 2012,
à inclure la conservation des forêts comme partie intégrante de la
politique climatique mondiale, en ce compris une réglementation
financière pour la “déforestation évitée”. Mais les pays riches ne
doivent pas se retrancher derrière leurs compensations de “déforestation évitée” : bien au contraire, ils doivent continuer à s’engager
n
pour réduire leurs émissions nationales de CO2 !
Chris Simoens
DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008
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